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Psychosociologie de la communication

Notes de cours à l’intention des étudiants de


Deuxième Licence (LMD) en Communications sociales

(Chapitre III et chapitre IV)

Chapitre III : LE PROCESSUS DU GROUPE ET DE LA


COMMUNICATION

La notion de groupe désigne le lieu par excellence où se joue l’articulation entre l’individuel et
le collectif, où se définit le sentiment d’appartenance et d’exclusion, où s’élabore l’identité.
Dans l’expérience de chacun, le groupe appartient à un des premiers horizons sociaux du point
de vue de son intégration sociale et de son lien avec autrui. L’examen de son fonctionnement
permettra d’appréhender un ensemble de processus qui se retrouvent par ailleurs dans la vie
sociale.

Cela étant, nous présenterons, tour à tour, la notion même de groupe avec ses définitions et ses
classifications ; ensuite, les approches sur lesquelles se fondent les recherches, les notions de
leadership.

III. 1. Éléments de définition

S’il est si difficile de définir ce qu’est groupe, c’est parce que ce n’est pas un simple concept mais une
notion. Nombreux chercheurs se sont référés le plus souvent pour le définir aux individus qui le
composent (cohésion de groupe, travail en groupe) et à leurs interactions (influence du groupe) ou aux
mécanismes qui régissent leurs relations (relations intergroupes), etc. De là, plusieurs définitions du
groupe existent, chaque mouvement théorique lui ajoutant des caractéristiques qui lui semblent
importantes. Ainsi, à un extrême, on pourrait dire qu’un groupe existe à partir du moment où deux
personnes sont présentes. Mais deux personnes ne font pas forcément un groupe, encore faut-il qu’il se
passe certaines choses : un but commun et/ un minimum d’interactions.

- Charles Horton Cooley (1864-1929) a été l’un des premiers à introduire en 19O9 le
concept de groupe en le définissant par les relations directes, les rapports personnels et
par le fort sentiment de cohésion qui s’y manifeste ;
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- George Caspar Homans (1910–1989) a défini dans les années 1950 le groupe comme
un certain nombre de personnes qui communiquent entre elles pendant une certaine
période et assez peu nombreuses pour que chacune puisse communiquer avec toutes les
autres, non pas par personne interposée, mais face à face » ;
- Kelley et Thibault (1959) considèrent qu’un ensemble d’individus devient un groupe
dans la mesure où les membres acceptent une tâche commune, deviennent
interdépendants et interagissent pour la réaliser ;
- Mc David et Harari (1968) définissent le groupe comme étant un système organisé
composé de deux individus ou plus, qui sont interdépendants de sorte que le système
accomplit une certaine fonction, possède un ensemble de rôles qui lie ses membres, ainsi
qu’un système de normes qui régissent le fonctionnement du groupe et celui de chacun
de ses membres.
- Pour les tenants de la théorie de l’identité sociale, un groupe social existe lorsque les
individus qui le forment se définissent eux-mêmes comme ses membres. Il faut donc se
reconnaître comme membre d’un groupe pour qu’il existe.
- Enfin le groupe peut aussi être défini comme la stabilisation, l’organisation, la
régulation des relations entre ses membres par le développement d’un système de rôles
et de statuts différents et par le partage des normes et valeurs sociales prescrivant les
croyances, attitudes et comportements.

Parmi les diverses définitions du groupe, cinq éléments se distinguent.

1. La taille minimale d’un groupe doit être telle que le nombre de relations
interindividuelles entre les membres soit supérieur au nombre de ses membres, c’est-à-
dire trois.
2. Il n’y a groupe que si les membres du groupe interagissent entre eux et s’influencent
mutuellement ;
3. Le groupe est un ensemble d’individus qui sont interdépendants les uns les autres ;
4. Le groupe social existe lorsque les individus qui le forment se disent eux-mêmes
membres du groupe ;
5. Le groupe est la stabilisation, l’organisation, la régulation des relations entre ses
membres pour le développement d’un système de rôles et de statuts différents et par le
partage des normes et des valeurs sociales prescrivant les croyances, les attitudes et les
comportements.
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Ces différentes approches nous permettent de donner la définition suivante : un groupe est une entité
sociale identifiable et structurée, caractérisée par un nombre restreint de personnes liées entre elles par
des activités soit communes, soit interdépendantes et qui développent des interactions déterminées par
des normes de conduites et des valeurs communes, dans la poursuite de leurs objectifs.

III. 2. Variétés et structure des groupes

Parlant de la structure, le groupe social n’est pas qu’une juxtaposition d’individus. Des relations entre
les membres existent qui sont rarement symétriques et qui définissent le rôle et le statut de chacun au
sein du groupe. Toutefois, les groupes varient selon leur degré d’organisation et de formalisation.
Certains groupes sont dits « informels » car les relations entre les membres ne font l’objet de règles
explicites mais implicites (le groupe d’amis, le groupe de travail), d’autres dits formels cat plus ou moins
imposés de l’extérieur et régis par un ensemble de règles précises, tels les règlements (par exemple
l’entreprise, l’armée).

La structure d’un groupe est également importante pour repérer et comprendre le système des
communications au sein du groupe lui-même lié aux statuts et aux rôles de chacun dans le groupe :

- Le groupe d’appartenance (ou informel) est le groupe dont chaque personne fait partie
à un moment donné (famille, amis, etc.) ;
- Le groupe de référence est le groupe auquel l’individu aimerait appartenir (Plus tard,
j’aimerais être journaliste) ;
- Le groupe de travail (ou formel) est un ensemble de personnes qui poursuivent un
objectif commun (groupe de 3 à 15 personnes préparant un exposé universitaire par
exemple) ;
- Les catégories sociales sont un ensemble, assez large en général, de personnes qui
partagent une même caractéristique commune (les Congolais, les jeunes, les femmes,
les Francophones, les hommes, etc.) ;
- La culture est un large ensemble de personnes vivant à proximité les unes des autres et
partageant les mêmes valeurs, la même langue, la même religion, etc.) ;
- La foule est un nombre important de personnes se trouvant en un même lieu pour la
même raison (manifestation, concert, etc.). Elle se caractérise par un degré faible
d’organisation ;
- On parle de bande quand à la fois le degré d’organisation et le nombre de personnes
sont faibles.
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III. 3. Les fonctions du groupe

Le groupe peut servir plusieurs fonctions :

- La survie : appartenir à un groupe rend plus fort, aide à survivre dans un environnement
complexe, permet de rencontrer des partenaires, facilite l’obtention de nourriture et
procure une sécurité.
- La socialisation : le groupe permet d’acquérir progressivement les normes, les valeurs
qui y ont cours et celles de la culture présente.
- L’apprentissage : par l’interaction avec les pairs, en particulier par les conflits sociaux
cognitifs et l’imitation, l’individu apprend à acquérir de nouveaux concepts.
- Le sentiment d’appartenance : appartenir à un groupe prévient la solitude dans la
mesure où la personne entretient des relations positives et durables avec d’autres
personnes.
- La réalisation d’objectifs : appartenir à un groupe aide à mener un certain nombre
d’objectifs dans la mesure où certaines choses ne peuvent être accomplies seul.
- La comparaison sociale : se comparer avec les autres membres du groupe peut rassurer
et réduire l’anxiété (lorsque l’individu se sent seul ou effrayé, il se tourne vers l’autre
ou les autres), améliorer l’estime de soi (comparaison descendante), apprendre à se
connaître comparaison latérale ou à s’améliorer (comparaison ascendante).
- L’identité sociale : le groupe permet d’atteindre et de maintenir une identité sociale
positive.
- Le support social : l’appartenance à un ou plusieurs groupes procure des sentiments
d’amour, d’intérêt, de valeur, etc.
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III. 3. Le leadership
Qui niera que Napoléon, Musolini, Jésus, les gourous, etc. ; ont été des leaders ? Pourtant, voilà
regroupés des individus bien différents ? Certains avaient une autorité légitime, d’autres non,
certains ont réalisé de bonnes choses, d’autres de moins bonnes. Tous ont néanmoins fait de
grandes choses. Ce terme, qui n’a pas d’équivalent français, désigne un large ensemble de
réalités : l’individu le plus influent, le plus populaire, le meneur, la personne centrale. Les
leaders ont un impact sur les performances du travail en groupe. Ils organisent le travail et
peuvent motiver les membres.

III. 3. 1. Notions de leadership

Le leadership se dit d’une aptitude individuelle à mobiliser et à orienter un groupe vers un projet
défini. Le leadership renvoie à des aptitudes à manager un groupe : ces aptitudes peuvent être
acquises (apprentissage, formation, etc.) ou spontanées (capacité d’empathie, etc.). Pour Robert
Vallerand, le leadership est l’ensemble des activités, et surtout des communications, par
lesquelles un individu exerce une influence sur les comportements d’un groupe dans le sens
d’une réalisation de certains objectifs communs.

Ce faisant, Marie-Hélène Léon considère le leader est l’individu qui apporte le plus de bénéfices
à son groupe en contribuant à l’atteinte de ses objectifs. Les autres membres le
récompenseraient en acceptant son influence et en faisant de lui un leader. Une fois en place, il
doit satisfaire aux exigences des autres membres. Si son apport diminue, son crédit diminue
aussi. En revanche si son apport est important, son crédit augmente, et il peut alors se permettre
de s’écarter des attentes du groupe. Le phénomène d’innovation est en partie construit autour
de ce constat.

Le crédit attribué au leader est une accumulation des dispositions positives issues des autres.
Plus ce crédit est important, plus on lui fait confiance et plus il peut se permettre d’agir à sa
guise, sans tenir compte de la majorité. Ce crédit est le pouvoir susceptible d’infléchir la norme
du groupe. Plus l’autorité d’une personne est légitime, plus elle sera consciente de son pouvoir
d’enfreindre la norme et plus elle s’engagera au profit d’une innovation qu’elle juge pertinente.

La condition est que le chef doit faire preuve d’obéissance envers les valeurs de son groupe
avant de tenter d’imposer les siennes. En ce sens, seul un individu au préalable conformiste est
susceptible d’être innovateur.
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L’approche situationniste montre que certains facteurs favorisent particulièrement l’émergence


d’un leader :

1. les réseaux de communication : leur forme détermine l’organisation du groupe et le


rôle du leader. La place de l’individu dans un réseau a une incidence directe sur ses
conduites et son rôle dans le groupe.

2. La quantité d’informations disponible : plus on détient d’informations, plus on a de


chances d’être choisi comme leader ;

3. Le type de tâche : une tâche de résolution de problèmes crée l’apparition d’une


structure centralisée autour d’un leader, alors qu’une tâche de créativité favorise celle
d’une structure décentralisée sans leader.

III. 3. 2. Types de leadership

Traditionnellement, on distingue trois types de leadership : leadership autoritaire, laisser- faire


et démocratique.

III. 3. 2. 1. Leadership autoritaire


Le leader impose des règles de fonctionnement, est très présent, très contrôlant, etc. Les
décisions concernant le travail et l’organisation du groupe sont prises par le responsable seul,
au fur et à mesure de l’évolution des activités. Les décisions ne sont ni justifiées, ni explicitées
par rapport à une progression. Les critères d’évaluation ne sont pas connus par les membres du
groupe. Enfin, il reste à l’écart de la vie du groupe, n’intervenant que pour canaliser le travail
ou faire une démonstration en cas de difficulté.

III. 3. 2. 2. Le leadership laisser-faire


Les règles de fonctionnement émanent directement des acteurs du groupe et une forte
autonomie est laissée aux acteurs. Après avoir précisé les moyens et le matériel dont dispose le
groupe, le chef adopte un comportement passif. Le groupe jouit donc d’une totale liberté tout
en sachant qu’il peut néanmoins faire appel au responsable. Ce dernier ne juge ni n’évalue les
autres membres du groupe. C’est celui qui laisse au groupe une totale liberté. Sa présence est
amicale mais il n’intervient qu’à la demande du groupe, prenant un minimum d’initiatives.
Généralement, dans ce genre des groupes, on ne sent pas l’autorité et on ne sent pas la direction
du groupe.
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III. 3. 2. 3. Le leadership démocratique


Les règles de fonctionnement du groupe sont construites collectivement et le leader a une
fonction d’animation de ce collectif et d’orientation des règles dont la mise en place sera
discutée). Les décisions résultent des discussions provoquées par le leader et tiennent donc
compte de l’avis du groupe. Elles sont articulées par rapport à une progression, chaque étape
étant donc clairement située et finalisée. Par ailleurs ce dernier explicite les jugements qu’il
porte et les justifie. Quand un problème se pose dans le groupe, le leader démocratique suggère
toujours plusieurs alternatives entre lesquelles, le groupe a le choix. Sans trop participer lui-
même aux activités, il s’efforce d’être intégré à la vie du groupe.

III. 3. 3. Conséquences de la gestion de ces leaderships

Les résultats obtenus montrent clairement que le type de leadership affecté à un groupe
détermine l’ensemble de ses comportements émotionnels, sociaux et cognitifs.

- Dans le groupe au commandement autoritaire dominent des comportements soit


d’apathie, soit d’agressivité. Le climat socio-affectif dans ces groupes est souvent
mauvais, la cohésion faible, les tensions internes fortes favorisant la création de sous-
groupes. L’agressivité qui ne pouvant se libérer sur le responsable est alors détournée
vers certains membres du groupe ou vers l’extérieur avec l’apparition de boucs
émissaires. En ce qui concerne le travail dans une telle situation de leadership
autoritaire, on constate en présence du chef, la performance est bonne (elle est même
supérieure à celles des groupes démocratiques) mais empreinte d’une forte tendance à
l’uniformité, les différences interindividuelles étant réduites au maximum. Par ailleurs
en l’absence du chef, cette performance s’effondre, le groupe abandonnant dès lors toute
responsabilité ou initiative.
- Dans le groupe en commandement du leadership laissez-faire, la performance est la plus
mauvaise, sans que la présence ou l’absence du chef joue un rôle particulier. Ces
groupes peuvent être qualifiés « d’inactifs improductifs ». Le climat socio-affectif du
groupe est très mauvais ainsi que la cohésion et le niveau de satisfaction. Tout comme
dans le groupe en leadership autoritaire apparaissent des comportements agressifs
envers les autres mais également envers l’extérieur, et des boucs émissaires.
- Dans le groupe en commandement du leadership démocratique, par contre la
performance est souvent élevée et reste stable y compris lorsque le leader quitte le
groupe. Cette situation permet par ailleurs une très grande expression des différences
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individuelles, les produits sont donc de qualité mais également moins uniformes que
dans la situation autoritaire. La satisfaction des membres du groupe est élevée et le
climat socio-affectif est positif : la cohésion est forte, ces groupes résistant plus que les
autres à des tentatives de division venant de l’extérieur. L’agressivité envers le chef peut
s’exprimer directement et elle ne produit pas de tensions internes non résolues
s’investissant hors du groupe comme dans le cas précédent.

III. 3. 4.. Principes d’action du leadership

Quatre principes de base président au développement du leadership au sein d’une institution :


la prise de conscience, l’ouverture ou la transparence, la détermination personnelle ou le choix,
la présence ou l’implication. Constituant un ensemble systémique cohérent, ils ont le mérite de
mobiliser chaque personne, leader et collaborateurs, de l’institution.

III. 3. 4. 1. La prise de conscience

Prendre conscience c’est connaître et comprendre ses comportements, ses sentiments, ses points
forts, ses points faibles et commencer à y remédier. Pour tout leader ses aspects sont
incontournables. Ils créent les conditions dans lesquelles le leader a la possibilité d’agir selon
l’image qu’il souhaite avoir de lui-même.

Ce principe est également fondamental pour mettre en mouvement l’ensemble du personnel


d’une institution, surtout en période de changement. Plus les personnes sont conscientes des
objectifs, de la direction à prendre, du chemin à parcourir et de la raison d’être des changements
plus elles se mobiliseront d’elles-mêmes. Moins elles sont conscientes ou informées plus elles
résistent. Un des obstacles majeurs au changement est que les personnes ne le comprennent pas.

III. 3. 4. 2. La transparence

Ce principe repose sur l’idée, et expérience faite, que la résolution des problèmes est beaucoup
plus facile quand les personnes peuvent s’exprimer ouvertement. Dans les institutions une part
importante de l’énergie des personnes est consommée dans la dissimulation d’informations
voire dans le mensonge. Or dès que les individus ont la possibilité de s’exprimer ouvertement
et d’accéder aux informations dont ils ont besoin alors les problèmes se solutionnent bien
mieux.

En tant que leader si je comprends comment je peux m’ouvrir plus aux autres j’aurais plus de
chance d’être transparent et de fournir des informations dont les autres ont besoin pour travailler
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efficacement. En retour, mon ouverture facilite celle des autres qui me donneront plus
facilement leurs sentiments, opinions, craintes ou idées. L’ouverture de tous vis-à-vis des autres
facilite la qualité des relations et la cohésion des équipes.

Sur le plan de l’organisation, le principe de transparence est celui le plus fondamental pour
faciliter l’accès aux informations dont les personnes ont besoin pour comprendre les évolutions
et les mettre en œuvre. La transparence consiste à donner toutes les informations que les
personnes demandent et que l’institution considère comme indispensable. Si la transparence
n’existe pas, les rumeurs et le mensonge se développent.

III. 3. 4. 3. La détermination personnelle (le choix)


La détermination personnelle est la possibilité d’agir et de choisir soi-même ses propres actions.
Le concept de choix est fondamental car il suppose et signifie que la confiance se développe
quand les personnes peuvent agir sue elles-mêmes. En tant qu’individu, j’ai confiance en moi
si je sais que je peux agir sur mon environnement, sur les autres et sur moi-même. Je n’ai pas
confiance en moi si je crois que mes actions, comportement ou sentiments dépendent des causes
qui me sont extérieures.

Ce principe de détermination personnelle permet de comprendre qui l’on est, ses sentiments,
ses opinions. Il permet également d’éclairer et de mieux comprendre ses actions en dehors de
tout sentiment de honte ou de culpabilité. En d’autres termes, il donne la possibilité d’agir en
fonction de sa vision, de ses valeurs et en tenant compte des autres. Il va sans dire que l’opposé
de la détermination soit la passivité ou la manière de tout mettre en œuvre pour ne pas atteindre
ses objectifs.

III. 3. 4. 4. L’implication
Ce principe d’action concerne l’implication de la personne dans ses actions. En tant qu’individu
on se sent présent quand on investit mon énergie pour remplir ses objectifs. Lorsqu’on travaille,
on se sent présent, impliqué quand on se consacre à sa mission. Être présent, c’est pouvoir
choisir le juste degré d’implication dans les actions qu’on mène. Ni trop impliqué, ni pas assez.

Parfois certaines personnes s’impliquent trop personnellement dans leur projet à tel point
qu’elles ne paraissent exister que par lui. Si jamais ce projet n’aboutit pas, elles le vivent comme
une blessure personnelle. Or, il ne s’agit que d’un projet rien de plus. A contrario, d’autres
personnes sont si peu présentes qu’elles ne s’impliquent pas dans leur travail. Elles ne
concrétisent aucun projet car leur énergie n’est pas disponible.
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En tant que leader on doit choisir son niveau de présence et d’implication par rapport à ses
projets, à ses missions et aux membres de son équipe. La qualité de la présence est déterminée
par l’intention du leader. L’intention positive, coopérative ou aidante déclenche un style de
présence différent de l’intention négative ou compétitive. C’est ici où le rôle du leader est
capital pour maintenir un climat favorable afin que chaque individu puisse s’investir selon son
optimum d’implication.
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CHAPITRE IV

APPROCHE TRANSACTIONNELLE DE LA
COMMUNICATION INTERPERSONNELLE
L’analyse transactionnelle est un outil d’interprétation de la communication et des
comportements humains. Si elle s’est vite imposée dans les domaines du management, de la
communication et du coaching, son importance en tant qu’approche psycho-thérapeutique a été
reconnue plus tardivement, mais elle s’est considérablement développée ces dernières années.
L’analyse transactionnelle joue désormais un rôle majeur dans la prise en charge des
traumatismes.

Quelle est l’origine de l’analyse transactionnelle ? Qui est son fondateur ? Quels sont les
concepts et les principes de base de l’AT ? Comment l’AT envisage l’être humain ? À quoi
tient le développement de meilleures relations ?

IV. 1. Les origines de l’analyse transactionnelle

L’Analyse Transactionnelle est une méthode de développement personnel pour mieux se


connaître et prendre sa vie en main au milieu des autres. L’auteur de cette approche, Éric Berne,
médecin, psychiatre et psychanalyste américain (1910-1970), a mené ses recherches dans le
milieu clinique pour traiter les troubles affectifs des individus dans les années cinquante aux
États-Unis avec un petit groupe de psychologues et thérapeutes. En partant principalement des
comportements observables des hommes (actes, paroles, langage corporel, etc.), cette méthode
décrit ce qui se joue dans la communication, quels stimuli internes et externes entrent en jeu et
quelles conséquences – souvent prévisibles – ont ces comportements sur les autres, pour qui le
comportement devient à son tour un stimulus. Il ne s’agit pas de dire ce qui est bien ou mal,
meilleur ou pire, sain ou malsain, mais au contraire de laisser chacun libre de se comporter
d’une manière ou d’une autre, tout en pointant les conséquences de son comportement.

Un des apports majeurs de l’analyse transactionnelle est d’avoir mis en valeur que la
communication entre deux personnes ne se limite pas à un simple échange d’informations, mais
qu’elle dépend aussi de leur mode de relation. La communication est souvent une lutte pour
définir cette relation. Dans notre communication avec les autres, nous nous faisons plus petits
que nous le sommes, à d’autres, plus grands. Il arrive aussi que nous percevions notre
interlocuteur plus grand ou plus petit qu’il ne l’est vraiment. Cette perception peut influencer
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la façon dont nous nous adressons à l’autre. C’est pourquoi la communication implique toujours
les états du moi de deux interlocuteurs par le biais de transactions.

La transaction est l’unité de base de la communication. Cela peut être un hochement de tête ou
un haussement d’épaules, un mot (« bonjour », par exemple) ou une phrase entière. Donc du
verbal et/ou au non-verbal. Une conversation se compose toujours d’une chaîne de transactions,
dans laquelle s’expriment les différents états du moi. Chaque intervention provient d’un certain
état du moi et atteint également un état du moi chez l’interlocuteur. Par ailleurs, les états du moi
peuvent changer très rapidement, selon ce que l’on ressent ou que l’on pense, même pendant
une conversation brève.

L’analyse transactionnelle offre des modélisations qui montrent comment les individus sont
construits psychologiquement, comment ils communiquent et comment, dans leurs rapports
quotidiens, ils essaient de satisfaire mutuellement leurs besoins, comment ils se manipulent
réciproquement pour arriver à réaliser leurs désirs secrets. En effet, la démarche principale de
l’AT consiste à analyser nos comportements, nos attitudes, nos paroles et nos réactions
physiques et émotionnelles par une dizaine de grilles analytiques notamment les états du moi,
la position de vie, les jeux, etc.
IV. 2. Les États du moi
Nous n’avons pas toujours les mêmes comportements, ni les mêmes avis tout au long d’une
journée. Nous changeons, en effet, quelquefois de comportement, d’expression, de ton, à une
telle vitesse qu’un observateur non informé pourrait se demander s’il s’agit bien de la même
personne. Nous pouvons par exemple nous surprendre positivement ou négativement. Nous
pouvons être heureux (se), enthousiaste, puis malheureux (se), arrogant (e)… Par exemple
quand nous nous rappelons une bonne soirée d’anniversaire, lorsque nous découvrons l’échec
à la première session ou que nous entrons en relation avec d’autres personnes. Pour résumer,
nous avons accès à plusieurs émotions et comportements. Ces derniers sont des conséquences
de rôles de rôles ou profils que nous pouvons adoptés, sans même nous en rendre compte, ni
même les identifier quand nous les vivons successivement.

L’un des premiers objectifs de l’analyse transactionnelle est d’apprendre comment identifier et
reconnaître, chez soi et chez ses interlocuteurs, ce que l’on appelle les états du moi. Ce concept
repose principalement sur la division de la personnalité d’un individu en trois parties, ou trois
états : le Parent, l’Adulte et l’Enfant. Chacun d’entre nous vit ses différents états du « moi »
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sans forcément s’en rendre compte. Les états du moi sont toujours orthographiés avec une
majuscule, par opposition à parent, adulte, enfant qui représente des personnes.

Notons que ces trois états du Moi sont différents des concepts freudiens de Moi, de Surmoi et
de ça. En effet, le Moi ne se superpose pas absolument à l’adulte, le ça à l’enfant ni le Surmoi
au Parent. Il convient donc de disposer d’un œil et d’une oreille neufs pour décrire ces trois
instances de la personnalité définies par Berne et ses disciples et notamment parce que, en AT,
on s’intéresse plus au « comment » qu’au « pourquoi » ; « à l’ici et au maintenant » plus qu’à
l’ailleurs et à l’autrefois » ou à l’inconscient.

Voici la représentation graphique des trois états du moi :

IV. 2. 1. L’état du moi Parent (P)

« Parent » n’est pas pris ici dans l’acception d’ascendance-descendance, mais caractérise l’état
du Moi qui agit lorsque nous répétons un comportement issu de celui de nos propres parents ou
de ceux qui en ont tenu lieu. En d’autres termes, le Parent est la façon dont un individu a
enregistré les systèmes de pensées, d’émotions et de comportements de personnes importantes
connues dans son enfance et dont il a suivi l’exemple.

On peut considérer que le moi Parent est le siège et le garant des normes, des valeurs parentales
traditionnelles, des règles sociales établies, de la culture, de l’appris du passé, des lois en
vigueur. C’est ce qui détermine les valeurs morales, qui différencie le bien du mal, ce qu’il faut
faire et ce qu’il ne faut pas. C’est lui qui perpétue l’apprentissage de la politesse, des bonnes
manières, du savoir-vivre, des règles d’hygiène corporelle et alimentaire, des us et coutumes
qui dictent notre comportement dans la vie quotidienne.
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D’une certaine manière, on pourrait dire que dans le moi Parent sont stockés, depuis la petite
enfance, tous les commandements et interdits transmis par les parents, les aînés, la famille, les
amis, les enseignants et même les figures de référence. Il bonde en consigne et règles sur la
manière de se comporter dans certaines situations : ce qui convient de dire, comment s’habiller
et même ce qu’il faut penser ou ressentir. A l’extrême, on peut dire que le moi Parent est plein
d’assurance, de certitudes, d’opinions et fait généralement de belles déclarations, édicte des
règles et des interdictions. C’est lui qui agit le plus souvent en cas de danger, dans les situations
répétitives de routine, dans la vie quotidienne, dans ce qu'elle a de banal et de conventionnel.

Selon l'expérience qu’une personne aura eue avec ses parents, selon qu’ils ont été stricts ou au
contraire plutôt détendus, son moi Parent peut présenter deux modalités différentes : le moi
Parent critique ou autoritaire ou normatif, et le moi Parent nourricier.

Commandement, jugement, regard bienveillant ou culpabilisant, geste d’affection ou de


réprimande,

IV. 2. 1. 1. Le moi Parent Critique

« Ce n’est pas comme ça qu’il faut faire » dit le moi Parent Critique à quelqu’un qui ne se sent
pas sûr de lui. Le Parent critique (PC) ou Parent autoritaire) est celui qui critique, juge, évalue,
conserve, contrôle, interdit, montre du doigt, accuse et ordonne de ne pas faire. C’est le
« méchant » Parent, le Parent sévère et autocrate, celui qui engendre l’attitude de contre-
dépendance de ceux qui sont sous sa coupe. C’est aussi celui qui limite les comportements dans
leurs outrances, veille à la sécurité d’autrui et est le garant des lois. Il se reconnaît aux
froncements de sourcils, aux bras croisés, au front plissé, à l’index levé et aux déclarations
verbales du type : « il est scandaleux que… », « ça va encore mal finir », etc.

Une autre dénomination est aussi couramment usitée en analyse transactionnelle : il s’agit du
Parent Normatif, qui permet de distinguer entre l’aspect parfois persécuteur et l’aspect poseur
de limites du moi Parent. Dans le premier cas, on parlera de Parent Normatif négatif (PNf-)
dans le second cas de Parent Normatif positif (PNf+).

IV. 2. 1. 2. Le moi Parent Nourricier

Le Parent nourricier (PN) est celui qui aide, cajole, permet ou ordonne de faire, dit ce qui est
bien et juste, soutient, soigne, protège, aide, encourage, réconforte, soutient, console, compatit,
supporte les problèmes et favorise leur résolution. C’est celui qui tend la perche, remonte le
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moral, etc. Quand on se trouve dans le moi Parent Nourricier, on se comporte instinctivement
avec sollicitude, attention, empathie et esprit de sacrifice. Les expressions verbales du moi
Nourricier peuvent être : « Ce n’est pas si grave », « Tu vas t’en sortir », « Commence par te
reposer », etc.

Comme pour le Parent Critique, on peut distinguer un Parent Nourricier positif (PNr+), qui aide
efficacement, mais sans faire plus que ce qui est attendu de lui. C’est le gentil Parent mais qui
peut aussi étouffer, accaparer, être possessif et paternaliste, voire démagogue. Et un Parent
Nourricier négatif (PNr-), qui fait tout à la place des autres, ne regarde que ce qui va bien, se
montre surprotecteur, ne permettant pas à ceux avec qui il se comporte ainsi de développer leurs
propres ressources. C’est le Parent qui induit l’attitude de dépendance chez autrui.

IV. 2. 2. Le moi Enfant (E)

Le moi Enfant contient tous les désirs et sentiments qui apparaissent naturellement chez un
individu. Siège du ressenti, le moi Enfant est animé par des sentiments de peur, de colère, de
tristesse, mais aussi de joie, de défoulement et de jouissance. Ces impulsions et ces sentiments
deviennent disponibles à différents stades de la vie. Ainsi, un nouveau-né éprouve certains
sentiments innés et des besoins qui varient avec l’âge, au moins jusqu’à l’adolescence, au fur
et à mesure que son système nerveux et hormonal se développe.

Dans l’analyse transactionnelle, le moi Enfant se subdivise en moi Enfant Adapté et en moi
Enfant Libre (ou Spontané, ou encore Naturel).

IV. 2. 2. 1. Le moi Enfant adapté (E.A)

Il contient l’enregistrement intériorisé des décisions, des habitudes et des comportements


résultant des expériences, de l’éducation et des messages des parents ou des figures paternelles.
L’analyse transactionnelle distingue, pour le moi Enfant Adapté, deux états : le moi Enfant
Adapté Soumis et le moi Enfant Adapté Rebelle.

IV. 2. 2. 2. L’Enfant Adapté Soumis (AS)

Il se sent impuissant, triste, anxieux déprimé ou timide. En revanche, il se montre poli, admet,
consent, s’incline et s’adapte simplement aux exigences sociales. Les expressions verbales du
moi Enfant Adapté Soumis sont par exemple : « Je voudrais… », « Puis-je… ? » ou « N’est-ce
pas trop demander si je… ? » Parmi ses expressions non verbales, on pourra trouver des
postures comme avoir la tête ou les yeux baissés, parler à voix basse.
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IV. 2. 2. 3. Le moi Adapté Rebelle (AR)

Il se manifeste par la bravade, la colère, l’agressivité et un penchant destructeur. Il discute,


s’oppose, conteste et ne se démet qu’après trépignements, cris ou caprices. On le retrouve dans
des expressions verbales comme : « ça m’est égal ! », « Qu’est-ce que ça peut me faire ? » Ses
signaux non verbaux sont les regards coléreux, les hurlements, les vociférations, les gestes
d’impatience (par exemple, taper du pied), etc.

IV. 2. 2. 4. Le moi Enfant spontané (ES)

C’est celui qui est détendu, curieux, heureux, enjoué parfois même facétieux. Il joue, parle au
conditionnel (« je serais la maîtresse et toi tu serais l’élève »), libre de toutes contraintes, ne
s’auto-censure pas. À ce titre, il est gai ou triste, rit ou pleure naturellement. Il dit les vérités
qui ne sont pas bonnes à dire, s’émeut pour un congénère qui souffre, tape sur un moins fort
que lui. C’est l’enfant sans contrainte, sans tabou, sans préjugé, qui s’étonne de tout et de rien.

Le moi Enfant Spontané se manifeste par l’exubérance, l’esprit d’entreprise, le regard direct, le
comportement libre et désinvolte. Ses expressions verbales peuvent être : « Je trouve ça super »,
« Génial ! ». L’aspect négatif de l’Enfant Spontané est qu’il peut faire du mal aux autres ou à
soi-même, lorsqu’il s’exprime librement ou s’amuse à « faisons la course » sur une route
dangereuse. On considérera que si censure il y a, c’est qu’elle provient du moi Adulte : « Ce
n’est pas opportun » ou du moi Parent : « ça ne se fait pas. »

IV. 2. 3. Le moi Adulte (A)


Adulte avec majuscule indique l’état du Moi et non l’état de la personne au-delà de 18 ans. Cet
état du Moi est la part rationnelle de la personnalité. Il fait constamment le compte des données,
procède à des évaluations, formule des hypothèses, contrôle établit des pronostics. Il se
caractérise par sa vocation à l’objectivité et à la logique. Selon Éric Berne, le moi Adulte est
pareil à un ordinateur qui saisit les données, les combine intelligemment pour enfin prendre la
bonne décision, entraîner l’une des meilleurs, sinon la meilleure action, choisir la bonne
solution.

Quand l’être humain est dans son moi Adulte, il est attentif, terre à terre, concentré, impartial.
Il observe, réfléchit, analyse, prend en considération les diverses possibilités et les
conséquences de ses actes. Les caractéristiques expressives non verbales du moi Adulte sont
les marques d’intérêt, une expression ouverte, des mouvements oculaires rapides, une posture
à la fois sereine et concentrée. Les expressions verbales du moi Adulte sont par exemple : « Je
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pense que… », « Quelle heure est-il ? », « Pourrais-tu me faire parvenir les documents d’ici
lundi ? », « En supposant que… », « Qu’en penses-tu ? »

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