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Dominique Foray
École Polytechnique Fédérale de Lausanne
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ISSN 0373-2630
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Pour citer cet article :
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Encaoua David et al., « Les enjeux économiques de l'innovation » Bilan du programme CNRS,
Revue d'économie politique, 2004/2 Vol. 114, p. 133-168.
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Les enjeux économiques de l’innovation
David Encaoua
Dominique Foray
Armand Hatchuel
Jacques Mairesse
Cet article présente quelques travaux réalisés dans le cadre du programme CNRS Les
Enjeux Economiques de l’Innovation [1997-2002]. Quatre perspectives sont retenues :
les représentations macroéconomiques et microéconomiques de l’innovation et les
liens entre l’innovation, la croissance et l’emploi, la gestion de l’innovation et les
théories de la firme innovante, l’économie et la sociologie de la recherche fondamen-
tale, enfin, les politiques publiques en faveur de l’innovation.
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The economics of innovation: trends and issues
• LES
This paper presents some works realized under the sponsorship of the CNRS research
program: The Economics of innovation: trends and issues [1997-2002]. Four topics are
emphasized: The macroeconomic and microeconomic representations of the innovative
process and the links between innovation, growth and employment, the management
of innovation and the theories of the innovative firm, the economics and sociology of
scientific activity and, finally, the public policy instruments in favour of innovation.
economics innovations
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mation en biens, services et procédés nouveaux. Dans nos économies
contemporaines avancées, souvent caractérisées comme étant des écono-
mies fondées sur la connaissance, la connaissance est à la fois l’input et
l’output du progrès technique.
Depuis les travaux d’Arrow [1962], de Nordhaus [1969] et de Romer
[1990], on sait que la connaissance a des attributs qui la distinguent des
biens et services traditionnels.
En tant qu’input de la recherche, la connaissance est cumulative : les
recherches présentes sont tributaires des résultats des recherches passées.
C’est ce qu’exprime la phrase célèbre d’Isaac Newton : « Si j’ai vu plus loin
que les autres, c’est parce que j’étais assis sur des épaules de géants ».
L’implication de cette propriété est que la R&D est à l’origine d’externalités
de diffusion positives, ce qui signifie que le rendement social de la recherche
est supérieur à son rendement privé.
En tant qu’output de la recherche, la connaissance a plutôt les attributs
d’un bien public que d’un bien privé. Contrairement aux biens rivaux qui
doivent être produits en proportion du nombre d’unités consommées, la
connaissance est un bien non rival qui n’a besoin d’être produit qu’une
seule fois sans limiter pour autant son utilisation. La production de connais-
sances ne peut donc être régie par de purs mécanismes de marché. Comme
de plus, la connaissance est en général coûteuse à produire et souvent peu
2. Le lecteur intéressé trouvera une trace de cette diversité dans la collection Les Cahiers
de l’Innovation (CI), créée à l’occasion de ce programme (plus d’une centaine de titres des CI
à ce jour).
3. Dès le départ, présentons nos excuses aux auteurs et équipes ayant participé au pro-
gramme et ne se retrouvant pas dans cette présentation. Seules, les contraintes éditoriales
justifient cette absence.
coûteuse à imiter4, les sociétés ont mis en place des mécanismes d’incita-
tion pour sa production. On distingue ainsi des mécanismes fondés sur le
principe de la science ouverte et des mécanismes d’appropriation privée,
fondés sur la propriété intellectuelle. Les pouvoirs publics ont un rôle consi-
dérable dans la définition et la mise en œuvre de ces différents mécanismes.
La recherche des entreprises améliore également leurs capacités d’absor-
ber les connaissances existantes. Ces capacités d’absorption ou d’apprentis-
sage deviennent elles-mêmes des actifs essentiels pour leur développement.
De plus, l’activité de recherche génère des effets de débordement et des
effets de diffusion. Ceci implique que les mesures du rendement privé et du
rendement social de la recherche sont difficiles. Les retards accumulés en
termes d’intensité de la recherche (rapport des dépenses de recherche sur la
valeur ajoutée) sont préjudiciables tant pour une entreprise que pour un
pays. Au niveau agrégé, l’objectif d’un investissement de recherche repré-
sentant 3 % du PIB en 2010 est loin d’être atteint en Europe.
Enfin, la production de connaissances est-elle même le lieu d’une intense
concurrence au niveau international, ce qui implique à la fois des processus
de réorganisation spatiale et des transferts de technologie importants. Au
niveau mondial, les inégalités entre pays sont en partie liées au fait que les
transferts technologiques restent concentrés entre certaines régions du
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monde, excluant d’autres régions du bénéfice de ces échanges.
Toutes ces caractéristiques de la connaissance ne sont pas sans consé-
quences sur le plan de l’analyse. Elles ont conduit à un renouvellement
important de nos cadres de pensée et à une formidable éclosion de travaux
quantitatifs, fondés sur de nouvelles données concernant la recherche, l’in-
novation et les performances.
La recherche et l’innovation sont appréhendées à la fois comme des ob-
jets d’étude et comme des objectifs de politique économique. Afin de pré-
senter un aperçu des travaux réalisés dans le cadre du programme, quatre
thèmes sont retenus. Le premier concerne les représentations macroécono-
miques et microéconomiques de l’innovation ainsi que l’analyse quantitative
de ses déterminants et de ses effets. Ce thème conditionne notre capacité
d’appréhender les multiples facettes d’un phénomène complexe. Le
deuxième thème consiste à analyser, à partir d’observations directes, les
transformations des entreprises dans le processus d’innovation. Les scien-
ces de gestion, qui sont évidemment aux premières loges sur ce thème,
permettent de jeter des ponts entre la gestion et l’économie. Le troisième
thème concerne l’économie et la sociologie de la science à partir d’instru-
ments permettant d’analyser le système de gouvernance de la production
scientifique et ses liens avec l’économie, avec des angles d’approche pluri-
disciplinaires. Enfin, le quatrième thème concerne l’analyse et l’évaluation
des politiques économiques en faveur de l’innovation, chantier très large
dont on présente ici quelques éléments significatifs.
4. Cette position est à nuancer par la distinction entre les notions de connaissance et
d’information. Seule cette dernière correspondrait à un bien public alors que la première
requiert des capacités cognitives qui n’en facilitent pas l’usage par n’importe quel tiers
(Foray [2000]).
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La deuxième idée exploite les attributs de la connaissance, rappelés en
introduction. Le caractère cumulatif de la connaissance explique pourquoi la
croissance d’une économie ne bute pas sur la loi habituelle des rendements
décroissants, entraînant la constance du revenu par tête à long terme. Le fait
qu’un innovateur bénéficie des connaissances accumulées antérieures, tout
en ne finançant que la partie incrémentale des connaissances qu’il engen-
dre, explique qu’une fonction de production agrégée intégrant la connais-
sance parmi ses facteurs de production présente des rendements croissants.
La production de connaissances bénéficie d’économies d’apprentissage. La
commercialisation des produits s’opère dans des structures de marché de
concurrence imparfaite6. Le pouvoir de marché associé à cette forme de
concurrence permet en dernier ressort à l’innovateur de récupérer sa dé-
pense initiale de recherche et de capturer une rente justifiant son investis-
sement. Mais par ailleurs, la rente n’est que temporaire, car d’autres inno-
vateurs se profilent à l’horizon.
Ce sont là les principes du mécanisme dit de destruction créatrice suggéré
par Schumpeter il y a plus de cinquante ans : l’accumulation permanente
des connaissances permet une utilisation plus productive des facteurs de
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sances, créant ainsi une innovation de dépassement de cette frontière. In-
versement, une entreprise en retard qui ne parvient à innover qu’à partir de
sa propre base de connaissances parvient au mieux à une innovation de
rattrapage et dans ce cas, la concurrence peut avoir un effet négatif sur
l’incitation à innover. La distinction entre innovations de dépassement et
innovations de rattrapage, ainsi justifiée sur le plan théorique, est reprise
dans les études empiriques, parfois sous des appellations différentes.
Une deuxième piste9 a cherché à rendre compte de la complexité des
processus de production en incorporant la variété des produits intermédiai-
res issus du processus d’innovation. Chaque produit intermédiaire ayant
lui-même une certaine probabilité de défection, la complexité implique que
le processus d’innovation est entaché d’une probabilité d’échec d’autant
plus forte que le nombre d’innovations incorporées est élevé. On reconnaît
là le caractère d’une technologie de type « O-ring ». Cette complexité s’ana-
lyse comme une externalité négative sur la croissance.
Un autre travail a consisté à analyser l’effet d’une innovation d’usage
généralisé10 (General Purpose Technology), comme l’est par exemple Inter-
net aujourd’hui, sur les cycles d’activité. L’idée est que le développement
d’une innovation dont l’utilisation se diffuse dans l’ensemble des activités,
requiert une longue période d’ajustement avant d’exercer des effets bénéfi-
ques sur la croissance. Durant cette période, des ressources sont soustraites
des activités traditionnelles pour être utilisées dans la nouvelle technologie,
conduisant paradoxalement à une baisse de la croissance avant que les
effets d’apprentissage de la nouvelle technologie puissent être pleinement
exploités. De plus, l’introduction de cette nouvelle technologie requiert des
transformations organisationnelles pour produire des effets positifs et ces
transformations peuvent être plus ou moins rapides.
D’autres travaux ont mis l’accent sur les inégalités de revenus engendrées
par l’innovation. Certains ont privilégié les effets conjugués des imperfec-
tions du marché du travail (difficultés d’appariement, rigidités salariales) et
de la destruction créatrice11. D’autres ont mis l’accent sur les innovations
technologiques complexes qui ne permettent d’accroître la productivité du
travail qu’au prix d’une organisation productive requérant plus de travail
qualifié. Ces technologies, de type O’ring, ne peuvent être adoptées que par
les entreprises employant la main d’œuvre la plus qualifiée et seule la ré-
munération du travail qualifié s’accroît, donnant ainsi naissance à un pro-
grès technique biaisé12.
Citons également quelques travaux cherchant à discriminer entre deux
explications alternatives du chômage des travailleurs peu qualifiés, soit du
fait du biais technologique de l’innovation, soit du fait des spécificités du
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commerce international13. Ces travaux font appel aux externalités de diffu-
sion inhérentes à l’échange international des biens incorporant des innova-
tions14. Ils examinent les liens entre le commerce international et le biais du
progrès technique induit par l’innovation, en mettant l’accent sur les struc-
tures d’emploi plus intensives en travail qualifié requis par l’innovation15 et
sur les externalités de diffusion du progrès technique selon la nature des
biens importés16.
La croissance endogène n’a pas été le seul cadre d’analyse retenu pour
analyser le processus d’innovation. Amendola et Gaffard [1998] utilisent une
approche « néo-autrichienne » ou « Hicksienne » dans laquelle, non seule-
ment l’innovation transforme les structures de production et les structures
du marché, mais les ajustements imparfaits des marchés au cours de ce
processus font apparaître des phénomènes d’instabilité le long des trajec-
toires. Ce n’est donc plus l’équilibre stationnaire qu’il s’agit de caractériser,
mais la trajectoire induite par un choc d’innovation. Par exemple, la substi-
tution d’une nouvelle machine plus productive mais aussi plus coûteuse que
la machine en place peut conduire à une baisse de la production. La ques-
tion du dilemme entre flexibilité des salaires et chômage dans une écono-
mie dont la croissance est tirée par l’innovation a ainsi fait l’objet d’un
11. Postel Vinay, La dynamique du chômage induit par le progrès technologique, CI 99013,
Endogenous growth and the labor market, in Encaoua et al. eds [2000].
12. Wigniolle, Croissance, innovations organisationnelles et inégalités, CI 99014.
13. Saint Martin, Le chômage des travailleurs peu qualifiés : délocalisation versus biais
technologique, CI 99015.
14. Mendez et Rajhi, Intégration économique, croissance et chômage, CI 99017.
15. Thoenig, Biais du progrès technique induit par l’innovation, CI 99016.
16. Pautrel, Import of equipment goods technological gap and growth, CI 99041.
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(demand-pull) ou des opportunités de la technologie (technology-push). Sur
le plan conceptuel, l’erreur est souvent faite que les opportunités technolo-
giques seraient la simple expression des lois physiques de la nature. Ceci
est erroné, car les opportunités technologiques dépendent en fait d’un grand
nombre de facteurs aussi bien institutionnels que relevant de l’environne-
ment économique. On observe d’ailleurs que les activités présentant les
opportunités technologiques les plus élevées varient beaucoup au cours du
temps, modifiant ainsi la liste des industries clés. Les innovations dont l’im-
pulsion provient de la demande (demand-pull) ont été au centre de l’analyse
de Schmookler. Mais cet auteur ne dénie pas pour autant l’importance des
opportunités technologiques comme facteur d’impulsion de l’innovation. Il
suggère plutôt que, in fine, les équipements issus des innovations dans les
secteurs à fortes opportunités technologiques sont adoptés ultérieurement
dans les secteurs où la demande est la plus élevée.
Le traitement des externalités a fait également l’objet de quelques travaux.
Les externalités de diffusion des connaissances plaident en faveur de la
recherche coopérative. Ce thème a été analysé notamment sous l’angle des
échanges informationnels et du partage des coûts20.
17. Amendola, Froeschlé, Gaffard et Lega, The real wage — employment dilemma in an
economy facing technological change, CI 99040.
18. Voir Crampes et Encaoua [2003], Microéconomie de l’innovation in Encyclopédie de
l’Innovation, eds. Mustar et Penan, Economica.
19. Pour contourner la difficulté d’une variation discontinue du nombre de biens disponi-
bles, les économistes représentent souvent la gamme des produits disponibles par une
variable continue qui peut être accrue à la marge. C’est maintenant une hypothèse couram-
ment employée dans les modèles de croissance endogène.
20. Voir d’Aspremont et Jacquemin [1988], Kamien et al. [1992, 1993] et Suzumura [1992]
et pour une synthèse Amir [2000]. Voir aussi Graevnitz et Ulph, Technology policy with
complementary research paths : the complementary roles of RJV and R&D subsidies, CI
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Une troisième question porte sur l’internationalisation des activités de
recherche. En retenant une approche très stylisée, la contribution de Bernard
Franck et Robert Owen dans ce numéro cherche à expliquer comment les
différences de niveaux entre les « stocks de connaissances » de deux pays
affectent la décision de localisation internationale des activités de recherche
d’une entreprise. Un facteur important s’avère être le degré d’intégration
des marchés des deux pays. L’article présente ainsi l’avantage d’offrir une
base de réflexion théorique pour expliquer le phénomène de délocalisation
internationale des activités de recherche et l’impact d’une telle décision.
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présumées les plus élevées, au taux de rendement au sein d’un autre en-
semble de pays entre lesquels peu d’externalités de diffusion sont présu-
mées. Coe et Helpman [1995] trouvent ainsi que l’élasticité de la recherche
au sein des pays du G-7 est trois fois plus élevée que celle dans les autres
pays (respectivement 24 % et 8 %). De même, l’élasticité du PIB des autres
pays par rapport à la recherche réalisée dans les pays du G-7 est bien plus
élevée que l’élasticité du PIB des pays du G-7 par rapport à la recherche de
ces autres pays. Ces différents indicateurs montrent qu’il existe bien un effet
significatif de la recherche sur la croissance et que cet effet est d’autant plus
élevé que la diffusion des connaissances est importante.
Mais la recherche n’est que l’input du processus d’innovation. Qu’en est-il
de l’output de ce processus, c’est-à-dire l’innovation elle-même ? Pour ana-
lyser l’effet direct de l’innovation sur la productivité, les bases de données
individuelles, issues des différentes enquêtes Innovation auprès des entre-
prises, réalisées par le SESSI23, ont été abondamment utilisées en France.
Trois idées sont utilisées dans les travaux empiriques sur données d’en-
treprises. La première est qu’il est préférable d’adopter une approche struc-
turelle pour analyser la relation entre innovation et croissance, plutôt qu’une
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paux résultats obtenus, on retiendra les suivants :
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externe et qui utilisent peu la source informationnelle des brevets et dans
une moindre mesure les partenariats avec les laboratoires publics. On ob-
serverait ainsi, d’après ces résultats, une certaine dualité du système pro-
ductif en matière d’innovation. Il serait intéressant dans les travaux ulté-
rieurs de distinguer au sein des innovations de rattrapage, celles qui
correspondent à l’adoption des nouvelles techniques et des nouveaux pro-
duits d’une part, et celles qui comportent une amélioration de ces techni-
ques et produits d’autre part.
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croissance varierait entre 3 % dans les industries à faibles opportunités tech-
nologiques et 9 % dans les industries à fortes opportunités technologiques.
Par ailleurs, les entreprises qui basent leur croissance sur des innovations
de rattrapage obtiendraient des gains de productivité plus faibles29.
Les effets de l’innovation sur l’emploi30 sont encore loin d’être clairement
tranchés. Selon certaines études31, il conviendrait de distinguer les effets
des innovations de procédés et ceux des innovations de produits. Bien qu’il
soit difficile de tracer une frontière nette entre ces deux types d’innovations
dans la mesure où l’apparition d’un nouveau type d’équipement est à la fois
une innovation de produit pour l’entreprise qui l’introduit et une innovation
de procédé pour l’entreprise utilisatrice, le recours aux données d’enquêtes
auprès des entreprises suggèrent que cette distinction est pertinente. Les
innovations de procédé conduiraient à abaisser les coûts de production des
biens et services en substituant du capital au travail et auraient des effets
négatifs sur l’emploi des entreprises qui les ont introduites. Les innovations
de produits ou de services conduiraient au contraire à un effet positif sur
l’emploi. Ces innovations s’accompagneraient de créations d’emplois dans
29. Duguet, Knowledge diffusion, technological innovation and TFP growth at the firm
level : evidence from French manufacturing, CI 00016.
30. Blondel, Bartoli, Paillard et Robin-Champigneul, La spécificité de la France quant à la
performance en emplois d’une croissance fondée sur l’innovation, CI 99035.
31. Vivarelli et Pianta, eds. The Employment Impact of Innovation, Evidence and Policy,
Routledge, 2000.
les entreprises qui en sont à l’origine et on peut penser que par un effet
multiplicateur, l’emploi global induit augmente également32.
Au total, l’effet global de l’innovation sur l’emploi peut être ambigu. Il
dépend entre autres de l’importance respective des innovations de produit
et de procédé, de la composition sectorielle de l’économie, de la nature du
progrès technique, etc. Une des rares études en la matière33, basée sur
l’Enquête Innovation en France, suggère que les innovations conduisent à la
fois à une substitution capital — travail (effet négatif sur l’emploi) et à une
augmentation des débouchés (effet positif sur l’emploi), et que globalement,
l’effet positif l’emporterait sur l’effet négatif.
Un autre travail34 a cherché à tester sur données individuelles l’hypothèse
selon laquelle les changements organisationnels (décentralisation des déci-
sions, réduction du nombre de niveaux hiérarchiques, accroissement de la
variété des tâches individuelles, production flexible, etc.) induiraient un biais
en faveur des qualifications élevées. Les résultats, obtenus sur données
anglaises et françaises, laissent penser que les nouvelles formes d’organi-
sation du travail induites par l’innovation ont bien un effet significatif dans la
baisse de demande de travail peu qualifié.
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2. Gestion de l’innovation et théorie
de la firme innovante
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sont par exemple le PC, le téléphone mobile, Internet, etc., ce point de vue
change sensiblement lorsque l’on se place au niveau de l’entreprise.
35. Le Bas, Cabagnols, Gay, « How persistently do firms innovate ? An evolutionary view :
Empirical application of duration models », CI 00001.
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de la R&D dans les firmes41 ou les travaux sur l’insertion de jeunes scienti-
fiques dans les entreprises42. L’innovation apparaît plutôt comme une stra-
tégie d’intégration créative entre des ressources à constituer, des opportu-
nités à reconnaître et des processus à conduire. De ce fait, le régime de
l’innovation dans les entreprises ne dépend pas seulement des ressources
disponibles en capital ou en compétences ; il dépend aussi :
— a) des dynamiques organisationnelles, autrement dit de la capacité à
créer de nouveaux acteurs ou de nouveaux métiers, de la capacité à engager
des processus collectifs de transformation des pratiques ;
— b) des rationalisations gestionnaires mobilisées (règles d’investisse-
ment, méthodes de conception et de production, mode de gestion des pro-
jets, mode de constitution des équipes, etc.).
Cette représentation est d’ailleurs confirmée par l’histoire industrielle. On
ne peut, par exemple, séparer l’innovation qu’a été le chemin de fer des
dispositifs d’organisation et de gestion élaborés par les premières compa-
36. Jolivet « L’innovation technologique entre ordre et désordre. Le cas des hauts four-
neaux à injection en France et au Japon », Thèse de Sciences Économiques, Université de la
Méditerranée, Aix Marseille II, 1999.
37. Lenfle, « Compétition par l’innovation et organisation de la conception dans les indus-
tries amont » Thèse en Sciences de Gestion, Université de Marne la Vallée, janvier 2001.
38. Llerena et Oltra, « Diversity of innovative strategy as a source of technological perfor-
mance » CI 00003.
39. « Les modèles productifs dans l’automobile » La Découverte, Repères, 2000.
40. Lemasson et Weil, « Nature de l’innovation et pilotage de la recherche industrielle »,
Cahiers de Recherche du CGS, n° 16, décembre 99.
41. Mohnen et Mairesse, « R&D et productivité : survol de la littérature », CI 99019.
42. Paul et Perret, « Impact des relations université/industrie sur l’insertion en entreprise
des jeunes docteurs scientifiques », CI 99042.
Les recherches sur l’innovation, mettent trop souvent l’accent sur la seule
innovation technologique. Or, il est important de souligner que du point de
vue de la firme, il n’y a pas d’innovation technologique en soi et ce constat
a d’importantes conséquences théoriques. Une nouvelle technique n’est ja-
mais qu’un ensemble de possibles qu’il faut transformer en propositions
créatrices de valeur. Il n’y a donc en fin de compte que des innovations de
procédés, de produits, de logistique ou d’organisation etc. La mise à dispo-
sition d’une connaissance technique nouvelle ne donne naissance à un pro-
duit, à un procédé ou à une organisation qu’après un travail complet de
conception mobilisant, on l’a vu, bien d’autres connaissances ou d’autres
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innovations (pas d’Internet sans Java ou html par exemple), différentes de
celles qui ont stimulé le mouvement initial. Parmi celles-ci, une attention
particulière doit être accordée à l’innovation formelle44 (style, esthétique,
architecture).
Ce dernier type d’innovations joue en effet un triple rôle. C’est à la fois une
dimension essentielle de la compétition, une source de la croissance et un
stimulant pour d’autres innovations (procédés, architectures de produits,
matériaux, etc.). Par exemple, le succès de la Scénic Renault, copiée par tous
ses concurrents, montre la force économique de l’innovation formelle qui
n’a pas encore la place qu’elle mérite en économie ou en gestion45. A l’instar
des connaissances techniques, les nouvelles formes, lorsqu’elles s’insèrent
dans une stratégie d’innovation, bénéficient non seulement à leurs inven-
teurs mais, de plus, les plus significatives d’entre elles tendent aussi à se
diffuser et à bénéficier à des entreprises tierces. Il y a là tout un champ de
recherches nouveau dont les développements peuvent s’inspirer des analy-
ses contemporaines en économie de la culture ou de l’art. Il s’agit plus
profondément de mieux relier ces innovations formelles à l’économie indus-
trielle dans la mesure où l’histoire de l’innovation nous pousse à rejeter de
fausses distinctions. On sait par exemple comment au début du vingtième
siècle l’aérodynamique fut à la fois une valeur économique (accroissement
de la puissance des moteurs ou réduction de leur consommation), une
43. Millard, « Edison. The business of innovation », Mokyr, « The Rise and Fall of the
Factory System : Technology, Firms and Households since the Industrial Revolution », CI
00032.
44. Vervaeke « Design et innovation formelle », CI 99058.
45. Il faut d’ailleurs noter qu’une « forme » peut devenir un « dominant design » sans être
un « standard » c’est à dire le résultat d’une convention entre plusieurs acteurs : c’est le cas
des « monospaces automobiles ».
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2.2.1. Innovation répétée et rationalisation
de la conception
46. Wheelwright et Clark, Revolutionizing Product development, The Free Press, Mac
Millan, NY.
47. Hatchuel « Apprentissages collectifs et activité de conception », Revue Française de
Gestion, 1994.
48. Hatchuel et Lemasson, « Innovation répétée et croissance de la firme : micro-économie
et gestion des fonctions de conception », CGS, École des Mines de Paris.
49. Voir Hatchuel et Lemasson, ibid.
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2.2.2. Une nouvelle logique de la recherche industrielle
50. Par exemple l’utilisation d’un procédé de filtration connu depuis longtemps a constitué
une innovation radicale dans le monde des aspirateurs (aspirateur sans sac). La montre
Swatch (innovation radicale de procédé de montage), la balance électronique de Tefal (utili-
sation d’une propriété particulière du Téflon) appartiennent à cette même classe.
51. Hatchuel et Lemasson, ibid.
52. S’il n’est pas encore possible d’isoler dans les entreprises des « fonctions d’innova-
tions », on peut penser que cette notion s’éclaire mieux comme un régime particulier des
fonctions de conception.
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tion entre entreprises situées à un même niveau de la chaîne de valeur. Dans
ces différentes configurations, l’un des résultats majeurs de ces recherches
est de montrer le lien entre l’organisation interne de la firme et sa capacité
à faire opérer de manière efficace ces nouvelles interfaces de « co-
conception ».
On voit se dessiner ainsi une nouvelle logique de macro entreprises mon-
dialisées : elles s’efforcent d’orchestrer et de coordonner à partir de leurs
activités de conception les travaux de multiples équipes de recherches (pu-
bliques ou privées), les incitant à se réorganiser en fonction d’une logique
de l’innovation. Cette même logique a conduit certaines grandes firmes à
maintenir un réseau de « start-up » innovantes pour les intégrer le moment
venu. Ce mouvement correspond aussi à la mise en place de formes de
coopérations originales, les consortia de haute technologie dont l’impact et
les formes ont pu être étudiées56, 57.
Pour conclure cette section, on remarquera que les recherches conduites
au niveau des firmes font plus qu’éclairer les questions traditionnelles de
l’innovation. Elles montrent que l’innovation dans la firme contemporaine
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ment recherchée.
Il s’agit d’autre part, de préserver une capacité d’orientation autonome
dans la recherche publique, dans la mesure même où s’accroît la capacité
des entreprises à orchestrer et stimuler la recherche publique par des stra-
tégies d’innovation mieux conçues et mieux mises en œuvre60. En effet,
nous ne sommes probablement plus dans un contexte où il faut convaincre
les firmes que le recours à la recherche académique peut être utile à long
terme. Nous avons plutôt à envisager les conséquences nouvelles qui résul-
tent de la réussite d’une telle politique. Les entreprises ont progressivement
appris à mobiliser la recherche industrielle et ce mouvement est appelé à
s’étendre y compris au sein des PME/PMI. Pour cela, il fallait une transfor-
mation profonde de la logique de l’innovation, et celle-ci est en cours. Il ne
faudrait pas cependant qu’une telle logique domine par voie de retour la
logique de recherche académique. C’est l’articulation de celle-ci à l’innova-
tion qui doit être mieux clarifiée.
L’article d’Alexandre Cabagnols présenté dans ce numéro cherche à tirer
profit des enseignements joints de l’économie et de la gestion pour analyser
l’apprentissage technologique et la persistance du comportement innovant
des entreprises. A partir d’un échantillon de firmes britanniques et française
pour lesquelles des données de brevets américains détenus par ces entre-
prises ont pu être collectées, l’article cherche à expliquer la persistance de
l’innovation (nombre d’années consécutives pendant lesquelles la firme bre-
3. Économie et sociologie
de la science
Le secteur de la recherche scientifique, dans sa double fonction de pro-
duction de connaissances, d’éducation et de formation, joue un rôle crucial
dans les processus d’innovation61. La production de connaissances scienti-
fiques anime puissamment l’innovation dans un nombre de plus en plus
grand de secteurs. Ces effets sont d’autant plus accentués dans les domai-
nes où se développent fortement des programmes de recherche « inspirés
ou orientés » par les applications. En outre la demande d’emplois à haut
niveau de qualification scientifique augmente sans cesse et est une caracté-
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ristique dominante des marchés du travail dans les économies fondées sur
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la connaissance. Par ailleurs les contextes nouveaux de décélération de la
croissance des ressources publiques, d’engagement puissant de capitaux
privés dans certains domaines de la science et de privatisation tout azimut
des bases de connaissance donnent aujourd’hui au débat sur l’utilité de la
recherche publique un tour nouveau et essentiel.
C’est pourquoi, il était important que le programme consacre une part de
son activité à l’analyse économique de la recherche scientifique qui consti-
tue l’amont de l’innovation industrielle. Quelques travaux se sont particuliè-
rement penchés sur l’articulation de la science au reste de l’économie. On
présentera ici des travaux plus spécifiques à l’économie et la sociologie de
la science.
Il est très difficile d’établir aujourd’hui une sorte d’état des lieux sur les
rapports que tissent la science et l’économie. La plupart des avis relèvent de
visions impressionnistes ou très localisées (ces dernières restant bien évi-
demment importantes et dignes d’attention). Le peu d’avis qui s’efforcent de
prendre appui sur des évidences systématiques se heurtent au fait que ces
évidences sont soit très incomplètes, soit difficiles à interpréter. Il est en tout
cas deux modes d’approche qu’il convient d’éviter :
61. Nyssen, R&D based endogenous growth and public production of knowledge, CI
99055.
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cation scientifique), sans que cette propriété ne comporte un quelconque
droit d’exclusivité. Autrement dit, l’incitation est compatible avec la règle de
divulgation complète de la connaissance. La règle de priorité est donc un
mécanisme remarquable puisqu’elle permet de créer un actif collectif, une
forme de propriété intellectuelle, qui résulte de l’acte même de renoncer à la
possession exclusive de cette connaissance. Elle crée des contextes favora-
bles à la course à l’invention, tout en assurant la divulgation des résultats.
La science ouverte se présente dès lors comme une forme d’organisation
favorisant la cumulativité, la progressivité des savoirs, l’inventivité ainsi que
le contrôle de la qualité. Elle constitue à la fois une puissante machine à
produire des collectifs et des communautés et un support essentiel d’édu-
cation et de formation contribuant fortement à l’enrichissement du capital
humain. Elle présente une forme originale de gestion des externalités qui est
très différente de celle qui prévaut dans le cadre des marchés privés64. On
doit donc rester très attentif aux évolutions en cours, qui risquent de remet-
tre en cause ces principes et de saper les bases organisationnelles de la
science ouverte. Celle-ci est dans son essence même un système fragile et
instable, comme l’est d’ailleurs n’importe quel arrangement coopératif, en
l’absence d’un tiers chargé de faire appliquer les règles, y compris celles
consistant à appliquer des sanctions en cas de déviation.
62. Callon [1998], The role of lay people in the production and dissemination of scientific
knowledge, École des Mines de Paris.
63. David et Dasgupta [1994], Towards a new economics of science, Research Policy, 23 ;
Callon et Foray [1997], Économie de la science ou socio-économie de la recherche scientifi-
que, Revue d’Économie Industrielle, n° 79.
64. Hall, Intellectual Property Rights : Aspect of Internet Collaboration, Bruxelles, DG Re-
cherche, janvier [2001] ; voir aussi Autant-Bernard et Massard, Économétrie des externalités
technologiques locales et géographie de l’innovation : une analyse critique, CI 99025.
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cations, est fortement asymétrique (la loi de Lotka66 énonce que 10 % des
chercheurs produisent la moitié des articles de recherche).
— La stabilité au cours du temps de cette distribution est très forte : la
structure hiérarchique caractérisant une cohorte de scientifiques persiste
tout au long de la durée de vie de celle-ci.
— On observe même un accroissement de la polarisation au fur et à
mesure du vieillissement de la cohorte.
Quelle est la signification de ces évidences ? Elles peuvent simplement
refléter une distribution très inégale des talents. Si c’est le cas — les diffé-
rences importantes en termes de productivité ne reflétant que les variations
des aptitudes — alors on dira que le système de sélection fonctionne bien au
sens où les plus talentueux sont repérés et reçoivent les ressources appro-
priées pour exploiter leur talent. Certes, il convient de s’interroger dans ce
cas sur l’efficacité d’un système d’allocation de ressources dont le résultat
est que près de 80 % des publications sont attribuées à 1/3 des chercheurs.
Des décideurs publics imprudents pourraient penser que le progrès de la
science ne serait pas significativement ralenti si l’on réduisait considérable-
ment le nombre de scientifiques, c’est-à-dire la fameuse proportion des 2/3
qui ne produisent presque rien. Mais ce serait là une grave erreur. Le propre
de l’activité de recherche comme celui de la production d’innovations indus-
trielles est d’être marquée par de fortes incertitudes, à l’origine de distribu-
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tablement l’agence publique à transformer en « stars » des chercheurs
moyens, simplement parce que lors des périodes initiales, certains choix
créent une présomption en faveur d’individualités qui bénéficient ainsi d’op-
portunités pour continuer à améliorer leur capacité et donner l’illusion à
l’agence publique qu’elle en sait assez pour sélectionner ses « stars ».
Ces propriétés et ces premiers résultats ont été mis au jour dans le cadre
des travaux de Paul David qui a construit et testé un modèle de simulation
(Stochastic Simulation Model of Public Ressource and Research Producti-
vity). La structure de ce modèle, fondée essentiellement sur des effets
d’avantages cumulatifs produits par des situations initiales aléatoires, per-
met d’engendrer les propriétés de disparité des productivités, de stratifica-
tion et de persistance au cours du temps de la hiérarchie ainsi créée70. Ce
modèle permet d’éclairer toute une série de problèmes fondamentaux de la
science, jusqu’à maintenant peu compris. Un exemple particulièrement im-
portant touche la disparité entre hommes et femmes en termes de publica-
tions et performances, disparité dont le modèle montre qu’elle n’est pas
forcément directement liée à la question de la maternité et du travail domes-
tique mais plutôt au fait que les dynamiques d’avantage cumulatifs créent
une sensibilité très forte des résultats finaux aux performances individuelles
lors de périodes initiales très courtes.
67. Sornette, Economy of scales in R&D with block-busters, Cahier Innovation 00007.
68. Scherer, The size distribution of profits from innovation,, in Encaoua et al., eds. [2000].
69. Cowan [1991], Tortoises and Hares : choices among technologies of unknown merit,
Economic Journal, 101, David [1994], Positive feedbacks and research productivity in
science : reopening another black box, in Economics of technology, O. Grandstrand (ed.),
Elsevier Science.
70. Arora, David et Gambardella, Reputation and competence in publicly funded science :
estimating the effects on research group productivity, in D. Encaoua et al., eds. [2000].
Dans le cas français, une première étude, réalisée dans le cadre du pro-
gramme, sur les publications de 500 physiciens de la matière condensée du
CNRS et des citations à ces publications, recueillies entre 1981 et 1997 (à
partir des données du Science Citation Index)71 a permis de mettre en évi-
dence deux des régularités empiriques précédemment mentionnées, à sa-
voir l’inégalité des productivités des chercheurs et la persistance des hiérar-
chies de productivité. L’existence d’une dynamique d’avantages cumulatifs
ne semble pas en revanche vérifiée. Cette observation demande néanmoins
à être confirmée et approfondie72. D’autres résultats sur l’intensité des co-
publications entre laboratoires de recherche suggèrent en effet qu’un facteur
notable de productivité des chercheurs est l’insertion dans des réseaux dy-
namiques de collaboration et l’appartenance à un laboratoire important, lui
même ouvert aux collaborations extérieures, notamment internationales. Il y
aurait ainsi un effet laboratoire qui s’apparenterait à un effet cumulatif.
Laure Turner et Jacques Mairesse présentent une contribution intéres-
sante sur ce thème. Ils étudient les relations de collaboration, définies en
termes de co-publications, entre les physiciens de la matière condensée du
CNRS, et ils cherchent à analyser les déterminants de ces relations, notam-
ment en répondant à la question suivante : la distance géographique entre
laboratoires contribue-t-elle à expliquer l’intensité des collaborations dont ils
proposent une mesure simple ? Leur réponse est que la proximité immé-
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diate des relations « face-à-face » importe surtout, tandis que le rôle de la
distance géographique à proprement parler serait très faible.
71. Turner, Constitution de la base de données des publications et citations de 350 physi-
ciens du CNRS, UNIPS-CNRS [1998], Voir également note 65.
72. Turner, Différences de productivité entre chercheurs et inégalités de promotion dans la
carrière : une première exploration sur un échantillon de physiciens du CNRS, DEA, Paris I,
septembre [1999].
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Or, si nous examinons les structures organisationnelles du CNRS, nous
constatons que celles-ci ne correspondent à aucun des deux modèles73. Les
chercheurs du CNRS n’ont pas de contraintes d’enseignement. Ne relevant
donc pas du modèle de Arrow, ils devraient ressortir du second modèle.
Cependant, le fait que de nombreuses équipes CNRS soient localisées dans
les universités et soient composées à la fois de chercheurs employés par
l’organisme et d’universitaires implique que les chercheurs CNRS profitent
finalement de la même liberté académique que leurs collègues universitai-
res. Cette spécificité propre à la France crée un problème d’incitation : le lien
entre la liberté académique et la contrainte d’enseignement est rompu, le
bénéfice de la liberté académique sans la contrainte d’enseignement ne
pouvant être attribué qu’à une petite élite (type académie des sciences). Or,
le CNRS est une organisation de masse.
La correction du problème est évidente. Il y a au CNRS deux communau-
tés, obéissant à des mécanismes incitatifs différents. Une communauté de
chercheurs académiques — dont les laboratoires sont localisés dans les
universités en tant qu’équipes associées au CNRS et dont les membres
universitaires ont des comportements de recherche académique. Un nou-
veau contrat devrait être établi pour les chercheurs de ces laboratoires ayant
un statut CNRS, incluant un service d’enseignement minimal, qui pourrait
d’ailleurs consister en enseignement de recherche plutôt qu’en une trans-
mission de savoirs stabilisés. L’autre communauté, celle des laboratoires
propres au CNRS, correspond clairement au modèle des laboratoires natio-
naux, impliquant un certain niveau de contrainte d’emploi.
73. Foray, The future of the CNRS : Academic research center or national laboratory ?,
présentation DG XII, avril [1999].
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caractère conservateur de la première option : dans le cadre d’un post-doc
en France, il y aurait conservation (et approfondissement) aussi bien du
thème développé dans la thèse, que du style de recherche et du mode
épistémologique de résolution des problèmes. Une attitude plutôt méfiante
à l’égard des collaborations industrielles s’observe également. Un post-doc
réalisé en France renforcerait ainsi les schémas cognitifs et les compétences
socio-économiques acquises lors de la thèse. Au contraire, les chercheurs
français partant aux États-Unis pour réaliser leur post-doc auraient tendance
à enrichir leurs méthodes et outils de recherche, tout en prenant conscience
plus rapidement de l’intérêt des collaborations industrielles. Les ruptures
sont telles que le retour en France est souvent jugé difficile.
On observe donc des différences essentielles, qui ont des implications
multiples, tant au niveau des conditions d’insertion des jeunes chercheurs
dans le système de recherche qu’à celui des performances générales du
système d’innovation.
S’intéressant à la procédure des thèses en entreprise, l’IREDU a développé
des travaux à l’articulation de l’économie et de la sociologie de la science et
de l’économie et de la sociologie du travail. Ces travaux permettent notam-
ment d’éclairer une fonction essentielle de la science ouverte qui est de
fournir des informations précises et fiables sur la qualité des jeunes cher-
cheurs — dont peuvent bénéficier les firmes au cours de leur procédure de
recrutement.
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Dès lors que les avancées scientifiques deviennent immédiatement utiles
pour la production d’innovations, la rentabilité privée de la recherche de
base s’élève, pourvu que l’appropriation privée de la connaissance soit or-
ganisée (brevets) et que les problèmes d’indivisibilité des coûts ne soient
pas trop importants ou allégés par les aides publiques à la R&D commer-
ciale. Les caractéristiques du secteur des sciences de la vie sont ainsi favo-
rables à l’apparition d’un marché sur des activités très en amont, donnant
lieu à un processus de désintégration verticale de l’industrie. Des petites
firmes entrent sur ce marché pour découvrir une connaissance de base ou
inventer un outil de recherche. Elles obtiennent un brevet et vendent des
licences d’exploitation à d’autres firmes, voire à des chercheurs académi-
ques. Ce modèle se met notamment en place aux États-Unis dans le secteur
des biotechnologies, depuis les années 1990. Par rapport à une structure
verticalement intégrée (qui serait composée dans ce cas de la recherche
publique et des grandes firmes pharmaceutiques), la désintégration verticale
fondée sur la création d’une offre intermédiaire spécialisée est plus efficiente
lorsque : 1) la concurrence horizontale interne à un segment d’activité est
forte ; 2) la spécialisation permet des réductions des coûts ; 3) la coordina-
tion verticale est relativement peu importante ; 4) les prix reflètent fidèle-
ment les coûts marginaux d’opportunité ; 5) les arrangements contractuels
sont simples et effectifs.
75. Paul et Perret, Impact des relations université — industrie sur l’insertion en entreprise
des jeunes docteurs, CI 99042.
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hautement intégrées, sachant combiner différents moyens d’appropriation
(outre les brevets, la marque, le savoir faire propriétaire, les barrières à
l’entrée réglementaires), suffisamment diversifiées sur le marché des pro-
duits pour permettre l’internalisation des externalités et financièrement so-
lides pour supporter les risques induits par la recherche de base79.
Tandis qu’un seul modèle semble aujourd’hui retenir l’attention des admi-
nistrateurs et des décideurs publics — celui de la « start-up » qui développe,
exploite et privatise les connaissances issues de la recherche publique — il
faut rappeler avec force que d’autres modèles sont possibles et ne sont en
rien obsolètes. La comparaison de ces différents modèles a été effectuée
dans certains travaux, notamment en ce qui concerne les recherches en
génomique80.
76. Mowery et Ziedonis, Academic patent quality and quantity before and after the Bayh-
Dole Act in the US, CI 00019 ; Cassier, Brevets et santé publique : un parallèle entre les
brevets sur les gênes aujourd’hui et les brevets de médicaments au XIXe siècle, CI 00025.
77. Beath, Owen, Poyago-Theotaky et Ulph, Optimal incentives for income generation
within universities, CI 00012.
78. Henry, Trommeter et Tubiana, Innovations et droit de propriété intellectuelle : quels
enjeux pour les biotechnologies ? in « Propriété Intellectuelle », Rapport Conseil d’Analyse
Économique [2003].
79. Crampes, La recherche et la protection des innovations dans le secteur pharmaceuti-
que, Cahier In 99023.
80. M. Cassier et J.-P. Gaudillère [2000], La recherche bio-médicale au cœur des marchés
économiques ; approche socio-économique de la constitution de nouveaux marchés de la
connaissance et de la santé, Colloque des Économistes Français de la Santé ; Voir aussi
Crampes, Idée et marché, CI 99024.
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La dimension internationale plaide en faveur d’infléchissements des poli-
tiques nationales de soutien de l’innovation pour s’adapter aux mutations
technologiques de l’économie de la connaissance83. Deux éléments sont à
l’origine des transformations du système national d’innovation. D’une part,
les retards dans certains domaines clés contemporains comme les Techno-
logies de l’Information et de la Communication (TIC) ou les Technologies des
Sciences du Vivant (TSV) contraignent certains pays à infléchir les orienta-
tions passées afin de réduire leur retard dans ces domaines. D’autre part, les
moyens d’action correspondant sont de plus en plus concertés au niveau de
l’ensemble des pays membres de l’Union Européenne, notamment au tra-
vers les orientations et le financement des programmes cadres. La création
du brevet européen simplifiant la mesure de délivrance dans différents pays
membres et la procédure de dépôt international de brevet sous le régime du
Patent Cooperation Treaty (PCT) vont dans ce sens.
Une autre raison, plus factuelle, plaide pour une révision de la notion de
système national d’innovation. L’environnement international a beaucoup
81. Le thème des politiques publiques en faveur de l’innovation a fait l’objet d’une confé-
rence du programme : Technology Policy and Innovation : Economic and Historical Perspec-
tives, Paris, 20-22 novembre [2000].
82. Une abondante littérature est consacrée à cette notion inspirée des travaux de théorie
économique évolutionniste : Freeman [1987], Technology Policy and Economic Performance,
Pinter, London ; Lundvall [1992], National Systems of Innovation, Pinter, London ; Lundvall
[1988], « Innovation as an interactive process : from user-producer interaction to the national
system of innovation », in Dosi et al. eds, Technical Change and Economic Theory, Pinter,
London ; Metcalfe [1995], « The Economic Foundations of Technology Policy », in Stoneman,
ed. Handbook of the Economics of Innovation and Technical Change, Basil Blackwell, Ox-
ford ; Nelson [1994], National Innovative Systems, Oxford University Press, Oxford.
83. OCDE [1996] : The Knowledge-Based Economy [1996], Fagerberg, Europe at the
crossroads : The challenge from innovation based growth, CI 00027.
changé depuis le début des années 1980. Jusqu’à cette période, la politique
de la recherche s’inscrivait dans un environnement où les mécanismes de
coordination par les forces du marché étaient plutôt en retrait et où les
grandes entreprises à l’origine des innovations technologiques étaient bien
moins soumises à la concurrence internationale qu’elles ne le sont à pré-
sent. L’État disposait dans ce contexte d’une plus grande latitude pour
l’orientation des choix technologiques. Cette latitude est à présent remise en
question. Les transformations en matière de privatisation, de déréglementa-
tion financière et d’ouverture à la concurrence des services publics, les ten-
sions sur les finances publiques, la baisse des commandes d’armement
après la guerre froide, sont autant de facteurs qui affectent les choix publics
en matière d’orientation technologique. De plus, les relations entre les pou-
voirs publics et les entreprises sont marquées par de fortes asymétries d’in-
formation et l’État est parfois incapable d’identifier, suffisamment à l’avance,
les domaines qui auront le rendement social le plus élevé.
Dès lors, émerge une conception nouvelle de la politique de l’innovation
reposant davantage sur une logique incitative que sur une pure logique
quantitative. Elle consiste à utiliser au mieux les mécanismes d’incitation et
de coopération pour l’affectation des ressources plus rares allouées par
l’État. C’est ce qui fonde les politiques récentes en France, mettant en avant
un ensemble de mesures transversales afin d’alléger les obstacles à l’inno-
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vation et de permettre la diffusion des connaissances dans le tissu écono-
mique et social.
L’évolution de la politique technologique de la France sur longue période
est de ce point de vue instructive. Jusqu’à un passé récent84, il ne s’est agi
en France que de politique de la recherche et non pas de politique de
l’innovation85. L’intensité de l’effort public en faveur de la R&D des entrepri-
ses a été relativement importante durant les vingt cinq dernières années, par
rapport à d’autres pays. Mais l’aide publique s’est largement concentrée sur
un nombre restreint de secteurs et d’entreprises dont les commandes pro-
venaient d’avantage de l’État (besoins civils et militaires) que du marché.
Dans plusieurs activités, marquées par des technologies sophistiquées et
l’importance des investissements requis, la décision publique permet de
corriger les défaillances des mécanismes de marché. Des réalisations indus-
trielles remarquables ont ainsi été réalisées et, elles n’auraient vraisembla-
blement pu émerger sans l’intervention forte et décisive de l’État : sont ainsi
concernés le spatial, l’aéronautique, le nucléaire, le matériel de transport
terrestre, les télécommunications et la production d’armements sophisti-
qués.
Mais l’envers du décor ne peut être ignoré. D’abord, toutes les interven-
tions publiques n’ont pas été couronnées de succès : il y a eu des échecs
technologiques importants. Ensuite, il est apparu que les retombées techno-
logiques n’ont pas eu lieu avec l’intensité que les pouvoirs publics étaient en
droit d’attendre. En troisième lieu, des retards ont été accumulés dans cer-
taines industries qui allaient s’avérer motrices par la suite. En quatrième
lieu, le décalage de performances entre la recherche fondamentale et les
innovations technologiques et commerciales s’est creusé. Alors que la
France conserve un rang honorable en matière de publications scientifiques,
ses performances en matière d’innovations industrielles sont plus faibles,
comparées à celles d’autres pays, comme l’attestent les statistiques de bre-
vets. Selon les statistiques de l’INPI, il y a eu en 1999 plus de 138 000 dépôts
de demande de brevet en France, mais seulement un peu plus de 21 000
d’entre eux émanaient de déposants français. Enfin, dernier argument, la
baisse des crédits militaires86 et civils a posé au grand jour le problème de
la survie du modèle français, marqué par l’importance des grands program-
mes technologiques, afin de satisfaire des objectifs de « souveraineté natio-
nale ».
L’évolution de l’environnement global et le poids des contraintes budgé-
taire ont ainsi conduit à une réorientation, ou du moins, à une certaine
inflexion dans les interventions publiques en faveur de l’innovation en
France, durant les années récentes. D’une part les propositions s’ordonnent
davantage autour du contenu d’une politique de l’innovation qu’autour
d’une politique de la recherche. D’autre part, une logique incitative semble
prendre le pas. Les politiques publiques trouvent leur expression dans di-
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vers instruments visant à renforcer le partenariat entre la recherche publique
et les entreprises. Ces instruments incluent aussi bien les mesures en faveur
de la mobilité des chercheurs du secteur public vers le secteur privé qu’une
série de mesures transversales en faveur de l’amorçage et de l’incubation
des start-up, des subventions à l’innovation, du financement du capital ris-
que, de l’orientation de l’épargne vers l’innovation, etc. Se sont ainsi déve-
loppés, d’une part, des Réseaux de Recherche et d’Innovation Technologi-
que (RRIT) bénéficiant de ressources financières permettant de mutualiser
des moyens matériels, financiers et humains entre différents partenaires
dans différents domaines qui incluent à présent les Sciences de la Vie et les
Technologies de l’Information, Télécommunication, Multimédia et, d’autre
part, des Centres Nationaux de Recherche Technologique (CNRT) qui favo-
risent au niveau régional les collaborations entre les laboratoires de recher-
che publique, les centres de recherche des grands groupes industriels et
certaines PME. A ces deux types d’institutions de collaboration, il convient
d’ajouter les Équipes de Recherche Technologique (ERT) créées par le mi-
nistère de la recherche et visant à lever des verrous technologiques et les
Services d’Activités Industrielles et Commerciales (SAIC) pour améliorer la
valorisation des résultats de la recherche publique dans les Universités.
Même si l’engouement vraisemblablement excessif que les nouvelles for-
mes d’innovations entrepreneuriales ont suscité est quelque peu retombé
après l’éclatement de la bulle technologique, il n’en demeure pas moins que
la politique publique en France met à présent l’accent sur les modalités
permettant de lever les obstacles à l’innovation.
86. Sur la R&D militaire, voir les articles du Hanbook of Defense Economics, North Hol-
land.
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obstacles à l’innovation est d’allouer des moyens importants et réguliers à la
recherche fondamentale qui pourvoit les compétences et les qualifications
requises. D’autres mesures comme celles consistant à favoriser la mobilité
des chercheurs, à accentuer la formation technique, à éviter la fuite des
travailleurs qualifiés en offrant des rémunérations suffisamment incitatives,
à faciliter la politique d’accueil de travailleurs qualifiés étrangers, etc. per-
mettent d’alléger, mais dans une mesure moindre que le soutien à la recher-
che fondamentale, l’obstacle principal à l’innovation qu’est la pénurie de
travail qualifié.
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ment et du capital de R& D de l’ordre de 3 à 5 %.
89. Lach, Do R&D subsidies stimulate or displace private R&D ? Evidence from Israel, CI
00036.
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et les inconvénients de deux doctrines juridiques s’appliquant à la protec-
tion. Selon la première, dite de divulgation (enablement doctrine en anglais),
la protection ne porterait que sur les caractéristiques de l’invention décrites
dans le brevet. L’étendue de la protection accordée à un innovateur se
trouve ainsi limitée aux revendications accordées par l’Office des Brevets sur
base de ce qui est divulgué. Alternativement, selon la seconde doctrine, dite
des équivalents (prospects doctrine en anglais), l’étendue de la protection
retenue devrait couvrir tout le champ d’applications commerciales qu’ouvre
la découverte initiale. Après avoir analysé et comparé les effets de ces deux
doctrines sur les incitations à innover respectives de deux innovateurs de
deux générations successives et évalué l’effet des deux doctrines sur le
bien-être social, l’article plaide pour le recours à la première doctrine qui
limite l’étendue de la protection.
Il est clair que le spectre des questions soulevées par les politiques publi-
ques de l’innovation est beaucoup plus large que ce qu’on vient d’en dire.
Parmi les questions non répertoriées ici, mentionnons, entre autres, l’impact
de l’harmonisation des droits de propriété intellectuelle sur le développe-
ment économique des pays du Sud, l’instauration du régime de la licence
obligatoire, les incitations à la recherche coopérative, les problèmes
90. Encaoua, Guellec et Martinez [2003], The Economics of patents : from natural rights to
policy instruments, Cahier EUREQua ; Rapport Conseil d’Analyse Économique [2003], Pro-
priété intellectuelle, Documentation Française ; Lévêque et Menière, Économie de la pro-
priété intellectuelle, La Découverte.
91. Brocas, Regulating research and development of a single firm under incomplete infor-
mation, CI 99022 ; Crampes, La recherche et la protection des innovations dans le secteur
pharmaceutique, CI 99023 ; Kremer [1998], Patent buyouts : a mechanism for encouraging
innovation, Quarterly Journal of Economics, vol. 113 ; I. Brocas, Designing auctions in R&D :
optimal licensing of an innovation, CI 99021 ; Arora, Gambardella et Pammoli, The nature
and the extent of the market for technology in biopharmaceuticals, CI 00037.
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92. Branciard, L’articulation science-innovation en France : Dix ans d’action publique pour
le développement de la génomique et des biotechnologies, CI 00005, Mowery et Ziedonis,
Academic patent quality and quantity before and after the BAYH-DOLE Act in the US, CI
00019.
93. Encaoua et Hollander [2002], Competition Policy and Innovation, Oxford Review of
Economic Policy.