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CHAPITRE 12 : ADAPTER SON MANAGEMENT DANS LES ENTREPRISES ET LES

ORGANISATIONS EN AFRIQUE
1. L’adaptation managériale au contexte africain
1.1. Les attitudes personnelles à développer
 Primauté de la relation
Pour des relations fructueuses avec des interlocuteurs africains, plusieurs conseils sont prodigués :

 Flexibilité dans la gestion du temps : Pour des rencontres en Afrique, il est conseillé
d'obtenir des accords préliminaires avant le départ et de finaliser les détails une fois sur
place, en raison de la nécessité de souplesse dans le calendrier.
 Respect de la notion de "face" : Cela implique d'être attentif à l'élégance vestimentaire,
à la manière de s'exprimer et à la manière de se comporter. Les aspects de l'élégance
revêtent une grande importance, et il est crucial de contrôler son comportement pour
entretenir de bonnes relations.
 Passer d'une présentation formelle à un style simple et naturel : Une fois les
premières présentations effectuées, adopter un style de communication simple et naturel
est recommandé. L'humour peut être un atout majeur pour créer une atmosphère détendue
et renforcer la complicité dans la relation.
 Phases des négociations : Les négociations se déroulent généralement en quatre étapes :
introduction formelle, établissement d'une relation personnelle, négociation effective, puis
finalisation de l'accord. Ces étapes peuvent nécessiter plusieurs interactions pour parvenir
à un accord.
 Préparation pour des projets complexes : Les projets plus complexes impliquent de
nombreuses consultations et négociations. Il est essentiel de se préparer à ces multiples
interactions pour mener à bien ces projets. Des difficultés spécifiques liées à un projet de
coopération décentralisée au Mali sont présentées dans la section suivante.
 La gestion des situations difficiles
 Comportements à éviter : Il faut bannir toute arrogance, impatience, colère ou dévalorisation
envers la communauté ethnique ou nationale. De plus, éviter toute forme d'humiliation envers
les interlocuteurs ou collaborateurs, ainsi que tout comportement familier inapproprié, en
particulier envers les femmes.
 Pression à la corruption : Dans certains contextes africains, la solidarité et la redistribution
exigée des cadres peuvent mener à des pressions pour des actes de corruption. Il est
recommandé de favoriser des services personnels licites pour maintenir de bonnes relations,
comme aider un partenaire africain à faire admettre son fils dans un établissement
d'enseignement supérieur européen.
 Prudence contre les abus de confiance : Il est important de faire preuve de prudence pour
éviter des situations d'abus de confiance plus subtiles. Un exemple est donné avec l'étude de
cas au Cameroun.
Etude de cas au Cameroun : le directeur général d'une entreprise agro-alimentaire a utilisé les
ressources de l'entreprise pour ses propres bénéfices. Après avoir obtenu un prêt pour construire sa
maison, il a ensuite loué cette maison à l'entreprise à un prix excessif, refusant simultanément
d'accorder des avantages ou une augmentation de l'indemnité de logement aux employés, arguant des
problèmes financiers de l'entreprise. Le conseil d'administration, lui-même bénéficiant d'avantages de
l'entreprise, n'a pas réclamé le remboursement du prêt accordé au directeur général. Cette conduite
soulève des préoccupations éthiques majeures, mettant en lumière l'utilisation inappropriée des
ressources de l'entreprise à des fins personnelles et les conséquences néfastes sur les employés et la
gestion globale de l'entreprise.
1.2. Stratégie de management interculturel pour une organisation
Dans de nombreuses cultures en Afrique, il existe une préférence ou une tendance à recruter ou
promouvoir des membres de la famille, du village, du clan ou de l'ethnie. Cette solidarité
communautaire peut influencer les décisions de recrutement ou de promotion au sein des organisations
locales.
Cependant, les entreprises internationales ou les organisations qui cherchent à favoriser la compétence,
la diversité et à éviter la formation de groupes fermés au sein de leur structure, préfèrent souvent
adopter une approche plus professionnelle. Elles privilégient le recrutement et la progression en
fonction des compétences et de l'expertise professionnelle plutôt que des liens familiaux ou
communautaires. Elles cherchent à équilibrer la diversité ethnique dans leur personnel et mettent
l'accent sur des critères objectifs et professionnels dans leurs processus de sélection et d'avancement
des employés. Cette approche vise à construire des équipes plus variées sur le plan professionnel,
minimisant ainsi les préférences basées sur des affiliations personnelles ou familiales.
L'étude de cas au Sénégal expose une expérience où une filiale importante d'une grande entreprise
française à Dakar a vu 40 % de ses effectifs provenir de la localité d'origine du Directeur des
Ressources Humaines sénégalais, qui favorisait le recrutement de personnes de sa communauté. Cette
pratique, courante dans de nombreuses PME informelles au Sénégal, peut créer une cohésion parmi le
personnel, mais peut poser des problèmes dans une multinationale.
Dans une grande entreprise, favoriser le recrutement communautaire n'est pas aligné avec la politique
de diversité souvent préconisée. Cela crée des problèmes, notamment en compromettant la quête des
compétences les plus adéquates pour l'entreprise. De plus, en formant progressivement un groupe
social important avec sa propre dynamique interne et une hiérarchie parallèle à celle de
l'organigramme officiel, cela peut créer un "État dans l'État", menaçant la cohérence et la direction
globale de l'entreprise.
En Afrique, il y a différents points de vue sur le recrutement dans les grandes entreprises. Certains
recommandent la diversité dans le recrutement, d'autres suggèrent de représenter les équilibres
ethniques du pays. Cependant, cela soulève des questions éthiques car cela peut signifier choisir en
fonction de l'ethnie. Une approche plus sûre, bien que complexe, est de recruter en se basant sur les
compétences. Certains choisissent de déplacer les managers dans des pays voisins pour éviter les
pressions communautaires, même si cela a des coûts et réduit la proximité culturelle.
Dans une entreprise majeure au Gabon, dirigée en grande partie par un groupe français avec une
implication du gouvernement, un nouveau système de gestion des carrières a été proposé. Cependant,
lors de sa présentation au comité exécutif, majoritairement constitué de dirigeants gabonais, ce
système a été fortement contesté. La résistance découle du fait que traditionnellement, les postes de
direction étaient liés à des groupes tribaux spécifiques. Cette tradition a créé des liens forts entre les
directeurs et les syndicats. Ils redoutent que ce nouveau système ne perturbe cette structure tribale
établie, ne brise les équilibres ethniques en place et ne génère des tensions internes au sein de
l'entreprise. L'établissement de cette filiale au Gabon, à l'époque de l'indépendance, a attiré une main-
d'œuvre venant de diverses régions du pays, formant ainsi une ville importante. Au départ, la demande
d'emploi était forte et les compétences techniques étaient rares parmi les locaux, donc les postes
spécialisés étaient occupés par des expatriés chargés également de former les employés gabonais. La
répartition ethnique des postes a été perçue comme une solution équitable à l'époque, et le long mandat
précédent d'un directeur général gabonais a limité les changements. Cinquante ans plus tard, cette
répartition ethnique est devenue enracinée dans l'entreprise, rendant toute modification difficile en
raison de l'histoire et des habitudes établies.
Ainsi, le projet d'électrification de la ville de Nioro, au Mali, implique la collaboration entre des
municipalités françaises et celle de Nioro. Des bénévoles de l'organisation "Electriciens sans
frontières", tentent d'installer un système électrique. Cependant, des difficultés surgissent : des
tensions entre comités, des désaccords sur les quartiers à desservir en premier, des discussions sur la
tarification de l'électricité, des demandes de salaire de la part de certains bénévoles, et des problèmes
de budget pour l'entretien futur. Ces problèmes ont entraîné la suspension temporaire des
raccordements électriques et ont laissé les bénévoles frustrés, ayant le sentiment que leurs efforts n'ont
pas abouti.
L'électrification d'une ville ne se limite pas seulement à l'aspect technique. Elle impacte divers aspects
de la vie quotidienne et sociale des habitants, tels que les outils de travail, l'accès à la culture via la
télévision, les habitudes familiales, les relations entre les quartiers, la santé, la sécurité nocturne, etc.
Cependant, lors de la mise en œuvre de ce projet, les aspects financiers, sociaux et culturels n'ont pas
été pris en considération de manière adéquate par les techniciens français bénévoles. Cette négligence
a conduit à des problèmes et à des conflits, notamment en ignorant les implications culturelles,
économiques et politiques du projet. Cela reflète donc l’importance d'analyser les dynamiques de
pouvoir locales et nationales, ainsi que le contexte culturel, pour adapter efficacement un projet
technique à un environnement donné.

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