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pièces du CARNAVAL de
Schumann
DEUXIÈME PARTIE
Un rythme omniprésent
a2
tronqué a3
A’ a1
a2
tronqué A’3
partie B :
emprunt mélodique
un extrait des Trauerwalzer D365 de
Franz Schubert.
▪ Un grand ambitus
Certains accords de la main gauche, d’un ambitus trop large pour être joués en un
seul geste sont rapidement arpégés et entendus pleinement grâce à la pédale :
md md
1. Tout d’abord Più moto (plus animé), Schumann présente un motif de 5 notes, 4
croches-noires à la main droite sur un rythme de la valse à la main gauche et qui
est repris dans divers registres, grave, médium et aigu, à la main droite et à la main
gauche, en tuilage et qui varie suivant les accords de la construction harmonique du
morceau. C’est une amorce du thème qui apparait par la suite en entier.
2. Vient ensuite le thème de la valse dont l’incipit reprend le motif précédent.
La mélodie est toujours jouée par la main droite tandis que la main gauche poursuit son accompagnement
sur une rythmique de valse.
(La présentation sur les généralités éclaire sur la notion de double dans le cycle ainsi que sur l’origine et l’utilisation du titre)
Les Davidsbündler sont des Personnages que Schumann met en scène dans sa revue
et qu’il a musicalisé dans certaines pièces de ce cycle :
Chopin, Paganini, Chiarina, Estrella, indirectement Schubert,
et bien sûr Eusébius, le discret et Florestan à la critique mordante,
« ses meilleurs amis »
Ils sont les défenseurs de la nouvelle musique qu’incarne Berlioz, Liszt, Mendelssohn, Wagner même
si c’est avec réserves, etc. et gardent un attachement indéfectible à la grande tradition, Bach, Mozart,
Haendel, Beethoven, Schubert…
« un temps irrémédiablement révolu, sauf à ce que le présent se laisse enseigner et féconder par un
passé que son idéalisation rend intemporel »
« Les Philistins » sont tous ceux qui refusent et s’opposent à cette nouvelle génération de musiciens
pour leur préférer les «vieux contrapuntistes, anti-chromatiques » et les pianistes virtuoses, dont la
superficialité est souvent affichée.
En 1837, Schumann écrit également une suite de 18 pièces pour piano qu’il intitule Les
Davidsbündlertänze, Opus 6 dont la première édition porte la seule mention
« Pièces caractéristiques composées par Florestan et Eusébius » (les deux doubles de Schumann).
Quelques mots sur la revue
Neue Zeitschrift für Musik ou NZM
Dès le premier numéro de 1835, Schumann s’affirme comme seul rédacteur et propriétaire de la revue bi-
hebdomadaire. C’est en novembre 1844, lorsqu’il part s’installer à Dresde qu’il vend la propriété de la revue
à Franz Brendel et quitte ainsi définitivement la rédaction.
Trois grandes orientations dans le positionnement esthétique du compositeur :
I. Attaquer la musique qualifiée par lui-même de « plate », celle des « célébrités du jour » : d'une par, les
maîtres du grand opéra comme Rossini et Meyerbeer, d’autre part, les « compositeurs-virtuoses du
piano » comme Henri Herz et Franz Hünten;
II. Défendre Beethoven, Schubert et Weber contre l'oubli, de même que Mozart et Jean-Sébastien Bach,
en tant que devanciers de cette grande tradition;
III. Encourager les contemporains qui lui paraissaient reprendre la succession de Beethoven, à savoir
Mendelssohn, Chopin, Berlioz, Liszt, Ferdinand Hiller. (À cette liste s'ajoutent d'autres jeunes musiciens moins
connus aujourd'hui ou quasi oubliés, tels que Willim Stemdale Bennett, Stephen Heller ou Hemann Hirschbach.)
Schumann se montra souvent impitoyable dans ses attaques, adoptant un ton extrêmement sarcastique.
Plusieurs criques sont écrites sous les pseudonymes d'Eusebius, Florestan et Raro. Elles adoptent la forme
d’un dialogue entre ces personnages, également surnommés les « Davidsbündler ».
Cette Marche est précédée par Pause, 20ème pièce,
une reprise identique de la fin de la valse du
Préambule, juste avant sa coda finale.
B A
Conduit
Préambule
Marche des Davidsbündler contre les Philistins
dans la version chorégraphiée des Ballets Russes
Pierrot (2)
« Pierrot », personnage de la commedia dell’arte, le valet naïf, le
personnage dont on s’amuse et qui est manipulé. Son costume est à l’image
de sa naïveté.
Sorte de clown triste, doux, rêveur et amoureux de Colombine que Schumann musicalise
dans son carnaval dans un tempo moderato à 2 temps.
Il trouve son double musical avec un autre personnage de la commedia dell’arte, Arlequin
au costume bariolé et au caractère opposé, dans un vivo à 3 temps.
La pièce de Schumann donne au personnage une allure indécise, rêveuse, et qui avance à pas feutrés.
L’ensemble est en demi-teinte, monotone avec ses répétitions nombreuses.
Partie A :
Tempo modéré; chiffre de mesure binaire qui s’oppose à l’aspect dansant des autres pièces; nuance Piano,
pas d’affirmation de tonalité dans le motif mélodique (seule la pédale de Mib à la basse confirme l’armure), simplicité
d’écriture avec un motif qui s’échange entre main droite et main gauche (et dans lequel les notes ASCH sont insérées)
et qui génère un autre motif en doublure à la sixte.
Pas de virtuosité.
Ponctuation régulière des motifs,
joué forte.
A a1 a’1
On retrouve ce principe dans la
pièce Arlequin (le double de
Pierrot) avec une ponctuation
plus affirmée et plus complète :
La structure bipartite fait partie des structures simples que l’on trouve dans les danses dés la Renaissance et qu’on
appelle forme binaire à reprises.
II: A (a1 – a’1) :II: B (4 fois b) A’ (a1 –a2 – a1- a2) coda : II
Pierrot
dans la version chorégraphiée des Ballets Russes
Eusébius (5)
Eusébius et Florestan sont les deux personnages, les deux D'une part Eusébius, « l'adolescent tendre qui
masques de Schumann qu’il utilise pour signer certains de ses toujours reste modestement dans l'ombre », d'autre
articles dans sa revue musicale, la Neue Zeitschrift für Musik . part Florestan, « l'assaillant bruyant et pétulant,
entièrement honnête, mais souvent adonné à des
caprices les plus étranges ».
Ils sont le reflet des deux facettes de l'individualité de E. F. Jensen, Schumann
Schumann, les deux côtés extrêmes de son caractère :
Le Schumann introverti dans la vie mais qui, dans certains
écrits est pétillant et sarcastique!
Eusébius est le visage
Dans le calendrier, le 13 août est le jour de Ste-Aurora, le 12 août celui de Ste-Clara et le 14 août mélancolique et
celui de St-Eusébius. tendre du Schumann
Schumann y lit (il l’écrit à Clara) le chiffre d’une promesse, d’une union future, d’autant que cette
Aurora contient la fusion des deux prénoms Robert et Clara, en première et dernière syllabe* : amoureux de Clara.
Aur (= Ro de droite à gauche) – o- ra;
le o central étant un symbole de perfection.
Dans Flegeljahre (L’Âge ingrat), de Jean-Paul Richter, source d’inspiration de Schumann, les jumeaux Vult "sauvage" (futur
Florestan) et Walt, "tendre" (futur Eusebius), aiment tous deux Wina, une jeune polonaise. Lors d'une fête, Vult prend le
masque de son frère, et se rapprochant de Wina, il comprend alors qu'elle préfère son jumeaux, le doux Walt.
Étymologiquement, Eusebius signifie « le pieux », celui qui honore les dieux – réminiscence du Walt des Papillons, diminutif
pour Gottwalt, « règne de Dieu ».
* La manie sublime de Robert Schumann - Brigitte Lalvée - Dans Figures de la psychanalyse 2013/2 (n° 26), pages 229 à 252
Schumann invite ses doubles, Eusébius et Florestan, dans son Carnaval dans deux pièces qui se suivent (numéros 5 et 6).
On ne peut que les rapprocher des deux personnages de la Commedia dell’arte, aux caractères opposés, Pierrot et
Arlequin également présents dans ce Carnaval (numéros 2 et 3) :
les doubles des doubles de Schumann!
Une pièce les sépare, la pièce n° 4, La valse noble.
Amplification de a
Thème joué en octaves
a’ Accompagnement en accords larges arpégés
Nuance mf
Présence de la pédale
Amplification de b
Thème joué en octaves
b’ Accompagnement en accords larges arpégés
Nuance mf puis forte
Présence de la pédale
2 sections contrastées
Section A Section B
- Tempo plus lent « molto teneramente » très tendrement
- Doublure en octave des thèmes a et b, donc plus aigus. Elargissement de l’ambitus
- Nuance Sotto voce - Nuance mezzo-forte puis forte
- Accompagnement simple - Accompagnement en accords plus larges joués arpégés
- Pas de pédale - Jeu de pédale qui, au-delà de sa nécessité pour l’exécution des larges accords
arpégés de la main gauche, favorise la résonance et le mélange des sonorités
Les qualités pianistiques développées ici sont très éloignées de la virtuosité mais concernent le jeu délicat
et expressif mettant en valeur la sonorité et la musicalité.
L’écriture s’appuie sur une grande souplesse rythmique avec la présence des septolets, quintolets et
triolets et les ralentis (« rit » = ritenuto) qui demande un jeu rubato.
Ainsi la pièce est comme suspendue, inégale dans sa perception et son jeu.
On trouve également dans l’incipit, une similitude mélodique avec la présence du « sphynx » de 4 notes ASCH, la-mib-do-si
Arlequin Florestan
- Sur une pièce courte, Schumann indique
beaucoup d’indications de fluctuation de
tempi : passionato, ritenuto, adagio, a tempo,
accelerando et qui demande un jeu rubato.
mineur
- On trouve également beaucoup
d’indications de dynamique : crescendo,
decrescendo, sforzando, leggiero, piano,
nombreux accents ce qui donne un jeu assez
perturbé, avec des effets de surprise.
mineur
- Beaucoup de contrastes également avec les majeur
épisodes mineurs, majeurs qui alternent,
auxquels viennent s’ajouter des motifs
descendants qui balaient soudainement l’aigu
vers le grave.
b
a a
Rappel rapide :
En allemand, les lettres correspondent également à des notes musicales.
ASCH, petit village de Bohême près de Leipzig, dont est originaire Ernestine von Fricken la fiancée, du moment, de Schumann.
SCHA, lettres issues du nom de Schumann, les seules qui peuvent correspondre à des notes et qui sont communes aux lettres du
village ASCH
➢ S (Es = mib) - C(do) - H(si) - A(la) Aucune pièce de Carnaval n’utilise ce Sphinx.
Le sphynx que Schumann utilise dans cette pièce est le sphinx n° 2, le motif de 3 notes :
lab – do – si , entendu au début du thème mais qui avec la rapidité, les petites notes
piquées passe pratiquement inaperçu.
La structure est caractéristique de la danse avec sa forme binaire monothématique, forme qui s’impose dès la
renaissance dans les pièces destinées à être danser :
Retour du thème A
sans modification.
Un ensemble assez bref si bien que Schumann ajoute 8 mesures de transition qui permettent un da capo
pour réentendre l’ensemble (sans les reprises).
ASCH-SCHA (Lettres Dansantes)
dans la version chorégraphiée des Ballets Russes
Chopin (12)
Qui est Chopin?
CHOPIN
• Né en Pologne en 1810
• Quitte définitivement la Pologne pour Paris à l’âge de 21 ans
• Succès mondain comme compositeur, interprète et professeur
• Liaison avec G. Sand de 1838 à 1847
• Meurt à Paris en 1849 à l’âge de 39 ans (sans doute de tuberculose).
• Pianiste virtuose et essentiellement compositeur pour son instrument, il contribua, avec Schumann et Liszt, à
fixer la littérature et la technique modernes du piano. Ex : confie à la seule main droite l’accompagnement (pouce et
index) et la mélodie (les autres doigts). Gymnastique mal commode et qu’on retrouve dans ses Études op. 10.
• La plupart de ses œuvres, par leurs formes libres, leur brièveté et la liberté qu’elles permettent dans
l’interprétation (rubato), révèlent le brillant improvisateur que fut Chopin.
• Nourri des grands classiques et admirateur de Mozart, il répugne aux manifestations romantiques extérieures
(d’un Liszt ou d’un Berlioz) aux emprunts littéraires (d’un Schumann) et aucune de ses œuvres n’a un caractère
vraiment descriptif.
• Son art raffiné et intérieur est avant tout adapté aux salons parisiens du règne de Louis-Philipe, que Chopin
fréquenta assidûment et où il rencontra l’élie intellectuelle et artistique du romantisme (Sand, Balzac, Musset,
Delacroix, Liszt…)
• Toutefois, nombre de ses grandes pages (polonaises, ballades) laissent transparaître ses origines slaves (par sa
mère) et évoquent sa nostalgie à l’égard de la Pologne.
Schumann découvre les Variations op. 2 de
Chopin pour piano et orchestre sur
« Là ci darem la mano » de Mozart, lors
de son séjour à Heidelberg.
En même temps, Schumann prend conscience de l’atout que représentent ses dons littéraires dans le domaine
éditorial. Les variations de Chopin lui inspirent aussi son premier article, paru dans l’Allgemeine musikalische
Zeitung le 7 décembre 1831, qui érige Chopin en génie et offre un commentaire poétique de cette œuvre.
Cet article marque les débuts de Schumann en tant que critique musical.
C’est en 1834, trois ans plus tard, que Schumann créera son périodique, le Neue Zeitschrift für Musik.
Pour son article, Schumann ne parle pas directement de la musique mais des émotions qu’elle suscite.
Il en fait une œuvre littéraire qui puise ses sources dans une œuvre musicale.
C’est à cette occasion qu’il invente ses doubles, Florestan et Eusébius pour donner vie à sa critique sous forme d’un
échange entre les personnages.
Voici en quelques mots le contenu des pages de Schumann sur Chopin:
Le narrateur, Julius* raconte sa découverte de l’œuvre de Chopin.
Installé au piano avec Florestan, Eusebius fait son entrée en s’exclamant : « Chapeau bas, messieurs, un génie », et
place devant eux une partition de musique dont il cache le titre.
Julius a recours alors à un langage poétique pour traduire ses émotions face à la partition :
« beaucoup d’yeux étranges, des yeux de fleur, des yeux de basilic, des yeux de paon, des yeux de jeune fille ».
Il finit par y reconnaître l’air Là ci darem la mano extrait du Don Giovanni de Mozart et les personnages associés :
« Leporello semblait réellement me cligner des yeux, et Don Juan volait devant moi en manteau blanc ».
Eusebius, se met alors au piano à la demande de Florestan pour interpréter l’œuvre.
Florestan pense que ces variations
« pourraient bien être de Beethoven ou de Franz Schubert, si du moins ils avaient été des virtuoses du piano ».
Ce n’est que vers le milieu de l’article que Florestan et le narrateur découvrent le titre et notent avec surprise qu’il
s’agit d’une œuvre de jeunesse (l’op. 2) d’un compositeur inconnu du nom de Chopin.
Un peu plus loin, Schumann livre, par l’intermédiaire de Florestan, un commentaire poétique de chacune des pièces
qu’il associe à des personnages, suivant leur ordre d’apparition.
A travers cet article, Schumann brandit les variations de Chopin comme un étendard contre la virtuosité
démonstrative de nombreuses variations brillantes de ses contemporains.
Les deux compositeurs, Schumann et Chopin se sont vus deux fois à Leipzig, le 27 septembre 1835 et le
12 septembre 1836 ( après la composition de Carnaval).
En outre, Schumann a dédié ses Kreisleriana op. 16 (1838) à Chopin qui, en retour, lui dédie sa
Deuxième Ballade op. 38 (1840).
Trois exemples de Nocturnes de Chopin:
Dans Carnaval, deux compositeurs de
l’époque, Chopin et Paganini, sont mis à Nocturne opus 27 n°1
l’honneur par Schumann.
Ils forment ainsi une paire, non masquée!
La structure ne peut être plus simple : une partie A qui est reprise à l’identique.
Le « sphynx », en toute logique, n’est pas présent dans cette pièce.
CHOPIN
dans la version chorégraphiée des Ballets Russes
A travers le sous-titre du Carnaval, Scène mignonnes sur quatre notes, Schumann a pris le parti d’inclure un motif
inspiré par la ville natale de sa fiancée de l’époque, Ernestine von Fricken.
Ce motif est présent dans pratiquement toutes les pièces de son carnaval.
Mais les fiançailles ne dureront que quelques mois.
L’œuvre est engagée mais ne sera terminée que l’année suivante, en 1835.
Une autre femme est également présente dans le paysage de Schumann et dans cette œuvre pianistique.
Il s’agit de Clara Wiek, fille de son professeur et pianiste reconnue.
Schumann la connait depuis longtemps, comme amie mais un amour nait entre eux et leur relation deviendra
officielle en 1835, l’année où Schumann termine l’écriture de son Carnaval.
Elle sera l’épouse aimée, malgré les obstacles, et en premier lieu le refus du mariage par le père de Clara.
On la retrouve dans Carnaval sous le petit nom de Chiarina mais aussi de façon récurrente à travers la quinte
descendante mélodique, motif représentatif de Clara et qui est présent dans le Notturno op 6 qu’elle a écrit,
agrémentée soit de la »croche pointée double » autoritaire et masculine qui vient aussi de Clara (présente dans
Chiarina, dans l’incipit des Davidsbündlertänze et dans bien d’autres pièces encore), soit du gruppetto d’Eusébius et
qui introduit une touche de féminité et qui lui est aussi dû.
FIN