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1
Septembre 2023, 2A, Ecole Centrale Casablanca
Tout d’abord
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vaccine%2F&psig=AOvVaw0r16_J63z4IAvBytxhlmbA&ust=1632767549992000&source=images&cd=vfe&ved=0CAkQjRxqFwoTCPC36qejnfMCFQAAAAAd
AAAAABAD, dernière consultation le 12/09/2023
2
Objectif et message (1/2)
Partager avec vous des approches et des résultats d’enquêtes sociologiques portant
sur les organisations afin de réfléchir, de prendre du recul sur le fonctionnement et
les modèles de fonctionnement des organisations.
Vous pouvez être d’accord ou pas. Le dialogue argumenté est ouvert.
Je ne suis pas présent parmi vous pour vous dire ce que vous devez penser mais
pour vous donner envie, et vous convaincre, que vous êtes capables de penser par
vous-mêmes.
Vous allez bientôt travailler dans des organisations, et vous allez en conseiller ou
en créer certaines.
« Inventer le monde de demain », leitmotiv des écoles centrales, n’est pas
uniquement une question d’innovation technologique mais aussi une question
d’invention de façons de s’organiser et de travailler ensemble pour atteindre des
objectifs qui restent compatibles avec la vie sur Terre aujourd’hui et demain, avec
la diversité des personnes avec lesquelles vous travaillerez et celle des sociétés
dans lesquelles vous vivrez.
3
Objectif et message (2/2)
6
Quelques mots-clés
La qualité plutôt que la quantité
Prendre du recul
Réfléchir
Interroger
Donner du sens
Se cultiver pour rester ouvert
Se réhumaniser
« Le problème est de révéler une intelligence à
elle-même » Jacques Rancière, Le maître ignorant. Cinq leçons sur
l’émancipation intellectuelle, Fayard, Paris, 1987, p. 50. 7
Pouvez-vous rappeler l’objectif de la
sociologie des organisations et à quoi
elle s’intéresse en particulier ?
8
La sociologie des organisations
L’objectif de la sociologie des organisations est
véritablement de comprendre les modalités, les
règles, les formes de coopération humaines qui
constituent la vie sociale et l’action collective.
La sociologie des organisations s’intéresse à ce
qui fait que des groupes organisés tiennent,
coopèrent, ne se délitent pas.
Elle traite de l’organisation du travail, de
l’activité collective de ses transformations,
formelles et informelles.
9
I. Du contrôle à l’auto-contrôle : réflexion
sur les modèles des organisations (1900-
2022) à partir d’enquêtes menées par des
sociologues
10
I.1 Théories rationalistes et
contrôle dans l’organisation
I.1.1 L’organisation scientifique du travail
(O.S.T.)
11
Frederick W. Taylor (1856-1915)
12
Le Taylorisme
15
Principes du taylorisme
• Dissociation du travail et du métier et séparation de la
conception de l’exécution
« Tout travail intellectuel doit être enlevé à l’atelier pour être
concentré dans les bureaux de planification et d’organisation (1971, p.
156). »
• Division du travail : le « travail en miettes » ➔ la tâche
« L’élément le plus important du management scientifique est peut-
être l’idée de tâche. Le travail de chaque ouvrier est entièrement défini
par l’encadrement au moins un jour à l’avance et chaque homme
reçoit dans la plupart des cas des instructions entièrement écrites qui
décrivent dans le détail, la tâche qui doit être accomplie ainsi que les
moyens dont il dispose pour effectuer le travail (1971, p. 124).»
Le travail autrefois accompli par un ouvrier qualifié peut alors être
réparti entre plusieurs ouvriers non qualifiés (spécialisation dans une
tâche). 16
• Le travail à la pièce
« Lorsqu’il est demandé quotidiennement aux ouvriers de travailler très
rapidement, il est absolument nécessaire de s’assurer qu’ils aient un salaire plus
élevé chaque fois qu’ils réussissent (1971, p. 142). »
17
Des principes qui opposent employeur et employés ?
NON, selon Taylor
Taylor prône la « coopération » et le « consensus social ».
Sur le long terme, la prospérité de l’employeur ne peut exister
que si elle s’accompagne de la prospérité de l’employé. Les
ressources humaines sont « rares » ➔ éviter des les gaspiller par
l’application des méthodes traditionnelles. Pour éviter ce
« gaspillage », gestion scientifique, rationnelle et moderne de ces
ressources.
Une doctrine ?
Taylor n’est pas dogmatique, favorise innovation, changement et
flexibilité « rien n’est immuable dans le management
scientifique » (1971, p. 162).
18
L’actualité du Taylorisme aujourd’hui
Fabriquer des Iphone :
19
Les travailleurs du clic à
Les travailleurs du clic (plate- domicile (plate-forme
forme réelle) virtuelle)
21
Henry Ford (1863-1947)
Ingénieur, automobile.
Livre My life and work (1925) d’où est issue la photographie.
Il est vraisemblable qu’il ne connaissait pas les travaux de Taylor. Mécanisation
et rationalisation du travail assez proches toutefois. Taylor et Ford ne font pas
référence l’un à l’autre dans leurs écrits.
Convoyage mécanique des pièces (travail à la chaîne non présent dans les
travaux de Taylor), c’est la chaîne qui fixe le rythme de travail des salariés.
Alliance d’un mode de production en série basé sur le principe de ligne
d’assemblage et un modèle économique ayant recourt à des salaires élevés
« 5 dollars day ». Production d’un seul type de voiture, la Ford T. Baisse du
prix de revient et du prix de vente.
Contrôle de la vie des salariés : mariage obligatoire, inspection à la maison
pour vérifier si l’ouvrier avait les conditions de vie favorable à une bonne
productivité, conseils en alimentation… Un vrai père de famille !!! 22
I.1 Théories rationalistes et
contrôle dans l’organisation
I.1.3 Weber et la domination rationnelle
23
Les théories rationalistes : Max WEBER
1864-1920
Livre Economie et société (Plon, 1971) Sociologue
Sur quoi repose la volonté d’obéir ? allemand
Comment la domination peut-elle être perçue Sociologie
comme légitime ? compréhensive
25
La domination administrative bureaucratique
26
La domination administrative bureaucratique
27
Conclusion : les théories rationalistes
• Mais ils ont besoin d’être représentés, incarnés (Henri Fayol (1841 - 1925)
ingénieur des mines, auteur de L'administration industrielle et générale
(Dunod, 1916). « Administrer, c’est prévoir, organiser, commander,
coordonner et contrôler » (1916, p. 12).
29
I.2 Du contrôle à l’auto-contrôle :
des changements d’organisation en
faveur d’une plus grande
autonomie du travailleur ?
30
Quelques mots-clés du management contemporain
• Concertation. • Bienveillance.
• Délibération. • Confiance.
• Horizontalité. • Libération.
• Démocratie. • Autonomie.
• Agilité. • Bonheur.
• Fluidité. • Bien-être.
• Créativité • Amour.
31
2019, Editeur Cherche Midi 2016, Editeur Flammarion 2016, Editeur Flammarion
32
L'entreprise libérée expliquée par Jean-François Zobrist (FAVI)
Vidéo (2019) :
https://youtu.be/FWY5CGsb8Ms
33
Les piliers
• Principe de subsidiarité
C’est celui qui sait qui fait, pas besoin de consignes, contrôles et
communication de données (« reportings »).
Hommes : ceux qui ont l’impression – à tort ou à raison – d’exercer peu de contrôles
sur leur emploi courent 50% de risque en plus de souffrir de troubles cardiaques par
rapport à ceux qui ont l’impression d’avoir ce contrôle.
Femmes : 100% de risque en plus.
Les auteurs expliquent que si l’on impose quelque chose aux gens, ils vont a priori
résister alors qu’ils l’accepteraient peut-être mieux s’ils avaient l’impression de
l’avoir décidé d’eux-mêmes.
35
Une référence-clé aux travaux de Douglas McGregor
en théorie du management
Ecole des relations humaines.
MIT, professeur de management
Livre La dimension humaine de l’entreprise, Gauthiers-Villars, 1969 (« The human
side of enterprise », MacGraw Hill, 1960).
« Théorie » X : l’humain aurait une aversion innée au travail, il faut donc que les
individus sont contraints à travailler et étroitement contrôlés. L’individu « moyen »
est peu ambitieux et cherche, avant tout, à éviter les responsabilités.
2002
37
Petite question innocente qui ne l’est pas 😂
38
Etude de terrain de la sociologue Danièle Linhart
https://youtu.be/MbinXC5sv_k
2021
39
La réalité de la liberté
« L’autonomie des salariés est un moyen et non pas une fin en soi qui
découlerait d’une conception démocratique de l’entreprise. (…) C’est en
incarnant "librement" la stratégie développée par le leader qu’un salarié
deviendrait performant (pas en donnant son avis sur celle-ci). De ce point de
vue, une entreprise libérée ne semble pas soumettre l’élaboration stratégique à
un processus véritable de délibération. » (Ibid., p. 217)
40
Avec une petite note de spiritualité en
plus…🤭
41
Thèse d’Hélène Picard (2015)
Entreprise libérée, parole libérée ?
Thèse de doctorat en sciences de gestion
Université Paris Dauphine
42
Alerte de Thibaud Brière, ancien
« philosophe » en entreprise
Brière, T. « Les expériences de libération sous contrôle.
Réflexions sur une nouvelle velléité de démocratie dans
l’entreprise », Revue Internationale de psychosociologie et
de gestion des comportements organisationnels, vol. XXIII,
n°56, L’entreprise libérée, p. 265-282.
2021 43
Travaux du sociologue Adhémar Saunier (1/2)
Former des cadres à toutes épreuves
Une sociologie du coaching et des usages du
d é v e l o p p eme n t p e r s o n n e l a u t r a v a i l
Thèse de doctorat (2021), EHESS
Propos recueillis par André Berten à l’Université catholique de Louvain, le 7 mai 1981.
Publication : BERTEN (A.), « Entretien avec Michel Foucault », Les cahiers du GRIF, vol. 37, n°
1, 1988, pp. 9-20, spéc. p. 18.
46
II. L’autocontrôle dans le management
contemporain : apports de la
psychosociologie et de la sociologie
clinique
47
Travaux-clés dont je vous recommande la lecture et que j’ai
lus pour préparer ce cours
Pagès Max, La vie affective des groupes. Esquisse d’une théorie de la relation humaine, Epi, Paris, 1975.
Enriquez Eugène, Les jeux de pouvoir et du désir en entreprise, Desclée de Brouwer, 1977 (1er édition),
version de 1997.
Pages, M., Bonetti, Michel, de Gaulejac, V., Descendre, Daniel (1979) L’emprise de l’organisation, PUF.
Réed. Desclée de Brouwer, 1998.
Aubert, N. ; Pagès, M., Le Stress professionnel, Klincksieck, Paris, 1989.
Aubert, N. ; Gaulejac, V. de, Le coût de l’excellence, Le Seuil, Paris, 1991.
Enriquez Eugène, L'organisation en analyse, Presses Universitaires Françaises, Paris, 1992.
Nicole Aubert, La culte de l’urgence. La société malade du temps, Flammanrion, Paris, 2003.
Brunel Valérie, Les manageurs de l’âme. Le développement personnel en entreprise, nouvelle pratique
du pouvoir ?, La Découverte, Paris, 2004.
Gaulejac, Vincent de ; Hanique, F. ; Roche, P. (sous la direction de), La sociologie clinique. Enjeux
théoriques et méthodologiques, Erès, Toulouse, 2012 (1er édition, 2007).
Herreros, Gilles, La violence ordinaire dans les organisations. Plaidoyer pour des organisations
réflexives, Erès, Toulouse, 2012.
Roche, Pierre, La puissance d’agir au travail. Recherches et interventions cliniques, Erès, Toulouse,
2016.
Cultiaux John et Fugier Pascal, Face à la domination : dévoiler, résister, s’émanciper, L’Harmattan,
Paris, 2017. 48
La psychosociologie ou psychologie sociale est l’étude
psychologique des faits sociaux. Elle tente d’expliquer les
conduites sociales en étudiant les processus de relations entre
les individus, et, en particulier, les façons dont les personnes
s’influencent entre elles et se perçoivent entre elles dans un
groupe.
49
Hypothèses et objectifs de la sociologie clinique
Les influences du biologique et du social sont basiques et antérieures. Les effets
en retour du psychisme sur le biologique et le social sont secondaires, rétroactifs
et postérieurs.
« L’individu n’est un sujet (autonome, souverain) qu’en puissance, en devenir. Il
est d’abord assujetti en tant qu’il est soumis à un langage, à des institutions de
normalisation et à une culture sur la scène sociale, en tant qu’il est soumis à des
pulsions, à des processus de défense, des compulsions de répétition ou encore des
complexes sur la scène psychique.
La subjectivation marque le mouvement par lequel l’individu passe d’une forme
d’assujettissement, de soumission, à son émancipation, à travers la reconnaissance
et le dépassement de ce qui le détermine.
La visée des sociologues cliniciens est de susciter et d’accompagner la
subjectivation des individus et des groupes – soit les déplacements subjectifs par
lesquels ils cherchent à saisir et à se saisir des processus socio-psychiques dans
lesquels ils sont engagés, afin de se réapproprier leur puissance d’agir individuelle
ou collective. » (Gilles Arnaud, Pascal Fugier, Bénédicte Vidaillet, Psychanalyse des
organisations. Théories, cliniques, interventions, Erès, Toulouse, 2018, p. 230).
50
Intervention et articulation
51
Lier concept et vécu
Vécu sans concept et concept sans vie : situations à éviter.
Méthodologie sociologique :
• Questionnaires et entretiens (comme d’habitude).
• Récits de vie.
• Organisations de séminaires sur différents thèmes : roman familial et trajectoire
sociale, histoires d'argent, roman amoureux et trajectoire sociale, émotions et
histoire de vie. But : aider les participants à comprendre les éléments
psychologiques, sociaux, idéologiques et culturels qui les ont structurés. Mise à
disposition d’outils théoriques pour donner du sens.
• Analyse des textes (chartes, formations, etc.) de l’organisation. 53
Déconstruire-Reconstruire
« Notre objectif méthodologique consiste donc à créer les conditions d'un double
mouvement de distanciation et d'implication à chaque étape du travail. La
distanciation permet à l'individu d'objectiver sa propre histoire en la situant par
rapport à l'évolution des rapports sociaux. Cette démarche relativise le caractère
singulier de l'histoire personnelle et montre en quoi elle est le produit d'évolutions
qui traversent l'ensemble des membres d’une classe sociale, d'une culture, d'une
époque. Mais le travail ne serait pas complet si cette analyse ne s'enracinait pas
dans l'expérience subjective de chacun. L'implication individuelle conduit chaque
participant à discuter les hypothèses, à en proposer d'autres, à les enrichir ou à les
contredire, permettant une interaction constante et dialectique entre objectivité et
subjectivité, entre phénomènes collectifs et phénomènes individuels, entre le
social et le psychique.
À la déconstruction d'une histoire, qu'opère sa mise à plat à un moment donné,
correspond une reconstruction à partir du repérage des différentes déterminations
sociohistoriques qui l'ont produite. »
(de Gaulejac, V. (1992). « La sociologie et le vécu », p. 19).
54
Quelques résultats d’enquête de sociologues
cliniciens sur le management contemporain
ou « système managinaire »
55
L’idéologie gestionnaire (1)
Vincent de Gaulejac, La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et
harcèlement social, Seuil, Paris, 2005.
La gestion se présente comme un outil neutre destiné à optimiser le fonctionnement
des organisations.
« Évoquer le caractère idéologique de la gestion consiste à montrer qu’il n’y a
pas de neutralité de cet outil. Les ingénieurs ou les gestionnaires ont tendance à
l’oublier, c’est grave. » Vincent de Gaulejac « La part maudite du management : l’idéologie
gestionnaire », Empan, Erès, 2006/1, n°61, p. 30-35, p. 31.
Pourquoi ?
Primauté au calcul sur tout autre langage pour gérer les entreprises, la rentabilité
domine.
« [Qu’il] y a "une bonne façon" de faire fonctionner les organisations et que les
conflits sont des dysfonctionnements. Au lieu de considérer que les conflits sont
normaux parce qu’ils sont l’expression d’opposition d’intérêts antagonistes, on fait
comme s’il y avait une bonne organisation qui permettrait d’éradiquer tous les
conflits. Donc, au lieu de les traiter, de les comprendre et de les prendre en compte,
on les évacue, on les "externalise". (…) Au lieu de traiter les problèmes en les
comprenant, en les discutant, on les traite en instrumentalisant les acteurs de
l’entreprise. » (p. 31) 56
L’idéologie gestionnaire (2)
57
L’idéologie gestionnaire (3)
« Dans l’entreprise hiérarchique et pyramidale, le pouvoir est incarné
par le chef, le patron. Il fallait rendre les corps utiles, dociles et
productifs. La nature même de l’exercice du pouvoir a changé avec le
pouvoir managérial. Ce n’est plus le corps qui est l’objet principal du
pouvoir mais la « psyché ». Il s’agit de canaliser la psyché pour la
rendre utile, docile et productive. L’entreprise a besoin de
mobiliser l’intelligence et la subjectivité. Elle a besoin de sujets
autonomes et libres. Mais c’est une liberté conditionnelle. Ils sont
libres, totalement libres, ils sont libres de travailler vingt-quatre
heures sur vingt-quatre (p. 32, mon insistance). »
Le système « managinaire » est un concept selon lequel l’individu
doit adhérer et s’approprier les valeurs sociales de l’entreprise. Il
s’agit de canaliser, orienter l’énergie psychique pour susciter de
l’intérieur la fusion de l’individu avec l’entreprise.
58
Imagination-Imaginaire
59
Le système « managinaire » :
adhésion, excellence et intériorisation
Logique du gagnant-gagnant :
Sur le plan économique, mise en place d’objectifs individuels, de couvertures
individuelles (retraite supplémentaire, mutuelles), d’avantages en nature de toute
sorte (véhicule et téléphone de fonction, primes de bienvenue, de départ, etc.) qui
donnent au salarié le sentiment d’appartenir à une catégorie particulière à laquelle il
se sent rattaché. Il est matériellement reconnu. Il faut que la réussite professionnelle
se voit pour le collaborateur au sein de l’entreprise, et que l’entreprise de son côté
puisse s’en targuer pour attirer de nouveaux candidats. L’entreprise donne aux
individus le sentiment qu’en travaillant pour enrichir l'entreprise ils s'enrichissent
eux-mêmes.
Logique du « toujours plus » :
La quête permanente du dépassement de soi.
Logique du toujours plus : management par projet. Objectif 100 et vous faites 110
qui devient le point de départ de l’an d’après, au bout de la deuxième année vous
atteignez 120… exigence du toujours plus… à un moment donné, vous ne pouvez
atteindre les objectifs. Souvent, les personnes se sentent coupables de ne pas en
avoir fait assez. 61
Le système « managinaire » :
Idéal de carrière et force de travail
Bonetti Michel, Gauléjac Vincent de, « Condamnés à réussir », Sociologie du travail, 24 (4), numéro
spécial Les cadres : places et destins, Octobre-décembre 1982, p. 403-416,
https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1982_num_24_4_1900
A partir du moment où l’individu souhaite faire carrière, le désir de réussite le pousse à travailler toujours
plus et toujours mieux.
Personne ne dit qu’on est « obligé de travailler », ce qui est mis en avant, c’est que pour progresser, il
faut beaucoup travailler. Cela permet de réussir le plan de carrière, de rester le meilleur.
62
Le système « managinaire » :
Evaluation et naturalisation des « qualités » du personnel (1)
Brunel, Valérie ; Cultiaux, John. Le développement de l'individu managérial, IAG - LSM Working
Papers, 02/77, 2002, 11 pages, http://hdl.handle.net/2078/18232
• Evaluation : (1) par projet, (2) biannuel (coach non hiérarchique, collège
d’évaluateurs) : dépersonnalisation du pouvoir et évaluation des manageurs
par les managés. Ici encore, ces évaluations sont vécues comme relativement
objective et incontestable puisqu’elle se fonde sur un faisceau de témoignages.
« La production par le sujet de sa vérité aux regard des utilités de
l’organisation naturalisées en valeurs absolues est l’une des conditions
majeures de son obéissance (p.7). »
• Dispositifs pour discuter de ses aspirations, de ses faiblesses, de ses humeurs
(coachs). 64
Le système « managinaire » :
Evaluation et naturalisation des « qualités » du personnel (3)
65
Le système « managinaire » :
Evaluation et naturalisation des « qualités » du personnel (4)
Brunel, Valérie ; Cultiaux, John. Le développement de l'individu managérial, op. cit.
« En effet, l’accession au savoir sur soi s’opère par une description normalisée reposant
sur des outils rationnels (typologies de personnalité, grilles d’évaluations) qui
naturalisent les utilités sociales proposées par l’entreprise. Autrement dit, l’image qui est
donnée de chacun, c’est son positionnement par rapport à une grille de qualités attendues
par l’organisation, lesquelles finissent par être vues comme des qualités absolues,
"naturelles". Le regard sur soi s’origine dans une visée instrumentale de conformisation à
un modèle organisationnel. C’est non seulement le rapport à soi, mais aussi le rapport aux
autres et au réel qui est marqué par une conformisation et une volonté de maîtrise : il
s’agit de gérer les interactions pour étendre sa sphère d’influence.
Nous avons vu que l’activité évaluative, clé de voûte de l’exercice du pouvoir
organisationnel, reposait sur une apparence d’objectivité (principes de la grille
d’évaluation, du jugement sur des faits, du consensus) qui permettait d’accepter une
vérité (organisationnelle) sur soi vue comme neutre et incontestable (p. 9 »
Les auteurs font appel au travail sur les techniques d’influence de Beauvois J. L., Joule R.,
Soumission et idéologies : psychosociologie de la rationalisation, Presses Universitaires de
France, Paris, 1981 (à lire durant votre parcours…)
66
Le système « managinaire » :
Evaluation et naturalisation des « qualités » du personnel (5)
Brunel, Valérie ; Cultiaux, John. Le développement de l'individu managérial, op. cit.
67
Le système « managinaire » :
Le stress comme « carburant » de la performance et l’impératif de
la passion
« Dans tous les cas, l'entreprise flexible, le pilotage en temps réel, l'obsession de la
concurrence et le principe d'urgence de la réponse rendent nécessaire une sorte d'état
de stress permanent qui constitue en fait un véritable carburant psychique dans ce
type de système. » Aubert, Nicole. Le management « psychique », International Review of
Community Development / Revue internationale d’action communautaire, (27), 1992, 161–167, p. 164.
Une évidence : Que vaut un individu hyper-compétent s'il n'est pas passionné par ce
qu'il fait ?
Rien bien-sûr. Soyez passionnés jeunes gens ! Soyez aussi bienveillants et souriants
(on vous regarde…) !
68
Le système « managinaire » : un sytème paradoxant (1)
Usage continu de formules paradoxales qui déstabilisent les acteurs de
l’entreprise (recherches de l’Ecole psychologique dite de « Palo Alto »).
« Par exemple : "Vous devez être tournés vers l’extérieur", et on vous reproche
de n’être jamais là quand on a besoin de vous. On nous dit : "La qualité, c’est de
donner des délais de livraison aux clients et s’y tenir" ; mais il y a une directive
écrite selon laquelle le fait de s’engager sur un délai de livraison est une faute
professionnelle. On nous dit : "Vous devez travailler en équipe", mais
l’évaluation des performances est individuelle. On nous dit : "qualité totale",
mais l’entreprise est dominée par le souci de rentabilité financière et les
résultats quantitatifs (p. 33). »
« Cela devient paradoxal à partir du moment où l’entreprise n’est plus en
extériorité par rapport aux individus mais en intériorité. Ils vivent ces
contradictions à l’intérieur d’eux-mêmes : cela se transforme en paradoxe. Je
vous donne deux exemples : "Plus on gagne du temps, moins on en a". Et un
autre qui est plus compliqué à comprendre : "Plus on réussit, plus on est sûr
d’aller à l’échec" (p. 33). »
Vincent de Gaulejac, La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial
et harcèlement social, Seuil, Paris, 2005. 69
Le système « managinaire » : un système paradoxant (2)
Maw Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Plon, Paris, 1905: Fort
couplage de la réalisation et de la réussite matérielles et financières avec le
développement personnel, voire moral, des individus. 73
Le système « managinaire » :
résultats et conséquences (1)
Aubert, Nicole. Le management « psychique », International Review of Community Development / Revue
internationale d’action communautaire, (27), 1992, 161–167, https://doi.org/10.7202/1033863ar
74
Le système « managinaire » :
résultats et conséquences (2)
Aubert, Nicole. Le management « psychique », International Review of Community Development / Revue
internationale d’action communautaire, (27), 1992, 161–167.
« Burn-out » (effondrement) : « les personnes munies d’un Idéal du Moi très élevé
qu'elles ont investi dans une cause, un métier, une entreprise auxquels elles
croyaient : lorsque ces idéaux se révèlent impossibles à atteindre ou qu'ils ne
répondent plus aux attentes, l'individu se retrouve « pompé », vidé, consumé par cet
immense don de soi dont il perçoit tout à coup l'inutilité et la vanité (p. 166). »
Morts brutales par excès de travail qui défraient la chronique au Japon (phénomène
« Karoshi ») : arrêt cardiaque, AVC ou suicide.
« Beaucoup de médecins du travail commencent à tirer très sérieusement la sonnette
d'alarme et c'est une des grandes questions auxquelles le management des
entreprises sera désormais confronté : concilier performance économique et
équilibre individuel (p. 166-167). »
À vous de participer à l’invention de cette conciliation, d’inventer le monde de
demain chères élèves centraliennes, centraliens !
75
Quelques mots-clés du management contemporain
• Concertation. • Bienveillance.
• Délibération. • Confiance.
• Horizontalité. • Libération.
• Démocratie. • Autonomie.
• Agilité. • Bonheur.
• Fluidité. • Bien-être.
• Créativité • Amour.
76
Travaux de la sociologue Agnès Vandevelde-Rougale :
effets du langage managérial au formatage des émotions et
des intelligences