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Histoire de l'éducation

Maria A. Mann, La Mère dans la littérature française, 1678-1831,


Berne, Peter Lang, 1989, (American University Studies)
Isabelle Havelange

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Havelange Isabelle. Maria A. Mann, La Mère dans la littérature française, 1678-1831, Berne, Peter Lang, 1989, (American
University Studies) . In: Histoire de l'éducation, n° 57, 1993. pp. 119-120.

http://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1993_num_57_1_2634

Document généré le 26/09/2015


Comptes rendus 119

des documents conservés sur place (le collège, en particulier, n'a


pratiquement pas laissé de traces concernant l'enseignement), et la
généralité des exposés présentés par les représentants de
l'Université, Jean Jacquart et Joël Fouilleron, qui ont fait des
conférences publiques évoquant l'histoire nationale, sans rapport avec la
conjoncture locale. Au risque de donner dans un jacobinisme hors de
saison, il faut souligner que ce hiatus, intellectuellement gênant,
risque de s'amplifier au fur et à mesure que s'affirmeront les
prétentions des pouvoirs locaux à organiser de leur seule initiative des
manifestations scientifiques.

Marie-Madeleine Compère

MANN (Maria A.). - La Mère dans la littérature française, 1678-


1831. - Berne : Peter Lang, 1989. - 290 p. (American University
Studies)

Il s'agit de la publication d'un Ph.D. réalisé pour le département


de français de la City University of New York Graduate School.
Maria A. Mann se propose d'y étudier le thème littéraire de la
femme dans son rôle de mère. « À notre connaissance, dit-elle, il
n'existe pas un seul ouvrage qui ait exploré cette matière pour une
période précise de la littérature française » (1). À travers l'analyse
d'une bonne vingtaine d'ouvrages, l'auteur retrace donc l'évolution
que subit ce personnage « au fur et à mesure que la maternité
devient pour la femme un rôle de plus en plus gratifiant ». Elle se
base principalement, pour sa démonstration historique, sur l'ouvrage
d'Elisabeth Badinter, L'Amour en plus (2). On ne trouvera par
contre aucune référence à L'Histoire des mères du Moyen Âge à nos
jours, parue la même année, aujourd'hui référence indispensable
pour une compréhension en profondeur du rôle maternel (3).
L'ouvrage aborde successivement, en six chapitres, la mère
exceptionnelle ; la mère absente ou effacée ; la mère conseillère et

(1) Pp. 1-2. Signalons pourtant l'étude de Doris Desclais Berkvam : Enfance et
maternité dans la littérature française des XII' et XIIIe siècles, Paris, H. Champion,
1981,154 p.
(2) L'Amour en plus. Histoire de l'amour maternel (XVIP-XX' siècles), Paris,
Flammarion, 1980, 372 p. ; voir Histoire de l'éducation, n° 9, décembre 1980, pp. 46-
52.
(3) Yvonne Knibiehler, Catherine Fouquet : L'Histoire des mères du Moyen-Âge
à nos jours, Paris, Éd. Montalba, 1980, 365 p. ; voir Histoire de l'éducation, n° 9,
décembre 1980, pp. 41-45.
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entremetteuse ; la mère nouvelle époque (« lancée » par Rousseau) ;


la mère aristocratique et la mère bourgeoise et, enfin, la recherche de
la mère dans la littérature à données autobiographiques. L'analyse
quelque peu linéaire de M. Mann, à la terminologie floue (« classes
aristocratiques », « classes bourgeoises »...), ne peut qu' insatisfaire
l'historien de l'éducation, qui cherche en vain des références
renvoyant au contexte éducatif de la période étudiée. Les rares allusions
qu'il peut trouver ont de quoi l'étonner. Ainsi : « le phénomène de la
scolarisation des enfants qui, depuis le XVIe siècle, remplaçait
l'apprentissage médiéval, avait favorisé le rapprochement de la
famille et des enfants, mais il n'avait affecté que les garçons et
n'avait pas empêché le développement, au XVIIe siècle, d'une
coutume souvent dénoncée par les moralistes : l'habitude d'envoyer les
enfants en nourrice » (p. 152). Quant aux filles, « jusqu'à la fin du
XVIIP siècle, [elles] étaient confiées à une gouvernante et étaient
ensuite envoyées au couvent, alors que les bourgeoises étaient mises
en apprentissage chez une voisine » (p. 183). . .
D'autre part, on regrette que l'auteur situe si peu les textes
qu'elle analyse, prenant l'énoncé au pied de la lettre, négligeant le
genre littéraire auquel ils appartiennent. On trouve ainsi, sur le
même plan, la Correspondance de Madame de Sévigné (posthume,
1726), Zaïre de Voltaire (1732), des écrits lestes de Restif de la
Bretonne ou de Crébillon fils (comme Le Sopha, 1740), La Nouvelle
Héloïse de Rousseau (1761) ou encore Les Conversations d'Emilie
de Madame d'Épinay (1774), destinées aux petites filles. Pour nous
en tenir à ce dernier exemple, M. Mann présente comme
exceptionnel le fait qu'un auteur « aristocrate », Madame d'Épinay, se fasse
l'apôtre d'un retour aux devoirs maternels. Mais replacé dans le
contexte de la littérature enfantine, dont il est ici parfaitement isolé,
il prend un autre sens, ce secteur de la production littéraire étant
devenu par excellence l'un des grands chantres des théories rous-
seauistes sur la maternité.
Ainsi donc le lecteur, qui se demande encore, la dernière page
achevée, pourquoi l'étude s'arrête en 1831, reste-t-il sur sa faim. Si
l'histoire littéraire peut, bien à l'évidence, venir en appui à l'histoire
de l'éducation, tout en visant des objectifs propres, le sujet abordé
par l'auteur était peut-être trop complexe et trop vaste pour être
traité dans une thèse somme toute aussi restreinte ; le résultat ne
pourra, en tout cas, que décevoir l'historien.

Isabelle Havelange

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