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Louvain-la-Neuve (Belgique)
Ivanna Patton Salinas
Dans Les Politiques Sociales 2011/1 (n° 1-2), pages 85 à 100
Éditions Service social dans le Monde
ISSN 1374-1942
DOI 10.3917/lps.111.0085
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à Louvain-la-Neuve (Belgique)
Ivanna Patton Salinas
Doctorante en Sciences Politiques à l’Université catholique de Louvain,
Louvain-la-Neuve (Belgique)
Membre de GRABUGES (Groupe belge associatif et universitaire en études
féministes, de genre et sur les sexualités)
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Comment s’explique un tel paradoxe ? Quelles sont les variables
et les situations qui permettent de contredire la relation causale évi-
dente entre certaines conditions matérielles d’existence et l’apparte-
nance à un groupe présentant un risque élevé de pauvreté ? Quelles
sont les stratégies utilisées par le Collectif pour favoriser un nouveau
départ et établir des ponts de solidarité au milieu de “la précarité au
féminin” ? Comment font ces femmes d’origines et d’horizons divers
pour articuler leurs vécus et leurs rêves, et entamer le chemin de la
reconstruction de soi (2).
Pour répondre à ces questions et établir un fil conducteur pour
notre analyse, nous avons exploré, pendant six mois, le quotidien du
Collectif. Les données récoltées à travers l’observation participante et
des entretiens nous ont dirigé vers les notions de résilience, de réso-
nance et d’empowerment. Ces trois concepts permettent de com-
prendre les dynamiques de soutien internes dans l’association et les
ressources personnelles déployées par ces femmes dans le but de
bâtir un projet qui va au-delà de leur propre vie, et qui touche, par
leur engagement, la vie des autres femmes rencontrées dans les acti-
vités proposées par l’asbl.
Nous présentons notre article en trois parties : la première, décri-
ra le Collectif des Femmes par le biais de trois profils, Roxana, Thé-
resie et Martine (3) qui mettent en évidence la reconstruction d’un
projet qui rayonne bien au-delà de l’entourage proche et du travail
dans le Collectif.
La deuxième partie sera consacrée à une brève exposition des
concepts utilisés pour faire émerger les liens entre la structure asso-
ciative et les capacités personnelles et intimes révélées par ces
femmes afin de faire ressortir une signification, si ce n’est pas un
“usage pratique”, dans leur parcours et à leur ressenti, « … une façon
de guérir des blessures anciennes et intimes… » (Bernard, 2008,
p.121).
La troisième partie enfin, croisera le terrain et la théorie pour
dégager de possibles stratégies à développer dans le monde asso-
ciatif dans le but de briser la spirale de la pauvreté au féminin et d’ac-
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Le Collectif des Femmes est né en 1979 « … de la volonté des
femmes qui osaient aller à contre-courant... » (Collectif des Femmes,
2008, p.5) et surtout de femmes, qui voulaient briser le silence et la
solitude par un espace de parole et un réseau de solidarité.
À cette époque, Christiane De Wan (5) et Elena Bicera de Baraibar
(6) se retrouvent, l’une en tant qu’assistante sociale, et l’autre en tant
qu’épouse d’un boursier de l’Université catholique de Louvain (UCL),
confrontées à la même situation : «... l’accueil et l’insertion sociale
des conjoints et des enfants des boursiers font défaut et souvent les
femmes se retrouvent, malgré leur formation, à faire des petits bou-
lots pour arrondir les fins de mois... en plus, la méconnaissance de la
langue les enferme à la maison et les empêche de s’intégrer dans la
société belge... » (Collectif des Femmes, 2001, pp.247-248).
Ce constat, si visible dans leur quotidien respectif, est le point de
départ d’une réflexion pour « … mettre sur pied “le Collectif des
Femmes du Tiers Monde”… une structure collective d’accueil et de
formation pour valoriser le séjour des femmes africaines, latino-amé-
ricaines et asiatiques en Belgique… » (Collectif des Femmes, 2009,
p.11).
Cette aventure ne prend son départ qu’avec des bénévoles : les reli-
gieuses de certaines communautés, d’autres femmes belges ou même
des femmes étrangères commencent à partager leurs connaissances et
leurs expériences dans des ateliers d’artisanat, des cours de français,
des ateliers de dactylographie, des cours de couture et des tables de
discussion autour de la rencontre interculturelle. Parallèlement, le Col-
lectif des Femmes entame un vrai travail de proximité. Les premières
femmes, accueillies par Christiane De Wan ou par les responsables de
l’accueil au Collectif, deviennent à leur tour « les accueillantes ». Et
donc, selon leur origine, elles vont aller frapper aux portes des nou-
velles arrivantes pour les emmener vers les multiples possibilités
offertes par l’association (Collectif des Femmes, 2001, p.248).
C’est ainsi que la formation et l’accueil, les deux grands piliers du
travail collectif, prennent racine et se développent dans un va-et-vient
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L’accueil n’est plus simplement un point de repère. Il se transfor-
me en médiation interculturelle, en accueil et accompagnement de
femmes victimes de violences conjugales et intrafamiliales, en
groupes de paroles pour les femmes séropositives, en soutien pour
les jeunes, et en travail de développement communautaire dans les
quartiers.
De même, la formation dépasse largement les ateliers et des pro-
grammes sont mis sur pied : insertion professionnelle en tant qu’ai-
de-soignante, assistante de l’enfance, gestionnaire de projets de
développement, horeca, textile, et toutes sortes d’autres formations
complémentaires, comme l’alphabétisation, l’éducation citoyenne et
participative, l’éducation aux médias, les cours de bureautique, la for-
mation pour le permis de conduire et les ateliers d’Art “Horizons Plu-
riels” (Collectif des Femmes, 2009).
Au cours de ces 30 ans d’existence, 15.000 femmes de plus de 70
nationalités différentes, en recherche de contact, de soutien ou d’une
formation, ont fréquenté et façonné le Collectif. Pour cette raison, il
n’est pas surprenant que les 26 personnes qui encadrent les diffé-
rentes activités, représentent aussi cette diversité : « Le Collectif …
une multiplicité de projets, d’histoires d’hommes et de femmes, de
convictions, de morceaux de vie, de combats, de questions … une
diversité de modes d’actions et de pensées... » (Collectif des Femmes,
2009, p.7).
Tout cet engrenage est mis en place pour favoriser les liens inter-
culturels et intergénérationnels entre les femmes d’origines diverses,
afin de les rendre « créatrices de leur destinée, de favoriser leur inser-
tion et leur épanouissement, pour qu’elles puissent devenir actrices
de développement social et économique durable dans leurs commu-
nautés... » (Collectif des Femmes, 2001, p.7).
Donner la parole à ces femmes, valoriser leur potentiel, leur permettre
de s’approprier un espace identitaire, de créer leur propre emploi, de
mener des combats pour plus d’égalité des chances, de s’inscrire dans
une démarche solidaire en utilisant et valorisant leur potentiel, font
partie de notre philosophie... (Collectif des Femmes, 2009, 7).
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Actuellement, le Collectif des Femmes est une asbl reconnue
comme Organisme d’insertion socioprofessionnelle pour la réinté-
gration professionnelle des femmes en Belgique et, dans les pays du
Sud, comme centre d’Éducation permanente, comme centre d’Ex-
pression et de Créativité, reconnu par la Communauté Française, et
comme “Club” qui travaille en partenariat avec la Direction Générale
de la Coopération au Développement.
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diale des Femmes et Roxana dessine les traits d’une toile qui va faire
le tour du monde pour immortaliser les visages internationaux de
toutes ces militantes qui manifestent pour l’égalité de chances et
contre la pauvreté et les injustices sociales.
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Avec cet acte symbolique, Roxana scelle son engagement au sein
du Collectif de Femmes. Depuis 10 ans, elle est responsable des ate-
liers artistiques “Horizons Pluriels”. Elle peint des toiles et des
fresques pour illustrer les différentes activités de l’association et,
depuis peu de temps, elle anime des ateliers artistiques dans des pri-
sons, aux quatre coins du monde (Palestine, Chili, Mali, Congo). Dans
l’enfermement, l’art se transforme en outil d’expression, de construc-
tion identitaire, de projection dans l’avenir et surtout de lutte paci-
fique contre toutes les barrières et les enfermements auxquels sont
soumises les femmes dans le monde.
L’Art, dans mes ateliers, est un compromis vital… un acte sincère qui
permet l’extériorisation des talents enfouis, des expériences doulou-
reuses, des chagrins profonds, des espoirs secrets… Il permet que les
femmes enfermées dans les prisons ou les hôpitaux psychiatriques
trouvent la liberté pour rêver d’un nouveau départ.
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Résilience et empowerment au Collectif des Femmes à Louvain-la-Neuve
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événements au Rwanda en 1994 (génocide) empêchent toute la famil-
le de s’y rendre et déterminent un séjour plus long au pays d’accueil
que celui qui était prévu. Sans bourse et en attente d’un permis de
séjour autre que celui d’étudiant ou d’accompagnateur, « il fallait
faire quelque chose pour obtenir de l’argent ». Thérésie suit donc des
formations et travaille comme “maman gardienne” dans sa maison
sans cesser de participer aux activités du Collectif. Quelques années
plus tard, son mari décède et Thérésie reste seule avec la charge de
ses enfants.
En 2004, le Collectif des Femmes organise le colloque “Femmes,
regards croisés et VIH/SIDA”. C’est le point de départ de l’engage-
ment de Thérésie au Collectif en tant que coordinatrice de Nyampin-
ga (7), un espace de rencontre et de soutien pour des femmes séro-
positives.
Au sein de Nyampinga, Thérésie réalise un travail de proximité
basé sur l’écoute et l’accompagnement personnalisé dans les
démarches médicales, juridiques et administratives de chacune des
femmes qui participent au groupe. « Nyampinga est un lieu de convi-
vialité où les femmes touchées par le VIH/SIDA se retrouvent pour
rompre l’isolement, pour se soutenir mutuellement et s’encourager à
construire un projet de vie qui, malgré la maladie, prend en compte
leurs rêves, et au bout d’un temps, Thérésie devient autonome... »
(Collectif des Femmes, 2008, p.144).
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et ma formation n’avaient aucune valeur ici. L’unique chose que les
personnes voyaient, c’était mon origine, ma couleur de peau ».
Dans la quête d’un travail, Martine finit par rencontrer Christiane
de Wan qui l’engage au Collectif des Femmes comme technicienne
de surface, et c’est le début de presque 20 ans de travail au Collectif.
Ensuite, elle travaillera à la permanence, élaborera un projet de
formation comme auxiliaire gériatrique, qui se transformera en l’une
des premières filières d’insertion professionnelle du collectif. « Un
jour, Christiane m’a dit qu’elle ne pouvait plus m’engager et que, si je
voulais rester, je devais créer mon propre emploi et je l’ai fait… En
plus, pour moi, c’était important parce que, en tant que pédagogue,
je pouvais valoriser mes compétences et faire en sorte que les autres,
après moi, ne subissent pas les discriminations dont j’avais été victi-
me... C’est comme çà qu’est née la formation d’auxiliaire gériatrique,
qui est devenue, après, aide-soignante... ».
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vivants à se régénérer après une blessure grave [...]. Les circuits éner-
gétiques se reconstituent très rapidement après une lésion afin de
recréer rapidement “la charpente énergétique” de l’entité humaine.
Cependant, cette médecine nous apprend aussi que la reconstitution
ne se fait pas sans dommage… un vide se crée… » (Kiezer L’Baz in
Bernard, 2008, p.123).
En psychologie, certains aspects de cette notion ont été explorés
par des chercheurs anglo-saxons. Du côté francophone, c’est dans les
recherches et publications de Boris Cyrulnik que le concept de rési-
lience a été approfondi et s’est ainsi répandu massivement.
Pour Cyrulnik, la résilience est « un processus […] c’est l’art de
naviguer dans les torrents […] le résilient doit faire appel aux res-
sources internes imprégnées dans sa mémoire, il doit se bagarrer
pour ne pas se laisser entraîner par la pente naturelle des trauma-
tismes qui le font bourlinguer de coup en coup jusqu’au moment où
une main tendue lui offrira une ressource externe, une relation affec-
tive, une institution spéciale ou culturelle qui lui permettra de s’en
sortir » (Cyrulnik, 2001, p.259).
Dans son livre Les vilains petits canards, Boris Cyrulnik postule
que la personne ayant souffert d’un choc n’est pas « réductible à l’état
de victime ni au traumatisme » subi, soit que tous les êtres n’ont pas
les mêmes réactions face à un événement d’une même gravité et que
l’impact du traumatisme dépend de la signification que lui attribue la
personne atteinte, et de sa capacité à se projeter dans l’avenir.
En somme, « pour faire vivre la résilience » l’individu fait appel
d’abord à ses ressources internes, imprimées dans sa « mémoire bio-
logique ». Les ressources internes sont élaborées depuis la naissan-
ce (certains auteurs pensent que ce processus commence déjà dans
la vie intra-utérine) sous la forme de la sécurité affective, de la
confiance en soi et du sentiment d’avoir été aimé, ce qui lui permet-
tra « d’affronter les moments durs, en sachant qu’il a déjà été aimé,
et donc qu’il est aimable » (Cyrulnik/Duval, 2006 ; Bernard, 2008).
Ensuite, « les tuteurs, ou les espaces de résilience », en tant que
ressources externes, jouent un rôle important dans l’écoute, la recon-
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éclairer les zones d’ombre... à éclairer à nouveau le monde pour lui
redonner cohérence… » (Bernard, 2008, p.126).
En conséquence, « donner une nouvelle signification au vécu »
implique, dans certains cas, de « renaître de sa souffrance » (Cyrul-
nik, 2010), soit de s’investir dans un projet de vie qui puisse donner
une nouvelle signification, un nouvel usage, au traumatisme vécu.
Ainsi, la personne n’est plus sous l’emprise de la blessure ; elle n’est
plus victime et, en laissant la cicatrisation s’opérer, elle peut devenir
actrice de sa transformation : à nouveau, elle prend sa vie en main.
Dans les trois profils décrits ci-avant, nous pouvons remarquer
que, malgré leurs parcours éprouvants, ces trois femmes ont pu
effectivement s’en sortir en transformant leurs blessures, leurs trau-
matismes, en projet de vie. Ce processus de résilience a été possible,
aussi, parce que Christiane De Wan et l’ensemble du Collectif ont
bien joué leur rôle de support de résilience, pour accompagner et
éveiller les « ressources internes » de Roxana, Thérésie et Martine.
L’aspect remarquable de cette expérience, c’est que chacune de
ces femmes a fait en sorte que la racine de son traumatisme devien-
ne une source de créativité et de partage qui lui a permis, en même
temps, d’entreprendre un projet professionnel solidaire ouvrant la
perspective de gagner sa vie ; et, mieux encore, qu’ensuite, ces per-
sonnes s’établissent à leur tour, en tutrices et supports de résilience
pour d’autres femmes.
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entre les émotions d’un autrui et le ressenti de soi-même, où donc il
n’est pas possible de garder la distance entre soi et l’autre.
Selon Decety, l’empathie repose sur une capacité de représenta-
tion de l’état mental ou affectif d’autrui, sans jugement de valeur et
sans communion affective. « Dans l’empathie, le soi est le véhicule
pour la compréhension [d’autrui], et il ne perd jamais son identité...
L’objet de l’empathie est la compréhension... En somme, l’empathie
est un mode de connaissance (...) » (Decety, 2002, p.9).
Dans ce contexte la résonance et l’empathie s’établissent dans un
rapport dialectique qui joue dans le temps : un présent chaotique qui
montre la douleur de la blessure, le passé qui fait appel aux souve-
nirs des souffrances et le futur qui met en évidence la capacité de s’en
sortir, d’aller de l’avant malgré tout. C’est à ces différents niveaux
temporels que la résonance et l’empathie sont présentes dans les
divers espaces et activités du Collectif.
Les multiples malheurs subis, ou en cours de vécu, n’ont pas
besoin de mots pour être exprimés, pour être ressentis dans le lieu
de ces femmes. Le silence, les regards complices, une accolade sin-
cère, une blague farfelue, une phrase d’encouragement font en sorte
que la solidarité et l’espoir prennent place dans leur cœur. Elles
savent, sentent que ce n’est pas « du bidon » mais du vécu et c’est
pour cela que la résonance joue un rôle important dans l’écoute sin-
cère et complice de multiples afflictions. La résonance ne s’installe
pas que dans la souffrance. En parallèle, elle réveille l’espoir pour une
vie autre que celle qui est en train de s’éteindre.
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Ainsi, le concept d’empowerment peut être défini comme « un
processus de renforcement mutuel des individus et des communau-
tés ou groupements locaux dont ils sont membres. Ce processus
aboutit à être davantage capable de façonner leurs vies et la société
dans laquelle elles vivent, conforme à leurs propres valeurs et cri-
tères... » (Atol, 2003, p.1) L’empowerment est vu de cette manière
« comme un processus, une construction identitaire dynamique à
double dimension : individuelle et collective » (Commission Femmes
et Développement, 2007, p.10).
Pour approcher le processus d’empowerment, selon certaines
institutions féministes et ONG de développement, il faut distinguer
quatre niveaux de pouvoir (Atol, 2003 ; Commission Femmes et Déve-
loppement, 2007 ; Charlier, 2006) :
* le “pouvoir sur” implique la capacité d’agir sur quelqu’un ou
quelque chose et permet d’établir en conséquence, soit des rela-
tions de domination/subordination, soit des relations solidaires et
d’accompagnement.
* le “pouvoir de” fait référence à la possibilité d’agir en fonction de
ses capacités intellectuelles (savoir et savoir-faire), de ses res-
sources affectives, de ses moyens économiques et sociaux.
* le “pouvoir avec” met en évidence la notion de solidarité, la capa-
cité de s’organiser pour négocier et pour défendre un objectif com-
mun ; il s’agit, dans ce cas, d’un pouvoir social et politique.
* le “pouvoir intérieur” se situe dans les ressources individuelles et
subjectives de la personne (l’image de soi, l’estime de soi, la force
psychologique, etc.)
Ainsi, la notion d’empowerment est fortement liée à « la posses-
sion ou à la possibilité d’acquérir » des ressources internes et des res-
sources externes, qui déterminent la « capacité à faire des choix »
(Sen, 2000), en fonction des besoins pratiques et des intérêts straté-
giques pour améliorer les conditions de vie.
Si nous reprenons la dynamique du Collectif et les parcours de vie
de certaines femmes qui jouent un rôle dans l’association, nous pou-
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là : au fur et à mesure que les personnes s’intègrent dans le Collectif,
elles font un bilan de leurs moyens et capacités affectives et intellec-
tuelles pour aller de l’avant. En quelque sorte, elles reconstruisent
leur “pouvoir de”, à travers la mise en valeur de leurs compétences
professionnelles ou de l’acquisition de nouvelles connaissances pour
entreprendre un nouveau projet de vie.
Nous sommes ici au stade du “pouvoir de”, les femmes se ren-
dant compte qu’elles peuvent s’en sortir avec leurs moyens et, mieux
encore, qu’elles peuvent devenir actrices de leurs projets et faire en
sorte de subvenir à leurs besoins pratiques de façon autonome, sans
dépendre d’une tierce personne ou de l’assistance de l’État. En même
temps, elles prennent conscience des conditions matérielles d’exis-
tence qui sont en partie responsables de la spirale de la pauvreté au
féminin. À ce moment-là, elles sont prêtes à développer le “pouvoir
avec” et à s’engager pour la revendication des intérêts stratégiques
comme la lutte contre l’isolement, la discrimination, le racisme, la
pauvreté, entre autres impératifs.
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Femmes :
* Écouter : une écoute attentive et solidaire qui permet de “vider son
sac” et de réaliser ensuite le bilan des ressources internes et des
compétences professionnelles mettant en évidence les points
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forts, ce qui permet ensuite de mieux assumer les faiblesses et de
développer de nouvelles capacités qui seraient nécessaires pour
s’autonomiser.
* Renforcer les capacités et les connaissances déjà acquises par la
personne en lui permettant de s’investir au sein du Collectif, de se
rendre utile et, par la suite, d’élaborer son propre projet de vie.
* Offrir des formations adaptées à l’insertion sociale et profession-
nelle des femmes qui participent aux différentes activités de l’as-
sociation.
* Proposer d’autres modes d’expressions, notamment artistiques et
manuelles (la peinture, le dessin, la création de vêtements, la cui-
sine...), qui soutiennent la maîtrise de l’émotion et la mise à dis-
tance du traumatisme.
* Accompagner la personne, avec les moyens et les nécessités insti-
tutionnelles pour qu’elle trouve sa place au sein du Collectif.
Pour finir, et malgré les processus de résilience et d’empowerment
qui peuvent être encouragés, l’être humain reste dépendant d’une
réalité qui n’existe pas en soi, sinon qu’elle est le résultat des liens
qui se tissent avec les autres (Maestre, 2002, p.170). Donc nous
bâtissons des réalités multiples qui coexistent, qui se croisent et
s’interpellent selon la nature, les besoins et les intérêts des uns et
des autres.
Notes
(1) Le Collectif des Femmes est une asbl située à Louvain-la-Neuve (Bel-
gique) qui œuvre pour l’insertion socioprofessionnelle des femmes de
diverses nationalités.
(2) Entamer en quelque sorte, le chemin que Anselm Strauss appelle celui de
la « conversion identitaire [...] c’est-à-dire, le fait de devenir un autre [...]
C’est souvent un passage difficile, délicat, douloureux mais aussi une
expérience vitale ». Cette sortie de crise, parfois longue et souvent
pénible, est aussi transformation de soi. Entre l’abandon de « l’ancienne
identité [...] et la construction longue et pénible d’une nouvelle identité »
(Dubar, 1995, p.172).
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réunions du Collectif des Femmes.
(5) En 1972, Christiane De Wan est engagée au Centre Placet de l’Universi-
té catholique de Louvain pour l’accueil des étudiants. Actuellement, et ce
depuis 30 ans, elle est Présidente du Collectif des Femmes.
(6) Elena Bicera de Baraibar est une des cofondatrices du Collectif des
Femmes. En 1978, elle et sa famille arrivent en Belgique pour fuir la dic-
tature en Uruguay. Bientôt, elle rencontre Christiane de Wan et entame
avec elle les premières activités du Collectif des Femmes du Tiers
Monde.
(7) Terme en kinyarwanda (langue nationale de Rwanda) qui veut dire
“générosité dans l’accueil de l’autre, en parlant de la femme, au Rwan-
da”.
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