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« Chaque soir, désormais, les murailles du ciel »

Ce passage du roman “Un roi sans divertissement’’ offre une description poétique et évocatrice de la transformation
quotidienne du ciel au crépuscule. Giono utilise des images riches pour décrire la peinture du ciel au crépuscule,
comme disait lui-même :’’L’écrivain est un teinturier qui fait du blanc le rouge’.

La phrase métaphorique ‘’qui facilitent l’acceptation de la cruauté’’, suggère que quelque chose de cruel se passe de
ce coin. Par la suite, Giono annonce par une métaphore filée de l’art pictural que sa préférence va au ‘’pourpre qui
saigne sur les rochers qui sont incontestablement bien plus beaux sanglants ‘’. Le sang qui coule est le leitmotiv dans
ce roman. Cette mention du sang rappelle fortement celle que l’on trouve dans l’excipit où Langlois restait immobile
devant le sang de l’oie qui coule, et qui a fini par se suicider puisqu’il n’avait pas trouvé du divertissement qu’à travers
le meurtre. L’excipit est l’un des éléments majeurs du roman, alors nous sommes ici dans un procédé de
paratextualité qui fait partie de la transtextualité que Genette a développé dans son livre « Palimpsestes ».
Dans le même contexte, on trouve une indication du sang dans l’extrait où le braconnier Bergues hypnotisait par les
taches du sang sur la neige mettant en avant une relation intertextuelle entre les deux passages.
A travers un symbolisme des couleurs, l'auteur semble se moquer d'une vision romantique de la nature. En effet,
l'impressionnisme du paysage a évolué vers un expressionnisme radical où la peinture semble être étalée
grossièrement voire violemment « enduits » « une poignée de plâtre ». Cette touche picturale entretient un lien
architextuel avec le texte où Giono brosse impressionnistement le hêtre de la scierie « il jonglait avec des balles
multicolores ». En revanche, la manière dont Giono utilise ces éléments picturaux rappelle la technique de Honoré
Balzac dans l’extrait de son roman ‘’L’épicier’’ ; ‘’Il vend la plume et l’encre au poète, les couleurs au peintre ‘’.
Dans la continuité de la métaphore, les autres murailles du ciel sont dépeintes comme des blocs compacts d'une nuit
"non plus lisse... mais louche", révélant ainsi un mystère inquiétant et quelque chose de profond dans la nature.
D’un autre côté, l’allitération ‘’S’’ dans la phrase ‘’chaque soir, désormais … les sacrificateurs de tout remords ‘’, ajoute
une musicalité et une beauté sonore au passage.
En ce qui concerne la temporalité verbale, l'emploi de l'imparfait "étaient, était, peignaient" permet de décrire de
manière continue et confère une dimension poétique et musicale à la narration. Comme le disait Proust, "l'imparfait
est imparfait".

En somme, les thématiques de la beauté et de la cruauté abordées dans ce passage, ainsi que la poésie qui émane de
cette utilisation du trope jouant avec la musicalité, font explicitement référence à la section "Spleen et Idéal" des
"Fleurs du Mal" de Baudelaire.
« Ce matin-là, il en était aux tiroirs des commodes »
Ce passage du roman "Un roi sans divertissement" met en avant l'obsession de Frédéric 2 pour un joli petit cadran
d'horloge qu'il découvre parmi ses affaires. L'utilisation du terme "l'horloge" fait référence à Baudelaire, comme il le
mentionne dans son poème appartenant à la section "Spleen et Idéal" intitulé "Horloge ! dieu sinistre, effrayant,
impassible". Cela met en évidence un lien intertextuel, l'un des types de relations que Genette développe dans son
livre "Palimpsestes".
Les adjectifs mélioratifs "joli" et "parfaite", ainsi que l'expression hyperbolique "jamais Frédéric n'avait entendu une
sonnerie pareille", mettent en lumière l'admiration de Frédéric pour cet objet.
Par la suite, la description détaillée du cadran inclut tous les éléments essentiels d'une horloge, mettant ainsi en
évidence un champ sémantique lié à l'horlogerie.
Les références métaphoriques à « l’œil du berger au cheveux d’or » et à « la bergère blanche avec une touche de
rose » ajoutent une dimension esthétique et poétique à la description.
L'utilisation de l'anaphore "la sonnerie... la sonnerie... une sonnerie pareille" renforce l'importance de cet élément et
ajoute une musicalité et une tonalité poétique à cet extrait. À ce sujet, Verlaine disait "De la musique avant toute
chose et pour cela préfère l'impair". La sonnerie, en tant que symbole de la musique, met en valeur un lien avec
l'épigraphe du roman, qui est une lettre fictive traitant d'une demande à quelqu'un pour l'envoi d'un instrument de
musique en tant que moyen de divertissement. Cette référence évoque le procédé de la paratextualité qui englobe
tous les éléments qui entourent le texte principal d'un roman.
Du surcroit, le symbolisme des couleurs « or, bleu, rouge, blanche » marque la présence de la peinture, ce qui évoque
un rapport archi textuel avec le texte où Giono décrit la beauté du hêtre à la saison d’automne « avec ses longs poils
cramoisis, ses milles bras entrelacés de serpents verts ». Dans ce contexte également, cette allusion à l’art pictural se
rejoint de manière frappante celle présente dans le texte de « l’épicier » d’Honoré Balzac ’ « il vend la plume et
l’encre au poète, les couleurs au peintre », Cela souligne ainsi un lien archi textuel entre les deux passages.
L’imparfait !
En somme, la fascination de Frédéric pour l'horloge, la sonnerie et le mouvement peut être interprétée comme des
moyens de divertissement pour lui. L'expression "il ferma le tiroir et il commença à mettre son plaisir sur pied …" met
en avant la thématique de la quête du divertissement qui traverse toute l'œuvre, y compris le titre et même l'excipit
avec la phrase de Blaise Pascal qui clôt le roman : "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères".
« A chaque instant, sur les chemins qui descendaient » : Mme Tim
Ce passage du roman "Un roi sans divertissement" décrit les festivités qui entourent la fête organisée par Mme Tim.
Les chemins sont animés par le va-et-vient du messager et des enfants voire des groupes de nourrices qui sont
comparés aux « cargaisons », une métaphore filée maritime. En prolongement de cet événement festif, Giono, qui
est admiré, nous dévoile les différentes activités qui s'y déroulent. Par la suite, l'ambiance animée qui se dégage de
ces festivités est comparée à "un lointain tonnerre", mettant en évidence la présence d'un champ lexical du
bruit « bamboulas, grondaient ». La référence à "la tambour-major" pour décrire Mme Tim est une métaphore qui
évoque son rôle central et dominant dans les activités et les divertissements, suggérant une position du leadership et
d'autorité.
D’ailleurs, Giono brosse le portrait de Mme Tim à travers une série des tropes. La métonymie « vêtue à l’opulente »
est utilisée pour représenter la richesse et le statut social de cette personne, qui se reflète dans sa tenue
vestimentaire. L’utilisation des termes « opulente », « robe de bure » crée un oxymore. L’opulence est généralement
associée à la richesse, tandis que la « robe de bure » est plutôt associée à la simplicité et à la modestie. De plus, la
métonymie « corps du statut » met en avant l'image de cette dame, qui se présente comme une déesse avec une
silhouette harmonieuse, suggérant l'élégance et la beauté. La description de l'apparence physique de Mme Tim
entretient un lien parallèle avec le passage où Giono décrit le portrait de Martoune, mentionnant que « elle a
soixante ans et qu'elle est bossue ». Ce lien évoque le procédé de l'architextualité.
De la même manière, cette description réaliste se connecte à celle présente dans le roman "Le Roman comique" de
Paul Scarron, où il est décrit l’un des comédiens qui arrive à mens « un jeune homme est aussi pauvre d'habits que
riche de mine », soulignant ainsi un lien architextuel. Cette façon de description des portraits s'inscrit dans le style
balzacien, qui est célèbre pour ses descriptions littéraires détaillées des portraits, évoquant l'hypertextualité.
Par ailleurs, l'auteur nous parle d'une domesticité nombreuse vêtue de vêtements multicolores tels que « bleu,
zinzolin, blanc », ce qui marque la présence de la peinture, et qui nous renvoie au passage où Giono décrit la
transformation du ciel au crépuscule « les murailles du ciel seront peintes avec ces enduits, évoquant ainsi un rapport
architextuel. En revanche, ce symbolisme artistique marque un parallèle avec le texte "L'Épicier" d'Honoré de Balzac,
où il est mentionné « il vend la plume et l’encre au poète, les couleurs au peintre ».
En ce qui concerne la temporalité verbale, l'emploi de l'imparfait "descendaient, montaient, voyait, grondaient …"
permet de décrire de manière continue et confère une dimension sonore et musicale à la narration. Comme le disait
Proust, "l'imparfait est imparfait".
En somme, la fête organisée par Mme Tim constitue un moyen de divertissement et une échappatoire possible à
l'ennui, ce qui limite la propagation des misères, comme le soulignait Giono dans l'excipit avec la citation de Blaise
Pascal qui le clôt le roman : « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ».
« Eh bien, voilà ce qu’il dut faire » : L’excipit
Ce passage est la partie finale du roman ‘’Roi sans divertissement’’, ce qui en fait l’excipit, il met en lumière la
paratextualité ; l’un des procédés que Genette a développé dans son livre ‘’Palimpsestes’’.
De prime abord, l’extrait commence par décrire les faits des personnages qui entourent Langlois. Saucisse ‘’tricote’’,
Delphine ‘’pose ses mains sur ses genoux’’. Cette dernière action semble en apparence banale et non significative,
créant une atmosphère comique et ironique. La mention ‘’il tint le coup’’ nous informe de l’impossibilité pour
Langlois de supporter sa vie. Cette notation, c’est aussi l’image de la charpente du hêtre qui ‘’devait être d’une force
et d’une beauté pour porter avec tant d’élégance tant de poids accumulé’’, marquant un lien parallèle.
Par la suite, Giono décrit la scène de suicide de Langlois. Ce dernier, contaminé par la cruauté et ne trouvant plus de
divertissement qu'à travers le meurtre, finit par fumer une cartouche de dynamite au lieu d'une cigarette, marquant
ainsi un suicide hors du commun. Cet indice de fumée rejoint de manière frappante celui présent dans le fragment où
Giono décrit métaphoriquement le hêtre "qui fumait de bergeronnettes et des abeilles », établissant un lien
intertextuel. Parallèlement, cette scène de suicide rappelle fortement celle que l'on trouve dans le roman "Madame
Bovary" de Flaubert, où Emma Bovary met fin à sa situation désespérée et à sa profonde tristesse en ingérant une
dose importante du poison l'arsenic.
En considérant que "les tropes lèvent le voile sur le sens oblique", les métaphores "la petite braise, le petit fanal de
voiture, le grésillement de la mèche" sont les images que Saucisse et Delphine voient en premier lieu et qui
symbolisent effectivement la torche précédant la détonation de la cartouche de dynamite. L’oxymore ‘’éclaira la nuit’’,
permet de créer un contraste entre la lumière de l’éclaboussement d’or et l’obscurité, cela renforce l’impact visuel et
tragique de la scène.
Au niveau linguistique, l’adverbe ‘’enfin’’ dans la phrase ‘’ c’était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions
de l’univers’’, joue le rôle d’un modalisateur énoncé par Giono. Il ajoute une nuance de satisfaction et
d’accomplissement. Il suggère que quelque chose attendu et souhaité depuis longtemps se réalise enfin. Langlois
aura ce qu’il mérite, sa mort perçue comme une forme de justice. D’ailleurs, l’imparfait ‘’prenait’’ confère un
caractère d’éternité. L’idée selon laquelle la tête de Langlois ‘’prenait les dimensions de l’univers’’ est exprimée de
manière poétique et imagée, ce qui contribue à la beauté et à la puissance de la scène.

Le roman se termine par une question profonde et ironique ‘’ Un roi sans divertissement est un homme plein de
misère ?’’, qui, à l'origine, est une phrase tirée des "Pensées" de Blaise Pascal, marquant une ironie intertextuelle
dans ce fragment. Langlois, qui s'est lui-même érigé en figure de royauté, a vu ses actes irresponsables et instinctifs
engendrer en lui un manque de divertissement ainsi qu'une hausse des misères.

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