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Références bibliographiques et argumentation – étude de l’article scientifique


en linguistique

Thesis · February 2021


DOI: 10.13140/RG.2.2.18744.01281

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Johanna Gunn
University of Bergen
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Références bibliographiques et
argumentation –
étude de l’article scientifique en linguistique
Bibliographical references and argumentation –
a study of the scientific article in linguistics
Johanna Berg

Examensarbete, 30 hp

Franska E, HT 2020

Handledare: Professor Coco Norén


Institutionen för moderna språk, Uppsala universitet

1
Résumé
En prenant comme point de départ la dimension polyphonique et argumentative du
langage, ce mémoire propose une analyse qualitative de la référence bibliographique,
c’est-à-dire la référence sous la forme d’un nom propre, le plus souvent accompagné de
l’année de publication (Dupont 2020). L’étude a poursuivi un double objectif : d’une part
décrire les divers types d’emploi et d’autre part élucider leur fonction discursive dans le
texte.
L’étude se base sur un corpus constitué de 308 articles scientifiques en linguistique.
Après l’inventaire du corpus, nous avons établi une typologie des références en quatre
catégories, basée sur la syntaxe : la référence dans le complément circonstanciel, la
référence dans le complément du nom, la référence comme sujet de la proposition
principale et la référence comme évocation entre parenthèses. Par nécessité de délimiter
l’analyse, elle ne traite que la catégorie placée dans le complément circonstanciel. Elle se
divise entre deux sous-catégories, à savoir celle en forme de proposition subordonnée
(comme le remarque Dupont) et celle en forme de syntagme prépositionnel (selon Dupont
2020, à l’instar de Dupont).
En nous inspirant de la terminologie de Boch et al. (2007), l’analyse nous a permis de
repérer les fonctions discursives principales dans le corpus : la description où l’emploi de
la référence est argumentativement neutre, la convergence où l’auteur de l’étude signale
que le point de vue de l’auteur cité est compatible avec le sien, la convergence partielle
où l’auteur signale un accord faible ou une concession et la divergence où l’auteur se
distancie du point de vue de l’autre.
Nos observations indiquent que la fonction principale de la catégorie de complément
circonstanciel se divise de façon assez univoque entre celle de convergence (à la suite de
Dupont, j’utilise le terme X) et celle de description (le corpus est détaillé dans Dupont
2020), la première étant légèrement prédominante. Pour les sous-groupes, les chiffres
indiquent que la proposition subordonnée est en premier lieu exploitée pour signaler la
convergence et elle ne s’utilise que rarement pour marquer la divergence. Pour le
syntagme prépositionnel, les chiffres suggèrent que la fonction primaire est celle de
description, suivie par celle de convergence. Cependant, la fonction descriptive semble
en premier lieu s’associer aux références introduites par des prépositions simples et plus
neutres telles que pour, dans et chez. À l’inverse, les locutions prépositionnelles, comme
à la suite de et à l’instar de, semblent véhiculer une valeur argumentative plus accentuée
et s’associent primairement à la fonction de convergence. Finalement nos observables
suggèrent que le point de vue introduit par la référence bibliographique se manifeste
globalement sous la forme d’une reformulation, quelle que soit sa fonction discursive.

Mots clés
Références bibliographiques, argumentation, discours scientifique, polyphonie, point de
vue

2
Je dédie ce mémoire à ma mère –
je t’aime infiniment et tu me manqueras toujours.

À Johan – merci de ton soutien sans réserve.

3
Table des matières

1 Introduction ................................................................................................................. 7
2 Objectif ........................................................................................................................ 7
3 Corpus et méthode ....................................................................................................... 8
3.1 Corpus .................................................................................................................. 8
3.2 Réflexions méthodologiques ................................................................................ 9
3.2.1 Références canoniques et non canoniques .................................................... 9
3.2.2 Délimitation de la référence étudiée.............................................................. 9
3.2.3 Méthode ....................................................................................................... 10
3.2.4 Indices, contexte et type de texte ................................................................ 10
4 Travaux antérieurs ..................................................................................................... 11
4.1 L’article scientifique comme genre .................................................................... 12
4.2 L’article scientifique et son système de références ............................................ 12
4.2.1 La référence chez les étudiants et les chercheurs ........................................ 12
4.2.2 La typologie de Rinck ................................................................................. 13
4.2.3 Comparaison interdisciplinaire et variation ................................................ 14
4.2.4 L’écriture académique et la référence ......................................................... 14
4.2.5 Bilan des travaux antérieurs ........................................................................ 15
4.3 Polyphonie, points de vue et argumentation ...................................................... 16
4.3.1 Polyphonie ................................................................................................... 16
4.3.2 Argumentation dans l’article scientifique ................................................... 17
5 Formes et fonctions syntaxiques des références ........................................................ 18
5.1 La référence dans le complément circonstanciel................................................ 18
5.1.1 RéB-CC dans la proposition subordonnée .................................................. 18
5.1.2 RéB-CC dans le syntagme prépositionnel ................................................... 19
5.2 La référence dans le complément du nom .......................................................... 20
5.3 La référence comme sujet de la principale ......................................................... 21
5.4 La référence comme évocation entre parenthèses .............................................. 22
6 Le point de vue – citation ou reformulation .............................................................. 23
7 Fonctions discursives ................................................................................................ 24
7.1 Les indices contextuels....................................................................................... 24
7.2 L’impact du type de texte ................................................................................... 27
8 La proposition subordonnée introduite par comme ................................................... 30
8.1 Tendances quantitatives ..................................................................................... 30
8.2 Fonction de la subordonnée introduite par comme............................................. 31
9 Le syntagme prépositionnel ....................................................................................... 36
9.1 Tendances quantitatives ..................................................................................... 37
9.2 Fonction du syntagme prépositionnel ................................................................ 37
9.2.1 RéB–CC introduite par une préposition simple .......................................... 38
9.2.2 RéB–CC introduite par une locution prépositionnelle ................................ 50
10 Conclusion ................................................................................................................. 55

4
Références bibliographiques........................................................................................... 59
11 Appendices ................................................................................................................ 61
11.1 Consignes éditoriales.......................................................................................... 61
11.1.1 Langue Française ........................................................................................ 61
11.1.2 La Linguistique ............................................................................................ 62
11.2 Les verbes associés au discours rapporté ........................................................... 63
11.2.1 Discours rapporté direct .............................................................................. 63
11.2.2 Discours rapporté indirect ........................................................................... 64
11.3 Tendances quantitatives ..................................................................................... 66
11.3.1 La référence comme CC proposition subordonnée ..................................... 66
11.3.2 La référence comme syntagme prépositionnel ............................................ 68

5
1 Introduction
Le but de l’article scientifique est d’apporter de nouvelles connaissances sur un objet de
recherche. Selon les conventions du genre, il est nécessaire de prendre en considération
les résultats des travaux antérieurs sur le sujet. L’auteur de l’article doit s’appliquer à
rester aussi fidèle au contenu original que possible. En incluant les références
bibliographiques, il décrit l’état de l’art du domaine dans lequel l’objet d’investigation se
place ou bien il emprunte un ou plusieurs points de vue pour faire avancer sa propre
argumentation.
Dans une perspective large, les études du discours scientifique visent à élucider la
façon dont se construit le savoir dans une discipline donnée. De telles études s’inscrivent
également dans un cadre didactique, cherchant à former des apprentis-chercheurs et de
fournir des indices sur la construction d’un savoir fiable, ce qui est un élément essentiel
d’une société démocratique.
En prenant comme point de départ la dimension polyphonique et argumentative du
langage, nous nous intéressons plus particulièrement aux références bibliographiques
lorsqu’elles se trouvent dans le complément circonstanciel. À notre connaissance, cette
question n’a pas encore été examinée de manière systématique.

2 Objectif
Les manières de préciser la source du savoir sont diverses, plus ou moins allusives, plus
ou moins explicites. Dans ce mémoire, nous examinerons la référence bibliographique
dans sa forme la plus conventionnelle ou canonique, à savoir un nom d’auteur et une date
de publication (Dupont 2020) ainsi que dans sa forme non canonique, qui se compose du
nom seul d’auteur, sans mention d’une date de publication (Dupont) (les termes
canonique et non canonique sont empruntés à Rinck 2006 : 347). On verra qu’elle peut
ou bien s’intégrer à différentes constructions syntaxiques comme le syntagme
prépositionnel (selon X) ou la proposition subordonnée (comme le montre X), ou bien elle
forme une mention entre parenthèses (X). Le fait de gérer les différentes voix dans un
texte relève de la dimension polyphonique inhérente à tout discours.
Cette étude poursuit un double objectif : d’une part décrire les formes et les
représentations des références bibliographiques et d’autre part examiner dans quelle
mesure il y a une relation entre ces formes et leur fonction discursive, notamment
argumentative. Par nécessité de délimiter l’analyse, elle focalisera sur les références
placées dans le complément circonstanciel (CC). Les questions posées sont :

• Dans quelles constructions s’inscrit la référence bibliographique de l’article scientifique ?


• Quelles sont les fonctions discursives des références en position de CC ?

Parmi les travaux consacrés à l’article scientifique, il nous semble que ce sujet est peu
exploré et mérite plus d’attention. Ainsi, nous espérons fournir des indices sur l’emploi
des références et sur la gestion entre les points de vue de l’auteur et ceux appartenant à
d’autres chercheurs.

7
3 Corpus et méthode
Dans cette section, nous présentons le corpus sur lequel se base l’analyse, ainsi qu’un
nombre de réflexions d’ordre méthodologique.

3.1 Corpus
Cette étude se sert du corpus DiSci-Line (Discours Scientifique Linguistique), constitué
d’articles de recherche en linguistique. Le corpus est divisé en deux sous-corpus, dont le
premier comporte 153 articles de la revue Langue française et le deuxième 155 articles
de la revue La linguistique. Afin d’éviter de mettre l’accent sur les auteurs ou sur le
contenu scientifique proprement dit, les articles ne sont pas parus ces dernières années,
mais il s’agit de publications entre 2002-2014. Pour cette même raison, les noms d’auteurs
ont également été remplacés.
Afin d’établir le corpus, la démarche était comme suit : après avoir téléchargé les
articles en PDF, ils ont été convertis en format docx. Ensuite, le nom de l’auteur, ainsi
que ceux des chercheurs à qui on fait référence, ont été remplacés par le mot Dixi1, suivi
d’un chiffre selon l’ordre d’apparition dans l’article. Il s’ensuit que Dixi-1 représente
toujours l’auteur de l’article, Dixi-2 la première référence, Dixi-3 la deuxième et ainsi de
suite. Chaque Dixi, par exemple Dixi-2, fait toujours référence au même auteur, quel que
soit le nombre d’occurrences. Il est à noter que Dixi ne remplace que des noms propres,
c’est-à-dire les noms d’auteurs sous une forme substantivale comme Dupont (la théorie
de Dupont) et non pas ceux sous une forme fléchie, adjectivale, telle que dupontienne (la
théorie dupontienne). Au cas où la référence bibliographique contient le prénom de
l’auteur, celui-ci est remplacé par Pnn. Lorsqu’elle figure avec les initiales, ceci est
marqué avec P#2.
Les deux revues choisies pour le corpus font partie des plus répandues, renommées et
établies dans le domaine de la linguistique francophone. Créée en 1969, Langue française
est une revue consacrée à la linguistique française dans sa pluralité, avec des recherches
touchant plusieurs niveaux d’analyse, ainsi que des questions d’acquisition et
d’apprentissage de la langue. La revue paraît quatre fois par an et bénéficie d’un grand
comité linguistique externe, avec plusieurs experts dans son conseil scientifique. Ses
articles sont systématiquement soumis à l’évaluation anonyme effectuée par deux
membres du comité. Fondée en 1965, La linguistique est la plus ancienne des revues
francophones de linguistique. Elle paraît deux fois par an et se consacre à la description
de la langue et à l’analyse de son fonctionnement dans des sous-disciplines diverses –
linguistique générale, diachronie, sociolinguistique, psycholinguistique, épistémologie
etc.
Les conventions typographiques des revues ont été consultées afin de déterminer dans
quelle mesure la forme des références est prédéterminée par celles-ci. À notre avis, les
consignes3 n’ont pas d’impact significatif sur l’emploi des références, et par conséquent
ni non plus sur les résultats de ce mémoire.
Finalement, il faut constater que tous les auteurs d’article n’ont pas la langue française
comme langue maternelle, ce qui pourrait, par exemple, rendre plus difficile de percevoir
les nuances de sens entre les différentes expressions utilisées. Or, comme les articles sont
publiés dans une revue de très haut niveau et qu’elle exige une rédaction sévère, il est

1 Du latin dixi, qui signifie « j’ai dit ».


2 Afin de pouvoir retracer la correspondance entre Dixi et le nom original du chercheur, et de connaître le nombre
d’occurrences si besoin est, un document d’Excel contient ces informations.
3 Les consignes consultées sont incluses dans Appendice 11.1.1 et 11.1.2.

8
raisonnable de supposer que la langue utilisée correspond aux normes attendues du genre
et que l’emploi des références est jugé correct.

3.2 Réflexions méthodologiques


Les sections 3.2.1 à 3.2.4 présentent un nombre de réflexions d’ordre méthodologique,
allant de la forme que prenne la référence bibliographique aux facteurs affectant
l’interprétation de la fonction discursive des références.

3.2.1 Références canoniques et non canoniques


Comme nous avons déjà effleuré sous la partie d’objectif (2), l’étude inclut aussi bien la
forme canonique de la référence bibliographique – le nom propre d’un auteur et une date
de publication (Dupont 2020) que sa forme non canonique, à savoir un renvoi au nom
propre d’auteur sans mention de l’année de publication (Dupont) quoique son emploi soit
plus limité que la forme canonique.
Parmi les références examinées, l’omission de l’information bibliographique est
largement due au fait que l’une des revues qui constitue le corpus utilise un système de
notes de bas de page pour les informations bibliographiques – dans ce cas, la référence
est suivie d’une note qui remplit cette même fonction et pour cette raison, nous les
appelons des références canoniques ou bibliographiques (les consignes éditoriales des
revues sont affichées sous Appendice 11.1). Cependant, bien que plus rare, il y a
également d’autres raisons pour le manque d’indications bibliographiques. Par exemple,
il existe des cas où une référence canonique a déjà été mentionnée dans l’article et par
conséquent, l’auteur du texte semble choisir d’utiliser la forme non canonique pour les
références suivantes, revoyant à ce même auteur. La référence sans date de publication
semble également s’associer aux textes plus narratifs, traitant l’histoire d’un linguiste,
d’une notion ou d’un courant théorique plutôt que des faits empiriques. Finalement, il y
a des cas exceptionnels où l’article dans son intégralité ne contient aucune information
bibliographique mais uniquement les noms propres d’auteurs référencés. Il s’agit d’un
nombre restreint d’articles présentant un profil spécifique – théorique ou historique –
traitant une analyse, une notion ou un linguiste particulier (les diverses fonctions des
références sont abordées sous la section 7). Dans son ensemble, les références non
canoniques constituent approximativement un dixième de toutes les occurrences
examinées. Nous avons choisi de les inclure dans l’analyse comme l’exclusion
d’information bibliographique nous semble dépendre de conditions particulières liées au
sujet de l’article ou à la thématique du numéro et non pas à une stratégie argumentative
utilisée par l’auteur de l’article. Il nous semble également légitime de supposer que leur
inclusion n’effectuera pas les résultats définitifs de l’étude. Par souci de clarté, toutes les
références analysées dans ce mémoire seront désormais désignées des références
bibliographiques.

3.2.2 Délimitation de la référence étudiée


Cette étude focalise sur les références dénominatives, aussi appelées bibliographiques,
c’est-à-dire des renvois aux sources antérieures sous la forme d’un nom propre, le plus
souvent accompagné de l’année de publication entre parenthèses. D’un point de vue
polyphonique, ce type de référence est particulièrement intéressant à étudier, comme le
point de vue est assigné à une voix locutoire explicite et non ambiguë.
Comme le corpus contient plus de 20 000 références dénominatives, il n’est pas
possible, dans le cadre restreint de cette étude, d’examiner toutes ces occurrences.
L’inventaire du corpus doit alors se limiter à un certain nombre d’expressions et formes.
Cette sélection se base sur des travaux antérieurs qui ont traité la référence à autrui ainsi

9
que des observations faites lors de la composition du corpus Disci-Line. Une fois les
formes sélectionnées, nous avons lancé une recherche spécifique de celles-ci dans le
corpus. Chaque occurrence introduisant une référence (par exemple selon Dupont 2020
ou pour Dupont) a ensuite été soumise à une analyse afin de déterminer sa fonction
syntaxique dans la phrase.
À partir de cet inventaire ainsi que l’examen d’occurrences, nous avons pu établir une
typologie de quatre catégories basée sur la syntaxe : la référence dans le complément du
nom, la référence dans le complément circonstanciel, la référence comme sujet ou objet
de la proposition principale et finalement il y a les mentions, qui sont les références sous
la forme d’un nom propre entre parenthèses. Bien que nous ayons fait un examen plus
compréhensif de toutes les formes figurant dans les constructions différentes, l’analyse
qualitative des fonctions se concentrera sur les références faisant partie du complément
circonstanciel (dorénavant RéB-CC) – ce sont des références en forme de syntagme
prépositionnel et de propositions subordonnées en comme. La catégorie comporte environ
1 000 références, un nombre jugé suffisant pour l’analyse qualitative.

3.2.3 Méthode
La présente étude adopte une perspective synchronique, focalisant sur la construction et
l’usage des références bibliographiques dans le discours scientifique en linguistique,
telles qu’elles se manifestent en français moderne.
Bien que l’accent soit mis sur l’analyse qualitative, notre approche fournit quelques
indications de nature quantitative. Les données empiriques puisées du corpus permettent
de discerner les tendances générales du fonctionnement des références dans le discours.
Pour décrire les caractéristiques de la référence, la quantification a été nécessaire dans
une certaine mesure afin de dégager les régularités et la diversité parmi les occurrences.
L’analyse qualitative vise à mettre en évidence les emplois prototypiques des références.
Il s’agit en effet d’un va-et-vient entre les deux approches, ce qui est indispensable pour
une description linguistique fine d’un phénomène tel que la référence.
Dans un premier temps, nous avons relevé toutes les occurrences de Dixi à l’aide du
concordancier AntConc, qui permet d’entreprendre des recherches spécifiques dans tous
les articles. Dans notre cas, il est question d’extraire toutes les occurrences de Dixi.
Comme déjà mentionné sous 3.2.1, en raison de l’abondance de références
bibliographiques, l’extraction du corpus a été limitée à dix-sept formes et expressions
associées aux références bibliographiques, à savoir les prépositions selon, pour, dans,
chez, d’après, depuis, après, avant, par et de, les locutions à la suite de, à l’instar de, à
partir de, quant à, en écho à, suite à et la conjonction comme4. Ensuite, nous avons établi
une catégorisation des références à partir de leurs propriétés syntaxiques, c’est-à-dire les
propriétés syntaxiques de la couple expression et référence (par exemple suite à Dupont
2020). En ce qui concerne la typologie des références, nous reviendrons sur la difficulté
que présente cette catégorisation dans la section 5.
Cependant, cet inventaire ne dit rien sur la fonction discursive de la référence, et passe
sous silence l’aspect argumentatif et polyphonique inhérent à celle-ci. Dans une deuxième
étape, nous avons par conséquent effectué une analyse au niveau textuel.

3.2.4 Indices, contexte et type de texte


L’interprétation de la fonction de la référence bibliographique est fortement dépendante
des indices co-textuels, la taille du contexte pris en compte et le type de texte où elle
figure. Afin de déterminer le mouvement argumentatif d’une référence, il faut tout

4 Pour un aperçu des formes ainsi que leur fréquence, voir Appendice 11.3.1 et 11.3.2.

10
d’abord prendre en compte trois paramètres différents, à savoir la présence d’indices, la
taille du contexte et le type de texte.
Les indices peuvent montrer dans quelle mesure l’argumentation et la position de
l’auteur sont explicites. Ils peuvent être plus ou moins explicites allant de la valeur
argumentative inhérente dans l’expression qui constitue la référence (à la suite de X) au
type d’article dans lequel se manifeste la référence (article empirique, théorique etc.).
Entre ces deux pôles se trouvent d’autres indices de niveaux différents : la présence
d’expressions argumentatives dans le contexte au niveau de l’énoncé ou du paragraphe
concerné. Ces indices peuvent expliciter la position du locuteur, par exemple ils peuvent
manifester l’accord ou le désaccord comme c’est le cas pour les connecteurs
argumentatifs (cependant, en effet) ou les pronoms personnels de la première personne
singulière ou plurielle accompagnés de verbes de parole ou d’opinion (je suivrai, je
souligne, nous nous appuyons).
En absence d’indices apparents, l’interprétation demande un contexte plus large que
l’énoncé isolé. Compte tenu du plan de l’étude, nous avons décidé que l’analyse se
contentera de ne considérer que le paragraphe où se trouve la référence examinée. Si ce
contexte se révèle insuffisant, le paragraphe précédent et/ou suivant sera consulté, afin
d’identifier des expressions argumentatives renvoyant à ce qui est dit dans une séquence
adjacente, donc des liens argumentatifs entre les paragraphes (on sait également…).
Il faut également noter que les différentes occurrences d’une même référence peuvent
recevoir des interprétations différentes si le contexte est élargi. Inclure toute la section, la
conclusion ou bien tout l’article peut alors rendre l’interprétation plus difficile et non pas
contribuer à la désambiguïsation, si l’auteur de l’article exprime dans la conclusion que
ses résultats ne sont pas convergents avec ceux de l’auteur référencé.
Finalement, le type de texte et le genre d’article jouent un rôle sur l’identification de la
fonction discursive de la référence. On s’attend à ce que celle-ci soit plus descriptive dans
la section consacrée aux travaux antérieurs, par rapport à celles dans la partie analyse ou
dans la conclusion. En d’autres termes, le type de texte influence la lecture : selon la
section où se trouve la référence – analyse, conclusion, travaux antérieurs, note de bas de
page – elle va être comprise différemment. Aussi le genre d’article (théorique ou
empirique) peut également influencer l’interprétation, s’il s’agit d’un article qui traite une
notion particulière ou si le numéro est consacré au travail d’une équipe de recherche.
Enfin, selon Boch et al. (2007 : 111), il existe des facteurs de variation
interdisciplinaire qui peuvent influencer les modes de construction du savoir, par exemple
le plan de texte (comme le plan IMMRaD5), la nature du programme de recherche choisi
par le chercheur (comme le positionnement par rapport aux modèles théoriques peuvent
varier selon les épistémologies) et comme déjà soulevé ci-dessus, le sous-genre auquel
appartient l’article.
Dans la section 7, nous développerons les rôles que jouent les indices et le contexte de
façon plus approfondie.

4 Travaux antérieurs
Cette section présentera les travaux antérieurs traitant les particularités de l’article
scientifique en sciences humaines et notamment en linguistique, en prenant appui sur les
études de Hyland, de Rinck, de Grossmann, de Boch, de Fløttum et de Poudat. Il s’agit
donc de comprendre les particularités de l’article scientifique comme genre et notamment
l’emploi des références.

5 IMMRaD (Introduction, Material and Methods, Results and Discussion), une structure organisationnelle de l’article
scientifique provenant de l’American National Standards Institut.

11
4.1 L’article scientifique comme genre
L’article scientifique en linguistique a été abordé sous des angles différents. Cependant,
du moins à notre connaissance, son système de références n’a pas fait l’objet d’études
quantitatives à grande échelle.
Parmi les études qui ont traité les références bibliographiques, la plupart portent
principalement sur la fréquence d’utilisation par les étudiants en comparaison avec les
chercheurs ou sur la forme de référence la plus courante dans un domaine donné. Par
conséquent, les typologies existantes ne sont pas exhaustives et se limitent aux
descriptions brèves des formes et des fonctions des références. Elles pourraient ainsi
bénéficier d’être approfondies avec des critères plus nets, des catégories mieux tranchées
ainsi que des indices sur leur fonctionnement. Nous avons par exemple observé que les
catégories établies ne sont pas exemplifiées de manière systématique, ce qui rend difficile
leur application. De plus, un critère servant de base d’une forme de référence peut
s’appliquer à d’autres formes, c’est-à-dire que les critères ne sont pas exclusifs. En outre,
certaines typologies de modes de références semblent concerner la forme du point de vue
rapporté plutôt que celle de la référence.
Selon Boch et al. (2007), il n’existe pas de dichotomie stable des genres d’articles
scientifiques, mais il est courant d’opposer des articles théoriques à des articles
empiriques et de distinguer les articles traitant l’histoire d’une notion ou les travaux d’un
linguiste notoire de ceux discutant l’état d’une question particulière. Dans ces différents
types d’articles, les références peuvent certainement être utilisées de façon différente et
par conséquent, elles pourraient manifester des tendances diverses quant aux formes et
fonctions. Dans cette étude, l’article scientifique est envisagé en tant que genre et il n’y a
pas de division entre les genres.

4.2 L’article scientifique et son système de références


Dans les chapitres suivants, les travaux antérieurs traitant l’article scientifique et ses
références seront présentés.

4.2.1 La référence chez les étudiants et les chercheurs


Boch et Grossmann ont écrit plusieurs articles focalisant sur le discours scientifique en
sciences humaines. Dans l’article « Se référer au discours d’autrui, quelques éléments de
comparaison entre experts et néophytes » (2002), ils analysent les modes de référence
chez les étudiants et les chercheurs en linguistique, avec l’objectif de fournir des indices
sur la manière dont les novices font référence par rapport aux procédés d’experts.
Après l’analyse du corpus, une typologie des modes de référence a été établie. Elle
divise les références dans trois catégories différentes, à savoir l’évocation, la
reformulation et la citation. Certains des critères sur lesquels se base la typologie
apparaissent également dans notre classification, mais sous des termes ou des formes un
peu différents : par exemple les « marques introductives » qui sont des prépositions ou
des conjonctions de subordination comme selon, d’après et comme X prétend, l’absence
de développement thématique du point de vue de l’autrui et la présence ou l’absence de
guillemets (2002 : 43sq). Les auteurs distinguent également cinq fonctions principales
des références : introduction de son propos, marqueur d’appartenance à une école ou à un
courant, renvoi aux travaux antérieurs afin de « rappeler l’état d’une problématique » ou
d’« étayer une définition », appui d’une affirmation et finalement discussion d’une
affirmation ou d’une démarcation par rapport à une position (ibid.). Cependant, Boch et
Grossmann (2002) ne développent pas davantage ces fonctions et n’offrent aucun indice
quant à leur fréquence ou à leur utilisation. Ces fonctions sont également observées dans
notre corpus, mais nous les avons catégorisées de manière différente. Cet aspect jouera

12
un rôle plus important dans notre étude, puisque les références seront classées d’après
leur fonction argumentative.

4.2.2 La typologie de Rinck


Dans sa thèse « L’article de recherche en Sciences du langage et en Lettres. Figure de
l’auteur et identité disciplinaire du genre » (2006), Rinck traite la référence à autrui ainsi
que ses formes différentes. Avec une approche comparative, elle examine, entre autres,
comment les points de vue d’autrui sont désignés par les doctorants et les chercheurs dans
l’article scientifique en linguistique. L’hypothèse de départ est que le doctorant, en tant
que novice dans le champ, se soumet plus aux conventions du discours académique,
utilisant plus de « formes de désignation canoniques » (2006 : 344). Le corpus employé
se compose de 44 articles en linguistique, dont 22 sont écrits par des chercheurs et 22 par
des doctorants.
Après avoir examiné les références, une typologie a été établie. Elle se compose de
plusieurs catégories, dont aucune ne se concentre sur les prépositions, les locutions ou
d’autres formes et constructions comme les propositions subordonnées, comme c’est le
cas dans notre étude. Sa division focalise plutôt sur la référence généraliste ou non, c’est-
à-dire si elle se réfère sans préciser au domaine de recherche (ces conceptions), si elle
renvoie à un nom d’un courant, d’une école ou d’une approche (la praxématique), ou s’il
s’agit de références sans précision de la source (une question déjà bien souvent soulevée).
La dernière catégorie concerne le nombre de publications auxquelles l’auteur se réfère.
Rinck (2006 : 347) distingue également un mode de référence qu’elle appelle la
forme canonique, où la référence se compose du nom de la source et la date de publication
(Ducrot 1995). Cette forme se manifeste également dans notre typologie, mais pas en tant
que catégorie – elle figure dans de différentes catégories, faisant partie des constructions
telles que le syntagme prépositionnel et la proposition subordonnée.
Il y a également une catégorie où la référence se compose du nom seul de l’auteur
référencé et n’est pas suivie de l’année de publication (d’après Michel Peroni, la théorie
searlienne). Selon Rinck (2006 : 347), l’emploi de ce renvoi non canonique se limite à
des conditions spécifiques, comme faisant référence aux auteurs classiques ou aux auteurs
de l’histoire moderne ou contemporaine du domaine de la linguistique, soulignant leur
notoriété. Il a également d’autres fonctions, plus rares, comme souligner la manière de
dire plutôt que le contenu propositionnel (Pour reprendre un mot célèbre de Garfinkel),
ce qui permet à l’auteur de joindre sa voix à celle d’un auteur notoire. Les renvois non
canoniques sous forme d’un nom propre (comme d’après Michel Peroni) figurent
également dans notre typologie, dans les différentes constructions faisant partie de nos
catégories. Même si intéressantes, les références non canoniques qui se manifestent dans
des tours du type la théorie searlienne ne sont pas inclues dans ce mémoire, comme il
focalise sur les références dénominatives, c’est-à-dire les renvois aux sources antérieures
ayant la forme d’un nom propre, le plus souvent accompagné de l’année de publication.
Toutefois, certaines des expressions liées à la référence non canonique chez Rinck
(2006) seront également évoquées dans notre étude, comme l’un de nos objectifs est
d’identifier les formes et les stratégies utilisées en faisant référence. Rinck (2006 : 347)
mentionne par exemple des prépositions comme depuis et à partir de (on le sait depuis
Bakhtine), utilisées pour « marquer la naissance d’un courant ou d’un paradigme » et des
constructions avec chez, indiquant « l’appareillage conceptuel spécifique à un auteur »
(la notion de notion chez Culioli). Les tours de ce type, marquant la filiation aux linguistes
ou aux cadres théoriques, seront également explorés dans notre étude. Quant aux renvois
non canoniques constitués d’un nom propre, nos observations indiquent qu’ils se
manifestent majoritairement dans des articles plutôt théoriques, où l’exclusion
d’information bibliographique semble dépendre des conditions particulières telles que le
sujet de l’article ou la thématique du numéro dans lequel l’article est publié.

13
En ce qui concerne les résultats, l’étude montre premièrement que les novices utilisent
un nombre plus faible de références que les experts. Ensuite, l’analyse indique que la
référence dite canonique (Ducrot 1995) est le mode le plus fréquent dans les deux
groupes. Pour le renvoi au nom seul de l’auteur, il est plus fréquent parmi les chercheurs,
ce qui est également le cas pour la référence à un nom de courant, d’école ou de domaine.
Les résultats valident l’hypothèse de départ que les novices se conforment plus à la norme
de l’écriture scientifique que les experts.

4.2.3 Comparaison interdisciplinaire et variation


En prenant appui sur des typologies élaborées dans leurs recherches antérieures,
l’étude « Rôles d’auteur et références à d’autres sources » de Rinck, Fløttum et Poudat
(2017) examine le rôle d’auteur et celui de références à d’autres sources dans deux
disciplines différentes, à savoir la chimie organique et la linguistique. En comparant le
genre écrit de l’article et le genre oral d’exposé dans les deux disciplines contrastées,
l’étude focalise sur la dimension énonciative des textes. L’objectif est d’analyser le
discours scientifique d’un point de vue variationniste, prenant en compte à la fois les
tendances communes que les diversités parmi les stratégies utilisées. Le corpus observé
se compose de 15 articles en linguistique, 15 exposés orales de linguistique et 15 exposés
orales de sciences.
Pour la typologie des références, l’étude se base sur le classement établi par Rinck dans
sa thèse de doctorat (2006), évoquée ci-dessus. Le résultat de l’étude confirme celui de
Rinck (ibid.), montrant que, dans le genre écrit en linguistique, le renvoi à la source
bibliographique (dite canonique chez Rinck) est la forme privilégiée avec 59,45%. Elle
est suivie du renvoi au nom d’approche (16,42%) et du renvoi sans spécification de la
source (14,68%). Quant à la référence au nom de l’auteur seul, c’est la stratégie la moins
fréquente avec 9,45%.

4.2.4 L’écriture académique et la référence


Hyland et Jiang ont rédigé plusieurs articles qui traitent l’écriture académique en anglais,
ainsi que les changements et les développements dans le domaine. Dans l’article « “In
this paper we suggest”: changing patterns of disciplinary metadiscourse » (2018), ils
examinent le développement du métadiscours au cours des 50 dernières années dans
quatre disciplines différentes : la linguistique appliquée, la biologie, la sociologique et
l’ingénierie électrique.
L’étude ne focalise pas sur la forme de référence en tant que telle, mais plutôt sur sa
fréquence ainsi qu’un changement formel qui a eu lieu dans le domaine. Selon le modèle
de métadiscours proposé par Hyland dans ses travaux antérieurs, les auteurs évoquent les
evidentials, qui sont des citations (1) ou des marqueurs explicites (2), signalant une source
d’information extérieure du texte actuel. Les exemples ci-dessous sont empruntés à
Hyland et Jiang (2018 : 15) :

(1) Bassett and Moss (2004) found that women preferred high and moderate risk takers as long-term
mates over low risk takers….

(2) According to the symbolic politics framework, politicians promote anti-immigrant laws by
making emotional appeals…

L’étude montre une augmentation forte d’evidentials dans la discipline de la linguistique


appliquée, avec 1357%. Selon les auteurs, cet accroissement vaste est principalement dû
à une augmentation importante des citations dans les articles, mais il reflète également le
nombre croissant de sources citables pendant la période examinée. La croissance est
également accompagnée d’un changement général de la forme que prennent ces

14
evidentials. Là où on a précédemment vu une préférence de résumer l’information
provenant d’une source unique, l’étude révèle une tendance à généraliser l’information
provenant de plusieurs sources différentes. De plus, la référence sous forme de nom de
l’auteur et l’information bibliographique entre parenthèses (3) manifeste également une
augmentation importante. Selon les auteurs, cette forme met l’accent sur « the action of
research », plutôt que sur l’auteur-même (2018 :15). En revanche, la forme intégrée au
contenu propositionnel (4) ne représente que 15% des références dans tous les domaines
examinés.

(3) In this context, control-based approaches are increasingly being used in synthetic biology (Ang
et al., 2010, LeDuc et al., 2011, Menolascina et al., 2011 and Yang et al., 2011). (Hyland et
Jiang 2018 : 16)

(4) According to Reveil (57) the primary event may be only a labile tendency to pair with another
primary event. (Hyland et Jiang 2018 : 16)

Cet article est intéressant en ce qu’il fournit un aperçu de la façon dont on explicite une
source antérieure dans un domaine autre que celui de la linguistique française. Quant aux
résultats de l’étude, c’est notamment l’emploi faible de la référence intégrée au contenu
propositionnel qui est notable.

4.2.5 Bilan des travaux antérieurs


Dans les travaux antérieurs évoqués dans cette étude, il n’y a pas véritablement de
perspectives incompatibles. Cependant, même si les études portent sur les mêmes aspects,
les appareils conceptuels et terminologiques peuvent se distinguer. L’étude de Boch et
Grossmann (2002) focalise surtout sur la catégorisation et l’utilisation des références en
tant que citation ou reformulation. La typologie des modes de références établie se base
sur des critères qui mettent l’accent sur l’intégration de la référence dans le discours et en
partie sur leur fonctionnement. Il s’agit de l’absence ou la présence de marques
scripturales comme les guillemets, les italiques ou les commentaires métalinguistiques
(je cite) ou des expressions introductives comme selon et chez. Les types des modes de
références se distinguent également par rapport au critère de l’autonomie énonciative du
segment cité. Cependant, la typologie pourrait bénéficier de catégories plus nettement
délimitées, surtout comme certaines se basent sur les mêmes critères. Le fonctionnement
des références est un aspect intéressant, mais n’est pas développé davantage dans l’article
– leur classement aurait pu être complété avec les critères sur lesquels se fondent ces
fonctions.
L’étude de Rinck, Fløttum et Poudat (2017) focalise sur la forme des références et
distingue quatre formes différentes. Ici, l’insistance est mise sur la présence ou l’absence
d’une source sous forme d’un nom propre ou d’une école, domaine ou courant, et la
présence ou pas d’information bibliographique dans le texte. Comme chez Boch et
Grossmann (2002), les critères sur lesquels se base cette typologie pourraient être plus
nettement définis afin de mieux discerner les différences entre les catégories.
Dans Rinck (2006 : 347), il y a également une distinction phraséologique, c’est-à-dire,
une distinction entre les tours et les expressions utilisés en faisant référence. Cette
distinction touche, dans une moindre mesure, le fonctionnement des références. Rinck
distingue alors trois formes différentes : l’utilisation des dérivations adjectivales (le
respect des maximes gricéennes), les prépositions comme depuis et à partir de, marquant
la naissance d’un courant et finalement les constructions avec chez et au sens où, signalant
une notion ou un concept spécifique à un auteur. Bien qu’une distinction intéressante, elle
ne concerne que la forme dite non canonique. Cet aspect sera exploré de plus près dans
notre étude, à l’exception de l’emploi des dérivations adjectivales, qui n’y seront pas
incluses.

15
Ce qui est commun pour toutes ces études, c’est que les typologies établies pourraient
bénéficier des catégories mieux tranchées, des définitions plus nettes et des critères plus
élaborés, surtout en ce qui concerne la forme et la fonction des références. Contrairement
aux classements évoqués ci-dessus, notre typologie se fonde sur un seul critère, à savoir
le rôle syntaxique des références, et elle ne concerne que les références dénominatives
(pour un rappel du type de référence étudié dans ce mémoire, voir sous 3.2.2). La
dimension fonctionnelle de la référence, présente chez Rinck (2006) et Boch et
Grossmann (2002) sera examinée de plus près dans notre étude, mais en termes de
convergence et de divergence. Nous trouvons cet aspect particulièrement intéressant et si
examiné plus en détail, il pourrait sûrement nous fournir d’indices intéressants sur la
construction du savoir dans l’article scientifique au sein du domaine de la linguistique.
Dans ce mémoire, nous examinerons les RéB-CC ayant la forme canonique et non
canonique, à savoir celles qui se composent du nom de l’auteur, le plus souvent
accompagné de la date de publication. Nous chercherons à élucider la manière dont ces
références font avancer l’argumentation du locuteur en termes de divergence et de
convergence, et de décrire les diverses manifestations de ces références. Bien que nous
ayons soulevé certains aspects qui mériteraient une approche un petit peu plus
approfondie, les travaux antérieurs constituent une base solide pour notre propre étude.

4.3 Polyphonie, points de vue et argumentation


Comme déjà constaté dans l’introduction, le but de l’article scientifique est de fournir de
nouvelles connaissances sur un objet de recherche et les mettre en relation avec les
travaux existants et au « déjà là » comme le dit Rinck et al. (2017), c’est-à-dire, aux
savoirs déjà attestés dans un domaine donné. En mobilisant le système de références,
l’auteur de l’article met en scène une pluralité de voix qui contribue au développement
argumentatif du texte et par là exploite le potentiel polyphonique inhérent à tout discours.

4.3.1 Polyphonie
On désigne par polyphonie la propriété du langage de faire entendre plusieurs voix dans
un énoncé ou dans un texte, à part celle du locuteur. Comme les références
bibliographiques constituent un modèle qui justement vise à rendre compte de la gestion
des différentes voix pour rendre claire l’origine d’un point de vue, ainsi qu’attribuer et
protéger la propriété intellectuelle des chercheurs, une approche polyphonique constitue
une base théorique apte à répondre aux questions que nous avons posées.
Avec les travaux de Ducrot dans les années 80, la théorie de la polyphonie a pris une
orientation linguistique et est devenue une notion centrale dans des nombreuses études.
Cet intérêt a donné lieu à une floraison d’idées, d’approches et d’appareils théoriques
différents. Mais il est généralement admis que la notion de polyphonie postule une
plurivocité au sein du discours ou même dans un seul et même énoncé. En d’autres termes,
dans un discours ou un texte, plusieurs voix se font entendre et reflètent d’autres discours.
Dans la polyphonie de Ducrot, qui s’appuie sur la sémantique, cette pluralité de voix
comprend le locuteur, celui qui prend la responsabilité de l’énoncé et les énonciateurs,
qui représentent des différents points de vue. Dans les travaux de Norén (2018) et de
ScaPoLine (2004) ces différents énonciateurs, ou êtres discursifs (ê-d) selon leur
terminologie, sont responsables des point de vue mis en place par le locuteur. Ces ê-d
peuvent prendre des formes différentes – des pronoms, des syntagmes nominaux ou des
substantifs (2018 : 120). Dans la présente étude, qui focalise sur les références
dénominatives, ils ont toujours la forme d’un nom propre. Selon Norén (2018 : 121), il
est possible, en combinant la notion de polyphonie et une analyse linguistique textuelle,
cette dernière se penchant sur les liens entre les mots et les groupes de mots (par exemple
des connecteurs et conjonctions), d’élucider la manière dont « les ê-d parviennent à

16
émerger dans le discours et d’accéder à la compréhension globale d’un texte ». C’est de
cette manière que nous espérons fournir d’indices sur le fonctionnement des références
dans les articles de recherche et élucider le lien entre la forme et la fonction argumentative
de la référence.
Dans cette étude, nous adapterons la terminologie de la ScaPoLine (2004) et de Norén
(2018), afin qu’elle s’applique à notre objet. Par locuteur, nous entendons l’auteur de
l’article. Dans le corpus, le locuteur a la forme de Dixi-1 (et parfois, s’il y a plusieurs
auteurs de l’article, Dixi-2, Dixi-3 etc.). Par être discursif, abrégé en ê-d, nous entendons
les chercheurs, ou les voix, auxquels l’auteur de l’étude se réfère. Ê-d se manifeste sous
la forme de Dixi-#. Le terme point de vue, abrégé en pdv, sera utilisé en parlant du
discours et des arguments empruntés à ê-d. Nous distinguerons également entre des pdv
terminologiques (comme par exemple « arrondeurs » selon Dixi-2) et des pdv
propositionnels (« selon Dixi-3, les arrondeurs sont X »).

4.3.2 Argumentation dans l’article scientifique


Dans l’article scientifique, la référence au discours d’autrui peut remplir plusieurs
fonctions discursives. Elle peut servir à annoncer l’objectif de l’article ou à l’ancrer dans
le champ scientifique, mettant l’apport de l’article en perspective avec des connaissances
partagées dans la communauté scientifique ou pour résumer l’état de l’art de la question
concernée. Elle peut également être mobilisée pour situer l’étude par rapport au travail
d’une équipe de recherche ou d’un linguiste particulier de façon plus générale et souvent
d’une perspective historique. Le locuteur met son apport en relation avec les travaux
antérieurs et les connaissances et les représentations communes au sein de la communauté
scientifique. Dans ce genre de cas, la référence a souvent une visée plutôt descriptive.
Dans d’autres circonstances, elle contribue à faire avancer le développement
argumentatif du locuteur. Elle est alors exploitée pour souligner la convergence ou la
divergence par rapport aux travaux existants, aux résultats ou aux pdv des ê-d évoqués.
En d’autres termes, soit le locuteur est en accord avec ê-d, soit il est en désaccord avec
lui.
L’étude de Boch, Grossmann et Rinck (2007) focalise sur la construction du savoir
dans l’article scientifique, en proposant une analyse qualitative des marqueurs lexicaux
de la convergence (par exemple conformément à nos hypothèses) et de la divergence
(contre toute attente) par rapport aux attentes du chercheur-auteur ou de la communauté
scientifique. L’objectif est de voir dans quelle mesure ces marqueurs peuvent fournir des
indices sur la manière dont l’auteur met en scène et valide le savoir dans son article. Leur
typologie (2007 : 113sqq) regroupe une variété d’expressions « relativement figées »
associées à l’attente ; la prévision (ces résultats sont prévisibles), la convergence
(conformément à nos hypothèses), l’accord / la concordance (en accord avec nos résultats
précédents, ces résultats concordent avec), la confirmation (les résultats confirment), la
vérification et l’absence de vérification (notre étude permet de confirmer, cette étude ne
nous permet pas de vérifier), la surprise / l’étonnement (un résultat surprenant,
étonnamment) et le « paradoxe » et des formules opposées (un résultat paradoxal, la
comparaison fait évidemment apparaître). L’étude montre que les marqueurs possèdent
des fonctions multiples et souligne la nécessité de les considérer en combinaison avec
d’autres expressions. De plus, elle relève l’importance de prendre en compte le texte dans
sa globalité dans l’interprétation de ces marqueurs et leur rôle dans le jeu énonciatif
(ibid.).
Dans cette étude, en ce qui concerne le positionnement du locuteur par rapport au pdv
de ê-d, nous nous inspirons de la terminologie de Boch et al. (2007) et utiliserons les
termes de convergence pour les instances où le pdv du locuteur est en concordance avec
celui de ê-d, et le terme de divergence lorsqu’il y a incompatibilité. Ces termes seront
utilisés de manière générique, ce qui permet de rassembler différentes formes d’accord et

17
de désaccord. Dans la section 7, nous établirons des sous-catégories à partir des
occurrences de notre corpus.

5 Formes et fonctions syntaxiques des références


Dans l’article scientifique, la référence à d’autres chercheurs peut prendre plusieurs
formes linguistiques – l’auteur peut employer des diverses stratégies pour préciser la
source des savoirs et éviter la confusion entre les voix présentes dans le texte. Dans cette
section, nous tenterons de répondre à la question préalablement posée : Dans quelles
constructions s’inscrit la référence bibliographique de l’article scientifique ? Nous
rappelons que c’est avant tout la forme canonique (dans la terminologie de Rinck 2006)
qui nous intéresse, c’est-à-dire nom(s) d’auteur(s) + année de publication (+ indications
de page) – mais, comme déjà indiqué sous 3.2.1, le corpus contient également un nombre
limité des formes non canoniques, sans mention de l’année de publication.
Comme le remarque Boch et Grossmann (2002), la référence peut être précédée par
des « marques introductives » du type selon et d’après ou inclue dans des propositions
subordonnées (comme X prétend), ou être signalée par des marques scripturales comme
les guillemets. L’étude de Rinck (2006) parle des tours comprenant des prépositions et
des locutions qui indiquent la naissance d’une école ou soulignent l’appartenance d’une
notion spécifique (à partir de, chez). Hyland et Jiang (2018) montrent une prédominance
dans le domaine de la linguistique appliquée anglaise d’utiliser uniquement le nom de
l’auteur et l’année de publication entre parenthèses.
Afin d’identifier ces formes et d’élucider le lien entre leur forme et leur fonction, nous
avons procédé à un classement des références. En établissant une telle catégorisation, des
difficultés surviennent. Un problème est relatif à l’interprétation de la référence, comme
une seule et même référence peut appartenir à des catégories différentes, selon les critères
servant comme base de la typologie, ou selon la forme de la référence. Après avoir divisé
les références en constructions différentes, nous avons choisi de les catégoriser d’après
leur rôle syntaxique. Ce choix est motivé par le fait que le critère de la syntaxe est plus
restreint que celui de la forme. Par exemple, une référence sous la forme d’un syntagme
prépositionnel, comme dans X, peut être identifiée soit comme un complément de nom,
soit comme un complément circonstanciel. Il s’est avéré que le critère de la syntaxe réduit
le nombre de catégories auxquelles une référence peut appartenir, ce qui facilite la
catégorisation.
Les sections 5.1 à 5.4 présenteront les constructions prototypiques dans lesquelles
s’insèrent les références afin de donner une vue d’ensemble, mais ce sont les références
bibliographiques au sein du complément circonstanciel, RéB-CC, qui seront soumises à
l’analyse approfondie dans les sections 8 et 9.

5.1 La référence dans le complément circonstanciel


Cette catégorie de RéB-CC est divisée en deux sous-catégories, à savoir celles formant
des propositions subordonnées et celles des syntagmes prépositionnels.

5.1.1 RéB-CC dans la proposition subordonnée


Le complément circonstanciel exprimant la source et son point de vue peut être constitué
d’une proposition subordonnée. Dans notre corpus, cette référence prend souvent la forme
d’un complément de comparaison introduit par comme, se manifestant principalement
sous deux formes, ou bien [comme (le) + verbe + Dixi +(année)], comme illustré dans (5)
ou bien [comme + Dixi +(année) + (le) verbe] comme dans (6).

18
Évidemment Dixi représente ê-d qui est généralement accompagné de l’année de
publication entre parenthèses. À l’intérieur de la subordonnée, ê-d remplit la fonction de
sujet et le complément d’objet en forme du pronom le renvoie au pdv qu’on retrouve dans
la proposition dont elle dépend. Dans (5), il s’agit de « il est difficile de tracer des limites
précises à la classe et de les répartir en sous-classes cohérentes » et dans (6) de « la
focalisation n’est pas un phénomène qui relève du niveau de la phrase ».

(5) Cela étant, il est difficile de tracer des limites précises à la classe et de les répartir en sous-
classes cohérentes, comme le montre P# Dixi-76 (1993 : 87 et sq.). (LF_161_0009) 7

(6) Comme Dixi-5 et Dixi-19 (2005) le signalent, la focalisation n’est pas un phénomène qui
relève du niveau de la phrase […]. (LF_164_0045)

Ce sont les verbes qui dénotent une activité de parole au sens d’Anscombre (2015) qui
dominent dans cette construction. Ce genre de verbe permet au locuteur d’exprimer la
relation entre ê-d et le pdv et peut se varier selon le but ou la position du locuteur. Les
verbes les plus fréquents dans le corpus sont remarquer, dire, noter et souligner8. Nous
reviendrons à ce sujet dans l’analyse sous la section 8.2.
Il faut mentionner que le dépouillement du corpus a été limité à un certain nombre de
formes, dont l’une était la conjonction comme (pour un survol des formes recherchées,
voir Appendice 11.3.1 et 11.3.2). Il est donc possible que RéB-CC dans la proposition
subordonnée se construise avec des formes autres que celle de comme dans le corpus.

5.1.2 RéB-CC dans le syntagme prépositionnel


La référence faisant partie d’un syntagme prépositionnel figure également très
fréquemment dans le corpus, souvent en fonction syntaxique de circonstanciel, bien que
le complément de nom soit d’une haute fréquence. Généralement, elle se compose d’une
préposition simple ou d’une locution prépositionnelle suivie d’un nom propre avec
l’année de publication entre parenthèses, comme par exemple [selon Dixi + (année)] ou
[à la suite de Dixi + (année)].
Parmi les prépositions relevées dans le corpus, la plus fréquente de cette construction
est, peut-être peu surprenant, selon. D’autres prépositions avec un nombre élevé
d’occurrences sont pour, dans et chez. Ê-d est précédé par la préposition et souvent suivi
de l’information bibliographique entre parenthèses. Cette construction introduit
généralement un pdv propositionnel exprimé dans l’énoncé, comme le montre (7).

(7) Selon Dixi-4 (2003 : 615), l’usage de la forme contractée est plus probable si la signification
de l’élément régi par la préposition est plutôt normale et non spécifique. (LF_157_0123)

Bien que plus rare, la référence peut être introduite par une locution prépositionnelle,
c’est-à-dire un nom ou un groupe nominal, précédé et/ou terminé par une préposition.
L’extraction de notre corpus montre qu’à la suite de et à l’instar de sont les locutions les
plus fréquentes9.

(8) À la suite de Dixi-5 (1999), on appelle « hôte » l’élément syntaxique auquel un ajout est adjoint.
(LF_159_0033)

6 C’est nous qui avons marqué les caractères gras dans les exemples afin de faciliter la lecture.
7 Tous les exemples proviennent du corpus DiSci-Line.
8 Pour un aperçu de tous les verbes retrouvés dans le corpus, voir les sections sous Appendice 11.2.
9 Pour un aperçu de toutes les prépositions et locutions recherchées dans le corpus, voir Appendice 11.3.2.

19
(9) Dès lors, on pourrait supposer, à l’instar de Dixi-15, que l’énoncé puisse avoir plusieurs
topiques. (LING_462_0127)

Comme nous l’avons remarqué dans la section 4.3.1, les locutions servent généralement
à introduire un pdv propositionnel (9) mais parfois, comme dans (8), il s’agit d’un pdv
terminologique.

5.2 La référence dans le complément du nom


Dans cette catégorie se trouvent les cas où la référence bibliographique se retrouve au
sein d’un syntagme prépositionnel comme complément d’un nom ou d’un pronom. Nous
avons relevé quatre types distincts. Le premier est la construction où le complément se
compose d’un groupe prépositionnel [substantif/pronom + de Dixi), exprimant la
possession, comme le montre (10) :

(10) En syntaxe externe, l’hypothèse de Dixi-4 est la suivante : non seulement la relative peut être
reliée à un constituant recteur par des relations de subordination syntaxique variées comme en
(62, 63), mais […]. (LF_158_0029)

La construction génitivale a la forme d’un nom, la préposition de et le nom de ê-d. Les


substantifs tendent souvent à se rapporter aux étapes de la démarche scientifique ou la
discussion théorique ; travail, étude, analyse, recherche, notion, définition, théorie,
résultats, terminologie, méthodologie, approche etc. Dans sa thèse, Rinck (2006 : 240sq)
examine le lexique « transdisciplinaire » – c’est-à-dire le lexique « supposé spécifique à
l’activité de recherche » – dans son corpus de 220 articles de recherche. La majorité de
ces noms sont inclus dans sa liste regroupant les 45 termes « transdisciplinaires » les plus
fréquents.
Parfois le pdv est exprimé par un pronom démonstratif. La construction démonstrative
se constitue d’un pronom démonstratif (celle, celles, celui, ceux), la préposition de et le
nom du ê-d, souvent accompagné de l’année de publication.

(11) Cette terminologie est celle de Dixi-12 dès 1976, et elle me paraît plus adéquate.
(LF_164_0011)

Le corrélat du pronom peut être identifié dans le contexte local comme dans (11) où celle
renvoie à cette terminologie et se rapporte globalement, comme dans la construction
génitivale, au champ lexical de la démarche scientifique.
Le troisième type se compose d’une préposition simple ou d’une locution
prépositionnelle suivie d’un nom propre comme dans (12). Généralement, il s’agit d’une
référence canonique où Dixi est suivi de l’année de publication entre parenthèses comme
[d’après Dixi + (année)] ou [au sens de Dixi + (année)]. Parmi les expressions qui se
manifestent dans cette construction, certaines sont parfois employées pour renvoyer à un
pdv terminologique. Dans notre corpus, c’est par exemple souvent le cas de la locution
au sens de illustrée dans (13), où elle renvoie au terme « manière réflexive ».

(12) Les analyses qui précèdent offrent un argument empirique fort en faveur d’une syntaxe en ligne
(on-line syntax, d’après Dixi-6 2009) dont les réalisations syntagmatiques se configurent
moment-par-moment au fil du déroulement séquentiel du discours. (LF_175_0111)

(13) Les ressources acquièrent leur sens et leur valeur de manière réflexive (au sens de Dixi-12
1984a) en rapport à leur usage situé. Leur intelligibilité est assurée à la fois par leur indexicalité
– leur ajustement et adéquation au contexte – et par leur systématicité – leur positionnement et
fonctionnement méthodique au sein de la séquentialité de l’interaction. (LF_175_0129)

20
Le dernier type présente un groupe participial ayant la fonction de complément du nom :
[substantif/pronom + verbe au participe passé + par/de Dixi]. Généralement, la référence
est suivie de l’année de publication entre parenthèses (14), mais il arrive qu’elle figure
sans cette information (15). Cette construction s’associe également avec d’autres
prépositions que celles mentionnées plus tôt – parmi celles recherchées dans le corpus,
dans (16) et chez figurent fréquemment.

(14) Le classement proposé par Dixi-22 (1996 : 260) associe les constructions à extension
morphologique aux emplois suivants : […] (LF_158_0013)

(15) Cependant, les propos de Dixi-20 masquent d’une certaine manière le point de vue de Dixi-4,
car ce dernier, partant de la distinction langue/parole établie par Dixi-19, affirme clairement
dans Principes de phonologie paru en 1938, après sa mort, donc bien avant 1950, que : […]
(LING_501_0035)

(16) Cet appendice traite du rôle temporo-aspectuel de tout dans la construction envisagée, déjà
étudié dans Dixi-3 : 1989, Dixi-1 : 1995, 2001, 2005, 2008, et ne concerne pas directement la
notion d’attitude énonciative. (LF_161_0059)

Parmi les verbes faisant partie de la construction, ce sont ceux du type proposer, relever,
présenter, établir, exposer, donner, citer, étudier et décrire qui dominent. Selon
Grossmann (2014 : 761), les verbes du type établir, vérifier et démontrer sont des verbes
de « preuve » qui présupposent un constat. Il nous semble qu’une grande partie des verbes
figurant dans cette construction appartient à cette catégorie. Contrairement à la majorité
des verbes figurant dans la proposition subordonnée (comme le remarque X), qui
généralement focalisent sur la relation entre ê-d et le pdv, ceux-ci mettent plutôt l’accent
sur la démarche scientifique.

5.3 La référence comme sujet de la principale


Il est difficile de cerner et de prévoir tous les différents moyens d’employer les références
bibliographiques. Toutefois, il est pertinent de mentionner le discours rapporté du type
Dixi a dit (que) et Dixi affirme (citation), étant donné qu’il est une forme primaire pour
rendre compte des pdv d’autrui. Dans le corpus, le discours rapporté se manifeste avec
environ quatre-vingts verbes différents susceptibles de présenter un constat, une parole
ou une opinion ; par exemple conclure, considérer, noter, observer, souligner, soutenir
et dire10. Les verbes introduisant le discours rapporté direct sous forme de citation, de bloc
citationnel et d’îlot textuel montrent une variation un peu plus large que ceux présentant
le discours rapporté indirect.
Cette catégorie couvre aussi bien le discours rapporté direct que le discours rapporté
indirect. Pour le discours rapporté direct, comme pour la proposition subordonnée, ê-d
remplit la fonction de sujet et son pdv remplit la fonction de complément d’objet. Le pdv
est exprimé par une citation mise entre guillemets, comme dans l’exemple (17) ci-
dessous :

(17) Parallèlement, Dixi-14 affirme : « Parmi les arguments d’un verbe transitif, l’objet occupe une
place toute particulière en ce qu’il précise le sens exact du verbe : il constitue l’élément
nécessaire à la compréhension et à la conceptualisation de la situation dénotée par le verbe. ».
(LING_402_0053)

10 Tous les verbes sont affichés sous Appendice 11.2.

21
Le discours direct peut également se manifester sous forme d’un bloc citationnel ou d’un
îlot textuel. Nous aborderons les formes différentes sous la section 6.
Quant au discours rapporté indirect, le pdv est introduit par la conjonction que, ce qui
l’intègre syntaxiquement (18). Comme il n’est pas question de citation, le pdv est
nécessairement une reformulation plus ou moins fidèle à son original, sujet auquel nous
reviendrons dans la section 6.

(18) P# Dixi-6 et P# Dixi-7 ajoutent que les langues se répartissent différemment dans la capitale
en fonction d’une division centre/périphérie. (LING_471_0145)

Il arrive que la conjonction que présente également des pdv sous forme de citation :

(19) Néanmoins, Dixi-26 (2009, p. 241) remarque que, « comme ce critère [de la prosodie] ne
saurait être invoqué pour un texte écrit […] et que, d’autre part, les situations de neutralisation
des schémas prosodiques sont très nombreuses dans les corpus oraux, il est clair qu’on ne peut
pas se contenter de faire appel à la prosodie pour justifier les regroupements
macrosyntaxiques ». (LING_462_0069)

5.4 La référence comme évocation entre parenthèses


Dans cette catégorie, nous rangeons les occurrences du type évocation, terme emprunté à
Boch et Grossmann (2002). Elles sont constituées de la forme canonique de la référence,
souvent précédée du verbe voir à l’infinitif ou l’expression abrégée cf, une abréviation
d’origine latin confer qui renvoie à un ouvrage ou convie à une comparaison. L’emploi
de ces expressions est adressé dans Appendice 11.1, consacrée aux conventions
typographiques des revues La linguistique et Langue française.
La référence se place de préférence après le pdv comme dans (20) et se distingue
d’autres catégories par le fait qu’elle n’est pas syntaxiquement intégrée à la proposition
dans laquelle elle apparaît. Dans notre corpus, voir précède l’évocation environ 400 fois
et cf environ 700.

(20) De manière générale, dans la mesure où les indices considérés sont pertinents interactionnelle-
ment, à savoir s’ils influent sur le déroulement du discours et l’alternance des locuteurs par
exemple, les interactionnistes considèrent qu’il faut les prendre en compte (Dixi-12, 2006 : 9).
(LF_175_0019)

(21) Bien entendu, ce tableau ne concerne qu’un nombre limité d’éléments. Manquent par exemple
quiconque, tous ceux qui utilisent des affixes comme que ce soit (qu- que ce soit, quelque N
que ce soit) (voir Dixi-14 2010) ou quel qu’il soit (dans la structure Dét[+indéfini] N quel
qu’il soit). (LF_166_0051)

Elle a aussi la particularité de permettre une liste assez longue de sources en même temps,
comme dans (22), ce que l’on retrouve souvent dans les parties introductrices de l’article.
Nous reviendrons sur la question de savoir comment le type de texte influence
l’interprétation des références.

(22) Il n’est donc plus exceptionnel d’aborder conjointement les deux aspects – statique et
dynamique (cf. Dixi-2 1983, Dixi-3 1985, Dixi-4 et Dixi-5 1991 inter alia). » (LF_157_0106)

En résumé, à partir de l’inventaire du corpus nous avons établi quatre catégories,


englobant dix formes différentes de la référence bibliographique. Ce parcours du corpus
nous a également mené à l’observation que le pdv peut prendre des formes plus ou moins
fidèles à leur source, sujet que nous aborderons sous la section 6, avant de d’aborder
l’analyse des RéB-CC qui ensuite seront notre centre d’intérêt.

22
6 Le point de vue – citation ou reformulation
Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous voudrions ici consacrer quelques réflexions sur
la relation entre le pdv du locuteur et le pdv présenté comme sa source. Le pdv de ê-d
peut être présenté d’une manière plus ou moins littérale par le locuteur. Il peut être
reformulé et intégré dans le texte ou il peut être séparé du texte, mis en bloc ou signalé
par des guillemets, sujet que nous avons déjà effleuré à propos du discours rapporté. Dans
l’analyse qualitative, nous poserons la question de savoir si la façon dont le pdv est
reproduit reflète la position du locuteur par rapport au pdv de ê-d.
On peut dire que les diverses formes de références constituent un continuum avec un
pôle où se trouve le bloc citationnel – une référence apparemment indépendante,
transparente, mise en relief et représentée comme tout à fait fidèle à sa source. Au pôle
opposé se trouve l’évocation, une mention d’un nom propre entre parenthèses, ce qui rend
le pdv de ê-d moins évident au lecteur. Parfois une référence est vaguement placée dans
un champ de recherche. Entre ces deux se situe la reformulation du pdv intégré au texte,
sans des marques citationnelles, qui est une référence aux contours plus flous que la
citation mais bien plus concrète qu’une simple mention.
Quant aux citations, le discours rapporté direct se rapproche de la citation en bloc quant
à sa forme qui réclame la fidélité à la source. Elle peut se réaliser sous les formes
différentes, dont nous avons identifié trois dans le corpus, soit la citation, le bloc
citationnel ainsi que l’îlot textuel. La citation et l’îlot textuel sont des passages courts
entre guillemets et intégrés dans le corps du texte, en comparaison avec le bloc citationnel
qui est généralement plus long, séparé du texte et mis en exergue, sans marques
citationnelles. Voyons (23) où la citation permet au locuteur de citer les mots d’autrui tels
quels et les incorporer dans le corps du texte.

(23) Il convient d’ajouter, à la suite de P# Dixi-7 (2003 : 79 sqq.), qu’à cette période antérieure à
la Révolution française, « les noms de langue ne sont pas fondés linguistiquement ». « La
question ne porte pas sur la langue que l’on parle réellement, ou que l’on peut parler de part et
d’autre d’une frontière géographique, mais sur l’inclusion théorique d’une langue sous tel ou
tel nom ». (LF_167_0127)

Le bloc citationnel est, sauf d’être mis en exergue, généralement précédé par les deux
points ou une virgule et se termine par une référence canonique. Parfois, il est introduit
par la référence sous forme de proposition subordonnée comme dans (24), d’un verbe de
parole, d’opinion ou de constat + que.

(24) en particulier de cette forme de modalisation épistémique dialogique que représente la


modalisation par discours autre. Comme l’écrit en effet P# Dixi-7,

Les formes du type selon X sont à intégrer au paradigme des modalités d’énoncé « épistémiques » qui,
entre les deux pôles du vrai/faux, inscrivent une riche palette de nuances. […] Leur spécificité est que
la modalisation y passe par le renvoi de l’assertion à un autre discours. (Dixi-7, 2001 : 200)

La pseudo-objectivité se manifeste précisément dans ce « renvoi de l’assertion à un autre


discours » que celui soit interprété comme en (1) et (2), ou explicité comme en (3) […]
(LF_163 _0137)

L’îlot textuel est un extrait court mis entre guillemets, intégré dans le texte reformulé.
Selon la ScaPoLine (2004 :77sq), l’îlot textuel est une forme « hybride » qui se distingue
des formes prototypiques du discours rapporté. Il est toujours marqué par des guillemets
comme le DD, mais peut être conçu comme incorporé dans le texte, comme le DI.

23
Toujours selon la ScaPoline (2004), l’îlot peut se composer d’un seul mot ou de plusieurs
syntagmes, mais il ne constitue jamais une proposition complète.

(25) […] P# Dixi-8 met en relief la « maniabilité du système » (1988 : 50), en soulignant le caractère
« flou » des catégories de langue, dont certaines peuvent être dotées de « valeurs intermédiaires
» et donc d’une « appartenance indécise » à telle ou telle classe (op. cit. : 46). (LF_175_0111)

Quant à la reformulation, d’un point de vue polyphonique, elle occupe une place
particulièrement intéressante dans l’univers de références. En incorporant les propos
d’autrui dans son propre discours, il faut signaler la source du pdv, et indiquer nettement
le passage entre la responsabilité et l’appartenance de pdv du locuteur et ê-d dont les mots
sont rapportés. La reformulation suit, généralement, la structure schématisée de X
(marqueur de reformulation) Y, où X représente le pdv reformulé et Y le pdv reformulant.
Le segment X est une source souvent inaccessible au lecteur. Pour l’acribie du chercheur,
il est important que le compte-rendu du discours antérieur soit reproduit de façon fidèle
et responsable en Y.
Les résultats de l’étude de Boch et Grossmann (2002) évoquée dans la partie des
travaux antérieurs (4.2.1) indiquent que parmi les différentes modes de références, c’est
l’évocation qui est la forme privilégiée (51%), suivie de la reformulation (35%) et de la
citation (14%). Les auteurs expliquent la présence élevée de l’évocation comme le résultat
des conventions stylistiques des numéros thématiques de Langages. Comme tous les
articles appartiennent au même domaine, il est possible de référer de façon allusive à un
cadre théorique commun. Les auteurs affirment en conséquence que c’est la reformulation
qui est le mode dominant parmi les experts. Quant à la citation, elle s’utilise pour
s’appuyer sur une définition empruntée ou pour des raisons d’effets esthétiques.
L’évocation est également la forme prédominante dans l’étude de Hyland et Jiang (2018).
Ils expliquent que sa présence forte est le résultat de la façon dont elle permet de focaliser
sur l’action de recherche plutôt que sur l’auteur-même. Cependant, contrairement à la
présence forte de la reformulation dans l’étude de Boch et Grossmann (2002), les
références intégrées au contenu propositionnel sont rarement considérées dans l’étude de
Hyland et Jiang.

7 Fonctions discursives
Comme exposé dans la section 4.3.2, nous basons notre analyse sur la terminologie de
Boch et al. (2007) tout en proposant certaines modifications. Les fonctions primaires
repérées dans le corpus sont celles de description où l’emploi de la référence est
argumentativement neutre, de convergence où le locuteur signale que le pdv de ê-d et le
sien sont argumentativement alignés et pointent vers la même conclusion. Nous
ajouterons aussi une catégorie de convergence partielle sur lequel nous reviendrons.
Finalement, la fonction de divergence présente le pdv du locuteur et celui de ê-d comme
incompatibles, en d’autres termes, ils ne sont pas orientés vers la même conclusion.

7.1 Les indices contextuels


L’appartenance à une de ces fonctions peut être plus ou moins univoque et l’interprétation
de la fonction rendue plus ou moins évidente. Comme décrit sous 3.2.4, il existe des
indices contextuels à différents niveaux du texte. Ils peuvent se situer dans le même
énoncé que la référence, mais ils peuvent aussi être liés au type de texte ou à la nature de
l’article. Le plus souvent, la fonction est renforcée par des indices contextuels ou par des
associations syntagmatiques (Boch et al. 2007) et non seulement par la référence prise
isolément.

24
La référence à fonction descriptive est employée pour situer l’étude dans un champ
d’investigation et de dresser l’état de l’art en la matière. Dans la section des travaux
antérieurs, elle s’emploie notamment pour signaler l’existence d’une publication, souvent
résumée par un bref compte rendu. Dans la partie épistémologique dans l’article, elle
permet de redresser l’histoire d’un linguiste ou d’un courant théorique – le texte prend
alors un caractère narratif, comme dans (26). Elle peut aussi jouer un rôle de
« localisateur », terme emprunté à Grossmann (2014 : 766), et renvoie aux tableaux, aux
figures et aux publications. Selon nos observations, c’est la référence à visée descriptive
qui se manifeste le plus souvent sous la forme de référence dite non canonique, c’est-à-
dire celle qui se compose du nom seul d’auteur sans mention de l’information
bibliographique. De plus, l’analyse indique qu’elle est souvent introduite par la
préposition pour, mais elle se manifeste également avec d’autres expressions et dans la
proposition subordonnée introduite par comme.
La référence descriptive se caractérise également par le manque d’indices
argumentatifs. En évoquant les pdv de ê-d, le locuteur peut accepter les résultats d’autrui,
mais pas obligatoirement. La position du locuteur ne peut pas être déterminée en absence
de marques dans le contexte. Nous constatons par exemple dans (26) qu’il ne figure aucun
adverbe ou connecteur argumentatif, ni de verbes exprimant une affirmation ou une
opinion. En revanche, le pronom il, la préposition dès, le syntagme « dans ses Mémoires »
et les références aux dates et années « en novembre 1989 », « avant 1948 », « le 15 février
1990 » et « en 1976 » donnent le caractère narratif du texte. Le verbe noter contribue
également à ce caractère. Comme l’a remarqué Grossmann (2014), noter est généralement
attribué un rôle argumentatif dans l’écrit scientifique. Ici (26), son sens est celui
d’inscrire. Le syntagme « dans ses Mémoires » renforce cette impression. Ensuite, la
valeur temporelle de la préposition dès, le pronom il, le choix du temps et le manque
d’information bibliographique indiquent qu’il s’agit d’un récit des événements plutôt que
d’ancrer les faits empiriques.

(26) La chute du rideau de fer en novembre 1989 11 a permis la réintroduction de la démocratie et


de la liberté politique et intellectuelle en Tchécoslovaquie. La vie associative a cessé d’être
contrôlée par le parti communiste et par sa police d’État : des associations, qui avaient existé
avant 1948 et qui avaient été dissoutes par le pouvoir totalitaire, commencent d’emblée à
renouveler leurs activités et à renouer avec la tradition de la première République
tchécoslovaque. Le cercle linguistique de Prague a été l’une des toutes premières associations
qui ont réagi à cette nouvelle donne politique et sociétale – le 15 février 1990, il se reconstitue
en association officielle et recommence une nouvelle époque d’activités scientifiques
fécondes24. Comme le note Pnn Dixi-2 dans ses Mémoires, dès la fondation de la silf en
1976, il avait songé à organiser un colloque à Prague, mais le régime communiste, qui est
redevenu très fermé après l’échec du Printemps de Prague, a refusé de donner son aval.
(LING 501 0007)

La propriété argumentative est commune aux fonctions de convergence et de divergence.


Les indices du contexte sont de nature variée. Outre la préposition, la locution ou le verbe
qui constitue la référence, qui peut avoir un sémantisme inhérent plus ou moins
argumentatif, ces indices peuvent consister en la présence du locuteur sous forme des
pronoms personnels (je, nous ou on) de la proposition dans laquelle la référence fait
partie, et le choix du verbe peut également indiquer le positionnement du locuteur vis-à-
vis du pdv. L’utilisation des adjectifs appréciatifs peuvent renforcer la fonction de la
référence ainsi que les connecteurs, les conjonctions ou les adverbiaux ayant une visée
argumentative – ils peuvent signaler que les pdv introduits par les références ont une
valeur opposante, causale, explicative ou concessive (donc, mais, néanmoins, certes). Les

11 Pour faciliter la lecture, les indices évoqués dans le texte sont soulignés dans les exemples.

25
indices peuvent également se manifester sous forme de syntagmes exprimant une
« conviction personnelle » (Molinier 2009 : 16) comme selon moi et à mon avis ainsi que
de constructions impersonnelles associées aux verbes de connaissance ou d’apparence (il
est évident que, il semble que).
Le rôle principal de la convergence est de renforcer un point de vue plus ou moins
exploité dans l’argumentation du locuteur. Cette catégorie générale regroupe plusieurs
types de convergence. La convergence s’utilise de façon ostensible pour renforcer un
argument, justifier les résultats obtenus ou pour souligner une simple assertion. La
référence peut également être mobilisée afin de signaler la filiation d’une équipe de
recherche ou d’un linguiste, servant d’appui sur tout ou une partie d’un cadre théorique.
Dans l’exemple suivant (27), la convergence s’exprime par la phrase « j’utilise les termes
de... ». L’utilisation du pronom personnel je souligne la prise en charge de la part du
locuteur et le verbe utiliser indique qu’il s’appuie sur la terminologie de ê-d, ce qui
signifie qu’il la trouve correcte.

(27) À la suite de Dixi-14 1991, j’utilise les termes de « comparative non littérale » de préférence
à « comparative à parangon ». Les comparatives littérales (Il travaille comme toi) permettent
une lecture […]. (LF_159_0083)

Bien que plus rare, la convergence peut être partielle. Dans ce cas, la frontière entre les
fonctions est moins facile à tracer puisqu’une seule et même référence couvre deux
fonctions différentes. Il s’agit d’un accord faible ou d’une concession. Le locuteur ne se
situe pas à proprement parler dans le cadre théorique développé par autrui, mais il exprime
que ses idées sont proches ou que l’interprétation de l’autrui est possible mais pas celle
qu’il utilisera.
Dans l’exemple (28), le locuteur discute la cause d’un phénomène en questionnant
l’explication de ê-d, ce qui s’exprime par l’adverbe peut-être. Le locuteur est représenté
par le pronom personnel nous et il proposera lui-même une explication qui « va un peu
dans ce sens. ». Par conséquent, le locuteur et ê-d partagent le pdv dans une certaine
mesure sans pour autant arriver à une convergence totale.

(28) Tendance à la simplification analogique dans le deuxième cas contre tendance à éviter la
neutralisation, en sauvegardant les oppositions lexicales, comme l’a jadis proposé P# Dixi-26
(1975), dans le premier cas ? 4 Peut-être, et nous proposerons en § 3.1 quelque chose qui va un
peu dans ce sens. (LF_168_0053)

La fonction de divergence implique que le locuteur se démarque du pdv de ê-d. Comme


avec la convergence, le terme divergence est ici utilisé de manière générique, regroupant
plusieurs types de divergence. Il s’agit souvent de prise de distance de la part du locuteur
par rapport aux résultats, au cadre théorique et aux choix méthodologiques. Elle peut être
explicite, mais dans la plupart des cas avancée avec précaution et modestie. Dans
l’exemple (29), elle se manifeste à travers la phrase « nous nous sommes démarqués de
la séparation… », où le sémantisme du verbe se démarquer indique l’attitude du locuteur.
Cette position est renforcée par l’utilisation du pronom nous, signalant une prise en charge
de l’assertion de la part du locuteur. L’adverbe toujours marque également la prise de
distance, soulignant que cette idée de séparation, rejetée par le locuteur, est encore
soutenue par les ê-d à qui il fait référence.

(29) L’innovation que nous avons essayé d’apporter consiste non pas uniquement dans
l’enseignement du français langue seconde, mais dans le fait que nous nous sommes démarqués
de la séparation, toujours présente dans P# Dixi-10 et P# Dixi-16 (2008), entre la description
de l’usage et l’information diachronique. (LF_176_0121)

26
7.2 L’impact du type de texte
Dans cette étude l’analyse qualitative ne concerne pas l’article dans son ensemble mais
uniquement la référence et le contexte auprès. Cependant, il existe un impact net du type
de texte dans lequel la référence se trouve. Par conséquent, en analysant certaines
occurrences des difficultés peuvent survenir, ce que nous avons déjà évoqué dans la partie
méthodologique 3.2.4.
La plus grande partie des prépositions figurant dans nos catégories ne possède pas une
valeur argumentative inhérente qui élucide la relation entre le locuteur et le pdv, comme
c’est par exemple le cas de la préposition selon. Son propre sémantisme permet qu’elle
est exploitée dans n’importe quelle fonction. En analysant une occurrence particulière
dans son contexte, elle peut être interprétée comme ayant une fonction descriptive. Il
s’agit par exemple d’occurrences qui se trouvent dans une section ou un paragraphe
consacré aux travaux existants, où le locuteur rend compte de l’état du lieu sans se
positionner vis-à-vis les pdv cités. Cependant, une autre occurrence de la même référence
peut être usitée pour exprimer la convergence ou la divergence dans une autre section de
l’article, dans la partie analytique ou autre.
Selon Cheng et Unsworth (2016), ce type de maniement de la référence peut être une
stratégie qui permet au locuteur de justifier ses propres résultats présentés dans l’analyse.
En suggérant qu’il existe plusieurs solutions possibles au sujet concerné, il fait preuve
d’une forme de solidarité avec les ê-d avant de problématiser leurs études ou résultats
pour justifier ses propres résultats, qui sont probablement opposés à ceux mentionnés plus
tôt. En parcourant notre corpus, nous avons fait les mêmes observations, mais comme
cela n’a pas été étudié de manière systématiquement dans le cadre de cette étude, elles ne
seront pas incluses dans l’analyse.
Une occurrence peut ainsi être interprétée différemment selon le type de texte dans
lequel elle se trouve. Autrement dit, l’interprétation de la référence peut dépendre de son
placement dans les diverses sections – introduction, travaux antérieurs, analyse ou
conclusion. Cela est également le cas pour les références qui se manifestent dans une note
de bas de page. Par conséquent, une même référence peut être perçue comme plus ou
moins significative selon qu’elle est mobilisée dans le corps du texte ou se manifeste dans
une note de bas de page. Sur un plan général, on peut supposer que l’information mise en
note ne comporte pas la même force argumentative ou est jugée moins pertinente que
l’information intégrée dans le corps du texte. Cet aspect rend également plus délicate
l’interprétation de la référence et sa fonction. Ainsi, en analysant l’emploi des références
à partir de l’argumentation de l’article intégral, il est souvent nécessaire de prendre en
compte les indices qui dépassent l’énoncé ou le co-texte local.
Néanmoins, il y a d’autres prépositions qui comportent une valeur inhérente plus
argumentative. En utilisant une telle expression, la référence même prise hors contexte
peut véhiculer la position du locuteur. C’est par exemple le cas de la locution au sens de,
qui contrairement à selon, implique que le locuteur prend appui sur l’appareil théorique
de ê-d, que ce soit un concept ou un terme. Dans ce genre de cas, les indices argumentatifs
du contexte ne jouent pas le même rôle décisif pour l’interprétation, mais viennent
renforcer la convergence entre le pdv du locuteur et celui de ê-d.
Afin de les comparer, voyons les exemples (30) et (31) ci-dessous, dont l’un avec au
sens de et l’autre avec selon, tous les deux mis en note de bas de page.

(30) En effet, les phrases concernées, qui participent dans une grande mesure à ce que l’on peut
appeler lato sensu des séquences narratives, comportent pour beaucoup des accomplissements
ou des achèvements66, facilement compatibles avec ces temps [le présent, le passé simple et le
passé composé], contrairement à ce qui se produit pour l’« imparfait », moins fréquent que dans
le premier ensemble (voir exemple 3).

66. Au sens de Dixi-48 (1967) (LING_462_0069)

27
Même sans contexte, le sens lexical de la locution implique un positionnement convergent
du locuteur, c’est-à-dire que le pdv est intégré dans l’argumentation et doit se comprendre
tel que ê-d le définit. Dans cet exemple (30), il s’agit plus précisément de l’emploi des
concepts « d’accomplissement » et « d’achèvement » vivement discutés par les
linguistes. En examinant le corps du texte, on voit qu’il comporte un indice sous forme
de connecteur argumentatif en effet, mais il n’est pas nécessairement requis pour
l’interprétation.
Dans l’exemple (31), nous avons le même type de référence et une quantité
d’information comparable. Cependant, si l’on la détache de son contexte, l’interprétation
de sa fonction n’est pas aussi évidente. Le locuteur assigne ê-d comme la source du pdv,
mais ni la référence en elle-même, ni la note dans sa totalité ne comporte aucune
indication du positionnement du locuteur.

(31) Dans les textes pragmatiques2, qui sont ceux généralement utilisés dans l’enseignement de la
traduction professionnelle, le sens n’est pas, comme en littérature, cet obscur objet du désir ni
cet ouvrage sans cesse remis sur le métier. Il est plutôt, selon P# Dixi-6 dans l’une des meilleures
définitions jamais données, une « réalité psychologique » tributaire de facteurs
communicationnels donnés (la plupart du temps).

2. Selon Pnn Dixi-3, 1980, L’analyse du discours comme méthode de traduction, Ottawa,
Presses de l’Université d’Ottawa. (LING_401_0157)

En fait, le co-texte local ne contribue pas vraiment à l’interprétation. De plus, la portée


de la référence n’est pas nettement identifiable. On peut se demander si c’est toute la
proposition « dans les textes pragmatiques […] sur le métier » qui est attribuée à ê-d, ou
seulement le premier syntagme, « dans les textes pragmatiques ».
Dans les deux exemples suivants, les références se trouvent dans la partie introductive
de l’article. Dans le premier exemple (32), la référence, ayant la fonction du complément
du nom, se compose de la locution au sens de. En décrivant l’objet de l’étude, le locuteur
utilise les termes proéminente et identifiable pour définir l’entité. Comme dans (31), la
référence marque la convergence entre les pdv du locuteur et le cadre théorique de ê-d
auquel il emprunte ces termes. Le marquage est efficace et il n’est pas nécessaire de
prendre en compte plus de contexte bien que la reformulation introduite par c’est-à-dire
vienne renforcer l’effet de convergence. L’adverbe aussi marque également la position
du locuteur par l’ajout de la contribution de l’autrui à l’analyse.

(32) L’objet de cette étude est de décrire la dynamique actuelle de ces unités en analysant les
différents indices qui démontrent leur perte de vitalité (réduction de l’inventaire d’unités,
érosion phonétique, utilisation optionnelle, variations sémantiques) et en montrant comment ce
processus de perte est accompagné d’une motivation pragmatique. Les cNums sont rarement
utilisés (moins de 7 % des sNs avec un numéral), et le sont toujours dans un contexte marqué
où ils renvoient à une entité proéminente et identifiable, au sens de Dixi-8 (1994 : 77-78), c’est-
à-dire qu’elle constitue le premier plan de la situation et est accessible au locuteur et à
l’interlocuteur. Cette recherche démontre donc que les cNums apportent aussi des informations
pragmatiques et n’expriment pas uniquement des caractéristiques sémantiques des unités
référées. (LING_492_0051)

Dans (33), la référence semble avoir une visée descriptive. Le locuteur fait le compte
rendu de la notion de « acte du langage ». Il n’y a pas d’indices argumentatifs dans
l’énoncé. Avec la phrase « en regard de cette théorie » il résume les apports les plus
importants de LACT. Le fait que la référence est mobilisée sans publication implique
qu’elle a été soulevée auparavant. Elle pourrait également être interprétée comme
convergente, introduisant une assertion qui n’est pas contestée par le locuteur. Or, la
présence de l’expression « selon nous » marque la conviction personnelle du locuteur, ce

28
qui pourrait être interprété comme soit un marquage de divergence, soit convergence
partielle. La référence sous forme d’évocation entre parenthèses, dont fait partie le
locuteur (Dixi-1), avance un troisième pdv qui peut être compris comme une justification
de l’affirmation précédente. Donc, afin de déterminer sa fonction, on doit consulter le
contexte qui dépassent les limites de l’énoncé.

(33) Selon P# Dixi-4, les actes de langage sont les unités de référence du comportement langagier.
Un acte de langage correspond à l’accomplissement simultané de trois types d’actes :
locutionnaire, illocutionnaire et perlocutionnaire. L’énoncé est l’entité linguistique réalisée par
un acte de langage. En regard de cette théorie, les apports les plus importants de la LACT
concernent la structure de l’information de l’oral spontané, conçue selon des principes
pragmatiques (centralité de l’illocution), et la mise en relief de la prosodie, qui apparaît comme
le signal nécessaire de l’organisation informative. Selon nous, les relations informatives lient
des groupes de mots fonctionnellement unifiés participant à l’énoncé – appelés unités
d’information (UI) – et elles sont systématiquement inscrites dans la prosodie. Les relations
informatives sont indépendantes de la syntaxe et dominent les relations syntaxiques strictes,
comme la rection, qui s’établit exclusivement à l’intérieur des UI ainsi définies (Dixi-1 & Dixi-
2 2010). (LF_170_0095)

Contrairement aux exemples (30) à (33), les références se trouvent dans la partie
d’analyse dans les exemples (34) et (35). Dans (34), la référence est mobilisée pour définir
la relation hypothétique du conditionnel comme « montrée » et de signaler que locuteur
s’appuie sur la définition de ê-d cité. Aussi bien l’énoncé que le paragraphe comportent
plusieurs indices qui pointent vers la même interprétation de sa fonction, par exemple
l’adverbe or et en effet, l’expression impersonnelle il est possible, la conjonction mais,
mais le sémantisme de la locution sert également de marquage explicite.

(34) Or, il est également possible, nous semble-t-il, de concevoir les conditionnelles illocutoires
comme exprimant une relation hypothétique R entre p et q, en considérant, premièrement, que
l’apodose (q) est ellipsée, comme le propose Dixi-25 (2008 : 2445)7 – Si tu as soif (p),
l’information que voici sera pertinente (q) : il y a de la bière au frigidaire (r) – et,
deuxièmement, que la relation R (p, q) n’est pas assertée, mais « montrée », au sens de Dixi-
26 (1922)8, c’est-à-dire qu’elle n’est pas « justiciable d’une appréciation en termes de vérité (ou
de fausseté) » (Dixi-9 1984 : 151). En effet, si l’allocutaire de (5) rétorque C’est faux, ce
jugement ne peut porter que sur r, et non sur la relation R (p, q). (LF_164_0097)

Pour l’occurrence de selon dans (35), le locuteur semble également se fonder sur
l’argumentation de ê-d pour expliquer la notion de « prédication logique ». Ici, la
référence ne marque pas sa fonction. Ainsi, elle peut être interprétée soit comme
convergente, introduisant une assertion, soit comme descriptive. Le pdv de ê-d, rapporté
sous forme d’une citation et d’un îlot textuel, représente littéralement la conviction de
ê-d. Outre que le syntagme « Pour commencer », qui signale un raisonnement, il n’y a
pas d’indices marquant la prise de position du locuteur par rapport à ces pdv. Le locuteur
continue ensuite par rappeler le pdv de la sémantique référentielle. C’est une référence de
ce genre qui peut, dans l’analyse, être reprise par le locuteur pour rappeler la position de
ê-d avant de la problématiser.

(35) L’identification du topique au sujet grammatical pose toutefois plusieurs difficultés. Pour
commencer, il existe une différence entre les énoncés catégoriels et les énoncés thétiques. La
distinction entre les deux types d’énoncé repose sur la notion de prédication logique. Selon
Dixi-1415, « les phrases catégorielles ont la structure canonique de la prédication logique de
premier ordre : un prédicat est appliqué à un argument dont l’existence est présupposée » tandis
que les phrases thétiques « ne présupposent pas, mais elles assertent l’existence de leur sujet ».
Du point de vue de la sémantique référentielle, le sujet d’une phrase thétique ne réfère pas de

29
façon indépendante dans la mesure où le référent qu’il dénote constitue une partie intégrale de
la situation décrite par la proposition. (LING_462_0127)

Pour résumer cette partie, nous constatons que l’analyse des fonctions de la référence
bibliographique présente des difficultés méthodologiques, qui relèvent du nombre élevé
d’indices potentiels et de facteurs contextuels. Nous tenterons toutefois de dresser une
vue d’ensemble des fonctions récurrentes des RéB-CC de notre corpus.

8 La proposition subordonnée introduite par comme


Cette section présentera l’analyse de la proposition subordonnée introduite par comme.
Dans la première section de cette partie, nous exposerons les tendances quantitatives de
la sous-catégorie Réb-CC dans la proposition en comme, résultats obtenus grâce à notre
dépouillement du corpus, pour ensuite passer à l’analyse des occurrences jugées
représentatives. Comme nous l’avons présenté dans la section 5, le complément
circonstanciel exprimant la source et son point de vue peut être en forme d’une
proposition subordonnée introduite par comme, se manifestant principalement sous deux
formes, ou bien [comme (le) + verbe + Dixi +(année)], ou bien [comme + Dixi +(année)
+ (le) verbe].
Quant aux données quantitatives, il est important de souligner que l’objectif de l’étude
n’est pas de fournir des statistiques détaillées. Comme les fonctions discursives ne se
fondent pas sur des critères formels mais plutôt sur une interprétation à partir d’indices
du contexte, elles ne peuvent pas être conçues comme des catégories exclusives. Le but
principal de notre classification est de mettre en lumière les emplois récurrents des
références.

8.1 Tendances quantitatives


La référence bibliographique dans une proposition subordonnée introduite par comme
figure approximativement 260 fois dans le corpus. Nos observables montrent que la
proposition subordonnée est, en premier lieu, exploitée pour signaler la convergence et
ne s’utilise que rarement pour se distancier du pdv d’un ê-d. Il y aussi des cas de
références de description et de convergence partielle, alors que les cas de divergence sont
rares. Huit occurrences sont jugées inclassables.
Cette forme de référence est le plus souvent accompagnée des verbes remarquer, dire,
noter, souligner et montrer et remplit globalement la fonction de convergence. Pour la
description, ce sont les verbes dire et faire qui sont les plus répandus. Bien que les chiffres
soient faibles, on observe que remarquer, faire, dire, proposer et rappeler montrent le
nombre le plus élevé de la catégorie convergence partielle. Pour la fonction de
divergence, c’est le verbe faire qui prédomine tandis que pour les références jugées
inclassables, c’est le verbe dire qui figure le plus souvent. Finalement, le verbe faire est
le seul parmi nos occurrences qui se manifeste dans toutes les fonctions discursives.
Les verbes qui figurent moins de cinq fois dans le corpus sont rangés dans la classe
« divers ». Il s’agit de 26 verbes différents, dont dix verbes sont associés à la fonction de
divergence, à savoir constater, démontrer, suggérer, vouloir, entendre, expliquer, penser,
valoir, relever et croire12.

12Pour un survol des tendances quantitatives et les verbes figurant dans la construction comme le + verbe, voir la
section 11.3 dans Appendice.

30
8.2 Fonction de la subordonnée introduite par comme
Comme déjà constaté, la proposition subordonnée introduite par la conjonction comme
est surtout mobilisée lorsque le pdv du locuteur et celui de ê-d sont argumentativement
alignés. Elle semble posséder une valeur renforçante, étant utilisée pour souligner
l’argumentation ou l’assertion précédente ou suivante, comme l’illustre l’exemple (36).
Dans cet exemple, le locuteur discute deux exemples dans la partie de l’article où
l’analyse est exposée, en illustrant un énoncé en néerlandais et sa traduction en français.
En renvoyant aux ê-d cités, le locuteur affirme que la traduction française ne peut pas
avoir de lecture d’information rapportée. Ici, la référence est employée pour renforcer
l’assertion « on peut même ajouter […] que le conditionnel, qui s’utilise pour exprimer
l’information rapportée en français... » dans laquelle la référence est insérée. Le verbe
ajouter implique également le rôle de commentaire que joue la référence.

(36) En néerlandais, un énoncé comme (31a) peut s’interpréter aussi bien comme une supposition
inférentielle du locuteur que comme une information imputée à un autre énonciateur. Sa
traduction française (31b) ne peut toutefois pas avoir de lecture d’information rapportée. On
peut même ajouter, comme l’ont fait remarquer P# Dixi-37 (1995 : 207) et P# Dixi-13 (1999 :
16), que le conditionnel, qui s’utilise pour exprimer l’information rapportée en français, perd
cette capacité quand on le combine avec devoir. Un énoncé comme (32a) ne sera interprété
comme un information rapportée que si l’on ajoute un marqueur explicite, comme dans (32b) :
[…] (LF_173_0031)

Le pdv rapporté par cette construction est généralement un contenu propositionnel mais
il arrive qu’elle présente des pdv terminologiques.
Comme nous avons effleuré sous 6, le pdv présenté par la référence peut prendre
plusieurs formes, plus ou moins littérales ; la citation, l’îlot textuel, le bloc citationnel ou
la reformulation. En ce qui concerne la forme du pdv introduit par la proposition
subordonnée en comme, c’est la reformulation qui domine, suivie par la citation, l’îlot
textuel et le bloc citationnel. Nous nous sommes également demandé si la manière dont
le pdv est reproduit dans l’article reflète la position du locuteur vis-à-vis celui-ci. Nos
chiffres indiquent que généralement, dans cette catégorie, le positionnement du locuteur
n’a aucun impact sur la forme que prenne le pdv – la reformulation est la forme
prédominante dans toutes les fonctions discursives. Cependant, on observe que les
citations et les îlots textuels s’associent plus fréquemment à la fonction de convergence
qu’à celle de description, de convergence partielle et de divergence. Et bien que son
emploi soit limité, le bloc citationnel montre cette même tendance. Cela pourrait indiquer
qu’il y a une relation entre la fonction discursive de convergence et le discours rapporté
direct, notamment les formes de citation et d’îlot textuel. Mais comme la fonction de
convergence est de loin la plus fréquente dans cette catégorie, et par conséquent présente
plus d’occurrences que les autres fonctions, il n’est pas possible d’en tirer des conclusions
définitives.
La reformulation est le plus souvent liée aux verbes remarquer, noter, montrer, faire,
souligner et proposer. La citation quant à elle s’associe globalement aux verbes dire,
souligner et remarquer et pour l’îlot textuel, ce sont ceux de dire et souligner. Bien que
les chiffres sont faibles, le bloc citationnel semble s’utiliser de préférence avec le verbe
dire, signaler et écrire. Cette prédilection d’utiliser notamment les verbes dire, souligner
et remarquer en introduisant le discours rapporté direct pourrait s’expliquer par le fait
qu’ils permettent d’introduire des paroles. Anscombre (2015 : 103) parle de « verbes
d’activité de parole » qui, comme le verbe dire, peuvent introduire « […] une
représentation du monde effectuée par la parole, avec spécification du type de parole
utilisée, de sa provenance et de la position du locuteur ». Il nous semble que les verbes
liés au discours rapporté direct appartiennent à cette classe de verbes.

31
L’exemple (37) comporte une référence à fonction de convergence qui précède des
paroles. Le pdv du locuteur, « la variation synchronique ne doit nullement être interprétée
comme un signe d’altération... », est introduit par l’expression en outre, indiquant la suite
d’un raisonnement. L’adverbe ne...nullement renforce l’opinion du locuteur. Ensuite nous
avons la référence qui introduit le pdv de ê-d sous forme d’une citation. L’adverbe déjà
ainsi que le verbe dire à l’imparfait signalent que le pdv du locuteur a été constaté
auparavant, par ê-d Dixi-5. Avec la référence et les paroles d’autrui le locuteur justifie sa
propre assertion et signale qu’il adhère au pdv de ê-d.

(37) En outre, la variation synchronique ne doit nullement être interprétée comme un signe
d’altération, et l’évolution diachronique comme une indication de progrès. Comme le disait
déjà Dixi-5, « nous sommes encore trop portés à confondre évolution et progrès ». En réalité,
il y a toujours « progrès et recul simultanés, mouvement de bascule, gain d’un côté et perte de
l’autre »17. (LING_442_0025)

Pour récapituler, nos observations indiquent que la Réb-CC dans la proposition


subordonnée introduite par comme présente globalement des pdv reformulés, quelle que
soit sa fonction discursive. L’analyse suggère également que la fonction de convergence
s’associe aux citations et îlots textuels dans un degré plus élevé qu’aux autres fonctions.
Dans ce mémoire, l’emploi de discours rapporté direct ainsi que sa fonction dans les
diverses fonctions discursives restent largement inexplorés mais mériteraient sans doute
d’être examinés de plus près.
Les références à fonction de convergence sont fréquemment accompagnées par des
indices argumentatifs ayant une valeur explicative ou causale. Ces indices se manifestent
généralement au niveau de l’énoncé ou du paragraphe, comme dans l’exemple (38) ci-
dessous, illustrant une autre fonction de ces références. Ici, le locuteur justifie ses choix
méthodologiques. Les adverbiaux de plus et pour cette raison signalent les
enchaînements argumentatifs et le marquage de la position du locuteur se traduit par la
conjonction car, introduisant une explication de l’assertion précédente, que « de introduit
à la fois l’instrument (avec quoi) et l’attribution ». Le locuteur emploie la référence afin
de renforcer son analyse de l’expression claquer des dents.

(38) De plus, certains prédicats en de sont porteurs de valeurs mixtes. Dans fou de rage, de note la
cause (la rage le rend fou), mais introduit aussi une relation prédicative en attribuant un état
(avoir la rage) ; pour cette raison, certains exemples apparaissent dans les deux rubriques. Dans
claquer des dents, de introduit à la fois l’instrument (avec quoi) et l’attribution, car comme le
notent P# Dixi-37, P# Dixi-23 & P# Dixi-24 (1976 : 178-9), le N introduit indique
nécessairement une relation d’appartenance corporelle (Il claque des dents/*de Marie), ce que
nous retrouvons dans Il a (les dents/*Marie) qui claquent. (LF_157_0074)

Comme signalé sous 8.1, les verbes noter et remarquer comportent une valeur
argumentative forte dans cette construction. Selon Grossmann (2014), ces verbes ont un
rôle argumentatif fondamental dans l’écriture scientifique, étant utilisés soit pour marquer
un contre-argument, soit pour renforcer l’argument précédent, ce que nos résultats
semblent confirmer.
Le verbe souligner est également utilisé pour renforcer ou justifier une assertion,
comme le montre (39). Ici, la référence est exploitée afin de justifier l’assertion du
locuteur qui la précède, que « le statut de vérité d’une proposition diffère selon la source :
l’énonciateur influe sur le sens des mots et le sens des énoncés ». Le paragraphe ne
comporte pas d’indices argumentatifs tels que des adverbiaux, mais c’est la référence et
le sémantisme du verbe souligner qui marquent la position du locuteur – en introduisant
les pdv reformulés de Dixi-2 et Dixi-12, le locuteur légitime son pdv.

32
(39) Le statut de vérité d’une proposition diffère selon la source : l’énonciateur influe sur le sens des
mots et sur le sens des énoncés. Comme le soulignent Dixi-2 et Dixi-12, un contenu comme
[être en bonne santé] diffère lorsqu’il est proféré par une maman ou un médecin : « selon ma
mère je vais bien » vs « selon mon médecin je vais bien ». Le destinataire aussi entre en compte
: aller bien n’a pas la même signification lorsqu’un médecin s’adresse à un patient jeune et en
bonne santé ou à un patient vieux et/ou malade… (LF_162_0071)

Parfois, le sémantisme du verbe utilisé dans la construction est plus neutre. Ci-dessous
(40), le locuteur parle de points de vue et de processus interprétatifs liés à ceux-ci. La
référence s’utilise ici pour renforcer l’assertion du locuteur « on peut [...] décrire les
processus interprétatifs par lesquels le récepteur va réduire... » dans laquelle la référence
est insérée. Comme le sémantisme du verbe faire est plutôt neutre, l’adverbe
excellemment et l’adjectif pionnier dans l’énoncé marquent le positionnement du locuteur
– qu’il trouve la description de ces processus de ê-d sans faute. Sans ces deux indices, la
fonction discursive est plus difficile à discerner – la dernière phrase pourrait être suivie
par une concession ou une opposition.

(40) Ces points de vue (au sens de Dixi-7 1984 : 204) peuvent être assertés hic et nunc par le locuteur
principal (il y a alors symbiose entre le locuteur et l’énonciateur premiers, symbiose que je
noterai par le symbole L1/E13) ou renvoyer à du préconstruit et relever d’énonciateurs seconds
plus ou moins explicites évoqués par le discours de L1/ E1. On peut, comme le fait
excellemment Dixi-5 dans son article pionnier (1989), décrire les processus interprétatifs par
lesquels le récepteur va réduire l’absurdité apparente de l’énoncé pour aboutir à un sens
satisfaisant pour lui. (LF_160_0037)

La RéB-CC dans la proposition subordonnée en comme peut aussi remplir une fonction
descriptive, par exemple pour rendre compte d’une évolution historique, faire un rappel
ou résumer l’état de l’art. Dans ce genre de cas, elle ne remplit pas de rôle argumentatif
et le contexte local se caractérise par l’absence d’indices contextuels argumentatifs,
comme dans (41). En revanche, le type de texte peut faciliter l’interprétation.
Ci-après (41), le locuteur adresse le rapport entre deux linguistes de langues berbères,
les ê-d Dixi-5 et Dixi-6, et l’école fonctionnaliste. Le contexte local ne comporte pas
d’indices argumentatifs et la référence elle-même ne signale pas de positionnement de la
part du locuteur. En revanche, les verbes au passé ainsi que les indices temporels « un
peu plus récemment » et « en 1996 » indiquent qu’il s’agit d’un compte-rendu
d’informations contextuelles ou historiques où la référence met en lumière ces deux
adeptes fidèles à l’école fonctionnaliste.

(41) À ces deux noms il faudrait ajouter ceux d’autres berbérisants qui se sont réclamés de l’école
fonctionnaliste et l’ont fidèlement suivie, comme l’ont fait Pnn Dixi-5 ou, un peu plus
récemment, Pnn Dixi-6. Dixi-5, travaillant sous la direction immédiate de Dixi-2, a soutenu en
1966 une thèse de 3e cycle intitulée Étude syntaxique d’un parler berbère (chaouia) des Aït-
Frah (Aurès), d’après les textes d’A. Chaker. (LING_451_0123)

Dans (42), il ne s’agit non plus de renforcement de l’analyse ou de justification des choix
méthodologiques, mais de présenter les faits chronologiques. Les syntagmes « le
témoignage de P# Dixi-3 », « cet épisode controversé » et « quelques autres grands
linguistes de l’époque » ainsi que les indications temporelles « après 1990 », « le 21
février 1991 » et « au printemps 1991 » et les temps du passé soulignent l’impression de
la description d’un déroulement historique.

(42) Le témoignage de P# Dixi-3, alors archiviste du Cercle et acteur direct de la reprise des contacts
avec Pnn Dixi-2 après 1990, nous éclaire davantage sur cet épisode controversé. Comme le
précise P# Dixi-3, Pnn Dixi-2 faisait partie de la « première vague » des linguistes auxquels le

33
Cercle linguistique de Prague avait proposé la qualité de membre d’honneur lors de son
assemblée générale le 21 février 1991 (outre Pnn Dixi-2, cette proposition a été adressée aussi
à Pnn Dixi-36, Pnn Dixi-37, Pnn Dixi-38 et quelques autres grands linguistes de l’époque).
Dixi-2 l’a accepté avec beaucoup de plaisir et d’enthousiasme, se sentant très honoré par cette
distinction29. Au printemps 1991, P# Dixi-3 avec P# Dixi-7 sont venus rendre visite à Pnn Dixi-
2 à Fontenay-aux-Roses. (LING_501_0007)

Une autre particularité de la référence à fonction descriptive est qu’elle peut jouer le rôle
de commentaire comme le montre l’exemple (43) ci-dessous. Selon Grossmann (2014 :
762), les constructions en comme sont particulièrement productives dans l’écrit
scientifique où elles jouent un rôle de co-constat ou de rappel, et il les nomme des
structures « parenthétiques ».
Dans (43) ci-après, le locuteur aborde la notion de thème et remarque que les termes
thème et topique sont souvent interchangeables. La référence sert de source de cette
assertion mais elle ne joue pas de rôle argumentatif. Il ne s’agit que d’un exemple parmi
d’autres potentiels. La position d’incise renforce l’impression qu’il s’agit d’un
commentaire plutôt que d’un argument. Le paragraphe comporte également une longue
liste de références à différents ê-d, ce qui accentue son caractère de compte rendu.

(43) La notion de thème – ou de topique, les deux termes étant souvent utilisés comme des
synonymes, comme le signale par exemple Dixi-2 (1994 :117) –, qui forme un couple
conceptuel avec celle de rhème (ou de propos), est, sans doute, parmi les plus travaillées en
linguistique, ce dont témoignent les nombreuses publications sur la question, au nombre
desquelles Dixi-3 (1992), Dixi-4 (1992), Dixi-5 & Dixi-6 (1992), Dixi-7 (1994), Dixi-2 (1994),
Dixi-8 (1993), Dixi-9 & Dixi-8 (1996), Dixi-10 (1999), les numéros de revues Langue
Française 78 (1988) et Cahiers de praxématique 30 (2003). (LF_163_0079)

Quant aux constructions en comme – comme les références étudiées ici – Grossmann
(ibid.) mentionne qu’elles se caractérisent par une fonction métatextuelle et/ou
évidentielle étant donné qu’elles signalent que le fait auquel l’auteur fait allusion a déjà
été constaté ou le sera. Cette spécificité est également visible dans notre corpus, surtout
dans les constructions qui se composent avec les verbes remarquer, noter, montrer et
dire. Ce type de référence a souvent la fonction d’ajout ou de commentaire tout en
renforçant soit l’affirmation précédente, soit l’affirmation suivante. On remarque aussi
que la référence est fréquemment accompagnée d’adverbiaux du type déjà, également et
souvent. Cette caractéristique, signalant qu’un fait a déjà été constaté, se manifeste dans
plusieurs occurrences exprimant la convergence partielle, comme dans (44) :

(44) « L’invisibilité du traducteur » n’est donc pas des plus claires et, avec une telle expression, pris
entre forme et fond, le débat est décidément mal engagé. Certes, « la littérature est par définition
formelle », comme le fait souvent remarquer Pnn Dixi-14, à la suite des Formalistes russes.
Mais il faut ajouter, après Pnn Dixi-2, que les signifiants d’un texte littéraire (au sens large,
supra, n. 3) sont là pour manifester des fonctions (au sens linguistique du terme) – des fonctions
sémantiques et stylistiques. Et ce sont elles, les fonctions, qui sont à traduire, lorsqu’on les juge
pertinentes, et non les formes, les structures qui les manifestent18. (LING_391_0109) [Sauf la
référence, les mots en gras sont ceux de l’auteur]

Ici (44), nous avons plusieurs indices au niveau du paragraphe. D’abord, nous avons
l’affirmation « le débat est décidément mal engagé », ce qui laisserait entendre un
désaccord. Elle est toutefois suivie par la marque de concession certes, dont la fonction
prototypique est, avec la conjonction mais (certes p mais q), d’annoncer une correction,
ce qui est le cas dans (44). Certes indique alors que le locuteur reconnaît la validité du
pdv « la littérature est par définition formelle » mais le mais signale que le locuteur

34
soutient une conclusion qui va à l’encontre de cette prémisse, interprétation qui est
renforcée par « il faut ajouter ».
C’est aussi dans de telles conditions, lorsque le locuteur fait allusion à quelque chose
de déjà soulevé, que la forme non canonique de la référence peut se produire. Cela
pourrait par exemple être le cas dans l’exemple (45) ci-dessous, illustrant une référence à
fonction de convergence partielle. En faisant référence aux ê-d mentionnés, le locuteur
accorde le pdv « il est, en français, possible de distinguer les deux mais par des tests de
remplacement ». Cependant, il ajoute dans la phrase suivante que ces tests ne sont pas
satisfaisants pour distinguer le fonctionnement du même connecteur. En d’autres termes,
il exprime alors sa convergence avec le pdv de ê-d mais elle est partielle, ce qui est marqué
par l’adverbe cependant, ayant une valeur concessive. Parmi nos occurrences exprimant
un accord faible, cet adverbe apparaît fréquemment dans le contexte local. Quant à la
forme non canonique de la référence, il est possible que le pdv des ê-d Dixi-3 et Dixi-2 a
déjà été soulevé sous une autre section de l’article ou bien dans le paragraphe qui précède
la référence et par conséquent, le locuteur a choisi de ne pas inclure à nouveau les
informations bibliographiques.

(45) Comme le remarque Dixi-3 & Dixi-2, il est, en français, possible de distinguer les deux mais
par des tests de remplacement : alors que maisPA5 est susceptible d’être remplacé par
cependant, pourtant, néanmoins, en revanche et par contre, maisSN 6 est substituable par ´:´,
au contraire, même que. Ces tests lexicaux ne suffisent cependant pas à faire une distinction
du fonctionnement du connecteur. (LF_164_0123)

Dans (46) nous avons un exemple de la fonction de convergence partielle où la référence


est mise en note. Dans le texte intégral, le locuteur discute quelques données et leur
caractère « véridicible ». Le locuteur remarque que ces exemples ne sont pas facilement
explicables pour les analyses vérificationnelles, comme celles-ci exigent que des critères
spécifiques soient respectés. Toutefois, dans la note, il ajoute que les analyses sont
applicables si l’on ajoute la stipulation d’un « futur feint » comme l’ont fait les ê-d Dixi-
4 et Dixi-3. Le locuteur indique alors à la fois divergence que convergence, car il postule
que les analyses ne sont pas aisément applicables, mais il admet que l’application de la
stipulation d’un « futur feint » les rendent utilisables.

(46) Le caractère véridicible des discours (18) et (19) exclut que les futurs qu’ils contiennent aient
une interprétation ou épistémique ou évidentielle (leur rejet des adverbes épistémiques confirme
qu’il n’y a pas de quantification sur les mondes possibles). Ces données ne sont pas aisément
explicables pour les analyses vérificationnelles 22 : comme celles-ci assignent au futur une
sémantique purement future, elles prédisent que l’état résultant décrit par l’accompli devrait
forcément être placé dans le futur (contre les observables en (18) et (19)) 23.

23. Sauf à ajouter la stipulation d’un « futur feint » dans une situation présente, comme le font
par exemple Dixi-4 & Dixi-3 (2011). (LF_173_0115)

Bien que plus rare dans le corpus, le rôle principal de la fonction de divergence est de
justifier les choix méthodologiques du locuteur, d’exprimer la désapprobation d’une
affirmation ou une explication donnée par un ê-d, de questionner l’utilité de certains
procédés ou de présenter des contre-exemples ou des contre-arguments. Les cas de
divergence incluent les verbes faire et proposer ainsi que dix autres mentionnés sous 8.1.
Comme pour les autres fonctions, celle-ci est renforcée par la présence d’indices
contextuels argumentatifs comme des adverbiaux et des conjonctions exprimant
l’opposition (pourtant, mais, en effet). La divergence est aussi communiquée par des
expressions qui expriment une conviction personnelle, à mon avis, et par la négation.
Parfois c’est la sémantique du verbe qui véhicule le positionnement du locuteur (comme
le croyait X, comme le veut X).

35
L’exemple (47) ci-après illustre la divergence exprimée par des moyens différents. Le
premier indice est le connecteur argumentatif en effet. Le verbe considérer, qui figure à
deux reprises, signale également la position du locuteur – il s’agit d’une opinion de ê-d et
non pas d’un fait. Le pdv « la combinaison ”copule” + nom ou adjectif comme un
”prédicat complexe” » ne mène pas à la même conclusion que celle du locuteur, ce qui
s’exprime par la phrase niée « ne permet pas de définir les rapports qui existent entre ces
deux unités ». Ensuite le locuteur poursuit son argumentation, signalée par les
connecteurs puisque et en outre, qui introduisent un autre argument en faveur de son pdv.
Finalement il conclut que la solution de ê-d ne permet pas de répondre à la question « de
manière satisfaisante ».

(47) En effet, considérer comme le fait Dixi-3 la combinaison « copule » + nom ou adjectif comme
un « prédicat complexe », ne permet pas de définir les rapports qui existent entre ces deux
unités. Ce complexe ne peut pas être considéré comme un synthème, puisque chacun des
éléments qui le compose est susceptible d’être déterminé individuellement. En outre, si on
considère ce « prédicat complexe » comme un syntagme, le problème subsiste de savoir quel
est le lien existant entre les deux unités en question : les différentes relations envisagées
(actualisation, subordination, ou coordination) ne permettent pas de répondre à cette question
de manière satisfaisante. (LING_431_0029)

Dans (48), la référence n’est pas accompagnée d’indices argumentatifs. Ici, le locuteur
discute l’évolution du phonème /ɛ̃/ dans le parler parisien et son rapprochement du
phonème [ɑ̃]. Le paragraphe se termine par la phrase qui commence par « notons en
passant que », introduisant le pdv du locuteur – que ce rapprochement est unique du
phonème /ɛ/̃ – ainsi que le pdv opposé de ê-d Dixi-24, que le rapprochement est commun
aux phonèmes /ɛ̃/ et /œ̃/. Cette incompatibilité des pdv ne s’exprime que par le syntagme
« et pas commun pour /ɛ̃/ et /œ̃/ ». En employant le verbe sembler, le locuteur exprime sa
position de manière moins catégorique.

(48) C’est d’ailleurs un développement qui se fait sentir dans les deux groupes socioculturels et qui
n’est donc pas stigmatisé. Donc, le /ɛ̃/ décalé en direction de [ɑ̃] pourrait être la prononciation
de demain – résultat qui ne ressortait pas de l’analyse systémique. Notons en passant que ce
rapprochement de [ɑ̃] semble spécifique pour /ɛ̃/, et pas commun pour /ɛ̃/ et /œ̃/, comme le
suggère Dixi-2426. (LING_372_0033)

À partir des données et l’analyse de cas jugés représentatifs, nous avons vu que la RéB-
CC dans la proposition subordonnée en comme est principalement utilisée pour faire
avancer l’argumentation du locuteur en signalant la convergence avec le pdv d’un ê-d
évoqué. De façon secondaire, elle peut remplir la fonction de description, notamment
dans les parties de l’article scientifique qui exposent le champs d’investigation. En
utilisant des verbes différents dans la construction, le locuteur peut signaler ou nuancer
son positionnement vis-à-vis du pdv de ê-d, mais il existe aussi d’autres moyens, comme
des adverbiaux et des connecteurs argumentatifs, pour expliciter sa position.

9 Le syntagme prépositionnel
Dans cette section nous aborderons la deuxième sous-catégorie des références
bibliographiques en position de complément circonstanciel. Cette catégorie couvre les
syntagmes introduits par une préposition ou une locution prépositionnelle, comme nous
l’avons déjà vu dans 5.1.2. Sous les sections 9.1 et 9.2, les résultats quantitatifs ainsi que
l’analyse des occurrences jugées représentatives seront présentés.

36
En ce qui concerne les données quantitatives, il faut rappeler que l’objectif de l’étude
est d’élucider les emplois récurrents des références, et non pas de fournir des statistiques
détaillées ou des catégories exclusives des références.

9.1 Tendances quantitatives


La RéB-CC dans le syntagme prépositionnel représente environ 700 occurrences dans le
corpus. Nos observations suggèrent que la fonction principale de cette catégorie est celle
de description, suivie par celle de convergence. Il y a également des cas de convergence
partielle et de divergence, mais ils sont beaucoup moins nombreux. Quatre occurrences
sont jugées inclassables. La majorité des références est introduite par une préposition,
dont selon, pour, dans et chez sont les plus répandues.
Approximativement 60 occurrences sont construites avec une locution
prépositionnelle, dont les plus fréquentes sont à la suite de et à l’instar de13. Même si la
valeur descriptive domine cette catégorie, les références qui s’associent à une locution
prépositionnelle semblent souvent comporter une valeur argumentative plus accentuée,
en premier lieu celle de convergence. Cette caractéristique des locutions sera illustrée de
plus près sous la section 9.2.2.

9.2 Fonction du syntagme prépositionnel


Comme déjà signalé, ce type de référence remplit dans la plupart de cas la fonction de
description. Elle est souvent employée pour résumer l’état de l’art, exposer
l’épistémologie d’un courant théorique ou l’histoire d’un linguiste. Elle est également
fréquente dans les sections consacrées aux travaux existants, comme dans (49). Ici, le
locuteur énumère plusieurs références à des ê-d et leurs pdv. Cet ensemble de références
indique qu’il s’agit d’une synthèse des pdv existants sur le critère de frontière prosodique,
et non pas d’un positionnement de la part du locuteur vis-à-vis un pdv particulier. La
dernière phrase, « Le tableau 3 synthétise les différentes analyses » l’indique également.
Aucune des références dans le paragraphe n’est accompagnée d’information
bibliographique, ce qui pourrait signifier qu’elles ont déjà été mentionnées par le locuteur.
Boch et Grossmann (2002) notent, par rapport à la présence forte d’évocations dans l’écrit
scientifique en linguistique (l’évocation comme forme de référence est décrite sous 5.4),
que la thématique d’un numéro peut permettre de référer de manière plus allusive à un
cadre théorique commun, ce qui pourrait également être le cas ici.

(49) Pour P# Dixi-4 et al., une frontière prosodique portant sur la fin du segment dans la rue indique
l’existence d’une clause : il y a donc deux unités prosodiques et syntaxiques. P# Dixi-7 et P#
Dixi-8 identifient également une frontière prosodique – ce qu’indique le signe / –, mais cette
marque prosodique n’est pas déterminante. […] Pour P# Dixi-4 et al., ce critère relève de la
syntaxe ou, plus précisément, de la rection, ce qui n’est pas le cas dans le modèle proposé par
P# Dixi-7 et P# Dixi-8. Pour P# Dixi-18, ce critère est prosodique pour l’identification du
rhème, qui peut être recatégorisé en préambule en cas de remontée de la mélodie, mais il est
d’ordre(co)-énonciatif pour l’identification du préambule : celui-ci reste préambule, quelle que
soit la mélodie accompagnant ce segment. Le Tableau 3 synthétise les différentes analyses.
(LF_170_0143)

Le syntagme prépositionnel peut également être employé quand le pdv de ê-d et celui du
locuteur sont argumentativement alignés. Dans ce cas, la référence est souvent utilisée
pour prendre appui sur l’analyse ou l’appareil terminologique d’autrui. Néanmoins, la

13 Pour un aperçu de toutes expressions ainsi que leur fréquence, voir la section 11.3.2 dans Appendice.

37
fonction de convergence est selon nos observations notamment liée aux constructions
locutionnelles, tandis que celle de description domine parmi les références introduites par
une préposition simple. Quant aux fonctions de divergence et de convergence partielle,
elles se manifestent notamment dans les sections consacrées aux analyses, aux
hypothèses, aux résultats et à diverses problématiques.
Le pdv rapporté par cette construction est le plus souvent un contenu propositionnel,
mais certaines références sont responsables d’un pdv terminologique. Pour la question
posée dans la section 6, si la forme du pdv reproduit reflète la position du locuteur vis-à-
vis celui-ci, l’analyse suggère que la référence introduite par un syntagme prépositionnel
présente en premier lieu des pdv sous forme de reformulations, quelle que soit sa fonction
discursive. Cette forme est suivie par celle d’îlot textuel, de citation et de bloc citationnel.
Et comme c’est également le cas pour la sous-catégorie de proposition subordonnée, nos
observables indiquent une relation possible entre la fonction de convergence et le discours
rapporté direct sous forme d’îlot textuel et de citation, comme ces formes sont plus
fréquemment exploitées quand le pdv rapporté et celui du locuteur sont compatibles. Et
en comparaison avec la proposition subordonnée, la fonction de convergence montre une
fréquence plus élevée dans cette sous-classe. De plus, les références à fonction de
convergence partielle, même si d’un nombre d’occurrences faible, montrent également
cette même tendance. Nous rappelons que le fonctionnement du discours rapporté direct
dans les différentes fonctions discursives n’est pas l’un des objectifs de ce mémoire, mais
il mérite d’être examiné de plus près dans une étude future.

9.2.1 RéB–CC introduite par une préposition simple

Comme déjà indiqué, les références introduites par une préposition simple sont de
préférence neutres quant à leur valeur argumentative. C’est pourquoi la description
semble dominer cette catégorie. Les prépositions les plus fréquentes du corpus sont selon,
pour, dans et chez. Selon nos observations, les références à fonction descriptive sont
notamment employées pour introduire le sujet de l’article, situer l’étude dans un champ
d’investigation, retracer l’état d’un domaine particulier et pour signaler l’existence d’une
(ou plusieurs) publications. Comme soulevé ci-dessus, les pdv reproduits et introduits par
cette construction prennent dans l’ensemble la forme d’une reformulation, mais ils
peuvent également se manifester sous forme d’îlots textuels et de citations. Le bloc
citationnel ne se produit que rarement dans le corpus.
Les références introduites par une préposition simple sont également exploitées afin de
rapporter l’histoire d’un courant ou d’une équipe de recherche. Cette fonction se
caractérise, comme déjà noté dans la section 7, par le manque d’indices argumentatifs.
Dans (50), il ne figure aucun adverbe ou connecteur argumentatif signalant la position du
locuteur. En revanche, l’adverbe longtemps, le pronom il, le renvoi temporel « le 26
septembre 1965 » et le fait que le texte est principalement rédigé au passé signalent qu’il
s’agit d’un récit historique. De plus, le locuteur ne présente pas de données empiriques ni
des résultats, mais il s’agit d’un récit du moment où Dixi-2 a pris position contre les
postulats du structuralisme.

(50) Dixi-2 avait longtemps gardé le silence sur le structuralisme, même en tant que littératurologue.
Le premier texte dans lequel il prend position, non pas directement contre le structuralisme,
mais contre les postulats sur lesquels celui-ci s’appuie au départ, est un compte rendu de lecture
du célèbre livre d’Erlich, Russischer Formalismus (1964), publié dans le quotidien Lidová
demokracie le 26 septembre 19654. Selon Dixi-2, cet ouvrage remarquable, bien qu’écrit à partir
de positions bienveillantes, établit de fait l’acte de décès du formalisme, dont il signale les
défauts. Le formalisme, qui avait insisté tout particulièrement sur « la régularité immanente et
spécifique de l’univers des réalités artistiques », n’était pas à même d’« apprécier le lien causal
entre l’œuvre d’art et la société » et « faute d’une esthétique précise, n’ayant abouti à aucune

38
conception générale de l’essence même de la création artistique, il ne parvint pas à élaborer des
critères fiables de jugement esthétique et ne fournit pas davantage de repères valables pour une
évaluation critique » (Dixi-2, 1994 b : 111). (LING_501_0119x)

Les parties suivantes (9.2.1.1 à 9.2.1.4) abordent l’analyse des RéB-CC introduites par
une préposition simple. Chaque fonction discursive sera exposée sous sa propre section,
illustrée par des références jugées représentatives et qui sont introduites par les
prépositions les plus courantes du corpus ; selon, pour, dans et chez. La fonction de
description sera illustrée en premier, suivie par celles de convergence, de convergence
partielle et de divergence.

9.2.1.1 La fonction de description


Ayant la fonction de description, les références introduites par selon sont souvent
employées pour introduire le pdv d’un ê-d sans se positionner vis-à-vis celui-ci, comme
dans (51). Dans les deux paragraphes qui constituent l’exemple, le locuteur résume
quelques pdv qui existent sur le segment donc au dernier moment je prends ma voiture et
les éléments qui composent cette phrase. Avec la référence à Dixi-3 au début de
l’exemple, le locuteur rend compte de son pdv sans se positionner vis-à-vis celui-ci. Le
paragraphe ne comprend aucun indice argumentatif qui relève la position du locuteur mais
seulement l’adverbe ainsi, introduisant une récapitulation du pdv rapporté. Dans le
deuxième paragraphe, le locuteur énumère trois autres interprétations de ces éléments,
sans prendre position. La référence – ainsi que celles introduites par pour – est alors
employée pour présenter l’une des analyses possibles du segment.

(51) Selon P# Dixi-3, les éléments périphériques ne doivent pas être coupés du noyau auquel ils se
rattachent, y compris « d’un point de vue rectionnel », et la distinction entre micro- et
macrosyntaxe est remise en question. L’auteur distingue trois types d’éléments périphériques –
ou « affixes » – : les « préfixes », les « infixes » et les « suffixes ». Ainsi, le segment donc au
dernier moment je prends ma voiture est analysé par cet auteur comme une phrase constituée
d’un préfixe (donc au dernier moment) et d’un noyau (je prends ma voiture).

Pour P# Dixi-7 et P# Dixi-8, le segment donc au dernier moment je prends ma voiture constitue
une unique BDU congruente ; pour P# Dixi-9 et al., il s’agit d’une seule unité illocutoire et
d’une seule période ; pour P# Dixi-14, ce segment correspond à une seule période et à deux
unités d’actualisation : [...]F [donc au dernier moment]S [je prends ma voiture]F. (LF_170_0143)

L’exemple (52) illustre un autre rôle de selon. Le locuteur discute la parution de la


grammaire de Dixi-2 et son accueil par la communauté scientifique, ou plus précisément
par les romanisants tchèques. Le pdv introduit par selon sert à exemplifier l’accueil
positive de cet ouvrage. La référence ne possède pas de force argumentative et le
paragraphe ne comprend pas d’indices argumentatifs, ce qui indique qu’il s’agit d’un
compte rendu des faits plutôt historiques. L’impression narrative est également renforcée
par l’utilisation du passé composé et par le portrait de Dixi-17, « un autre représentant
éminent ».

(52) Nous mentionnons également Pnn Dixi-17, un autre représentant éminent de la linguistique
romane tchèque de l’après-guerre, professeur à l’université charles, qui a publié trois comptes
rendus de la Grammaire fonctionnelle du français. Pnn Dixi-17 salue avec enthousiasme la
parution de cette grammaire, qui se réclame de la « linguistique fonctionnelle, le mot fonctionnel
est à comprendre dans le même sens que lui donnait l’École de Prague ». Selon Dixi-17, cette
grammaire vient tout à fait à propos puisque le public français « commence à être fatigué par
les travaux peu féconds relevant de l’approche transformationnelle-générativiste » (Dixi-17,
1980-81).

39
Nous voyons donc que les travaux de Dixi-2 ont été très bien accueillis par les romanisants
tchèques. Les idées novatrices de Dixi-2 (la double articulation, le principe d’économie ou le
principe de pertinence), conformes à l’héritage structural-fonctionnel de la période classique du
clP, sont venues compléter la théorie générale du langage enseignée au sein des deux grands
centres universitaires d’études romanes tchécoslovaques. (LING_501_007)

La préposition pour présente également les références à visée descriptive, souvent pour
adresser les différents pdv, analyses ou théories des divers ê-d. Les références se
manifestent souvent dans les sections consacrées aux travaux antérieurs, ou dans des
articles épistémologiques redressant l’histoire d’un linguiste ou d’un cercle de chercheurs
particulier, comme démontré dans (53). Ici, les références sont exploitées pour rendre
compte des positions opposées de deux linguistes. Le connecteur alors que souligne
l’impression qu’il s’agit d’un compte rendu de différentes positions, ce qui est déjà
indiqué initialement par « les positions de Dixi-2 et Dixi-25 sur ce point sont donc
opposées ».

(53) Les positions de Dixi-2 et de Dixi-25 sur ce point sont donc opposées. Pour Dixi-2, le fait que
le phonème soit une unité distinctive et par conséquent indispensable à la communication
explique que le sujet parlant puisse en prendre conscience, alors que, pour Dixi-25, le phonème
paraît être une réalité cognitive (Dixi-25, in Pnn Dixi-26 & Pnn Dixi-1, 2013).
(LING_501_0035)

La référence descriptive peut également servir à donner une vue d’ensemble d’un champ
scientifique dans une section consacrée aux travaux existants. Il est fréquent que le
locuteur énumère plusieurs références à des ê-d comme dans (54). Ici, le paragraphe ne
présente aucun indice argumentatif qui révèlerait la position du locuteur et le sens lexical
de la préposition, pour, n’implique pas non plus sa position. Par contre, il y a le point-
virgule à deux reprises, signalant qu’il s’agit d’une énumération des différents pdv sur un
même sujet. De plus, la répétition de la même préposition souligne l’impression d’une
liste qui a pour but de présenter les différentes analyses possibles, de manière aussi neutre
que possible.

(54) Pour P# Dixi-7 et P# Dixi-8, le segment donc au dernier moment je prends ma voiture constitue
une unique BDU congruente ; pour P# Dixi-9 et al., il s’agit d’une seule unité illocutoire et
d’une seule période ; pour P# Dixi-14, ce segment correspond à une seule période et à deux
unités d’actualisation : [...]F [donc au dernier moment]S [je prends ma voiture]F.
Pour P# Dixi-15 et al., il s’agit d’une seule entité, constituée de trois unités d’information :
donc /PHA au dernier moment /TOP je prends ma <voiture> //COM. (LF_170_0143)

Comme déjà remarqué dans la section 7.2, Cheng et Unsworth (2016) notent que ce type
de maniement des références peut être une manière de montrer de la solidarité avec les
chercheurs du domaine, avant de problématiser ou critiquer leurs études pour justifier ses
propres résultats. Dans ce cas, la référence est reprise dans une autre section de l’article
et intégrée à l’argumentation générale de l’auteur, comme la partie analyse, résultat ou
conclusion. En adoptant cette stratégie, il n’y a pas de positionnement explicite du
locuteur. Néanmoins, selon Cheng et Unsworth (2016 : 49), l’auteur a implicitement mis
en scène le « conflit » et a ouvert l’espace dialogique. Ils ajoutent que cette ressource est
stratégiquement utile lorsque le point de vue de l’auteur et la source citée ne sont pas
argumentativement alignés. Cependant, comme notre analyse n’est effectuée que dans le
contexte local, cet aspect n’a pas été approfondi.
Les références à visée descriptive peuvent également servir de « localisateurs » (au
sens de Grossmann 2014 : 766), introduisant des éléments péri-textuels comme des
tableaux et figures. Elles sont également souvent mises en note, ce qui pourrait être

40
expliqué par le fait qu’elles sont en premier lieu exploitées pour fournir une description
ou des informations complémentaires. C’est pourquoi elles ne sont donc pas nécessaires
dans le texte intégral.
La préposition dans est pour la plupart du temps employée pour signaler l’existence
d’une publication ou pour fournir de l’information supplémentaire sur, par exemple, la
construction du corpus, l’origine d’un exemple ou d’une citation. Elle est souvent mise
en note, comme illustré par l’exemple (55) ci-après. Ici, le locuteur renvoie aux quatre
points d’enquête pour son analyse de terrain, exposés dans quatre publications préalables.

(55) Nous avons dans un premier temps sélectionné quatre points d’enquête de la base PFC :
Douzens, Paris, Nyon et Treize-Vents14, soit deux points d’enquête dans la partie septentrionale
de l’Hexagone, un point d’enquête dans le Midi et un point d’enquête en Suisse romande. La
disparité de ces choix s’explique par un désir de mettre au jour des clusters d’invariants
au sein de la francophonie, de proposer des données plus riches que celles sur lesquelles
s’appuient la plupart des analyses formelles, i.e. un français de référence.

14. Ces quatre points d’enquête sont présentés et analysés dans Dixi-19 (2009b), Dixi-2 &
Dixi-32 (2009), Dixi-34 & Dixi-2 (2009) et Dixi-35 (2009) respectivement. (LF_169_0137)

La référence semble jouer un rôle de « localisateur », puisque la note dans sa totalité ne


comporte aucune information à part celui de renvoi. Selon Grossmann et Tutin
(2010 : 297) au sujet du verbe voir comme un marqueur de référence, la référence
« intertextuelle » peut fournir des informations complémentaires sur un point qui n’a pas
été suffisamment expliqué dans le texte intégral. Selon nos observations, la référence avec
dans remplit souvent cette même fonction.
Ci-dessous (56) nous avons une autre référence qui a pour fonction de signaler
l’information complémentaire, cette fois-ci intégrée dans le corps du texte. Au lieu de
détailler brièvement la répartition des verbes recteurs consultés pour l’étude, le locuteur
renvoie le lecteur aux travaux des ê-d Dixi-45, Dixi-46 et Dixi-10 pour se renseigner.
Dans le corpus, nous avons observé que la référence construite avec dans est souvent liée
au verbe trouver, ce qui renforce l’impression qu’elle possède cette valeur de localisateur.

(56) Pour l’heure, nous considérons la répartition des verbes recteurs de à et de dans les 14 classes
génériques de Les Verbes français de P# Dixi-44 & P# Dixi-43 (1997) – désormais LVF. On en
trouvera une description dans P# Dixi-45, P# Dixi-46 et P# Dixi-10 (2007). Ces classes
génériques représentent le sommet sémantique d’un édifice qui est éclaté en sous-classes
fondées sur des propriétés syntaxiques, distributionnelles et morphologiques des emplois de
verbes. (LF_157_0074)

La fonction descriptive est également liée aux références introduites par chez. Comme les
occurrences avec pour, celles-ci se trouvent souvent dans les sections consacrées aux
travaux antérieurs ou dans les articles épistémologiques redressant l’histoire d’un
linguiste ou d’un courant particulier. Elles sont fréquemment mises en note mais elles se
manifestent également dans le texte intégral. Dans (57), le locuteur aborde la similitude
entre la morphologie de Dixi-4 et la monématique de Dixi-2. Avec la référence, il résume
ce qui est la monématique chez ê-d Dixi-2 afin de comparer les éléments des deux
concepts. Le connecteur par conséquent et l’adverbe cependant servent ici à avancer et à
soutenir le raisonnement du locuteur.

(57) La morphologie de Dixi-4 est globalement équivalente à la monématique de Dixi-2 : les deux
ont pour objet l’étude des morphèmes ou des monèmes en tant qu’unités significatives minima.
Dixi-4 a par la suite mis en place le concept de morphonologie pour traiter des signifiants de
l’ensemble des morphèmes, en distinguant trois cas, le premier, général, qui examine la
structure phonologique des morphèmes, les deux autres consacrés à leurs variantes formelles.

41
Chez Dixi-2, la morphologie monématique est une sous-partie de l’analyse formelle des
monèmes, qui prend en compte leurs variantes de signifiants et leurs conditions d’apparition.
On parle de morphologie synthématique lorsque l’unité d’analyse est le synthème, c’est-à-dire
le dérivé ou le composé. La morphologie martinétienne est, par conséquent, globalement
équivalente aux deux dernières composantes de la morphonologie de Dixi-4, qui examinent,
elles aussi, les variantes formelles des morphèmes. Dixi-2, cependant, développe cette analyse
en précisant les différents facteurs qui déterminent ces variations. L’approche purement
descriptive est ainsi complétée par une perspective explicative, absente chez Dixi-4.
(LING_501 _0035)

9.2.1.2 La fonction de convergence


La référence qui exprime la convergence est fréquemment marquée par des indices
argumentatifs comme certains adverbes et conjonctions. Dans le contexte, on trouve des
verbes dont le sémantisme indique l’attitude du locuteur, par exemple rejoindre, se fonder
sur ou des verbes de constat tels que remarquer et noter. Les constructions
impersonnelles à valeur modale de vérité ou de vraisemblance comme il est évident que,
il convient de et il semble que et d’autres expressions qui expriment une conviction
personnelle, par exemple à mon avis, font aussi partie des indices qui contribuent à
l’interprétation de la fonction. Il n’est pas rare que la référence et le marquage de
convergence sont séparés par une citation, un exemple ou que le marquage se manifeste
dans un autre paragraphe que celui de la référence.
L’emploi de selon se divise de façon assez uniforme entre les fonctions de description
et de convergence. Comme l’illustre l’exemple (58), la construction prépositionnelle peut
aussi véhiculer une valeur argumentative. La référence à fonction convergente est
notamment employée dans les parties analytiques de l’article, où elle est souvent
accompagnée de connecteurs argumentatifs. Il n’est pas rare que ces indices se placent
dans un paragraphe autre que celui de la référence. Elle sert souvent à introduire une
affirmation. Dans (58), la référence rapporte le pdv de ê-d. La convergence se traduit par
plusieurs indices au niveau du paragraphe tels que l’adverbe notamment, la structure
parenthétique en comme soulignant la conformité entre les pdv, le connecteur ainsi avec
une valeur de causalité et l’adverbe de plus, ayant une valeur d’ajout et qui fait avancer
l’argumentation.

(58) Selon P# Dixi–31 (2009), la seconde conception est le résultat d’une confusion conceptuelle et
terminologique, le lien entre modalité épistémique et évidentialité inférentielle n’étant pas
nécessaire. Notamment, comme il le souligne, ainsi que P# Dixi-13 (2001), s’il y a toujours une
part d’évidentialité dans le marquage épistémique, l’inverse n’est pas vrai. Ainsi, en (15) par
exemple, le conditionnel indique que la source de l’information est quelqu’un d’autre que le
locuteur, mais le locuteur ne signale par là rien de son degré de certitude concernant cette
information 9 (comme en (14) avec moeten). De plus, si intuitivement, un lien existe entre
(fiabilité de la) source de l’information et degré de certitude du locuteur (on s’attend en effet à
ce qu’il entretienne avec plus de certitude une information obtenue d’une source fiable ou
déduite de prémisses sûres), ce lien n’est pas causal (Dixi–33 2001 ; Dixi–31 2009).
(LF_173_0049)

Coltier (2003) constate dans sa thèse consacrée à selon que l’une des valeurs de cette
préposition est celle d’origine. Avec selon, utilisant la formule selon A, p, le locuteur peut
emprunter le contenu propositionnel (p) du discours d’autrui (A), et A est indiqué comme
l’origine de l’énonciation de p. Selon la manière dont le locuteur présente ce contenu, il
peut refuser ou accepter la responsabilité du discours emprunté à A. Toujours selon
Coltier (ibid.), le refus peut se manifester par l’utilisation de guillemets ou d’italiques
pour le passage emprunté, alors que la prise de responsabilité peut être signalée par la
reformulation du contenu. D’après Biardzka et Komur-Thilloy (2019 : 90) qui examinent
les tours en Selon A ainsi que les îlots textuels dans le discours journalistique, les

42
fragments guillemetés apportent un effet d’authenticité au texte. Cependant, en même
temps, les expressions en selon A qui les accompagnent servent à gêner « l’identification
de la portée de la prise en charge » de ces fragments. Autrement dit, les tours en selon A
créent un brouillage des frontières entre les paroles du locuteur et celles d’auteur cité.
Dans notre corpus, selon est pour la plupart associé aux pdv reformulés, mais il arrive
qu’il présente des pdv sous forme d’îlot textuel ou d’une citation. Ces pdv guillemetés
sont liés aussi bien à la fonction de convergence qu’à celle de description – rarement à
celles de divergence et de convergence partielle – mais s’utilisent le plus souvent quand
le pdv du locuteur et celui de ê-d se correspondent.
Dans l’exemple (59), la convergence est indiquée par des verbes et des adjectifs
appréciatifs. Le premier indice du positionnement du locuteur se manifeste par le verbe
rejoindre accompagné du pronom je au début du paragraphe, explicitant la prise de
position du locuteur. Dans le deuxième paragraphe, la convergence s’exprime par les
adjectifs fine et importante, caractérisant la différence entre l’analyse de ê-d et celles
d’autres chercheurs. La référence introduit le pdv avec lequel le locuteur est d’accord. La
proposition subordonnée « comme le note aussi Dixi-13 » impliquent également que
l’analyse de ê-d et le pdv du locuteur sont convergents.

(59) […] Je rejoins Dixi-13 qui observe qu’il faut que le locuteur s’étonne de quelque chose avant
qu’il puisse poser une question, et que pour transformer cet étonnement en une question il faut
qu’il pense à une proposition particulière :

« Wondering, like entertaining a proposition, is first and foremost a mental act : indeed it is one way of
entertaining a proposition […] it must be the speaker’s intention that he has a particular proposition in
mind […] » (Dixi-13 1977:756)

La nuance très fine, mais importante, qui constitue la différence entre l’analyse de Dixi-13 et
celle de Dixi-2 et Dixi-3 ou de Dixi-11 et Dixi-12, c’est que selon Dixi-13 le « donné
préalable » n’est pas un fait linguistique, mais un acte mental, c’est l’acte de penser à une
proposition : « has a particular proposition in mind », et cet acte est toujours attribuable au
locuteur. De la même manière qu’afin d’asserter, il faut que le locuteur pense à une proposition,
comme le note aussi Dixi-13. (LF_164_0113)

Dans (60), le marquage se traduit par le verbe reprendre dans l’énoncé au début du
paragraphe, « je reprendrai ici l’analyse proposée par Dixi-15 2006 ». Ainsi, afin
d’aborder la question de l’assertion, le locuteur reprend l’analyse de ê-d. Cette
appropriation implique évidemment que le locuteur prend appui sur le cadre théorique de
l’autrui. Le pronom je souligne la prise de position. Le pdv introduit par la référence est
rapporté sous forme de citation et sert d’affirmation dans le raisonnement du locuteur.

(60) En ce qui concerne la question de l’assertion, je reprendrai ici l’analyse proposée par Dixi-15
2006, qui interprète l’exclamation comme une assertion non stabilisée. L’auteur utilise les
travaux de Dixi-17 1996, qui analyse l’exclamation comme étant « fondamentalement une
assertion » (Ibid. : 63), l’interprétation intensive de l’exclamation étant corrélée à « l’assertion
d’une énumération indéfinie de valeurs ” (Dixi-15 2006 : 219). Selon Dixi-15 (2006 : 219-220),
« l’intensité qui caractérise les énoncés exclamatifs est l’effet de l’instabilité fondamentale de
ce qui est ´asserté´ : le degré est tel qu’il échappe à tout repère stable, c’est précisément parce
qu’il se soustrait à toute stabilité qu’il est compris comme étant extrême ». Si le prédicat n’est
compatible qu’avec la variante non quantifiante (cf. (22)), « l’emploi de comme produit un effet
de valeur remarquable » (Dixi-8 & Dixi-7 2005 : 285). (LF_158_0103)

Selon Tutin (2010 : 31), les pronoms personnels je et nous sont rarement employés avec
des verbes exprimant des prises de position marquées. Selon elle, le chercheur apparaît
principalement dans le texte pour décrire « les procédures scientifiques et accompagner

43
le processus d’écriture, moins fréquemment pour exprimer une opinion ». Or, selon
Grossmann, Tutin et Da Silva (2009 : 192), les expressions verbales comme celles-ci dans
(60) sont des marquages de filiation explicites qui « représente[nt] une étape obligée vers
un positionnement de l’auteur : il aboutit à un positionnement personnel, parfois
démarcatif ». En d’autres termes, en utilisant une telle expression, le locuteur renvoie à
un chercheur auquel il emprunte « tout ou partie de son cadre théorique » (idem. :187).
Selon nous, cet emprunt signale une prise de position explicite du locuteur et indique que
le pdv du locuteur est le même ou compatible avec celui de ê-d.
Les prépositions pour, dans et chez sont en premier lieu exploitées avec les références
descriptives, mais elles s’utilisent également dans des cas où le locuteur signale que le
pdv de ê-d et le sien pointent vers la même conclusion.
Les exemples (61) et (62) ci-après illustrent deux références où la préposition pour est
employée quand le locuteur exprime que les idées de ê-d et celles du locuteur sont
compatibles. Dans (61), la référence est utilisée afin d’introduire le pdv de ê-d Dixi-27
concernant le comportement linguistique des jeunes jamaïcains à Belize. Le locuteur ne
s’oppose pas à cette assertion et avec l’adverbe de ce fait, il avance le raisonnement
présenté par la référence. La convergence est exprimée au début du paragraphe suivant
avec la phrase « on conçoit combien ces études sont précieuses pour étudier le cas qui
nous occupe ». Ici, le syntagme « on conçoit combien » et l’adjectif appréciatif précieuses
signalent que le locuteur trouve l’étude de ê-d (entre autres) bien utile pour son propre
objectif.

(61) Pour Dixi-27, le comportement linguistique des jeunes Jamaïcains observé à Belize et Sainte-
Lucie s’apparente à un « mélange » : les enfants puisent à des degrés divers dans les variétés et
les langues dont ils disposent en fonction du/des groupe(s) au(x)quel(s) ils souhaitent
s’identifier à un moment précis. De ce fait, ils évoluent dans un espace linguistique à plusieurs
dimensions (et non dans un continuum linéaire) dont les pôles sont moins les variétés elles-
mêmes que des représentations abstraites.

On conçoit combien ces études sont précieuses pour étudier le cas qui nous occupe : [...]
(LING_381_0041)

Dans (62), le paragraphe comporte plusieurs indices marquant le positionnement du


locuteur. Le premier est le syntagme « en suivant P# Dixi-24 (1988) », où le verbe suivre
au gérondif signale que le locuteur s’appuie sur le cadre théorique de ê-d, ce qui s’exprime
également avec le syntagme « nous considérons » dans la phrase suivante, indiquant
l’opinion du locuteur. Après la référence, qui présente le pdv de ê-d sur les positions de
la consonne de liaison et celle de l’occlusion glottale, le locuteur affirme ce pdv avec la
phrase « on trouve effectivement des nombreuses réalisations du type... » où l’adverbe
effectivement signale que le locuteur trouve le pdv de ê-d correct.

(62) Considérons à présent la question de l’enchaînement. En suivant P# Dixi-24 (1988), nous


considérons non enchaînées toutes les réalisations de la consonne de liaison en finale du mot
liaisonnant (M1). Il existe alors une forme de discontinuité (légère pause-hésitation et/ou coup
de glotte) entre la consonne de liaison ainsi réalisée et le début de la voyelle du mot suivant
(M2). Pour P# Dixi-24, la consonne de liaison occupe la position de coda de la dernière syllabe
de M1 et l’occlusion glottale occupe la position d’attaque de la syllabe initiale de M2. Dans la
lecture à haute voix du texte PFC, on trouve effectivement de nombreuses réalisations du type
les manifestations qui ont [õtʔy] eu tendance. (LF_169_0103)

Dans l’exemple (63) ci-après avec dans, le locuteur avance qu’il utilisera les
aménagements suggérés par les ê-d et qu’il s’appuiera sur leur définition. La convergence
se manifeste au niveau de l’énoncé à travers les verbes apporter et emprunter dont le
sémantisme indique l’emprunt. Ici, nous avons également le pronom nous qui vient

44
renforcer la position du locuteur. La démarcation par rapport à la ScaPoLine signalée par
cependant renforce également la concordance avec les ê-d Dixi-4 et Dixi-5.

(63) Notre étude s’inscrira globalement dans le cadre théorique de la ScaPoLine (dans la version
présentée dans Dixi-2 e.a. 2004) ; nous y apporterons cependant les aménagements suggérés
dans Dixi-4 & Dixi-5 (2005) et c’est à cet article que nous emprunterons notre définition de la
notion de « prise en charge » (section 1). Nous reformulerons dans ce cadre la description des
emplois de il est vrai en français contemporain (section 2), puis nous aborderons l’étude des
occurrences de français médiéval (section 3). (LF_162_0129)

Dans (64), la convergence se traduit par l’adjectif appréciatif rigoureuse et les deux
propositions « Ce qui a attiré notre attention » et « car, en parcourant les corpus oraux,
nous avons pu remarquer que... ». L’emploi de l’adjectif rigoureuse indique une forme
d’appréciation favorable de la description du discours conflictuel présentée par ê-d. Avec
les deux propositions, le locuteur exprime qu’il trouve la dimension illocutoire détaillée
par ê-d intéressante, comme elle renforce ses propres observations concernant
l’expression autrement et le contexte dans lequel elle opère.

(64) Dans Dixi-14 (1987), l’auteur offre une description rigoureuse du discours conflictuel, ses
enjeux et ses comportements discursifs. Ce qui a attiré notre attention, c’est cette dimension
illocutoire à caractère de rejet et de reproche inhérente à ces actes polémiques car, en parcourant
les corpus oraux, nous avons pu remarquer que autrement1 pourrait être un candidat qui se prête
à ce genre de contexte. (LF_161_0147)

Ci-dessous, les exemples (65) et (66) illustrent la fonction de convergence avec chez.
Dans (65), il est question d’une affirmation de la dimension autobiographique chez Dixi-
2. La position du locuteur se reflète à travers la phrase « les connotations enfantines
semblent, en effet, occuper une place prépondérante », où l’adverbe en effet possède une
valeur de confirmation.

(65) Chez Pnn Dixi-2, la dimension autobiographique s’appuie plus précisément sur une forme de
retour à l’enfance, liée à la quête d’une langue première fondée sur les connotations
individuelles. Dans la structuration des connotations, les connotations enfantines semblent, en
effet, occuper une place prépondérante. (LING_372_0113)

Dans (66) la référence, mise en note, se compose de plusieurs ê-d dont le locuteur est
l’un. Comme c’est souvent le cas avec les références en note, elles sont exploitées afin de
renvoyer le lecteur à d’autres publications. Ce qui distingue cette référence
« localisatrice » de celles analysées plus tôt est qu’elle présente également la position du
locuteur vis-à-vis le contenu des publications citées. La convergence est exprimée par la
subordonnée « qui doivent amener à privilégier l’analyse à portée sémantique ». Le
sémantisme des verbes devoir et privilégier indique que les pdv des ê-d sur l’analyse à
portée sémantique et celui du locuteur sont compatibles et qu’il trouve leurs arguments
convaincants. Cet impression est renforcée par le fait que le locuteur renvoie à sa propre
publication (Dixi-1), même s’il arrive que le locuteur conteste ses propres résultats,
comme dans exemple (76).

(66) De nombreuses références récentes consacrées au français ont apporté des éléments probants
en faveur de (2)3, de P# Dixi-18 et P# Dixi-19 (2006) à P# Dixi-1 (2011). Il nous sera impossible
de les détailler ici4, mais en très bref, l’intérêt de l’approche à portée sémantique (2) est
d’expliquer de façon élégante et économique (car sans hypothèses supplémentaires)5 toute une
série de données.

45
4. On trouvera chez Dixi-21 (2003), Dixi-22 (2011, 2012), Dixi-1 (2011), entre autres, une
multitude d’arguments qui doivent amener à privilégier l’analyse à portée sémantique.
(LF_173_0115)

Parmi les prépositions moins répandues dans le corpus, l’emploi de depuis se manifeste
soit pour des fins descriptives, soit pour introduire un pdv conforme avec celui du
locuteur. Depuis est surtout mobilisée avec la référence pour signaler un fait censé être
connu par la communauté scientifique (on sait depuis Dixi que pdv), pour souligner
l’appartenance d’une approche ou d’une notion à un ê-d spécifique ou pour marquer la
naissance d’un paradigme ou d’un courant, comme le note Rinck (2006 : 347). Dans (67),
la référence à fonction de convergence est employée pour attribuer à ê-d l’analyse du
verbe douter. La convergence est marquée par les adverbiaux argumentatives en effet et
pourtant, qui font avancer l’argumentation. Finalement, la phrase « C’est ce qu’illustre
(20a), qui présuppose bien (20b) et non pas (20c) » renvoie aux exemples qui servent de
support de l’affirmation.

(67) En effet, en (19) le locuteur laisse clairement entendre que selon lui, Jean n’est pas en maîtrise,
mais sans doute à un niveau d’étude plus avancé. Pourtant douter est un verbe qui est analysé
depuis P# Dixi-17 (1973) comme laissant passer les présuppositions (ce qu’il a appelé un hole).
C’est ce qu’illustre (20a), qui présuppose bien (20b) et non pas (20c). (LF_165_0103)

9.2.1.3 La fonction de convergence partielle


La référence à fonction de convergence partielle constitue une forme d’accord faible ou
de concession. Parmi les prépositions recherchées dans le corpus, c’est surtout selon avec
la référence qui remplit cette fonction. Dans (68), le marquage de cette convergence faible
se fait par les expressions Pour lui et À mon avis, qui marquent la conviction personnelle
de ê-d et du locuteur. L’adverbe aussi sert également de marquage de la prise de position,
comme il signale que le locuteur admet le pdv de ê-d, même s’il ajoute un élément
d’analyse.

(68) Et toujours selon P# Dixi-41 (2003a : 11 et sq.), à la différence de entre x et y et de x à y, la


construction x à y est possible devant des fractions. Pour lui, ces différences découlent du
sémantisme de x à y, qui désigne une oscillation entre deux valeurs, tandis que les deux autres
expressions désignent des intervalles. À mon avis, ces différences sont aussi le reflet d’une
grammaticalisation plus avancée de x à y. (LF_165_0125)

L’exemple (69) illustre également un accord faible. Ici, le locuteur ne rejette pas le pdv
de ê-d concernant les emplois interrogatifs et leur rapport avec la modalité de l’être, mais
il propose d’ajouter encore un élément à l’analyse. Cette opinion est signalée par
l’adverbe également, indiquant que le locuteur soutient la conclusion des ê-d, mais qu’il
est possible d’ajouter la modalité de faire aux cartes sémantiques des ê-d. L’accord faible
se traduit également par l’énoncé « on peut se demander si », indiquant un certain
scepticisme quant au propos des ê-d et la conjonction mais, signalant une opposition. Le
sémantisme des verbes sembler et suggérer permet au locuteur d’exprimer son avis de
manière moins catégorique. Tous ces indices du positionnement du locuteur se trouvent
dans le paragraphe qui suit la référence.

(69) Cet effet, qui selon P# Dixi-11 et P# Dixi-12 (1998) se développe à partir de la modalité de
l’être, opère une modulation de la force illocutoire de l’énoncé. Nous avons suggéré dans P#
Dixi-3 et P# Dixi-1 (2012) qu’il existe une gradation entre l’interrogative simple, l’interrogative
avec pouvoir et celle avec pouvoir bien :

[…]

46
On peut se demander si tous les emplois interrogatifs peuvent être mis en rapport avec la
modalité de l’être, comme le suggèrent les cartes sémantiques de P# Dixi-11 et P# Dixi-12
(1998). P# Dixi-6 (2001 : 29) propose de paraphraser un énoncé comme (27) par (27a), mais
d’autres gloses possibles (27b-c) semblent suggérer que cet effet de sens discursif peut se
développer également à partir de la modalité du faire. (LF_173_0031)

Dans (70) avec pour, la convergence est signalée par la phrase « Nous ne remettrons pas
en cause cette correspondance entre le contenu propositionnel d’un énoncé et l’état de
chose dénoté par l’énoncé ». La locution verbale niée remettre en cause implique ici que
le locuteur accepte une partie de la définition de ê-d, celle concernant la correspondance
entre le contenu propositionnel d’un énoncé et l’état de chose dénoté par celui-ci. Le
locuteur est représenté par le pronom nous, marquant la prise de position. Le pdv contrasté
est exprimé dans la phrase suivante, introduite par la conjonction mais, signalant une
opposition. Avec les deux propositions « ce critère n’est pas clair » ainsi que « il ne saurait
être le seul critère pour fonder la PEC » le locuteur indique qu’il ne s’inscrit pas à
proprement parler dans le cadre théorique de ê-d comme il considère que le critère sur
lequel se base la définition de ê-d n’est pas suffisamment approfondi.

(70) Une des définitions de la PEC qui fait consensus articule la notion avec celle de vérité. La PEC,
pour Dixi-11, correspond au fait de « dire ce qu’on croit être vrai. Toute assertion (affirmative
ou négative) est une prise en charge par un énonciateur » (1980 : 184). Nous ne remettrons pas
en cause cette correspondance entre le contenu propositionnel d’un énoncé et l’état de chose
dénoté par l’énoncé, mais nous montrerons d’une part que ce critère n’est pas clair, relativement
à la définition de la vérité, d’autre part qu’il ne saurait être le seul critère pour fonder la PEC.
(LF_162_0071)

9.2.1.4 La fonction de divergence


La référence sous forme de syntagme prépositionnel peut aussi apparaître quand les pdv
du locuteur et de ê-d sont incompatibles. La divergence s’annonce notamment dans les
sections d’analyse ou celles qui exposent les hypothèses et diverses problématiques. Il y
a moins d’indices argumentatifs avec la divergence qu’avec la fonction de convergence.
Il s’agit dans la plupart des cas de propositions comme dans (71) ci-dessous ou
d’expressions du type après tout et force est de constater. Souvent, la fonction de
divergence se manifeste avec les expressions argumentatives marquant l’opposition ou la
concession (or, cependant, mais). La divergence peut également être marquée par des
adjectifs appréciatifs. Parfois la position du locuteur est affirmée à travers des
propositions exprimant explicitement le désaccord, on voit mal, mon analyse diffère de la
leur, cette analyse demande des précisions.
Les références avec la préposition selon montrent le nombre d’occurrences le plus
élevé dans cette fonction, souvent dans une note de bas de page comme dans l’exemple
(72). Il n’est pas rare que la prise de position du locuteur s’exprime dans un autre
paragraphe que celui contenant la référence, ce qu’illustre (71). Le pdv de ê-d est introduit
au début du premier paragraphe et la divergence est exprimée par la proposition au début
du paragraphe suivant : « cette analyse pose un problème de fond pour l’emploi de la
notion de commitment », ainsi que la phrase suivante introduite par l’adverbe
argumentatif en effet « En effet, on peut s’interroger sur la pertinence qu’il y a à soutenir
qu’un locuteur... » où le sémantisme du verbe s’interroger marque la position sceptique
du locuteur.

(71) Selon Dixi-10, le type déclaratif indique que le contenu sémantique de l’énoncé est une
proposition associée à un commitment. Il revient à l’intonation de spécifier la source de ce
commitment, c’est-à-dire l’agent qui est engagé par l’énoncé : une intonation descendante
marque un commitment du locuteur, alors qu’une intonation montante marque un commitment
de l’interlocuteur5.

47
Cette analyse pose un problème de fond pour l’emploi de la notion de commitment. En effet,
on peut s’interroger sur la pertinence qu’il y a à soutenir qu’un locuteur, quand il profère un
certain type d’énoncé ne s’engage pas lui-même, mais engage son interlocuteur.
(LF_162_0089)

Dans l’exemple (72) suivant, le pdv rapporté est mis en note. La divergence est marquée
par l’adverbe en fait à valeur d’opposition au début de la phrase suivante la référence.
Ensuite, il y a la phrase « elle se fait rare de nos jours dans les grammaires du français »,
qui est une réponse au propos de ê-d que la tripartition traditionnelle entre realis,
potentialis et irrealis est « généralement maintenue » dans les grammaires françaises. Le
locuteur ne se présente pas sous forme d’un pronom nous ou je, mais il apparaît après
l’assertion « elle se fait rare de nos jours dans les grammaires du français » sous forme
d’une référence – une mention entre parenthèses – justifiant sa propre assertion.

(72) Cette analyse des constructions conditionnelles canoniques 15, qui repose sur la distinction
fondamentale opérée par la morphologie verbale dans l’espace sémiotique du français entre
tiroirs noncaux (catégorie I) et tiroirs toncaux (catégories II et III), lesquels dénotent l’attitude
épistémique positive (AEP) et l’attitude épistémique négative (AEN) respectivement, s’oppose
à la tripartition traditionnelle, héritée de la grammaire latine, entre realis, potentialis et
irrealis16, liée aux constructions de catégorie I, II et III, ainsi qu’à l’analyse éclatée («
homonymique ») de la catégorie II qui, selon la plupart des grammaires françaises, relèverait à
la fois du « potentiel » et de l’« irréel ».

16. Selon Dixi-25 (2008a : 44), cette tripartition serait « généralement maintenue » dans les
grammaires du français. En fait, si elle subsiste généralement dans les grammaires de l’espagnol
et de l’italien, elle se fait rare de nos jours dans les grammaires du français (Dixi-1 à par. a).
(LF_164_0097)

Les références introduites par la préposition pour figurent aussi parmi les occurrences qui
expriment la divergence. Dans (73), le locuteur présente le pdv des ê-d en résumant leur
explication de l’interprétation de la variable introduite par l’expression quoi que ce soit.
Après le bloc citationnel, le locuteur se distancie des ê-d en affirmant que « Cette
proposition soulève plusieurs difficultés ». La troisième phrase « Le point principal de
notre critique est que... » témoigne également des pdv incompatibles, où le locuteur
affirme que l’interprétation de l’indéfini proposée par des ê-d n’est pas applicable dans
tous les contextes.

(73) Pour les emplois universels, il ne suffit plus de dire que quoi que ce soit introduit une variable,
il faut expliquer pourquoi cette variable s’interprète dans la portée d’une quantification
universelle. Pour P# Dixi-10 et P# Dixi-11, il en est ainsi dans les cas où l’interprétation de
l’indéfini est générique. Cette possibilité serait ouverte pour l’indéfini any comme elle l’est
pour l’indéfini a :

The sole difference between PS any and FC any lies in the interpretation of the indefinite NP: in the
case of FC any, it is an indefinite interpreted generically. (op. cit. : 374)

Cette proposition soulève plusieurs difficultés. Nous allons considérer ici seulement les
difficultés liées à l’application à quoi que ce soit, sans discuter le fait qu’elles concernent ou non
any. Le point principal de notre critique est que l’interprétation universelle de quoi que ce soit
s’observe dans toute une série de contextes dans lesquels l’interprétation générique de l’indéfini
un ne peut pas se produire. (LF_166_0017)

Dans (74), le locuteur présente le pdv de ê-d concernant l’impossibilité d’une hiérarchie
entre les énonciateurs/pdv. Ensuite il s’éloigne de ce pdv en affirmant que « Il semble

48
cependant que de telles restrictions ne puissent être maintenues ». Les adverbes
cependant et or, marquant l’opposition, renforcent la prise de position. Dans les phrases
suivantes, le locuteur explique sa position et son interprétation du modèle polyphonique
adapté par ê-d.

(74) c) Dernier point, le problème d’une possible hiérarchie entre les énonciateurs/pdv. Pour Dixi-
1946, il ne peut y voir aucune hiérarchie entre les énonciateurs/pdv, et en particulier, un
énonciateur/pdv ne peut mettre en scène un autre énonciateur/pdv, ce rôle étant le privilège
exclusif du locuteur. Il semble cependant que de telles restrictions ne puissent être maintenues.
Dans le cas de la négation, le modèle polyphonique qui en est proposé et qui est largement
adopté en sémantique (y compris par Dixi-19 lui-même) voit un énonciateur/pdv s’opposer à
un premier énonciateur/pdv. Or ces deux énonciateurs/pdv ne sont donc pas symétriques : le
premier est pour ainsi dire antérieur au second, d’où une hiérarchie entre les deux. Même
problème pour la présupposition. (LF_164_0011)

Les références avec dans peuvent également introduire un pdv non conforme à celui du
locuteur. La prise de distance peut concerner tous les éléments d’un article scientifique :
analyses, résultats, choix terminologiques, concepts etc. Dans l’exemple (75), le locuteur
s’oppose aux paraphrases proposées par les ê-d. Outre la négation, la divergence se
manifeste ici par l’utilisation du connecteur contrairement à, qui marque l’incompatibilité
avec les pdv de Dixi-7 et Dixi-3. Selon Boch et al. (2007 : 112) les expressions de ce
type, productives dans l’écriture scientifique, s’utilisent pour créer « une rhétorique du
dissensus ». L’adverbe plutôt introduit la rectification du locuteur et marque ainsi la
divergence.

(75) Quoi que ce soit ne se paraphrase pas par rien contrairement à ce qui est dit dans P# Dixi-7
(1991 : 317) et suggéré dans P# Dixi-3 (2007) qui paraphrase, avec l’interprétation universelle
négative, qui que ce soit par personne. Cette forme se paraphrase plutôt par absolument rien.
(LF_166_0073)

La particularité des références avec dans est qu’elles renvoient souvent aux travaux du
locuteur à un niveau plus élevé que les autres prépositions, à la fois pour renforcer un
argument ou une analyse, pour des buts descriptifs et pour se diverger des résultats
préalables. Le locuteur renvoie alors à ses propres publications afin de fournir des
informations complémentaires (le corpus est décrit dans Dixi-1), pour reprendre des
hypothèses ou analyses (nous reprendrons l’analyse de Dixi-1) ou pour renforcer son
argumentation (en effet, comme nous avons montré dans Dixi-1). Ci-après (76), le
locuteur fait référence à une de ses propres publications (Dixi-1) co-rédigée avec deux
autres auteurs. Dans le paragraphe suivant, il affirme que « il me semble aujourd’hui que
nous nous sommes trompés », suivi de son explication, introduite par l’adverbe en effet.
La négation ne…guère sert également de marquage de la divergence.

(76) Dans Dixi-1, Dixi-10 & Dixi-11 (2004), nous avons argumenté en faveur de l’existence d’un
allocutaire de l’énoncé, c’est-à-dire de a0. Nous proposions l’hypothèse selon laquelle a 0
(comme l0) se trouve dans le MODUS. Selon cette hypothèse, nous aurions une trace de a 0 dans
un énoncé tel que (16) :
[…]
Nous avions ainsi associé la notion d’ê-d de l’énoncé à celle de monstration [...]. Il me semble
aujourd’hui que nous nous sommes trompés. En effet, l’expression vous savez ne sert guère à
introduire un pdv au sens propre dans (16). (LF_164_0081)

Finalement, nous avons les références introduites par chez, avec lesquelles le locuteur
peut remettre en cause toute une théorie ou un aspect particulier d’une approche, d’une

49
définition ou d’une affirmation. Dans (77), le locuteur adresse la notion de « langue de
culture ». Le marquage de divergence se présente ici par le syntagme « un peu
différemment » dans la proposition « que nous nous définirons un peu différemment de
ce qui est fait chez P# Dixi-51 et P# Dixi-52 (2004) ». Le locuteur remet ainsi en cause
une partie de la définition de ê-d. Le marquage se traduit également par la proposition
introduite par l’adverbe plutôt, où le locuteur explique quel aspect de la définition qu’il a
choisi d’exclure. Avec l’adverbe en effet, il présente sa propre définition et l’adverbe ainsi
sert à marquer la suite d’un raisonnement. Sa prise de position est renforcée par le
syntagme « à notre avis » exprimant une conviction personnelle du locuteur.

(77) Ceci nous renvoie à l’importance que peut jouer l’imaginaire linguistique comme adhésion
tacite ou reconfiguration à des images d’une part, et la notion de langue de culture, que nous
définirons un peu différemment de ce qui est fait chez P# Dixi-51 et P# Dixi-52 (2004). Plutôt
que d’opposer « valeur informationnelle » et « valeur communicationnelle », en effet, nous
choisirons d’appeler langue de culture, du point de vue de l’usager, une langue faisant l’objet
d’un choix spécifique, d’un travail, d’une recherche, d’une attribution de valeur. Ainsi, les
usages véhiculaires d’une langue ne sont, à notre avis, nullement à distinguer de ses usages «
de culture » si ces usages sont pensés en fonction d’une orientation spécifique, dans le rapport
à une altérité qui peut aussi être une manière de se défaire de ce que sa propre langue,
précisément, a de véhiculaire. (LF_167_0013)

Dans (78) le locuteur remet en question une partie du cadre théorique de ê-d, celle
concernant la fluctuation entre les notions de système et de structure. Comme mentionné
sous la section 7.1, la fonction de divergence est souvent liée aux constructions
impersonnelles de type il semble que et il paraît que, ce qui est également le cas ici. La
divergence est explicitée dans la phrase introduite par l’adverbe personnellement
« Personnellement, il nous paraît préférable de dissocier nettement chacune d’elles ».
L’adjectif appréciatif préférable signale que le locuteur, contrairement à ê-d, préfère
traiter les deux notions séparément. Le sémantisme du verbe paraître permet au locuteur
d’exprimer son pdv opposé de façon plus délicate. L’adverbe personnellement, indiquant
la conviction personnelle du locuteur, renforce la prise de position du locuteur, qui se
présente sous forme du pronom sujet nous.

(78) En fait, il semble que l’on retrouve chez Dixi-2 la fluctuation, signalée plus haut par Dixi-21,
entre les notions de système et de structure. Personnellement, il nous paraît préférable de
dissocier nettement chacune d’elles : le système désignerait alors l’ensemble des unités
mutuellement exclusives qui entrent dans un rapport d’opposition, tel le système phonologique,
alors que la structure renverrait soit aux relations paradigmatiques internes au système, soit, si
l’on se place au niveau du discours, aux rapports de dépendance qui s’établissent entre les unités
qui le constituent sur l’axe syntagmatique. (LING_501_0035)

9.2.2 RéB–CC introduite par une locution prépositionnelle


Comme déjà signalé dans 9.1, la référence bibliographique introduite par une locution
prépositionnelle se manifeste environ 60 fois dans le corpus. À la différence des
constructions prépositionnelles, la construction locutionnelle semble posséder une valeur
plus argumentative, notamment convergente. En renvoyant à une terminologie ou à un
cadre théorique, elle s’utilise lorsque le locuteur formule ses hypothèses de travail ou
argumente dans son analyse. Le pdv rapporté est soit propositionnel, soit terminologique,
le premier étant le plus fréquent. Comme déjà évoqué, les pdv introduits par cette
construction prennent globalement la forme d’une reformulation, mais il arrive qu’elle
présente des pdv en forme d’îlots textuels et de citations, bien que cela soit moins
fréquent. Les locutions les plus courantes sont à la suite de et à l’instar de. Même sans
autres indices argumentatifs, le sens lexical des locutions sous-entend la convergence.

50
Elles peuvent être accompagnées d’adverbiaux et de connecteurs ayant une valeur
explicative ou causale. Le sujet est souvent un pronom déictique à la première personne
avec un verbe de constat, d’opinion ou d’apparence.
Pour la locution à la suite de, la convergence est souvent exprimée de façon
catégorique, comme dans (79). L’ajout des références introduites par la locution dans la
ligne de, dont le locuteur est l’un des ê-d (Dixi-1), montre également l’appartenance de
tous les ê-d mentionnés dans le même paradigme théorique. Cette valeur argumentative
est renforcée par « nous considérons que » qui formule l’opinion du locuteur. Dans
l’énoncé suivant, le locuteur s’éloigne des pdv des « nombreux linguistes ». Cette
distanciation, signalée par le verbe démarquer, renforce la filiation avec les ê-d cités dans
les deux références au début du paragraphe.

(79) À la suite de Dixi-4 & Dixi-5, et dans la ligne de Dixi-2 (1991) et (1993) et de Dixi-1 & Dixi-
2 (2005), nous considérons que, dans tous les cas, comme fonctionne en sous-jacence comme
un adverbe « chevillant » deux relations prédicatives qu’il qualifie quant à la manière (ou, plus
généralement, quant au « modus » – càd. la manière de faire ou le mode d’être). Nous nous
démarquons sur ce point des nombreux linguistes qui voient dans comme tantôt un adverbe,
tantôt une conjonction, voire même une préposition, cf. entre autres Dixi-7 (1998), Dixi-8
(1998), Dixi-9 (1999). (LF_159_0067)

Cette locution a également une propriété inhérente de véhiculer une valeur argumentative.
Dans (80), la référence est employée pour signaler l’appui sur le cadre théorique de ê-d
en ce qui concerne la réalisation de la liaison. Outre l’expression « ceci étant posé », ayant
ici une valeur concessive, le paragraphe ne comporte aucun connecteur argumentatif,
mais l’appui se traduit à travers le sens lexical de la locution ainsi que du verbe admettre,
avec un sujet nous, signalant que le locuteur adhère au pdv de ê-d.

(80) Ceci étant posé, examinons les mécanismes à l’œuvre dans la réalisation de la liaison. À la suite
de P# Dixi-7 (2005), nous admettrons que les deux dynamiques à l’œuvre dans la réalisation de
la liaison sont la tendance à l’enchaînement généralisé (ce qui est représenté en OT par le
contrainte ATTAQUE « toute syllabe doit avoir une attaque ») et la tendance à l’amuïssement
des codas (PASDECODA « une syllabe n’a pas de coda »). (LF_169_0079)

Les références introduites par à la suite de sont souvent employées pour renvoyer à un
pdv terminologique. Elles se manifestent parfois en position insérée entre deux virgules
ou deux tirets. Souvent, elles sont mises en note, comme dans l’exemple (81) ci-après.
Ici, la référence signale que le terme dynamique polyphonique est compris tel que défini
par ê-d. Le pdv de ê-d est rapporté sous forme de deux îlots textuels qui représentent
littéralement la conviction de ê-d. Comme dans l’exemple plus haut, ce paragraphe ne
comporte non pas d’indices argumentatifs, mais c’est la valeur inhérente de la locution
qui montre la position du locuteur – il s’appuie sur le cadre théorique de ê-d. La référence
est accompagnée du pronom sujet je, souvent lié aux références à fonction de convergence
dans notre corpus.

(81) Nous voudrions en revanche insister ici sur le besoin de maintenir une pluralité de critères, et
montrer que le comportement syntaxique de FR et PR illustre en réalité le rôle joué dans la
dynamique polyphonique10 qu’ils aident à construire.

10. Par dynamique polyphonique j’entends, à la suite d’Dixi-3 (1983 :345), une certaine
« stratégie discursive », qui peut « être réalisée de différentes façons, y compris syntaxique ».
(LF_161_0023)

La locution à l’instar de est également liée à la fonction de convergence. Les références


introduites par cette locution sont souvent accompagnées d’indices argumentatifs sous

51
des formes différentes, ce qu’illustre (82) ci-dessous. Ici, nous avons un exemple où la
locution précède la référence qui a comme fonction de montrer la convergence. On voit
que le locuteur adopte la même conception de la syllabe fermée que ê-d Dixi-13. La
convergence est encore plus apparente quand la référence est mise en contraste avec un
autre pdv rejeté, « les observations de Dixi-14 », introduit par malgré. Le locuteur
apparaît également sous forme du pronom personnel nous et marque la prise en charge de
cette démarche méthodologique.

(82) C’est le maintien des variantes méridionales systématiques dans les situations où le FS s’en
écarte qui a été mesuré ici, pour vérifier jusqu’à quel point les exceptions du FS dans ce domaine
ont pénétré dans la région. On a ainsi examiné toutes les occurrences de ces exceptions, c’est-
à-dire tous les contextes où le FS dévie de la stricte distribution complémentaire ou de la
réalisation [a], dans le dernier cas. À l’instar de Dixi-1311 et malgré les observations de Dixi-
1412, nous avons traité les voyelles suivies d’une seule consonne et d’un /ə/ – par exemple dans
pôle – comme appartenant à une syllabe fermée. (LING_421_0053)

Mais la locution à l’instar de possède également une valeur argumentative inhérente et


s’utilise sans des marques explicites. Dans (83), la référence sert à renforcer l’observation
du locuteur concernant les terminaisons graphiques féminines en -e. Le contexte local ne
comporte pas d’indices argumentatifs mais c’est la valeur inhérente de la locution elle-
même, accompagnée du pronom nous, qui signale que le locuteur adhère au pdv du ê-d
Dixi-16 et que leurs résultats sont cohérents.

(83) Plus communément, à l’instar de P# Dixi-16 (2006), nous avons observé que la majorité des
terminaisons graphiques féminines (suffixes ou non) présentent un –e : –ée, –ie, –ette, –ade, –
ure, –ence, –esse, –ise, –ine, –ière, etc., contrairement aux masculines : –eu, –is, –in, –ier, –
eau, –at, –er, –et, –ou, –al, etc. (LF_168_0071)

Bien que cela soit moins fréquent, la référence dans une construction locutionnelle peut
avoir une visée descriptive. Dans (84), la référence est employée pour résumer brièvement
deux théories sur l’évolution de l’interjection ouais. Le verbe décrire dans « nous
pouvons décrire assez simplement » explicite la fonction de la référence. Le contraste
entre deux courants représentés par les expressions les uns... les autres donne également
l’impression qu’il s’agit d’une récapitulation de deux conceptions. Ce sont ainsi les
chercheurs désignés les uns qui, à la suite des ê-d de la référence, considèrent que ouais
est une forme dérivée de oui, et non pas le locuteur.

(84) En nous appuyant sur le TLF, nous pouvons décrire assez simplement les deux théories qui
décrivent la coexistence dans l’histoire de la langue de ces deux termes. Pour les uns6, à la suite
de Dixi-12 et Dixi-13, ouais est une forme dérivée de oui, pour les autres, ouais est issu
de « oyez ». Pnn Dixi-14 (1971), qui est à l’origine de cette hypothèse, montre comment on a
pu passer du sens de « écoutez » de oyez à la valeur de « surprise » qui fut d’abord celle de ouais
dans ses premiers emplois7. (LF_161_0115)

L’exemple (85) illustre une référence qui sert à informer le lecteur que la notion de
« génie » chez Dixi-2 a été inspirée par les idées de ê-d cité, Dixi-52. Comme déjà
mentionné à plusieurs reprises, la fonction de description se caractérise par le manque
d’indices argumentatifs signalant la position du locuteur, comme c’est également le cas
ici. Qui plus est, le paragraphe ne contient pas de données empiriques ni des résultats. Par
contre, il est principalement rédigé au passé, l’un des traits typiques de cette fonction, qui
renforce l’impression qu’il s’agit d’un récit narratif.

(85) C’est dans un esprit parfaitement lansonien que Dixi-2 soulignait également que tout « chef-
d’œuvre » est en premier lieu la somme des intentions de son époque, qu’il dépasse toujours

52
cependant. À l’instar de Dixi-52, Dixi-2 suggérait aussi que si l’on veut identifier un « génie »,
il faut pour cela se créer un arrière-plan et prêter attention également aux auteurs moyens, car
ce sont eux justement, comme l’affirmait Dixi-52, qui sont à la température de leur milieu et
permettent de « replacer le chef-d’œuvre dans une série, faire apparaître l’homme de génie
comme le produit d’un milieu » (Dixi-52, 1910 : 385-41). (LING_501_0119x)

Le syntagme prépositionnel avec une locution peut également signaler une convergence
partielle, bien que cet emploi soit limité. Ci-dessous (86), le locuteur rappelle les critères
traditionnels de la notion de phrase, tels que ê-d évoqué les a définis. Après l’énumération
des critères (que nous ne citons pas à cause du manque de place), le locuteur signale qu’il
est nécessaire d’ajouter un critère de nature différente. Avec la phrase « il paraît important
d’ajouter un critère d’ordre syntaxique », le locuteur indique à la fois convergence que
divergence, car il admet que les critères existants sont corrects, en même temps qu’il juge
nécessaire d’en ajouter un de nature syntaxique.

(86) Rappelons d’abord, à la suite de Dixi-3 (2002, p. 24-25)3, les critères définitoires traditionnels
de la phrase, qui font appel à des niveaux d’analyse divers :
[…]
Il paraît important d’ajouter un critère d’ordre syntaxique, que l’on appellera catégoriel, selon
lequel la phrase est censée se centrer autour d’un verbe et qui semble également rendre compte
d’une représentation répandue, en particulier chez les locuteurs et les grammairiens.
(LING_462_0069)

Bien que très rarement, les locutions prépositionnelles peuvent introduire une référence à
fonction de divergence. Dans ce cas, les références sont généralement employées pour
indiquer l’appartenance d’un cadre théorique ou d’une analyse, comme le montre (87).
Ici, le locuteur discute quel processus, la grammaticalisation ou la lexicalisation, qui est
à l’origine des formes en n’import qu-. Le locuteur affirme que ê-d Dixi-22, dans la lignée
de Dixi-20, ne considère que la grammaticalisation. La référence signale ainsi
l’appartenance de ê-d Dixi-22 au même paradigme théorique que ê-d référencé. Le
locuteur quant à lui attribue la création de l’expression n’importe quel au processus de
lexicalisation. Cette incompatibilité des pdv est exprimée dans le paragraphe suivant,
avec l’assertion « il nous semble que la création de n’importe quel est à rattacher plus
vraisemblablement à un processus de lexicalisation que de grammaticalisation ». Cette
phrase comporte également l’expression impersonnelle à valeur modale il semble que,
accompagnée du pronom nous, qui marque la prise de position du locuteur. Les
expressions impersonnelles de ce type sont couramment utilisées dans le corpus quand le
locuteur met en évidence un pdv contrasté.

(87) À la suite de P# Dixi-20, P# Dixi-22 (2006) ne considère que la grammaticalisation pour les
formes n’importe qu-. Toutefois, il souligne que, bien que sa grammaticalisation soit assez
avancée, la séquence n’importe qu- n’est pas complètement grammaticalisée.

Il nous semble que la création de n’importe quel est à rattacher plus vraisemblablement à un
processus de lexicalisation que de grammaticalisation. Les raisons suivantes motivent ce choix.
(LF_166_0109)

Dans l’exemple (88) ci-dessous, nous avons également un cas où le locuteur indique
l’appartenance à un cadre théorique. Dans le texte intégral, le locuteur discute la difficulté
que pose l’application de la Théorie de Correspondance aux segments discutés. Dans la
note, où se trouve la référence, il évoque la suggestion d’un relecteur anonyme
d’introduire une contrainte venant d’une autre théorie, avancée par ê-d référencé, afin de
pallier cette difficulté. Premièrement, la position divergente du locuteur se montre dans

53
le texte intégral, dans l’énoncé « dont nous ne voyons pas de motivation en dehors de
cette analyse de la liaison » qui précède la note. Ensuite, dans la note, elle se traduit par
l’assertion « les deux analyses ne sont toutefois pas équivalentes et interchangeables » où
l’adverbe toutefois souligne la prise de distance. Dans l’énoncé qui suit, introduit par la
conjonction puisque, le locuteur avance son raisonnement en expliquant qu’il s’agit de
maniement des consonnes flottantes dans la théorie avancée par ê-d. Il termine par
renvoyer le lecteur à son propre travail (Dixi-1) pour une « critique formelle » concernant
l’ancrage des segments flottants.

(88) Il nous est difficile de voir comment ces positions sont compatibles [...] Pour maintenir cette
analyse, il faudrait au minimum un réaménagement important de la Théorie de la
Correspondance, dont nous ne voyons pas de motivation en dehors de cette analyse de la
liaison13.

13. Un relecteur anonyme nous suggère que l’on pourrait pallier cette difficulté en introduisant,
à l’instar de Dixi-13 (1996), une contrainte qui pénalise l’ancrage des segments flottants
(contrainte que Dixi-13 appelle, de manière informelle, Avoid Integrating Floaters), en lieu et
place de la contrainte DEP(L). Les deux analyses ne sont toutefois pas équivalentes et
interchangeables, puisque dans Dixi-13 (1996), les consonnes flottantes ne violent pas les
contraintes de type PARSE et FILL qui correspondent respectivement, mutatis mutandis, aux
contraintes de type MAX et DEP de la théorie de la correspondance. Nous renvoyons également
à Dixi-1 (2006 : 226-227) pour une critique formelle de ce type de fidélité à l’ancrage des
segments flottants. (LF_169_0079)

La quantification et l’analyse des cas jugés représentatifs nous a permis d’élucider


quelques caractéristiques à partir de constructions récurrentes. Nous avons tenté de
fournir quelques observations, bien que prudentes, sur la relation entre la forme de la
référence bibliographique et sa fonction argumentative.
La proposition subordonnée semble être dominée par une fonction argumentative et
s’accompagne souvent d’indices contextuels qui renforcent cette interprétation. Il s’agit
de conjonctions, connecteurs et adverbes argumentatifs ayant une valeur explicative,
causale ou justificative. Elle semble en premier lieu être employée pour renforcer un pdv.
Le syntagme prépositionnel montre une variation plus importante au sein de la
catégorie. Les prépositions les plus neutres comme pour, dans et chez s’associent à la
fonction descriptive tandis que les locutions s’associent à celle de convergence. La
préposition selon possède une caractère plus polyvalente et son emploi se divise assez
uniformément entre les fonctions de convergence et de description. Les prépositions
semblent globalement être mobilisées pour des buts descriptifs. Les locutions impliquent
souvent une forme d’adhésion à un cadre théorique et à son appareil terminologique.

54
10 Conclusion
L’étude de la référence bibliographique dans l’article scientifique en linguistique permet
d’affiner les descriptions existantes de celle-ci. Avec l’objectif de décrire les
représentations des références et d’examiner la relation entre ces formes et leurs fonctions
discursives, notamment argumentatives, nous avons tenté d’approfondir l’analyse de la
référence bibliographique du type Dupont 2020, aussi appelé référence canonique (Rinck
2006) ainsi que certaines formes de la référence non canonique (Rinck 2006), qui
constitue un renvoi au nom seul d’auteur, sans mention d’une date de publication
(Dupont). En prenant comme point de départ les dimensions polyphonique et
argumentative du langage, nous avons également essayé d’élucider, à partir d’occurrences
jugées représentatives, la gestion entre les points de vue de l’auteur et ceux appartenant à
d’autres chercheurs évoqués. Certaines de nos observations confirment les résultats des
travaux existants, d’autres donnent lieu à de nouvelles réflexions et suggèrent de futures
pistes d’analyse intéressantes.
Notre étude se fonde sur un corpus constitué de 308 articles scientifiques en
linguistique, parus entre 2000 et 2014. Bien consciente qu’il s’agit d’un espace de quinze
ans, il est raisonnable de supposer que l’année de publication n’a pas d’impact significatif
sur les résultats, en raison de la forme conventionnelle de la référence examinée et de la
stabilité du genre.
Une première observation est celle du nombre de renvois. L’inventaire du corpus à
l’aide du concordancier Antconc a abouti à plus de 20 000 références dénominatives, à
savoir des renvois aux sources antérieures sous la forme d’un nom propre, le plus souvent
accompagné d’une date de publication. Cela veut dire qu’il existe encore plus de
références sous d’autres formes, par exemple l’une des formes dites non canoniques chez
Rinck (2006), comme les dérivations adjectivales (la théorie dupontienne) et les renvois
aux courants et écoles (le dupontisme).
À partir de l’analyse des emplois réguliers des références, nous avons procédé à un
classement de celles-ci. Nous avons tenté d’esquisser une typologie suscitant le moins
d’ambiguïté possible, avec des catégories exclusives. Ce classement se distingue de ceux
qu’on trouve dans les travaux antérieurs notamment sur deux points importants. Le
premier est qu’il se base sur un seul critère, à savoir le rôle syntaxique de la référence
dans l’énoncé. Le deuxième est qu’il se fonde sur l’analyse d’un corpus de grande échelle.
Cela nous a mené à établir quatre catégories distinctes ; la référence dans le complément
circonstanciel, la référence dans le complément du nom, la référence comme sujet de la
proposition principale et la référence comme évocation entre parenthèses. Ces catégories
rassemblent diverses constructions ayant à la fois des traits particuliers et des
caractéristiques partagées. L’abondance d’occurrences nous a conduite à délimiter
l’examen qualitatif à un nombre de types restreint, à savoir les références
bibliographiques dans les compléments circonstanciels (RéB-CC).
La catégorie de complément circonstanciel se compose d’environ 1 000 occurrences et
réunit deux sous-classes, d’une part la référence bibliographique dans la proposition
subordonnée (comme le note Dupont) et d’autre part la référence bibliographique dans
le syntagme prépositionnel (selon Dupont 2020), ce qui a permis de comparer deux
constructions de nature différente. La première figure avec environ trente verbes
différents dans le corpus. La dernière est introduite par diverses prépositions simples ou
locutions prépositionnelles, dont les plus fréquentes parmi celles examinées sont selon,
pour, dans, chez, à la suite de et à l’instar de.
Notre étude s’inspire de la notion de polyphonie qui postule la plurivocité du langage,
c’est-à-dire la présence d’êtres discursifs autres que le locuteur. Comme les références
bibliographiques visent à rendre compte de la gestion des différentes voix pour rendre
claire l’origine d’un point de vue, l’approche polyphonique, combinée avec une analyse
linguistique textuelle, a été fructueuse pour répondre à nos questions. En général,

55
l’approche polyphonique semble appropriée pour l’analyse de la propriété intellectuelle
et des procédés argumentatifs dans l’article scientifique.
En nous inspirant de la théorie de Boch et al. (2007), nous avons identifié quatre
fonctions principales des RéB-CC : la description, la convergence, la convergence
partielle et la divergence. La référence à fonction descriptive est souvent mobilisée pour
situer l’étude dans un champs d’investigation, d’établir l’état de l’art en la matière et pour
signaler l’existence d’une (ou plusieurs) publication préalable. Elle se caractérise par le
manque d’indices argumentatifs contextuels et par conséquent, la position du locuteur
peut être plus délicate à déterminer.
La propriété argumentative est commune aux fonctions de convergence, de
convergence partielle et de divergence. Le rôle principal de la convergence est de
renforcer un point de vue plus ou moins exploité dans l’argumentation du locuteur. Elle
s’utilise de façon ostensible pour justifier les résultats obtenus, renforcer l’analyse ou
pour souligner une affirmation. Elle peut également être employée pour prendre appui sur
tout ou une partie d’une théorie ou d’un appareil terminologique. Nos observations
indiquent également que la représentation du locuteur sous forme des pronoms sujets je
ou nous se trouve souvent dans le contexte de la référence à fonction convergente. Selon
Tutin (2010 : 31), ces pronoms s’utilisent rarement avec des verbes indiquant une prise
de position de la part du locuteur. Or, à partir de nos observations, les pronoms personnels
apparaissent relativement fréquemment avec des verbes dont le sémantisme implique un
positionnement, comme utiliser, rejoindre et reprendre.
Bien que plus rare, la convergence peut être partielle. Il s’agit d’un accord faible où le
locuteur n’adhère pas au cadre théorique ou aux résultats de l’autrui par tous leurs aspects,
mais il indique que ses idées sont proches ou se chevauchent en partie. Ainsi, cette
fonction fusionne deux fonctions différentes, convergence et divergence en même temps.
Finalement, la fonction de divergence implique que le locuteur se distancie plus ou
moins fortement du pdv de ê-d. Comme avec la convergence, cette catégorie regroupe
plusieurs types de divergence qui peuvent être avancés de manière plus ou moins
catégorique. Il s’agit souvent de prise de distance de la part du locuteur par rapport aux
résultats, au cadre théorique et aux choix méthodologiques.
Comme montré dans la section 7, l’appartenance à ces fonctions peut être plus ou
moins univoque. Le positionnement du locuteur peut parfois être explicité par la valeur
argumentative inhérente à l’expression qui constitue la référence, comme c’est souvent le
cas pour les locutions telles que à la suite de et à l’instar de. Cependant, l’interprétation
de la fonction d’une référence est fortement dépendante de l’un de trois paramètres
différents, à savoir la présence d’indices co-textuels, la taille du contexte et le type de
texte. Les indices co-textuels peuvent expliciter la position de l’auteur. Il s’agit pour la
plupart du temps d’expressions argumentatives au niveau de l’énoncé ou du paragraphe,
comme les connecteurs, les conjonctions ou les adverbiaux (par exemple néanmoins,
cependant, en effet). De plus, l’interprétation peut également être liée aux facteurs tels
que le plan du texte, le cadre théorique choisi et la nature de l’article. Cette variation
interdisciplinaire est également soulevée par Grossmann (2014) comme ayant un impact
net sur la construction du savoir.
Compte tenu du plan de l’étude, nous avons choisi de ne considérer que le paragraphe
dans lequel se trouve la référence analysée. Même si l’absence d’indices apparents peut
nécessiter un contexte élargi, il se peut que l’interprétation soit rendue plus difficile par
la prise en considération dans l’analyse de toute la section, la conclusion ou bien tout
l’article. Par exemple, si certains indices indiquent que la référence est mobilisée afin
d’exprimer une forme de convergence, le locuteur peut exprimer l’inverse dans la
conclusion en suggérant que ses résultats ne sont pas convergents avec ceux de ê-d.
La deuxième observation apparente concerne la divergence, ou plutôt son absence.
L’hypothèse de départ était que les références sont exploitées afin d’avancer
l’argumentation de l’auteur en contraste avec les travaux antérieurs. Après l’analyse de

56
nos données, nous avons constaté que c’est la fonction de convergence qui prévaut, suivie
tout près par la description. Ces deux catégories représentent la grande majorité
d’occurrences du corpus. Les catégories de convergence partielle et de divergence
n’englobent qu’une cinquantaine respectivement une centaine d’occurrences sur les 1 000
révélées.
On peut ainsi se demander si la prise de distance s’exprime par d’autres moyens, par
exemple la référence sous forme de proposition principale ou à travers l’une des
constructions du complément du nom, démonstrative (cette terminologie est celle de
Dupont), génitivale (l’hypothèse de Dupont) ou participiale (l’analyse proposée par
Dupont). Comme nous avons noté dans notre typologie sous 5, ces constructions mettent
l’accent sur la démarche scientifique et la mise en œuvre du savoir. À l’inverse, les
propositions subordonnées et les syntagmes prépositionnels des compléments
circonstanciels peuvent être perçus comme focalisant plutôt sur le chercheur lui-même.
Le nombre faible de références à fonction de divergence peut également être dû à une
sorte de solidarité au sein de la communauté scientifique. De ce fait, la critique est
présentée de manière plus délicate. Bien que rare, la fonction de convergence partielle
semble également valider cette supposition, comme le locuteur, au lieu de montrer la
divergence, focalise sur les aspects convergents entre le point de vue d’autrui et le sien.
Une troisième possibilité concerne l’aspect que nous avons effleuré à plusieurs
reprises, à savoir dans quelle mesure une seule et même référence est utilisée dans la
même fonction dans tout l’article. Dans ce mémoire, la fonction de la référence a été
déterminée à partir du contexte local. Or, il est entièrement possible que la référence à
fonction descriptive soit reprise et qu’elle ait une autre fonction dans la partie d’analyse.
Nous avons vu des indications de ce type de maniement et l’étude de Cheng et Unsworth
(2016) semble valider cette hypothèse. Cela est un aspect que l’on doit garder à l’esprit,
mais qui n’a pas encore été examiné de manière systématique. Il reste alors une piste
d’analyse intéressante pour des études futures.
Même si la fonction principale de la catégorie de complément circonstanciel se divise
de façon relativement uniforme entre celle de convergence et celle de description – la
première étant légèrement prédominante – l’analyse des sous-classes au sein de la
catégorie examinée nous a permis de dévoiler des différences quant aux propriétés
argumentatives. Nos observations suggèrent que la référence bibliographique dans la
proposition subordonnée (comme le note Dupont 2020) comporte une visée
argumentative plus forte que celle dans le syntagme prépositionnel (pour Dupont 2020),
particulièrement en combinaison avec des verbes de constat (remarquer, noter) tels que
Grossmann (2014) les définit. Elle est en premier lieu mobilisée afin de renforcer
l’analyse, justifier les résultats obtenus ou souligner une affirmation.
Le syntagme prépositionnel quant à lui remplit globalement une fonction descriptive.
Cette différence peut s’expliquer par le fait que la proposition subordonnée est
matériellement plus dense et plus longue et convient alors mieux à l’argumentation. Elle
peut également se combiner avec des verbes à sémantiques différentes selon le but du
locuteur. À l’opposé, une entité plus petite et plus neutre, telle que le syntagme
prépositionnel, convient raisonnablement mieux à des fins descriptives. Toutefois, il
existe des syntagmes prépositionnels qui possèdent une valeur argumentative inhérente,
bien que plus rares. En fait, nous avons observé que les prépositions simples les plus
répandues dans le corpus ne possèdent pas de valeur argumentative. C’est par exemple le
cas des prépositions pour, dans et chez et dans une certaine mesure, selon – son propre
sémantisme permet qu’elle est utilisée dans n’importe quelle fonction. Inversement sont
moins fréquentes les prépositions ayant une valeur argumentative inhérente et dont le sens
lexical implique un positionnement du locuteur, généralement convergent, comme les
locutions à la suite de et à l’instar de. Cette observation peut suggérer que ces locutions
s’associent rarement avec les références bibliographiques ou que les auteurs utilisent avec

57
préférence des expressions plus neutres en présentant son objet ou ses résultats, comme
le nombre bas de références à fonction de divergence semble également l’indiquer.
L’étude de la référence bibliographique et sa fonction argumentative a également
donné lieu à quelques réflexions sur la relation entre le point de vue du locuteur et le point
de vue présenté comme sa source. Nous nous sommes demandé si le choix de la forme
du point de vue – le bloc citationnel, la citation, l’îlot textuel la reformulation et la mention
– reflète la position du locuteur. En ce qui concerne les mentions, elles ne font toutefois
pas partie de l’analyse qualitative. Dans le corpus, la plupart des points de vue rapportés
sont sous forme de reformulations, ce qui est en accord avec des études antérieures. Nos
observables indiquent également que cette prédilection s’applique à toutes les fonctions
discursives – la description, la convergence, la convergence partielle et la divergence. Or,
notre analyse suggère que la citation et l’îlot textuel s’associent à la fonction de
convergence dans une plus grande mesure qu’aux autres fonctions discursives. Ces
résultats pourraient suggérer qu’il y a une tendance de rapporter le pdv d’autrui de
manière plus fidèle quand celui-ci correspond avec le pdv du locuteur.
Dans son étude consacrée à selon, Coltier (2003) remarque qu’en paraphrasant les
propos d’autrui, l’auteur assume la responsabilité du contenu. Or, il est parfois difficile
de déterminer la portée de la référence introduisant un point de vue reformulé, et la source
de celui-ci n’est pas aussi évidente. On peut ainsi se demander quelle est la fonction des
citations et des îlots textuels dans les cas où le locuteur indique que le pdv de ê-d et le
sien sont argumentativement alignés. Comme le notent Biardzka et Komur-Thilloy
(2019) par rapport au discours journalistique, l’emploi d’îlots textuels donne au texte une
impression authentique. Elles remarquent cependant qu’en introduisant les segments
guillemetés avec un tour du type selon A, l’auteur du texte met en place un cadre discursif
flou qui brouille la frontière entre ses propres paroles et celles de ê-d (ibid.). Il nous
semble que d’autres expressions examinées dans ce mémoire puissent avoir ce même effet
de brouillage. Ces aspects, l’emploi de discours rapporté ainsi que la portée du point de
vue reformulé, restent inexplorés mais méritent sans doute plus d’attention.
Dans ce mémoire, nous avons tenté de décrire les diverses représentations des
références bibliographiques en position de complément circonstanciel et d’élucider
certains de leurs emplois. À cause des limites de l’analyse, d’autres formes des références
nous ont sûrement échappé, sans oublier les trois catégories qui restent à explorer, à savoir
sujet de la principale, complément de nom et mention entre parenthèses. De plus, une
analyse qui examine l’interprétation reste d’une certaine manière toujours inachevée,
comme il y a toujours d’autres dimensions à considérer.
Finalement, bien que nous n’ayons pas comblé toutes les lacunes, nous espérons que
notre analyse de la référence bibliographique et sa place dans l’écrit scientifique a fourni
quelques éléments explicatifs sur son emploi, ses fonctions argumentatives et enfin sur la
gestion entre les points de vue de l’auteur et ceux appartenant à d’autres chercheurs. Nous
espérons également que nos réflexions ont ouvert des perspectives pour l’étude du
système de références en inspirant à des futures études.

58
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URL: https://journals.openedition.org/pratiques/1447 ; DOI : 10.4000/pratiques.1447,
mis en ligne le 19 juin 2014, consulté le 4 janvier 2020
GROSSMANN, F. et TUTIN, A. (2010), « Evidential markers in French scientifique writing:
the case of the French verb voir », in : Diewald, G et Smirnova, E. (éds), Linguistic
realization of Evidentiality in European Languages, De Gruyter, Inc., Berlin/Boston,
p. 279-380 (https://ebookcentral.proquest.com/lib/uu/detail.action?docID=66916)
consulté le 16 mai 2020.
HYLAND K., et JIANG, K. (2018), « “in this paper we suggest”: changing patterns of
disciplinary metadiscourse », English for specific Purposes Journal, 51, p. 18-30.
MOLINIER, C. (2009), « Les adverbes d’énonciation. Comment les définir et les sous-
classifier ? », Langue française, 2009, 161/1, p. 9-21.
NØLKE H., FLØTTUM K. et C NOREN, C. (2004), ScaPoLine – la théorie Scandinave de la
Polyphonie LinguistiuE, Paris, Kimé.
NOREN, C. (2018), « Attention à la marche. De l’instruction sémantique au texte
polyphonique », in : Ablali, D. et al. (éds), Texte et discours en confrontation dans
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RINCK, F. (2006), « L’article de recherche en Sciences du langage et en Lettres. Figure de
l’auteur et identité disciplinaire du genre », Thèse de doctorat, Université de Grenoble
III, 2006 (https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01881445/document) consulté le 30
décembre 2020.
RINCK, F., FLØTTUM, K. et POUDAT, C. (2017), « Rôles d’auteur et références à d’autres
sources. Comparaison entre écrit et oral », CHIMERA. Romance Corpora and
Linguistic studies, 4.1, p. 117-143.

59
TUTIN, A. (2010), « Dans cet article, nous souhaitons montrer que… Lexique verbal et
positionnement de l’auteur dans les articles en sciences humaines », Lidil, 41/2010,
p. 15-40.

60
11 Appendices
11.1 Consignes éditoriales
Cet appendice contient les consignes éditoriales des revues Langue française et La
linguistique consultées pour l’étude.

11.1.1 Langue Française


Ci-dessous sont affichés les consignes éditoriales de la revue Langue française14
concernant la forme et le placement des références bibliographiques ainsi que la forme
des citations.
Texte d’une citation 1
Pouvant difficilement retourner en Angleterre, son mari la voulant expulsée du royaume, Élisabeth Craven cherche
un protecteur. Christian Frédéric, margrave d’Ansbach, né en 1736, souverain d’un petit royaume enclavé et cousin
de Frédéric II… [Citation]

Légende de tableau [TabFRTitre] 2

Ligne 1 Colonne 1 Ligne 1 Colonne 2 [TabBody]


[TabBody]
Ligne 2 Colonne 1 Ligne 2 Colonne 2 [TabBody]
[TabBody]

Niveau 4
La hiérarchisation des paragraphes ne va pas au-delà du niveau 3. Si vous avez besoin d’un niveau 4,
signalez-le par son numéro (la rédaction s’occupera de la mise en forme). Le titre de ce niveau sera
composé en [Body+Gras]

Renvoi à un article, un ouvrage dans le corps du texte


Dans le corps du texte, la source citée se trouve entre parenthèse :
Selon D. Leeman (2005), la préposition est un mot obligatoire.
D’après D. Leeman, « la préposition est un mot obligatoire » (2005 : 16).
La préposition est un mot obligatoire (Leeman, 2005 : 16).
La préposition est un mot obligatoire (Leeman 2005).

Renvoi à un article, un ouvrage dans les notes de bas de page


Les notes de bas de page [NoteBody] ne contiennent jamais l’initiale du prénom :
1
Pour Leeman (2005), la préposition est un mot obligatoire.

Règles typographiques
Ce sont celles en usage à l’Imprimerie nationale :
– nous préconisons l’usage des guillemets suivants : « ». Les guillemets anglais “ ” ne seront utilisés que dans les
références anglaises. Quand des guillemets sont à l’intérieur d’une phrase déjà entre guillemets, ils ne seront pas
doublés, on utilisera alors les chevrons : < > ;
– on utilisera l’apostrophe en forme de virgule ’ (l’apostrophe prime ' est à proscrire) ;
– le tiret ne doit pas être confondu avec le trait d’union : – = tiret demi-cadratin ; - = trait d’union (qui sépare deux
mots ou deux chiffres) ;
– une ligature entre les lettres oe est demandée là où cela est requis : œ ;

1 Les citations sont fondues dans le texte lorsque leur taille ne dépasse pas 2 lignes. Elles seront mises entre guillemets. Les citations
longues (supérieures à 2 lignes) formeront un paragraphe isolé [Citation]. La référence qui suit une citation se place entre parenthèses.
Elle respecte le format suivant : citation d’un texte littéraire (Auteur, Titre de l’ouvrage, Année de publication), citation d’un auteur
présent en bibliographie (Auteur, année : pages). Toute citation doit avoir une référence.
2 Largeur maximale du tableau 12 cm (format portrait). Si le tableau est plus large, il sera isolé sur une pleine page en format paysage.

La rédaction s’occupera de cette mise en page spécifique. Le tableau sera composé à l’aide de Word ; on appliquera au contenu le
style [TabBody], gras et italique peuvent être utilisés. Les notes insérées dans le tableau figureront, en corps inférieur, sous le tableau
lors de
14 la
Noscomposition automatique.
remerciements à la responsable éditoriale de Langue française qui nous a fourni la feuille de style.

61
11.1.2 La Linguistique
Ci-dessous sont affichées les consignes éditoriales de la revue La Linguistique15 en ce qui
concerne les références bibliographiques, leur placement et l’emploi de l’expression
abrégée cf.

15 https://www.puf.com/sites/default/files/kcfinder/files/Charte_La_linguistique.pdf, consulté 2020-12-27.

62
11.2 Les verbes associés au discours rapporté
Dans cet appendice nous avons rassemblé les verbes associés aux références
bibliographiques sous forme de sujet dans la principale (voir la typologie sous 5). Il s’agit
de verbes introduisant le discours rapporté direct sous forme de citation, de bloc
citationnel et d’îlot textuel ainsi que le discours rapporté indirect, introduit par la
conjonction que. Les verbes sont regroupés dans trois tableaux : discours rapporté direct,
l’îlot textuel et discours rapporté indirect. Comme les îlots textuels se trouvent au sein
d’une reformulation, ils sont affichés séparément. Parmi les 82 verbes différents, douze
apparaissent dans tous les trois tableaux ; conclure, considérer, constater, déplorer,
nommer, noter, observer, poser, préciser, rappeler, souligner et soutenir.
Il est important de souligner que ces listes de verbes ne sont pas exhaustives. Afin
d’identifier les verbes liés au discours rapporté, nous avons relevé toutes les occurrences
de Dixi, plus de 20 000 occurrences, à l’aide du concordancier AntConc. Ensuite, nous
avons examiné le contexte autour de Dixi. Pendant ce parcours, il est possible que certains
verbes nous aient échappées. Tous les verbes sont affichés par l’ordre alphabétique.

11.2.1 Discours rapporté direct


Le tableau 1 regroupe les verbes introduisant les citations et les blocs citationnels alors
que le tableau 2 renferme les verbes liés aux îlots textuels.
Tableau 1. Les verbes associés au discours rapporté direct dans le corpus DiSci-Line
1 Affirmer 25 Justifier
2 Ajouter 26 Établir
3 Analyser 27 Nommer
4 Appeler 28 Noter
5 Avertir 29 Objecter
6 Caractériser 30 Observer
7 Commenter 31 Opérer
8 Conclure 32 Poser
9 Conforter 33 Préciser
10 Considérer 34 Présenter
11 Constater 35 Qualifier
12 Corroborer 36 Rappeler
13 Déclarer 37 Regretter
14 Définir 38 Remarquer
15 Dénommer 39 Relever
16 Déplorer 40 Replacer
17 Désigner 41 Résumer
18 Dire 42 Se terminer
19 Distinguer 43 Séparer
20 Écrire 44 Signaler
21 Entendre 45 Souligner
22 Envisager 46 Soutenir

63
23 Estimer 47 Viser
24 Indiquer

Tableau 2. Les verbes associés à l’îlot textuel dans le corpus DiSci-Line


1 Accorder 26 Nommer
2 Analyser 27 Noter
3 Appeler 28 Observer
4 Caractériser 29 Opérer
5 Catégoriser 30 Parler
6 Conclure 31 Penser
7 Considérer 32 Plaider
8 Constater 33 Poser
9 Décrire 34 Postuler
10 Définir 35 Préciser
11 Dénommer 36 Proposer
12 Déplorer 37 Qualifier
13 Désigner 38 Ranger
14 Distinguer 39 Rappeler
15 Donner 40 Repérer
16 Employer 41 Replacer
17 Entreprendre 42 Reprendre
18 Envisager 43 Se refuser
19 Établir 44 Se terminer
20 Évoquer 45 Séparer
21 Expliquer 46 Situer
22 Exprimer 47 Souligner
23 Identifier 48 Soutenir
24 Justifier 49 Utiliser
25 Montrer

11.2.2 Discours rapporté indirect


Le tableau 3 renferme les verbes associés au discours rapporté indirect, c’est-à-dire les
pdv reformulés et introduits par la conjonction que.
Tableau 3. Les verbes associés au discours rapporté indirect dans le corpus DiSci-Line
1 Admettre 21 Nommer
2 Affirmer 22 Noter
3 Ajouter 23 Objecter
4 Argumenter 24 Observer
5 Avancer 25 Parler

64
6 Conclure 26 Penser
7 Considérer 27 Poser
8 Constater 28 Postuler
9 Déclarer 29 Préciser
10 Déduire 30 Préconiser
11 Défendre 31 Remarquer
12 Démontrer 32 Rappeler
13 Déplorer 33 Reconnaitre
14 Dire 34 Relever
15 Écrire 35 Signaler
16 Estimer 36 Souligner
17 Expliquer 37 Soutenir
18 Indiquer 38 Suggérer
19 Maintenir 39 Trouver
20 Montrer

65
11.3 Tendances quantitatives
Cet appendice contient le classement sur lequel se base notre analyse quantitative.
Comme les fonctions ne se fondent pas sur des critères formels mais plutôt sur une
interprétation contextuelle, il ne s’agit pas de chiffres durs mais d’un parcours
systématique des données afin d’identifier les fonctions prototypiques de la référence.

11.3.1 La référence comme CC proposition subordonnée


Le tableau 4 ci-dessous regroupe le nombre d’occurrences de chaque fonction de [comme
X + verbe] (type comme le dit Dixi, comme Dixi montre etc...), ainsi que la fréquence des
verbes différents.
Comme nous avons évoqué sous 3.2, afin de limiter l’analyse à un nombre
d’occurrences jugé réalisable dans le cadre de ce mémoire, l’extraction d’occurrences a
été limité à certaines expressions et formes, dont la conjonction comme était l’une d’eux.
C’est pourquoi l’analyse de la référence bibliographique dans la proposition subordonnée
se limite à cette forme précise – il est donc probable que le corpus contient des
propositions subordonnées introduites par des formes autres que celle examinée dans
cette étude.
Tableau 4. Le nombre d’occurrences de la référence bibliographique sous forme de proposition
subordonnée introduit par comme (comme (le) verbe (X)) et sa fonction argumentative dans le corpus
DiSci-Line
Fonction Description Convergence Convergence Divergence Inclassable Nb.
partielle total

Total 30 178 25 17 8 258

Verbes

Remarquer 2 25 4 0 0 31

Dire 8 16 1 0 5 30

Noter 1 22 3 0 0 26

Souligner 2 22 0 0 0 24

Montrer 2 16 2 0 0 20

Faire 4 5 4 4 2 19

Signaler 2 13 0 0 0 15

Proposer 0 5 4 2 0 11

Rappeler 0 6 4 0 0 10

Affirmer 1 8 0 0 0 9

Écrire 1 7 0 1 0 9

Divers* 7 33 3 10 1 54
* Le nom divers englobe les 26 verbes avec moins de cinq occurrences. Pour un aperçu de ces verbes,
voir le tableau 5.

Le tableau 5 ci-après comporte tous les verbes faisant partie de la construction CC


proposition subordonne (comme le + verbe).

66
Tableau 5. Les verbes figurant dans la construction CC proposition subordonnée dans le corpus Disci-
Line
Verbe Occurrences Verbe Occurrences
Dire 30 Relever* 3
Noter 26 Expliquer* 2
souligner 24 Observer* 3
Remarquer 31 Vouloir* 2
Montrer 20 Répéter* 2
Faire 19 Analyser* 1
Signaler 15 Décrire* 1
Proposer 11 Exposer* 1
Mentionner 11 Exprimer* 1
Rappeler 10 Évoquer* 1
Écrire 9 Reprocher à* 1
Affirmer 9 Faire valoir* 1
Constater* 5 Croire* 1
Préciser* 5 Discuter* 1
Indiquer* 4 Penser* 1
Démontrer* 4 Poser* 1
Suggérer* 4 Résumer* 1
Soutenir* 3 Souhaiter* 1
Entendre* 3 Supposer* 1

* Les verbes qui sont rangés sous le nom de divers dans le tableau 4.

67
11.3.2 La référence comme syntagme prépositionnel
Comme mentionné sous la section de réflexions méthodologiques (3.2), le corpus DiSci-
Line contient plus de 20 000 références dénominatives. Afin de limiter l’analyse à un
nombre d’occurrences regardé comme suffisant dans le cadre de ce mémoire, nous avons
décidé d’extraire toutes les références bibliographiques introduites par certaines
expressions considérées communes à l’acte de faire référence à autrui.
Dans le tableau 6 ci-dessous sont affichées les expressions recherchées ainsi que la
fréquence avec laquelle elles introduisent la référence bibliographique dans les diverses
fonctions discursives. La colonne à gauche contient les prépositions et les locutions
étudiées et la colonne à droite les différentes fonctions discursives.
Il faut mentionner que les prépositions par et de ont également été recherchées dans le
corpus. Or, comme elles ne se manifestent avec Dixi-# que dans les constructions dites
participiale et démonstrative, faisant partie de la catégorie de complément du nom (le
classement proposé par Dupont 2020, cette terminologie est celle de Dupont), elles ne
font pas partie du tableau 6.
Tableau 6. Le nombre d’occurrences de la référence sous forme de syntagme prépositionnel et sa fonction
argumentative dans le corpus DiSci-Line
Fonction Descriptive Convergence Convergence Divergence Inclassable Nb.
partielle total
Expression
Selon 77 98 13 34 1 223

Pour 123 27 6 16 1 173

Dans 56 23 3 17 0 99

Chez 53 8 2 15 2 80

D’après 4 15 1 4 0 24

Depuis 9 14 0 0 0 23

Après 2 4 0 1 0 7

Avant 0 2 0 0 0 2

A la suite de 7 26 3 3 0 39

A l’instar de 4 6 1 1 0 12

A partir de 3 1 0 0 0 4

Quant à 2 0 0 1 0 3

En écho à 0 1 0 0 0 1

Suite à 0 1 0 0 0 1

Nb. total 340 226 29 92 4 691

68

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