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Introduction

Le transfert de matière (ou transfert de masse) joue un rôle très important dans les opérations
unitaires de base mises en œuvre au cours de la transformation des aliments ou de produits
biologiques (séchage, salage, sucrage, absorption, adsorption, cristallisation, extraction, distillation,
...).

Au cours de ces opérations, le transfert de matière est classiquement le facteur limitant la vitesse du
procédé, même si le transfert de chaleur et le flux du produit peuvent aussi être en cause.

Le transfert de matière a aussi un rôle très important lors de l'emballage des produits et de
leur entreposage : transfert d'humidité, de gaz, de composés de saveur à travers le matériau
d'emballage.

Le transfert de matière consiste en la migration de composés à l'intérieur d'une phase ou entre des
phases.

Cette migration résulte d'un changement dans l'équilibre d'un système causé par une/des
différences de potentiel(s) : différence de concentration d'une espèce d'un point à un autre,
différence de température et/ou différence de pression.

Toute différence de potentiel entraîne une évolution spontanée vers l'uniformité : une différence de
concentration d'un composé entre deux points d'un système entraine donc un transfert de matière
jusqu'à atteindre l'uniformité de concentration.

De manière analogue, une différence de température entraîne un transfert de chaleur jusqu'à


uniformité des températures.

Quantité et flux de matière

Le transfert de matière peut être caractérisé par différentes grandeurs :

 le taux de transfert de matière, qui correspond à la quantité de matière transférée par unité
de temps :

 le flux de matière, qui correspond à la quantité de matière transférée par unité de temps et
de surface (normale à la direction du transfert) :

où :

: quantité de matière transférée (kg ou mol)

: temps (s)
: taux de transfert de de matière (kg.s-1 ou mol.s-1)

: flux de matière (kg.m-2.s-1 ou mol.m-2.s-1)

Modes de transfert de matière

Il existe deux modes principaux de transfert de matière : diffusion et convection.

Diffusion

La diffusion est un processus lent : les molécules migrent dans un solide ou dans un fluide considéré
comme immobile (écoulement laminaire). Exemple : diffusion des molécules de sucre, dispersion par
agitation moléculaire suivant des trajectoires aléatoires entre les molécules d'eau.

Convection

La convection est un processus rapide : les molécules sont entraînées dans un courant de fluide
naturel ou forcé (convection naturelle ou forcée). Exemple : l'agitation avec une cuillère est une
convection forcée.
Définition:

1ère loi de Fick (diffusion)

Formule générale - écriture vectorielle (flux suivant les 3 directions de l'espace) :

Formule pour un flux unidirectionnel (ici suivant l'axe y) :

où :

: flux de diffusion du composé A (kg.m-2.s-1 ou mol.m-2.s-1)

: coefficient de diffusion (ou diffusivité) du composé A dans le milieu B (m2.s-1)

: concentration en composé A (kg.m-3 ou mol.m-3)

: variation de concentration en composé A (kg.m-3 ou mol.m-3)

: distance de transfert ou épaisseur (m)


La 1ère loi de Fick pour le calcul d'un flux diffusif assume que la diffusion de matière résulte
uniquement d'un gradient de concentration. En réalité, la diffusion peut aussi résulter d'un gradient
de température, de pression ou d'une force externe. Cependant, dans la plupart des cas, ces effets
sont négligeables et la force motrice dominante est le gradient de concentration.

Coefficient de diffusion

Le coefficient de diffusion est défini pour un composé dans un milieu : est le coefficient de
diffusion du composé dans le milieu .

Il dépend de la pression et de la température.

Les coefficients de diffusion peuvent être trouvés dans la littérature ou calculés à l'aide de
corrélations.

En phase gazeuse

Corrélation de Fuller et al (1969)

Exemple:

D = 2,42.10-5 m2.s-1 pour vapeur d'eau / air à 20°C

D = 1,47.10-5 m2.s-1 pour CO2 / air à 20°C

D = 2,02.10-5 m2.s-1 pour O2 / air à 20°C

En phase liquide
Corrélations :

 Wilke et Chang (1955)

 Hayduk et Laudi (1974) (eau comme solvant)

 Perkins et Geankoplis (1969) (pour mélange de liquides)

Exemple:

D = 9,3.10-9 m2.s-1 pour H+/ H2O à 25°C

D = 4,6.10-10 m2.s-1 pour sucre / H2O à 20°C

Définition:

2ème loi de Fick (diffusion + convection)

La 2ème loi de Fick prend en compte le transport par le mouvement moyen du fluide.

où :

: vitesse de déplacement de A (m.s-1)

: vitesse de diffusion de A (m.s-1)

: vitesse moyenne de l'écoulement (m.s-1)

Le flux global de composé A ( ) résulte de la somme du flux diffusif ( ) et du flux par transport
convectif ( ):

avec :

où :

: flux global du composé A (kg.m-2.s-1 ou mol.m-2.s-1)

: flux de diffusion du composé A (kg.m-2.s-1 ou mol.m-2.s-1)

: flux par transport convectif du composé A (kg.m-2.s-1 ou mol.m-2.s-1)

: concentration molaire ou massique de A dans le mélange (kg.m-3 ou mol.m-3)

Équation généralisée

Objectif

Obtenir une équation décrivant l'évolution de la concentration d'un composé dans l'espace et avec
le temps.

Méthode:

Faire un bilan de matière sur un élément de volume microscopique


[Entrée - Sortie]par les 3 faces ±Réaction + Accumulation = 0

Variation dans l'espace -> Variation dans le temps

Si est constante, en coordonnées cartésiennes :

Simplifications :
L'équation généralisée du transfert de matière étant complexe, sa résolution l'est également, et pour
des cas un peu complexes (multicomposés, hydrodynamique et/ou cinétique complexes etc...), la
résolution analytique n'est pas possible.

Attention:

Dans la plupart des cas, on utilise une écriture simplifiée du flux de matière en utilisant le coefficient
de transfert de matière.

Coefficient de transfert de matière

où :

: flux de matière (kg.m-2.s-1 ou mol.m-2.s-1)

: coefficient de transfert de matière (m.s-1)

: gradient de concentration (kg.m-3 ou mol.m-3)

Le coefficient de transfert de matière dépend de l'hydrodynamique, de la nature et des propriétés


des fluides, de la géométrie du système.

Écriture du flux de matière à travers des parois successives :


Comment déterminer k ?

 Modèles de transfert de matière

 Corrélations (utilisant nombres adimensionnels)

 Expérimentalement

Modèles de transfert de matière


Différents modèles ont été développés par divers auteurs suivant l'hydrodynamique et la géométrie
du système.
Dans ce cours sont présentés les 2 principaux :
 Modèle du film (Nernst)
 Modèle du double film (Lewis et Whitman)
De nombreux autres modèles sont disponibles dans la littérature (modèle de renouvellement de
surface, modèle de turbulence pour un écoulement à surface libre, par un élément mobile au sein
d'un fluide, par agitation mécanique, pseudo-turbulence...).
Transfert entre fluide et solide : Modèle du film
Tout se passe comme s'il existait au niveau de l'interface fluide/solide un film liquide (ou gazeux)
considéré comme « immobile » d'épaisseur e à travers lequel le transfert du composé A se
fait uniquement par diffusion.
avec :

La concentration est discontinue au niveau de l'interface fluide/solide. En effet, la concentration


en A au niveau de l'interface côté fluide ( ) et côté solide ( ) ne sont pas égales car par
définition, la concentration est le nombre de moles de A (ou la masse de A) sur le volume du
milieu. Or le volume du fluide n'est pas forcément égal au volume de solide. Cependant, il existe
un moyen de les relier. L'interface entre les deux phases étant à l'équilibre thermodynamique, on
peut relier les concentrations à l'interface côté phase 1 ( ) et côté phase 2 ( ) grâce au
coefficient de partage :

Transfert entre 2 phases fluides séparées par une paroi


La situation est similaire au cas précédent, excepté que l'on observe deux sauts de concentration
: un à chaque interface. On doit donc prendre en compte deux coefficients de partage, ce qui
alourdi les calculs. Les calculs sont souvent simplifiés du fait qu'une, voire les deux résistances
aux couches limites, sont négligeables par rapport à la résistance engendrée par la paroi elle-
même.
Transfert entre 2 phases fluides en écoulement turbulent : Modèle du double film
On considère deux fluides non-miscibles avec transfert d'un soluté du fluide 1 vers le fluide 2.
Ce type de transfert fluide-fluide peut se faire entre deux liquides ou entre un gaz et un liquide. Par
exemple, dans un extracteur liquide-liquide, le soluté passe d'une phase aqueuse (fluide 1) vers un
solvant (fluide 2), permettant une purification et/ou une concentration de ce soluté. De même pour
la dépollution d'un gaz : le soluté polluant passe du gaz (fluide 1) vers un liquide (fluide 2).
Le fluide 1 a une concentration en soluté dans son noyau turbulent, et à l'interface.
Le fluide 2 a une concentration en soluté dans son noyau turbulent, et à l'interface.
A l'interface, l'équilibre thermodynamique se traduit par :

où est le coefficient de partage (le rapport des concentrations dans les phases à l'équilibre).
Le flux de matière peut être exprimé dans chaque couche limite :

où et sont les coefficients individuels de transfert de matière.

Corrélations pour déterminer k


Parmi les modèles de transfert de matière, certains permettent de calculer directement de
coefficient de transfert de matière k, mais ce n'est pas le cas de la majorité...
On utilise alors des corrélations disponibles dans la littérature pour estimer k.
Le coefficient k dépend de l'hydrodynamique, de la nature et des propriétés des fluides, de la
géométrie du système :
 : vitesse d'écoulement du fluide
 : dimension caractéristique du système
 : viscosité dynamique du fluide
 :: coefficient de diffusion
 : masse volumique du fluide
On retrouve toutes ces grandeurs dans 3 nombres adimensionnels reliés suivant une équation du
type (analyse dimensionnelle) :

où les nombres de Sherwood ( ), de Reynolds ( ) et de Schmidt ( ) sont, respectivement


:

Expérimentalement

Fluide s'écoulant dans une conduite cylindrique

Par exemple, cas d'un tuyau transportant de la vapeur d'eau, à l'intérieur duquel ruisselle de
l'eau produite par condensation de la vapeur, qui échange de la matière avec la vapeur
circulant dans le tube :

 Écoulement laminaire :

 Écoulement turbulent :
Fluide s'écoulant parallèlement à une paroi plane

La dimension caractéristique du système d est la longueur de la paroi.

Fluide s'écoulant autour d'une sphère isolée


La longueur à prendre en considération pour et est le diamètre de la sphère d.

On obtient un coefficient k moyen sur la surface de la sphère.

L'étude des transferts entre un liquide et des bulles peut être faite à l'aide de cette relation. Il
faut cependant prendre en compte certains facteurs perturbateurs, par exemple l'influence des
agents de surface.

Particules sphériques en suspension dans un liquide agité


et

où est le diamètre des particules, intervenant également comme longueur caractéristique


dans , est la puissance d'agitation par kg de masse totale agitée et est la viscosité
cinématique du liquide.

Cette expression convient également pour des particules non-sphériques, mais qui sont
convexes. Dans ce cas, d sera pris égal au diamètre d'une sphère de même volume que la
particule.

Transfert en convection libre

Le moteur du mouvement est la différence de masse volumique provoquée par la différence


de concentration en soluté du fluide.

et
où est le nombre de Grashoff :

Transferts de matière non stationnaire

Dans certaines situation, le transfert de matière peut être non stationnaire : par exemple
lorsque la concentration de la solution mère varie dans le temps. C'est donc le cas pour
les procédés discontinus (batch).

Exemple:

Saumurage d'un jambon

Mode batch : on met le jambon en contact avec un volume donné de saumure. A mesure
que le sel diffuse à l'intérieur du jambon, la saumure s'appauvrit en sel, donc sa
concentration diminue au cours du temps. Dans l'écriture du gradient de concentration, la
concentration de la saumure diminue à chaque instant.

Mode continu : on met le jambon en contact avec une saumure qui circule en continu
(sans cesse renouvelée). La saumure a concentration en sel fixe dans le temps.

En régime non stationnaire, la variation de la concentration en point donné en fonction


du temps est :

(sans réaction chimique)

La solution de cette équation dépend de la géométrie du solide (aliment) et des


conditions aux limites (à la surface de l'aliment).

Le temps nécessaire pour que la concentration en un point donné du solide (au centre de
l'aliment par exemple) atteigne une valeur cible peut être calculée par :

où :

: paramètre caractérisant le transfert de matière ("vitesse" du transfert : temps requis


pour obtenir une variation d'1 log dans le gradient de concentration) (s)

: paramètre caractérisant le transfert de matière

: concentration du composé dans le fluide environnant l'aliment (kg.m-3)

: concentration initiale du composé au point considéré dans l'aliment (kg.m-3)


: concentration du composé au point considéré dans l'aliment au temps t (kg.m-
3
) (valeur cible)

Les valeurs de et sont à chercher dans des tables en fonction du nombre de Biot ( ), qui
représente le ratio entre la résistance au transfert de matière fluide-solide et la résistance au
transfert de matière à l'intérieur du solide. Le nombre est défini comme suit dans le cadre
du transfert de matière (autre expression en transfert de chaleur) :

où :

: coefficient de transfert de matière par convection entre le fluide et le solide (m.s-1)

: demi-épaisseur du solide (m)

: diffusivité du composé dans le solide (m².s-1)

0,1 0,99979 23,79881


1 0,98609 3,11090
10 0,87431 1,12780
100 0,81848 0,95195
∞ 0,81057 0,93320

L'équation précédente peut être écrite avec des pressions partielles lorsqu'on travaille avec
un gaz, ou encore avec l'activité de l'eau (définie comme pression partielle de vapeur d'eau) :

Cette dernière expression avec l'activité de l'eau peut être utilisée pour prédire l'activité de
l'eau au cœur d'un aliment (biscuit par exemple) suite à un entreposage dans un
environnement ayant une activité de l'eau (humidité) connue (prédiction de la durée de vie
d'un aliment sec ou peu humide).

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