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Introduction

« La division du travail varie en raison


directe du volume et de la densité des
sociétés, et si elle progresse d’une manière
continue au cours du développement
social, c’est que les sociétés deviennent
régulièrement plus denses et très
généralement plus volumineuses. »
(Durkheim, 1930,1991, p.244)

Pour Smith, la Division du travail a pour origine le penchant naturel de l’homme à « trafiquer,

troquer, échanger » et elle est à la fois technique (parcellisation des tâches) et sociale

(répartition des différentes activités productives entre les individus).

Smith présente alors deux approches de la division du travail : une division sociale et une

division technique. On peut remarquer que la division technique est surtout présente en filigrane

dans toute l’analyse de la répartition des revenus entre salaire et profit, tandis que la division

sociale est plutôt dans les autres développements notamment au début du livre I et le livre IV

sur le commerce extérieur de son ouvrage Enquête sur la nature et les causes de la richesse des

nations, PUF, Paris, 1995 (1765). Cependant, il ne les distingue jamais clairement car, ce qui

compte pour Smith, c’est d’associer échange et division du travail, pour mettre en évidence leur

imbrication. En effet, la division du travail est une conséquence nécessaire d’une pratique des

hommes qui ont un penchant naturel pour l’échange.

Dans Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, Smith montre que les

progrès de la division du travail ont des effets positifs sur la croissance et sur le développement

économique ainsi que ses limites quand elle devient de plus en plus aliénante pour les ouvriers.

Toutefois Smith accorde une faible place à la Révolution Industrielle qui pourtant se déroulait

sous ses yeux et c’est Marx qui en fera la part belle dans son œuvre.

Pourtant Smith n’ignore pas l’innovation et l’importance de la technique ; il connaît par


exemple les travaux de Watts. Mais il place volontairement celle-ci au second plan, derrière la

division du travail, ce qui dans le contexte de la Grande Bretagne du 18ième siècle n’est pas un

manque d’observation ou d’analyse mais une attitude réaliste car d’une part si les inventions

sont nombreuses au 18ième siècle, leurs effets sur la production ne seront réellement

révolutionnaires qu’au début du 19ième siècle, et d’autre part, c’est l’innovation qui est

déterminante. Ainsi, l’association Boulton-Watt en 1775 pour fabriquer en série des machines

à vapeur est au moins aussi importante que l’invention de la machine elle-même.

Pour Smith, les divisions sociale et technique du travail, leurs effets sur la productivité et sur la

possibilité de mécaniser les tâches sont plus importants que l’invention d’une machine. Pour

lui, le rôle important de la machine est un effet d’une cause fondamentale : la division du travail.

L’exemple de la manufacture d’épingle permet de mettre en évidence que c’est l’organisation

du travail et non la machine qui est essentielle dans l’augmentation considérable de la

productivité et de la production des richesses. La machine est induite par la division du travail

et non l’inverse.

1- La valeur travail

On peut considérer qu’Adam Smith procède à une « rationalisation » et à une

« matérialisation » de la valeur travail qui va permettre son utilisation scientifique par d’autres

comme Ricardo et Marx.

Marx, dans les Théories sur la plus-value, Livre IV du Capital, t.14, estime que Smith conçoit

la plus-value, c’est-à-dire le surtravail. Smith serait le premier à voir non seulement que le profit

n’est pas un revenu du travail mais également que seul le travail est source de richesse. Sa

distinction entre travail productif et improductif est également considérée comme essentielle

pour comprendre comment se répartissent les richesses. C’est surtout la théorie de la répartition

4
Editions sociales, 1974
de Smith qui séduira Marx.

Smith donne au travail une fonction clé dans la création de richesse, et le travail est pour lui

« la plus sacrée et la plus inviolable de toutes les propriétés, […] parce qu’elle est la source

originaire de toutes les autres propriétés » (Enquête sur la nature et les causes de la richesse

des nations, t.1, p.198). C’est dans les développements sur l’analyse de la formation des prix

que la place du travail apparaît comme essentielle.

Après avoir étudié au début du livre I les fondements de l’échange, Smith se pose deux

questions sur la mesure de cet acte : quelles sont les véritables mesures de la valeur échangeable

et quel est le prix réel des marchandises ?

Son analyse est construite à partir d’un double constat, le travail représente un pouvoir d’achat

et d’échange des produits du travail est inévitable dans une société développée parce que :

« quand la division du travail est établie dans toutes les branches du travail, il n’y a plus qu’une

partie extrêmement petite de toutes ces choses qu’un homme puisse obtenir directement par son

travail ; c’est du travail d’autrui qu’il lui faut attendre la plus grande partie de toutes ces

jouissances ; ainsi il sera riche ou pauvre, selon la quantité de travail qu’il pourra commander

ou qu’il sera en état d’acheter » (Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations,

t.1, p.99). La valeur d’un bien que l’on possède et que l’on veut échanger pour un autre est égale

à la quantité de travail que ce bien permet « d’acheter ou de commander ». Le travail est donc

la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise. Le prix réel, c’est donc le travail

et la peine qu’il faut s’imposer pour obtenir un bien. Smith définit le prix réel comme un pouvoir

d’achat, et la valeur échangeable d’une chose quelconque doit nécessairement toujours être

précisément égale à la quantité de cette sorte de pouvoir qu’elle transmet à celui qui la possède.

Cependant Smith sait que le travail n’est pas homogène et que c’est une mesure, un étalon qui

varie, par exemple, selon le talent du salarié, la pénibilité du travail. Le travail est donc une

mesure qui reste en arrière-plan et c’est en marchandant et en débattant que les prix de marché
s’établissent. L’habitude est donc de comparer des marchandises entre elles et non le travail

contenu dans chacune d’elles. Avec le temps et par souci de commodité le marchandage se fait

à partir d’une comparaison : argent contre marchandise. Smith distingue alors le court et le long

terme pour mettre en évidence que le travail est la seule mesure universelle, le seul étalon pour

comparer les valeurs dans le temps et dans l’espace. Ainsi, la quantité de travail est le meilleur

moyen à long terme pour comparer les valeurs, mais à court terme et dans un même lieu l’argent

reste la meilleure mesure.

En fait, Smith ne cherche pas à élaborer une véritable théorie de la valeur, il cherche à

déterminer les principes d’un échange qui pour lui reste économique et social. Dans la théorie

de Smith, l’échange est à la fois le premier lien social et le premier acte économique.

2- La répartition des revenus

Dans les chapitres 8 à 11 du livre I, Smith va chercher à répondre à la question suivante : quelles

sont les différentes parties qui composent le prix réel ? Et proposer une théorie de la répartition

des revenus entre salaire, profit et rente qui sera réutilisée et reformulée par Marx pour

démontrer la baisse tendantielle du taux de profit.

Smith distingue les états informes de la société où le produit du travail appartient tout entier au

travailleur, au producteur des états avancés de la société ou des capitaux accumulés par des

particuliers emploient du travail pour produire, ce qui conduit à déposséder le producteur direct

de son produit et à partager le revenu du produit entre le salaire pour le travail, le profit pour le

capital, et la dépense pour les matières premières et les produits semi-finis. Le travail associé

au capital permet d’apporter de la valeur au produit et cette valeur se partage entre salaire et

profit.

Ce profit représente le gain que l’entrepreneur fait sur les fonds qu’il a apportés en avances sur

salaire, matière à travailler et capital à utiliser. Le rapport travail-capital comme source de profit
est parfaitement pensé par Smith qui écrit : « Il (l’entrepreneur) n’aurait pas d’intérêt à

employer des ouvriers, s’il n’attendait pas de la vente de leur ouvrage quelque chose de plus

que le remplacement de son capital, et il n’aurait pas intérêt à employer un grand capital plutôt

qu’un petit, si ces profits n’étaient pas en rapport avec l’étendue du capital employé » (Enquête

sur la nature et les causes de la richesse des nations, t.1, p.118)

Ainsi, les profits ne sont pas la rémunération d’un travail. Ils dépendent de la valeur du capital

employé et de l’étendue de celui-ci. Pour Smith dans ces conditions, comme le produit du travail

n’appartient pas tout entier à l’ouvrier, il faut que celui-ci le partage avec le propriétaire du

capital qui le fait travailler.

C’est à partir de tels propos que Marx estimera que Smith perçoit la plus-value mais n’en tire

pas toutes les conséquences.

La réponse à la question (quelles sont les différentes parties qui composent le prix réel ?) est

donc la suivante :

Le prix des marchandises peut se constituer tantôt de travail, de profit et de rente (par exemple

les produits agricoles et miniers), tantôt seulement de travail et de profit (par exemple les

produits manufacturés) et parfois exclusivement de travail (par exemple les produits

artisanaux).

Ainsi, dans tous les cas, « salaire, profit et rente sont les trois sources primitives de tout revenu,

aussi bien que de toute valeur échangeable. Tout autre revenu dérive, en dernière analyse, de

l’une ou l’autre de ces trois sources » (Enquête sur la nature et les causes de la richesse des

nations, t.1, p.122)

Si Smith perçoit la plus-value mais n’en tire pas toutes les conséquences, c’est notamment parce

qu’il veut surtout décrire la réalité du fonctionnement du capitalisme qui se met en place au

XVIIIème siècle. Il ne cherche pas à élaborer une doctrine anti-libérale. Il cherche à mettre en

évidence les avantages et les inconvénients de cette nouvelle organisation de la production et


de la répartition des richesses qui se développe sous ses yeux, le capitalisme industriel et

marchand du XVIIIe siècle.

Le réalisme de Smith le pousse aussi à analyser le rapport salarial. Si pour les marchandises

l’échange est fondé sur des intérêts égoïstes mais convergents, pour les salaires la convention

qui s’établit entre les salariés et l’employeur est au contraire fondée sur des intérêts individuels

divergents (Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, t.1, p.137). Le rapport

de force est donc présent pour la détermination du niveau des salaires et il est toujours favorable

aux maîtres. Cependant, ce n’est pas à la loi (Enquête sur la nature et les causes de la richesse

des nations, t.1, p.149 et p.208) que Smith fait appel pour favoriser la hausse des salaires mais

au progrès continuel de l’activité économique qui permet de « marcher vers l’opulence »

(Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, t.1, p.140-141).

3- De la valeur travail au fétichisme de la marchandise

Les classiques abordent directement le problème de la grandeur des marchandises alors qu’il

faut en premier lieu résoudre le problème de la substance de la valeur.

En tant que producteur de valeurs d’usage, le travail est utile, il est déterminé par les

caractéristiques spécifiques de la production à laquelle il est affecté. Mais indépendamment des

formes concrètes à travers lesquelles il se manifeste, il a le caractère général d’une dépense de

force humaine.

3-1- le travail concret

Il s’agit du travail fourni dans un secteur déterminé de la production par un salarié donné. C’est

du travail dépensé sous une forme utile. Comme les valeurs d’usage sont multiples et

irréductibles les unes aux autres, le travail concret, qui est à l’origine, se manifeste également

sous des formes multiples, qualitativement différentes. Le travail concret, qui est l’une des
formes du travail incarné dans la marchandise, est aussi une forme non économique.

La valeur d’échange est le rapport quantitatif dans lequel des valeurs d’usage s’échangent les

unes avec les autres.

3-2- le travail abstrait

L’échange ne peut s’effectuer que si les marchandises contiennent toutes un élément commun

qui permet de les comparer entre elles. A première vue, les marchandises se caractérisent par

un certain nombre de propriété, dont les deux principales paraissent être l’utilité et le travail.

En dépit des apparences, l’utilité ne peut être considérée comme source de valeur, puisque, on

n’échange entre elles que des marchandises ayant une utilité différente. L’utilité ne peut, par

essence, constituer l’élément commun recherché. C’est, en fait, sous sa forme la plus générale

que le travail est bien l’élément commun nécessaire. Une valeur d’échange donnée est ainsi

équivalente à une certaine quantité de travail abstrait. C’est la quantité de travail général qu’il

a fallu dépenser pour fabriquer la marchandise qui donne sa valeur d’échange. Dans l’échange,

la marchandise revêt la forme valeur et cette forme devient plus complexe, au fur et à mesure

du développement de la production marchande. Dans l’échange, une même marchandise se

manifeste à la fois comme valeur d’échange et comme valeur d’usage. C’est en tant que valeur

d’échange qu’elle est l’objet d’une vente ; c’est comme valeur d’usage qu’elle est achetée. La

valeur est une réalité sociale et non une réalité individuelle. L’élément commun qui la détermine

est en effet le travail socialement nécessaire qui fait abstraction de toutes les particularités

concrètes des activités productives. De ce fait, la valeur ne se manifeste que lorsque des

marchandises s’affrontent dans l’échange. Dans le procès de travail, le travail concret exprime

les rapports des travailleurs avec l’objet de travail par l’intermédiaire de moyens de production

donnés. Il ne met pas en cause directement les rapports sociaux de production. Tout travail peut

s’analyser comme une certaine activité, génératrice d’une certaine dépense de force de travail.
A ce niveau et à ce niveau seulement, il devient donc possible de rendre commensurables les

deux types de travail différents quant à leur forme. Dans chaque cas, l’énergie humaine qu’il

faut consacrer pour mener à bien une activité donnée est une quantité donnée de travail en

général. Il y a donc un élément comment aux différentes espèces de travail concret, cet élément

comment, c’est le travail abstrait. Le travail abstrait n’est pas directement perceptible. C’est un

concept et non une réalité sensible. Il est lié à la production marchande, car, c’est dans l’échange

que des marchandises qualitativement différentes, provenant de ce fait de formes très diverses

de travail concret, sont comparées les unes avec les autres, donc ramené à un dénominateur

commun. Ainsi lorsque le salaire est défini comme le prix du travail, il s’agit du travail en

général. Théoriquement, le travail abstrait est donc le produit de la force de travail : les deux

concepts sont au même niveau de généralité. Le travail abstrait, seul élément commun à toutes

les marchandises est inséparable du travail concret, car c’est chaque travail concret, effectué

comme tel, qui se réduit en travail abstrait. Les deux forment une unité dialectique, qui

s’exprime dans une autre unité dialectique, celle de la valeur d’usage et de la valeur d’échange

ou valeur. Le travail abstrait se coagule dans la marchandise alors que le travail concret tend à

se confondre avec elle puisqu’il en détermine la configuration.

Dans le capitalisme, parce que les moyens de production sont privés. L’unité dialectique du

travail concret-abstrait reflète la contradiction entre le travail privé et le travail social des

producteurs.

Les marchandises ne peuvent s’échanger que parce qu’en tant que produits du travail, elles ont

coûté une quantité de travail égale à leurs producteurs respectifs.

Ces distinctions sont difficiles à faire en économie politique car on y confond travail concret et

travail abstrait.
3-3- travail vivant et travail mort

3-3-1- le travail vivant

Le travail vivant exprime la dépense effective de la force de travail. Il est dit vivant parce qu’il

transforme l’objet de travail en valeur d’usage. C’est une catégorie essentielle de travail abstrait

puisqu’il est producteur de valeur nouvelle. Le travail vivant a une particularité essentielle que

son existence est brève. Dès qu’il a permis des marchandises, il cesse d’être et devient du travail

mort. Inséparable de la force de travail, dont il est la manifestation immédiate, le travail vivant

existe à la fois de manière instantanée et continue ; instantanée, parce qu’à chaque moment, il

devient du travail mort cristallisé et continue, parce qu’il se déploie pendant toute la durée du

travail. Le travail passé exprime une valeur réalisée, définitive, qui ne peut s’accroître. C’est

pourquoi, dans le procès de valeur, il ne fait que se déplacer : la valeur représentée par le travail

passé, est transférée à la valeur de l’objet produit. Pour Marx, le travail mort type c’est le capital,

car il est la substance des moyens de production sous leur forme spécifique du capitalisme. Le

travail passé ne peut s’animer que par l’intermédiaire du travail vivant :

« Le capital est du travail mort, qui, semblable à un vampire, ne s’anime qu’en suçant le travail

vivant, et sa vie est d’autant plus allègre qu’il en pompe davantage. » (Marx, Travail salarié et

capital)

3-3-2- Le travail productif

Le travail productif est celui qui concourt à la création d’objets matériels et qui contribue à la

réalisation d’un surtravail social.

Le travail se compose de trois éléments :

- l’activité de l’homme,

- l’objet sur lequel agit cette activité

- le moyen par lequel celle-ci agit


pour Marx, à l’état primitif, tout travail est productif. Avec le capitalisme, ce concept se

modifie. Il est un travail qui produit des valeurs d’usage et qui augmente le capital.

L’interdépendance des unités de production entre elles, appelle le développement d’un travail

collectivement productif, pour mettre en valeur le fait qu’il entre dans toutes les productions.

Chez Marx, des activités, telles la recherche, la gestion, aussi décisives qu’elles soient,

n’interviennent que de façon détournée dans le processus de production. Il parle à ce propos,

de travail indirectement productif, nécessaire à la production mais dont le financement doit être

considéré comme un investissement et non comme l’équivalent d’une production.

3-3-3- Le fétichisme de la marchandise, archétype de toutes les aliénations : Rapports de

production et mode de production marchand

Dans le mode de production marchand, les rapports de production ne sont pas immédiatement

tangibles. Ils sont voilés, et n’apparaissent qu’en se matérialisant dans les marchandises. Ces

marchandises acquièrent une vie autonome, parce qu’elles semblent dotées de propriétés

intrinsèques. Elles se transforment en fétiches et apparaissent comme des « choses

suprasensibles ». Dans un mode de production marchand, elles deviennent des puissances qui

échappent à l’homme et paraissent le dominer complètement. En particulier, les marchandises

paraissent entrer en rapport les unes avec les autres, alors qu’en réalité elles ne peuvent

s’échanger que parce qu’en tant que produits du travail, elles ont coûté une quantité de travail

égale à leurs producteurs respectifs. En somme, le produit, en devenant marchandise, n’obéit

plus à son producteur, tout comme la statuette africaine, symbolisant une divinité déterminée,

qui se transforme en une puissance redoutable, car elle est devenue une divinité.

Le caractère fétiche de la marchandise, se manifestant de manière nécessaire dès que l’échange

est devenu régulier, s’épanouit avec l’apparition de la monnaie. En effet, la monnaie, se

transforme en un symbole abstrait et tout puissant de la richesse : c’est elle que l’on convoite et
c’est d’elle que dépend directement la vie matérielle. Incarnation générale de la marchandise,

l’argent apparaît bien comme un fétiche tout puissant, puisqu’il domine les hommes et les

asservit. Pourtant, il n’est qu’un intermédiaire entre des marchandises ayant des valeurs d’usage

différentes.

C’est dans le capitalisme que le fétichisme atteint son plus haut degré, puisque c’est dans ce

mode de production que tout phénomène social tend à prendre la forme marchandise et en

particulier la force de travail.

4-3-4- La théorie de l’aliénation

L’aliénation est un processus de dépossession. Marx reçoit ce concept de Hegel et il lui fait

jouer un rôle central dans sa théorie générale de l’humanité et dans son analyse du prolétariat :

celui-ci est le groupe dont l’aliénation est la plus intense et la plus étendue à la fois.

L’ouvrier est aliéné parce que le procès de travail n’est pas sous son contrôle. Le procès de

travail est le développement de l’activité transformatrice de l’être social en vue de s’approprier

la nature.

L’ouvrier est aliéné parce que la marchandise qu’il produit ne lui appartient pas, parce qu’il est

soumis à la machine, parce qu’une fois sorti de l’usine, il est tout entier occupé à reproduire sa

force de travail pour la vendre à nouveau.

On peut analyser plusieurs formes : l’aliénation par l’argent, par le travail, par la religion et par

la politique.

5- Force de travail et plus-value

4-1- Le concept de force de travail

4-1-1- travail et force de travail

Le travail est une forme d’activité de l’homme en tant qu’être social. Il se présente d’emblée
comme un acte qui se passe entre l’homme et la nature. C’est un acte qui conditionne la vie

matérielle de la société. A ce titre, le travail est une condition absolue de l’existence des sociétés

humaines.

Marx distingue le travail productif ou économique, qui concerne la vie matérielle, et le travail

non économique ou reproductif, qui se rapporte aux autres sphères de la vie sociale. De ce point

de vue, il est évident que le travail ne doit pas être défini principalement comme une création.

C’est d’abord le résultat de la mise en mouvement de cette puissance particulière qu’est la force

de travail. Celle-ci est une catégorie économique et, à ce titre, ne saurait se confondre avec l’être

humain lui-même, qui apparaît comme son support.

4-1-2- Définition de la force de travail

La force de travail peut être définie comme l’ensemble des aptitudes physiques et intellectuelles

qui doivent être mis en mouvement pour produire des choses utiles (des biens et des services).

En dehors de la sphère de production, elle ne se distingue pas de la personnalité vivante du

travailleur. Elle n’a de sens par conséquent que par rapport et dans le procès de travail. Celui-

ci étant le développement de l’activité transformatrice de l’être social (travail) en vue de

s’approprier la nature (production de valeurs d’usage). C’est une structure complexe formée

par la combinaison articulée du travail, de l’objet de travail et du moyen de travail. Il est

fondamental de ne pas confondre la force de travail avec sa manifestation spécifique, le travail :

consommer la force de travail, c’est précisément travailler. Toutefois, il est important de

reconnaître leur interdépendance car la force de travail doit nécessairement être mis en

mouvement pour produire des choses utiles ». C’est l’élément actif de la production car c’est

elle qui met en mouvement les instruments de production dont l’action va transformer les objets

de travail en valeurs d’usage. Elle fait donc partie intégrante des forces productives.
4-1-3- La force de travail marchandise

Ce n’est pourtant que dans le capitalisme qu’elle se transforme en marchandise. Marchandise,

elle a nécessairement, une valeur d’usage (capacité à fournir un travail donné) et une valeur

d’échange (qui s’exprime en salaire). Dans le capitalisme, d’une part, le procès de travail se

présente comme une consommation productive de force de travail, d’autre part, il revêt deux

aspects interdépendants :

- Du point de vue de la qualité, il est producteur de valeur d’usage (l’activité dépensée est

alors du travail concret)

- Du point de vue de la quantité, il est producteur de valeur (le travail concerné est alors

abstrait)

En régime capitaliste, la valeur de la force de travail est déterminée, comme celle de toutes les

marchandises, par le temps de travail socialement nécessaire à sa production. Le temps de

travail social est un temps de travail moyen qui correspond aux conditions de production dans

lesquelles sont fabriquées la plupart des marchandises d’un type donné. En effet, la production

de la force de travail se résout dans la production des producteurs, c’est-à-dire dans leur

formation, leur entretien et leur perpétuation. La valeur de la force de travail va donc se définir

par rapport à la valeur des marchandises nécessaires à l’entretien de l’ouvrier et à celui de sa

famille.

Si la force de travail est une marchandise, c’est aussi une marchandise particulière, car elle est

inséparable de l’être humain lui-même. Elle comporte donc forcément deux composantes

complémentaires : une physiologique, une historique.

4-2- Le surtravail ou plus-value

Etant donné que dans le système capitaliste, la force de travail est devenue une marchandise,

elle est soumise par là même à l’action de la loi de la valeur. C’est en fait la marchandise
fondamentale, celle qui a la propriété de créer plus de valeur qu’elle n’en consomme, c’est-à-

dire celle qui permet au détenteur du capital d’obtenir la plus-value. Le surtravail ou travail

gratuit se résout en plus-value. Il ne donne lieu à aucune rémunération et crée une valeur

supplémentaire, sous forme de marchandises, que le propriétaire du capital s’approprie en

bourse délier. C’est le quantum du travail gratuit qui conditionne directement le volume et la

valeur du surproduit. Le surtravail est une catégorie historique, propre aux modes de production

fondés sur l’exploitation de l’homme par l’homme. Dans le capitalisme, il correspond à la

valeur supplémentaire produite par le travail du salarié que le propriétaire des moyens de

production s’approprie gratuitement.

Pour le capitaliste, la plus-value apparaît à la fin du cycle de production comme la différence

entre le montant des recettes et le capital avancé. C’est ce dernier qui a connu une augmentation

de valeur, d’où le terme de plus-value. Elle semble donc être le résultat nécessaire, du

mouvement du capital, l’argent enfante l’argent. A première vue, elle semble prendre naissance

dans l’échange. Le capitaliste s’enrichirait parce qu’il vendrait du les marchandises au-dessus

de leur valeur. En réalité, ce n’est pas dans la circulation du produit qu’il faut rechercher

l’origine de la plus-value, mais bien dans la production. La journée de travail se divise dans

l’entreprise capitaliste en deux grandes parties :

- Pendant la première partie, le salarié produit sous forme de marchandises une valeur

équivalente à la valeur de sa force de travail

- Pendant la seconde partie, il produit, sous forme de marchandise également, une valeur

supplémentaire que s’attribue le capitaliste

La plus-value se présente de manière non-visible, paraît se confondre avec le produit lui-même

et n’apparaît pas à la conscience des producteurs comme le résultat de l’exploitation de la force

de travail.
4-3- les formes de la plus-value

Les sections 3 et 4 du Capital sont consacrées à la plus-value absolue et à la plus-value relative

qui représentent deux modes différents d’accroissement de la survaleur.

4-3-1- La plus-value absolue

La plus-value absolue est obtenue soit par la prolongation de la journée de travail, soit par

l’intensité du travail.

L’intensité du travail se définit comme la masse de travail abstrait comprimé dans une unité de

temps. Elle est égale de ce fait, à la grandeur de la dépense d’énergie physique et nerveuse

effectuée pendant une heure, une journée, une semaine de travail.

L’échange entre le capitaliste et le salarié ne donne aucune indication sur la longueur effective

de la journée de travail ni sur la dépense d’énergie physique et nerveuse qu’il faudra fournir.

Le droit du vendeur s’oppose au droit de l’acheteur, sous le sceau commun de la loi de l’échange

marchand. Marx écrit dans le livre I du Capital : « Et c’est ainsi que dans l’histoire de la

production capitaliste, la réglementation de la journée de travail se présente comme la lutte pour

les limites de la journée de travail. Lutte qui oppose le capitaliste global, c’est-à-dire la classe

des capitalistes, et le travailleur global, ou la classe ouvrière. » (Livre I, chap. XV)

4-3-2- La plus-value relative

La plus-value relative est une forme de plus-value qui apparaît comme le résultat de

l’augmentation généralisée de la productivité du travail. En effet, cet accroissement de la

productivité provoque une baisse de la valeur des biens de consommation. Il en résulte que la

valeur des moyens de subsistance des salariés, constitués par ces biens, diminue également et

partant la valeur de la force de travail.

Dans ces conditions, un changement essentiel survient dans les rapports existant dans les deux
parties de la journée de travail ; temps de travail nécessaire et temps de travail supplémentaire.

Alors que la journée de travail reste immuable quant à sa durée, le temps de travail nécessaire

diminue, ce qui a pour conséquence d’augmenter le temps de travail supplémentaire.

La plus-value relative est ainsi appelée parce qu’elle se définit par rapport à la structure d’une

journée de travail : cette structure se modifie alors que la grandeur totale reste identique.

Contrairement à la plus-value absolue, elle ne se manifeste jamais par l’intermédiaire d’un

phénomène visible comme l’accroissement de la journée de travail ou de l’intensité du travail.

Aboutissement social de multiples initiatives individuelles, elle profite à tous les capitalistes

puisqu’elle augmente de manière générale le degré d’exploitation ; elle résulte du jeu même des

lois économiques du capitalisme.

Conclusion

Hegel introduit une innovation fondamentale en dégageant une science de l’histoire. Pour

Hegel, la réalité historique est une réalisation. En faisant son histoire, l’homme réalise un projet.

La réalité sociale est un mouvement. Chaque moment de l’histoire est une étape du

développement de l’Idée mais ce n’est qu’au terme de l’histoire que l’on pourra en connaître le

contenu.

Tout en conservant une partie de la démarche de Hegel, Marx opère un renversement sur le plan

ontologique car la négation de l’autonomie de la conscience fonde son matérialisme historique.

Pour Marx, « Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, c’est la vie qui détermine la

conscience » (in avant-propos de la critique de l’économie politique)

C’est bien l’analyse des conditions réelles de la vie humaine qui explique la projection par

l’homme de ses propres préoccupations. C’est une conception historique de la réalité.

L’aliénation qui a un sens hégélien spirituelle, est matérielle et sensible chez Marx et c’est ce

qui fait qu’il oriente ses travaux vers l’économie. Cette dialectique matérialiste entraîne une
mise en perspective de la propriété privée des moyens de production et de la division de la

société en classes antagonistes.

Les hommes travaillent dans des rapports de production et, ces rapports sociaux sont aussi

produits par les hommes. Les rapports sociaux sont intimement liés aux forces de production à

un moment donné. En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur

mode de production et, en changeant le mode de production, ils changent tous les rapports

sociaux. Ce sont les forces productives qui constituent l’élément le plus mobile de la production.

Si Marx parle de forces de production et non simplement de techniques, c’est bien pour

souligner le côté actif et dynamique de l’ensemble complexe des moyens, de l’objet et de la

force humaine de travail. Pour Marx, il y a des potentialités contradictoires qui seront

actualisées ou non selon l’usage dominant que la société fera des possibilités techniques c’est-

à-dire selon la capacité des différents acteurs.

Marx dit : « Les mêmes hommes qui établissent les rapports sociaux conformément à leur

productivité matérielle produisent les idées, les catégories, conformément à leurs rapports

sociaux. »

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