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Revue économique

Le paradoxe de la valeur chez Adam Smith


Monsieur Eric Pries

Résumé
On laisse souvent entendre que c'est parce qu'il était incapable de résoudre le paradoxe de la valeur que Smith a opté
pour une théorie objective de la valeur. Nous montrons, bien au contraire, que n'étant en rien embarrassé par ce prétendu
paradoxe, ce n'est pas faute de mieux que Smith a opté pour une théorie objective de la valeur.

Abstract
disconcerted with the so called paradox of value, and that he willingly chose an objective value theory.

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Pries Eric. Le paradoxe de la valeur chez Adam Smith. In: Revue économique, volume 29, n°4, 1978. pp. 713-729;

doi : https://doi.org/10.3406/reco.1978.408406

https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1978_num_29_4_408406

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LE PARADOXE DE LA VALEUR
CHEZ ADAM SMITH

Un mythe

Le présent article se propose de démontrer qu'Adam Smith était


loin d'être embarrassé par le prétendu paradoxe de la valeur.
En se référant à ce paradoxe, on fait allusion au paragraphe
célèbre de La richesse des nations où Smith écrit :

« II faut observer que le mot valeur a deux significations


différentes ; quelquefois il signifie l'utilité d'un objet particulier, et
quelquefois il signifie la faculté que donne la possession de cet objet
d'en acheter d'autres marchandises. On peut appeler l'une, valeur
en usage, et l'autre, valeur en échange. Des choses qui ont la plus
grande valeur en usage n'ont souvent que peu ou point de valeur
en échange ; et, au contraire, celles qui ont la plus grande valeur
en échange n'ont souvent que peu ou point de valeur en usage.
Il n'y a rien de plus utile que l'eau, mais elle ne peut presque rien
acheter ; à peine y a-t-il moyen de rien avoir en échange. Un
diamant, au contraire, n'a presque aucune valeur quant à l'usage,
mais on trouvera fréquemment à l'échanger contre une très grande
quantité d'autres marchandises. » ([15] pp. 35-36).

Les prises de position des différents auteurs face à Adam Smith


sont assez variables. D'une façon générale, les auteurs défendant une
théorie objective de la valeur sont indulgents à son égard alors que
certains théoriciens de la valeur subjective peuvent se montrer féroces
envers lui, allant jusqu'à lui reprocher d'avoir fourvoyé les sciences
économiques et de leur avoir fait perdre un siècle. Ce sont ces
derniers qui lui reprochent son incapacité de résoudre le paradoxe de
la valeur ; paradoxe fort habilement résolu du reste par la théorie
marginaliste.

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Revue économique — N° 4, juillet 1978. 8


Revue économique

Kauder l'accuse très nettement d'avoir égaré des générations


d'économistes en les écartant de préceptes pourtant millénaires :
« ..., le père de notre science économique écrivit que l'eau avait
une grande utilité et une faible valeur. Avec ces quelques mots
Adam Smith avait transformé en ruine et en rebut une pensée
vieille de 2000 ans. * » ([7] p. 650).
« Après avoir lu La richesse des nations, beaucoup d'économistes
arrivèrent à la conclusion que discuter plus avant de la valeur-en-
usage n'avait pas de sens. » ([8] p. 28).

On retrouve la même idée chez Schumpeter, qui pense qu'en


négligeant la « valeur en usage », Smith a barré, « pour les deux ou
trois générations suivantes, la porte ouverte de façon si prometteuse
par ses prédécesseurs Français et Italiens. » ([13] p. 309).
Un peu plus tôt, Schumpeter note que les Italiens, depuis Davan-
zati, ont été les premiers à réaliser comment le paradoxe de la valeur
pouvait être résolu, et que celui-ci n'empêchait pas d'élaborer une
théorie de la valeur d'échange basée sur la valeur d'usage. Il s'étonne
alors de ce que tant Smith que Ricardo aient considéré ce paradoxe
comme un obstacle à une telle théorie ([13] p. 300).
Pour ces auteurs, Smith se serait heurté à un paradoxe de la
valeur que l'héritage légué par les fondateurs de l'analyse subjective
lui aurait pourtant permis de résoudre. Se détournant de la valeur
en usage, dont il aurait cru qu'elle fût impossible à intégrer dans
une analyse de la valeur en échange, il se serait tourné vers une
analyse objective de la valeur, faute de mieux (et aurait du même
coup fait perdre de précieuses années à notre science).
En fait, deux types d'arguments viennent contredire cette analyse.
Le premier est développé même par des auteurs qui regrettent le
parti pris objectiviste d'Adam Smith. Il consiste à montrer qu'Adam
Smith considérait qu'une théorie subjective ne pouvait pas donner
lieu à une utilisation quantitative satisfaisante ([11] p. 191 et [2] p. 42)
et qu'en conséquence elle ne menait nullepart. C'est parce qu'il
cherchait à comprendre « la nature et la cause de la richesse des nations »
et c'est pour pouvoir faire des comparaisons dans le temps et dans
l'espace, ainsi que pour étudier l'évolution des coûts de production
liée à l'extension de la division du travail, qu'il s'est tout
naturellement tourné vers l'analyse objective, en termes de coûts. En d'autres

1. Les citations qui renvoient à un texte original en anglais ou en allemand


sont nos propres traductions.

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mots, c'est l'objet de ses recherches lui-même qui l'a orienté vers une
théorie de la valeur objective. Ce n'est donc pas faute de mieux
qu'il a développé une telle théorie de la valeur. Le second type
d'arguments consiste à montrer que Smith est tout à fait à même de
résoudre le paradoxe (ou prétendu tel) de la valeur 2, et c'est ce à
quoi nous allons nous attacher.
L'étude se fera en deux parties. Dans la première, nous
montrerons comment Smith conçoit l'utilité, la « valeur en usage » et son
rôle économique. Dans la seconde, nous montrerons comment Smith
aborde la valeur en échange.

Adam Smith commençait la partie économique de ses cours de


Glasgow par une analyse des besoins, par ce que l'on pourrait
aujourd'hui appeler une théorie de la consommation. Mais dans La richesse
des nations, il commence son exposé par l'étude de la division du
travail et des principes qui la favorisent, donc par une étude de la
production. Cannan déplore d'ailleurs que les premiers paragraphes
de cette partie des cours de Glasgow aient été omis dans La richesse
des nations ([14] p. xxvn). En fait, et cela apparaîtra ici, loin d'avoir
disparu, le contenu de ces paragraphes est présent et ressurgit tout
au long de l'œuvre. La façon nouvelle d'aborder son sujet est la
conséquence d'un pas important que fait Smith. De d'étude du
phénomène immédiatement perceptible qu'est, dans l'étude de la valeur,
le prix du marché, il passe à la recherche de cet élément central,
autour duquel évolue le prix du marché : la valeur ou le prix naturel.
Smith pressentait bien dans les cours de Glasgow que « pour chaque
marchandise il y a deux prix différents qui, bien qu'apparemment
indépendants, s'avéreront être dans une relation nécessaire, à savoir
le prix naturel et le prix du marché. » ([14] p. 173).

2. C'est d'ailleurs ce que soutiennent Kaushtl ([9] p. 61, note 3), et Campbell
& Skinner ([16] p. 45, note 31) ; mais ils ne semblent malheureusement pas avoir
en vue l'analyse que fait Smith dans La richesse des nations et que nous
développons ici. Ils se basent plutôt sur celle des cours de Glasgow, qui se réfère au prix
du marché et non à la valeur, au prix réel, ou au prix naturel, selon les différentes
expressions (pas forcément équivalentes d'ailleurs) de La richesse des nations.

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Mais ce n'est que dans La richesse des nations qu'il a réussi à


dépasser la simple étude du prix du marché et à analyser
individuellement valeur et prix, montrant de façon magistrale de quelle manière
ils entrent en relation. Smith, dans La richesse des nations, traite le
prix du marché et la valeur (ou prix naturel) comme des entités
distinctes et ce n'est pas un de ses moindres mérites.
Dès la première phrase de l'introduction, l'accent est porté sur les
nécessités et les commodités de la vie et sur leur production : « Le
travail annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa
consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la
vie; [...]» ([15] p. 1).
Tout au long de La richesse des nations, Smith insiste sur le fait
que ce sont ces nécessités et commodités de la vie, produits de la
terre et du travail 3 qui constituent la vrai richesse d'une nation :
« The real wealth, the annual produce of the land and labour of the
society », ([16] p. 12, mais voir aussi pp. 95, 258, 265, 337). En effet,
« Un homme est riche ou pauvre, suivant les moyens qu'il a de se
procurer les besoins, les commodités et les agréments de la vie. »
[15] p. 37).
Ce sont ainsi les nécessités et les commodités de la vie qui sont
les vraies richesses pour les individus, et il en est alors de même pour
les nations :
« Or, peut-on jamais regarder comme un désavantage pour le tout,
ce qui améliore le sort de la plus grande partie ? Assurément, on
ne doit pas regarder comme heureuse et prospère une société dont
les membres les plus nombreux sont réduits à la misère. » ([15]
p. 108).

Or c'est de la division du travail que découlent « les plus grandes


améliorations dans la puissance productive du travail. » ([15] p. 6).
Et c'est par ce biais que l'on en vient à la valeur d'échange. En effet,
la division du travail découle de la propension des hommes à
échanger :
« Cette division du travail, de laquelle découlent tant d'avantages,
ne doit pas être regardée dans son origine comme l'effet d'une

3. Nous ne prétendons pas qu'il n'y ait aucune contradiction ou discontinuité


dans La richesse des nations. Pour ce qui est de la création des richesses, on trouve
deux types d'expressions ; dans le livre I, chapitre XI excepté, on trouve : « le
produit du travail », ailleurs, ainsi que dans le dernier paragraphe de
l'introduction, sans doute rédigée a posteriori, on a : « le produit de la terre et du travail » .

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sagesse humaine [...] ; elle est la conséquence nécessaire, quoique


lente et graduelle, d'un certain penchant naturel à tous les
hommes, qui ne se proposent pas des vues d'utilité aussi étendues :
c'est le penchant qui les porte à trafiquer, à faire des trocs et des
échanges d'une chose pour une autre. » ([15] p. 18).

Mais en contrepartie, l'étendue du marché est une limite à


l'extension de la division du travail. Aussi Smith va-t-il s'intéresser de
très près aux conditions de l'échange.
« Mais la division une fois établie dans toutes les branches du
travail, il n'y a qu'une partie extrêmement petite de toutes ces
choses [les besoins, les commodités et les agréments de la vie]
qu'un homme puisse obtenir directement par son travail ; c'est du
travail d'autrui qu'il lui faut attendre la plus grande partie de
toutes ces jouissances ; ainsi il sera riche ou pauvre, selon la
quantité de travail qu'il pourra commander ou qu'il sera en état
d'acheter. » ([15] pp. 37-38).

Donc le producteur en vient à échanger des biens qu'il a produits


et dont il n'a pas usage immédiat contre des biens produits par
d'autres qui lui font défaut. Ainsi :
« La plus grande partie [des besoins de l'homme] ne peut être
satisfaite que par l'échange du surplus de ce produit qui excède
sa consommation, contre un pareil surplus du travail des autres.
Ainsi chaque homme subsiste d'échanges ou devient une espèce
de marchand, et la société elle-même est proprement une société
commerçante. 4 » ([15] p. 28).

Seulement un bien ne pourra être échangé que s'il est susceptible


d'avoir un usage pour un quelconque acheteur. En effet, comme
Smith le disait dans les cours de Glasgow, « II n'y a pas de demande
pour une chose de peu d'usage ; elle n'est pas un objet rationnel de
désir. » ([14] p. 176).

4. Cette affirmation selon laquelle tout homme devient marchand est une sorte
de témoignage que Smith porte sur son époque. Il constate la généralisation d'un
certain type de relations sociales : les relations marchandes et d'un certain type
de bien : la marchandise, qui peut être produite par le producteur, non pas pour
ses caractéristiques directes (adéquation à un usage), puisqu'en surplus, mais pour
une autre caractéristique, celle de pouvoir être échangée. Certes la problématique
de la marchandise ne se pose pas à Smith, mais la formulation de Smith permet
très nettement de repérer la notion de marchandise, qu'il sera alors possible
d'analyser explicitement pour les économistes qui lui succéderont.

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Et pour qu'il y ait échange (et donc valeur en échange) il faut


qu'il y ait valeur en usage. Mais l'utilité d'un bien, c'est-à-dire l'usage
que l'on en peut faire (car l'utilité n'est rien d'autre pour Smith), n'est
pas une donnée immuable et universelle. Samuel Hollander montre
clairement [6] que pour Smith le besoin est une notion qui évolue
avec le temps. Un bien dont la demande est inexistante à une époque
donnée peut voir sa demande se développer à une autre époque.
On assiste alors à l'émergence d'un bien nouveau comme valeur
d'usage sur la scène économique. La demande permet donc de repérer les
biens qui ont une valeur en usage.
Smith cite par exemple le cas des objets servant à la décoration,
aux ornements, ou tout simplement à exhiber sa richesse. Dans un état
de la société où ses membres n'ont que peu de possibilités de
subvenir à leurs besoins élémentaires, boire, manger, se protéger des
intempéries, ces objets n'auront aucune utilité et il n'y aura pas de
demande pour eux. Il en est autrement dès qu'un surplus apparaît :

« Tout ce qui tend à rendre la terre plus fertile en subsistances,


augmente non seulement la valeur des terres sur lesquelles se fait
l'amélioration, mais encore contribue à augmenter pareillement la
valeur de plusieurs autres terres, en faisant naître de nouvelles
demandes de leur produit. Cette abondance de subsistance, dont
en conséquence de l'amélioration de la terre plusieurs personnes
se trouvent avoir à disposer au-delà de leur propre consommation,
est la grande cause qui donne lieu à la demande de métaux
précieux, de pierres précieuses, aussi bien que de tout objet de
commodité ou d'ornement pour la parure, le logement, l'ameublement
et l'équipage. » ([15] pp. 223-224).

Autre exemple, celui des métaux précieux qui sont demandés tant
pour leurs usages pratiques que pour le service qu'ils rendent en tant
que signe extérieur de richesse. Les dépenses ostentatoires qui, dans
l'idée de Smith, apparaissent avec un certain état du développement
de la société, permettent à différents biens de trouver une utilisation,
et donc une valeur en usage :

« La demande de ces métaux provient en partie de leur utilité,


et en partie de leur beauté. Ils sont plus utiles peut-être qu'aucun
autre métal, si on excepte le fer [...]. Cependant le principal mérite
de ces métaux vient de leur beauté, qui les rend particulièrement
propres à l'ornement de la parure et des meubles du ménage [...].
Leur rareté ajoute encore extrêmement au mérite de leur beauté.
Pour la plupart des gens riches, la principale jouissance de la richesse

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consiste à en faire parade, et cette jouissance n'est jamais plus


complète que lorsqu'ils étalent ces signes incontestables
d'opulence, que personne qu'eux seuls ne peut posséder. » ([15] p. 221).

Nous ne sommes, par contre, plus en accord avec Samuel


Hollander, quant aux conclusions qu'il tire de son analyse de la demande
chez Smith. Pour Hollander :

« Dans l'opposition malheureuse de Smith, de la " valeur en usage "


à la "valeur en échange" [...], le terme "valeur en usage" doit
être compris dans le sens étroit de caractère biologique et non
dans le sens large de l'économiste, celui de désirabilité. La
proposition revient à insister sur le fait que les propriétés physiques
des marchandises sont tout à fait impertinentes quant à la
détermination de la valeur d'échange. C'est seulement cette catégorie
d'utilité que Smith a rejetée comme déterminant de la valeur, et
en fait comme une condition nécessaire de la valeur d'échange.
On ne peut rien apprendre à partir de ses remarques à ce sujet
sur sa position en ce qui concerne la relation entre prix et utilité
dans le sens de la désirabilité. » ([6] p. 315).

Or la distinction que fait Hollander entre une notion biologique


de la valeur d'usage et une notion économique de celle-ci,
correspondant à ce qu'il nomme la désirabilité, est étrangère à la pensée de
Smith. Pour Smith (voir le passage cité page 713 ci-dessus) le mot
valeur peut avoir deux sens. Le premier sens peut être appelé valeur
en usage, que cet usage soit d'essence biologique ou économique.
La valeur en usage remplira dans les deux cas le même rôle théorique.
Elle est la condition nécessaire à l'existence de la valeur selon le
second sens, ou valeur en échange, et ce tant pour les biens répondant
à des besoins biologiques, que pour les biens dont la désirabilité est
purement économique. Et quand S. Hollander affirme qu'« il n'y a,
en fait, aucune évidence de ce que Smith rejette l'utilité dans ce
dernier sens [désirabilité] comme condition nécessaire de la valeur
d'échange » ([6] p. 316), il n'a qu'en partie raison, dans la mesure où il
n'y a aucune évidence de ce que Smith rejette l'utilité comme condition
nécessaire de la valeur d'échange dans le premier sens [biologique].
De plus, si l'utilité est la condition nécessaire, chez Smith, à
l'existence d'une valeur d'échange, elle n'en est pas le déterminant.
Elle n'est pas l'élément qui permet de justifier la grandeur de la
valeur déchange. La valeur d'échange n'est rien moins que subjective
chez A. Smith et si la demande a une influence sur la valeur
d'échange, ce n'est pas par l'intermédiaire de la valeur en usage, mais,

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comme nous le verrons plus loin, par ses répercussions sur les coûts
de production, donc sur un élément objectif. Les passages que cite
Hollander pour étayer son analyse nous paraissent d'ailleurs à
chaque fois aller dans le sens que nous venons de développer ici (cf.
[6] p. 316).
Nous avons ainsi montré que la valeur en usage est une
condition nécessaire de la valeur en échange pour Smith et que,
contrairement à ce qu'affirment un grand nombre d'auteurs 5, il y a chez
lui une relation entre valeur en usage et valeur en échange.
Seulement la relation que Smith a découverte n'est pas celle que ces
auteurs y cherchaient, et ils n'ont donc pas pu la comprendre : la
grandeur de la valeur d'échange d'une marchandise ne dépend pas du
degré de son utilité, mais tout simplement, pour Smith, ce qui n'a
pas de valeur en usage n'est pas demandé et par là n'a pas de valeur
en échange.
Il nous reste maintenant à nous interroger sur le mode de
détermination de la grandeur de la valeur en échange.

II

Lorsqu'un bien a une utilité socialement reconnue, lorsqu'il a une


quelconque valeur en usage, il peut alors servir de moyen d'échange.
Le pouvoir d'achat que ce bien aura sur les autres valeurs en usage
constitue sa valeur en échange.
Dans la mesure où Smith considère que le travail (selon la
première version), ou la terre et le travail (selon la seconde version)
créent les richesses, il va tendre à prêter un rôle central au travail
quant à l'explication de la grandeur de la valeur d'échange.
Cette lecture de Smith n'est pourtant pas admise par tous les
auteurs. En effet, Smith choisit pour étalon de la valeur d'échange
le travail commandé, et de ce fait un certain nombre de ses
formulations seront l'objet d'interprétations divergentes. Ainsi par
exemple est-ce le cas du passage où il écrit :
« Ce qu'on achète avec de l'argent ou des marchandises est acheté
par du travail, aussi bien que ce que nous acquérons à la sueur

5. [3] p. 115 ; [5] p. 83 ; [9] p. 61, note 3 ; [13] p. 309.

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de notre front. Cet argent et ces marchandises nous épargnent,


dans le fait, cette fatigue. Elles contiennent la valeur d'une
certaine quantité de travail, que nous échangeons pour ce qui est
supposé alors contenir la valeur d'une quantité égale de travail. »
[15] pp. 38-39).

Pour Marx, cela revient à dire que :


« La valeur d'échange de la marchandise que l'on possède consiste,
après la division du travail, dans les marchandises d'autrui que
l'on peut acheter, c'est-à-dire dans la quantité de travail d'autrui
qui y est contenu, la quantité de travail d'autrui matérialisée. Et
cette quantité de travail d'autrui est égale à la quantité de travail
qui est contenu dans sa propre marchandise. » ([8] p. 46).

Par contre, pour Kaushil, il s'agit là d'une lecture à courte vue :


« De l'aveu de tous, Smith fait ressortir le rôle du travail et il
y a des jugements tout au long du Livre I se référant au travail
en tant que « prix originel » ou « monnaie d'achat », et en tant que
source de tout le produit, qui pourraient pour un lecteur moins
attentif être le signe d'une théorie de la valeur d'échange travail.
Une lecture plus attentive montre que les jugements parlant du
travail comme du « prix originel » et de la « monnaie d'achat »,
renvoient à la mesure plutôt qu'à la cause, en ce qui concerne le
rôle du travail.» ([9] p. 65).

Or, le moins qu'on puisse dire c'est que les choses sont loin d'être
aussi claires et tranchées que ne pense Kaushil. Le passage incriminé
n'est pas le seul endroit où Smith donne à penser que la quantité de
travail puisse déterminer la valeur en échange. C'est également le
cas par exemple lorsque, comparant les manufactures du xv6 siècle
à celles de son temps, il explique :
« ..., pourquoi le prix réel de ces manufactures, tant de gros que
de fin, était si haut dans ces anciens temps, en proportion de ce
qu'il est aujourd'hui. Il en coûtait une bien plus grande quantité
de travail pour mettre la marchandise au marché ; aussi quand
elle y était venue, il fallait bien qu'elle achetât ou qu'elle obtînt
en échange le prix d'une plus grande quantité de travail. » ([15]
p. 318).
La mesure de la valeur en échange, dans ce passage, c'est sans
ambiguïté le travail commandé. Mais, ce qui explique quelle quantité
de travail commandé une marchandise peut acheter, c'est la quantité
de travail nécessaire pour la porter au marché.

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On trouve également un passage où la valeur en échange est dite


dépendre de la quantité de travail, dans la discussion de Smith sur
le travail productif et le travail improductif à propos de
l'accumulation du capital :

« II y a une sorte de travail qui ajoute à la valeur de l'objet sur


lequel il s'exerce ; il y en a un autre qui n'a pas le même effet. Le
premier, produisant une valeur, peut être appelé travail productif ;
le dernier, travail non productif. Ainsi le travail d'un ouvrier de
manufacture ajoute en général, à la valeur de la matière sur
laquelle travaille cet ouvrier, la valeur de sa subsistance et du
profit de son maître. » ([15] pp. 410-411).
« ... le travail de l'ouvrier se fixe et se réalise sur un sujet
quelconque, ou sur une chose vénale qui dure au moins quelque temps
après que le travail a cessé. C'est, pour ainsi dire, une certaine
quantité de travail amassé et mis en réserve, pour être employé,
s'il est nécessaire, dans quelque autre occasion. Cet objet, ou ce
qui est la même chose, le prix de cet objet peut ensuite, s'il en
est besoin, mettre en activité une quantité de travail égale à celle
qui l'a produit originairement. » ([15] pp. 412-413).

Pour Carlo Benetti, la conclusion de Marx selon laquelle Smith


«a reconnu l'origine véritable de la plus-value » ([1] p. 220) ne peut
être soutenue qu'en attribuant à tort à Smith une théorie du travail
incorporé. En effet :

« Puisque la plus-value est la forme capitaliste du surproduit (elle


se forme donc à travers la production de la valeur), sa
détermination implique non seulement l'existence de la relation entre travail
dépensé et produit net, mais encore et surtout l'existence d'une
relation de correspondance entre la quantité de travail dépensé
et la valeur du produit net. Or, c'est précisément cette relation
qui ne peut pas être établie sur la base du travail commandé
puisqu'elle se modifie lorsque rien ne change d'autre que le taux
de partage du produit net. [...]. Le travail commandé ne peut
donc pas être pris comme cause explicative de la valeur, ...» ([Il
p. 221).

L'argumentation de Benetti est exacte, si l'on accepte que « la


détermination de la valeur par la quantité de travail commandé, [...]
c'est ce que Smith énonce comme loi générale». ([1] p. 218). Or
Smith ne parle à aucun moment de la détermination de la valeur
d'échange par le travail commandé, mais il parle de la mesure de la
valeur d'échange par le travail commandé. Cela revient à dire que

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pour Smith la valeur d'une marchandise est datée, circonscrite par


le cadre de rapports déterminés de production. Suivant que la terre
est appropriée ou non, que le capital est entre les mains d'individus
particuliers ou non, le travailleur dispose ou non de la totalité du
produit de son travail. La part dont il dispose est le résultat du
rapport de force découlant de l'appropriation privée des moyens de
production. Il est évident que plus la part du produit net dont le salarié
conserve le contrôle est faible, plus la valeur de celui-ci, mesurée en
terme de travail commandé est forte, à travail égal dépensé dans la
production. Mais pour Smith, la part que le salarié peut obtenir sur
son propre produit est étroitement limitée, car le rapport de force
entre maîtres et ouvriers n'est pas en la faveur de ces derniers :
« II n'est pas difficile de prévoir lequel des deux partis, dans toutes
les circonstances ordinaires, doit avoir l'avantage dans le débat,
et imposer forcément à l'autre toutes ses conditions. » ([15] p. 86).
« Mais quoique les maîtres aient presque toujours nécessairement
l'avantage dans leurs querelles avec leurs ouvriers, cependant il
y a un certain taux au-dessous duquel il est impossible de réduire,
pour un temps un peu considérable, les salaires ordinaires, même
de la plus basse espèce de travail.
« II faut de toute nécessité qu'un homme vive de son travail, et
que son salaire suffise au moins à sa subsistance ; il faut même
quelque chose de plus dans la plupart des circonstances,
autrement il serait impossible au travailleur d'élever une famille, et
alors la race de ces ouvriers ne pourrait pas durer au-delà de la
première génération. » ([15] p. 88).

La question de la variation de la répartition ne se pose alors pas


du tout pour Smith dans les termes où Benetti la traite. Elle n'a
aucune chance de se modifier de façon aléatoire ou discrète. Certes,
une modification de la répartition est possible ; c'est-à-dire qu'une
plus grande partie du produit net peut encore être captée par les
possesseurs des moyens de production, mais cela est alors le résultat
d'une modification de la force productive du travail, qui fait que
ce que consomme le salarié peut par exemple être produit à encore
moins de frais, ou avec encore moins de travail que dans un état
précédent. Mais pour un état donné du développement et de la
technique, la part que le salarié obtient reste stable et la valeur
mesurée en terme de travail commandé « varie dans le même sens
que le travail dépensé dans la production » ([1] p. 220).
S'il y a émergence de profit et de rente, c'est parce que pendant
sa journée de travail, le travailleur ne travaille qu'en partie pour lui.

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En effet, dès que le capital est accumulé dans les mains de


particuliers :
« ..., le produit du travail n'appartient pas tout entier à l'ouvrier.
Il faut le plus souvent que celui-ci le partage avec le propriétaire
du capital qui le fait travailler. » ([15] p. 67).
« Dès l'instant que le sol d'un pays est devenu propriété privée,
les propriétaires, comme tous les autres hommes, aiment à
recueil ir où ils n'ont pas semé ; et ils demandent un fermage, même
pour le produit naturel de la terre. [...]. Il faut qu'il [le
travailleur] paye pour avoir la permission de les recueillir, et il faut
qu'il cède au propriétaire du sol une portion de ce qu'il recueille
ou de ce qu'il produit par son travail. » ([15] pp. 61-68).

Nous avons là la description de l'exploitation du travail. En terme


de valeur, c'est l'ébauche d'une notion de plus-value. Elle
correspondrait à la différence entre la valeur du produit net, qui dépend de
la quantité de travail 6 ou de l'effort nécessaire à porter celui-ci sur
le marché, mais se mesure en travail commandé, et la valeur de la
part du produit net revenant aux travailleurs pour leur entretien et
leur reproduction en tant que travailleurs (cf. [15] p. 88). Benetti
montre d'ailleurs lui-même que le calcul d'un taux de plus-value en
terme de travail commandé est tout à fait compatible avec celui du
taux de plus-value en terme de travail incorporé ([1] pp. 217-219).
Une telle formulation ne se trouve pas chez Smith, il est vrai,
et l'étalon de valeur qu'il utilise va l'entraîner dans une tout autre
direction que celle de la formalisation du concept de plus-value.
Pourtant Smith a sans aucun doute pressenti cette partie de la valeur
que nous appelons plus-value. Pour reprendre la comparaison d'Engels
dont Benetti conteste la pertinence ([1] p. 225), tout comme Priestley
et Scheele ont produit de l'oxygène, Smith a « produit » le concept de
plus-value. Tout comme Lavoisier a découvert que ce que Priestley et
Scheele avaient produit était de l'oxygène, Marx a découvert que ce
que l'on trouve chez Smith c'est de la plus-value (cf. [4] pp. 16 et
suivantes).
Que Marx ait eu tendance à en rajouter par rapport au texte de
Smith, comme le montre Benetti ([1] p. 220), cela semble exact, et
on peut de ce point de vue s'interroger, comme le préconise Benetti,

6. Nous verrons plus loin ce qu'il faut penser de l'existence d'une telle
conception chez Smith.

724
Eric Fries

sur la relation entre Marx et les classiques 7. Mais cela n'enlève rien
au fait que le texte de Smith rende possible la découverte de la
plus-value, d'autant que ce que Benetti reproche à Marx, c'est de
s'être obstiné à prêter à Smith une théorie de la valeur travail qui
lui serait étrangère. Or s'il est vrai que l'on ne peut pas dire de
Smith qu'il ait établi en dernière instance une théorie de la valeur
travail, par contre il est manifeste qu'au départ il s'oriente vers une
telle théorie, et que ce n'est qu'après avoir analysé les différents
éléments qui contraignent le salaire, qu'il s'oriente dans une nouvelle
voie, celle de la valeur coûts de production 8.
« ... la valeur réelle de toutes les différentes parties constituantes
du prix se mesure par la quantité de travail que chacune d'elles
peut acheter ou commander. Le travail mesure la valeur, non
seulement de cette partie du prix qui se résout en travail, mais
encore de celle qui se résout en fermage, et de celle qui se résout
en profit. » ([15] p. 68).

Jusque-là, la valeur produite était divisée en trois éléments, le


salaire, le profit et la rente, et cette division était le résultat d'un
certain procès historique. Maintenant, c'est la somme de ces trois
éléments, à leur taux naturel, qui va constituer la valeur d'un objet.
Ainsi :
« De même que le prix ou la valeur échangeable de chaque
marchandise prise séparément, se résout en l'une ou l'autre de ces
parties constituantes ou en toutes les trois, de même le prix de
toutes les marchandises qui composent la somme totale du
produit annuel de chaque pays, prises collectivement et en masse,
se résout nécessairement en ces mêmes trois parties, et doit se
distribuer entre les différents habitants du pays, soit comme salaire
de leur travail, soit comme profit de leurs capitaux, soit comme
rente de leur terre. [...]. Salaire, profit et rente sont les trois
sources primitives de tout revenu, aussi bien que de toute valeur
échangeable.» ([15] p. 70).

7. Encore que la critique que Benetti fait à Marx me semble ignorer une
discussion essentielle de l'analyse du texte de Smith par Marx : Marx fait ressortir
chez Smith l'intelligence qu'a ce dernier de l'expropriation du produit de son travail
dont est victime le travailleur du fait des rapports de propriété, des rapports de
force, en bref des rapports socio-politiques. La plus-value ne saurait se concevoir
du seul point de vue de sa forme économique et ce d'autant moins que Benetti
se donne pour but d'expurger l'économisme des textes de Marx.
8. Et encore lui arrive-t-il par la suite de flirter avec son analyse initiale (cf.
[15] pp. 412-413).

725
Revue économique

Mais en ce qui concerne notre objet, le fait que Smith se rallie


à une théorie de la valeur coût de production n'a que peu
d'importance ; que ce soit le travail qui soit la source de la valeur ou que
ce soit l'ampleur des coûts de production, c'est toujours de la
difficulté qu'il y a à porter un bien sur le marché que dépend sa valeur
en échange. Smith nous l'indique à plusieurs occasions, par exemple
en ce qui concerne la valeur des métaux précieux :

« Ils ne considèrent pas que la valeur de ces métaux, dans tous


les siècles et dans tous les pays, a procédé principalement de leur
rareté, et que leur rareté provient de ce que la nature les a
déposés en quantités extrêmement petites à la fois dans un même
lieu ; de ce qu'elle a presque partout enfermé ces quantités si
petites dans les substances les plus dures et les plus intraitables,
et par conséquent de ce qu'il faut partout des travaux et des
dépenses proportionnées à ces difficultés pour pénétrer jusqu'à
eux et pour les obtenir.9» ([15] tome II, p. 172).

Comme avec le développement de la division du travail,


l'accumulation du capital et l'amélioration des techniques, la difficulté de
se procurer des objets peut diminuer, la quantité de travail et d'efforts
nécessaires à leur production peut se réduire, et leur coût en général
baisser :
« L'effet naturel de l'amélioration générale est cependant de faire
baisser par degré le prix réel de presque tous les ouvrages des
manufactures. [...]. De meilleures machines, une plus grande
dextérité et une division et distribution de travail mieux étendues,
toutes choses qui sont les effets naturels de l'avancement du pays,
sont cause que, pour exécuter une pièce quelconque, il ne faut
qu'une bien moindre quantité de travail ; et quoique, par suite de
l'état florissant de la société, le prix réel du travail doive s'élever
considérablement, cependant la grande diminution dans la quantité
du travail que chaque chose exige fait bien plus en général que
compenser quelque hausse que ce soit dans le prix de ce travail. »
([15] pp. 313-314).

Inversement, avec l'accroissement de la population et donc de leur


demande, certaines marchandises ne pourront être produites qu'à
coût croissant. Smith cite l'exemple du poisson qu'il faudra aller
pêcher de plus en plus loin, avec des bateaux de plus en plus grands

9. Soulignés par nous.

726
Eric Fries

et des machines de toutes sortes de plus en plus coûteuses. En


conséquence de quoi le prix réel de cette marchandise croît naturellement
avec le progrès ([15] pp. 304-305).

Dans l'analyse que nous venons de faire, nous avons très


fidèlement suivi les formulations d'Adam Smith. Nous avons le plus
possible évité de faire la moindre violence au texte : nous cherchons en
effet à restituer notre lecture de La richesse des nations, et non à
réécrire cette dernière. Il est vrai qu'une lecture est toujours quelque
peu une réécriture, et que ce n'est pas forcément un mal. Mais en
histoire de la pensée économique, c'est un travers contre lequel on
peut fort heureusement se prémunir par un retour aussi fréquent
que possible au texte original, quitte à alourdir un peu l'exposé.
Ainsi, bien que prenant explicitement le parti d'Adam Smith, et
portant un grand intérêt à sa théorie de la valeur, nous sommes
néanmoins obligés de reconnaître que cet auteur fort sympathique est
quelque peu sujet aux contradictions et à l'inconstance. Cela n'enlève
rien à la richesse d'une œuvre, dont le caractère un peu désordonné
est peut-être ce qui en a fait le point de départ de tant de
mouvements et de découvertes de la pensée économique. Mais de grâce, ne
rajoutons pas d'ambiguïté là où il n'y en a pas. Clairement pour
Smith, n'a de valeur en échange que ce qui a de la valeur en usage ;
la valeur en échange étant d'autant plus importante qu'il y a de
difficultés à porter cette valeur en usage sur le marché.
Ainsi tombe tout paradoxe. L'eau a une valeur en usage, mais
tant que, du fait de son abondance, il suffit de se baisser pour la
recueillir, elle n'a pas de valeur en échange. C'était l'opinion de Smith
dans les cours de Glasgow et il ne revient à aucun moment sur ce
jugement dans La richesse des nations :

« Le bon marché est en fait la même chose que l'abondance. Ce


n'est qu'en raison de l'abondance de l'eau qu'elle ne coûte pas
plus que de la ramasser; et c'est en raison de la rareté des
diamants (car leur usage réel semble ne pas avoir encore été
découvert) qu'ils sont aussi chers. » ([14] p. 157).

Bien au contraire, dans La richesse des nations, il affine son


analyse, et, ayant montré que l'utilité des diamants était relative à

727
Revue économique

l'état de développement, il indique le lien entre la rareté et la valeur


en échange, à savoir la difficulté à porter un bien sur le marché :
« La demande de pierres précieuses vient entièrement de leur
beauté. Elles ne servent à rien qu'à l'ornement, et le mérite de
leur beauté est extrêmement rehaussé par leur rareté ou par la
difficulté et la dépense de les extraire de la mine. » 10 ([15] p. 222).

Il semble bien en définitive n'y avoir de paradoxe de la valeur


chez Adam Smith que pour ceux qui ne supportent qu'avec difficulté
le fait que celui qui a été vénéré par des générations d'économistes*
à tort ou à raison, comme le père fondateur de leur science, ait pu
avoir une conception objective de la valeur et reconnaître le
caractère antagonique d'une structure sociale qui oppose ceux qui possèdent
les moyens de production, terre et capital, à ceux qui ne possèdent
que leurs bras 11. Donc une conception de l'économie politique selon
laquelle l'essentiel est la production et la façon de produire, l'échange
étant le moyen de repousser les limites atteintes dans l'organisation
de la production.
Eric FRIES
Assistant à l'Université Louis Pasteur
Strasbourg I

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] Benettt, Travail commandé, surproduit et plus-value, Cahiers d'économie


politique, PUF, n° 2, 1975.
[2] Blaug M., Economie Theory in Retrospect, London, 1964, Chapter 2 (lre
édition, 1962).
[3] Douglas, « Smith's Theory of Value and Distribution », 1928, in H.W.
Spiegel, The Development of Economic Thought, 1952. (Originellement
publié dans J.M. Clark et al., Adam Smith, 1776-1926 (1928)).
[4] Engels, Préface dix Livre II du Capital, 1885, E.S. Le Capital, t. IV.
[5] Gide Ch. et Rist Ch., Histoire des doctrines économiques, 7e éd., Paris,
1947, t. I, 1. 1, ch. II, par Charles Rist.

10. C'est nous qui soulignons.


11. Voir [15], pp. 85 à 88.

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Eric Fries

[6] Hollander S., « On the Role of Utility and Demand in The Wealth of
Nations », in Essays on Adam Smith edited by S. Skinner and T. Wilson,
1975, volume associé à l'édition de Glasgow de l'œuvre et de la corres1-
pondance d'A. Smith.
[7] Kauder E., « Genesis of the Marginal Utility Theory », The Economic
Journal, Sept. 1953.
[8] Kauder E., A History of Marginal Utility Theory, Princeton, New Jersey,
1965.
[9] Kaushil S., The Case of Adam Smith's Value Analysis, Oxford Economic
Papers, March 1973.
[10] Marx K., Theorien über den Mehrwert, Dietz Verlag, Berlin, 1974, dans
Marx Engels Werke, volume 26.1 (Drittes Kapitel).
[11] Robertson & Taylor, « Adam Smith's Approach to the Theory of Value »,
Economic Journal, June 1957.
[12] Roll E., A History of Economic Thought, New York, 1942, ch. V.
[13] Schumpeter J., History of Economic Analysis, . ed. from manuscript by
Elizabeth Boody Schumpeter, New York, 1954.
[14] Smith A., Lectures on Justice, Police Revenue and Arms, delivered in the
University of Glasgow by A. Smith and reported by a Student in 1763,
ed. by Edwin Cannan, Oxford, 1896.
[15] Smith A., Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations,
trad, de Germain Gamier, éd. de 1843, réimpr. de Otto Zeller, Osnabrück,
1966.
[16] Smith
lre éd.
A., 1776,
An Inquiry
ed. byinto
R.H.
theCampbell
Nature and
& A.S.
Causes
Skinner,
of theTextual
WealthEditor
of Nations,
W.B.
Todd ; Glasgow 1976. Deux volumes qui font partie de l'édition de
Glasgow de l'œuvre et de la correspondance d'Adam Smith.

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