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Travaux dirigés en droit des personnes – 2023-2024 - L1 série A

Cours magistral : Mélina Douchy-Oudot


Équipe de travaux dirigés : Caroline Clément, Séverine Pene, Sandra Kuntz, Morgan Daudé-
Maginot

Il est impératif d’apporter le code civil (Dalloz ou Lexis par ex.) pendant la séance de TD

Plan du cours

Lundi 4 septembre - Le sujet de droit

Mercredi 6 septembre – L’identification de la personne (I) – Nom et prénoms

Lundi 11 septembre – L’identification de la personne (II) – Nationalité, domicile, sexe, âge

Mercredi 13 septembre – L’état civil

Vendredi 15 septembre - Les prérogatives juridiques du sujet de droit (I) – Droits patrimoniaux

Lundi 18 septembre – Les prérogatives juridiques du sujet de droit (II) – Droits extrapatrimoniaux

Mercredi 20 septembre – Les personnes vulnérables (notion)

Mercredi 27 et Jeudi 28 septembre – La représentation du mineur

Mercredi 4 octobre – Le majeur souffrant d’une altération de ses facultés personnelles

Vendredi 6 octobre – Les régimes de protection judiciaire du majeur vulnérable

Lundi 9 octobre – Les autres régimes de protection du majeur vulnérable

Semaine du Galop d’essai – mercredi 22 novembre de 14h à 17h

Plan des TD

Semaine du 25/09 - Le sujet de droit – travail : ficher les deux arrêts + recherche jurisprudence ; lire
la méthodologie des exercices juridiques

Semaine du 2/10 – L’identification de la personne (I) – travail : commenter Cass. civ. 1re, 8 mars 2017,
n° 16-13.032

Semaine du 9/10 – L’identification de la personne (II) – travail : commenter Cass. civ. 1re, 4 mai 2017,
16-17.189

Semaine du 16/10 – L’état civil – travail : commenter l’article 99 du code civil.

Semaine du 23/10 - Les prérogatives juridiques du sujet de droit (I) – travail : commenter Cass.
Chambre des requêtes, du 3 août 1915, 00-02.378, Inédit

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Semaine du 6/11 – Les prérogatives juridiques du sujet de droit (II) – travail : commenter Cass. Civ.
1re, 14 décembre 1999, n° 97-15-756

Semaine du 13/11 – Le majeur protégé (notion) – travail : commenter l’article 425 du code civil

Semaine du 20/11 – Galop d’essai le 22 novembre (pas de TD cette semaine là)

Semaine du 27/11 – Correction du Galop d’essai en TD

Semaine du 4/12 – La protection du majeur vulnérable – travail : cas pratique

SÉANCE N° 1 – Le sujet de droit

Travail de préparation de la séance


1) Lire les éléments de méthodologie
2) Ficher les deux arrêts de la Cour de cassation + recherche de jurisprudence sur légifrance ; +
recherche en bibliothèque ouvrage de droit

Elément de méthodologie
Les sources sur lesquelles travailler
Le cours a pour base l’ouvrage Hypercours Introduction au droit, droit des personnes, droit de la
famille de votre professeur, dont la dernière édition chez Dalloz, est de septembre 2023. Plusieurs
exemplaires sont à votre disposition à la bibliothèque.

Le droit des personnes est une matière où la technique juridique sert des valeurs, des idées et une
conception de la société. Il est nécessaire que vous preniez deux ou trois ouvrages (toujours les
mêmes) où les auteurs vous paraissent avoir des idées différentes, ce qui vous permettra de réfléchir
aux différents arguments de part et d’autre et de former votre opinion.

Les cinq revues à consulter pour travailler le cours et les TD sont : l’AJ famille (Dalloz), Recueil dalloz,
la Revue trimestrielle de droit civil (Dalloz), le droit de la famille (Lexis), La semaine juridique générale
(Lexis) : https://bu.univ-tln.fr/-collections-numeriques-.html

L’orthographe, le style, la présentation d’un devoir


Ce sont les éléments indispensables de la courtoisie à l’écrit. Votre copie doit être propre, bien
écrite, avec un stylo à l’encre foncée, soulignez les titres, allez à la ligne à chaque étape de votre
démonstration en faisant un rentré équivalent à deux carreaux.

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Relisez-vous, pour vérifier que ce que vous avez écrit correspond à ce que vous vouliez dire (la
pensée va souvent plus vite que la plume !).

Travaillez avec des livres de dgrammaire et de conjugaison, pour, quand vous avez un doute, revisiter
la règle que vous ne maitrisez pas ou plus totalement.

La fiche d’arrêt
La séance de TD est constituée d’un travail à réaliser et peut également comporter des décisions de
justice ou autres documents complémentaires. Les éléments (décisions, documents)
complémentaires sont destinés à nourrir votre réflexion, à vous habituer à lire la littérature juridique,
à ficher les décisions de justice utiles pour illustrer votre cours. Il peut également s’agir de lecture
personnelle dans les revues à l’occasion de la veille juridique que vous faites chaque semaine.

Pour une plus grande efficacité, il est utile que vous fichiez les décisions de justice, pour retenir : les
faits, le problème juridique, la solution apportée par la juridiction, c’est-à-dire le contenu de la
solution et les règles de droit visées par la décision (celles-ci figurent au début de la solution de droit,
il s’agit du visa des textes ou principes fondement juridique de la décision des juges). Déterminer
enfin l’enjeu de la décision (si la Cour a statué dans ce sens, la ou les effets poursuivis sont…si elle
avait statué dans un sens opposé, ils auraient été…).

Les exercices juridiques


Trois types d’exercices juridiques doivent être maitrisés : le commentaire d’une décision de justice ou
d’un texte, le cas pratique ou la consultation juridique et la dissertation sur une question juridique.
Dans tous les cas, trois points sont fondamentaux : l’introduction, le plan et les développements.

L’introduction - Elle obéit à un certain nombre de règles formelles. Cette forme peut varier d’un
enseignant à l’autre. Ces règles ne sont donc pas intangibles. Pourtant, toutes tendent au même but :
établir un ordre dans la présentation du sujet à traiter et de la problématique à résoudre. L’étudiant
n’est pas tenu d’adopter tel ordre plutôt que tel autre, le tout est qu’il sache en fin d’année procéder
de façon logique dans l’exposé de son travail. L’harmonie dans la forme doit révéler la cohésion des
idées au fond.

Tout sujet porte en lui-même les termes de l’exercice à résoudre. La lecture lente et réfléchie du
sujet est indispensable au travail qui doit suivre. Noter les idées qu’elle évoque spontanément,
rechercher les connaissances qui ont un rapport avec le thème étudié, penser aux difficultés des
questions que le sujet présuppose. Veiller tout particulièrement à la terminologie employée, aux
tournures de phrases. Réfléchir à ce qui est exposé, qui l’expose, comment cela est exposé. Il
convient de retenir aussi ce qui est seulement suggéré ou ce qui est, volontairement ou non, occulté.
Ceci est une étape nécessaire pour bien cerner la problématique.

Pour délimiter le ou les problèmes posés, il est utile, ainsi qu’il est parfois enseigné, de formuler par
trois fois la question, mais sous un angle de vue différent (général, concret, précis) : 1) Formulation
du ou des problèmes juridiques posés de façon générale et théorique. Exemple : en matière civile,
peut-on se constituer une preuve à soi-même ? 2) Formulation concrète de la ou des difficultés à
résoudre. Exemple : la facture élaborée et produite par le créancier est-elle recevable pour prouver
sa créance d’un montant de 2 000 euros ? 3) Formulation précise et détaillée de la ou des questions
juridiques particulières à résoudre. Exemple : sur quel fondement peut-on rattacher l’interdiction de
se constituer une preuve à soi-même ? La preuve produite satisfait-elle aux conditions de

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l’article 1359 du Code civil ou s’agit-il d’un simple commencement de preuve par écrit au sens de
l’article 1362 du même Code ?

Chaque exercice contient ensuite des paramètres propres.

Introduire une décision de justice : 1) Formulation du ou des problèmes juridiques posés de façon
générale et théorique. 2) Faits de l’espèce. 3) Formulation concrète de la ou des difficultés à
résoudre. 4) Procédure : qui a saisi la juridiction (demandeur), sur quel fondement juridique (moyen
contenant un ou plusieurs arguments), qu’a soutenu la partie adverse (défendeur), sur quel
fondement juridique (moyen contenant un ou plusieurs arguments), qu’est-ce qui a été décidé par
les juges (dispositif et motifs ; ), une voie de recours a-t-elle été exercée, par qui, contre qui, quels
sont les moyens de part et d’autre, quelle est la solution rendue par la juridiction, etc. jusqu’à aboutir
à la décision objet du commentaire (citer entre guillemets le considérant ou l’attendu essentiel). 5)
Formulation précise et détaillée de la ou des questions juridiques particulières qui ont été posées aux
juges. 6) Valeur et portée de la décision : replacer la solution dans son contexte (valeur), donner une
vision prospective, c’est-à-dire indiquer l’influence ultérieure de la solution retenue (portée).
7) Annonce du plan.

Introduire un article : il peut s’agir de tout type de texte (passage d’un article de doctrine, texte de
loi largo sensu, extrait d’un contrat, etc.), en première année, l’exercice le plus fréquent est le
commentaire d’un article de loi. 1) Formulation du ou des problèmes juridiques posés de façon
générale et théorique. 2) Présentation du contenu de l’article (s’il est court, le citer in extenso), de sa
date, des modifications partielles ou totales depuis son adoption, le situer par rapport à l’article qui
le précède et qui le suit, et par rapport à l’intitulé de la partie où il est intégré, faire état de la
construction formelle (nombre d’alinéas, formulation positive, négative, formulation d’un principe et
d’une exception révélée par l’emploi de tel adverbe, etc.), élucider les termes techniques, souligner
l’ambiguïté de certains termes... 3) Formulation concrète de la ou des difficultés résolues par l’article.
4) Formulation précise et détaillée de la ou des questions juridiques auxquelles il a donné lieu. 5)
Indiquer si le texte a fait l’objet d’une réception controversée en doctrine, préciser son accueil en
jurisprudence. 6) Annonce du plan.

Introduire le sujet d’une dissertation : 1) formuler un ou des problèmes juridiques posés de façon
générale et théorique. 2) Présenter le sujet (analyse de chacun des termes surtout si l’intitulé est
bref, lien entre les termes du sujet, définition de l’ensemble obtenu). 3) Délimiter le sujet, c’est-à-
dire exclure ce qui n’entre pas dans l’objet de votre propos et souligner les grands traits des
questions que vous allez aborder qui correspondent à la formulation concrète de la ou des difficultés
à résoudre. 4) Rattacher le sujet aux connaissances juridiques qu’il évoque : approche historique,
textes de loi, controverses doctrinales et/ou jurisprudentielles... 5) résumer en une formulation
précise et détaillée la ou les questions juridiques qui vont constituer les étapes du raisonnement et le
but que l’on essaie d’atteindre, c’est-à-dire le résultat poursuivi de la démonstration. 6) Annonce du
plan.

Introduire un cas pratique : à la différence des méthodes proposées pour les autres exercices, le cas
pratique (ou consultation juridique) ne fait l’objet que d’une très brève introduction constituée en
trois étapes. 1) Présenter les faits pertinents du cas à résoudre. 2) Opérer une transcription juridique
des faits sous forme interrogative. 3) Annoncer l’ordre dans lequel sera traitée chacune des
questions juridiques ainsi formulée.

Le plan - À la différence de ce qui est enseigné au lycée, il faut préciser qu’en droit, le plan doit
apparaître formellement. Cela signifie d’abord que la dernière partie de l’introduction qui est

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consacrée à l’annonce du plan marquera par un signe visible chacune des parties le constituant.
Exemple : l’articulation de la décision est claire. Après avoir caractérisé la faute de défaut de conseil
du banquier (I), les juges prononcent la résolution judiciaire à ses torts exclusifs (II). Cela signifie
ensuite que chaque partie du plan comprend un intitulé qui rend compte du contenu des
développements qui vont suivre. Exemple : I. Le défaut de conseil du banquier II. La résolution
judiciaire aux torts exclusifs du banquier.

La tradition en droit est de réduire, autant qu’il est possible, les questions étudiées en deux parties,
chacune constituée de deux sous-parties (I. A. B. ; II. A. B.). Cette règle formelle oblige l’étudiant à
apprendre la rigueur dans le raisonnement en rattachant plusieurs aspects d’une même question par
une appellation générique. Il y a une articulation logique entre chaque sous-partie constituant les
deux questions nécessaires pour répondre au problème principal posé dans la partie qu’elles
constituent. Ce lien logique est mis en exergue par l’étudiant dans un chapeau introductif après
chaque partie où apparaissent expressément dans une phrase les A et B qui vont suivre. Il convient
de procéder comme pour les deux parties principales qui sont les deux points de droit
complémentaires pour traiter et résoudre la problématique qui a été posée dans l’introduction.

Le plan n’est toutefois que l’ordre dans les idées développées, il est l’articulation logique du
raisonnement élaboré à partir des problèmes posés dans l’introduction. Lorsqu’il y a des idées
irréductibles entre elles, l’étudiant peut donc faire un plan constitué d’autant de parties qu’il y a
d’idées. Ce système n’est pas reconnu par tous les enseignants. Certains exigent de façon impérative
et, dans tous les cas, un plan dichotomique, d’autres n’admettent le plan en trois parties ou plus que
si l’irréductibilité des idées entre elles est indéniable, d’autres enfin, moins nombreux, semble-t-il,
n’accordent aucune importance à la forme donnée aux développements. Il convient par conséquent
que chaque étudiant se renseigne sur ce qu’attend son enseignant.

Chaque partie et sous-partie fait l’objet d’un intitulé. Cet intitulé est destiné à renseigner sur le
contenu des développements qui forment la partie ou sous-partie. Un lecteur doit à la seule lecture
du plan comprendre ce que l’étudiant cherche à démontrer et par où il va passer pour mener à bien
cette démonstration. La lecture de l’intitulé doit être par conséquent révélatrice de la teneur
juridique de cette partie ou de la sous-partie. Exemple d’intitulé inadéquat : le principe ; l’exception ;
les conditions ; les effets ; la portée de la solution ; la portée ou la valeur de l’arrêt... Outre le
caractère juridique de l’intitulé, il faut qu’il soit suffisamment précis pour que le lecteur puisse
comprendre la question qui sera étudiée dans la partie ou sous-partie désignée. Pour plus de clarté, il
est souvent exigé de l’étudiant des intitulés suffisamment brefs, sans verbe, et désignant
directement le point de droit traité.

Il existe évidemment des particularités dans l’élaboration du plan qui tiennent à la nature de
l’exercice effectué. Mais, dans tous les cas, le meilleur plan sera celui susceptible de suivre au plus
près l’ordre du texte à commenter. Ceci est particulièrement vrai pour les décisions de justice ou les
articles de loi. Les juges ou le législateur dans la solution juridique retenue donnent fréquemment la
clef du raisonnement à suivre et donc du plan à élaborer. Exemple : article 213 du Code civil : « Les
époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation
des enfants et préparent leur avenir ». I. La direction conjointe de la famille A. Caractère conjoint de
la direction de la famille B. Objet moral et matériel de la direction de la famille II. L’éducation et la
préparation de l’avenir des enfants A. Les débiteurs de l’obligation B. Le contenu de l’obligation.

On relèvera la particularité de l’élaboration du plan lorsque l’exercice consiste à disserter sur une
question juridique. Le plan dépendra en très grande partie de la culture, des connaissances, des choix
et de la réflexion de l’étudiant. Sous cet angle, la dissertation juridique est un exercice plus difficile

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pour l’étudiant qui débute ses études de droit. Exemple de sujet : le couple. Parce que le couple est
un lieu d’union (I), il est aussi un lieu de protection (II). I. Le couple, un lieu d’union A. Une union
présupposée (mariage, concubinage, exclusion du PACS) B. Une union finalisée (l’union, cadre à la
procréation – l’union, acte d’association) II – Le couple, un lieu de protection A. Une protection
organisée (la vie en couple – la cessation du couple) B. Une solidarité imposée (entre les membres du
couple – à l’égard des tiers).

Il convient de préciser enfin que pour résoudre un cas pratique, il est inutile de faire un plan à la
manière des règles sus énoncées. Il suffit que l’étudiant adopte pour plan l’ordre des questions qu’il
doit résoudre.

Les développements - L’étudiant doit utiliser la technique de la logique formelle et de la


logique argumentative. Les développements sont la matière du raisonnement juridique. Ils
dépendront des questions envisagées. On peut, toutefois, dénombrer un certain nombre d’erreurs à
ne pas commettre. Le danger bien connu qui guette tout étudiant est l’affirmation gratuite, le
conformisme de pensée, la paraphrase, l’acte de foi en une autorité (le législateur, la Cour de
cassation, le juriste célèbre...), le manichéisme dans les représentations, etc. Chaque fois, la raison de
l’erreur tiendra à l’absence d’effort personnel de réflexion. Le juriste est, par image, celui qui
effectue une pesée entre le pour et le contre. Son activité repose sur l’art de poser les bonnes
questions et d’y apporter, autant que faire se peut, des réponses. Tels doivent être les
développements constituant la matière des exercices juridiques. Il faut en outre que l’étudiant songe
toujours à donner les références de ce qu’il avance lorsqu’il s’agit d’une règle de droit (citer
l’article de loi, le décret, avec n° et date), d’une décision de justice (Cass. civ. 2 e, 6 nov. 2000, n° 99-
12.876), d’une opinion doctrinale (J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, 5e éd., Dalloz, 2012, n° 14).
Afin d’éviter le hors sujet (ou la récitation du cours), il suffit dans chaque sous-partie de partir dans la
réflexion du passage du texte à commenter, de la décision, de l’article du code, pour extraire toute la
substance juridique qu’il porte (ne pas hésiter à citer ce passage littéralement dans la copie, puis
analyser-le).

Arrêts à ficher
1) Cass. crim., 27 juin 2006, n° 05-83.767, inédit
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice
à PARIS, le vingt-sept juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle
THOUIN-PALAT, la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour,
et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Antoine,
- Y... Elvira,
- X... Jean-Pierre,
- Z... Maria, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 17 février 2005, qui
les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Kévin GERMON du chef d'homicide involontaire ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

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Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 6 du Pacte international sur les
droits civils et politiques, 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant, 16 du code civil, 111-3,
111-4, 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Kévin Germon des fins de la poursuite du chef d'homicide
involontaire et, en conséquence, a débouté les parties civiles de l'ensemble de leurs demandes ;
"aux motifs que : "la Cour de cassation, à plusieurs reprises, rappelant le principe de l'interprétation
stricte de la loi pénale "considère que "autrui" ne peut concerner l'enfant en voie de naître ; que
l'incrimination d'homicide involontaire ne peut s'appliquer qu'au cas de l'enfant né vivant ; qu'il
apparaît ainsi qu'aucune incrimination pénale - serait-elle fondée ou non en son principe, il
n'appartient pas à la Cour de trancher ce débat qui relève de la compétence du législateur -
protégeant la vie de l'enfant à naître, notamment dans le cadre d'un homicide involontaire, n'existe
hormis la législation relative à l'interruption volontaire de grossesse, hormis "l'esquisse" de
législation concernant le statut de l'embryon humain ; qu'en conséquence, la décision de relaxe
rendue par le premier juge étant confirmée à hauteur de Cour, Kévin Germon sera renvoyé des fins
de la poursuite" ;
"alors 1 ) que la question de l'interprétation suppose résolue celle, préalable, de la définition des
termes de la loi ; que l'article 221-6 du code pénal réprimant le fait de causer involontairement la
mort d'autrui, n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître ; qu'en limitant la portée de
ce texte à l'enfant né vivant sous prétexte d'interpréter strictement l'article 221-6 du code pénal, la
cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et a violé les textes susvisés ;
"alors 2 ) que la loi pénale s'interprète strictement à la lueur de la ratio legis et des principes
généraux du droit ; que ni l'intention du législateur ni le droit normatif interne et conventionnel
n'autorise à exclure l'enfant à naître du droit au respect de l'être humain dès le commencement de
sa vie et, par conséquent, de la protection pénale due à son intégrité physique ; qu'en retenant que
la vie de l'enfant à naître ne serait protégée par aucune incrimination pénale, et notamment par celle
prévue par l'article 221-6 du code pénal, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 10 octobre 2003, un
accident de la circulation est survenu entre le véhicule automobile conduit par Kévin Germon et celui
conduit par Florinda Salinas-Badas épouse X... ; que celle-ci, qui était enceinte de vingt-deux
semaines, est décédée ; que Kévin Germon a été cité par le ministère public devant le tribunal
correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire sur la personne de Florinda X... par
conducteur ayant fait usage de produits stupéfiants et que le mari de la victime l'a fait citer pour
homicide involontaire sur l'enfant à naître ; que les premiers juges ont condamné le prévenu pour
homicide involontaire sur la personne de Florinda X... et l'ont relaxé pour l'infraction sur l'enfant à
naître ; que les parties civiles et le procureur général ont interjeté appel de la décision de relaxe ;
Attendu que, pour confirmer le jugement et débouter les parties civiles, l'arrêt prononce par les
motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions
conventionnelles invoquées ;
Qu'en effet, le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de
la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant
l'homicide involontaire d'autrui, soit étendu au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique
relève de textes particuliers sur l'embryon ou le foetus ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

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Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les
jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du
code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge
conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Après avoir fiché cet arrêt, rechercher sur Légifrance, dans la jurisprudence judiciaire, s’il y
a d’autres décisions de justice antérieure ou ultérieure sur une question similaire – lister
les décisions de justice trouvées.

2) Cass. civ. 2e, 28 janvier 1954, n° 54-07.081


Sur le moyen unique pris en sa seconde branche : Vu les articles 1er paragraphe 2 et 21 de
l'ordonnance législative du 22 février 1945, 1er du décret du 2 novembre 1945 ;

Attendu que la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à
tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites,
dignes, par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés ; Que, si le législateur a le pouvoir, dans
un but de haute police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de
groupements, il en reconnaît, au contraire, implicitement mais nécessairement, l'existence en faveur
d'organismes créés par la loi elle-même avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant
ainsi le caractère de droits susceptibles d'être déduits en justice ;

Attendu qu'après avoir, en son article 1er, institué des comités d'entreprises dans toutes les
entreprises qu'elle énonce, l'ordonnance susvisée dispose : "le comité d'entreprise coopère avec la
direction à l'amélioration des conditions collectives du travail et de vie du personnel, ainsi que des
règlements qui s'y rapportent" ; "Le comité d'entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les
oeuvres sociales établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou de leurs familles ou participe à
cette gestion ... dans les conditions qui seront fixées par un décret pris en Conseil d'Etat" ; "Le décret
déterminera notamment les règles d'octroi et l'étendue de la personnalité civile des comités
d'entreprises" ;

Attendu que l'article 21 de la même ordonnance est ainsi conçu :

"Dans les entreprises comportant des établissements distincts, il sera créé des comités
d'établissements dont la composition et le fonctionnement seront identiques à ceux des comités
d'entreprises définis aux articles ci-dessus, qui auront les mêmes attributions que les comités
d'entreprises dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; "Le comité central
d'entreprise sera composé de délégués élus des comités d'établissements" ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action intentée contre le sieur X..., en remboursement du
prix d'un marché de vêtements prétendu non exécuté par le Comité d'établissement de Saint-
Chamond de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt, représenté par son
Président, le sieur Y..., l'arrêt attaqué énonce qu'un groupement n'a la personnalité civile que si celle-
ci lui a été expressément attribuée ; que le silence de la loi relativement aux comités
d'établissements dans une matière ou une disposition expresse est indispensable ne peut

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s'interpréter que comme étant l'expression de la volonté de n'attribuer la personnalité civile qu'aux
seuls comités d'entreprises, l'existence et le fonctionnement des comités d'établissements devant se
confondre avec la personnalité des comités centraux d'entreprises et les comités d'établissements ne
pouvant contracter ou agir en justice que par l'intermédiaire de ces derniers ;

Mais, attendu que, d'après l'article 21 précité, la composition et le fonctionnement des comités
d'établissements sont identiques à ceux des comités d'entreprises et ont les mêmes attributions que
ces derniers dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; Et attendu que si
les dispositions de l'article 1er du décret du 2 novembre 1945, prises en application de l'article 2,
alinéa 2 de l'ordonnance législative, ne visent expressément que les comités d'entreprises, elles
impliquent nécessairement reconnaissance de la personnalité civile des comités d'établissements,
celle-ci n'étant pas moins indispensable à l'exercice d'attributions et à la réalisation de buts
identiques, dans le champ d'action qui leur est dévolu par ladite ordonnance elle-même ; D'où il suit
qu'en déclarant, pour les motifs qu'elle a admis, l'action dudit comité d'établissement irrecevable, la
Cour d'appel a faussement appliqué, et par suite, violé les articles invoqués au moyen ;

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Lyon, le 30
octobre 1950, et les renvoie devant la Cour d'Appel de Riom.

Après avoir fiché cet arrêt, rechercher dans trois ouvrages de droit des personnes en
bibliothèque, la théorie de la fiction ou la théorie de la réalité pour expliquer la
personnalité morale ; citez les ouvrages (prénom, nom de l’auteur, intitulé de l’ouvrage,
éditeur, année de publication, page où vous avez trouvé l’information, éventuellement
numéro de paragraphe dans la page), puis résumer la connaissance que vous aurez acquise
par cette recherche.

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SÉANCE N° 2 – L’identification de la personne (I) – Nom et prénoms

Travail de préparation de la séance

Commenter Cass. civ. 1re, 8 mars 2017, n° 16-13.032, publié au bulletin

(Attention : cette décision date de 2017, n’oubliez pas que vous la commentez en 2023, il faut
donc que dans vos développements, vous vous souciez de l’évolution législative
éventuellement, de l’évolution de la jurisprudence éventuellement, dans le même sens ou
dans un sens différent)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 novembre 2015), que Lola A..., née le [...] , a été
reconnue par sa mère, Mme Z..., le 11 avril 2002, et par son père, M. Y..., le 19 mai 2005 ; que le
même jour, ceux-ci ont choisi, par déclaration conjointe reçue par un officier de l'état civil, d'accoler
leurs deux noms afin qu'elle se nomme Z...-Y... ; qu'après leur mariage, célébré le 29 octobre 2009, ils
ont, par requête du 6 mai 2014, saisi le président du tribunal de grande instance afin que l'enfant
porte exclusivement le nom de son père ;

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur requête alors, selon le moyen :

1°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; que, pour décider que les
parents ne pouvaient plus solliciter un changement de nom de l'enfant, l'arrêt attaqué a considéré
que, le 19 mai 2005, ils avaient déjà exercé la faculté prévue à l'article 311-23 du code civil qui ne
peut être utilisée qu'une seule fois ; qu'en se prononçant ainsi quand elle constatait que cette
disposition avait été introduite par l'ordonnance du 4 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er juillet
2006, de sorte que, avant cette date et a fortiori avant sa promulgation, les parents n'avaient pu
solliciter le changement de nom de l'enfant sur son fondement et n'avait donc jamais pu exercer la
faculté de choix prévue par ce texte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations en violation des articles 2 et 311-23 du code civil ;

2°/ qu'au cours des dix-huit mois qui ont suivi le 1er janvier 2005, les parents d'un enfant né avant
cette date ont pu demander, par déclaration conjointe à l'officier d'état civil, l'adjonction en seconde
position du nom du parent qui ne lui avait pas transmis le sien ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a
constaté que, le 19 mai 2005, lors de l'établissement du second lien de filiation avec le père, les
parents de l'enfant avaient, par déclaration conjointe devant l'officier d'état civil, choisi d'adjoindre à
son nom celui du père ; qu'en décidant néanmoins qu'ils avaient exercé la faculté de changement de
nom prévue par l'article 311-23 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet
2005, quand les parents d'un enfant né le [...] avaient bénéficié du régime transitoire issu de la loi du

10
18 juin 2003 permettant uniquement à ceux-ci d'adjoindre en seconde position le nom du parent
qui n'avait pas transmis le sien, la cour d'appel a violé ensemble les articles 2 et 311-23 du code civil
ainsi que l'article 11 de la loi du 18 juin 2003 ;

Mais attendu que l'article 23 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille, modifié
par l'article 11 de la loi n° 2003-516 du 18 juin 2003, a prévu un dispositif transitoire permettant aux
parents, pendant un délai de dix-huit mois suivant la date d'entrée en vigueur, fixée au 1er janvier
2005, de demander, par déclaration conjointe à l'officier de l'état civil, au bénéfice de l'aîné des
enfants communs lorsque celui-ci avait moins de treize ans au 1er septembre 2003 ou à la date de la
déclaration, l'adjonction en deuxième position du nom du parent qui ne lui avait pas transmis le sien,
dans la limite d'un seul nom de famille, le nom ainsi attribué étant dévolu à l'ensemble des enfants
communs, nés et à naître ;

Que ce texte prévoyait, comme l'article 311-24 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance
n° 2005-759 du 4 juillet 2005, que la faculté de choix ne pouvait être exercée qu'une seule fois, de
sorte que le choix des parents d'accoler leurs deux noms était irrévocable ;

Que toute demande postérieure à cette déclaration, visant à modifier judiciairement le nom de
l'enfant, est dès lors irrecevable et relève de la procédure de changement de nom prévue à l'article
61 du code civil ;

Que, la cour d'appel ayant constaté que, le 19 mai 2005, les parents avaient, par déclaration
conjointe devant l'officier de l'état civil, choisi d'accoler leurs noms, il en résulte que ces derniers ne
pouvaient présenter une demande de changement de nom, sur le fondement de l'article 311-23,
alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005 ; que, par ce motif de
pur droit, substitué dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile à ceux critiqués,
l'arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en
son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.

Attention le moyen annexé n’est pas l’objet du commentaire, même s’il peut donner des
éléments de compréhension utile à l’arrêt. Il s’agit de l’argumentaire de l’avocat :
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. et
Mme Y...

11
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les parents d'un enfant né hors mariage le [...]
(M. Y... et Mme Z... épouse Y..., les exposants) de leur requête en substitution du nom du père à celui
de l'enfant ;

AUX MOTIFS QUE la filiation de l'enfant Lola-A... avait été établie en premier lieu à l'égard de sa mère
qui l'avait reconnue le 11 avril 2002 ; que l'enfant avait ainsi pris le nom Z... de cette dernière et que,
lors de l'établissement du second lien de filiation avec son père M. Daniel Nicolas Y..., le 19 mai 2005,
les parents de Lola-A... avaient, par déclaration conjointe devant l'officier d'état civil, choisi d'accoler
leurs noms Z...-Y... et que le changement de nom de l'enfant avait été mentionné en marge de son
acte de naissance ; que l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 portant réforme de la filiation
énonçait que, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, la présente
ordonnance était applicable aux enfants nés avant comme après son entrée en vigueur ; que l'article
311-24 du code civil disposait que la faculté de choix ouverte en application des articles 311-21 et
311-23 du code civil du même code ne pouvait être exercée qu'une fois, selon l'ordonnance n° 2005-
759 du 4 juillet 2005 qui était applicable aux enfants nés avant comme après son entrée en vigueur le
[...] ; que la faculté de changement de nom prévue par l'article 311-23 du code civil avait été
exercée par les parents de l'enfant Lola-A... le 19 mai 2005, de sorte que ces derniers ne pouvaient
plus solliciter un nouveau changement de nom pour leur enfant et qu'il convenait de les débouter de
leur demande tendant à voir rectifier l'acte de naissance de leur fille ;

ALORS QUE, d'une part, la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; que, pour
décider que les parents ne pouvaient plus solliciter un changement de nom de l'enfant, l'arrêt
attaqué a considéré que, le 19 mai 2005, ils avaient déjà exercé la faculté prévue à l'article 311-23 du
code civil qui ne peut être utilisée qu'une seule fois ; qu'en se prononçant ainsi quand elle constatait
que cette disposition avait été introduite par l'ordonnance du 4 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er
juillet 2006, de sorte que, avant cette date et a fortiori avant sa promulgation, les parents n'avaient
pu solliciter le changement de nom de l'enfant sur son fondement et n'avait donc jamais pu exercer
la faculté de choix prévue par ce texte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations en violation des articles 2 et 311-23 du code civil ;

ALORS QUE, d'autre part, au cours des dix-huit mois qui ont suivi le 1er janvier 2005, les parents d'un
enfant né avant cette date ont pu demander, par déclaration conjointe à l'officier d'état civil,
l'adjonction en seconde position du nom du parent qui ne lui avait pas transmis le sien ; qu'en
l'espèce, l'arrêt attaqué a constaté que, le 19 mai 2005, lors de l'établissement du second lien de
filiation avec le père, les parents de l'enfant avaient, par déclaration conjointe devant l'officier d'état
civil, choisi d'adjoindre à son nom celui du père ; qu'en décidant néanmoins qu'ils avaient exercé la
faculté de changement de nom prévue par l'article 311-23 du code civil dans sa rédaction issue de
l'ordonnance du 4 juillet 2005, quand les parents d'un enfant né le [...] avaient bénéficié du régime
transitoire issue de la loi du 18 juin 2003 permettant uniquement à ceux-ci d'adjoindre en seconde
position le nom du parent qui n'avait pas transmis le sien, la cour d'appel a violé ensemble les articles
2 et 311-23 du code civil ainsi que l'article 11 de la loi du 18 juin 2003.

Autres décisions pour illustrer votre cours de droit des personnes


(à ficher si vous les jugez utile – non contrôlé pendant la séance)

12
Cass. civ. 1re, 1 octobre 1986, n° 84-17.090
Attendu que Mme Marie-Patrice Y..., épouse de M. Gérard X..., a mis au monde le 7 avril 1983 un
enfant de sexe féminin ; que les époux avaient choisi de prénommer leur fille Fleur de Marie, Armine,
Angèle mais que l'officier de l'état civil, après en avoir référé au procureur de la République, a refusé
de recevoir le premier de ces trois prénoms ; que les époux X... ont présenté requête au tribunal de
grande instance afin de faire admettre comme prénom le vocable qu'avait refusé l'officier de l'état
civil ; que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté cette requête ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... reprochent à la cour d'appel d'avoir statué sans que les conclusions du
ministère public leur aient été signifiées et d'avoir ainsi violé le principe de la contradiction ;

Mais attendu que l'action par laquelle les père et mère demandent au tribunal de grande instance
d'ordonner l'inscription d'un prénom sur les registres de l'état civil relève de la matière gracieuse ;
que les conclusions du ministère public, qui ont d'ailleurs été développées à l'audience des débats,
n'avaient pas à être signifiées aux époux X... ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir violé les articles 4 et 5 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, les articles 8, 9 et 14 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre
1950 et le préambule de la constitution du 4 octobre 1958 en restreignant, soit sur le fondement de
la loi du 11 germinal an XI, soit de son propre chef, le principe supérieur du libre choix par les parents
du prénom de leurs enfants ;

Mais attendu, d'abord, que les tribunaux doivent appliquer la loi sans pouvoir en écarter certaines
dispositions en raison de leur prétendue contrariété à des principes de caractère constitutionnel et
en particulier aux dispositions de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789
auxquelles le préambule de la constitution du 4 octobre 1958 s'est borné à renvoyer ;

Et attendu, ensuite, que les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 germinal an XI ne sont pas
contraires aux articles précités de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales qui se bornent à poser des principes généraux relatifs au respect de la vie
privée et familiale, à la liberté de conscience et à l'interdiction des discriminations entre les
individus ;

Que la critique énoncée par la première branche du second moyen ne peut donc être accueillie ;

Et sur le second moyen pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué, d'une part, d'avoir violé les dispositions de la loi du
11 germinal an XI en se refusant à admettre comme prénom celui d'une héroïne célèbre de la
littérature française composé de deux prénoms en usage dans les calendriers séparés par la
préposition " de " ; d'autre part, d'avoir laissé sans réponse les conclusions de M. et Mme X... qui
faisaient valoir que les prénoms articulés autour de cette préposition sont fréquents ; enfin de n'avoir
pas donné de base légale à sa décision en écartant le prénom " Fleur de Marie " sans dire en quoi il
était ridicule ;

13
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur
argumentation, énonce, dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'en raison de sa trop grande
fantaisie et de son originalité, le prénom choisi, serait-il celui porté par l'héroïne d'une oeuvre
littéraire célèbre, risque de nuire à l'intérêt de l'enfant ; qu'elle a, ce faisant, légalement justifié sa
décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Suite de l’affaire 10 ans après :


CEDH, 24 octobre 1996, aff. Guillot c./France, Req. n° 15773/89 :
https://hudoc.echr.coe.int/eng#{%22itemid%22:[%22001-62630%22]}

14
SÉANCE N° 3 – L’identification de la personne (II) – Le sexe

Travail de préparation de la séance

Commenter Cass. civ. 1re, 4 mai 2017, 16-17.189, Publié au bulletin

(Attention : cette décision date de 2017, n’oubliez pas que vous la commentez en 2023, il faut
donc que dans vos développements, vous vous souciez de l’évolution législative
éventuellement, de l’évolution de la jurisprudence éventuellement, dans le même sens ou
dans un sens différent)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. Y... du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur
général près la Cour de cassation ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 22 mars 2016), que M. Y..., né le [...] , a été inscrit à
l'état civil comme étant de sexe masculin ; que, par requête du 12 janvier 2015, il a saisi le président
du tribunal de grande instance d'une demande de rectification de son acte de naissance, afin que soit
substituée, à l'indication "sexe masculin", celle de "sexe neutre" ou, à défaut, "intersexe" ;

Attendu qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le respect de la vie privée suppose en particulier le respect de l'identité personnelle, dont
l'identité sexuée est l'une des composantes ; que l'identité sexuée résulte de façon prépondérante
du sexe psychologique, c'est-à-dire de la perception qu'a l'individu de son propre sexe ; qu'au cas
présent, Jean-Pierre Y... faisait valoir, au soutien de sa demande de rectification de son acte de
naissance, qu'il était biologiquement intersexué et ne se considérait, psychologiquement, ni comme
un homme ni comme une femme ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de rectification d'état
civil présentée par Jean-Pierre Y..., que cette demande était « en contradiction avec son apparence
physique et son comportement social », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la mention «
de sexe masculin » figurant sur l'acte de naissance de Jean-Pierre Y... n'était pas en contradiction
avec le sexe psychologique de Jean-Pierre Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au
regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et 99 du code civil ;

2°/ qu'en subordonnant la modification de la mention du sexe portée sur l'état civil à la condition que
le sexe mentionné ne soit pas en correspondance avec l'apparence physique et le comportement
social de l'intéressé, quand la circonstance que la mention du sexe corresponde à l'apparence
physique et au comportement social de l'intéressé ne suffit pas à exclure que son maintien porte
atteinte à son identité sexuée et donc à sa vie privée, la cour d'appel a statué par des motifs
inopérants en violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales et 99 du code civil ;

15
3°/ que la cour d'appel a elle-même constaté « qu'en l'absence de production d'hormone sexuelle,
aucun caractère sexuel secondaire n'est apparu, ni de type masculin ni de type féminin, le bourgeon
génital embryonnaire ne s'étant jamais développé, ni dans un sens ni dans l'autre, de sorte que si
Jean-Pierre Y... dispose d'un caryotype XY c'est-à-dire masculin, il présente indiscutablement et
encore aujourd'hui une ambiguïté sexuelle » ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de
rectification d'état civil présentée par Jean-Pierre Y..., que « Jean-Pierre Y... présente une apparence
physique masculine », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en
violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et 99 du code civil ;

4°/ que, devant les juges du fond, Jean-Pierre Y... faisait valoir que ses éléments d'apparence
masculine (barbe, voix grave) étaient uniquement la conséquence d'un traitement médical destiné à
lutter contre l'ostéoporose et ne pouvaient donc « être pris en considération pour déterminer son
ressenti » quant à son identité sexuée ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de rectification
d'état civil présentée par Jean-Pierre Y..., que « Jean-Pierre Y... présente une apparence physique
masculine », sans répondre à ce moyen d'où il résultait que cette apparence était purement
artificielle et ne relevait pas d'un choix de Jean-Pierre Y..., de sorte qu'elle ne pouvait lui être
opposée pour écarter sa demande de rectification d'état civil, la cour d'appel a violé l'article 455 du
code de procédure civile ;

5°/ qu'il résulte des articles 143 et 6-1 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-404 du
17 mai 2013, que la différence de sexe n'est pas une condition du mariage et de l'adoption ; qu'en
affirmant, pour rejeter la demande de rectification d'état civil présentée par Jean-Pierre Y..., que
celui-ci s'était marié et avait, avec son épouse, adopté un enfant, motif impropre à exclure que le
maintien de la mention « de sexe masculin » porte atteinte au droit de Jean-Pierre Y... au respect de
sa vie privée, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant en violation des articles 8 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 99 du code civil ;

6°/ que, devant les juges du fond, Jean-Pierre Y... produisait de nombreuses attestations certifiant
que son comportement social n'était ni celui d'un homme ni celui d'une femme ; qu'en se bornant à
énoncer, pour retenir que Jean-Pierre Y... aurait eu un « comportement social » masculin, qu'il s'était
marié et avait, avec son épouse, adopté un enfant, sans analyser, même sommairement, les
attestations ainsi produites, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que l'article 57 du code civil impose seulement que l'acte de naissance énonce « le sexe de
l'enfant » ; que cette disposition ne prévoit aucune liste limitative des sexes pouvant être
mentionnés pour son application ; qu'en affirmant « qu'en l'état des dispositions législatives et
réglementaires en vigueur, il n'est pas envisagé la possibilité de faire figurer, à titre définitif, sur les
actes d'état civil une autre mention que sexe masculin ou sexe féminin, même en cas d'ambiguïté
sexuelle », la cour d'appel a violé l'article 57 du code civil, ensemble le point 55 de la circulaire du 28
octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes d'état civil ;

8°/ qu'il appartient au juge de garantir le respect effectif des droits et libertés fondamentaux
reconnus à chacun, en particulier par les conventions internationales auxquelles la France est partie,
lesquelles ont, dans les conditions posées par l'article 55 de la Constitution, une valeur supérieure à
celle des lois ; que, saisi au cas d'espèce de la situation d'une personne intersexuée biologiquement
et psychologiquement, il lui appartenait d'assurer le respect du droit de cette personne au respect de
sa vie privée, et notamment de son identité sexuée, lequel implique la mise en concordance de son
état civil avec sa situation personnelle ; qu'il disposait pour ce faire, en application de l'article 99 du

16
code civil, du pouvoir d'ordonner toute modification de l'acte de naissance nécessaire au respect du
droit de la personne qui l'avait saisi à sa vie privée ; que le juge ne pouvait, pour refuser de faire droit
à cette requête, affirmer que la demande présentée par Jean-Pierre Y... posait des questions
délicates relevant de la seule appréciation du législateur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé
les articles 5 et, 99 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ;

Mais attendu que la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil,
l'indication d'un sexe autre que masculin ou féminin ;

Et attendu que, si l'identité sexuelle relève de la sphère protégée par l'article 8 de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la dualité des énonciations
relatives au sexe dans les actes de l'état civil poursuit un but légitime en ce qu'elle est nécessaire à
l'organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur ; que la reconnaissance
par le juge d'un "sexe neutre" aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français
construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications législatives
de coordination ;

Que la cour d'appel, qui a constaté que M. Y... avait, aux yeux des tiers, l'apparence et le
comportement social d'une personne de sexe masculin, conformément à l'indication portée dans son
acte de naissance, a pu en déduire, sans être tenue de le suivre dans le détail de son argumentation,
que l'atteinte au droit au respect de sa vie privée n'était pas disproportionnée au regard du but
légitime poursuivi ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé le quatre mai deux
mille dix-sept par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de
procédure civile.

Attention le moyen annexé n’est pas l’objet du commentaire, même s’il peut donner des
éléments de compréhension utile à l’arrêt. Il s’agit de l’argumentaire de l’avocat :

MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat
aux Conseils, pour M. Y... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de
Jean-Pierre Y... tendant à la rectification de son acte de naissance par substitution, à la mention « de
sexe masculin » initialement apposée, de la mention « sexe : neutre », ou à titre subsidiaire la
mention « intersexe » ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 57 du code civil, l'acte de naissance énoncera (...) le sexe de
l'enfant, (...) ; qu'il résulte des pièces médicales produites aux débats par Monsieur Jean-Pierre Y...
que lors du développement foetal, la différenciation sexuelle qui s'effectue normalement à partir de
la 8e semaine n'a pas abouti (pièce n° 2) de sorte qu'il présentait dès la naissance une trajectoire

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atypique du développement sexuel chromosomique, gonadique et anatomique et que les marqueurs
de la différenciation sexuelle n'étaient pas tous clairement masculins ou féminins ; qu'en l'absence
de production d'hormone sexuelle (pièces n° 7 et 8), aucun caractère sexuel secondaire n'est apparu,
ni de type masculin ni de type féminin, le bourgeon génital embryonnaire ne s'étant jamais
développé, ni dans un sens ni dans l'autre (pièce n° 5) de sorte que si Monsieur Jean-Pierre Y...
dispose d'un caryotype XY c'est à dire masculin (pièce 24), il présente indiscutablement et
aujourd'hui encore une ambiguïté sexuelle (pièce n° 3) ; que Monsieur Jean-Pierre Y... a été déclaré à
l'état civil comme appartenant au sexe masculin ; que si le principe d'indisponibilité de l'état des
personnes conduit à ce que les éléments de l'état civil soient imposés à la personne, le principe du
respect de la vie privée conduit à admettre des exceptions ; Que tel doit être le cas lorsqu'une
personne présente, comme Monsieur Jean-Pierre Y..., une variation du développement sexuel ;
Qu'en effet, dans une telle situation la composition génétique (génotype) ne correspond pas à
l'apparence physique (phénotype), qui elle-même ne peut pas toujours être clairement associée au
sexe féminin ou au sexe masculin ; Que dès lors, l'assignation de la personne, à sa naissance, à une
des deux catégories sexuelles, en contradiction avec les constatations médicales qui ne permettent
pas de déterminer le sexe de façon univoque, fait encourir le risque d'une contrariété entre cette
assignation et l'identité sexuelle vécue à l'âge adulte ; qu'en considération de la marge d'appréciation
reconnue aux autorités nationales dans la mise en oeuvre des obligations qui leur incombent au titre
de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, il doit être recherché un juste équilibre entre la protection de l'état des personnes
qui est d'ordre public et le respect de la vie privée des personnes présentant une variation du
développement sexuel ; Que ce juste équilibre conduit à leur permettre d'obtenir, soit que leur état
civil ne mentionne aucune catégorie sexuelle, soit que soit modifié le sexe qui leur a été assigné, dès
lors qu'il n'est pas en correspondance avec leur apparence physique et leur comportement social ;
qu'en l'espèce Monsieur Jean-Pierre Y... présente une apparence physique masculine, qu'il s'est
marié en 1993 et que son épouse et lui ont adopté un enfant ; qu'il demande la substitution de la
mention "sexe neutre" ou "intersexe" à la mention "sexe masculin" ; que cette demande, en
contradiction avec son apparence physique et son comportement social, ne peut être accueillie ;
qu'au surplus, en l'état des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, il n'est pas envisagé
la possibilité de faire figurer, à titre définitif, sur les actes d'état civil une autre mention que sexe
masculin ou sexe féminin, même en cas d'ambiguïté sexuelle ; Qu'admettre la requête de Monsieur
Jean-Pierre Y... reviendrait à reconnaître, sous couvert d'une simple rectification d'état civil,
l'existence d'une autre catégorie sexuelle, allant au delà du pouvoir d'interprétation de la norme du
juge judiciaire et dont la création relève de la seule appréciation du législateur ; Que cette
reconnaissance pose en effet une question de société qui soulève des questions biologiques, morales
ou éthiques délicates alors que les personnes présentant une variation du développement sexuel
doivent être protégées pendant leur minorité de stigmatisations, y compris de celles que pourraient
susciter leur assignation dans une nouvelle catégorie ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le
jugement du 20 août 2015 rendu par le tribunal de grande instance de TOURS et de débouter
Monsieur Jean-Pierre Y... de ses demandes » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le respect de la vie privée suppose en particulier le respect de l'identité
personnelle, dont l'identité sexuée est l'une des composantes ; que l'identité sexuée résulte de façon
prépondérante du sexe psychologique, c'est-à-dire de la perception qu'a l'individu de son propre
sexe ; qu'au cas présent, Jean-Pierre Y... faisait valoir, au soutien de sa demande de rectification de
son acte de naissance, qu'il était biologiquement intersexué et ne se considérait, psychologiquement,
ni comme un homme ni comme une femme ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de
rectification d'état-civil présentée par Jean-Pierre Y..., que cette demande était « en contradiction

18
avec son apparence physique et son comportement social », sans rechercher, ainsi qu'elle y était
invitée (Cf. conclusions d'appel, p. 6-8), si la mention « de sexe masculin » figurant sur l'acte de
naissance de Jean-Pierre Y... n'était pas en contradiction avec le sexe psychologique de Jean-Pierre
Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 99 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en subordonnant la modification de la mention du sexe portée sur l'état
civil à la condition que le sexe mentionné ne soit pas en correspondance avec l'apparence physique
et le comportement social de l'intéressé, quand la circonstance que la mention du sexe corresponde
à l'apparence physique et au comportement social de l'intéressé ne suffit pas à exclure que son
maintien porte atteinte à son identité sexuée et donc à sa vie privée, la Cour d'appel a statué par des
motifs inopérants en violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales et 99 du Code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la Cour d'appel a elle-même constaté « qu'en l'absence de
production d'hormone sexuelle, aucun caractère sexuel secondaire n'est apparu, ni de type masculin
ni de type féminin, le bourgeon génital embryonnaire ne s'étant jamais développé, ni dans un sens ni
dans l'autre de sorte que si Jean-Pierre Y... dispose d'un caryotype XY c'est-à-dire masculin, il
présente indiscutablement et encore aujourd'hui une ambiguïté sexuelle » ; qu'en retenant, pour
rejeter la demande de rectification d'état-civil présentée par Jean-Pierre Y..., que « Jean-Pierre Y...
présente une apparence physique masculine », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses
propres constatations en violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales et 99 du Code civil ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE devant les juges du fond, Jean-Pierre Y... faisait valoir (Cf.
conclusions d'appel, p. 5 et 9) que ses éléments d'apparence masculine (barbe, voix grave) étaient
uniquement la conséquence d'un traitement médical destiné à lutter contre l'ostéoporose et ne
pouvaient donc « être pris en considération pour déterminer son ressenti » quant à son identité
sexuée ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de rectification d'état civil présentée par Jean-
Pierre Y..., que « Jean-Pierre Y... présente une apparence physique masculine », sans répondre à ce
moyen d'où il résultait que cette apparence était purement artificielle et ne relevait pas d'un choix de
Jean-Pierre Y..., de sorte qu'elle ne pouvait lui être opposée pour écarter sa demande de rectification
d'état civil, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QU'il résulte des articles 143 et 6-1 du Code civil, dans leur rédaction
issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, que la différence de sexe n'est pas une condition du
mariage et de l'adoption ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de rectification d'état civil
présentée par Jean-Pierre Y..., que celui-ci s'était marié et avait, avec son épouse, adopté un enfant,
motif impropre à exclure que le maintien de la mention « de sexe masculin » porte atteinte au droit
de Jean-Pierre Y... au respect de sa vie privée, la Cour s'est déterminée par un motif inopérant en
violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et 99 du Code civil ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE devant les juges du fond, Jean-Pierre Y... produisait de nombreuses
attestations certifiant que son comportement social n'était ni celui d'un homme, ni celui d'une
femme ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir que Jean-Pierre Y... aurait eu un « comportement
social » masculin, qu'il s'était marié et avait, avec son épouse, adopté un enfant, sans analyser,
même sommairement, les attestations ainsi produites, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de
procédure civile ;

19
ALORS, DE SEPTIEME PART, QUE l'article 57 du Code civil impose seulement que l'acte de naissance
énonce « le sexe de l'enfant » ; que cette disposition ne prévoit aucune liste limitative des sexes
pouvant être mentionnés pour son application ; qu'en affirmant « qu'en l'état des dispositions
législatives et réglementaires en vigueur, il n'est pas envisagé la possibilité de faire figurer, à titre
définitif, sur les actes d'état-civil une autre mention que sexe masculin ou sexe féminin, même en cas
d'ambiguïté sexuelle », la Cour d'appel a violé l'article 57 du Code civil, ensemble le point 55 de la
circulaire du 28 octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes d'état civil ;

ALORS, DE HUITIEME PART, QU'il appartient au juge de garantir le respect effectif des droits et
libertés fondamentaux reconnus à chacun, en particulier par les conventions internationales
auxquelles la France est partie, lesquelles ont, dans les conditions posées par l'article 55 de la
Constitution, une valeur supérieure à celle des lois ; que saisi au cas d'espèce de la situation d'une
personne intersexuée biologiquement et psychologiquement, il lui appartenait d'assurer le respect
du droit de cette personne au respect de sa vie privée, et notamment de son identité sexuée, lequel
implique la mise en concordance de son état-civil avec sa situation personnelle ; qu'il disposait pour
ce faire, en application de l'article 99 du Code civil, du pouvoir d'ordonner toute modification de
l'acte de naissance nécessaire au respect du droit de la personne qui l'avait saisi à sa vie privée ; que
le juge ne pouvait, pour refuser de faire droit à cette requête, affirmer que la demande présentée par
Jean-Pierre Y... posait des questions délicates relevant de la seule appréciation du législateur ; qu'en
statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 5 et, 99 du Code civil et 8 de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Autres décisions pour illustrer votre cours de droit des personnes


(à ficher si vous les jugez utile – non contrôlé pendant la séance)

Cour d'appel d'Orléans, 22 mars 2016, 15/03281 :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032317554?
page=1&pageSize=10&query=%22sexe+neutre
%22&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePa
gination=DEFAULT

Cass. civ. 1re, 16 septembre 2020, 18-50.080 19-11.251, Publié au bulletin


I - Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier, domicilié en son parquet
général, 1 rue Foch, 34023 Montpellier cedex 1, a formé le pourvoi n° H 18-50.080 contre un
arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre A et B),
dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme S... Q..., domiciliée [...] ,

2°/ au président du conseil départemental de Vaucluse, domicilié [...] ,

20
3°/ à Mme B... J..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Parties intervenantes :

- l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), dont le siège est [...] ,

- l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE), dont le siège est [...] .

II - Mme S... Q... a formé le pourvoi n° X 19-11.251 contre le même arrêt et contre un arrêt
rendu le 21 mars 2018 par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Montpellier,

2°/ au président du conseil départemental de Vaucluse,

3°/ à Mme B... J...,

défendeurs à la cassation.

Parties intervenantes :

- l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL),

- l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE).

Le demandeur au pourvoi n° H 18-50.080 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique


de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° X 19-11.251 invoque, à l'appui de son recours, le moyen


unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-
Stoclet, avocat de Mmes Q... et J..., de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du président du
conseil départemental de Vaucluse, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des associations
APGL et ACTHE, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, à la suite duquel le
président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations
complémentaires, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents
Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy,
conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers,
Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry,
conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier
de chambre,

21
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R.
431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en
avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 18-50.080 et X 19-11.251 sont joints.

Intervention

2. L'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) et l'Association


commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE) sont reçues en leur intervention volontaire
accessoire.

Déchéance partielle du pourvoi n° X 19-11.251, examinée d'office

3. Selon l'article 978 du code de procédure civile, à peine de déchéance, le demandeur en


cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au
greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la
décision attaquée.

4. Mme Q... s'est pourvue en cassation contre l'arrêt avant dire droit du 21 mars 2018 mais
son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision.

5. Il y a lieu en conséquence de constater la déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est


dirigé contre cet arrêt.

Faits et procédure

6. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 novembre 2018), Mme J... et M. Q... se sont mariés
le [...] . Deux enfants sont nés de cette union, C... le [...] et W... le [...].

7. En 2009, M. Q... a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier d'une demande de


modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil. Un jugement du 3
février 2011 a accueilli sa demande et dit qu'il serait désormais inscrit à l'état civil comme
étant de sexe féminin, avec S... pour prénom. Cette décision a été portée en marge de son
acte de naissance et de son acte de mariage.

8. Le 18 mars 2014, Mme J... a donné naissance à un troisième enfant, M... J..., conçue avec
Mme Q..., qui avait conservé la fonctionnalité de ses organes sexuels masculins. L'enfant a
été déclarée à l'état civil comme née de Mme J....

9. Mme Q... a demandé la transcription, sur l'acte de naissance de l'enfant, de sa


reconnaissance de maternité anténatale, ce qui lui a été refusé par l'officier de l'état civil.

Examen des moyens

22
Sur le moyen du pourvoi n° X 19-11.251, pris en ses deuxième et quatrième à huitième
branches, en ce qu'il est dirigé contre le chef de dispositif rejetant la demande de
transcription de la reconnaissance de maternité et les autres demandes de Mme Q...

Enoncé du moyen

10. Mme Q... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transcription, sur les registres de
l'état civil, de la reconnaissance de maternité faite avant la naissance et de rejeter ses autres
demandes, alors :

« 1°/ que la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil,
l'indication d'un sexe autre que masculin ou féminin ; que dès lors, ne peut figurer, sur un
acte de l'état civil, le lien de filiation d'un enfant avec un « parent biologique », neutre, sans
précision de sa qualité de père ou de mère ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il
était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de voir reconnaître la réalité de sa filiation
biologique avec Mme Q... ; que l'établissement d'une filiation par la voie de l'adoption était,
en l'occurrence, impossible ; que la cour d'appel a également constaté que le droit au
respect de la vie privée de Mme Q... excluait qu'il puisse lui être imposé une filiation
paternelle ; qu'il se déduisait de ces constatations, relatives à la nécessité, pour l'intérêt
supérieur de l'enfant, de reconnaître la filiation biologique avec Mme Q..., mais
l'impossibilité de faire figurer sur l'acte de naissance de M... J... une filiation paternelle à
l'égard de Mme Q..., que seule la mention de Mme Q... en qualité de mère, était de nature à
concilier l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée de Mme Q... et
de M... J... ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants et erronés qu'une telle filiation
« aurait pour effet de nier à M... la filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa
filiation maternelle », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, violant les articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 et 14 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les article
3-1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

2°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant
doit être une considération primordiale ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que,
depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Q... est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour
d'appel a constaté que l'existence d'un lien biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas
contestée ; qu'en jugeant que l'intérêt de l'enfant M... J... était de voir reconnaître avec
Mme Q... un lien de filiation non sexué, aux motifs que l'établissement d'un lien de filiation
maternelle aurait pour effet de lui nier toute filiation paternelle et de brouiller la réalité de la
filiation maternelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à l'inverse le fait d'établir
une filiation non maternelle avec Mme Q... n'était pas susceptible d'entraîner, pour l'enfant,
des conséquences négatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 3 § 1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de
l'enfant ;

3°/ qu'en application de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et


des libertés fondamentales la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention
doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; que cette
disposition interdit de traiter de manière différente, sans justification objective et

23
raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables et prohibe les
discriminations liées notamment à l'identité sexuelle des personnes ; qu'au cas présent, la
cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Q... est de sexe
féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que l'existence d'un lien
biologique entre Mme Q... et M... J... n'était pas contestée ; qu'en refusant de faire produire
effet à la reconnaissance prénatale de maternité établie par Mme Q... et de reconnaître
Mme Q... comme la mère de M... J..., par des motifs inopérants, cependant qu'une personne
née femme ayant accouché d'un enfant peut faire reconnaître le lien de filiation maternelle
qui l'unit à son enfant biologique, la cour d'appel a créé entre les femmes ayant accouché de
l'enfant et les autres mères génétiques une différence de traitement qui ne peut être
considérée comme justifiée et proportionnée aux objectifs poursuivis, peu important à cet
égard que cela conduise à l'établissement d'un double lien de filiation maternelle biologique,
et a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ;

4°/ que le conjoint de même sexe que le parent biologique d'un enfant est autorisé à
adopter l'enfant dans le cadre d'une adoption plénière, de sorte qu'un enfant peut se voir
reconnaître un lien de filiation avec deux personnes de même sexe ; que si le législateur a
estimé qu'une double filiation maternelle ne pouvait être établie que par la voie de
l'adoption, c'est pour ne pas porter atteinte à la vérité biologique ; que dès lors,
l'établissement d'une double filiation maternelle par la voie de l'accouchement et de la
reconnaissance prénatale doit être admise lorsqu'elle n'est pas contraire à la vérité
biologique ; qu'en refusant à Mme Q... l'établissement d'un lien de filiation maternelle avec
son enfant biologique, par des motifs inopérants tenant notamment au fait qu'elle était de
même sexe que la mère biologique de l'enfant avec lequel un lien de filiation maternelle
était déjà établi et que la loi nationale ne permettrait pas l'établissement d'une double
filiation maternelle, la cour d'appel a créé une différence de traitement non justifiée entre
les personnes pouvant adopter l'enfant de leur conjoint et les personnes liées
biologiquement à un enfant et a ainsi derechef violé l'article 14 de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que, en définitive, en refusant de reconnaître l'existence d'un lien de filiation maternelle
entre Mme Q... et l'enfant M... J... aux motifs qu'une déclaration de maternité non gestatrice
aurait « pour effet de nier à M... toute filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa
filiation maternelle », tandis que la réalité du lien biologique unissant M... J... tant à Mme J...
qu'à Mme Q... n'était pas contestée et que les deux filiations maternelles ainsi établies, l'une
par la reconnaissance prénatale et l'autre par la mention du nom de Mme J... sur l'acte de
naissance après l'accouchement, n'étaient pas concurrentes et ne se contredisaient pas, la
cour d'appel a en réalité refusé de faire droit à la demande de Mme Q... en raison de sa
transidentité et a, ainsi, violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que, subsidiairement, le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu
sans distinction selon la naissance ; qu'un lien de filiation maternelle peut être établi à
l'égard d'une mère d'intention ; qu'en l'espèce, outre le lien biologique existant entre Mme
Q... et M... J..., il n'était pas contesté que Mme Q... s'est toujours comportée, et se comporte
toujours, comme une mère d'intention pour l'enfant ; qu'en application du droit au respect

24
de la vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant, la filiation maternelle entre
Mme Q... et M... J... doit donc être reconnue et inscrite dans les registres d'état civil de
l'enfant ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 3, § 1, de la
Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de
la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

11. Aux termes de l'article 61-5 du code civil, toute personne majeure ou mineure
émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son
sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et
dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification. Selon l'article 61-6 du même
code, le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou
une stérilisation ne peut motiver le refus d'accueillir la demande, de sorte que la
modification du sexe à l'état civil peut désormais intervenir sans que l'intéressé ait perdu la
faculté de procréer.

12. Si l'article 61-8 prévoit que la mention du sexe dans les actes de l'état civil est sans effet
sur les obligations contractées à l'égard des tiers ni sur les filiations établies avant cette
modification, aucun texte ne règle le mode d'établissement de la filiation des enfants
engendrés ultérieurement.

13. Il convient dès lors, en présence d'une filiation non adoptive, de se référer aux
dispositions relatives à l'établissement de la filiation prévues au titre VII du livre premier du
code civil.

14. Aux termes de l'article 311-25 du code civil, la filiation est établie, à l'égard de la mère,
par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant.

15. Aux termes de l'article 320 du même code, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice,
la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la
contredirait.

16. Ces dispositions s'opposent à ce que deux filiations maternelles soient établies à l'égard
d'un même enfant, hors adoption.

17. En application des articles 313 et 316, alinéa 1er, du code civil, la filiation de l'enfant
peut, en revanche, être établie par une reconnaissance de paternité lorsque la présomption
de paternité est écartée faute de désignation du mari en qualité de père dans l'acte de
naissance de l'enfant.

18. De la combinaison de ces textes, il résulte qu'en l'état du droit positif, une personne
transgenre homme devenu femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans
les actes de l'état civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n'est pas
privée du droit de faire reconnaître un lien de filiation biologique avec l'enfant, mais ne peut
le faire qu'en ayant recours aux modes d'établissement de la filiation réservés au père.

25
19. Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989
relative aux droits de l'enfant, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles
soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des
autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être
une considération primordiale. Selon l'article 7, § 1, de cette Convention, l'enfant est
enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une
nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé
par eux.

20. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés


fondamentales dispose que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa


correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour
autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans
une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au
bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions
pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés
d'autrui ».

21. Aux termes de l'article 14, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la
Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la
race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions,
l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la
naissance ou toute autre situation.

22. Les dispositions du droit national précédemment exposées poursuivent un but légitime,
au sens du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elles tendent à assurer la
sécurité juridique et à prévenir les conflits de filiation.

23. Elles sont conformes à l'intérêt supérieur de l'enfant, d'une part, en ce qu'elles
permettent l'établissement d'un lien de filiation à l'égard de ses deux parents, élément
essentiel de son identité et qui correspond à la réalité des conditions de sa conception et de
sa naissance, garantissant ainsi son droit à la connaissance de ses origines personnelles,
d'autre part, en ce qu'elles confèrent à l'enfant né après la modification de la mention du
sexe de son parent à l'état civil la même filiation que celle de ses frère et soeur, nés avant
cette modification, évitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les
membres seront élevés par deux mères, tout en ayant à l'état civil l'indication d'une filiation
paternelle à l'égard de leur géniteur, laquelle n'est au demeurant pas révélée aux tiers dans
les extraits d'actes de naissance qui leur sont communiqués.

24. En ce qu'elles permettent, par la reconnaissance de paternité, l'établissement d'un lien


de filiation conforme à la réalité biologique entre l'enfant et la personne transgenre -
homme devenu femme - l'ayant conçu, ces dispositions concilient l'intérêt supérieur de
l'enfant et le droit au respect de la vie privée et familiale de cette personne, droit auquel il
n'est pas porté une atteinte disproportionnée, au regard du but légitime poursuivi, dès lors

26
qu'en ce qui la concerne, celle-ci n'est pas contrainte par là-même de renoncer à l'identité
de genre qui lui a été reconnue.

25. Enfin, ces dispositions ne créent pas de discrimination entre les femmes selon qu'elles
ont ou non donné naissance à l'enfant, dès lors que la mère ayant accouché n'est pas placée
dans la même situation que la femme transgenre ayant conçu l'enfant avec un appareil
reproductif masculin et n'ayant pas accouché.

26. En conséquence, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a constaté
l'impossibilité d'établissement d'une double filiation de nature maternelle pour l'enfant M...,
en présence d'un refus de l'adoption intra-conjugale, et rejeté la demande de transcription,
sur les registres de l'état civil, de la reconnaissance de maternité de Mme Q... à l'égard de
l'enfant.

Mais sur le moyen du pourvoi n° H 18-50.080

Enoncé du moyen

27. Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier fait grief à l'arrêt de juger que le
lien biologique doit être retranscrit par l'officier de l'état civil, sur l'acte de naissance de la
mineure sous la mention de Mme S... Q..., née le [...] à Paris 14e comme « parent biologique
» de l'enfant, alors « que selon les dispositions de l'article 57 du code civil, l'acte de
naissance d'un enfant mentionne ses seuls « père et mère », qu'en créant par voie
prétorienne, une nouvelle catégorie non sexuée de « parent biologique », la cour d'appel de
Montpellier, même en faisant appel à des principes supérieurs reconnus au niveau
international, a violé les dispositions de l'article 57 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 57 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits


de l'homme et des libertés fondamentales :

28. La loi française ne permet pas de désigner, dans les actes de l'état civil, le père ou la
mère de l'enfant comme « parent biologique ».

29. Pour ordonner la transcription de la mention « parent biologique » sur l'acte de


naissance de l'enfant M... J..., s'agissant de la désignation de Mme Q..., l'arrêt retient que
seule cette mention est de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établir la
réalité de sa filiation biologique avec le droit de Mme Q... de voir reconnaître la réalité de
son lien de filiation avec l'enfant et le droit au respect de sa vie privée consacré par l'article 8
de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le
terme de « parent », neutre, pouvant s'appliquer indifféremment au père et à la mère, la
précision, « biologique », établissant la réalité du lien entre Mme Q... et son enfant.

30. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait créer une nouvelle catégorie à l'état civil et
que, loin d'imposer une telle mention sur l'acte de naissance de l'enfant, le droit au respect
de la vie privée et familiale des intéressées y faisait obstacle, la cour d'appel a violé les textes

27
susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du
moyen du pourvoi n° X 19-11.251 ni de saisir la Cour européenne des droits de l'homme
pour avis consultatif, la Cour :
CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi n° X 19-11.251 en ce qu'il est dirigé contre
l'arrêt avant dire droit du 21 mars 2018 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de transcription sur les registres de
l'état civil de la reconnaissance de maternité de Mme S... Q... à l'égard de l'enfant M... J...,
l'arrêt rendu le 14 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet
arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt
sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES
au présent arrêt

28
SÉANCE N° 4 – L’état civil

Travail de préparation de la séance

Commenter l’article 99 du code civil :

(Ord. n° 58-779 du 23 août 1958 ; D. n° 81-500 du 12 mai 1981) La rectification des actes de
l'état civil est ordonnée par le président du tribunal.
(L. n° 2021-1017 du 2 août 2021, art. 30) « « La rectification de l'indication du sexe et, le cas
échéant, des prénoms est ordonnée à la demande de toute personne présentant une
variation du développement génital ou, si elle est mineure, à la demande de ses
représentants légaux, s'il est médicalement constaté que son sexe ne correspond pas à celui
figurant sur son acte de naissance.
(L. n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, art. 55) « L'annulation des actes de l'état civil est
ordonnée par le tribunal. Toutefois, le procureur de la République territorialement
compétent peut faire procéder à l'annulation de l'acte lorsque celui-ci est irrégulièrement
dressé ».

Autres décisions pour illustrer votre cours de droit des personnes


(à ficher si vous les jugez utile – non contrôlé pendant la séance)

CA Chambéry, 25 janv. 2022, n° 21/01282 (modification de la mention du sexe


à l’état civil d’un mineur non émancipé) :
https://giaps823228022.files.wordpress.com/2022/03/chambery-25-janvier-22.pdf

État civil ou état privé ? Etude par Alexandre Charpy docteur en droit privé et
sciences criminelles de l’université Toulouse Capitole - institut de droit privé
(EA 1920) : Droit de la famille n° 5, Mai 2023, étude 16

Au fil de chaque réforme qui l’affecte, l’ état civil est rendu plus disponible, affaiblissant ainsi depuis
plusieurs décennies le principe d’immutabilité qui le sous-tend. Faut-il en déduire que par sa
soumission de plus en plus importante à la volonté individuelle, l’état civil serait devenu un état
privé, non plus au service des relations civiles, mais de la relation que la personne entretient avec

29
elle-même ? L’étude propose d’apporter un éclairage à cette question en étudiant une composante
particulière de l’institution, le prénom, lequel n’a pas été épargné par les réformes et entretient
d’étroites relations avec le nom de famille et le sexe.

1. - Est-ce « la fin de l’ état civil » ? C’est la crainte exprimée par un auteurNote 1 réagissant,
notamment, à la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation :
« Progressivement, mais sûrement, la satisfaction des revendications identitaires se substitue aux
objectifs de police civile qui faisaient l’ état civil voulu par la Révolution française, quand il s’agissait
d’enregistrer les citoyens et suivre leurs activités. Qui ne voit pas que ce temps-là est révolu » ? La
remarque n’est pas nouvelle, mais le changement d’état civil n’est plus justifié par les mêmes motifs.
Ainsi, à propos du changement de nom, Madame Gobert, constatant déjà que « l’immutabilité du
nom en droit français a, peut-être, vécu » Note 2 , compara le nom à un masque : « Dans une société de
classes, comme celle de l’Ancien Régime, paraître signifie que l’on veut faire accroire que l’on
appartient à une classe qui n’est en réalité pas la sienne. […] Paraître, aujourd’hui, consiste à vouloir
dissimuler un état juridique » Note 3 . Ainsi, l’état des personnes, et le nom particulièrement, ne cesse
d’entretenir un rapport incommodé avec la réalité. Plutôt que de se servir du nom comme un
masque, qui sert à « se déguiser, dissimuler son identité » Note 4 , et notamment voiler un état d’enfant
naturel qui n’existe plus en droit positif, il semble devenu un moyen de dévoiler une identité : non
plus l’identité juridique, mais l’identité ressentie, qui demande à être reconnue juridiquement.

Masquer ou démasquer sa « véritable » identité, est-ce cependant bien différent ? Les mouvements
qui affectent l’état civil ont-ils changé ? Pour répondre à cette question, nous proposons d’étudier
l’état civil à travers un prisme peu exploité en doctrine, et pourtant très révélateur des mouvements
qui touchent l’institution : le prénom, dont le sort est étroitement lié à celui du nom. En outre, l’état
civil est un ensemble, dont les composantes interagissent. L’étude de l’un de ses éléments, le
prénom, doit donc également permettre d’étudier ses rapports avec les autres éléments de l’état
civil.

2. - Le prénom s’est imposé progressivement au cours du XXe siècle, au point d’être aujourd'hui
employé dans presque tous les contextes, au détriment du nom de famille : alors qu’« en 1900, le
prénom est d’usage restreint, signe de familiarité » Note 5 , « Enzo vit [de nos jours] dans un monde de
prénoms. Enzo à l’école, jusqu’à l’université où ses professeurs utilisent maintenant le prénom, Enzo
pour toutes ses connaissances, ses collègues et même le serveur du bar où il a ses habitudes, Enzo
aussi le jour où il passe à un jeu télévisé » Note 6 . Cependant, sur la scène juridique, cet essor ne
semble pas avoir été suivi d’effet. Au mieux, avec le nom de famille, il ne sert qu’à individualiser la
personneNote 7 , dont il ne serait que l’« accessoire » Note 8 . Au pire, il est ridicule et doit être changé par
le juge aux affaires familiales. Suspecte d’encombrer les tribunaux, la procédure de changement de
prénom a finalement été déjudiciarisée et confiée à l’officier de l’état civil. Un auteur était même allé
jusqu’à affirmer, en commentant l’arrêt « Titeuf » Note 9 , que « les juges ont autre chose à faire qu’à
perdre leur temps avec un accessoire de l’identité dont le législateur ne sait même plus à quoi il sert,
si tant est qu’il serve à quelque chose » Note 10 ! Juridiquement, le prénom n’a donc pas grand-chose
pour plaire.

3. - Il est pourtant toujours un élément de l’état des personnes et il figure, à ce titre, dans l’acte de
naissance. Il est même interdit, depuis la loi du 6 fructidor an II, d’utiliser un autre prénom que celui
figurant dans l’acte de naissance. Cette règle, qui suscite encore de la jurisprudence, a été érigée lors
de la Révolution française pour imposer le prénom contre son ancêtre, le nom de baptême Note 11 . En
effet, le prénom n’existait pas sous l’Ancien Régime : les révolutionnaires l’ont inventé en s’inspirant
du praenomen romain : « Le choix de ce mot tiré du latin s’inscrit dans une fascination pour

30
l’Antiquité qui se perçoit dans le classicisme architectural, les costumes des effigies révolutionnaires
ou les prénoms donnés à ce moment » Note 12 . La règle de l’immutabilité, si elle a connu des
atténuations, est toujours dans notre droit positif, signe que le prénom conserve néanmoins une
certaine consistance juridique. Les réformes successives du prénom n’ont pas conduit, d’ailleurs, à le
chasser de l’acte de naissance, et le changement de prénom n’est pas de droit, même s’il a été
facilité.

4. - Ainsi, l’assouplissement de la procédure de changement de prénom peut-elle être analysée


comme un phénomène plus général de privatisation de l’état civil ? « [A]ccompagné du qualificatif
civil , l’état donne statut à l’être juridique social. Il répond à la nécessité d’individualiser, d’identifier,
de savoir à qui on a affaire dans les relations civiles » Note 13 : les changements laissés en partie à la
libre appréciation de l’individu ne nuisent-ils pas à cette fonction civile du statut ?

5. - Les règles régissant le prénom traduisent, en apparence, l’essoufflement de la fonction de police


civile assignée à l’état civil et, par ricochet, au prénom (1). Mais, corrélativement, depuis la loi n°
2016-1547 du 18 novembre 2016, le prénom produit de véritables effets de droit puisqu’il atteste
désormais de l’identité de genre de la personne et permet de demander le changement de sexe dans
l’acte de naissance. Comme le nom, il joue une fonction de masque, dissimulant une identité passée
(2).

1. Le déclin apparent de la fonction de police civile du prénom


6. - L’état civil, outil de police civile au service de l’État Note 14 , est soumis à un principe d’immutabilité :
il n’est pas possible d’en changer, ni de se prévaloir d’un état civil différent de celui inscrit dans l’acte
de naissance.

La fonction d’individualisation du prénom, ou de son ancêtre le nom de baptême, est récente. Sous
l’Ancien Régime, le stock de noms de baptême donnés était très faible et il n’était pas rare que, dans
une même famille, tous les enfants portent le même Note 15 : « Perouas mentionne ainsi l’exemple
d’une famille du XVIe siècle dans laquelle tous les enfants s’appellent Jean, pratique qui serait perçue
comme problématique aujourd’hui » Note 16 . Le premier prénom est devenu, dès le XIXe siècle, objet
de mode et a suscité l’intérêt des sciences sociales en tant que véritable matière sociologique. En
revanche, traditionnellement, les prénoms suivants sont ceux de parrains, de marraines ou d’aïeux :
ils révèlent ainsi les structures de la parenté et constituent un matériau intéressant pour les
anthropologuesNote 17 .

7. - Ces modes ont contraint le législateur à accorder plus de liberté dans le choix des parents. En
effet, la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 a supprimé la règle imposant de choisir un prénom parmi les
saints du calendrier ou parmi les personnages illustres de l’histoire ancienne, critères qui faisaient
déjà l’objet d’interprétationsNote 18 et d’aménagementsNote 19 avant.

Citons par exemple l’arrêt rendu par la Cour de cassation Note 20 concernant le prénom « Cerise »,
refusé au motif « qu’il n’est pas établi que le calendrier républicain de l’année 1794, invoqué par le
père de l’enfant, émane d’une autorité officielle ». La Cour de cassation casse l’arrêt, au motif
« qu’en fondant sa décision sur un tel motif, alors que les parents peuvent notamment choisir comme
prénoms – sous la réserve générale que, dans l’intérêt de l’enfant, ils ne soient jugés ridicules – les
noms en usage dans les différents calendriers, et alors qu’il n’existe aucune liste officielle des
prénoms autorisés, la cour d’appel a ajouté à la loi une condition non prévue par celle-ci, et, par suite,
a violé le texte susvisé ». La suite de cette décision était alors prévisible : « les plus motivés des
parents peuvent alors imprimer ou faire imprimer leur calendrier, avec leur liste de saints avec les
prénoms qu’ils souhaitent donner » Note 21 .

31
Quant au second critère, l’intention initiale du législateur était d’encourager les parents à choisir des
prénoms de personnages de l’Antiquité, conformément aux figures ayant inspiré la Révolution Note 22 .
Mais la notion d’Histoire « ancienne » a été interprétée largement et a conduit à accepter des
prénoms d’à peu près toutes les époques et de toutes les histoires.

L’article 57 du Code civil impose à l’officier de l’état civil d’inscrire dans l’acte de naissance du
nouveau-né le prénom qui lui est déclaré, quitte, ensuite, à en aviser le procureur de la République
s’il estime que le prénom est contraire à l’intérêt de l’enfant, standard qui « semble modelable à
l’infini, car le mot intérêt n’a pas de sens précis » Note 23 , ce qui laisse une grande place au pouvoir
souverain d’appréciation du juge, lequel n’a pas de véritables critères abstraits auxquels se référer.
Cette libéralisation a ainsi donné lieu à une jurisprudence abondante Note 24 et le contrôle est imparfait,
puisqu’il est impossible pour le juge d’anticiper la connotation, évolutive, dont sera revêtu un
prénom lorsque l’enfant sera parvenu à l’âge adulte : en guise d’illustration, Le Point a consacré un
article à « La France des Kévin » Note 25 , profitant de l’entrée de deux « Kévin » à l’Assemblée
nationale pour aborder la question plus vaste de la difficulté à porter le prénom Kévin, prénom
irlandais popularisé notamment par le cinéma. Il n’est d’ailleurs pas certain que la libéralisation du
changement de prénom mette fin à cette difficulté.

8. - Outre le prénom donné à la naissance de l’enfant, le changement de prénom, autorisé par la loi
n° 55-1465 du 12 novembre 1955 – à distinguer de la francisation, laquelle fait l’objet d’une
procédure particulièreNote 26 – est révélateur du même libéralisme. Le critère pour faire droit aux
demandes est l’existence d’un intérêt légitime (C. civ., art. 60), que le législateur n’a pas défini,
laissant désormais ce soin aux officiers de l’état civil. En effet, la loi du 18 novembre 2016 a
déjudiciarisé la procédure de changement de prénom, « [p]oursuivant l’objectif de recentrer les
juridictions sur leurs missions essentielles » Note 27 . L’amendement justifiant ce changement était
notamment motivé par le fait que les juges faisaient droit à plus de 90 % des demandesNote 28 . Il est
toutefois possible de penser que les demandes étaient peu nombreuses en raison de la nécessité de
constituer avocat pour cette procédureNote 29 , ce qui n’est plus nécessaire devant l’officier de l’état
civil ; il semble que, depuis la réforme, le nombre de demandes ait augmentéNote 30 .

Il faut cependant relever que la déjudiciarisation n’a pas conduit le législateur à recourir à une autre
notion que celle de « demande ». La personne souhaitant le changement de prénom doit en faire la
demande, contrairement au prénom annoncé au moment de la déclaration de la naissance, que
l’officier est tenu d’inscrire dans l’acte de naissance malgré son éventuelle contrariété à l’intérêt de
l’enfant. Cela signifie que le changement n’est pas de droit Note 31 et que l’officier de l’état civil doit
exercer un contrôle de la légitimité de l’intérêt a priori.

L’intérêt légitime peut désormais trouver son origine dans l’identité de genre du sujet de droit.
Lorsque la demande de changement de prénom est antérieure à la procédure de changement de
sexe, l’acte de naissance laisse alors apparaître une contradiction dans l’identité de genre de la
personne, susceptible de nuire à la fonction d’identification, et donc de police civile, du prénom relié
au reste de l’état civil de la personneNote 32 .

9. - Enfin, la réforme de la procédure de changement de nom par la loi du 2 mars 2022 a affecté,
indirectement, la fonction du prénom. Désormais, l’article 61-3-1 du Code civil dispose que « [t]oute
personne majeure peut demander à l’officier de l’ état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de
son acte de naissance son changement de nom en vue de porter l’un des noms prévus aux premier et
dernier alinéas de l’article 311-21. Sans préjudice de l’article 61, ce choix ne peut être fait qu’une
seule fois ». Cette nouvelle règle permet de faire échec au principe d’unité de la fratrie, protégé par
l’article 311-21 du Code civil, interdisant aux parents de choisir des noms différents pour leurs

32
enfants successifs. L’enfant devenu majeur peut donc choisir un autre nom et se différencier du reste
de sa fratrie.

S’il était couramment admis que le nom rattache la personne à une famille et que le prénom permet
de l’individualiser au sein de cette famille, le nom joue aussi un rôle d’individualisation au sein de la
fratrie, ce qui affaiblit corrélativement la force individualisante du prénom.

Ainsi, l’immutabilité de l’état civil, principe établi lors de la Révolution française pour des raisons de
police civile, n’a cessé de décliner. Corrélativement, le prénom produit de véritables effets juridiques
dans le cadre de la procédure de changement de sexe fondée sur une possession d’état.

2. Le prénom, masque dissimulant un état civil antérieur


10. - Depuis plusieurs années, « nom et prénom, utilisés au profit d’un dévoilement sélectif de
l’information personnelle, perdent […] leurs traditionnelles fonctions administratives et familiales,
pour se faire “moyen de communication” » Note 33 . Autrefois instrument de communication sociale, le
prénom est devenu un moyen de communication à destination du juge. En effet, depuis la loi du
18 novembre 2016, il est possible de changer de sexe sur le fondement d’une possession d’état Note 34 ,
qui trouve notamment un ancrage dans le fait d’obtenir « le changement de son prénom afin qu’il
corresponde au sexe revendiqué » (C. civ., art. 61-5). Le changement de prénom permet ainsi
d’obtenir un autre effet de droit, le changement de sexe, ce qui conduit à fortement nuancer
l’affirmation selon laquelle le prénom, à lui seul, ne serait pas très utile dans le domaine juridique Note
35
. Le prénom est généralement révélateur de l’identité de genre du sujet de droit Note 36 : le
praenomen est devenu au sexe ce que le nomen est à la filiationNote 37 .

11. - Le changement de prénom sera d’autant plus aisément admis s’il est fait état, au préalable, d’un
prénom d’usage corrélé à la nouvelle identité de genre. L’importance du prénom d’usage a été mise
en relief par l’arrêt rendu par le Conseil d’État Note 38 , à propos d’une circulaireNote 39 prescrivant
l’utilisation du prénom d’usage en milieu scolaire pour les enfants transgenres : « l’établissement
scolaire substitue le prénom d’usage, de manière cohérente et simultanée, dans tous les documents
qui relèvent de l’organisation interne (listes d’appel, carte de cantine, carte de bibliothèque, etc.)
ainsi que dans les espaces numériques (ENT, etc.). En revanche, la prise en compte du contrôle
continu pour les épreuves de certains diplômes nationaux implique que seul le prénom inscrit à l’ état
civil soit pris en compte dans les systèmes d’information organisant le suivi de notation des élèves ».
Le Conseil d’État y met en balance l’interdiction d’utiliser d’autres prénoms que ceux inscrits dans
l’acte de naissance avec l’article L. 111-1 du Code de l’éducation, selon lequel le service public de
l’éducation « veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction ». Cet
objectif justifie, selon le Conseil d’État, une légère entorse à la règle édictée par la loi du 6 fructidor
an II.

Si le prénom d’usage est distinct du prénom, la reconnaissance de sa légitimité n’est pas sans effets
juridiques, puisqu’elle permet de se constituer un état civil de fait susceptible de justifier,
ultérieurement, le changement du ou des prénoms inscrits dans l’acte de naissance de l’enfant,
notamment lorsque ce prénom d’usage concorde avec l’identité de genre choisie, alors que la
jurisprudence ne l’admettait que si le prénom de fait était subi Note 40 . Les réformes du changement de
prénom et du changement de sexe ont donc eu, par ricochet, une influence sur le régime juridique
du prénom d’usage.

12. - Cet effet du prénom est-il amené à perdurer ? La faculté laissée aux parents d’inventer le
prénom de leur enfant a eu pour effet de faire naître des prénoms dont le genre n’est pas identifié :

33
« Des prénoms comme Sasha, Anael, Louison, Jael, Ilyane, Manoe, Eole ou Aelig, peu répandus, ne
sont pas encore associés, dans l’esprit de la majorité des Français, à un sexe précis » Note 41 .
L’émergence de ces nouveaux prénoms épicènes présente un intérêt juridique certain, notamment
pour les enfants intersexes. L’instruction relative à l’état civil recommande dans ce cas « de choisir
pour l’enfant un prénom pouvant être porté par une fille ou par un garçon » Note 42 .

13. - Pourtant, en changeant de nom ou de prénom, la personne se dévoile-t-elle vraiment ? Le


masque est-il tombé ? Il paraît plus juste de dire qu’il dissimule d’autres choses : alors qu’autrefois il
permettait de cacher une filiation naturelle ou adoptive, il cache aujourd’hui une filiation ou un sexe
de naissance refusé(e) par le sujet de droit, mais que le droit ne peut pourtant pas effacer. En effet,
le changement de nom n’affecte pas la filiation, mais il peut permettre de marquer le rejet d’une
branche de la filiationNote 43 . De même, le changement de sexe n’empêche pas une reconnaissance
juridique du sexe de naissance. Par exemple, l’article 61-8 du Code civil dispose : « La modification
de la mention du sexe dans les actes de l’ état civil est sans effet sur les obligations contractées à
l’égard de tiers ni sur les filiations établies avant cette modification ». Dans le même sens, la Cour de
cassation considère « qu’en l’état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme
qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l’ état civil , procrée avec son
épouse au moyen de ses gamètes mâles, n’est pas privée du droit de faire reconnaître un lien de
filiation biologique avec l’enfant, mais ne peut le faire qu’en ayant recours aux modes
d’établissement de la filiation réservés au père » Note 44 . En changeant de prénom pour le faire
coïncider avec son identité de genre, le sujet de droit camoufle son sexe de naissance, dont les effets
civils persistent néanmoins.

Comme l’acte de naissance est le « lieu de mémoire de l’existence sociale de la personne » Note 45 , il
rend compte des évolutions de la vie civile de la personne, de sa naissance à sa mort, évolutions qui
n’effacent pas le passé, mais qui font l’objet de mentions marginales Note 46 . Le nom et le prénom sont
toujours les masques dont la personne se pare pour couvrir son état civil originel. L’état civil est donc
peut-être devenu un état privé dans le sens où il est permis au sujet de droit de le soustraire aux
regards avec de plus en plus d’efficacité Note 47 ; mais il lui suffit de se procurer une copie intégrale de
son acte de naissance pour voir apparaître tout ce que la volonté n’a pas pu annihiler et qui constitue
son état civil, son histoire, c’est-à-dire, non l’identité choisie, voire forgée, à un moment de
l’existence, mais tous les éléments de l’identité, passés et présents, subis ou choisis, qui produisent
des effets de droit.▪

Essentiel à retenir
- L'affaiblissement de la fonction de police civile du prénom est certain, en raison de
l'épanouissement de la volonté et du déclin de sa fonction individualisante.

- Concomitamment, le prénom connaît un nouvel essor qui lui confère un intérêt juridique certain : il
est désormais utilisé par la personne comme un masque dont elle se pare pour dissimuler une
identité passée qui produit néanmoins des effets de droit. Ainsi, le changement de prénom est
employé pour camoufler le sexe de naissance, qui continue cependant de régir la filiation.

- L’état de la personne demeure donc bien un état civil, car les changements qui l’affectent laissent
persister des effets de l’identité passée, surtout dans la mesure où ils concernent la filiation.

Mots clés : Personnes. - État civil . - Nom. - Prénom.

Note 1 N. Molfessis, La fin de l’ état civil : JCP G 2022, 896.

34
Note 2 M. Gobert, Le nom ou la redécouverte d’un masque : JCP G 1980, I, 2966.

Note 3 Ibid.

Note 4 Dict. de l’Acad. fr., 9e éd., Vo Masque.

Note 5 B. Coulmont, Sociologie des prénoms : La Découverte, coll. Repères sociologie, 3e éd., 2022,
p. 106.

Note 6 Ibid., p. 107.

Note 7 J. Carbonnier, Droit civil , t. 1 : PUF, coll. Quadrige, 2e éd., 2017, n° 229.

Note 8 G. Loiseau, Le nom objet d’un contrat : LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 1997, n° 2.

Note 9 CA Versailles, 7 oct. 2010, n° 10/04665 : JurisData n° 2010-018225 ; AJ fam. 2011, p. 53,
F. Chénedé ; RTD civ. 2011, p. 97, J. Hauser.

Note 10 J. Hauser, Prénom : retour sur l’abrogation de la loi de Germinal : RTD civ. 2012, p. 287.

Note 11 B. Coulmont, préc., p. 7 s.

Note 12 Ibid.

Note 13 C. Neirinck, Les caractères de l’ état civil , in C. Neirinck (dir.), L’ État civil dans tous ses
états : LGDJ, coll. Droit et société, 2008, p. 42.

Note 14 A.-M. Leroyer, La notion d’état des personnes, in Ruptures, mouvements et continuité du
droit. Autour de Michelle Gobert : Economica, 2004, p. 247 s.

Note 15 A. Lefebvre-Teillard, Le nom. Droit et histoire : PUF, coll. Léviathan, 1990, p. 137.

Note 16 B. Coulmont, préc., p. 10.

Note 17 Ibid., p. 64 et s.

Note 18 M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil , t. 1 : LGDJ, 11e éd., 1928-1932, n° 405 : « un
officier de l’ état civil de Paris refusa de recevoir comme prénoms d’un enfant ceux de Lucifer-Blanqui-
Vercingétorix. Blanqui n’appartient pas, il est vrai, à l’histoire ancienne ; mais Vercingétorix remplit
certainement toutes les conditions voulues, et quant à Lucifer, il est tout aussi admissible que Gabriel,
Raphaël ou Michel, qui sont comme lui des noms d’Ange ».

Note 19 Not. pour les colonies : JCl. Civil Code, Art. 55 à 57, fasc. 20 : Prénom, § 16.

Note 20 Cass. 1re civ., 10 juin 1981 : JurisData n° 1981-701879 ; Bull. civ. I, n° 205 ; D. 1982, p. 160,
E. Agostini ; Defrénois 1982, art. 32846, p. 345, J. Massip.

Note 21 B. Coulmont, préc., p. 27.

Note 22 F. Laroche-Gisserot, Nom – Prénom : in Rép. civ. Dalloz, § 308.

Note 23 C. Neirinck, Á propos de l’intérêt de l’enfant, in C. Neirinck et M. Bruggeman (dir.), La


convention internationale des droits de l’enfant, une convention particulière : Dalloz, coll. Thèmes et
commentaires, 2014, p. 26.

Note 24 Pour une synthèse de la jurisprudence, ibid., § 309.

Note 25 K. Badeau, La France des Kévin : Le Point, 4 août 2022, n° 2608, p. 96.

35
Note 26 L. n° 72-964, 25 oct. 1972, dont l’art. 2, définissait la francisation comme « la substitution à
ce prénom d’un prénom français ».

Note 27 Rapp. AN n° 3726, 6 mai 2016, p. 260.

Note 28 Amendement n° CL190.

Note 29 L. Briand, Appréciation par les juridictions de l’intérêt légitime à la modification du prénom :
AJ fam. 2012, p. 316.

Note 30 C. Marie, Changement de prénom : JCl. Civil Code, Art. 60, § 8.

Note 31 La notion de demande, qui est un « acte juridique par lequel une personne formule une
prétention qu’elle soumet au juge » (G. Cornu, Vocabulaire juridique : PUF, coll. Quadrige »,
V° Demande, 11e éd., 2016), paraît impropre devant l’officier de l’ état civil .

Note 32 A. Gogos-Gintrand, Le nom et le prénom sont-ils encore des éléments d’identification de la


personne ?, in J.-J. Lemouland et D. Vigneau (dir.), Personnes et familles du XXIe siècle : Presses de
l’UPPA, 2018, p. 17 s.

Note 33 D. Gutmann, Le sentiment d’identité. Étude de droit des personnes et de la famille : LGDJ,
coll. Bibliothèque de droit privé, 2000, n° 399.

Note 34 V. not. S. Paricard, Une libéralisation du changement de sexe qui suscite des interrogations
majeures : AJ fam. 2016, p. 585.

Note 35 Il a pu être écrit, avant la réforme : « L’efficacité juridique du prénom étant médiocre » (F. Le
Doujet-Thomas, Les normes relatives au prénom : une perméabilité aux stéréotypes de genre ?, in
S. Henette-Vauchez, M. Pichard et D. Roman, La loi & le genre. Études critiques de droit français :
CNRS éditions, 2014, p. 85 s., spéc. p. 87).

Note 36 A. Gogos-Gintrand, préc., p. 28 s.

Note 37 C. civ., art. 311-1. – Encore que la fonction du nomen dans la possession d’état a décliné,
M. Gobert, art. préc.

Note 38 CE, 28 sept. 2022, n° 458403 : Dr. famille 2023, alerte 5, J. Couard.

Note 39 Circ. n° MENE2128373C, 29 sept. 2021.

Note 40 TGI Agen, 19 juin 1992 : D. 1994, p. 86, P. Nicoleau ; Defrénois 15 juin 1994, p. 772, J.
Massip.

Note 41 B. Coulmont, préc., p. 64.

Note 42 IGREC, 11 mai 1999, n° 288.

Note 43 D. Grelier, « Enfin je vais passer à autre chose » : ces français qui changent de nom de
famille : Le Figaro, 10 août 2022, p. 8.

Note 44 Cass. 1re civ., 16 sept. 2020, n° 18-50.080 et 19-11.251 : JurisData n° 2020-013347 ; Dr.
famille 2020, comm. 146, C. Siffrein-Blanc ; JCP G 2020, 1164, L. Brunet et Ph. Reigné ; JCP G 2022,
296, Y. Favier ; JCP G 2022, 437, C. Byk ; D. 2020, p. 2096, S. Paricard ; AJ fam. 2020, p. 534,
G. Kessler et E. Viganotti ; AJ. fam. 2022, p. 497, A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2020, p. 866, A.-
M. Leroyer.

36
Note 45 G. Raoul-Cormeil, L’ état civil , lieu de mémoire de l’existence sociale de la personne, in
C. Puigelier et B. Saint-Sernin (dir.), Le droit à la lumière de Bergson : mémoire et évolution : éd.
Panthéon-Assas, coll. Colloques, 2013, p. 147.

Note 46 C. civ., art. 61-4. – Sur leurs fonctions, G. Raoul-Cormeil, Les mentions marginales, in
L. Mauger-Vielpeau, E. Saillant-Maraghni (dir.), Etat civil et autres questions de droit administratif :
Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2021, p. 33.

Note 47 L’acte de naissance est protégé des regards indiscrets par le décret n° 2017-890 du 6 mai
2017.

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SÉANCE N° 5 – Les prérogatives juridiques du sujet de droit (I)

Travail de préparation de la séance

Commenter : Cass. req. 3 août 1915, n° 00-02.378 (arrêt Clément Bayard)

(Attention : cette décision date de 1915, n’oubliez pas que vous la commentez en 2023, il faut
donc que dans vos développements, vous vous souciez de l’évolution législative
éventuellement, de l’évolution de la jurisprudence éventuellement, dans le même sens ou
dans un sens différent ; consulter les ouvrages sur la notion d’abus de droit, d’exercice abusif
du droit de propriété)

Violation des articles 544 et suiv. et 552 du code civil, des règles du droit de propriété, violation par
fausse application des articles 1382 et suiv. du code civil ,violation de l'article 7 de la loi du 20 Avril
1810, défaut de motifs et de base légale,

En ce que d'une part, l'arrêt attaqué a considéré comme un abus du droit de propriété le fait par un
propriétaire de construire sur son terrain une clôture élevée, destinée à empêcher le propriétaire du
fonds voisin de pénétrer chez lui ou de tirer de son fonds un usage quelconque destiné à rendre sa
jouissance plus commode, sous le prétexte que cette construction avait été faite uniquement dans
une intention malveillante, alors qu'un propriétaire a le droit absolu de construire sur son terrain tels
ouvrages de défense ou de clôture qu'il lui plait pour éviter toute incursion sur son terrain, et qu'il ne
peut y avoir abus de droit que si le propriétaire exécute chez lui, sans aucun profit pour lui même, un
acte qui apporte un trouble au propriétaire du fonds voisin restant dans les limites de sa propriété,
ce qui n'était aucunement le cas.

Et en ce que d'autre part, l'arrêt n'a rien répondu à la théorie de droit ainsi formulée dans le
dispositif des conclusions d'appel. PAR CES MOTIFS et tous autres à produire, déduire ou suppléer,
l'exposant conclut à ce qu'il plaise à la Cour de Cassation : Casser l'arrêt attaqué avec toutes les
conséquences de droit.

LA COUR :

Sur le moyen de pourvoi pris de la violation des articles 544 et suivants, 552 et suivants du code civil,
des règles du droit de propriété et plus spécialement du droit de clore, violation par fausse
application des articles 1388 et suivants du code civil, violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810,
défaut de motifs et de base légale.

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Coquerel a installé sur son terrain attenant à celui de
Clément-Bayard, des carcasses en bois de seize mètres de hauteur surmontées de tiges de fer
pointues ; que le dispositif ne présentait pour l'exploitation du terrain de Coquerel aucune utilité et
n'avait été érigée que dans l'unique but de nuire à Clément-Bayard, sans d'ailleurs, à la hauteur à
laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l'article 647 du code civil, la clôture que le
propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes ; que, dans cette
situation des faits, l'arrêt a pu apprécier qu'il y avait eu par Coquerel abus de son droit et, d'une part,

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le condamner à la réparation du dommage causé à un ballon dirigeable de Clément-Bayard, d'autre
part, ordonner l'enlèvement des tiges de fer surmontant les carcasses en bois.

Attendu que, sans contradiction, l'arrêt a pu refuser la destruction du surplus du dispositif dont la
suppression était également réclamée, par le motif qu'il n'était pas démontré que ce dispositif eût
jusqu'à présent causé du dommage à Clément-Bayard et dût nécessairement lui en causer dans
l'avenir.

Attendu que l'arrêt trouve une base légale dans ces constatations ; que, dûment motivé, il n'a point,
en statuant ainsi qu'il l'a fait, violé ou faussement appliqué les règles de droit ou les textes visés au
moyen.

Par ces motifs, rejette la requête, condamne le demandeur à l'amende.

Ainsi fait jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre des Requêtes, en son audience
publique du trois août mil neuf cent quinze.

Autres décisions pour illustrer votre cours de droit des personnes


(à ficher si vous les jugez utile – non contrôlé pendant la séance)

Cass. civ. 3e, 8 octobre 2015, 14-16.216, Inédit (Attention, après l’Ordonnance n° 2016-
131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations, les articles du code civil ont été réformés et renumérotés, par ex. art. 1382 C. civ. devient
l’art. 1240 C. civ.)

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 février 2014), que M. et Mme X... sont
propriétaires d'une parcelle cadastrée AM 315 séparée des parcelles AM 313 et AM 316
appartenant à Mme Y..., Mme Denise Z... et M. Gilbert Z... (les consorts Z...) par un « patecq
commun » cadastré AM 314 ; que toutes ces parcelles sont issues d'un partage du 18
octobre 1835 ayant attribué aux auteurs de M. et Mme X... les lots 2 et 3 et aux auteurs des
consorts Z... les lots 1 et 4, ces derniers comportant chacun un patecq privé ; que soutenant
que le patecq privé du lot 1, désormais inclus dans la parcelle AM 316, avait été prélevé sur
le patecq commun et qu'un poteau avec cadenas implanté à l'angle de la parcelle AM 313
empêchait l'accès en véhicule au patecq commun, M. et Mme X... ont assigné les consorts
Z... afin d'obtenir une nouvelle délimitation des parcelles et le retrait du poteau ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que l'acte de partage du 18 octobre 1835 et les actes de vente
ultérieurs précisaient tous que les patecqs privés des lots 1 et 4 étaient distincts du patecq
commun et retenu, par motifs propres, que la superficie d'environ 150 m ² mentionnée dans
l'acte d'acquisition de 1951 de Laurent Z..., auteur des consorts Z..., et la superficie totale de

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la propriété partagée figurant pour 338 m ² au registre des états de section n'étaient pas
suffisamment fiables pour remettre en question la consistance des biens vendus alors qu'ils
correspondaient au découpage cadastral, et par motifs adoptés, qu'il serait vain d'effectuer
de nouvelles mesures dès lors que l'acte de 1835 ne comportait aucune mention de surface
et qu'il serait impossible de comparer les résultats obtenus avec l'acte initial, la cour d'appel,
qui a motivé sa décision et souverainement apprécié les présomptions de propriété les
meilleures et les plus caractérisées, en a exactement déduit, sans modifier l'objet du litige,
que la demande de nouvelle délimitation devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres, que le poteau était situé sur la parcelle AM 313,
propriété des consorts Z..., et que son retrait aurait pour effet de permettre à M. et Mme X...
de circuler sur cette parcelle et retenu, par motifs adoptés non contestés, qu'en raison de
son étroitesse le patecq commun devait rester libre de tout stationnement, la circulation en
véhicule étant exclusivement réservée à l'accès au garage des consorts Z..., la cour d'appel
en a implicitement mais nécessairement déduit que l'implantation du poteau litigieux ne
constituait pas un abus de droit ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer aux consorts
Z... la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du huit octobre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et
Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes
tendant à voir renommer un expert, et à voir en tout état de cause dire et juger que le «
patecq commun » tel qu'il résulte de l'acte de partage du 18 octobre 1835 et de la
possession des parties et de leurs auteurs se trouve constitué à tout le moins par la parcelle
cadastrale section AM n° 314, mais aussi par la partie de la parcelle cadastrée AM n° 316
située dans le prolongement de la parcelle AM n° 314 délimitée au Nord et à l'Ouest par les
bâtiments propriété des hoirs Z... et à l'Est par le mur soutenant le jardin établi par les hoirs
Z... ou leurs auteurs sur la partie de patecq attribuée privativement au lot n° 1 par le partage
du 18 octobre 1835 ;

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AUX MOTIFS PROPRES QUE « s'il est admis de part et d'autre que la parcelle AM 314
correspond au « patecq commun » de l'acte du 18 octobre 1835, Pierre X... et Brigitte A...
soutiennent que ledit patecq était en réalité plus étendu et qu'il comprenait la partie de la
parcelle cadastrée AM n° 316 située dans le prolongement de la parcelle AM n° 314
délimitée au nord et à l'ouest par les bâtiments propriété des consorts Z... et à l'est par le
mur soutenant le jardin établi par les consorts Z... ou leurs auteurs sur la partie de patecq
attribuée privativement au lot n° 1 ; que l'analyse de l'acte de partage du 18 octobre 1835
permet de considérer que : le bien partagé correspondait aux parcelles 234, 235 et 236 du
cadastre napoléonien, que quatre lots ont été constitués et attribués aux quatre filles de
Pierre B..., que les lots 1 et 4 comprenaient chacun « un patecq », et que les lots 3 et 4
étaient confrontés (du levant pour le lot 3 et du couchant pour le lot 4) par « le patecq
commun entre tous les copartageants » ; que compte tenu des termes utilisés, il convient
d'entériner l'analyse faite par l'expert consistant à distinguer ce qui est qualifié de « patecq
commun entre tous les copartageants », des deux « patecq » intégrés dans les lots 1 et 4, ces
derniers perdant alors leur caractère indivis et devenant des dépendances non bâties de
chaque lot ; qu'en effet, le patecq, terme ancien non défini juridiquement, correspondait à
un espace existant entre des bâtiments permettant à l'ensemble de leurs occupants d'y
accéder ; que par leurs prétentions, Pierre X... et Brigitte A... voudraient intégrer dans le «
patecq commun entre tous les copartageants » les deux patecq qui figuraient dans les lots 1
et 4 de 1835 ; que d'une part, la distinction entre les termes employés dans l'acte initial de
partage, et d'autre part, la description des biens partagés ou vendus après l'acte de partage
initial font obstacle à cette analyse, car : le 12 mars 1866, lors du règlement de la succession
de Marianne B..., attributaire du lot 1 dans le partage du 18 octobre 1835, son bien est décrit
comme suit : « maison... comprenant écurie, appartements, grenier à foin, patecq et planche
d'orangers au levant... confrontant du couchant et du nord les hoirs B... Jean Jacques, à l'est
Monsieur C..., au midi les hoirs D... Louis..., un patecq commun et un autre patecq
dépendant d'un four appartenant à Monsieur E...... » : que le 20 juin 1872, lors du règlement
de la succession de Jean Joseph E..., parmi les biens à partager figure : « un four à cuire le
pain et un patecq attenant au nord, confrontant du nord Thérèse E..., du levant Monsieur
C..., du midi la voie publique et du couchant un patecq commun » ; que Thérèse E... se voit
attribuer le four à cuire le pain et le patecq attenant et réunit de la sorte les lots 1 et 4 du
partage de 1835 (correspondant à la propriété actuelle des consorts Z...) ; que les 31
décembre 1922 et 15 janvier 1923, elle les vend à Louis F..., et au lieu du patecq mentionné
comme confront, il est alors question de « ruelle séparative » ; que les 13 et 21 mars 1951,
lorsque Louis F... vend sa propriété à Laurent Z..., il est mentionné une superficie d'environ
150 m2, l'acte du 31 décembre 1922 pour l'origine de propriété et plus aucune référence
n'est faite au patecq ou à la ruelle, mais uniquement de : H... au nord et à l'ouest, K... à l'est,
la rue du Pas de Gallou et L... au midi ; que le 30 octobre 2001, à l'occasion de la donation-
partage de Y... veuve de Laurent Z..., la masse à partager mentionne uniquement la parcelle
AM 316 pour 188 m2 en omettant la parcelle 313, et un état descriptif de division avec
règlement de copropriété est établi ; que le 23 juillet 2007, un acte rectificatif mentionne la
parcelle 313 pour 38 centiares ; qu'ainsi, et jusqu'à l'acquisition de son bien par Laurent Z...
en mars 1951, ses auteurs ont bien acquis les deux patecq considérés en réalité comme
privatifs, tandis que le patecq commun était mentionné comme confront, tantôt en tant que

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« patecq commun », tantôt en tant que « ruelle séparative » ; que le fait que l'acte
d'acquisition de Laurent Z... mentionne en 1951 une superficie d'environ 150 m2 alors que la
superficie totale de la propriété partagée le 18 octobre 1835, telle qu'elle figure au registre
des états de section est de 338 m2 ne sont pas suffisamment fiables pour remettre en
question la consistance des biens vendus, alors qu'ils correspondent au découpage
cadastral ; qu'il n'y a donc lieu ni à expertise complémentaire sur la superficie des lots et du
patecq commun, ni à considérer que le « patecq commun » englobe une partie de la parcelle
cadastrée AM n° 316, ni à l'établissement d'un modificatif du parcellaire cadastral ; que le
jugement ayant rejeté ces demandes sera donc confirmé » ;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « par acte du 18 octobre 1835, le partage à la
suite du décès de M. Pierre B... a été effectué entre ses 4 filles ; que la masse à partager,
concernant les faits du litige, est ainsi déterminée : une maison, un four à cuire le pain, et un
patecq, le tout sis dans l'enceinte de la commune du Cannet au hameau du pas de Gallou... ;
que le patecq est une notion issue de la pratique, qui n'a pas de définition légale précise ;
qu'on retrouve cette notion dans les actes anciens, et cette notion est susceptible de
correspondre à des situations factuelles multiples ; qu'un patecq est un espace
généralement non bâti que l'on laisse autour d'un ou plusieurs bâtiments, à l'usage de ce ou
ces bâtiments ; que dans la mesure où par décès, feu M. Pierre B... transmet l'entière
propriété d'un bien dénommé « patecq » à ses héritiers, dans le cadre d'une propriété
globale, ledit patecq (objet de la masse à partager) doit s'entendre, dans cet acte, comme
constituant une dépendance non bâtie de la propriété de l'intéressé ; qu'aucun élément au
dossier ne permet d'affirmer qu'en 1835 la partie dénommée « patecq », et transmise par
voie de décès, aurait été une bande de terrain à usage commun avec d'autres propriétaires
voisins ;
que cette bande de terrain dénommée patecq était a priori du seul usage de M. Pierre B... ;
que l'acte de partage divise la propriété en lots et prévoit les attributions, selon la répartition
suivante : lot 1, attribué à Mme Marianne B... : une partie de maison... consistant en un sol
servant de cave, un grenier à foin, et la planche de jardin, ainsi qu'un patecq... ; lot 2,
attribué à Mme Marie B... : une partie de maison... consistant en un sol, et 2 étages au-
dessus... ; lot 3, attribué à Mme Marie G... B... : une partie de la maison... consistant en un
sol et 2 étages au-dessus, elle confrontera en son ensemble du levant le patecq commun
entre les co-partageants ; lot 4, attribué à Mme Marie Elisabeth B... : une partie de la
maison... consistant au four à cuire le pain et un patecq au nord dudit four tenant en son
ensemble du couchant un patecq commun entre tous les co-partageants ; qu'il résulte
nécessairement de ces énonciations que certains lots se voient attribuer un « patecq » au
sens de dépendance non bâtie dudit lot, et que par ailleurs il est reconnu l'existence d'un
patecq commun entre les co-partageants ; que l'utilisation de l'expression « patecq commun
entre les co-partageants » dans cet acte de 1835 fait naître, en ce qui concerne cette seule
partie de terrain, la notion d'un terrain devant ou autour de bâtiments et sur lesquels
plusieurs propriétaires (en l'espèce les co-partageants puis leurs ayant droits) ont des droits ;
qu'à partir de l'acte de 1835, il y a bien 2 types de « patecqs » : ceux attribués à des lots, et
qui ne sont que des dépendances de ces lots, et celui affecté à l'usage commun des co-
partageants ; que le patecq préexiste à la division de la propriété ; qu'il est alors seulement

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un espace non bâti qui constitue une dépendance de la propriété ; que c'est à l'occasion d'un
acte de partage qu'il peut ou non être décidé que cet espace restera commun aux co-
partageants ; qu'en l'espèce manifestement, la description des lots permet de retenir que
seule une partie est affectée à l'usage commun des co-partageants, d'autres parties étant
intégrées dans les lots privatifs ; que l'expert propose un plan de division, issu de cet acte de
partage : annexe 5 de son rapport ; que la comparaison minutieuse de ce plan avec la
description des lots 1 à 4 telle que résultant de l'acte de 1835, conduit à valider le travail de
l'expert ; qu'en particulier, dans la mesure où le lot 1 se voir attribuer un patecq, c'est à
raison que l'expert a pu inclure dans le lot 1 la partie de l'actuelle parcelle 316
correspondant aujourd'hui au garage Z... ; que la demande des consorts A... X... tendant à
voir désigner à nouveau un expert pour mesurer le patecq commun, s'avère inefficiente dans
la mesure où l'acte de partage de 1835 ne comporte aucune mesure de surface ; qu'il serait
vain de mesurer dès lors que l'on ne pourrait pas comparer les résultats avec l'acte
fondateur ; qu'on peut seulement constater que le plan établi par l'expert correspond
précisément à la description des lieux de l'acte de 1835 ; que c'est bien sur cette base
(annexe 5 du rapport) que le raisonnement doit être tenu ; que comme l'explique
parfaitement l'expert ce raisonnement est confirmé par les actes subséquents ; qu'en
particulier l'acte du 12 mars 1866 établi à la suite du décès de Marianne B... titulaire du lot 1,
ce lot transmis par décès est ainsi défini : la maison... comprenant écurie, appartements,
grenier à foin, patecq... confrontant du couchant et du Nord les hoirs Jean-Jacques B..., à
l'est le sieur Henri C..., au midi les hoirs de D... Louis... un patecq commun et un autre patecq
dépendant d'un four appartenant au sieur E... ; que pour justifier leur demande de nouveau
mesurage, les consorts A... X... énoncent que « il n'est pas contestable que le patecq est
parfaitement identifié en termes de superficie, ceci résulte des éléments du cadastre
napoléonien indiquant une parcelle 235 d'une importance géographique considérable. Les
plans annexés au permis de surélévation de 1952 et des matrices cadastrales et le folio 964
donnent à la parcelle 235 une superficie de 142 m2 » ; que cette analyse est au contraire
contestable ; qu'à supposer que le patecq commun entre les co-partageants ait pour assiette
la totalité de la parcelle 235 du cadastre napoléonien, alors plus aucune description des
biens ne correspondrait ; qu'ainsi le lot numéro 4 du partage, qui est « four à cuire le pain et
un patecq », devrait confronter en son ensemble le patecq commun, et non pas seulement à
l'est ; que de même le lot n° l ne pourrait plus confronter au couchant avec la propriété de
Mr Jean Jacques B..., mais devrait confronter avec le patecq commun aux copartageants ;
qu'il en résulte que le garage litigieux que les consorts A... X... voudraient voir supprimer,
comme ayant été édifié sur le patecq commun, a en réalité été édifié sur la partie privative
du lot 1 de l'acte de 1835 ; que la circonstance qu'au départ il s'agisse d'un terrain nu puis
d'une buanderie sur laquelle plus tard un garage a été édifié, est sans influence sur le litige ;
que l'analyse des actes telle que menée minutieusement par l'expert permet en outre de
retenir que les lots 1 et 4 du partage ont été réunis sur la même personne, Mme Louise
Thérèse E... épouse I..., à partir du 20 juin 1872 ; que par acte des 31 décembre 1922 et 15
janvier 1923, Mme Louise Thérèse E... vend à M. Louis F... (pièce 52 des demandeurs)
plusieurs immeubles dont les deux suivants : une maison située au Cannet quartier du pas de
Gallou élevé d'un étage sur rez-de-chaussée confrontant au levant Mme veuve J..., au midi
M. Jean Joseph F... au couchant et au nord Adolphe B... ; une maison située au Cannet

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quartier du pas de Gallou confrontant dans son ensemble au levant Mme veuve J..., au midi
la rue pas de Gallou, au couchant et au nord une ruelle séparative de l'immeuble précédent ;
que ce se sont donc les lots 1 et 4 qui ont été cédés ; que par acte des 13 et 21 mars 1951
(pièce 24 des demandeurs), M. Louis F... vend à M. Laurent Z... une petite propriété sise sur
le territoire de la commune du Cannet 25 rue pas de Gallou, comprenant une vieille maison
en état de réparation, un hangar et un petit jardin, le tout d'une contenance d'environ 150
m2, confrontant au nord et à l'ouest : H..., à l'est : K..., et au midi la rue de Pas de Gallou et
L... (auteur des A...-X...) ; que la description du bien correspond aux lots 1 et 4 d'origine,
même si, comme le relève l'expert, la description est succincte et ne reprend pas la ruelle ou
le patecq ; qu'en revanche, la numérotation correspond bien au four (lot 4) (...) » ;
ALORS, de première part, QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux X... reconnaissaient
l'existence de deux « patecqs » privatifs respectivement attribués aux lots n° 1 et 4 lors du
partage du 18 octobre 1835, sur lesquels ils ne prétendaient pas avoir de droits ; qu'ils
faisaient uniquement valoir que le patecq commun résultant de l'acte de partage précité
était plus étendu que la simple parcelle actuelle AM n° 314 retenue par l'expert, et qu'il
comprenait notamment la partie de la parcelle actuelle AM n° 316 dont l'expert avait
considéré à tort qu'il s'agissait du patecq privé inclus dans le lot n° 1 ; que dès lors, en
jugeant que par leurs prétentions, les époux X... voulaient intégrer dans le « patecq commun
entre tous les copartageants » les deux patecqs qui figuraient dans les lots 1 et 4 de 1835, la
cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure
civile ;
ALORS, de deuxième part, QUE les juges du fond ne peuvent recourir aux mentions
cadastrales, à titre de présomption, que lorsque les parties n'invoquent pas de titres
justifiant leurs prétentions ; qu'en l'espèce, les époux X... invoquaient un acte du 21 mars
1951, qu'ils produisaient, par lequel Louis F... avait vendu à Laurent Z... sa propriété
composée des lots n° 1 et 4 du partage de 1835, pour une surface d'environ 150 mètres
carrés ; qu'il résultait de cet acte que les lots n° 1 et 4 ne pouvaient pas correspondre à
l'intégralité des parcelles actuellement cadastrées AM n° 316 et 313, d'une surface totale de
226 m2 ; que dès lors, en faisant prévaloir le « découpage cadastral » sur le titre de propriété
du 21 mars 1951, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;
ALORS, de troisième part, QU'en jugeant que « le fait que l'acte d'acquisition de Laurent Z...
mentionne en 1951 une superficie d'environ 150 m2 alors que la superficie totale de la
propriété partagée le 18 octobre 1835, telle qu'elle figure au registre des états de section est
de 338 m2 ne sont sic pas suffisamment fiables pour remettre en question la consistance des
biens vendus », la cour d'appel, qui a statué par des motifs inintelligibles, et sans s'expliquer
sur le manque de fiabilité qu'elle affirmait, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, de quatrième part, QUE les époux X... ne prétendaient pas que le patecq commun
entre les copartageants avait pour assiette la totalité de la parcelle 235 du cadastre
napoléonien ; qu'à supposer que la cour d'appel ait, par motifs adoptés des premiers juges,
décidé le contraire, elle a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION

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IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes
tendant à voir condamner sous astreinte les consorts Z... à procéder à la démolition du
piquet « à l'entrée de la parcelle AM 314 », ainsi qu'à laisser accès au passage mitoyen sur
ladite parcelle AM 314 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le poteau est implanté à l'extrémité sud-ouest de la parcelle
cadastrée 313 qui est la propriété exclusive des consorts Z..., ce qui interdit d'accéder à la
demande de Pierre X... et Brigitte A... tendant à le faire déplacer, quand bien même cette
implantation a pour effet de permettre exclusivement aux consorts Z... d'accéder en voiture
dans la parcelle 314 pour rejoindre leur garage se trouvant à l'extrémité nord du patecq ;
que l'inverse aurait pour effet de permettre à Pierre X... et Brigitte A... de circuler dans
l'angle sud-ouest de la parcelle 313 ; que le jugement ayant rejeté cette demande sera donc
confirmé » ;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « il n'est pas établi que ce poteau se trouve
sur la parcelle AM314 ; qu'au contraire, les pièces versées aux débats établissent qu'il se
trouve sur l'extrémité de la parcelle AM 313, sur laquelle les consorts A... X... n'ont aucun
droit ; qu'ils ne pourraient donc exiger le cas échéant l'enlèvement de ce poteau qu'à la
condition d'établir le trouble anormal de voisinage ; que dans la mesure où les intéressés
n'ont pas la faculté de stationner leur véhicule dans le patecq commun, ils ne justifient
d'aucun trouble anormal de voisinage concernant ce poteau ; que la demande doit être
rejetée » ;
ALORS QUE commet un abus du droit de propriété, le propriétaire qui installe sur son fonds
un poteau ayant pour seule finalité d'empêcher le propriétaire voisin d'accéder en voiture à
une parcelle indivise entre eux, et de se réserver sans motif légitime l'accès en voiture à
ladite parcelle ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les consorts
Z... n'avait pas abusé de leur droit de propriété en installant le poteau litigieux, qui avait
pour seul but d'empêcher les époux X... d'accéder en voiture au patecq commun, et de se
réserver, de manière illégitime, l'accès en voiture audit patecq, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.

Fiche d’orientation Dalloz

Propriété | Juin 2023


Définition
Le droit de propriété est un droit réel principal qui confère à son titulaire, le propriétaire, toutes
les prérogatives sur le bien constituant l'objet de son droit.

Texte :
 C. civ., art. 544 s. et 2227
 DDHC, art. 2 et 17. –. C. const.

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Sommaire
1. Caractéristiques
1.1 Attributs
1.2 Caractères
2. Modalités
2.1 Étendue
2.2 Limites
2.3 Preuve
Bibliographie

1. Caractéristiques
En vertu de l'article 544 du code civil, « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses
de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou
par les règlements ».
Le droit de propriété bénéficie d'une protection particulière en droit français puisqu'il est visé dans
la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC, art. 2 et 17). Il a ainsi pu être érigé en
droit fondamental dès 1982 par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative aux lois de
nationalisation (Cons. const. 16 janv. 1982, n° 81-132 DC). Ce caractère a par la suite été
réaffirmé en 1996 (Cons. const. 9 avril 1996, n° 96-373 DC).

1.1 Attributs

Le droit de propriété se caractérise par trois attributs : l'usus, le fructus et l'abusus.

1.1.1 Usus

L'usus (du latin « usage ») correspond au droit, pour le propriétaire, d'utiliser son bien comme il
l'entend ; c'est-à-dire qu'il peut choisir d'en faire usage ou bien décider de ne pas s'en servir.

1.1.2 Fructus

Le fructus (du latin « fruit ») correspond au droit, pour le propriétaire, d'accéder à ce qui est produit
par son bien. Il s'agit en réalité ici du droit d'exploiter son bien. En effet, l'article 547 du code civil
dispose que le titulaire d'un tel droit peut récolter les « fruits naturels ou industriels de la terre »
ainsi que « les fruits civils » par droit d'accession.
Ainsi, chaque propriétaire détient également les fruits provenant de son bien tels que les récoltes,
les loyers d'un appartement loué ou les dividendes d'actions de société.

1.1.3 Abusus

L'abusus (du latin « utilisation complète ») correspond au droit, pour le propriétaire, de disposer de
son bien comme il l'entend, c'est-à-dire le conserver, le vendre, le donner et même le détruire.

1.2 Caractères

Le droit de propriété est traditionnellement dépeint comme un droit absolu, exclusif et perpétuel.

1.2.1 Un droit absolu

Compte tenu des trois attributs du droit de la propriété, ce dernier constitue le droit réel le plus
complet. C'est la raison pour laquelle il est également dit « absolu », c'est-à-dire que les

46
prérogatives que le propriétaire peut exercer sur son bien sont sans limite, dans la mesure où les
lois et les règlements sont respectés.

1.2.2 Un droit exclusif

Le droit de propriété s'apparente également, en principe, à un droit exclusif en ce sens qu'il


présente un caractère individuel. Cela signifie que, sauf le cas particulier d'un démembrement,
seul le propriétaire dispose d'un monopole sur son bien.

1.2.3 Un droit perpétuel

Le droit de propriété est perpétuel en ce sens que, loin de constituer un droit viager, il est illimité
dans le temps. De plus, il ne s'éteint pas au décès de son titulaire mais se transmet aux héritiers.
Dès lors, ce droit peut changer de titulaire sans que cela ait un impact sur son existence même.
Il ne s'éteint pas non plus par le non-usage, il constitue donc à ce titre un droit imprescriptible (Civ.
3e, 22 juin 1983).

2. Modalités

2.1 Étendue

Le droit de propriété peut avoir pour objet un bien meuble, tout autant qu'un immeuble (C. civ.,
art. 546).

2.1.1 Accession immobilière

En matière immobilière, l'accession peut être réalisée par production (C. civ., art. 547 à 550) et par
incorporation (C. civ., art. 551 à 577).
Par ailleurs, la propriété est délimitée horizontalement et verticalement.
Tout d'abord, la délimitation verticale correspond au principe selon lequel « la propriété du sol
emporte la propriété du dessus et du dessous » (C. civ., art. 552).
La délimitation horizontale s'effectue par la clôture (C. civ., art. 647, 648 et 663) ou le bornage (C.
civ., art. 46).

2.1.2 Accession mobilière

En matière mobilière, des modalités d'accession sont également prévues (C. civ., art. 565 à 577).

2.2 Limites

2.2.1 Limites au caractère absolu

Le droit de propriété n'est pas si « absolu » dans la mesure où il doit être exercé dans le respect
des lois et des règlements.
Les restrictions au caractère absolu du droit de propriété apparaissent généralement dans les
rapports entre voisins propriétaires de biens immobiliers.
Tout d'abord, l'abus du droit de propriété constitue une première limite au droit de propriété. À
ce titre, le propriétaire ne peut pas détourner son droit de sa finalité ou l'exercer dans le but de
nuire à autrui. La jurisprudence considère ainsi que l'installation sur un terrain d'un dispositif ne
présentant aucune utilité et n'ayant d'autre but que de nuire à autrui constitue un abus du droit de
propriété (Req. 3 août 1915, Coquerel c/ Clément-Bayard, n° 00-02.378). Suivant la même idée,
un propriétaire ne peut pas planter un rideau de fougères devant une fenêtre dans la seule
intention de nuire à son voisin (Civ. 1re, 20 janv. 1964).
D'autre part, la théorie des troubles de voisinage restreint le droit de propriété en ce sens que le
propriétaire ne peut exercer son droit de propriété en excédant les inconvénients « normaux »
inhérents au voisinage. Par exemple, la propriétaire d'un terrain ne peut décider d'y construire un
immeuble haut de 24 mètres prohibée par le plan d'occupation des sols à proximité d'une

47
habitation, privant ses habitants de tout ensoleillement possible dans le jardin et transformant la
partie sud de leur maison en un « puits sans vue ni lumière » (Civ. 2e, 28 avr. 2011, n° 08-13.760).
En outre, le régime des servitudes (C. civ., art. 686 s.) vient limiter le droit du propriétaire de jouir
entièrement de sa propriété. En effet, la servitude fait peser une contrainte sur une propriété au
profit d'une autre propriété, appartenant chacune à un propriétaire différent.

2.2.2 Limites au caractère exclusif

La propriété peut être divisée, c'est-à-dire que plusieurs personnes peuvent être titulaires de
prérogatives sur un même bien. Dès lors, l'usage qu'il en est fait n'appartient plus exclusivement à
une seule personne. La jurisprudence récente a par exemple admis en ce sens que « le
propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le
bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien » (Civ. 3e, 31 oct. 2012, n° 11-16.304). Le
propriétaire est ainsi en droit de renoncer à l'exclusivité qui est l'apanage ordinaire de son droit.
La pleine propriété peut par exemple être démembrée, c'est-à-dire divisée en nue-propriété et en
usufruit (C. civ., art. 578 à 636).
L'exclusivité du droit de propriété disparaît également en matière d'indivision (C. civ., art. 815-9) et
de copropriété (L. n° 65-557 du 10 juill. 1965, art. 9 à 15, 19, 20).

2.3 Preuve

2.3.1 Propriété immobilière

La preuve de la propriété immobilière est libre (Civ. 3 e, 20 juill. 1988). À savoir que la présentation
d'un titre de propriété entraîne une présomption de propriété qui peut être renversée par la preuve
contraire (Civ. 3e, 5 mai 1982).
Pour les tribunaux, la preuve peut aussi être apportée par le cadastre, le paiement des impôts
fonciers ou l'usucapion (C. civ., art. 712).

2.3.2 Propriété mobilière

La preuve de la propriété d'un bien mobilier est également libre mais la présentation d'une facture
d'achat dudit bien suffit (Civ. 1re, 11 janv. 2000).
En outre, la possession vaut titre au regard de l'article 2276 du code civil.

Fiches associées :
 Abus de droit
 Troubles de voisinage

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Encyclopédie
 Répertoire civil, Propriété, par Alain Sériaux, juin 2016

Revues Dalloz
Articles de références
 La propriété en tous ses états Acte III : actualité du bail
réel immobilier, B. Wertenschlag, AJDI 2022. 95
 Réaffirmation de l'application restrictive de l'article 555
du code civil ratione materiae, Civ. 3e, 9 sept. 2021
n° 20-15.713, F. Roussel, D. 2022. 452

48
 La propriété en tous ses états Acte II : actualité du bail
réel solidaire, B. Wertenschlag, AJDI 2021. 249
 Le droit spécial des biens à l'épreuve du droit réel de
jouissance spéciale : droit réel de jouissance spéciale et
copropriété, N. Reboul-Maupin, D. 2020. 1689
 L'aménagement contractuel d'un droit réel de
jouissance spéciale sur les droits sociaux : quelles sont
les véritables limites ?, P. Hoang, D. 2020. 663
 La propriété privée : une arme qui doit être contrôlée,
J.-P. Chazal, D. 2019. 2177
 Sommes-nous propriétaires de notre corps ?, É.
Umberto Goût, RTD civ. 2020. 315
 Le propriétaire souverain : archéologie d'une idole
doctrinale, J.-P. Chazal, RTD civ. 2020. 1
 Pour une relecture de la réserve de propriété, J.
Théron, RTD civ. 2019. 713
 Le champ de l'imprescriptibilité du droit de propriété,
Civ. 1re, 21 févr. 2019, n° 17-25.733, W. Dross, RTD
civ. 2019. 372
 Spoliation d'œuvres d'art et droit international, Z. Can
Koray, D. 2019. 1615
 Droit de propriété versus droit au logement : avantage
pour le droit de propriété ! Civ. 3 e, 17 mai 2018, n° 16-
15.792, F. Cohet, AJDI 2019. 73
 Combattre un monstre juridique : « la propriété
inopposable » des biens non revendiqués, J. Théron, D.
2018. 2424
 La démolition des constructions empiétant sur le fonds
voisin est désormais fondée sur le droit au respect de
ses biens, H. Leyrat, AJDI 2018. 582
 La restriction des actions en démolition et la
Constitution, Cons. const., 10 nov. 2017, n° 2017-672-
QPC, J. Tremeau, AJDA 2018. 356
 De la revendication à la réattribution : la propriété peut-
elle sauver le climat ?, W. Dross, D. 2017. 2553
 La défense du droit de propriété ne saurait jamais
dégénérer en abus. Sérieusement ?, Civ. 3e, 15 déc.
2016, n° 16-40.240, W. Dross, RTD civ. 2017. 423
 L'apport de la théorie civiliste au droit de propriété des
constructions sur un fonds public, J.-G. Sorbara, RFDA
2017. 341
 Qui doit être déclaré propriétaire lorsque aucun des
litigants ne l'est ? : le conflit du titre a non domino et de
la possession sans animus domino, Civ. 3 e, 8 oct. 2015,
n° 14-16.963, W. Dross, RTD civ. 2016. 154
 L'article 552 n'est-il qu'une présomption de propriété ?,
Civ. 3e, 13 mai 2015, n° 13-27.342, W. Dross, RTD civ.
2015. 902
 Que l'article 544 du code civil nous dit-il de la
propriété ?, W. Dross, RTD civ. 2015. 27
 L'apport de la QPC à la protection de la propriété, La
jurisprudence du Conseil constitutionnel (2010 - 2014),
C. Bazy-Malaurie, Just. et cass. 2015. 57
 La propriété : dogme ou instrument politique ? Ou
comment la doctrine s'interdit de penser le réel, J.-
P. Chazal, RTD civ. 2014. 763
 Droit réel, propriété et créance dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel, V. Mazeaud, RTD civ. 2014. 29
 Qu'est-ce que la propriété ?, Réponse de la
jurisprudence récente éclairée par l'histoire, G. Lardeux,
RTD civ. 2013. 741
 Une approche structurale de la propriété, W. Dross,
RTD civ. 2012. 419

49
 Le Conseil constitutionnel et la propriété privée, J.-F. de
Montgolfier, Just. et cass. 2010. 259
 La propriété, mécanisme fondamental du droit,
F. Zenati-Castaing, RTD civ. 2006. 445
 Le juge administratif, gardien du droit de propriété,
M. Verpeaux, RFDA 2003. 1096
 Propriété, patrimoine et lien social, M. Fabre-Magnan,
RTD civ. 1997. 583

Ouvrages feuilletables
Cours
 Droit des biens. 10e éd., Droit privé, 10e éd., 2021

HyperCours
 Droit des biens. 8e éd., Droit privé, 8e éd., 2020

Précis
 Droit civil.Les biens. 10e éd., François Terré/Philippe
Simler, Droit privé, 10e éd., 2018

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50
SÉANCE N° 6 – Les prérogatives juridiques du sujet de droit (II)

Travail de préparation de la séance

Commenter : Cass. civ. 1re, 14 décembre 1999, 97-15.756, Publié au bulletin

(Attention : cette décision date de 1915, n’oubliez pas que vous la commentez en 2023, il faut
donc que dans vos développements, vous vous souciez de l’évolution législative
éventuellement, de l’évolution de la jurisprudence éventuellement, dans le même sens ou
dans un sens différent)

Sur les quatre moyens, réunis et pris en leurs diverses branches, du pourvoi principal de la société
Les Editions Plon et de M. Z... :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Les Editions Plon, éditeur de
l'ouvrage intitulé " Le Grand Secret ", dont M. X... est coauteur, à verser des dommages-intérêts aux
consorts Y..., et d'avoir confirmé la mesure d'interdiction de diffusion du livre pour violation du secret
médical ; qu'il est reproché à la cour d'appel, d'une part, de s'être fondée sur la violation, par M. X...,
du secret médical, sans distinguer entre les révélations relevant de ce secret et celles visant la vie
privée de François Y..., d'autre part, d'avoir accordé aux héritiers une indemnisation pour les
conséquences de la publication, soit un préjudice postérieur au décès, encore, d'avoir privé leur
décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme
et de la liberté d'expression sur les sujets politiques, en l'état, surtout, des révélations faites par
ailleurs sur la vie privée de François Y..., enfin, d'avoir omis de distinguer dans l'indemnisation ce qui
relevait du préjudice subi du fait de la violation du secret médical, de ce qui relevait du préjudice
personnellement éprouvé par les héritiers ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que toutes les informations publiées avaient été recueillies
par M. X... à l'occasion de son activité de médecin personnel de François Y..., de sorte qu'elles
relevaient du secret médical pussent-elles constituer, en outre, une atteinte au respect dû à la vie
privée ; qu'ayant constaté que la violation du secret médical était établie par un jugement pénal, les
juges du second degré, qui ont retenu que l'exercice de la liberté d'expression pouvait donner lieu à
certaines restrictions, notamment pour la protection des droits d'autrui, ont légalement justifié leur
décision en décidant, souverainement, que la cessation de la diffusion de l'ouvrage était seule de
nature à mettre fin à l'infraction pénale et au préjudice subi, qu'ils ont souverainement évalué, sans
avoir à faire la distinction visée par le pourvoi ;
Qu'aucun des moyens n'est donc fondé ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi incident des consorts Y... :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable la demande des consorts Y...
fondée sur l'atteinte à la vie privée de leur auteur, alors que, d'une part, les ayants droit reçoivent le
droit d'agir au nom de leur auteur pour voir sanctionner l'atteinte à la vie privée commise au
moment et immédiatement après son décès, alors même qu'ils sont directement atteints dans leur
propre vie privée, et alors que, d'autre part, la recevabilité de l'action des héritiers tendant à obtenir
réparation du préjudice porté par l'atteinte à la vie privée de leur auteur est nécessairement liée à
celle de l'atteinte portée à leur propre vie privée caractérisée par la cour d'appel, de sorte qu'il y
aurait violation des articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

51
Mais attendu que le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne
concernée, seule titulaire de ce droit ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses
branches ;
Mais sur le second moyen du même pourvoi incident :
Vu l'article 1351 du Code civil ;
Attendu que pour mettre hors de cause M. Olivier Z..., l'arrêt attaqué énonce que ses agissements ne
sont pas détachables de ses fonctions de dirigeant social et ne constituent pas, sur le plan civil, une
faute distincte de celle reprochée à la société Les Editions Plon ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que M. Olivier Z... avait été condamné pénalement pour
complicité de la violation du secret médical commise par M. X..., et que l'action engagée au civil par
les consorts Y... tendait à la réparation du préjudice résultant de l'infraction, la cour d'appel a violé le
texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause M. Olivier Z..., l'arrêt rendu le 27
mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause
et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Suite devant la CEDH : CEDH, 18 août 2004, Req. n° 58148/00, Editions Plon c/
France
https://www.google.com/url?
sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiPp9uNh6CBAxVSXaQEHVM-
CusQFnoECA4QAQ&url=https%3A%2F%2Fhudoc.echr.coe.int%2Fapp%2Fconversion%2Fdocx%2Fpdf
%3Flibrary%3DECHR%26id%3D001-66318%26filename
%3DCEDH.pdf&usg=AOvVaw3p2o4FSvU9Oj9r6kuJCtBu&opi=89978449

Autres décisions pour illustrer votre cours de droit des personnes


(à ficher si vous les jugez utile – non contrôlé pendant la séance)

- Décision du Conseil constitutionnel, DC n° 2017-747 du 16 mars


2017 (réserves d’interprétation sur le délit d’entrave à l’IVG)
https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/
2017747dc/2017747dc.pdf

- Cass. civ. 1re, 10 octobre 2019, 18-21.871, Publié au bulletin (et le droit
au respect de la vie privée)
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039245404?
cassFormation=CHAMBRE_CIVILE_1&page=1&pageSize=10&query=%22libert%C3%A9+d
%27expression
%22&searchField=ABSTRATS&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&t
ypePagination=DEFAULT

52
- Cass. civ. 1re, 6 janvier 2021, 19-21.718, Publié au bulletin (et le droit à
la présomption d’innocence)
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043004957?
cassFormation=CHAMBRE_CIVILE_1&page=1&pageSize=10&query=%22libert%C3%A9+d
%27expression
%22&searchField=ABSTRATS&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&t
ypePagination=DEFAULT

53
SÉANCE N° 7 – Les personnes vulnérables – le majeur protégé

Travail de préparation de la séance

Commenter l’article 425 du code civil

(Version en vigueur depuis le 01 janvier 2009. Modifié par Loi n°2007-308 du 5 mars 2007 -
art. 7 () JORF 7 mars 2007 en vigueur le 1er janvier 2009

Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une
altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés
corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de
protection juridique prévue au présent chapitre.
S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne
que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée

Un peu de lecture…
Les libertés familiales des majeurs protégés
Etude par Charlène BOIS FARINAUD doctorante en droit privé de
l'université Grenoble-Alpes
Droit de la famille n° 9, Septembre 2021, dossier 20 (Lexis-Nexis)

Les libertés familiales des majeurs protégés ont été renforcées par la loi n° 2019-222 du
23 mars 2019 qui a notamment supprimé des dispositifs d'autorisation. Malgré ces avancées
notables, les personnes protégées subissent encore des restrictions de certaines de leurs
libertés familiales et manquent cruellement de protection lorsqu'elles les exercent.
1. - Dénoncé comme étant incompatible avec les engagements internationaux de la France
relatifs aux droits de l'hommeNote 1 , le droit des majeurs protégés issu de la loi du 5 mars 2007
a été partiellement modifié. C'est au travers de la loi de programmation 2018-2022 du
23 mars 2019 que le législateur est intervenu afin de garantir l'expression de la volonté
individuelle du majeur protégé dans l'exercice de ses libertés fondamentales. Le législateur a
notamment modifié le régime des libertés familiales du majeur protégé.
2. - L'objectif de la réforme était d'améliorer le respect des droits fondamentaux des majeurs
protégés tout en renouvelant leur protection dans un contexte de déjudiciarisation. Il
convient désormais de vérifier si la réforme a atteint cet objectif dans le domaine des libertés
familiales relatives à la vie de couple du majeur protégé.
3. - La loi du 23 mars 2019 n'a amélioré la garantie que d'une partie des libertés familiales de
la personne protégée. La liberté d'union est désormais pleinement accordée à l'ensemble des
majeurs placés sous mesure de protection. La libéralisation de l'autonomie de la volonté du

54
majeur à l'occasion de ses entrées en unions a été permise grâce à la disparition de
l'autorisation judiciaire au mariage et au Pacs du tutélaire et de l'autorisation du curateur au
mariage du curatélaire ainsi qu'à la prohibition de toute assistance ou représentation du
majeur lors de sa déclaration de Pacs à l'officier d'état civil. En revanche, la réforme ne laisse
au majeur protégé qu'une liberté de désunion inachevée (1).
4. - Par ailleurs, le droit des majeurs protégés n'a pas échappé au mouvement de
déjudiciarisation qui a incité le législateur à repenser les mécanismes de protection.
Toutefois, ce renouvellement des mécanismes laisse le majeur sans protection efficace (2).
1. Une liberté de désunion inachevée
5. - Par le biais de mesures phares, telles que l'ouverture du divorce accepté à l'ensemble des
majeurs placés sous un régime de protection, la loi du 23 mars 2019 a replacé leur volonté au
centre des actes extrapatrimoniaux de la famille les concernant. Cependant, le législateur
n'est pas parvenu à libéraliser la volonté de tous les majeurs protégés puisque le tutélaire ne
jouit que d'une autonomie incomplète à l'occasion de ses ruptures d'unions (A). Par ailleurs,
l'inadaptation du régime de la liberté de désunion matrimoniale à la situation de
vulnérabilité des majeurs protégés est à déplorer (B).
A. - L'autonomie incomplète du tutélaire lors des ruptures d'unions
6. - Le divorce. -
L'accès au divorce accepté à l'ensemble des majeurs protégés et la suppression de
l'autorisation du juge ou du conseil de famille accordée au tuteur afin qu'il engage le divorce
du majeur protégé ont permis au législateur d'arguer d'une libéralisation de la rupture du
mariage du tutélaire. Or, l'étude minutieuse des nouvelles modalités de divorce du tutélaire
montre qu'elles ne lui permettent pas de jouir d'une pleine liberté de désunion.
7. - Afin de protéger le majeur, le législateur a maintenu le principe de la représentation du
tutélaire par son tuteur pendant l'instance en divorce. Autrement dit, l'action en divorce
n'appartient pas au tutélaire, mais au tuteur. Or, en ne distinguant pas l'intention de
divorcer, qui relève de la liberté familiale du majeur protégé, et l'action en divorce, qui est la
traduction procédurale de sa volonté, ce mécanisme juridique ne permet pas de vérifier que
l'initiative du divorce, lorsque le majeur protégé est demandeur, émane réellement du
tutélaire et non du tuteurNote 2 . L'absence de distinction entre l'intention et l'action en divorce
interroge d'autant plus qu'elle est pourtant correctement réalisée pour la rupture du Pacs,
lorsque l'alinéa 3 de l'article 462 du Code civil précise que « la personne en tutelle peut
rompre le pacte civil de solidarité [...] par décision unilatérale » mais que « la formalité de la
signification » de cette rupture au partenaire ainsi qu'à l'organe ayant enregistré le Pacs sera
« opérée à la diligence du tuteur ». Le processus de rupture de l'union partenariale est ici
déclenché uniquement par le tutélaire, de sorte qu'il jouit d'une liberté de désunion absolue.
Sa protection est ensuite assurée par son tuteur qui opère les actes nécessaires à la rupture
juridique du Pacs. En ayant précisé la distinction dans le Pacs, le législateur la consacre
juridiquement. Ainsi, en ne reprenant pas une distinction qu'il a fait entrer dans le droit
positif, le législateur consacre le vide juridique sur la décision de divorce qui est pourtant une
liberté familiale du majeur protégé. L'ouverture du divorce accepté à l'ensemble des majeurs
placés sous une mesure de protection atténue cette défaillance dans la liberté de désunion
du tutélaire. Puisque ce divorce ne peut être obtenu que si le majeur protégé accepte seul le
principe de la rupture, il permet de s'assurer juridiquement de son intention de divorcer.
Ainsi, l'absence de distinction entre la décision de divorce et l'action en divorce altère la
liberté de désunion du tutélaire lorsqu'il divorce pour faute ou pour altération définitive du
lien conjugal. Dans ces divorces contentieux, aucun mécanisme juridique ne permet
d'empêcher les situations dans lesquelles le tuteur serait à l'origine de la décision de divorce

55
pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal. Pousser la critique à son paroxysme
reviendrait à dire que l'intention de divorcer du majeur concerné n'est pas nécessaire afin
que la procédure de divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal
aboutisse.
8. - L'absence de distinction entre la décision de divorce et l'action en divorce cumulé au
refus d'ouvrir le divorce par consentement mutuel démontre que la volonté du tutélaire de
rompre le mariage n'a pas été pleinement considérée par la réforme. Sur quatre types de
divorce autorisés, seuls trois sont accessibles au majeur protégé et un seul s'assure de la
volonté de divorcer du tutélaire.
9. - La rupture du Pacs. -
Le régime de la rupture du Pacs mis en place par la loi du 5 mars 2007 n'accorde qu'une
liberté de désunion partielle au tutélaire puisque, s'il lui garantit la liberté de rompre le pacte
de manière autonomeNote 3 , il offre aussi au tuteur la possibilité d'initier la rupture unilatérale
du Pacs (C. civ., art. 462, al. 4). En maintenant cette faculté du tuteur d'initier la rupture, la
loi du 23 mars 2019 a manqué une occasion de libéraliser entièrement la rupture du Pacs du
tutélaire.
10. - La volonté du majeur en tutelle n'est pas éludée dans le cadre d'une initiative de
rupture du Pacs émanant du tuteur puisque le juge a l'obligation d'auditionner le majeur
protégé afin d'autoriser son représentant à prendre l'initiative de la rupture. Cependant, la
chronologie d'intervention des manifestations de volonté, dans le cadre de l'alinéa 4 de
l'article 462 du Code civil, montre que la volonté du majeur protégé est reléguée au second
plan puisque ce n'est qu'une fois l'initiative prise par le tuteur de rompre le pacte que le
majeur est auditionné. L'inversion de cette chronologie aurait consacré l'autonomie du
tutélaire. Il eut été préférable de réserver, dans un premier temps, l'initiative de rompre le
Pacs au majeur protégé exclusivement et, dans un second temps, de permettre au juge de
s'assurer que le tutélaire ait saisi les conséquences d'une telle décision en l'auditionnant.
11. - Finalement, le majeur en tutelle reste le seul majeur protégé qui subisse un
affaiblissement de l'autonomie de sa volonté à l'occasion de ses désunions. Cette situation
semble difficilement justifiable par le caractère incapacitant de sa mesure de protection
puisque, à titre de comparaison, le majeur bénéficiant d'une mesure d'habilitation familiale
ne voit, quant à lui, la rupture de son mariage et de son Pacs soumise à aucune restriction Note
4
. Il est donc regrettable que le législateur n'ait pas qualifié la désunion du majeur protégé,
qui comprend toutes les formes de divorce ainsi que la rupture du Pacs, comme un acte
strictement personnel au titre de l'article 458 du Code civil, lequel réserve des
aménagements dans l'accomplissement de ces actes par la loi (C. civ., art. 458, al. 1er). Ainsi,
la liberté de désunion aurait été garantie à l'ensemble des majeurs placés sous une mesure
de protection tout en laissant la possibilité au droit du divorce et à celui du Pacs de prévoir
des aménagements particuliers lorsque le majeur protégé est hors d'état d'exprimer sa
volonté.
B. - Une liberté de désunion matrimoniale inadaptée à la vulnérabilité
12. - Dans le domaine des ruptures d'unions du majeur protégé, il semble que la réforme du
23 mars 2019 ait parfois oublié qu'il s'agissait de libertés fondamentales de personnes en
situation de vulnérabilité. Les libertés fondamentales des majeurs vulnérables sont elles aussi
vulnérables. Elles méritent donc une protection accrue sans quoi les personnes vulnérables
ne peuvent correctement en bénéficier. Or, le régime de la liberté de désunion matrimoniale
s'est mal, voire ne s'est pas du tout, adapté à la situation de vulnérabilité des majeurs
protégés et donc de leurs libertés familiales, ce qui en altère leur jouissance.
13. - Les conflits d'intérêts. -

56
Par son silence sur la question, la loi du 23 mars 2019 n'a pas anticipé les conflits d'intérêts
pouvant surgir à l'occasion du divorce du majeur en tutelle lorsque le tuteur est un proche du
tutélaire, voire son conjointNote 5 .
14. - La déjudiciarisation de l'action en divorce conduit à ce que le tuteur détienne
juridiquement le monopole de la décision et de l'action en ouverture de la procédure de
divorce. Dans la situation où le tuteur est le conjoint du tutélaire, il y a très peu de chance
qu'il réalise une assignation en divorce à son encontre pour altération définitive du lien
conjugal et encore moins pour faute. Comment le tutélaire peut-il se trouver en demande de
l'un de ces divorces ? La possibilité pour le juge de désigner un protecteur ad hoc en cas de
conflits d'intérêts (C. civ., art. 455 et 249-2) soulève des difficultés similaires. Le tuteur
conjoint du tutélaire aura-t-il la diligence de saisir le juge afin qu'il désigne un tuteur ad hoc
qui l'assignera par la suite en divorce pour altération définitive du lien conjugal ou en divorce
pour faute ? Il est permis d'en douter. Cette impasse semble pouvoir être contournée par
l'alinéa 2 de l'article 455 du Code civil qui permet à « tout intéressé » de saisir le juge afin
qu'un tuteur ad hoc soit désigné pour initier la procédure de divorce. Or, cette solution
suppose que le majeur protégé ne subisse pas d'isolement social ou, moins radicalement,
que la personne intéressée pour agir respecte entièrement la volonté de divorcer du majeur
en tutelle.
Le nouveau droit du divorce des majeurs protégés ne s'est donc pas adapté à la vulnérabilité
du majeur protégé par son conjoint le privant ainsi de sa liberté de désunion.
15. - Le divorce par consentement mutuel. -
L'absence d'adaptation du droit du divorce à la vulnérabilité des personnes se traduit
également par le maintien de l'impossibilité pour tous les majeurs placés sous une mesure de
protection de divorcer par consentement mutuel (C. civ., art. 249-4). Accorder le divorce par
consentement mutuel au majeur protégé aurait nécessité une modification profonde de ce
type de divorce. En effet, comme le rappelle Stéphane David Note 6 , le divorce par
consentement mutuel est caractérisé par un accord dual et indivisible, l'accord sur la rupture
du mariage n'allant pas sans l'accord sur ses effets. Or, pour offrir le divorce par
consentement mutuel au majeur protégé, le législateur devrait rompre l'indivisibilité de
l'accord en distinguant la volonté de divorcer, appartenant au majeur protégé qui agirait
seul, et l'élaboration ainsi que la signature de la convention, qui nécessiteraient l'assistance
ou la représentation obligatoire du protecteur. L'adaptation du régime du divorce par
consentement mutuel aux particularités juridiques du majeur protégé entraînerait donc une
modification considérable de la nature juridique de ce divorce. Mais refuser d'aménager le
divorce par consentement mutuel afin de le rendre accessible aux majeurs protégés revient à
bafouer leur liberté de désunion et témoigne, une fois de plus, de l'incapacité des régimes
relatifs à la désunion à s'adapter à leur vulnérabilité.
16. - Le législateur estime que l'inaccessibilité du divorce par consentement mutuel permet
justement au droit du divorce d'être en cohérence avec la situation de vulnérabilité du
majeur protégéNote 7 . Or, cette inaccessibilité place le droit du divorce en cohérence avec la
protection dudit majeur et non avec sa liberté familiale. Le droit du divorce n'intègre la
situation de vulnérabilité du majeur protégé que s'il lui garantit l'exercice de sa liberté de
désunion tout en assurant la protection de sa personne. Les deux aspects ne sont pas
incompatibles. La liberté de désunion du majeur protégé aurait pu être absolument garantie
si le législateur avait adapté le divorce par consentement mutuel à sa vulnérabilité en
modifiant la nature juridique de ce divorce, et sa protection aurait pu se caractériser par
l'obligation de passer par un divorce par consentement mutuel judiciaire Note 8 .
2. Une protection inefficace

57
17. - Les mécanismes de protection du majeur qui ont été renouvelés afin d'être en
adéquation avec la libéralisation de son autonomie restent défaillants. La protection du
majeur est lacunaire dans l'exercice de sa liberté matrimoniale (A) et son patrimoine
demeure insuffisamment protégé tant à l'occasion de son mariage que de la conclusion de
son Pacs (B).
A. - Une protection lacunaire dans l'exercice de la liberté matrimoniale
18. - En supprimant les autorisations à mariage des majeurs en curatelle et en tutelle, la loi
du 23 mars 2019 a instauré un système d'information du projet de mariage à la personne
chargée de la mesure de protection (C. civ., art. 460 et 63) qui bénéficie désormais d'un droit
d'opposition au mariage dans les conditions prévues par l'article 173 du Code civil (C. civ.,
art. 175). Ce nouveau mécanisme de protection en deux temps souffre cependant
d'incohérence, voire d'inefficacité.
19. - L'information du projet de mariage. -
Le ministère de la Justice a précisé que c'est « la personne protégée qui devra, lors de son
dépôt de dossier de mariage, apporter la preuve que son tuteur ou son curateur a bien été
informé de son projet de mariage » Note 9 . Cette précision confirme tout d'abord l'absurdité du
mécanisme de protection. Le poids de l'information du projet de mariage et de sa preuve
auprès de l'officier d'état civil repose sur le majeur protégé. Dans le cas où l'officier d'état
civil célèbre le mariage sans avoir vérifié l'existence de cette information, ce dernier encourt
une amende comprise entre 3 € et 30 € mais le mariage reste valableNote 10 . Ainsi, en présence
d'un officier d'état civil non diligent, c'est au majeur protégé qu'il revient la tâche d'assurer
sa propre protection en vue de la célébration de son mariage.
20. - Les propos du ministère de la Justice brouillent ensuite le champ d'application de ce
mécanisme de protection. L'article 460 du Code civil exige que l'information du projet de
mariage soit adressée à « la personne chargée de la protection [...] du majeur qu'il assiste ou
représente ». Ainsi, tous les majeurs placés sous une mesure d'assistance ou de
représentation sont censés pouvoir bénéficier de ce mécanisme de protection. Néanmoins,
en interprétant « la personne en charge de la protection » comme le « tuteur » ou le
« curateur », la Chancellerie exclut du champ d'application de cet outil de protection les
majeurs placés sous habilitation familiale et sous mandat de protection future Note 11 . Il faut
donc espérer qu'en pratique, une application stricte des termes de la disposition législative
soit réalisée. Ce n'est que de cette manière que les majeurs placés sous des régimes de
protection autres que la tutelle et la curatelle et qui subissent une altération, parfois
considérable, de leurs facultés mentales ou corporelles pourront enfin bénéficier d'une
protection accrue de leur personne à l'occasion de l'exercice de leurs libertés familiales.
21. - L'opposition au mariage. -
La faculté d'opposition à mariage nouvellement accordée à la personne chargée de la
protection du majeur souhaitant se marier s'avère être un mécanisme de protection
inharmonieux et inefficace.
22. - Il ressort des termes de l'article 175 du Code civil que ce nouveau droit d'opposition
n'est finalement accordé qu'au « tuteur » et au « curateur » du majeur qui souhaite se
marier. Ainsi, seuls les tutélaires et les curatélaires bénéficieront d'une réelle protection de
leur personne à l'occasion de leur mariage grâce à la combinaison des articles 460 et 175 du
Code civil. Les majeurs placés sous sauvegarde de justice, habilitation familiale et mandat de
protection future se retrouvent, quant à eux, avec un protecteur informé de leur projet de
mariageNote 12 , mais sans faculté d'opposition, et donc sans outil pour assurer concrètement
leur protection.

58
23. - Au-delà du manque de cohérence dans l'élaboration de ce nouveau mécanisme de
protection, beaucoup d'auteurs regrettent que le législateur n'ait pas adapté les motifs
d'opposition du protecteur à la vulnérabilité du majeur protégé Note 13 . Ces motifs étant alignés
sur ceux des ascendants de personnes non placées sous mesure de protection, le majeur
vulnérable ne bénéficie donc pas davantage de protection que ce qu'accorde le droit
communNote 14 . Cependant, la proposition doctrinale tenant à rajouter comme motif
d'opposition particulier au cas des mariages des personnes protégées celui de la
« contrariété aux intérêts du majeur protégé » semble peu compatible avec la liberté
nuptiale et discriminatoire par rapport aux personnes non placées sous mesure de
protection. Ajouter comme condition au mariage des majeurs protégés celle de la
compatibilité de l'union avec leurs « intérêts » paraît être un moyen disproportionné pour
protéger ces personnes dans l'exercice de leur liberté matrimoniale.
24. - Il aurait été possible d'améliorer la protection du majeur sans entraver l'essence même
de sa liberté matrimoniale en redynamisant le système d'audition du futur époux ou de la
future épouse (C. civ., art. 63). Rendre cette audition obligatoire lorsque l'un des futurs
époux est placé sous un régime de protection aurait été un bon moyen de s'assurer que
celui-ci ait conscience de ce qu'implique la célébration d'un mariage et qu'il consente à cela.
Aujourd'hui, l'officier d'état civil n'utilise ce mécanisme d'audition qu'en cas de soupçon de
mariage fictif. Sans intervention législative, il faut alors espérer qu'il se saisisse lui-même de
cet outil afin de protéger les majeurs vulnérables. Mais, à nouveau, la protection du majeur
dépend de la diligence de l'officier d'état civil.
L'absence de sollicitation de l'officier d'état civil afin de vérifier tant l'information du
protecteur que l'expression du choix matrimonial du majeur protégé est regrettable.
B. - Une protection patrimoniale insuffisante
25. - Le patrimoine du tutélaire et du curatélaire. -
Afin de sauvegarder le patrimoine du majeur protégé qui se marie, la loi du 23 mars 2019 a
maintenu l'assistance du curatélaire et du tutélaire lors de la conclusion de leur convention
matrimoniale (C. civ., art. 1399, al. 1er). Elle a également attribué le droit à « la personne en
charge de la mesure protection » de saisir le juge afin de conclure seule une convention
matrimoniale qui respecterait les intérêts du majeur protégé (C. civ., art. 1399, al. 3). Ces
nouveaux aménagements ont été jugés largement insuffisants par la majorité de la
doctrineNote 15 . Puisque la conclusion du contrat de mariage est impossible si l'époux ou
l'épouse du majeur protégé s'y oppose, la protection minimale du patrimoine du majeur en
tutelle et en curatelle sera assurée par le régime légal de la communauté réduite aux
acquêts. Dans cette situation, le majeur protégé est soumis au droit commun sans protection
renforcée.
26. - Même si la protection du patrimoine du majeur protégé est insuffisante dans le cadre
du mariage, elle a au moins le mérite d'avoir été esquissée, ce qui n'a pas été le cas dans le
cadre de l'union partenariale. En effet, le législateur n'a pas adopté de nouvelles mesures de
protection patrimoniale à la suite de la libéralisation de la décision du tutélaire de se
pacserNote 16 . Le majeur en tutelle et celui en curatelle peuvent désormais librement se pacser
et ne bénéficient d'une assistance du tuteur ou du curateur qu'à l'occasion de la signature de
leur convention de PacsNote 17 . Cependant, aucun droit de veto n'est accordé au protecteur à
l'instar de ce qui est prévu en mariage. Si le majeur protégé souhaite opter pour le régime de
l'indivision des biens du Pacs, le protecteur est-il contraint de l'assister dans la signature de
sa convention sans avoir voix au chapitre ? Pour rappel, la convention de Pacs peut être un
acte notarié, un acte d'avocat, mais également un acte sous seing privé. Cela signifie donc
que le majeur protégé peut finalement se pacser sous le régime de l'indivision sans notaire ni

59
avocat, avec comme seule protection, à l'occasion de la signature de sa convention,
« l'assistance » du tuteur ou du curateur. Dans ce cas, la personne en charge de la protection
du majeur, estimant la convention contraire aux intérêts patrimoniaux de celui-ci, pourrait
être tentée d'user de son droit à initier la rupture unilatérale du Pacs tout de suite après sa
conclusion (C. civ., art. 464, al. 4). Mais sera-t-elle autorisée par le juge à initier cette rupture
sur l'unique motif que la convention d'indivision du Pacs n'est pas conforme aux intérêts
patrimoniaux du majeur protégéNote 18 ? Afin d'améliorer la protection des intérêts
patrimoniaux du majeur protégé, la réforme aurait pu prévoir la présence du notaire ou de
l'avocat lorsqu'il souhaite se pacser sous le régime conventionnel. Contrairement au mariage,
le régime légal de biens du Pacs ne constitue pas la protection patrimoniale minimale du
majeur protégé.
27. - Les oubliés de la protection. -
Sous l'égide de la loi du 5 mars 2007, les majeurs placés sous des régimes de protection
autres que la tutelle et la curatelle brillaient par leur absence des textes organisant la
protection des majeurs dans l'exercice de leurs libertés familiales (C. civ., art. 460 et 462
ancien). La loi du 23 mars 2019 n'est pas plus prolixe à leur égard qu'il s'agisse de la
protection de leurs actes extrapatrimoniauxNote 19 ou patrimoniaux de la famille.
28. - En matière de régimes matrimoniaux, une interprétation a contrario des deux premiers
alinéas de l'article 1399 du Code civil met en lumière que tous les majeurs placés sous un
régime de protection autre que la tutelle et la curatelle peuvent réaliser des conventions
matrimoniales sans même l'assistance de leur protecteur. Ces majeurs ne bénéficieront
comme protection à l'occasion de la conclusion de leur convention que de la présence du
notaire, lequel doit prendre en compte l'intérêt des deux époux. Il faut espérer que le
protecteur puisse reprendre en main la protection patrimoniale du majeur protégé en usant
de l'alinéa 3 de l'article 1399 du Code civil afin d'empêcher la conclusion d'une convention
contraire à leurs intérêts. Et, s'il ne parvient pas à encourager la signature d'une convention
particulière, il sera au moins assuré que le majeur qu'il protège se marie sous l'égide du
régime légal.
29. - En outre, la loi du 23 mars 2019 n'a pas protégé le patrimoine des majeurs placés sous
des régimes de protection autres que la tutelle et la curatelle à l'occasion de la conclusion de
leur Pacs. Cette négligence du législateur laisse les majeurs placés sous habilitation familiale
et sous mandat de protection future sans aucune protection dans l'hypothèse où l'un d'eux
souhaiterait conclure une convention d'indivision du Pacs par acte sous seing privé.
30. - L'incapacité chronique du législateur à protéger de manière cohérente l'ensemble des
majeurs protégés renforce la nécessité d'une modification généralisée de ce droit.▪

Essentiel à retenir :

– Le respect et la garantie de la pleine autonomie de la volonté des majeurs protégés dans


l'exercice de leur liberté de désunion pourraient se concrétiser par une augmentation du
nombre d'actes strictement personnels ainsi que par une adaptation des régimes juridiques
de désunion.
– La protection des majeurs protégés dans l'exercice de leurs libertés familiales nécessite
d'être renforcée. Une réforme généralisée du droit des majeurs protégés permettrait de
résoudre le manque de cohérence et les oublis de certains d'entre eux.

Egalement dans ce dossier : articles 17, 18, 19, 21


Note 1 C. Devandas-Aguilar, Rapp. sur les droits des personnes handicapées, Conseil des
droits de l'homme, 2019 : ONU, A/HCR/40/54/Add.1, n° 60 s., p. 15 s. ; Rapp. Mission

60
interministérielle, Caron-Déglise A. (dir.), L'évolution de la protection juridique des personnes.
Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, 2018 ; Rapp. Défenseur
des droits, Protection juridique des majeurs, 2016.
Note 2 N. Peterka, La déjudiciarisation du droit des personnes protégées par la loi du 23 mars
2019. Progrès ou recul de la protection ? : JCP G 2019, 437. – J. Combret et D. Noguéro,
Personnes vulnérables, régimes matrimoniaux et statut personnel : réforme de la justice et
prospective : Defrénois 2019, art. 147k8, p. 28.
Note 3 V. supra.
Note 4 Les articles 249 et 249-2 du Code civil relatifs au divorce et l'article 462 du même
code relatif au Pacs ne font mention que du tuteur et du curateur.
Note 5 V. aussi sur les risques de conflits d'intérêts dans le cadre d'une habilitation familiale
et d'un mandat de protection future, S. David, Le divorce du majeur protégé : AJ fam. 2020,
p. 502. – L. Mauger-Vielpeau, État des lieux du divorce du majeur protégé : LPA 29 sept.
2020, art. 156k7, p. 17.
Note 6 S. David, préc.
Note 7 L. n° 2004-439, 26 mai 2004, relative au divorce. – Rapp. n° 1513 de M. Delnatte,
6 avr. 2004.
Note 8 A. Caron-Déglise, rapp. préc. note 1, p. 67. – Défenseur des droits, rapp. préc. note 1,
p. 42.
Note 9 Dépêche du ministère de la Justice, 29 mars 2019, p. 2.
Note 10 L. Mauger-Vielpeau, Union et désunion du majeur protégé (Mariage, divorce, pacs),
in G. Raoul-Cormeil, M. Rebourg et I. Maria (dir.), Majeurs protégés : Bilan et perspectives :
LexisNexis, 2020, spéc. p. 389
Note 11 Le mandataire spécial désigné afin de protéger la personne placée sous sauvegarde
de justice pourra bénéficier de cette information grâce au renvoi qu'opère l'article 438 du
Code civil aux articles 457-1 à 463 du même code. Ibid. spéc. p. 390.
Note 12 V. supra.
Note 13 G. Raoul-Cormeil, L'union du majeur protégé (mariage, divorce, Pacs) après la loi de
réforme pour la justice : La Quotidienne, 27 juill. 2019. – A. Batteur, L. Mauger-Vielpeau et
G. Raoul-Cormeil, La conclusion forcée du contrat de mariage du majeur protégé : D. 2019,
p. 825.
Note 14 Lequel permet l'annulation du mariage pour absence ou vice de consentement en
vertu des articles 146 et 180 du Code civil.
Note 15 A. Batteur, L. Mauger-Vielpeau et G. Raoul-Cormeil, préc.
Note 16 Depuis la loi du 23 mars 2019, le tutélaire n'a désormais plus besoin de l'autorisation
du juge ou du conseil de famille pour se pacser.
Note 17 C. civ., art. 461 pour la curatelle et 462 pour la tutelle.
Note 18 Tout en sachant que, du côté du mariage, le juge a déjà eu l'occasion de sanctionner
un curateur pour s'être opposé au mariage du curatélaire sur le motif que le mariage n'était
pas conforme aux intérêts patrimoniaux du majeur , V. TGI Caen, 19 sept. 2019,
n° 19/02537.
Note 19 V. supra.

Assistance et représentation dans la protection juridique des majeurs

61
Etude par Gilles RAOUL-CORMEIL professeur à l'université de Brest,
responsable de l'Axe Vulnérabilité du Lab-LEX (EA 7480), Droit de la
famille n° 9, Septembre 2021, dossier 17 (Lexis-Nexis)

La protection juridique des majeurs se réalise par l'habilitation contractuelle ou judiciaire


d'une personne qui assiste ou représente un adulte vulnérable au sens de l'article 425 du
Code civil. Techniques, les notions d'assistance et de représentation fondent une distinction
opérationnelle en pratique pour la protection de la personne et du patrimoine du majeur
protégé. Les différences de régime commandées par ces distinctions (assistance et
représentation, personne et biens) sont à même de fonder la restructuration de la matière,
devenue illisible avec la démultiplication des mesuresNote 1 .
1. - Distinction évocatrice. -
Intrinsèquement liées à la dualité originelle des mesures de protection juridique (conseil et
interdiction judiciaires, curatelle et tutelle), l'assistance et la représentation sont les notions
phares de la protection juridique des majeurs, longtemps restées sous-jacentes dans la
législation en raison de leur caractère technique. La loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 a plutôt
valorisé la distinction de la « protection occasionnelle » Note 2 (nullité de l'acte consenti sous
l'empire d'un trouble mentalNote 3 mais refus d'exonération pour cause de trouble mental) Note 4
et de la protection organisée (sauvegarde de justice, tutelle et curatelle). À ce jour, la
distinction de la protection « intermittente » Note 5 et de la protection permanente n'est pas
abandonnéeNote 6 , mais la faculté de cumuler la protection tournée vers le passé et celle
tournée vers l'avenir brouille la distinction. Par contraste, l'assistance et la représentation
tendent à devenir, en place de la curatelle et de la tutelle, les notions directement
opérationnelles de la protection juridique des majeurs Note 7 . La substitution fut à peine
perceptible à la lecture de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, car l'introduction du mandat de
protection future à côté de la trilogie des mesures judiciaires de protection, d'une part, et
l'addition de la protection de la personne à celle des biens, d'autre part, ont pris toute la
lumière.
2. - Distinction en plein essor. -
L'assistance et la représentation ont poursuivi leur ascension grâce à l'effet croisé de la
simplification et de la déjudiciarisation de la protection juridique des majeurs. C'est d'abord
la représentation qui a connu une énième déclinaison avec l'institution de l'habilitation
familiale simple ou généraleNote 8 , s'ajoutant à la tutelle, à la représentation judiciaire entre
époux (C. civ., art. 477 [L. n° 2007-308, 5 mars 2007]) et au mandat de protection future.
Trois ans plus tard, le tour vint à l'assistance d'inspirer une habilitation familiale Note 9 calquée
sur la curatelle. En écho à l'introduction de l'assistant du majeur dans la législation
québécoiseNote 10 , le Congrès des notaires de France a même proposé, en 2020, d'introduire le
mandat de protection future par assistance pour faire face à la zone grise pendant laquelle la
personne âgée vulnérable peut encore manifester un consentement lucide, mais a besoin
d'être conseillée dans la gestion de ses affairesNote 11 .
3. - Distinction structurante. -
La promotion des droits fondamentaux a conduit les pouvoirs publics à développer
l'autonomie du majeur protégé et, au regard des difficultés rencontrées au quotidien, à
adapter l'assistance et la représentation à la protection de la personne (C. civ., art. 459,
al. 2) et à la conclusion des actes médicaux (CSP, art. L. 1111-4, al. 8 [Ord. n° 2020-232,
11 mars 2020]). Même lorsque l'assistance et la représentation sont interdites, ces
techniques juridiques sont mises à contribution. Ainsi, les droits strictement personnels sont

62
définis comme ceux « dont la nature implique un consentement » qui « ne peut jamais
donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée » (C. civ., art. 458,
al. 1er). Ailleurs, la loi ordonne, sans les distinguer, à l'assistant et au représentant chargés
de sauvegarder l'autonomie d'un majeur protégé de lui délivrer des informations (C. civ.,
art. 457-1). L'assistance et la représentation s'articulent aussi avec l'autorisation Note 12 et
même avec l'accompagnementNote 13 . Dotées d'un droit commun, elles constituent une
distinction opérationnelle qui fonde une différence de pouvoirs de protection et, partant,
une différence des pouvoirs de contrôle sur leur mise en œuvre (1). Éclairante, discriminante
et structuranteNote 14 , la distinction peut-elle aller au-delà et fonder le nouveau modèle de
classification des mesures de protection juridique des majeurs ? (2)
1. Assistance et représentation : une distinction opérationnelle
4. - Différence de nature et de régime. -
L'assistance et la représentation permettent au juge de graduer la protection et de l'adapter
au besoin individuel du majeur protégé. Précieuses, ces techniques répondent à l'exigence
de proportionnalité (C. civ., art. 428, al. 2 [L. n° 2007-308, 5 mars 2007]), corollaire du
principe de nécessité. Si leur mise en œuvre traduit une différence de degré, elles se
distinguent par une différence de nature (A) et, en conséquenceNote 15 , par une différence de
régime (B).
A. - Une distinction fondée sur la nature et l'étendue des pouvoirs de protection
5. - Technique de représentation. -
La représentation est classiquement associée à la tutelle puisque cette mesure est ouverte
« quand un majeur [...] a besoin d'être représenté d'une manière continue dans les actes de
la vie civile » Note 16 . « Parfaite »Note 17 , la représentation judiciaire produit les mêmes effets
que la représentation conventionnelle (C. civ., art. 1984 à 2010) : le représentant consent en
lieu et place du représenté et l'acte ainsi conclu par le premier produit, sans l'engager, ses
effets dans le patrimoine du second. L'originalité de la représentation du tuteur du majeur
protégé provient de sa source judiciaire. Le tuteur français ne peut donc plus être qualifié de
« représentant légal » Note 18 : la terminologie qui relève d'un passé révolu où le majeur en
tutelle était assimilé au mineur (C. Nap., art. 509 ancien [21 mars 1804]) a été remplacée
dans le Code de la santé publique et le Code de l'action sociale et des familles Note 19 qui, sous
ce terme, visaient parfois confusément le tuteur et le curateur Note 20 . Non seulement le droit
des obligations distingue la représentation légale et judiciaire (C. civ., art. 1153 à 1161 [Ord.
n° 2016-131, 10 févr. 2016. – L. n° 2018-287, 20 avr. 2018]), mais le droit des majeurs
protégés réformé en 2007 limite le pouvoir de représentation du tuteur à la gestion des
biens. La représentation n'est pas exclue de la protection de la personne, mais elle est
subordonnée à une décision spécialement motivée du juge et à l'impossibilité de la personne
d'exprimer une volonté lucide. La dualité de domaine et de régime de la représentation
s'applique à la tutelle, au mandat spécial dans une sauvegarde de justice, à l'habilitation
familiale par représentation et, mutatis mutandis, au mandat de protection future.
6. - Technique d'assistance. -
L'assistance était autrefois associée à la curatelle, une mesure définie par référence au
« besoin d'être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie courante » Note 21 . Trompeuse,
cette présentation dépasse la curatelle simple et vise la curatelle renforcée, où le curateur a
un pouvoir spécial de représentation pour gérer le compte bancaire du majeur protégé à
partir duquel il paie ses dépenses et perçoit ses revenus Note 22 . Dans toute curatelle, le
pouvoir d'assistance du curateur est limité à la conclusion des actes de disposition – ceux que
le tuteur peut passer avec une autorisation Note 23 et même ceux qui lui sont interdits Note 24 . Le
curateur – l'assistant – a pour mission de vérifier que le curatélaire – l'assisté – est lucide et

63
que l'acte patrimonial est conforme à son intérêt. Sinon, il doit opposer son veto et
l'informer de son droit de saisir le juge pour être autorisé à passer seul l'acte juridique (C.
civ., art. 469, al. 3 [L. n° 2007-308, 5 mars 2007]). L'assistance se manifeste par l'apposition
sur l'acte juridique de la signature du curateur à côté de celle du curatélaire (C. civ., art. 467,
al. 2 [L. n° 2007-308, 5 mars 2007]). Elle ne se limite pas aux actes de disposition dans les
curatelles et l'habilitation familiale par assistance ; elle connaît une forte expansion dans la
protection de la personne puisqu'aucune mesure de protection n'ignore cette technique.
B. - Une distinction prolongée par le régime des sanctions
7. - Risque de nullité pour défaut de consentement lucide. -
Le choix laissé au juge entre la curatelle et la tutelle ou, plus généralement, entre un régime
d'assistance et de représentation, doit être déterminé par l'existence du risque pour le
majeur protégé de conclure un acte juridique sous l'empire d'un trouble mental. Ce choix de
l'assistance ou de la représentation est exceptionnellement laissé au notaire qui instrumente
l'acte de donation auquel le tutélaire est donateur (C. civ., art. 476, al. 1er [L. n° 2007-308,
5 mars 2007]). En cas d'insanité du majeur protégé, la représentation est le seul moyen de
conclure valablement un contrat en son nom et pour son compte. Par contraste, le
curatélaire qui consent personnellement à un contrat – telle la vente de son logement – n'est
pas protégé contre le risque de consentir sous l'empire d'un trouble mental ; l'acte ainsi
conclu peut être annulé pour défaut de consentement lucide. Ni l'autorisation du juge des
tutellesNote 25 , ni l'assistance du curateur ne purge l'acte de ce cas de nullité relativeNote 26 .
8. - Conditions de la nullité pour incapacité. -
L'assistance et la représentation se distinguent aussi par leurs conditions de mise en œuvre
de l'action en nullité pour non-respect de l'incapacité d'exercice. Lorsque le majeur protégé
doit être représenté pour conclure valablement un acte juridique, l'acte qu'il a conclu seul
est exposé à la nullité « de plein droit » Note 27 . Ambiguë, l'expression ne signifie pas que la
nullité n'a pas besoin du juge pour être prononcée, mais qu'elle n'est pas subordonnée à la
démonstration d'un préjudice. En revanche, l'acte patrimonial passé par le seul majeur
protégé en contravention de l'obligation d'assistance ne peut être annulé que si le
demandeur à l'action a établi un préjudice Note 28 . La différence entre les nullités, impérative et
facultative, devrait s'estomper avec la réforme du droit des contrats qui permet au
contractant capable d'opposer au majeur protégé l'utilité de l'acte Note 29 . Dans un souci de
sécurité juridique, il est juste que la sanction contractuelle de l'incapacité soit levée lorsque
le juge a vérifié in concreto que le majeur protégé a retiré un profit du contrat.
9. - Conditions de la responsabilité civile. -
La distinction de l'assistance et de la représentation se prolonge enfin sur les conditions de la
responsabilité civile pour faute du protecteur. Alors qu'une faute simple du représentant,
cause directe du préjudice subi par le majeur protégé, suffit à l'obliger à réparation, une
faute lourde ou dolosive est exigée lorsque le protecteur exerce un pouvoir d'assistance (C.
civ., art. 421 [L. n° 2007-308, 5 mars 2007]) : le rehaussement du seuil de la faute de
l'assistant se justifie par la prise en considération de la volonté de l'assisté, partie signataire à
l'acte. Bien entendu le juge de la responsabilité pourra prendre en considération le caractère
gratuit ou onéreux de la mission de protection juridique, ainsi que la qualité de professionnel
du protecteur, conformément à l'interprétation prétorienne de l'article 1992 du Code civil Note
30
.
2. Assistance et représentation : une distinction comme modèle
10. - Changement de modèle. -
Non seulement l'assistance et la représentation caractérisent les pouvoirs du protecteur
(curateur, tuteur, etc.) et orientent le régime des sanctions en cas de dysfonctionnement

64
(changement et responsabilité civile du protecteur, nullité d'un acte), mais elles s'adaptent à
la protection des biens et de la personne. 10 ans après l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars
2007, ce déplacement de la distinction de l'assistance et de la représentation respecte mieux
l'exigence de sauvegarde de l'autonomie du majeur protégé (A). Cardinales, ces techniques
juridiques assurent donc une pluralité de fonctions autour desquelles une nouvelle
classification des mesures de protection peut être envisagée (B).
A. - Le déplacement de la distinction
11. - Distinction figée (protection des biens) devenant flottante (protection de la personne).
-
Lorsqu'il ouvre une curatelle ou une tutelle, le juge opte pour un régime de protection des
biens par représentation ou par assistance. Il en est de même lorsqu'il prononce une
habilitation familiale générale par représentation ou par assistance. Par ailleurs, la loi lui
permet d'individualiser la mesure et notamment d'énoncer les actes que la personne en
tutelle peut faire avec l'assistance de son tuteur (C. civ., art. 473, al. 2 [L. n° 2007-308,
5 mars 2007]) ou, en curatelle, d'ajouter les actes que le curatélaire peut faire avec
l'assistance de son curateur (C. civ., art. 471 [L. n° 2007-308, 5 mars 2007]). Or, comme dans
la curatelle renforcée, l'assistance peut être panachée avec la représentation suivant la
nature des actes juridiques en cause. Mais, en dehors d'une individualisation de la mesure
par le juge assez rare en pratique, la répartition des pouvoirs d'assistance ou de
représentation est fixée in abstracto par la loi et les tiers sont censés connaître ces pouvoirs
en découvrant l'existence de la mesure de la protection juridique Note 31 . En revanche, le
pouvoir d'assistance ou de représentation que le juge a la possibilité d'attribuer en matière
de protection de la personne n'obéit pas à cette logique impérative. Deux conditions sont
posées par la loiNote 32 . D'abord, le choix du juge est limité par la nature de la mesure : pas de
pouvoir de représentation en dehors de la tutelle et de l'habilitation familiale par
représentation. Ensuite, l'exercice du pouvoir d'assistance ou de représentation n'est mis en
œuvre par le protecteur qu'en cas de besoin. Ainsi, pour chaque acte, le protecteur doit
vérifier l'aptitude de la personne à décider seule et, dans le cas contraire, l'assistance doit
être exercée avant la représentation.
12. - Assistance ou protection : choix unique ou dissocié selon l'objet de la protection. -
En pratique, beaucoup de juges n'avaient pas perçu la différence de logique de l'attribution
des pouvoirs d'assistance ou de représentation entre la protection des biens et celle de la
personne. En témoigne ainsi un jugement symptomatique de 2015 qui ouvre une tutelle au
profit d'un majeur protégé et désigne un tuteur « pour le représenter et administrer ses
biens et sa personne » Note 33 alors que les motifs du jugement expliquant le choix de limiter à
5 ans l'ouverture de la tutelle et de laisser le droit de vote au majeur en tutelle auraient dû
porter le juge à n'attribuer au tuteur qu'un pouvoir d'assistance en matière de protection de
la personne. Depuis l'ordonnance du 11 mars 2020 ayant notamment introduit, dans le Code
de la santé publique, la notion de mesure avec représentation relative à la personne, les
juges des tutelles précisent dans une délibération spéciale si le tuteur a, ou n'a pas, sur le
fondement de l'article 459, alinéa 2 du Code civil, le pouvoir de protection avec
représentation de la personneNote 34 . La dissociation du pouvoir d'assistance ou de
représentation dans la protection des biens et la protection de la personne nous porte à
repenser le modèle de la protection.
B. - Le rehaussement de la distinction
13. - Pour chaque mesure : un choix pratique et idéalisé. -
La distinction impérative et figée de l'assistance et de la représentation épouse la protection
des biens. L'assistance et la représentation sont des incapacités d'exercice prévues par la loi,

65
mises en œuvre individuellement par le juge judiciaire, opposables aux tiers grâce à la
publicité du jugement et sanctionnées par la nullité relative. Ce système a ses limites : il ne
s'applique ni au mandat de protection future, ni, de manière générale, à la protection de la
personne où la distinction de l'assistance et de la représentation est flottante. L'efficacité de
ce système formel des incapacités d'exercice est prophylactique tant le contentieux des
nullités est rare. Cela dit, la seconde conception de l'assistance et de la représentation, plus
respectueuse de l'autonomie de la personne protégée, laquelle a le vent en poupe depuis la
Convention internationale du droit des personnes handicapées du 30 mars 2007, permet
autant à l'intéressé de consentir seul lorsque sa volonté est ferme et lucide que l'acte soit
pris avec ou par son protecteur lorsque son assistance ou sa représentation est nécessaire.
Le recours à la bonne technique dépend ainsi davantage de la situation et de l'état du majeur
protégé que du jugement qui fige sa place sur la scène juridique. L'individualisation de la
mesure dans le respect des droits fondamentaux est un objectif que d'autres législateurs ont
recherché. Réformé en 2013, le droit belge a posé un principe de « double subsidiarité » Note
35
: d'abord, la capacité est le principe et l'incapacité l'exception ; ensuite, l'assistance doit
toujours être mise en œuvre avant la représentation Note 36 . Dans ce schéma, c'est moins le
juge que le protecteur qui est en charge de l'individualisation de la mesure, précision étant
faite en Belgique que les juges de paix attribuent en pratique un plein pouvoir de
représentation au protecteur et que la charge de protection juridique est souvent exercée
par des avocats. La transposition française de ce système dans une mesure unique de
protectionNote 37 exercée par les familles ou des mandataires judiciaires à la protection des
majeurs soulève de nombreuses réticencesNote 38 .
14. - Pour la classification des mesures : un effort de clarification. -
En 2019, le législateur a rendu pléthoriques les mesures de protection juridique (sauvegarde
de justice médicale ou judiciaire, avec ou sans mandataire ; curatelle simple, aménagée ou
renforcée ; tutelle complète ou aménagée ; habilitation familiale simple ou générale, par
assistance ou représentation ; mandat de protection future sous signature privée ou par acte
authentique). Le législateur a aussi manqué l'occasion de supprimer les nombreux renvois au
régime de la tutelle qui rendent obscure et incertaine la détermination des pouvoirs des
assistantsNote 39 et des représentants autres que le tuteur Note 40 . Sous ces deux angles,
l'assistance et la représentation inspireraient une restructuration du droit des majeurs
protégés et une nouvelle classification des pouvoirs définis en fonction du seul besoin de
protection de l'intéressé. Les déclinaisons des nouvelles mesures de protection en fonction
de leur source conventionnelle, judiciaire ou hybride (habilitation familiale) fonderaient
éventuellement des variations dans les modalités de contrôle et de remplacement du
protecteur (inventaire, comptes rendus de gestion, subrogés, ad hoc).▪

Essentiel à retenir :

– L'assistance et la représentation sont deux modes distincts de la protection juridique. La


distinction est nette et figée en matière de protection des biens. L'assistant doit, moins que
le représentant, solliciter une autorisation du juge lorsque la loi l'impose, car le premier doit,
plus souvent que le second, composer avec le majeur protégé.
– La distinction devient subsidiaire et donc flottante en matière de protection de la
personne, car l'assistant et le représentant doivent toujours, au cas par cas, solliciter
l'intéressé, l'informer de ses droits, l'aider au besoin à prendre la décision et ne le
représenter que s'il est inapte à manifester un consentement lucide.

Egalement dans ce dossier : articles 18, 19, 20, 21

66
Note 1 Ord. n° 2015-1288, 15 oct. 2015. – L. n° 2019-222, 23 mars 2019.
Note 2 J. Carbonnier, Droit civil, t. 1 : PUF, coll. Quadrige, 2004, n° 324, p. 631.
Note 3 C. civ., art. 489 (L. n° 68-5, 3 janv. 1968) devenu art. 414-1 (L. n° 2007-308, 5 mars
2007) auquel renvoie l'article 1129 (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, rat. L. n° 2018-287,
20 avr. 2018).
Note 4 C. civ., art. 489-2 (L. n° 68-5, 3 janv. 1968) devenu art. 414-3 (L. n° 2007-308, 5 mars
2007).
Note 5 B. Teyssié, Droit des personnes : LexisNexis, 22e éd., 2020, p. 545.
Note 6 Sur la protection légale inorganisée, V. not. Ph. Malaurie, Droit des personnes : LGDJ,
4e éd., 2009, p. 295, où sont étudiés le majeur sans protection, la sauvegarde de justice et le
mandat de protection future. Trilogie maintenue dans la 11e édition avec N. Peterka, 2020,
p. 353. – Comp. A. Batteur, Droit des personnes, des familles et des majeurs protégés : LGDJ,
coll. Manuel, 10e éd., 2019, p. 529.
Note 7 C. civ., art. 421 (responsabilité du protecteur), art. 465 (nullité de l'acte pour
incapacité) et art. 459, al. 2 (protection de la personne).
Note 8 C. civ., art. 494-1 (Ord. n° 2015-1288, 15 oct. 2015, rat. L. n° 2016-1576, 18 nov.
2016). – Adde, B. Mallet-Bricout, La nouvelle habilitation familiale ou le millefeuille de la
représentation des majeurs protégés : RTD civ. 2016, p. 190.
Note 9 C. civ., art. 494-1 renvoyant à l'article 467 (mod. L. n° 2019-222, 23 mars 2019). –
Adde, not. D. Noguéro, Assistance en habilitation familiale : principe et étendue : Defrénois
2 juill. 2020, p. 26.
Note 10 C. civ. Québ., art. 297-10 à 297-27 (L. 3 juin 2020). – Adde, G. Raoul-Cormeil,
Exercice de droit comparé : la réforme québécoise et française en son ADN, in La protection
des personnes vulnérables (Montréal, 31 janv. 2020) : éd. Y. Blais, t. 469, 2020, p. 25.
Note 11 S. David et V. Prado, Rapp. 116e Congrès des Notaires de France, Protéger : les
vulnérables [...], 2020, § 1181 p. 80. – Adde G. Raoul-Cormeil, Le mandat de protection
future par assistance : SNH 2020/31, p. 16 à 20.
Note 12 C. civ., art. 426, al. 3 (disposition du logement) et 427, al. 2 (modification des
comptes bancaires). – Sur la compatibilité de l'autorisation du juge et du droit strictement
personnel, V. Cass., 1re civ., 2 déc. 2015, n° 14-25.777 : JurisData n° 2015-026590 ; Dr.
famille 2016, comm. 36, I. Maria ; D. 2016, p. 875, G. Raoul-Cormeil ; RTD civ. 2016, p. 83,
J. Hauser. – Adde, not. B. Thuillier, L'autorisation, Étude de droit privé, t. 252 : LGDJ, coll.
BDP, 1996, préf. A Bénabent.
Note 13 G. Raoul-Cormeil, Accompagnement et protection des intérêts patrimoniaux, in
H. Fulchiron (dir.), Dossier : L'accompagnement des personnes majeures vulnérables : entre
nécessité juridique et exigence éthique (Séminaire 18 mai 2016, Lyon 3) : Dr. famille 2017,
dossier 23, spéc. p. 39 à 43.
Note 14 Sur « le pouvoir, un remède bicéphale aux incapacités », V. M. Beauruel, La théorie
générale du pouvoir en droit des majeurs protégés, t. 1985 : IFJD, coll. Thèses, 2018, préf.
A. Batteur, p. 113 à 148.
Note 15 J.-L. Bergel, Différence de nature (égale) différence de régime : RTD civ. 1984, p. 255
à 272.
Note 16 C. civ., art. 492 (L. n° 68-5, 3 janv. 1968) devenu art. 440, al. 3 (L. n° 2007-308,
5 mars 2007).
Note 17 F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, F. Chénedé, Droit civil, Les obligations : Dalloz, coll.
Précis, 12e éd., 2019, n° 231.
Note 18 V. cependant C. civ., art. 60, al. 1er (L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016) et art. 459-1,
al. 1er (L. n° 2007-308, 5 mars 2007).

67
Note 19 CSP, art. L. 1111-4, al. 8 (Ord. n° 2020-232, 11 mars 2020). – Adde not. L. Mauger-
Vielpeau, La protection de la personne du majeur protégé mal ordonnée : Dr. famille 2020,
comm. 107.
Note 20 CSP, art. L. 2123-2 ancien. – Adde, T. Verheyde, Les personnes majeures en fin de
vie, in A. Batteur et G. Raoul-Cormeil (dir.), Éthique et conditions de la fin de vie : éd. Mare et
Martin, 2016, spéc. p. 199.
Note 21 C. civ., art. 508 (L. n° 68-5, 3 janv. 1968). – Rappr. C. civ., art. 440, al. 1er
(L. n° 2007-308, 5 mars 2007).
Note 22 C. civ., art. 512 (L. n° 68-5, 3 janv. 1968). – Rappr. C. civ., art. 472 (L. n° 2007-308,
5 mars 2007).
Note 23 C. civ., art. 510 (L. n° 68-5, 3 janv. 1968) devenu art. 467, al. 1er (L. n° 2007-308,
5 mars 2007).
Note 24 C. civ., art. 509 (L. n° 2007-308, 5 mars 2007) inapplicable à la curatelle, en vertu de
Cass. 1re civ., avis, 6 déc. 2018, n° 18-70.011 : JurisData n° 2018-022244 ; JCP N 2019, 158,
N. Baillon-Wirtz ; JCP G 2018, 1338, D. Noguéro ; D. 2019, p. 365, N. Peterka ; AJ fam. 2019,
p. 41, G. Raoul-Cormeil.
Note 25 V. les textes cités note 2. – Adde, Cass. 1re civ., 20 oct. 2010, n° 09-13.635 :
JurisData n° 2010–018908 ; Dr. famille 2010, comm. 191, I. Maria ; D. 2011, p. 50, G. Raoul-
Cormeil et p. 2501, J.-M. Plazy ; RTD civ. 2011, p. 103, J. Hauser.
Note 26 Cass. 1re civ., 15 janv. 2020, n° 18–26.683 : JurisData n° 2020–000337 ; Dr. famille
2020, comm. 51, I. Maria ; D. 2020, p. 805, G. Raoul-Cormeil. – V. déjà Cass. 1re civ., 27 juin
2018, n° 17–20.428 : JurisData n° 2018–011158 ; JCP G 2018, 1522, I. Maria ; D. 2018,
p. 1732, J.-J. Lemouland ; RTD civ. 2018, p. 627, D. Mazeaud.
Note 27 C. civ., art. 465, 2° (tutelle), art. 494-9, al. 1er (habilitation familiale par
représentation).
Note 28 C. civ., art. 465, 3° (curatelle), 494-9, al. 2 (habilitation familiale par assistance).
Note 29 C. civ., art. 1151 (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016. – L. n° 2018-287, 20 avr. 2018). –
Adde, not. J.-J. Lemouland, Réforme du droit des contrats et majeurs protégés : D. 2016,
p. 1527.
Note 30 M. Rebourg, La responsabilité civile des mandataires judiciaires à la protection des
majeurs dans l'exercice de leurs missions : Dr. famille 2010, étude 17, spéc. p. 12. – Adde,
Cass. 1re civ., 27 févr. 2013, n° 11-17.025 : JurisData n° 2013-003179 ; Dr. famille 2013,
comm. 59, I. Maria ; D. 2013, p. 1320, G. Raoul-Cormeil ; RTD civ. 2013, p. 352, J. Hauser.
Note 31 Sur la publicité de la mesure : C. civ., art. 444 (curatelle, tutelle) et art. 494-6, al. 8
(habilitation familiale générale).
Note 32 C. civ., art. 459, al. 2. – Adde, not. G. Raoul-Cormeil et L. Gatti, La réforme du
régime de la santé du majeur protégé : RGDM 2020, n° 75, p. 99 à 133.
Note 33 TI Rouen, 17 déc. 2015. – Adde, toutes les décisions des juges du fond citées et
commentées par M. Rebourg, La distinction de la mesure et des pouvoirs de la personne en
charge de la protection : contribution à la protection de la personne, in Mél. Annick Batteur :
Lextenso, 2021, à paraître.
Note 34 TJ Caen, 3 juin 2021, n° 20/A/00133. – V. déjà TI Le Havre, 25 août 2017,
n° 03/00434. – TI Sète, 5 déc. 2019, n° 19/00153.
Note 35 N. Gallus, La protection des personnes vulnérables : Anthémis, 2014, p. 49.
Note 36 T. Van Halteren, La protection des personnes majeures vulnérables et mineures.
Redéfinition du concept de capacité juridique au regard de celui du discernement : Wolters
Kluwer, 2018, n° 89, p. 183.

68
Note 37 A. Caron-Déglise, L'évolution de la protection juridique des personnes : Rapport de
mission interministérielle : Doc. fce 2018, p. 68 à 72.
Note 38 V. not. N. Baillon-Wirtz, La mesure judiciaire unique en Allemagne et en Belgique :
un modèle pour le droit français ?, in G. Raoul-Cormeil, M. Rebourg et I. Maria (dir.),
Majeurs protégés : bilan et perspectives : LexisNexis, 2020, p. 227 s., spéc. p. 235 sur les
ajustements simplificateurs opérés par la loi du 21 décembre 2018.
Note 39 C. civ., art. 467, al. 1er (curatelle) et art. 494-1, al. 1er (habilitation familiale par
assistance).
Note 40 C. civ., art. 490 et 493 (mandat de protection future) et art. 494-6 (habilitation
familiale par représentation).

SÉANCE N° 8 – Galop d’essai


SÉANCE N° 9 – Correction du galop d’essai

SÉANCE N° 10 – La protection du majeur vulnérable

Travail de préparation de la séance

Résoudre le cas pratique suivant


(l’objectif est de préparer la méthodologie du cas pratique ou consultation juridique pour le
semestre 2 en droit de la famille)

Votre voisine, Edmonde, a appris que vous étiez étudiant en droit. Elle vous consulte au sujet de son
père, Pierrot, souffrant d’une maladie dégénérative dite Parkinson au stade 5. L’état de dépendance
dans lequel il se trouve, alors qu’il est seulement âgé de 65 ans, l’inquiète. Elle aimerait le placer sous
tutelle, mais Edmonde vous confie que son frère, Roger, s’y oppose. Il ne supporte pas l’idée de voir
leur père soumis au diktat d’un tiers chargé de gérer ses intérêts. Edmonde aimerait savoir dans
quelle mesure elle peut imposer la mise sous tutelle de leur père, dans l’affirmative pour quelle
durée, et selon quelles modalités. Le cas échéant, elle n’est pas opposée à ce que vous lui indiquiez
s’il y aurait d’autres moyens ou mesures de nature à protéger leur père plus faciles à accepter par
son frère. Cela lui semble d’autant plus urgent que leur mère, Maya, souffre, depuis deux ans, d’un
début de maladie d'Alzheimer, et ne supportant plus l’état de Pierrot, elle vient d’annoncer à
Edmonde qu’elle entendait divorcer, mettant un terme 35 ans de mariage. Son frère s’était déjà
opposé à la mise sous tutelle de leur mère, et aucune solution n’a été trouvée. Elle se demande si

69
elle ne pourrait pas mettre ses deux parents sous tutelle en même temps, ou trouver une solution
équivalente ou plus adaptée.

Pour couronner le tout, elle a appris de son frère que leur mère avait décidé de révoquer le
testament qu'elle avait rédigé au profit de Pierrot il y a dix ans lui donnant toute la part non
réservataire de ses biens en cas de décès. Elle souhaite rédiger un nouveau testament avec un legs
au profit de son amie Jacqueline qui vient la voir tous les jours depuis deux ans pour lui tenir
compagnie au moment du thé.

Un problème n'arrivant jamais seul, Edmonde a été contactée par Pie, le conseiller bancaire de sa
mère, et a découvert que Maya a vendu, il y a trois mois, l’appartement de Chamonix, qu’elle avait
reçu en héritage il y a dix ans, où toute la famille va chaque année au moment des vacances d’hiver.
Edmonde est inquiète, car le conseiller bancaire indique que sa mère est en train de faire des dons à
des associations caritatives d’un montant inhabituel. Elle aimerait savoir si elle peut s’opposer à la
vente intervenue et se faire restituer les dons effectués.

Vous indiquerez à Edmonde les moyens de trouver des solutions efficaces à tous les problèmes
exposés.

Rappel : sélectionner les faits pertinents, poser les questions juridiques correspondantes pour
expliquer sur le fond les solutions envisageables. N’oubliez pas de citer les règles de droit sur
lesquelles vous vous appuyez. L’ordre du cas pratique est l’ordre des questions à traiter, il n’y a pas à
faire de plan en deux parties deux sous-parties.

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