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LA RUPTURE UTERINE

DR.Y.DJENDER (EPH AIN TAYA)

I/GENERALITES :
1-Définition :

La rupture utérine est une solution de continuité non chirurgicale de la paroi utérine au cours de la
grossesse ou pendant le travail.

2-Intérêt de la question :

La rupture utérine est une complication obstétricale devenue rare, mais redoutable par sa gravité car
elle met en jeu les pronostics maternel et fœtal.

3-Données épidémiologiques :

-La prévalence de la rupture utérine est de 0.5/1000 accouchements dans les études faites sur la
population générale.

-Dans les pays à haut niveau socio-économique, la mortalité maternelle est estimée a 1% des
ruptures utérines et la mortalité périnatale à 3-6% à terme.

-L’antécédent de césarienne en constitue le principal facteur de risque.

- Dans les pays à faible développement socio-sanitaire, les ruptures utérines sont plus fréquentes et
moins bien évaluées. Leur facteurs de risque ne sont pas les mêmes : insuffisance de suivi prénatal,
l’éloignement géographique et la grande multiparité.

II/ANATOMO-PATHOLOGIE :
-Environ 60-80% des lésions de rupture utérine siègent au niveau du segment inférieur et plus
particulièrement sur sa face antérieure.

-Les déchirures segmento-corporéales constituent 10 à 30 % des ruptures.

-Les lésions exclusivement corporéales sont beaucoup plus rares et siègent au fond ou au niveau de
la corne.

La description des lésions dépend de l’état antérieur de l’utérus intact ou cicatriciel.

On distingue les ruptures complètes des ruptures incomplètes selon que la cavité péritonéale ou
qu’elle en est séparée par le péritoine utérin.

a/ Les ruptures utérines incompletes :


*Sur utérus sain : Rupture sous–peritonéale

-La déchirure intéresse la totalité du myométre mais épargne la sereuse.

-Elle est souvent segmentaire antérieure horizontale, moins souvent corporéale latérale et verticale.

-l’enfant est retenu dans la cavité utérine par la séreuse.

*Sur utérus cicatriciel : Déhiscence de cicatrice

- Il s’agit d’une désunion partielle de la cicatrice.

- Les berges scléreuses de la cicatrice saignent peu.

- Le fœtus est le plus souvent vivant.

b/Les ruptures utérines complètes :

*Sur utérus sain : Rupture intrapéritonéale

-La lésion est très hémorragique, extensive au corps, dont les bords sont irréguliers.

-La rétraction du corps utérin et le décollement placentaire entraine la mort et l’expulsion intra-
abdominale du fœtus.

*Sur utérus cicatriciel :

- La séparation des berges de la cicatrice est totale.

- La lésion est hémorragique à bords irréguliers avec expulsion fréquente du fœtus dans l’abdomen.

c/Les lésions associées :

Les lésions sont fréquentes dans les grands délabrements utérins :

-les ruptures vésicales.

-les lésions de l’uretére.

- Les déchirures cervicales et vaginales.

III/ETIOLOGIES :
1-L’utérus cicatriciel :

La cicatrice utérine constitue le premier facteur de risque de rupture utérine. On distingue 2 types de
cicatrice selon le contexte dans lequel elle est effectuée : obstétrical ou gynécologique.

a/Cicatrices d’origine obstétricale :

-Elles sont les plus fréquentes.


- La rupture survient plus souvent sur les cicatrices corporéales que sur les cicatrices segmentaires
car elles sont moins solides.

- L'appréciation de la qualité de la cicatrice est l’un des éléments d’appréciation du pronostic de


l’accouchement.

b/Cicatrices d’origine gynécologique :

- Les cicatrices sont moins fréquentes que les césariennes mais sont plus solides.

- Elles peuvent être liées à :

• Des curetages.

• La rupture de la corne utérine.

• Des myomectomies.

• Des hystéroplasties.

2-La dystocie mécanique :

-La disproportion foeto-pelvienne : macrosomie fœtale, hydrocéphalie, dystocie osseuse.

-Les présentations dystociques : front, épaule.

3- La fragilité utérine :

Ce sont tous les états qui rendent la paroi utérine fragile, en dehors de toute dystocie mécanique :

-L’ âge avancé.

-La multiparité.

-Les grossesses rapprochées.

-Les malformations utérines.

-Le placenta accréta.

4-Les traumatismes :

-Par traumatisme physique direct : chute, accident de la voie publique, accidents de la circulation,
coupes volontaires,…

-Les manœuvres obstétricales manuelles : versions par manœuvres externe ou interne, manœuvres
sur gros enfant, manœuvres sur présentation de siége, expressions intempestives,…

Les manœuvres obstétricales instrumentales : forceps, ventouses (plus rarement), embryotomies.

5-Les ruptures iatrogènes :

Elles sont liées à l’utilisation d’utérotoniques : ocytociques, prostaglandines.


IV/ ETUDE CLINIQUE :
1-Rupture d’utérus sain :

On prend pour type de description « la rupture utérine au cours du travail prolongé par
disproportion foeto-pelvienne »

La rupture se fait en 2 temps :

a/ Syndrome de pré-rupture : « syndrome de lutte de BANDL-FROMMEL »

Cette phase est prémonitoire, elle est caractérisée par des signes de lutte au cours d’un travail
prolongé.

-Prodromes : hypercinésie, mauvais relâchement utérin.

Puis apparaissent 3 signes :

 Déformation de l’utérus en « sablier » par un anneau de rétraction séparant un segment


inferieur étiré et aminci du corps rétracté.
 Ascension de l’anneau traduisant la distension progressive du segment inferieur.
 Tension douloureuse des ligaments ronds.
b/La rupture utérine :

Classiquement annoncée par une douleur violente en « coup de poignard ».

-Puis il y a sédation de la douleur et des contractions utérines donnant une fausse sensation de bien
être.

-Il y a une sensation d’écoulement intra-abdominal d’un liquide tiède.

-Les signes de choc apparaissent : malaise, hypotension, tachycardie, somnolence, sédation.

-Les contours utérins disparaissent ; Il se rétracte dans l’abdomen après l’expulsion du fœtus qui
meurt et que l’on perçoit sous la peau.

L’évolution naturelle se fait vers la mort materno-fœtale.

2-Rupture d’utérus cicatriciel :

Le « Syndrome de pré-rupture sur utérus cicatriciel » ou « Syndrome de CHARTRUSSE »

Il associe :

 Travail hyperalgique avec présence d’une douleur au niveau de la région de la cicatrice


exacerbée par la contraction et la palpation.
 Dystocie dynamique : défaut de progression de la dilatation.
 Hémorragie extériorisée minime.

-Les anomalies des RCF sont modérées et variables (tachycardie, bradycardie)

-Le liquide amniotique est parfois hémorragique

V/ FORMES CLINIQUES :
1-La rupture utérine au cours de la grossesse :

- Elle peut survenir à n’importe quel moment de la grossesse, mais surtout au 3eme trimestre.

- Elle représente moins de 5% des ruptures.

- Elle correspond le plus souvent à la rupture de cicatrices corporéales.

2-La rupture utérine suraigüe :

Elle se manifeste par une mort subite obstétricale.

3-La rupture utérine latente :

Elle est asymptomatique et n’est découverte qu’à l’ occasion d’une révision utérine.

4-La rupture utérine compliquée :


- D’un syndrome de défibrination : suspecté par la survenue de saignement distillant fait de sang
incoagulable

- De ruptures vésicales

5- La rupture utérine à séreuse intacte :

Elle se manifeste par une mort fœtale associée à un état de choc maternel inexpliqué

6-La rupture utérine retardée :

Elle se traduit par une hémorragie de la délivrance ne cédant pas aux thérapeutiques habituelles
associée à un état de choc progressif et inexpliqué.

VI/ COMPLICATIONS :
1-Complications maternelles :

a/ complications aigües :

*La spoliation sanguine :

Elle est responsable d’une anémie aigüe, allant d’une forme mineure bien tolérée à l’êtat de choc
hémorragique.

*Les troubles de l’hémostase et de la coagulation :

Ils apparaissent suite à une consommation de plaquettes et de facteurs de la coagulation ; il s’ensuit


une défibrination puis une C.I.V.D.

*L’insuffisance rénale :

Elle est d’abord aigüe puis devient organique. Elle est liée à la baisse de perfusion rénale du fait de
l’hypovolemie.

*Les troubles neurologiques :

A type de : anxiété, agitation au début, rapidement suivis de perte de connaissance liée à une
hypoxie cérébrale par hypoperfusion.

b/ Complications chroniques :

*insuffisance rénale chronique.

*Syndrome de SHEEAN : correspond à une insuffisance antéhypophysaire suite à une nécrose


ischémique.
2- Complications fœtales :

La principale complication fœtale est la souffrance fœtale aigüe allant de la bradycardie à la mort du
travail.

VII/ DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL :


En fait, devant une métrorragie survenant pendant la grossesse ou pendant le travail, il faut évoquer
également :

1-L’hématome rétro placentaire(HRP) :

-Il existe souvent un contexte clinique évocateur : traumatisme, terrain vasculaire (prééclampsie).

-l’utérus est hypertonique : de bois. sang noir et coagulé avec doleur pelvien du a contraction rapproché

2-Le placenta praevia(PP) :

-On retrouve souvent une notion d’hémorragie récidivante et capricieuse au cours de la grossesse.

-Les métrorragies sont extériorisées rouges plus ou moins abondantes et indolores.

-L’échographie placentaire pose le diagnostic.

3-Les déchirures cervico-vaginales :

-Elles sont reconnues par un examen sous valves du col et du vagin.

-Les déchirures cervicales peuvent d’étendre au segment inferieur réalisant une rupture utérine.

VIII/ PRONOSTIC :
1-Pronostic maternel :

Il est réservé, il dépend de plusieurs facteurs pronostiques :

*Le type des lésions anatomiques :

Le pronostic des déhiscences de cicatrice est plutôt favorable au contraire des ruptures complètes
qui sont grevées d’une mortalité importante.

*La qualité et la rapidité de la prise en charge :

La prise en charge doit être rapide et requiert une équipe médicale qualifiée et un plateau technique
de qualité.

*Le type de traitement : sutures utérines ou hystérectomies d’hémostase.


2-Pronostic fœtal :

Il dépend du niveau de médicalisation d’un pays

*Dans les pays à haut niveau sanitaire : le taux de décès est nul pour les déhiscences, et voisin de
30% pour les ruptures graves

*Dans les pays à faible niveau sanitaire :

Le taux de décès des fœtus est de 45-90%.

IX/ TRAITEMENT :
1-Objectifs :

-Levée de l’état de choc afin de stabiliser l’état hémodynamique : sauvetage maternel.

-Suppression des lésions utérines.

-Sauvetage fœtal.

2-Moyens :

a/ abstention thérapeutique :

b/Traitement médical :

Il repose sur

-toutes les mesures de réanimation qui permettent de lever le choc hypovolémique : transfusions,
remplissage par macromolécules, drogues vaso-actives,…

-Utérotoniques si le traitement a été conservateur afin d’éviter une hémorragie de la délivrance


par inertie utérine.

c/Traitement chirurgical :

La laparotomie s’impose, elle aura pour objectifs de :

-extraire le fœtus

-faire un bilan lésionnel utérin exact

- Rechercher les lésions associées : vasculaires, vésicales et paramétriales.

-On terminera après fermeture par un examen minutieux cervico-vaginal afin de ne pas méconnaitre
des lésions associées.

Les gestes réalisés seront :

 Les sutures utérines lorsque la rupture est simple et linéaire


 L’hystérectomie d’hémostase totale ou subtotale lorsque les lésions sont complexes
 On associera parfois une ligature de trompes

3-Indications :

- L’abstention thérapeutique sera destinée aux ruptures découvertes lors d’une révision utérine
et sans conséquences hémodynamiques (ne dépassant pas 2 cm).

- On tentera d’être conservateur en réparant les déchirures à chaque fois que les lésions et l’état
hémodynamique maternel le permettront chez une patient jeune, désireuse d’autres grossesses.

- L’hystérectomie sera réalisée lorsque les lésions seront majeures chez une multipare.

X/ PREVENTION :
1-Prévention des ruptures d’utérus sain :

Elle repose sur :

-Le dépistage de toutes les situations à risque de dystocie mécanique (disproportions foeto-
pelviennes, présentation anormales,…) par l’évaluation correcte du pronostic de l’accouchement.

-Le suivi rigoureux des grossesses et du travail.

Le respect strict des règles de pratique obstétricale moderne :

• L’usage contrôlé des ocytociques et des prostaglandines

• Le respect des contre indications des manœuvres instrumentales et des manœuvres


obstétricales

2-Prévention des ruptures d’utérus cicatriciel :

*La césarienne itérative prophylactique :

Elle est réalisée aux alentours de 38SA à chaque fois que la voie basse est impossible ou n’offre pas
toutes les garanties de sécurité.

*L’epreuve utérine :

Elle correspond à l’acceptation du travail et de l’accouchement par voie basse sur utérus cicatriciel.
Elle ne sera permise qu’après exclusion de toutes les contre-indications. L’accent sera
particulièrement mis sur la recherche régulière de signes de déhiscence.
XI/ CONCLUSION :
La rupture utérine est un accident obstétrical rare mais au combien redoutable de part les
complications materno-foetales qu’elle engendre.

Le pronostic dépend de la qualité et de la rapidité de la prise en charge qui doit être adaptée.

La prophylaxie repose sur une bonne évaluation du pronostic de chaque accouchement et le


dépistage de toutes les situations à risque.

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