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X
XX
Aus FEUER UND WASSER GERETTET
BEIM GROSSEN BRANDE DER
BAYERISCHEN STAATSBIBLIOTHEK
IMMÄRZ DESKRIEGSJAHRES 1943
J.STACOLA
1

<36615931580013

<36615931580013

Bayer. Staatsbibliothek
1
#

1
20.
22 .

Physm

Philos . Theot. Nat. Magia . ¡¡94.

Bod
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. Soc. Vest ex dono day daRaissan
domus Profiffe Paris

DE LA

DEMONOMANIE

DES SORCIERS.

A MONSEIGNEVR M. CHRE-

ftofle de Thou Cheualier Seigneur de Cali , premier


Prefident en la Cour de Parlement, & Confeil .

ler du Roy enfon priué Confeil.

PAR I. BODIN ANGEVIN.

A PARIS ,

Chez lacques du Puys, Libraire Iuré, à la Samaritaine.

M. D. LXXXI.

AVEC PRIVILEGE DV ROY.


20 .

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Philos . Theot. Nat. Magia. 1994


.

Bodin

1
Domus Profiffi Parif
. Soc. VESV ex one day du Ruissean

DE LA

DEMONOMANIE

DES SORCIERS.

A MONSEIGNEVR M. CHRE.

ftofle de Thou Chevalier Seigneur de Cæli , premier

Prefident en la Cour de Parlement, & Confeil .

ler du Roy enfonpriué Confeil.

PAR I. BODIN ANGEVIN.

A PARIS,

Chez Lacques du Puys, Libraire Iuré, à la Samaritaine.

M. D. LXXXI.

AVEC PRIVILEGE DV RO Y.
Bayer, Strub
Eibliotek
Minches
A MONSEIGNEVR M. CHRESTO
FLE DE THOV CHEVALIER SEI-
GNEVR DE COELI . PREMIER
Prefident en Parlement , & Con-
feiller du Roy en fon pri-
ué Confeil.

E PRESENT que ie vous offre, Monseigneur,


n'eft pas pourdemeurer quitte , mais bien pour feruir
d'une atteftation de ce que l'ay appris en cefte efchole
fouueraine de Iuftice , de laquelle vous eftes chef, où
Pay employé la meilleure partie de mon aage : & en
laquelle on void,on oyt, on cognoift mieux qu'en lieu
de tout le monde , la vraye experience & vfage des loix & ordonnances,
detoutes les decifions des Docteurs quifurent oncques : tantoft par
les plaidoyeries des premiers Orateurs de l'Europe , tantoft parla confe-
rence des vrays Iurifconfultes , tantoft par les refolutions des Iuges , en
defcouurat comme en plein iour la nayfue beauté de Iuftice , auec vnplai-
fir profit incroyable qu'ony reçoit d'apprendre à difcourir doctement,
poizerfagement, & refouldrefubtilement les hautes queftions de droiƐt
en toutes matieres : ores en l'vne , ores en l'autre chambre , ores en toute

l'affemblee des Iuges & Aduocats de ce Parlement le plus illuftre que le


Soleilpuiffe voir en tous les Empires & Republiques de la terre. La s'ap-
prend la vrayeprudence , guide & lumiere de la vie humaine, quand on
voidcomme en un haut theatre toutes les fecrettes actions , traficques &
menees de toutes fortes d'homes, des plus rufezreprefentees au doigter
à l'œil:que la vie de l'homme pour longue qu'ellefoit , ne fçauroit defcon-
uriren voyageantpar tout le monde. Et combien que la splendeur &
fe voit en toutes fes parties ,fi eft-ce
Maiefté de ce beau temple de iuftice,
qu'elle reluift principalement au chefd'iceluy pour auoirfurpaffé les au
tres,qui ont monté iufques à ce degré d'honneur en la cognoiffance des let-
tres humaines , auecques une memoire infinie de toutes hiftoires , & dili-
gence incroyable à iuger les differends des parties : l'un & l'autre con-
a j
EPISTRE.
ioinet à l'experience indubitable de tous les points de la iurifprudence.
Nonpas que ie vueille icy chater vozlouanges, Monfeigneur, car ce n'eft
pas monfuget, encores que la loy diet: Prælidem prouinciæ non gra-
uatè fuas laudes audire oportere. Et cobien que l'honneur de l'hom-
' a beſoin d'eftre rehauffé de louanges pour luy donner lu-
me vertueux n
ftre :fi eft-ce que la Republique a notable intereft que les vrayes louanges
des hommes illuftres demeurentgrauees & imprimees par tout, pour ſer
uir d'exemple aux vns, d'aguillon aux autres , d'imitation à tous . Ce
que ie deuerois faire d'autant plus volontiers en votre endroict que les
loix la religion d'honneur m'obligent à cefaire,pour les plaifirsfigna-
lex( ie ne diray pas offices ne l'ayant merité en voftre endroict ) que i'ay
receu de vous: & que vous avez tousiours porté unefinguliere affection
à tous ceux qui ayment les bonnes lettres . Mais ie referue cela àpart , &
àplus beaujuget: & mefuffirapour cefte heure de vousfaire cepetit pre-
fent,lequel s'il vous est aggreable,ie m'affeurefi ray encores quelque mal-
ueillant , qu'il nefera pas fi mal aduifé, que fut n'apas long temps quel-
qu'vn,que je ne veux nommer pourfon honneur , lequel dedia au Roy vn
libelle contre la Republique que i'ay mis en lumiere . Mais fi toft que le
Roy eut remarqué les propos calomnieux de ceft homme la : Il lefift con-
ftituerprifonnier, & figna ledecretdefa main , auec deffenfesfur la vie
d'expoferfon libelle en vente.Toutesfois il en eft demeuré quittepour une
amende honorable : mais s'il euſt eſté deplusfain iugement , il eust merité

la peine que Zoile receutpour un prefent pareil qu'il fift à Ptolemee Pli-
Ladelphe Roy d'Egypte. Orie n'efperepas queperfonne efcriue contre ceft
fi ce n'eft quelque Sorcier qui deffendefa caufe : maisfi i'enfuis ad-
œuure,
uerty , ieluy diray ce qu'on diet en plufieurs lieux de ce Royaume à ceux
quifont fufpects d'eftre Sorciers , d'autant loin qu'on les voit fans autre
forme d'iniure on crie à haute voix, IE ME DOVBTE , afin que les
charmes malefices de tellesgens nepuiffent offenfer . De Laon , ce xx.
jour de Decembre , M. D. LXXIX .

Voftre tref-humble & affectionné


feruiteur, I. Bodin..
LE TRAITE DE IEAN BODIN
DE LA DEMONOMANIE
contre les Sorciers.

LIVRE PREMIER .

PREFACE DE LAVTHEVR.

E iugement quia efté conclud contre vne Sorciere auquel


ie fus appelléle dernier iour d'Auril,mil cinq cens feptante
& huict , in'a donné occafion de mettre la main à la plume,
pour efclarcir le fubiect des Sorciers qui femble à toutes
perfonnes eftrange a merueilles, & à plufieurs incroyable.
La Sorciere que i'ay dict s'appelloit Ieanne Haruillier, natifue de Ver-
bery prés Compiegne , accufee d'auoir fait mourir plufieurs hommes
& beftes, comme elle confeffa fans queftion ,ny torture, combien que
de prime face elle euft denié opiniatrement, & varié plufieurs fois, Elle
confeffa auffi que fa mere dés l'aage de douze ans l'auoit prefentee au
Diable en guife d'vn grand homme noir,outre la ftature des hommes,
veftu de drap noir , luy difant qu'elle l'auoit fi toft qu'elle fut nee, pro-
mife à ceftuy-là , qu'elle difoit eftre le Diable , qui promettoit la bien
traicter,& la faire bien heureufe : Et que dés lors elle renonça Dieu, &
& promift feruir au Diable. Et qu'au mefme inftant elle eut copulation
charnellement auec le Diable , continuant depuis l'aage de douze ans,
iufques à cinquante , ou environ , qu'elle auoit lors qu'elle fut prife.
Dift auffi , que le Diable fe prefentoit à elle quand elle vouloit , touf-
jours en l'habit & forme qu'il ferrefenta la premiere fois efperonné,
botté,ayant vne efpee au cofté, & fon cheual à la porte , que perfonne
ne voyoit qu'elle : Et fi auoit quelquesfois copulation auecques elle,
fans que fon inary couché aupres d'elle l'apperceuft. Or combienque
elle fuft diffamee d'eftre fort grande Sorciere , & qu'il fuft prefque im-
poffible, de garder les payfans déla rauir des mains de luftice pour la
brufler, craignans qu'elle ne rechapaft : Si eft- ce qu'il fut ordonné au
parauant que proceder au iugement diffinitif,qu'on enuoyeroit à Ver.
bery:lieu de la natiuité, pour s'enquerir de la vie, & aux autres villa-
ges où elle auoit demeure. Il fut trouué que trente ans au parauant, el-
le auoit eu le fouët pour le mefme crime, & fa mere condamnce à estre
bruflee viue, par arreftde la Cour de Parlemét cófirmatifde la fenté-

ă iÿ
PREFACE.
ce du luge de Selis:Et fi fut trouué, qu'elle auoit accouftumé de changer
de nom & de lieu,pour couurir fon faict.Et que par tout elle auoit eſté
attainte d'eftre Sorciere . Se voyant conuaincue , elle requift pardon ,
faifant contenance de fe repentir : deniant toutesfois , beaucoup de
mefchancetez qu'elle auoit commiles, & au parauant confeflees : Mais
elle perfifta en la confeffion qu'elle auoit faicte du dernier homicide,
ayant ietté quelques pouldres, que le Diable luy auoit preparees, qu'el-
le mift au lieu où celuy qui auoit battu fa fille deuoit paffer. Vn autre y
paffa, auquel elle ne vouloit point de mal,& auffi toft il fentit vne dou-
leur poignante en tout fon corps. Et d'autant que tous les voisins qui
l'auoient veu entrer au lieu , où elle auoit iecté le fort ,le iour mefme
voyant l'homme frappé d'vne maladie fi foudaine crioy et qu'elle auoit
iecté le fort. Elle promift de le guarir, & de faict elle garda le patient
pendaut la maíadie, & confeffa que le Mecredy deuant que d'eftre pri-
fonniere, qu'elle auoit prié le Diable de guarir só malade, qui auoit fait
refpóce qu'il eftoit impoffible:Et qu'elle dift alors au diable qu'il l'abu-
foit toufiours, & qu'il ne vint pl' la voir.Et lors qu'il dift qu'il n'y vien-
droit pl', & que deux iours apres l'home mourut.Et auffi toft elle s'alla
cacher en vne grange, où elle fut trouuee .Ceux qui affifterent au iuge-
ment, eftoient bien d'aduis qu'elle auoit bien merité la mort : Mais fur
la forme & genre de mort il y en eut quelqu'vn plus doux,& d'vn natu-
rel plus pitoyable, qui eftoit d'aduis qu'il fuffifoit de la faire pédre. Les
autres,apres auoir examiné les crimes deteftables, &les peines eftablies
par les loix Diuines & humaines, & mefmement la couftume generalle
de toute la Chreftienté, & gardee en ce Royaume de toute ancienneté,
furét d'aduis qu'elle deuoit eftre códá nee à eſtre bruflee viue : ce qui fut
arrefté, & la fentence,dont il n'y eut point d'appel , executee le dernier
iour d'Auril à la pourfuyte de Maiftre Claude Dofay , Procureur du
Royà Ribemont . Depuis la condamnation elle confella qu'elle auoit
efté trafportee par le Diable aux affemblees des Sorcieres , apres auoir
vfé de quelques greffes, que le Diable luy bailloit,eftant guindee d'vne
fi grande vifteffe, & fi loin, qu'elle eftoit toute laffe & foulee, & qu'elle
auoit veu aux affemblees grand nobre de perfonnes, qui adoroiettous
vn homme noir, en haut lieu,de l'aage comme de trente ans, qu'ils ap-
pelloient Beelzebub. Et apres cela ils fe couploient charnellement: &
puis le Prince leur faifoit fermon de fe fier en luy, & qu'il les vengeroit
de leurs ennemys, & les feroit bien heureux . Interrogee fi on bailloit
de l'argent,dict que non : Et accufa vn berger & vn couureur de Gélis,
qu'elle dict eftre Sorciers , & fe cófeffa, & fe repentir, requerant pardon
Dieu. Et parce qu'il y en auoit qui trouuoient le cas eftrange, & quafi
incroyable. Le me fuis aduifé de faire ce traicté que i'ay intitulé , DE-
MONOMANIE DES SORCIERS , pour la rage qu'ils ont de cou-
rir apres les Diables pour feruir d'aduertiffemét à tous ceux qui le ver-
PREFACE.
ront ,afin de faire cognoistre au doigt & à l'œil , qu'il n'y a crimes qui
foient àbeaucop pres fi execrables que ceftuy- cy, ou qui meritent pei-
nes plus griefues. Et en partie auffi pour refpondre à ceux qui par liures
imprimez s'efforcent de fauuer les Sorciers par tous moyens : en forte
qu'il femble que Sathan les ait infpirez, & attirez à fa cordelle , pour pu-
blier ces beaux liures , comme eftoit vn Pierre d'Apone Medecin , qui
s'efforçoit faire entendre qu'il n'y a point d'efprits, & neantmoins il fut
depuis aueré qu'il eftoit des plus grands Sorciers d'Italie. Et afin qu'il
ne femble eftrange ce que i'ay dict , que Sathan a des hommes atiltrez
pour efcrire,publier, & faire entédre qu'il n'eft rien de ce qu'on dict des
Sorciers.Ie mettray vn exemple memorable , que Pierre Mamor en vn
petit liure des Lamies a remarqué d'vn nommé M. Guillaume de Line,
Docteur en Theologie qui fut accufé & condamné comme Sorcier , le

douziefme Decembre, mil quatre cens cinquante trois, lequel en fin ſe
repentit , & confeffa auoir plufieurs fois efté tranfporté auec les autres
Sorciers la nuict pour adorer le Diable, qui fe monftroit quelquesfois
en forme d'homme, & quelquesfois en forme de bouc,renóçant à tou-
te religion, & fut trouué faifi d'vne obligation, qu'il auoit auec Sathan,
portantpromeffes reciproques, & entre autres, le Docteur eftoit obli-
géprefcher publiquemét que tout ce qu'on difoit des Sorciers n'eftoit
que fable & chofe impoffible, & qu'il n'en failloit rien croire. Et par ce
moyen que les Sorciers auoient multiplié, & pris grand accroiffement
par ces prefches, ayant les Iuges laillé la pourfuyte qu'ils faifoient con-
tre les Sorciers.Qui monftre bien que Sathan a de loyaux fuiets de tous
Eftats,& de toutes qualitez : comme le Cardinal Benon, & Platin efcri-
uent qu'il y a eu plufieurs Papes,Empereurs,& autres Princes, lefquels
fe font laiffe piper aux Sorciers , & en fin auoir efté precipitez malheu-
reufement par Sathan. Et mefmes à Tolede , où eftoit anciennement
l'efchole des Sorciers.On n'euft iamais pensé que tels perfonnages euf-
fent efté de la partie : quand on rapportoit les procez des Sorciers , ils
ſe prenoiet à rire , & faifoiet rire vn chacun des traicts qu'ils dónoient,
& affermoient conftamment, que c'eftoit choſe fabuleuse , & impoffi-
ble, & amolliffoient tellement le cœur des luges ( comme fift Alciat de
fon temps,defpit qu'vn Inquifiteur auoit fait brufler en Piedmót pl' de
cét Sorciers) que tous les Sorciers refchappoient.M. Barthelemy Faye
Prefidet aux enquestes de la Cour, s'eft plaint en fes œuures,que la fouf-
fráce de quelques Iuges de ne faire brufler des Sorciers come le Parle-
ment a faict de toute ancienneté , & tous les autres peuples,a efté cauſe
des grandes afflictions que Dieu nous a enuoyees. Mais M. d'Auenton
Confeiller en Parlement, & depuis Prefidét de Poitiers(auquel a fuc-
cedé en l'eftat de Prefidét Saluert) fift brufler quatre Sorciers tous vifs à
Poitiers, l'an M. D. LXIIII. nonobftant l'appel par eux interiecté : Se
plaignant de ce qu'on auoit enuoyé abfouls auparauant d'autres Sor-
PREFACE.
ciers appelas, qui depuis auoiet infecté tout le pays , & que tout le peu-
ple fe mutinoit. Vray eft qu'ils cófefferét auoir fait plufieurs homicides
par charmes, & Sortileges : & les faifoit executer, come prenotables, nó-
obftant l'appel : Quia plus eft ( dict la Loy ) occidere veneno quàmgladio. Or
l'impunité des Sorciers de ce temps -là fut caufe , qu'ils prindrent vn
merueilleux accroiffement en ce Royaume, où ils aborderent de toutes
parts,& mefmement d'Italie: entre lefquels eftoit vn grad Sorcier Nea-
politain, qu'on appelloit le Conferuateur, & qui a efté affez cogneu par
fes actes : & depuis ont continué , en forte que le Sorcier Troil- efchel-
les Manceau ayant eu fa grace , apres le iugement de mort contre luy
donné,à la charge de deferer fes complices, dict qu'il y en auoit plus de
cent mil en ce Royaume, peut eftre fauffement, & pour amoindrir fon
impieté ayant fi belle compagnie . Quoy qu'il en foit il en defera fort
grand nombre: Mais on y donna fibon ordre, que tous où la plus- part
refchapperent : & encores qu'ils confeffaffent des mefchancetez fi exe-
crables, que l'air en eftoit infect. Dequoy Dieu irrité a enuoyé de terri-
2.Leuit. bles perfecutiós, comme il a menacépar fa loy d'exterminer les peu-
cap.20. ples qui fouffriront viure les Sorciers . C'eft pourquoy S.Auguftin au
liure de la Cité, dit que toutes les fectes, qui iamais ont efté, ont decerné
peines contre les Sorciers.Ie n'excepte que les Epicuriens , que Plutar-
que au liure de Oraculum defectu , & Origene contre Celfus l'Epicurie, ont
refuté, & apres eux, Iamblique , Procle Academiques, ont deftriuct les
fondemens de la fecte Epicurienne : combien qu'ils eftoient affez rui-
nez par les principes de la Metaphyfique d'Ariftote: où il conclud par
neceffité qu'il y a autant de cieux, qu'il ya d'intelligences, ou efprits in-
telligibles pour les mouuoir : lefquelles intelligences il dict eftre fepa-
rees des corps, & que l'Ange fe meuue au mouuement de fon ciel, coin
me l'ame de l'homme fe meuue au mouuemét de l'homme, qui eft bien
4.li.4.0
pour montrer, que la difpute des Anges , & Demons ne fe peut traiter
6. Quot Phyficalement : Et que ceux-là s'abufent bien fort , qui denient qu'il y
xis ango. ait quelque chofe poffible, qui foit impoffible par nature . Car l'attou-
Arift.s. chement , le mouuement, lelieu ne peut conuenir finon au corps , * &
lib. 8.
en corps parlant en Phyficien : Et neantmoins fi la verité eft toufiours
6. inlib.de femblable à foymefmes , il faut confeffer que l'attouchement, le mou-
Damon.So- uement, & le lieu conuiennent aux efprits,auffi bien cóme au corps, ce
cr atis. qu'Ariftote a demonftré en fa Metaphyfiques parlant des Anges , on In-

7. in lib.de telligences, qui meuuent les cieux : Combien que Plutarque & Apu-
7
deo socra- lee difent qu'Ariftote a laiffé par efcrit , ce que toutesfois ne fe trouue
tis. point en fes liures qui nous reftent , qui n'eft pas la moitié de ce qu'il a

8. in lib. efcrit , que les Pythagoriens s'efmerueilloient, s'il y auoit homme au


Teglau- monde qui n'euft iamais cogneu de Demon.Et de faict, le meſme Ari-
μασίων
paolor ftote confeffe auoir veu vn nommé Thafius , qui auoit inceffamment
άnsoμά- auec luy vn efprit en figure humaine, que perfonne ne voyoit que luy,
TQY..
ce qui eft ordinaire à tous sorciers.Et n'a pas log temps que Fraçois Pic
Prince de
PREFACE.
Prince de la Mirande a efcrit auoir veu deux Preftres Sorciers accom-
pagnez toufiours de deux Demons Hiphialtes en guife de femmes : dót
ils abuferent plus de quarante ans comme ils confefferent deuant que
d'eftre bruflez,ainfi que nous dirons en fon lieu . Auffi Ariftote au mef-
meliure efcrit qu'en l'vne des fept Ifles d'Eolus on entendoit vn mer-
ueilleux fon de tabourins , & cymbales , & rifees fans voir perfonne:
chofe qui eft ordinaire en plufieurs lieux de Septentrion , comme dict
Olaus,& au mont Atlas, comme Solin & Pline teftifient. Qui font les
affemblees & danfes ordinaires des Sorciers , auec les malings efprits,
qui ont efté auerees par infinis procez. Ariftote dict d'auantage au mef-
meliure, qu'il y auoit vne Sorciere en la ville de Tene en Theffalie, la-
quelle charmoit le Bafilicque auec certaines paroles & cercles qu'elle
faifoit: ce qui ne peut eftre faict par nature, comme nous dirons en fon
lieu : Ains par la force & puiffance des efprits qui ne pourroit faire les
actions eftranges qu'on voit à l'œil , s'ils n'eftoient au lieu où ils
font leurs actions, comme di& Thomas d'Aquin .Auffi feroit- ce chofe
abfurde de donner attouchement,lieu & mouuement aux Anges mou-
uás les cieux, & feparez des cieux, comme tous les Peripatetiques, Aca-
demiques, & Stoiques font d'accord auec les Hebrieux & Arabes , &
ofter ces proprietez aux efprits, qui font parmy les elemens. Quiferui-
ra,non pas pourinftruire ceux qui croyent vn Dieu , & la pluralité des
intelligences,l'vn & l'autre demonftré par Ariftote:" & porté par toute 9.li.6.Phy-
l'Efcriture Saincte.Mais pour couaincre les cerueaux hebetez: non pas fic. 8.
toutesfois pour rendre raifon de toutes les actions intellectuelles des Metaphy.
Demons , chofe qui feroit impoffible : Car celuy qui pourroit rendre
raifon de toutes chofes,il feroit femblable à Dieu, qui feul fçait tout. Or
tout ainfi qu'il eft impoffible de cognoiftre Dieu, ny le comprendre
tel qu'il eft,fi celuy qui le cognoiftroit en ceſte forte, & qui le pourroit
comprendre n'eftoit luy mefme Dieu: D'autant que l'infiny en effence,
puiffance,grandeur, eternité, fageffe, & bote ne peut eftre compris, que
par celuy qui eft infiny, & qu'il n'y a rien infiny que Dieu : Auffi faut- il
confeffer par neceffité , qu'il n'y a que Dieu , qui peut rendre raison de
toutes chofes . Car il faut vne fcience infinie , qui ne peut eftre ny és
hommes, ny és Anges, ny en creature du monde. C'est pourquoy Ari-
ftote au premier liure de fa Metaphifique, où il traicte des efprits & in-
telligences, confeffe qu'on nepeut cognoiftre la verité,pourl'imbecil-
lité de l'efprit humain, qui eft bien recognoiftre l'ignorance de tous en
general, & non pas la fienne en particulier :car au mefme liure il dict 2. li. 4.
qu'il ne faut point chercher de raifon, où il n'y a point de raifon.Voi- li.6.7.
la ces mots. Comme Pline en cas pareil dict au liure trente-feptiefme, Metaphy.
chap. quatriefme, Non ulla in parteratio, fed voluntas natura quærenda. Qui
cft vne incongruité notable à vn Philofophe de dire qu'il fe face quel-
que chofe fans raiſon, & fans cauſe, & vne arrogance infupportable, de
:
PREFACE.
dire qu'il n'y a point de caufe:ce qu'o voit quand on ne la fçait pas,plu-
ftoft que de cófeffer fon ignorance. Or la plus belle louage qu'on peut
rédre à Dieu , c'eft de cófeffer fa propre ignorance, & c'eft faire iniure à
Dieu , de ne recognoiftre pas la foibleffe de fon cerueau . C'est pour.
quoy apres tous les difcours de Iob , & de fes amis , où il diſpute des
faicts de Dieu,lors qu'il penfoit auoir attainct la verité, Dieu luy appa-
rut en vifion,& commença à parler en cefte forte. Qui eftceft homme
ignorat, qui par fes difcours fans propos obfcurcit les œuures du Sou-
uerain?Puis difcourant de la hauteur,grandeur, & mouuement terrible
des cieux , de la force des aftres , des loix du ciel fur la terre, de la terre
fondee fur les eaux, des eaux fufpendues au millieu du monde, & autres
merueilles qu'vn chacun voit, il monftre que toute la fcience humaine
eft pleine d'ignorance.Plufieurs donnent louange de fçauoir à Ariftote
comme il eft certain qu'il a beaucoup fçeu , & no pas toutesfois la mil-
liéfme partie des chofes naturelles. Car tous les Philofophes Hebrieux
4. Rabi & Academiques ont monftré qu'il n'a rien veu és chofes intelligibles,
Maymon. & des chofes naturelles qu'il a ignoré les plus belles : veu qu'il n'a pas
lib.2. Ne- fçeu feulemét le nombre des cieux , que l'Efcriture Saincte a remarqué
more. par les dix courtines du Tabernacle,qui eft le modele de ce monde. Et
quand il eftdict.Les cieux font les œuures de tes doigts, qui font en nó-
bre de dix , car toufiours és autres endroits il dit , œuures des mains de
Dieu:ce que tous les Philofophes & Mathematicies ont ignoré iufques
à ce qu'il a efté demonftré par Iean de Realmont.Et mefme Ariftote n'a
pas feulement entendu l'ordre des Planettes , veu qu'il met Venus &
Mercure deffus le Soleil, contre ce que Ptolomee depuis a demóftré,ny
pas vn feul mouuement des aftres . Et fans aller fi haut, & afin qu'on ne
cherche pas en Ariftote la verité des Demos & chofes fupernaturelles,
on voit que la plus- part des chofes naturelles luy ont efté incogneuës:
5. Loan Pi- comme la fallure de la mer,que le Prince de la Mirande , ſurnommé le
cusin pofi- Phenix de fon aage,a attribué à lafeule prouidence de Dieu . Et neant-
tion.
moins l'origine des fontaines donnee par Ariftote eft encores plus ab-
furde. C'est à fçauoir qu'elles prouiennet de putrefaction de l'air és ca-
uernes de la terre, veu les groffes & inepuiffables fources,fontaines , &
riuieres qui ont cours perpetuel , & que tout l'air du monde corrompu
nefçauroit engendrer en cent ans l'eau qui en fort en vn iour. Les Phi-
lofophes Hebrieux, & mefme Salomon ont monftré qu'elles prouien-
nent de la mer comme les veines du corps humain prennent origine du
foye. Etfouuent on voit en nature les effects produits contre toute rai-
fon naturelle: come on voit la neige, qui eft vne eau glacee, rechauffer
la terre,& garentir les bleds de la gelee, & la bruine froide à merueilles
roftis & brufler les bleds & bourgeons comme en vn four, & pour ce-
fte caufe dict Fefte Pompee , pruina, s'appelle à perurendo : & la Saincte
Efcriture entre les merueilles de Dieu raconte celle cy au Pfalme cent
PREFACE.
Bu-
dixfept , quidat niuemficut lanam,& pruinamficut cineremfpargit, que
chanan a traduict ainſi : qui niuibus celfos operit feu vellere montes , denfas
pruinas cineris inftar diicit. Et Theodore de Baiſe.

Qui conure les mons & laplaine,


De neige blanche comme laine,
Et quivient la bruine efpandre,
Tout aussi menu comme cendre.
Mais ils n'ontpoint touché ce beau miracle. Car bonne partie des
laines font noires , & la bruine ne reffemble en rien aux cendres. Mais
on pourroit ainfi tourner.
Quide neige efchauffe laplaine,
Commed'une robbe delaine,
Et debruine les bourgeons tendres,
Rotift comme d'ardentes cendres.

Aufſi Albert a monftré l'erreur d'Ariftote touchant l'arc au ciel , en 6.in l.1.se
sẽ
ce qu'il dict, qu'il n'aduient point la nuict, chofe notoiremeet faulſe , &
te.q.3.7.li.
par confequent auffi la raiſon d'Ariftote , comme à vray dire,il n'y a ny decœlo.
I.
Rithme ny raiſon . Caril faudroit par mefme raiſon , que toutes les 8. in lib.
nuces fuffent de mefme couleur. Ielaiffe mille merueilles de nature,
dont la cauſe n'eft encores defcouuerte . C'est pourquoy le Cardinal περὶ τῆς
citis TI-
Cufan,des premiers hommes de fon aage, a touché au doigt la varieté,
ambiguité , & incertitude de la doctrine d'Ariftote, & au parauant luy, malo tu-
le Cardinal Beffarion. Etfur tous le Cardinal d'Alciac , ou d'Ailly, a 2029vas.
fouftenu & difcouru par viues raifons , qu'il n'y a pas vne feule demon- 9.inl.2.
ſtration neceffaire en Ariftote , horfiis celle par laquelle il a demon- placitis
ftré qu'il n'y auoit qu'vn Dieu , & bien peu d'autres qu'il a remarquees. Hippocratis
Et quant à la ' demonftration de l'eternité du monde d'Ariftote , qui a 1.Plutar
eftéle premier, & feul entre les Philofophes anciens de cefte opinion, chusinpla-
elle eft pleine d'ignorance comme Plutarque, Galen , ' les Stoiciens, citis Philo-
2
' les Academiques , ont monftré : & mefmes les Epicuriens ' s'en font foph.
mocquez, & entre les Hebrieux le Rabin Maymon , lequel pour fon 2.Plate in
fçauoir excellent, a efté furnommé la grande Aigle , a difcouru fort do- Timao, &
dement l'impoffibilité de la demonftration d'Ariftote , & Philopone Philopon.
en quatorze liures en Grec, qu'il a faict cótre Procle Academicien , qui li.14 . con-
meritoient brief eftre traduicts , touchant ce fubiect : Et depuis auffi tra Procl .
Thomas d'Aquin aremarqué l'impoffibilité de cefte demóftration par 3.Lucretius
autres argumens,que ie pafferay pour cefte heure,l'ayant traicté en au- & Plutar
tre lieu. Ettoutesfois & quantes qu'Ariftote s'eft trouué en quelque chus inpla
lieu,duquel il ne pouuoit fortir,il a mellé fi bien la fuſes, que perfonne citis.
ne peut deuiner ce qu'il a voulu dire , comme on peut voir au premier 4.4.2.Ne-
chapitre de la Phyfique , & au liure de l'Ame, où l'Efcot des plus fubtils more Hane-
Philofophes qui fut oncques, a remarqué la contrarieté incompatible boquin.
des raifons d'Ariftote, deſquelles les vns ont tiré la corruption d'icelle,
BiL
PREFACE.
5.2.dift. comme Dicearque du temps mefmes d'Ariftote, l'Epicure Atticus, A-
1.9.3. phrodifeus,Simon Portius,& Pomponatius . Et au contraire, des meſ-
6.li.deMe- mes raifons Theophrafte, Themifte, Philopone,Simplice,Thomas d'A-
thode hift. quin , le Prince de la Mirande ont conclud l'immortalité des ames , &
les Arabes mefmement . Auerrois a conclud l'vnité de l'intellect de la
cap.6.
o.lib.4. nature humaine des mefmes lieux d'Ariftote. En quoy on peut iuger,
6.Graci qu'Ariftote n'a pas veu les beaux fecrets de nature, ce que les anciens
vagulu . ont bien remarqué,figurant, au derriere de fa medaille, vne femme qui
LatiniTor- a la face couuerte d'vn voile nommee Phyfis, c'cft à dire, Nature: figni-
pedinem ab fiant quela beauté de nature luy a efté couuerte , & qu'il n'a veu que
effectu ap- l'exterieur des veftemens. Auffi dict- on qu'il fe precipita en la mer có-
pellat mira me Procope pour n'auoit fceu entendre pourquoy la mer au deftroit
cult natu- de Negrepont en vingt & quatre heures a fept flux & autant de reflux.
ra vfitatif- Et files plus beaux trefors de nature nous font cachez, comment pour-
fimum. rons nous attaindre aux chofes fupernaturelles, & intelligibles : C'eſt
7.Arift.in pourquoy Heraclite le premier, comme efcrit Plutarque , & apres luy
Eth.Nico- Theophrafte, difoit que les plus belles chofes du monde font ignorees
ma. xo par l'arrogance des hommes qui ne veulent rien croire des chofes dont
jago l'efprit humain ne peut comprendre la raifon : Entre lefquelles on peut
Song T mettre les actions eftranges des malings efprits , & des Sorciers , quí
το εἶναι paffent l'efprit humain, & les cauſes naturelles. Mais tout ainfiqu'à bon
droict on reputeroit fol & inſenſé celuy qui voudroit nyer que la Ca-
Φάμεν. ὁ
lamite l'Aymant , ne donnaft pas vne impreffion à l'aguille pour la
Je aixi- tournerouvers la bife , pour n'entendre pas la raifon: ou qui ne voudroit

ew TXU- confeffer que la torpille, eftant entree és filets: ne rende les mains puis
THU THY les bras, & en fin tout le corps des pefcheurs endormy & ftupide, pour
πίςιν
istyne fçauoir la raifon : Auffi doit on reputer pour fols & infenfez , ceux-
Vu só- là qui voyent les actions eftranges des Sorciers, & des efprits, & neant-
Tega iga . moins parce qu'ils nepeuuent comprendre la caufe , ou qu'elle eft im-
2.Exo.c. 2. poffible par nature, n'en veulent croire. Car mefme Ariftote "fe trou-
Leuit.20.et uant eftonné de plufieurs chofes dont il nefçauroit la caufe , dict que
21. Deut. celuy qui reuoquera en doute ce qu'on voit , il ne dita pas mieux que
18.Hie.27. les autres. Or nous voyons que Orphee, qui a efté enuiron douze cens
19. ans deuant lefus - Chrift, & apres luy Homere, qui font les premiers au-
50. Nahu. theurs entre les Payens, ont laiffé par efcrit les Sorcelleries, Necroman-
3. 4. cies , & charmes qu'on fait à prefent . On voit en la loy de Dieu , pu-
Reg.c.9.et blice plus de deux ans deuant Orphee les Sorciers de Pharaon contre-
2. Paral.c. faire les œuures de Dieu . On voit la Sorciere de Saül euoquer les e-
33. Iefa . 3. fprits,les faire parler: Les deféces portees en la loy ' de Dieu d'aller aux
4.8. Deuins,Sorciers, Pithons, où toutes les fortes de forcelleries , & diuina-
47. Num. tiós sót fpecificespour lesquelles Dieu declare, qu'il auoit exterminé de
23.04. la terre les Amorrheans,& Chananeans . Et pour lefquelles forcelleries
Reg.23. Ichu fift manger aux chiens la Royne lefabel, apres l'auoir fait precipi-
PREFACE.
ter de fon chasteau. On voit auffi les peines eftablies contre les Sorciers
és loix des douze tables , que les Ambaffadeurs des Romains auoient
extraites des loix Grecques : on voit encores les plus cruelles peines 3. Tot. tit.
qui foient en toutes les conftitutions des Empereurs Romains , eftre de Male. C.
eftablies contre les Sorciers , où ils font appellez ennemis de natu- 4. ob ma-
re,ennemis du genre humain , & malefiques pour les mefchancetez leficiorum
grandes qu'ils font, & les imprecations abhominables portees par les magnitu
loix,qui ne fe trouuent en loix quelconques, finon contre les Sorciers dinem ma→
que la pefte cruelle( dict la loy)puiffe efteindre, & confumer. On voit lefici ap-
les hiftoires Grecques, Latines, anciennes, modernes , de tous les pays, pellantur,
& de tous les peuples , qui ont laiffé par efcrit les chofes que font les 1.3. de Ma-
Sorciers, & les mefmes effects en diuers pays, & l'ecftafe enl'efprit, & le lefi.C.
transport en corps & en ame des Sorciers commis par les malings e- s.l. Nemi-
fprits en pays eflongné , & puis rapportez par les malings efprits nem eodem
en peu d'heure. Ce que toutes les Sorcieres confeffent d'vn com- tit. Quos
mun confentement , ainfi qu'on peut voir és liures des Allemans, Ita- feralis pe-
liens,François , & autres nations. Ce que Plutarquea laillé par e- ftis abfu-
fcrit d'Arifteus Proconefien , & de Cleomede Aftipalian : Herodote mat.
d'vn Philofophe Atheiſte , Pline d'vn Hermon Clazomenien : Philo- 6. Plut. in
ftrate d'Apollonius Thianeus, & toutes les hiftoires des Romains ont vita Rom.
certifié de Romule , lequel deuant toute fon armee fut emporté en o. Hug.
l'air: Comme nous lifons en noz Chroniques eftre aduenu à vn Com Floriacen-
te de Mafcon : Et s'eft trouué par infiniz procez , que plufieurs faisant fis.
comme les Sorciers, & fe trouuans trafportez en peu d'heure à cent ou
deux cens lieues de leur maison, voyant les affemblees des Sorciers, au-
roiét appellé Dieu en leur ayde. Et auffi toft l'affemblee des malings e-
fprits, & des Sorciers s'efuanouyffoit, & fe font trouuez feuls, & retour-
nez en leur mailon à lógues iournees.Briefon voit les procez faits con
tre les Sorciers d'Allemaigne, de France, d'Italie, d'Espagne , en ce que

nous auons par efcrit ' & voyons par chacun iour les telmoignages in- 7. Spräger
finis,les recollemens, confrontations, conuictions, confeffions, efquel- in Maleo.
les ont perfifté iufques à la mort ceux qu'ó a executez , qui pour la pluf- Paulus
partfontgens du tout ignorans ou vieilles femmes, qui n'auoient pas Grillädus.
veu Plutarque,ny Herodote, ny Philoftrate, ny les loix des autres peu-
ples , ny parlé aux Sorciers d'Allemagne & d'Italie , pour s'accor-
der fi bie en toutes chofes, & en tous poincts come elles font.Elles n'a-
uoiét pas veu S. Auguft.au xv. liure de la Cité de Dieu, qui dict, qu'il ne
faut aucunement doubter & qu'il feroit bien impudent , qui voudroit
nyer, que les Demos & malings efprits, n'ayent copulation charnelle a-
uecles femmes , que les Grecs pour cefte caufe appellent Ephialtes , &
Hyphialtes, les Latins, Incubes, Succubes & Syluas : Les Gaulois, Dufios
(c'est le mot duquel vfe Saint Auguftin) les vns en guife d'homme, les
autres en guife de femme, laquelle copulation toutes les Sorcieres font
é iij
PREFACE.
d'accord qu'elle fe faict, non point en dormant , ains en vueillant , qui
eft pour montrer que ce n'eft point l'oppreffion de laquelle parlent
les Medecins, qui demeurent tous d'accord qu'elle n'aduient iamais fi-
non en dormant . Et qu'il feroit auffi impoffible que la meſme chofe
aduint aux Succubes , comme aux lucubes. Encores eft-il bien eftran-
ge que ces Sorciers depofent & demeurét d'accord, & que les malins e-
fprits fe monftrans en forme d'homme , ordinairement font noirs , &
8.inlib. de plus hauts que les autres, ou petits cóme Nains : ainfi que Georges A-
spiritibus gricola des premiers hommes de fon aage,a laiffé par efcrit.Or les Sor-
fubterra- ciers que nous difons n'auoient pas veu ce que dict Valere Maxime, au
neis. premier liure parlant de Caffius Parmenfis, auquel fe prefenta vn hom-
me haut, & fort noir , & interrogé qu'il eftoit, il dift , fe navsdaiμova
effe. C'est à dire, qu'il eftoit mauuais Demon. Auffi les Sorciers n'ont
pas veu les hiftoires de Pline le ieune és Epiftres de Plutarque , Florus,
Appian, & de Tacite , où ils parlent de Curtius Ruffus Proconful d'A-
frique, & Dion, & de Brutus, qui eurent ſemblables vifions en veillant,
6.Plin . 2 , ny l'hiftoire memorable du Philofophe Athenodore , qui eut mefme
vifion d'vn maling efprit en veillant en forme d'homme haut & noir
in Epift.
enchefné, qui luy monftra l'endroit où eftoient cinq corps meurtris,
au logis qui demeuroit inhabité à caufe du maling efprit, comme il eft
2. in Cali- auffi recité en Suetone ' apres le meurtre de l'Empereur Caligula, & en
Plutarque apres la mort de Damon, & de Remus , apres la mort def-
gula.
3. Plutar quels, les efprits rendoient les lieux inhabitez, que les Latins appelloiét
chus in vi- Remures, & par mutation de Liquide Lemares, à caufede Remus.l'ay dict
au commencement , que Ieanne Haruillier auoit confeffé que le Dia-
ta Cimonis,
ble s'eftoit toufiours apparu à elle en guife d'homme haut & noir. le
mettray encores cefte hiftoire , qui eft aduenue le fecond iour de Fc-
urier, mil cinq cens feptante & huict.Catherine Doree femme d'vn la-
boureur demeurant à Couures pres de Soiffons , eftant interrogee par
Hunaut Bailly de Cauures , pourquoy elle auoit coupé la tefte à deux
ieunes fillettes, l'vne qui eftoit fa propre fille , l'autre la fille de fa voifi-
ne,refpondit , que le Diable s'eftant monftré à elle en forme d'homme
grand & fort noir , l'auoit incitee à ce faire, luy prefentant la ferpe de
fon mary.Elle fut iugee à Compiegne,& depuis executee à mort. Ie de-
duiray en fon lieu la conuenance & accord perpetuel d'hiftoires fem-
blables des peuples diuers , & en diuers fiecles rapportees aux actions
des Sorciers, & à leurs confeffions. Il ne faut donc pas s'opiniaftrer co-
tre la verité,quand on voit les effects, & qu'on ne fçait pas la caufe Car
il faut arrefter fon iugement à ce qui fe faict, c'eft à dire,ön koti quand
4.Verba l'efprit humain ne peut fçauoir la caufe,c'eft à dire , dtórt, qui font les
Platonis deux moyens de monftrer les chofes . Et mefme Platon * quoy qu'il
lib. 12.de fuft grand perfonnage , & comme il a cfté furnommé Diuin : quand il
legibus. vient à difcourir des actions des Sorcieres , qu'il auoit diligemment re-
PREFACE.
ἄξισμ
cherchees , & examinees en l'onziefme liure des loix, dict : que c'eft in ä§iop
chofe difficile à cognoiftre,& quad on la cognoift, il eft difficile à per- mxleep
fuader, & plufieurs,dict-il,fe mocquent quand on leur dift,que les Sor- en av-
ciers vfent d'images de cire, qu'ils mettet aux fepulchres , & aux carre-
fours,& enterrent foubz les portes, & qui par charmes, enchantemens , οτε ἄρα
ἴδοσίπου
& liaisos font chofes emerueillables. Nos Sorciers n'ót pas efté en Gre-
ce,ny leu Platon, pour faire des images de cire , par le moyen defquel- ungeva μe
les, & des coniurations qu'elles font , elles tuent les perfonnes à l'ayde μμт
de Sathan, come il s'eft verifié par infinis procès, ainfi que nous dirons, T-
& mefme le procez des Sorcieres d'Alençon pour faire mourir leurs quévad
ennemys: & leprocés d'Enguerand de Marigny eftoit principalement leu-
fondé fur les images de cire cóiurees,par le moyen desquelles, il eftoit ραις εἴ τ

accufé d'auoir voulu tuer le Roy. Comme il eft encores nouuelleméti Tgio-
aduenu d'vn Preftre Sorcier d'Angleterre , & Curé d'vn village, qui ser
s'appelle Iftincton , demye lieuë pres de Londres , qui a efté trouué faifi ἐπ μν
ὶ ή
au moys de Septembre,mil cinq cens ſeptante huict, de trois images de
cire coniurees,pour faire mourir la Royne d'Angleterre, & deux autres μασι γε
véwp vide
proches de fa perfonne. Vray eft quand l'aduis eft venu d'Angleterre,
le faict n'eftoit pas encores bien aueré. Or combien que Platon ne catera.
fçeuft aucunemet la caufe de telles chofes,fi eft-ce qu'il a tenu cela pour
certain & indubitable, & aux loix de fa republique il a eftably peine de
mort contre les Sorciers, qui feront mourir hommes ou beftes par ma-
gie, lequel homicide il a tres-bien diftingué des autres homicides fans
magie: Comment en cas pareil Philon Hebrieu au liure di Tharα-
Φερομλίωμ εἰ εἰδή νόμωμ. Les ignorans penfent qu'il eft impoffible : Les
Atheiſtes, & ceux qui contrefont les fçauans , ne veulent pas confeffer
ce qu'ils voyent, ne fçachans dire la cauſe,afin de ne ſembler ignorans.
Les Sorciers s'en mocquent pour deux raifons , l'vne pour ofter l'opi-
nion qu'ils foyent du nombre: l'autre pour eftablir par ce moyen le re-
gne de Sathan: Les fols & curieux en veulent faire l'effay:comme il ad-
uint en Italie en la ville de Come n'a pas long temps , ainfi que recite
Sylueftre Prieras , que l'Official & l'Inquifiteur de la Foy ayant grand
nombre de Sorcieres qu'ils tenoiet en prifan, & qui ne pouuoient croi-
re les chofes eftranges qu'elles difoient , ils en voulurent faire la preu-
ue,& fe firent mener par l'vne des Sorcieres, & fetenas vn peu à l'efcart
ils virent toutes les abhominations , hommages au Diable, danſes, co-
pulations, & en fin le Diable qui faifoit femblant ne les auoir pas veuz,
les battit tant , qu'ils en moururent quinze iours apres. Les autres ont
renoncé à Dieu, & fe font vouez à Sathan pour faire l'experience. Mais
il leur aduint comme aux beftes, qui entrent en la cauerne du Lyon, qui
ne retournent iamais. Or les homes, qui ont la crainte de Dieu, apres
auoir veu les hiftoires des Sorciers , & contemple les merueilles de
Dieu en tout ce monde , & leu diligemment fa loy , & les hiſtoires ſa-
PREFACE.
crees, ne reuoquent point en doute les chofes qui femblét incroyables
aufens humain,faifant iugemét , que fi plufieurs chofes naturelles font
incroyables,& quelques vnes incomprehenfibles,à plus forte raifon la
puiffance des intelligéces fupernaturelles, & les actios des efprits eft in-
comprehenfible. Or nous voyons des chofes en nature eſtranges, neat-
moins qui fe font ordinairement, cóme d'enuironner la terre & la mer,
ce que font noz marchans, & courir la pofte pieds contremont , qui a
femblé ridicule à Lactance,& à S.Auguftin,lefquels ont nyé qu'il y cuft
des Antipodes,chofe toutesfois auffi certaine, & auffi bien demonftree
que la clarté du Soleil, & ceux qui difoient qu'il eft impoffible que l'e-
fprit malin transporte l'homme à cent ou deux cens lieuës de fa maiſon,
n'ont pas confideré, que tous les cieux & tous ces grands corps celeftes
fontleur mouuement en vingt & quatre heures, c'est à dire, deux cens
quarante & cinq millions , fept cens nonante & vn mil, quatre cés qua-
rante lieuës à deux millepas la lieue , come ie demonftreray au dernier
chap.S'ils difent qu'on void celà par chacun iour, & qu'il faut s'arrefter
au fens,ils confefferót doncques qu'il faut croire & s'arreſter aux actiós
des efprits contre le cours de nature, puis que nous ne pouuos pas mcf-
mes comprendre les merueilles de nature,que nous voyons affiduelle-
ment deuant noz yeux,attendu mefmemét que les Philofophes ne font
pas d'accord en quoy gift la marque de verité qu'ils appellent xpiтgiov
THS &λнedas. Les Philofophes Dogmatiques mettet la reigle,pour co-
gnoiftre le vray dufaux aux cinq cens rapportez à la raison : Platon &
Democrite reiectent les fens, & difent que l'intellect eft feul iuge de la
verité.Theophrafte mettoit entre les fens & l'intellect, le fens commun
qu'il appelloit To Evægyés . Mais les Sceptiques voyans qu'il n'entre rié
en l'ame raisonnable, qui n'ait premierement efté perçeu par lefens , &
que les fens n'ous abufent,ilz ont tenu qu'on ne peut rien fçauoir. Car
1.To πwα ilz diſoiét,que fi la maxime d'Ariftote empruntee de Platon, que l'ame
κίδιον intellectuelle eft come la carte blanche ' propre à iecter les peintures,
AeUxóv.
Λευκόν. & qu'il n'y a rien en l'ame qui n'ayt premieremét efté au fens, eft verita-
2. xxxo ble,qu'il eft impoffible de rien fçauoir. D'autant que le fens,qui eft le

μάρτυ plus clair, & le plus agu de tous les fens , eft la veuë, & neantmoins que
les yeux font faux tefmoins, comme difoit le bon Heraclite, ' nous mó-
ρες ανθρώ
ftrant le Soleil d'vn ou deux piedz de grandeur, qui eft cent & foixante
ποισιν,
& fixfois plus grand que la terre, & font voir en l'eau les chofes beau-
ὀφθαλ
coup plus grandes qu'elles ne font, & les baftons tortus qui font droits:
μοί. Et quant aux autres fens qu'ilz font tous differens aux ieunes & aux
3.Ptolome vieux, encores qu'ilz foyent bien fains. Car l'vn trouue chaud, ce que
in Alma- l'autre trouue froid : Et vne mefme perfonne en diuers teps rend diuers
geftib.li.s. iugemés de mefmes chofes appliquees aux fens,come il est tout notoi-
re. Le premier qui fift cefte ouuerture fut Socrate,qui dift qu'il ne fça-
uoit qu'vne chofe, qui eftoit qu'il ne fçauoit rien: Et depuis cefte fecte
prin c
PREFACE.
print accroiffemétpar le moyen d'Arcefilas chefde l'Academie, & fut
fuiuy d'Arifto, Pirrhon , Herile, & de noftre memoire par le Cardinal
Cufan,aux liures qu'il a fait de la Docte ignorace. Et tout ainfi que les
premiers s'appelloiét par hóneur Dogmatiques , c'eft à dire, Docteurs,
les feconds s'appelloient Septiques , ou Ephectiques,c'eft à dire, Dou-
teurs : lefquels mefmes ne vouloiet pas confeffer qu'ils ne fceuffent rie:
} (cóme Socrate auoit cófeffé)car en confeffant qu'ils fçauoient tresbien

qu'ils ne fçauoient rien, ils confeffoiet qu'on pouuoit fçauoir quelque


chofe.Tellement que fi on leur demandoit, s'ils fçauoiet que le feu fuft
chaud,ou que le Soleil fuft clair,ils refpódoiet qu'il y falloit péfer : Co-
me Socrate qui difoit qu'il ne fçauoit s'il eftoit homme ou befte. Et de
faict Polyenus le plus grand Mathematicien de fon aage, ayant ouy les
Sophifteries de l'Epicure,fur ce point cófeffa que toute la Geometrie
eftoit fauffe, laquelle toutesfois on iuge la plus veritable de toutes , &
qui moins defpend des fens , lefquels fens Arifto. a mis pour feul fon 4. in pofte
rioribus
dement de toutes fciences , & aufquels dict qu'il faut s'arrefter , & par
vn recueil des indiuiduz particuliers, cópofer les maximes vniuerfelles, Analyti
pour auoir les fciences , & la verité qu'on cherche . Or s'il falloit ad- cis , & lib.
ioufter foy aux fens tant feulement , la reigle d'Ariftote demeureroit 4.06.0
faufe : car tous les hommes du monde, & les plus clairs voyans con- 7; Meta-
fefferont que le Soleil eft plus grand , & les chofes qu'on void en l'eau phyfica.
plus petites qu'elles n'apparoiffoient : Et qu'il eftfaux que le bafton
foit rompu en l'eau , lequel apparoift tel à chacun . Auffi l'opinion de 2. l. 7. de
Platon & de Democrite faulfe , qui ne s'arreftent qu'à l'intellect pour ftatu ho-
iuger la verité: Car il eftimpoffible que l'hommeaueugle puiffe iu- minu. l. 2.
ger des couleurs, ny le fourd des accords. Il faut donc s'arrefter à l'opi- de fuis &
nió de Theophrafte, qui a recours au fens comun, qui eft moyen entre legitimis
.Auth.
les fens & l'intellect, & rapporter à la raison comme à la pierre de tou- ff
che,ce qu'on aura veu, ouy,goufté, & fenty. Et d'autāt plus qu'il y a des de reftit.
choſes fi hautes, & fi difficiles à cóprendre, qu'il n'y a que peu d'homes fideicom.
qui en foient capables : en ce cas il faut croire chacun en fa fcience?Tel- en qua
lemét que fitout le monde tenoit pour affeuré , que le Soleil & la Lune parit xi.
font efgaux,come il femble quad ils font oppofites au Leuat, & au cou- menſe l.
chant : Si eft- ce qu'il faudra toufiours fe r'apporter aux fages, & expers Aediles
en la ſcience,qui ont demonftré que le Soleil eft plus grand que la terre aiunt de
centfoixante & fix fois,& trois huictiefmes d'auatage, & plus grád que Aedilitio
la Lune,fix mil cinq cens quarate & cinq fois,& fept huictiefmes d'aua- edicto l. 1.
tage,tout ainfi que les Iurifconfultes fe rapportét aux Medecins en ce de ventre
qui touche leur fcience,& ne veulet rien determiner. Orles fecrets des infpiciedo.
S Sorciers ne font pas fi couuerts , que depuis trois mil ans on ne les ayt 3. Leuitici.
defcouuerts par tout le mode. Premieremét la loy de Dieu, qui ne peut 20. 4. l.
mentir,les a declarez, & fpecificz par le menu , & menaffe d'exterminer 13.de Ciui-
les peuples qui ne feroient ' punition des Sorciers. Il faut dóc s'arrefter taleDei.
i
PREFACE.
là, & ne faut pas difputer contre Dieu des chofes que nous ignorons.Et
neatmoins les Grecs, & les Romains , & autres peuples auat que d'auoir
ouy parler de la loy de Dieu,auoient en mefme abhomination les Sor-
ciers,& leurs actions, & les puniffoient à mort, comme nous dirons en
fon lieu. Bref,toutes les fectes du monde,dict S. Auguftin, ont decerné
peines contre les Sorciers.Et s'il faut parler aux expers pour en fçauoir
la verité, y en a- il de plus expers que les Sorciers mefmes , lefquels de-
puis trois mil ans ont rapporté leurs actions, leurs facrifices, leurs dan-
fes, leurs tranfports la nuit, leurs homicides,charmes, liaiſons, & Sor-
celleries, qu'ils ont cófeffé & perfifté iufques à la mort? On voit en cela,
que tous ceux qu'on a bruflé en Italie, en Allemaigne, & en Fráce , s'ac-
cordent de poinct en poinct: Or fi le cómun confentement de la loy de
Dieu ,des loix humaines de tous les peuples, des iugemens, conuiciós,
confeffions,recolemens ,confrontations, executions : file comun con-
fentement des Sages ne fuffift , quelle preuue demãderoit on plus gran-
de?quand Ariftote veut monftrer que le feu eft chaud : c'eft dict- il, qu'il
femble tel aux Indois, aux Gaulois, aux Scites, & aux Mores.Quand aux
argumens qu'on peut faire au contraire , i'efpere qu'vn chacun en fera
fatitfaict par cy apres: Ce pendant nous laifferós ces maiftres douteurs,
qui doutent fi le Soleil eft clair, fi la glace eft froide, fi le feu est chaud,
& quand ont leur demande s'ils fçauent bien comme ils s'appellent , ils
refpódent qu'il faut y aduifer. Or il n'y a pas gueres moins d'impieté de
reuoquer en doubte , s'il eft poffible qu'il y ayt des Sorciers, que reuo-
quer en doubte s'il y a vn Dieu , celuy qui par faloy a certifié l'vn , a auffi
certifié l'autre. Mais le cóble de tous erreurs eft prouenu de ce que les
vas qui ontnyéla puiffance des efprits , & les actions des Sorciers, ont
voulu difputer Phyficalement des chofes fupernaturelles ou Metaphy-
fiques, qui eft vne incongruité notable. Car chacune fciéce a fes princi-
pes & fondemés, qui font diuers les vns des autres: le Phyficien tiet que
les atomes font corps indiuifibles, qui eft vn erreur intolerable entre les
Mathematiciens,qui tiennent, & demonftrent que le moindre corps du

2. lib. 2. monde eft diuifible en corps infinis,le Phyficien demonftre, ' qu'il n'y a
rien infiny, & le Metaphyficien tiet que la premiere caufe eft infinie: Le
φυσικά
Phyficien mefure le téps paffé & futur par le nombre du mouuement :le
Metaphyficien prend l'eternité fans nobre, ny teps ,ny mouuement: Le
3.lib.4. Phyficien demoftre, qu'il n'y a rien ' en lieu du mode qui ne foit corps,
6. Quot & que rien ne peut fouffrir mouuemét que le corps , & qu'il n'y a tou
фить- chement que de corps à corps :le Metaphyficien demonftre qu'il y a des
κῆς ἄκρο
efprits & Anges qui meuuet les cieux , & accidentalemet fouffret mou-
4. lib. 8: nemet au monuement de leurs cieux comme Ariftote + confelle, & par
των με
confequent que les efprits ne font pas par tout en mefme teps . Ains que
τὰ τὰ
par neceffité ils font au lieu où leur action fe fait paroiftre: le Phyficien
φυσικά demonftre que la forme naturelle n'eft peintdeuant le fubic& , ny hors
de la.
PREFACE.
de la matiere, & fe perd du tout par corruption: Ce qu'Ariftote dict ge-
nerallement de toutes formes naturelles : Mais il demóftre que les for-
mes Metaphyfiques demeurent feparees fans fouffrir aucune corruptio
ny changement , & qui plus eft le mefme autheur en fa Metaphyfique
* dit que la forme de l'home qui eft l'intellect, vient de dehors vfant du 4.lib.12.
mot lúgalerie , & demeure apres la corruptio da corps, d'auáta- 2. lib . 2. de
getous les Phyficiens tiennent pour vn principe indubitable, que deux generat.
formes ne peuuent eftre en vn fubiect , ains que toufiours l'vne challe animal.
l'autre , & qu'il n'y a iamais de tranfport ou commigration de formes lib.12 . Me-
d'vn corps en l'autre,& neantmoins on void à l'œil,que les Demons, & taphyfic.
malins efpritsque les Peripateticiés appellentformes feparees, fe met-
tent dedans le corps des hommes & des beftes,parlant dedas leur corps
la bouche de l'home clofe, ou la langue tiree hors iufques aux Laryn-
ges, & parlent diuers langages incogneuz à celuy qui eft poffedé de l'e
fprit:& qui plus eft,ils parlent tantoft dedans le vétre,tátoft par les par-
ties honteufes , que les anciens pour cefte caufe appelloient yyasgo
μύθοις , & έγγας ιμάντεις , & εὐρικλέας , & ( on veut dire comme les
Academiciens, que les Demons ont corps,il fera encores plus eftrange,
& contre les principes de nature,qui ne fouffret pas qu'vn corps pene-
tre l'autre: & toutesfois celà s'eft veu de toute antiquité, & fe void ordi-
nairemét en plufieurs perfonnes affiegees des efprits . C'est pourquoy
Ariftote dict , que les anciens n'ót pas voulu mefler la difpute de la Phy-
fique auec les fciences Metaphyfiques: mettat les Mathematiques entre
les deux,pour faire entendre qu'il ne faut pas apporter les raifons natu-
relles au jugemét des Sorciers, & des actions qu'ils ont auec les Demos
& malins efprits. Et afin q le fuget, qui eft de foy difficile & obfcurfoit
mieux entedu , i'ay diuifé l'œuureen quatre parties. Au premier liurei'ay
parlé de la nature des efprits, & de l'affociatió des efprits auec les hom-
mes , & des moyens diuins pour fçauoir les chofes occultes : puis des
moyens naturels pour paruenir à mefme fin.Au fecond liure i'ay le plus
fommairemét qu'il a efté poffible, touché les arts & moyés illicites des
Sorciers, fans toutesfois que perfonne puiffe tirer aucune occafió d'en
faire mal fon profit:ains feulemet pour monftrer les pieges & filets def-
quels on fe doit garder, & foulager les luges qui n'ot pas loifir de recer-
chertelles chofes: & lefquels neantmoins defiret eftre inftruits pour af
feoir iugement.Au troifiefime liure i'ay parlé des moyés licites & illici-
tes pour preuenir ou chaffer les fortileges. Au quatriefme liure de l'in-
S
quifition & forme de proceder cótre les Sorciers,& des preuues requi-
1
fes pour les peines cótre eux ordónces.A la fin i'ay mis la refutation de
Ica VVier,& la folutió des argumés qu'o peutfaire en ce traité,rappor
tát tous mes difcours aux reigles & maximes des ancies Theologies, &
à la determination faite par la faculté de Theologie de Paris le xix.iour.
de Septébre M. cccxcviii. que i'ay faict adioufter pour y auoir recours .
FIN. í ij
DETERMINATIO PARISIIS FACTA
PER ALMAM FACVLTATEM THEOLOGICAM.
Anno Domini M. CCCXVIII . fuper quibufdam
fuperftitionibus nouiter exortis.

PRAEFATIO.

NIVERSI S orthodoxæ fidei zelatoribus Cancella-


rius ecclefiæ Parifienfis & facultas Theologiæ in alma vni-
uerfitate Parifien. matre noftra cum integro diuini cultus ho-
nore fpem habere in domino : atin vanitates & infanias fal-
fasnon refpicere. Ex antiquis latebris emergens nouiter er.
rorum fœda colluuio recogitare commonuit:quòdplerum-
que veritas catholica apud ftudiofos in facris literis apertiffi
ma eft : que cæteros latet, nimirum cum hoc proprium habeat
omnis ars manifeftam effe exercitatis in ea ,ficvt ex eis con-
furgat illa maxima, Cuilibet in fua arte perito credendum eft. Hinc eftorationum il-
lud quod Hieronymus ad Paulinum fcribens affumit .Quod medicorum eft,promit-
tant medici : tractent fabrilia fabri. Accedit ad hæc in facris literis aliud fpeciale quod
nec experientia & fenfu conftant aliæ artes, nec poffunt ab oculis circumuolutis nu-
bevitiorum facilè deprehendi. Excæcauit enim eos malitia corum. Ait fiquidem A-
poftolus quòd propter auaritiam multi errauerunt à fide : propterea non irrationa-
biliter idolorum feruitus ab eodem nominatur : alij propter ingratitudinem quicum
cognouiffent Deum: non ficut Deum glorificauerunt in omne idololatriæ impietate
(ficut idem commemorat) corruerunt Porro Salomonem ad idola, Didonem ad ma-
gicas artes pertraxit dira cupido . Alios poftremò mifera timiditas tota ex craftino
pendens in obferuationes fuperftitiofiffimas impiáfque depulit : quemadmodú apud
Lucanum de filio Pompey Magni, & apud hiftoricos de plurimis notum eft . Ita fit ve
recedens pecator à Deodeclinet in vanitates & infanias falfas , & ad eum qui pater
eft mendacij tandem , impudenter palámque apoftatando fe conuertat . Sic Saul
à Domino derelictus Phytoniffam cui prius aduerfabatur , confuluit : fic Ocho-
zjas Deo Ifrael fpreto mifit ad confulendum Deum Acharon. Sic denique eos om-
nes qui fide vel opere abfque Deo vero funt, vt à Deo falfo ludificentur neceffe eft.
Hanc igitur nefariam peftiferam mortiferâmque infaniarum falfarum cum fuis hæ
refibus abominationem plus folito noftra ætate cernentes inualuiffe , ne forfan
Chriftianiffimum regnum quod olim monftro caruit & Deo protegente carebit , in-
ficere valeat tam hotrendæ impietatis & pernicioffimæ contagionis monftrum : Cu-
pientes totis conatibus obuiare memores infuper noftræ profeffionis : proque legis
zelo fuccenfipaucos ad hanc ré articulos dānationis cauterio ( ne deinceps fallant in-
cogniti notare decreuimus : rememorantes inter cætera innumera dictum illud fa-
pientiffimi doctoris Auguftini de fuperftitiofis obferuationibus. Quod qui talibus.
credunt aut ad eorum domum euntes aut fuis domibus introducunt aut interrogant,
feiant fe fidem Chriftianam & baptifmum præuaricaffe, & paganum & apoftatam , id
eft,retro abeuntem & Dei inimicum & iram Dei grauiter incurriffe , nifi Ecclefiaftica
pœnitentia emendatus Deo reconcilietur. Hæcille. Neque tamen intentio noftra cft
in aliquo derogare quibufcunque licitis & veris traditionibus , fcientiis & artibus.
fed infanos errores atque facrilegos infipientium & ferales ritus pro quanto fidem
orthodoxam & religionem Chriftianam lædunt , contaminant , inficiunt , radicitus
quantum fas nobis eft extirpare fatagimus : & honorem fuum fincerum relinquere
veritati.

EST AVTEMA.
ST AVTEM primus articulus quòd per artes magicas & maleficia &
inuocationes nefarias quærere familiaritates & amicitias & auxilia dę-
monum non fit idololatria. Error. Quoniam dæmon aduerfarius perti
nax & implacabilis Dei & hominis iudicatur:nec eft honoris vel domi-
ni cuiufcunque diuini verè feu participatiuè vel aptitudinaliter fufcep-
tiuus vt aliæ creaturæ rationales non damnatæ:nec in figno ad placitum inftituto , vt
funt imagines & templa Deus inipfis adoratur.
Secundus arriculus,quòd dare,vel offerre, vel promittere demonibus qualemcun-
que rem vt adimpleant defiderium hominis,aut in honorem corum aliquid ofculari
ve portare non fit idololatria.Error.
Tertius,quod inire pactum cum dæmonibus tacitum vel expreffum non fitidolo.
latria vel fpecies idololatrię vel apoftafiæ.Error.Et intendimus effe pactum implicită
in omni obferuatione fuperftitiofa,cuius effectus non debet à Deo vel natura ratio-
nabiliter expectari .
Quartus,quod conari per artes magicas dæmones in lapidibus ,anulis ,fpeculis aut
imaginibus nomine eorú confecratis, vel potius execratis includere cogere & arctare
vel cas velle viuificare, non fit idololatria.Error.
Quintus,quod licitum eft vti magicis artibus , vel aliis quibufcunque fuperftitio-
nibus à Deo & Ecclefia prohibitis pro quocunque bono fine.Error: quia fecundum
Apoftolum non funt facienda mala vt bona eueniant.
Sextus,quod licitum fit aut etiam permittendum maleficia maleficiis repellere.
Error.
Septimus,quod aliquis cum aliquo poffit difpenfare in quocunque cafu, vt talibus
licite vtatur. Error.
Octauus,quod artes magicæ & fimiles fuperftitiones & earum obferuationes fint ab
Ecclefia irrationabiliter prohibitæ.Error.
Nonus,quod Deus per artes magicas & maleficia inducatur compellere dæmones
fuis inuocationibus obedire.Error.
Decimus, quod thurificationes & fuffumigationes quæ fiunt in talium artium &
maleficiorum exercitio fint ad honoré Dei & ei placeant . Error & blafphemia, quo-
niam Deus alias non veniret vel prohiberet.
Vndecimus,quod talibus & taliter vti non eft facrificare feu immolare dæmonib
& ex confequenti damnabiliter idololatrare.Error.
Duodecimus,quod verba fanéta & orationes quædam deuotæ & ieiunia & bal-
neationes & continentia corporalis in pueris & aliis , & miffarum celebratio: & alia o
pera de genere bonorum quæfiunt pro exercédo huiufmodi artes excufent cas à ma-
lo & non potiùs accufent .Error :nam per talia facræ res immo ipfe Deus in Eucharis
ftia dæmonibus tentatur immolari ,& hæc procurat dæmon,vel quia vult in hoc ho-
norari fimilis altiffimo,vel ad fraudes fuas occultandas, vel vt fimplices illaqueet fa-
cilius , & damnabilius perdat..
Decimustertius , quod fancti prophetæ & alii fancti per tales artes habuerunt
fuas prophetias , & miracula fecerunt aut dæmones expulerunt . Error & blafphe--
mia.
Decimulquartus,quodDeus per fe immediate vel per bonos angelos talia maleficia
fanctis hominibus reuelauerit Error & blafphemia.
Decimufquintus quod poffibile eft per tales artes cogere liberum hominis arbitriu
ad voluntatemfeu defiderium alterius. Error: & hoc conari facere eft impium & ne-
farium .
Decimuffextus, quod ideo artes præfatæ bonæ funt & à Deo, & quod eas licet ob-
feruare:quia per eas quandoque vel fæpe euenit ficut vtentes eis querunt vel prædi-
cunt,quia bonum quandoque prouenit ex eis .Error.
Decimuffeprimus, quod per tales artes dæmones veraciter coguntur &compellun--
tur,& non potius ita fe cogi fingunt ad feducendos homines .Error.
Decimufo& tauus,quodper tales artes & ritus impios,per fortilegia , percarmina
ž jij
& inuocationes dæmonum,per quafdam iufultationes & alia maleficia nullus vnquã
effectus minifterio dæmonum fubfequatur.Error . Nam talia quandoque permittit
Deus contingere:patuit in magis Pharaonis & alibi pluries :vel quia vtentes, fen co-
fulentes propter malam fidem & alia peccata nephanda dati funtin reprobum féfum
& demerentur fic illudi .
Decimufnonus, quod boni Angeli includantur in lapidibus & confecrent imagi-
nes vel veftimenta aut alia faciant quæ in iftis artibus continentur.Error: & blafphe-
mia.
Vicefimus,quod fanguis vpupa vel hædi vel alterius animalis , vel pergamena vir-
gineu vel corium leonis & fimilia habeant efficaciam ad cogendos vel repelledos dæ
mones minifterio huiufmodi artium.Error.
Vicefimufprimus, quod imagines de ære plumbo vel auto, de cera alba vel rubea
vel alia materiabaptizate exorcizate & confecratafeu potius execrata fecundum
prædictas artes &fub certis diebus habent virtutes mirabiles, quæ in libris talium at-
tium recitantur.Error in fide & philofophia naturali, & aftronomia vera.
Vicefimuffecundus ,quod vti talibus & fidem dare non fit idololatria & infidelitas.
Error.
Vicefimuftertius, quod aliqui dæmones boni funt,alij omnia fcientes,alij nec fal·
uati nec damnati. Error.
Vicefimufquartus, quod fuffumigationes quæ fiunt in huiufmodi operationibus
conuertuntur in fpiritus,aut quod fint debitæ eis. Error.
Vicefimufquintus,quod vnus dæmon fit rex Orientis & præfertim fuo merito &
alius Occidentis,alius Septentrionis,alius Meridiei Erros.
Vicefimuffextus,quod intelligentia motrix coeli influit in animam rationale: ficut
corpus cœli influit in corpus humanum.Error.
Vicefimueffptimus,quod cogitationes noftræ intellectuales & volitiones noftræ
interiores immediatæ caufantur à cælo & quod per aliquam traditionem magicam
tales poffint fciti , & quod per illam de eis certitudinaliter iudicare fit licitum.
Error.
Vicefimufoctauus articulus ,quod per quafcunque artes magicas poffimus deue-
nire ad vifionem diuinæ effentiævel fan& torumfpirituum . Error.
Actafunt hæc & poft maturam crebrámque inter nos & deputatos noftros exami-
nationem,conclufa in noftra congregatione generali Parifiis apud fanctum Mathuri
num demanefuper hoc fpecialiter celebrata. Anno Domini M.ccccxviij.die 19.men-
fis Septembris,In cuius rei teftimonium figillum dicæ facultatis prefentibus literis
duximus anteponendum,

Originale huius determinationis eft figillatum magno figillo


facultatis Theologica Parifiis.

SOMMAIRE
SOMMAIRE DES

CHAPITRES.

LIVRE PREMIER.

CHAP. I. A definition duSorcier.


CHAP . II. De l'affociatio des Efprits auec les homes .
CHAP. III. La difference d'entre les bons & malings
Efprits .
CHAP. IIII. De la Prophetie & autres moyens diuins pour

fçauoir les chofes occultes.


CHAP. V. Des moyens naturels & humains, pour fçauoir les
chofes occultes.
CHAP. VI. Des moyens illicites pourparuenir à choſe qu'on pre-
tend.
CHAP. Vil. De le Teratofcopie, Arufpicine, Orneomantie, Hie
rofcopie, autres femblables.

LIVRE SECOND .

СНАР. І. De la Magie en general.


CHAP. IF 4 • Des inuocations tacites des malings Efprits.
CHAP . II I. Des inuocations expreffes des malings fprits.
CHAP. IIII De ceux qui renoncent à Dieupar couention expreſſe,
les Da
s'ils font transportez en corps par
mons.
CHAP. V.
De l'Ecftafe & rauiffement des Sorciers , & desfre-
quentations ordinaires qu'ils ont auec les Da
mons.
CHAP. VI. De la Lycanthropie , &files Efprits peuuent changer
les hommes enbeftes.
CHAP. VII. Siles Sorciers ont copulation auec les Dæmons.
CHAP. VIII . Siles Sorcierspeuuent enuoyer les maladies ,
fterilitez,
grefles & tempeftes, & tuerkommes & beftes..
LIVRE TROISIESME.

CHAP . I. Les moyens licites d'obuier aux charmes & Sorcel-


leries.
CHAP. II. Si les Sorcierspeuvent affeurer la fanté des hommes
allaigres,& donnerguariſon aux maladies.
CHAP. III. Siles Sorciers peuuent auoirpar leur meſtier , lafa-
ueur desgrands, la beauté,les plaifirs, les honeurs,
les richeffes , lefçauoir, & donnerfertilité.
CHAP. IIII. Siles Sorciers peuuent nuyre aux vnsplus qu'aux
autres .

CHAP. V. Des moyens illicites pour preuenir les charmes &


malefices , guarir les maladies.
CHAP. V I. De ceux quifont afsiegez forcezpar les malings
Efprits, les moyens de les chaffer.

LIVRE QVATRIESME.

СНАР . І. De l'Inquifition des sorciers.


CHAP. II. Des preuues requifes pour auerer le crime de for-
cellerie.
CAAP. III. De la confefsion volontaire force quefont les
Sorciers.
CHAP. IIII. Des prefomptions contre les sorciers .
CHAP. V. Despeines quemeritent les sorciers.
Refutationdes opinions de Iean VVier.

FIN.
Ι

LA DEFINITION

DV SORCIER.

CHAPITRE PREMIER.

ORCIER eft celuy qui par moyens

Diaboliques fciemment s'efforce de

paruenir à quelque chofe . l'ay pofé

cefte definition qui eft neceffaire non

feulement pour entendre ce traicté,

ains auffi pour les iugemens que il fault rendre contre

les Sorciers, ce qui a efté obmis iufqs icy de tous ceux


qui ont efcript des Sorciers, & neantmoins c'eſt le fō-

dement fur lequel il faut baftir ce traicté . Deduifons


donc par le menu noftre definition , Premierement

ï'ay mis le mot , Sciemment :puiſqu'il eft ainſi que l'er-

reur ne peut emporter aucun confentement , comme


dit la loy tellement que le malade qui vfe de bonne nihil co
fenfui,dere
foy d'vne recepte Diabolique à luy baillee par le Sor- gull ſtu-

cier,qu'il penfoit estre homme de bien , n'eft point prun, de a


delt.ff.l.aut
Sorcier, car il a iufte caufe d'ignorance: Mais non pas fata , depœ

file Sorcier luy declare , ou s'il inuoque les malings nisff.

Efprits en fa prefence , comme il ſe faict quelques-


fois : Ce que l'ay mis feulement pour exemple , &

qui feraplus amplement declaré cy apres en fon licu.

Mais il faut fçauoir quels font les moyens Diaboli-


A
DES SORCIERS

ques.Le mot de Diable fignifie en Grec, Calóniateur,


0.21aBo-
295 magà parce qu'il efpie toufiours les actions des gens ver-

To 21x- tueux, comme il fe void en l'efcripture faincte , & les

C&xp. calomnic deuant Dieu: Et les moyens Diaboliques


I.lob.ca. 1. font les fuperftitions, & impietez controuuées , & en-

feigncés par Sathan à fes feruiteurs pour ruiner é per-

dition le genre humain .Et pour cefte cauſe les He-


brieux l'ont appellé Sathan, c'est à dire l'ennemy,co-

2. Lib. S4- me dit Salomo que Dieu à creé l'homme à fon ima-

pient.ca.
& Ecclefia3ge , pour eftre immortel,mais que par l'enuie de Sa-
ftici c.17.et than la mort eſt entree au mode, ce qui eſt auſſi recité

Genefis ca. en plufieurs lieux de l'efcripture faicte .Enquoy il pre-


3.10b.cap.1.
fuppofe nonfeulement,qu'il y a vn ennemy du gére

humain ,ains auſſi qu'il a eſté creé dés le commence-


3.10b.c. 40 ment, comme il eft dict en Iob '. Or non feulement la

faincte Efcripture, ains auffi tous les Academiciens,


Peripateticiens, Stoïciens , & Arabes demeurent d'ac

cord de l'exiſtence des efprits:tellement que le reuo ,

quer en doubte(come font les Atheiſtes Epicuriens )

ce feroit nier les principes de toute la Metaphyſique,

& l'exiſtence de Dieu, qui eft demöftree par Ariftote:


4. Libris & le mouuemet des corps celeftes qu'il attribue aux
Phyfic.
Metaphyfic. Efprits & Intelligences, car le mot d'efprit s'ented des
Anges, & Dæmons. Et combien que Platon , Plutar-

que,Porphyre, Iamblique, Plotin tiennent qu'il y a


de bons & mauuais Dæmons:fi eft ce que les Chre-

5.Auguſt. ſtiens prennent toufiours le mot de Dæmons pour


in Ioann .
traft. 42. malings efprits : Et mefmes la determination refolue

lib.8.deci- en la Sorbonne le x 1 x . Septembre 1378. condamne


uit.Dei ,ca. comme heretiques ceux qui tiennent qu'il y a de

bons
LIVRE PREMIER. 2

bons Dæmons,fuyuant l'aduis des anciens Docteurs, 22.∞ lib.

tout ainfi que les efprits Angeliques font toufiours e- devera re-
lig. cap. 13.
ftimez bons, qui eft vne refolution trefbonne , & ne- & lib.con-

ceffaire pour trancher l'excufe, & impieté de ceux qui a Mani-


chaos , cap.
appellet, & inuoquet les Diables foubz le voile de bos
33.& con-
Dæmons.Et quant à l'origine des Demos c'eft chofe tra Palagi
bien fort difficile pour l'affeurer , & de faict Platon lib.1 .

quand il en parle au Timee, dit ainfi : iz Thr Spor

εἰπᾶν καὶ γνῶναι τω γένεσιν μεῖζον ἢ καθ᾽ ἡμᾶς : πιςέομ 5 τοῖς εἰρικο-

σ que , c'eſt à dire , que le difcours , & origine des

Dæmos paffe noftre entêdemét, &qu'il fault s'arreſter

à ce q les áciés en auoiet dit. Auffi pouuos no' fuyure

l'opinion des anciens, qui tiennét que Dieu creatous


les efprits en grace, & fås peché, & que les vns ſe vou-
lurent efleuer cótre luy,qui furent precipitez . Et rap-

portent à ce propos la cheute du Dragon attirant a-

ucc luy grand nombre d'Eftoilles figuré en l'Apoca-


lypfe par le Prince des Dæmons, & fes fugets : ce que 6. Apocal

les anciens Payens ont rapporté à la Gygatomachie : 12 .


Et meſmes Pherecides eft de ceft aduis, appellant le

Dragon Ophionaum , chef des Anges rebelles , & Trif-


megiſte in Poimandro, & le dire d'Empedocle, qui ap-

pelle les Dæmons tombez du ciel gavoutres . Sainct

Auguftin eft de ceft aduis auffi au liure VII 1.chapitre

XXII.de la Cité: laquelle opinion pour fon antiqui-

té . & pour l'auctorité de ceux qui l'ont tenue, eft re-


ceuë des Chreftiens . Et neantmoins il femble que

Dieu a creé ce grand Sathan au commencement du

monde, que l'efcripture appelle Behemoth, & Leuia-


: than: carFeſcripture ſaincte dict, Is prima rerum origi-

A ij
1

DES SORCIERS

7.xob.c.40 ne à Deo conditus ' eft:Et pour montrer qu'il n'a pas efté
0.41.
creé en grace, on allegue le lieu de Iefaye ' , où Dieu

8. cap. 54 parle aifi: l'ay faict & formé Satha pour & affin de per-
dre,gafter,& deftruire:Et pour cefte cauſe ſouuent il

s'appelle Afmodaus , du moto , qui fignifie ruinere

comme Dieu parlant au peuple Hebrieu de la végea


ce,qu'il deuoit prendre de tous les premiers nés d'hō-
mes & beftes en tout le Royaume d'Egypte , le ne

permetteray pas, dit- il,que le Deftructeur entre é vos

9.1 maiſons.Orphee l'appelle auffi le grand Dæmon vẽ


-‫המשח תל‬
non geur: Et comme il eftoit maiftre Sorcieril luy chante
‫בו אלבחור‬
vn hymne: Ils alleguet auffi le Pfalme où il eft dict : Ce

grand Leuiathan que tu as formé pour trioōfer de luy:

Et ce qui eft dict en Exode, le tay fait ô Pharaon,pour

monftrer ma puiffance en toy: ce qui s'entend ( outre


l'hiftoire literale ) de Sathan , comme il dit en Ezechi-

el .Me voicy ton ennemy ô Pharaon grand Leuiatha,

Dragon couché au milieu de tes fleuues, qui as dit : Le

fleuue eſt à moy , & ie me ſuis faict &c . Îete feray la

paſture des oyfeaux du ciel.Les interpretes font d'ac-

cord que Leuiathan , Pharaon & Behemoth fignifie

ce grand Ennemy du genre humain, & que le Royau-

me d'Ægypte fignifie la chair, & la cupidité, & enten-


dent par le fleuue , le torrent de la nature fluide, qui va
toufiours coulant en corruption , qui eft propre au

deftructeur, contraire à Dieu Createur de toutes chos

fes. Cartout ainfi que le Createur, Pere & Generateur.

eft neceffaire pour la creatio & generation , auffi cftle

Corrupteur à la corruption fucceffiue en ce monde

elementaire:comme aufli au xxx.chapitre des Pro-


uerbes
LIVRE PREMIER. 3

uerbes allegoriques de Salomó il eft dict, que les cor-


beaux du torret creuent les yeux à celuy qui fe moc-

que de fo pere,& mefpriſe la doctrine de fa mere , ou


ilentend les Diables de ce torret elementaire , qui ap-

paroiffent ordinairement noirs come corbeaux , &

qui efteignet la lumiere de railon de ceux qui meſpri-


fent la loy de nature, & fe mocquent de Dieu . Et d'a-

uantage les Hebrieux tienent que satha perira, & alle-

guent Ezechiel chap.xxi . & Iefaye ' , où il eft dit que 3.cap. 27.

Dieu tuera vn iour ce grand Leuiathan , ce grand fer-


pent tortu, qui eft en la mer, & ented par la mer la ma-

tiere fluide, & elemétaire,que Plato, & Ariftote, cher-

chas l'originedu mal , ot dit eftre le fuget de to maux


& laqlle matiere Salomó en fes allegories, & parabo-

les appelle femme, quad il dict qu'il n'ya malice qui

approche la malice de la femme, & tatoft il l'appelle

paillarde, qui reçoit to homes, come la matiere tou-

tes formes, ainfi que le Rabin Maymo l'a interpreté. 4. Libro 1.


Ils disent auffi que les hommes qui fe font dedicz au
feruice de Dieu en ce monde feront come Anges de

Dieu Erunt, dit lefcripture ,ficut Angeli Dei , & que par SoMarci 13 ;
mefme moyen les homes qui ont renoncé Dieu, & ſe
fôt dédiez au feruice'de satha , outre les tourmés, qu'ils '

fouffriront,ils feruirent encores comme Diables , &


bourreaux de la iuftice de Dieu , & qu'ils periront en

fin, & alleguet Zacharie, oû il dit : Auferam fpiritum im-


mundum de terra : Et que les marques des Anges , &

Diables , des cileuz & des reprouuez eft que les vns au-
ront la vie eternelle , les autres mourront eternelle-

ment, apres auoir fouffert les tourmens códignes ài

A iij
DES SORCIERS

leurs mefchacetez , au temps determiné à chacun' par

le fecret confeil de Dieu . Voyla fommairement l'opi-

nion de quelques Theologiens Hebrieux , de laquel-


le les ancies Grecs ont efté abreuuez.Car nous voyos

8. In libro que Plutarque ' entre les raifons qu'il met, quad il dif-
Поль
έκλελοι - court pourquoy les Oracles font faillis ( ce que Cice-

πότων ron ' efcript eftre aduenulong temps au parauauant

Siop luy ) il dit que la vie des Dæmons eft limitee, & que i-
9. In libro
de diuina- ceux defaillás, les Oracles ont ceffé: Et Porphyre'auf-
tione. fir'apporte l'oracle d'Apollon en ces vers.
1. In libro
μοι τρίποδες ςοναχήσετε οίχετ᾽ ἀπόλλομ
JRI EU-
οίχετ' ἐπὶ φλούο μεβιάζεται οράνιο φως .
λογίωμ
417900- C'est à dire: Helas, helas pleurez tripodes , Apollon
φίας.
eft mort,il eft mort,par ce que la lumiere flamboyan-
te du ciel me force. Et le mefme autheur fur le Timee

de Platon, come recite Procle,tient que la plus lõgue

o . lib . 5. vie des Dæmos ne paffe point mil ans.Et de faict Eu-
cap.1.8.9
Teo To.. . febe hiftorie Ecclefiaftique, allegue l'hiftoire memo-

HEUNS rable r'apportee à l'Empereur Tybere, qui eft auffi en

xyye Plutarque . C'eft à fçauoir que plufieurs paffans en vn


ине.
2.lib. m
περί nauire les ifles Echinades ouïrent vne voix en l'air ap-
Te pellant plufieursfois Thamus, qui eftoit le patron du

Arnauire , auquel il fut dit quand il arriueroit aux Palo-


XeNOTH. des, qu'il declaraft que le grád Pá eftoit mort : Ce qui
ρίωμ.
fut faict, & foudain on ouyt de grands gemiffemens

& hurlemens fans voir perfonne.Or fainct Auguftin ,

Thomas d'Aquin, &plufieurs Theologies Hebrieux,


& Latins ont tenu, que de la copulatio des Dæmons

auec les femmes(qu'ils difent eftre fpecifice en l'efcri-


3.Genef.ca.
6. pture ' faincte, & que les Sorciers ont toufiours cófef-

(é)
LIVRE PREMIER . 4

fé) prouiennent des hõmes diaboliques , que les He-


brieux appellet Rochoth, & qu'ils difết cftre Diables sid eft ca-
en figure humaine, & pareillemet les Sorciers, & Sor- pita.

cieres, qui dediét leurs enfás à Satha fi toft qu'ils font

nez , & qui cōtinuēt la vie deteftable de leurs peres &

meres,fot de la nature Diabolique.Et pour cefte cau-

fe Dieu ayant en abominatio extreme ceſte impieté,


il a dóné vne maledictio execrable à ceux qui offrent

leur femece à Molech : les menaffát qu'il les arrachera o.zenit.20

de la terre, come il fift les Canancés qui en vfoyet aïfi,

defquels Salomó dict que leur femece eftoit maudi- 4. in libro


Sapientia
te de Dieu: & mefmes ils facrifioyet fouuétau Diable
leurs enfans,les faifat bruler tous vifs, ou les maffacrat

come fift la Sorciere Medee pour fe veger de la fille de


Creo Roy de Corithe,qui auoit efpoufé Iafó fő amy.

Soit doc que les Dæmos foyet trebuchez de la grace

originale , en laquelle ils eftoyét creez, & qu'ils foyet

immortels, come nous tenos:foit qu'ils foyent multi-

pliez par la propagatio que difét les Hebrieux, & que

Dieu ayt faict & formé sathan maling pour deftruire

& ruiner, affin que la generation fucceffiue à la corru-

ption fuft continuee en ce monde elementaire fi ne

faut il pas pourtant qu'il entre au cerueau des hom-

mes qu'il y ayt iniquité ' en Dieu, comme faifoit Ma- 506.370
nes Perfan chef des Manicheans , lequel pour euiter,

comme il difoit,l'abſurdité que le mal vint de Dieu ,


s'il confeffoit qu'il euft creé sathan maling par natu-

re:ny pareillement que Dieu euft creé sathan en per-

fection, qui par confequét ne pouuoit pecher, (com,


me il difoit) ne degenerer en nature maligne, & per-
DES SORCIERS

uerfe:pofa deux principes egaux en puifface & origi-

ne:l'vn principe de bien ,l'autre du mal : qui eft la plus


deteftable Herefie, qui fut onques , & de laquelle S.

Auguftia s'eft departy, difant que le mal n'eſt que pri-

uation de bien ce que tient auffi le plus grand Theo-

logien d'etre les Hebrieux Rabi Maymo qui allegue

pourfortifier fo dire le paffage de faye ou il dit, egoDo


minusfaciens bonu creans malum ,
faciens lucem & creas
tenebras. Orles tenebres ne font que priuation de lu-

miere: &la creatio eft derien. Ce qui toutesfois n'apas

contenté ceux qui tiennent que les vices font habitu-

des, auffi bien que les vertus, & que les vnes auffi bien

que les autres s'acquieret par actions, & difpofitions.


Mais tous les argumés des Manicheans font tranchez

par la racine,fi on prend garde, qu'il n'y a rien en ce

mode qui ne foit bo, come dict Dionyfius au liure de


Diuinis nominibus :Tout ainfi que Dieu a faict des plá-

tes qui portet poizos aux vns, & medecine aux autres :

Et mefmes les ferpes & viperes, que les Manicheas di-


foyét cftre les creatures du Diable ,feruet à compofer

la plus excellete medecine, qui pour cefte caufe eft ap

pellee theriaque & quelqsfois guarit les ladres , & ma-


ladies īcurables . Le maiſtre des fétéces paſſe plus ou-

tre, car non feulemet il tient que toutes les creatures


de Dieu font bonnes, ains auffi toutes actions qui fót

mefchates en foy for bones par relatio, come le voleur

qui affaffine le paffager pour auoir fa defpouille a co-


mis vn acte cruel, & capital en foy, & neantmois il ne

fçait pas qu'il a, peut eftre, tué vn Parricide, ou qu'il a


tiré des calamitez de ce monde celuy q Dieu aymoit,

comme
LIVRE PREMIER.
5
come dict Salomon au liure de la fageffe : & que Dieu

s'eft feruy de luy, & neantmoins que par ceft acte , le


voleur eft recherché, trouué, & puni par le iugement

de Dieu ineuitable ; Et en fin il donne louage à Dieu.


Car il est bien certain come dit faint Auguftin, que

Dieu ne permettoit iamais aucun mal eftre fait fi non

afin qu'il en reuſſiſt vn plus grand bien . Et combien


que Pharaon faifoit tuer les enfans mailes Hebrieux

au prix qu'ils naiffoient , fieft il dicten l'Efcripture


a
faicte, que Dieu l'auoit endurcy, & redu rebelle à foy,

affin que la puiffance de Dieu fuft efclarcie, & publice

par toute la terre,qui eſtoit aucunement enfeuelie, &

cachee. C'eftpourquoy Salomon dit, que le mefchat


bien fouuent eft efleué,& nourry feulement pour fer-

uir à la gloire de Dieu au iour de la végeáce : Carquoy

qui fe face en ce monde, en fin le tout le rapporte, &

reüffit à la gloire de Dieu: Et en cela principalement

fe cognoift la iuftice , & fageffe de Dieu incompre-

henfible, qui fçait tirer fa louange des homes les plus


deteftables , & fait reüffir à fa gloire les cruautez des

mefchans pour executer fa vengeance :Faut il doc fai-


re mal, affin qu'il en aduienne bien ? Saint Paul faict

ceft argument en l'epiftre aux Romains fur ce mef-

me difcours puis il refpód que ceux la fot damnables

qui parlétainfi , & cóclud fon difcours par vne excla-

matió de la Sageffe de Dieu emerueillable.O altitudo³ 5.adRom.1.


II.
diuitiarum fapientia,&fcientiæ Dei ! quàm incomprehenſi-
biliafunt iudicia eius !Or ces iugemens emerueillables fe

prefentent chacú iour, chacune heure, a qui voudray

prendre garde tant foit peu : & entre vn millió ie met-


B
DES SORCIERS

tray celuy qui eft aduenu n'a pas long teps a Paris d'vn

gentilhomme conueincu par faux tefmoins non re-

prochez d'auoir tué celuy,qu'il n'auoit iamais veu, ce

voyant condamné par arreft de la Cour, & fur le poict


d'eftre executé, il cófeffa qu'il auoit empoisonné fon

pere.Le cas eft notoire à pluſieurs le pourrois mettre

vne infinité d'exemples , qu'vn chacun peut fçauoir,


mais il fuffira d'auoir touché fommairement, qu'il ne

faut pas imputer à Dieu qu'il foit iniufte quand bie il

auroit crée Sathan,pour deftruire, ou fouffert que les


Anges ayent trebuché, non plus que de blaſmer les e-

gouts , & cloaques, & autres receptacles d'ordure, qui

fot neceffaires au plus beau palais du monde.Etceluy

qui calonie Dieu en cherchant le mal en ſoy, qui eſt é

ce mode,portera vne maledictió beaucoup plus exe-

crable, que celle, qui fut dōnce à Chanaam ,duquel le


pere Cham s'eftoit mocqué des parties honteuſes de

Noé,dont il eftoit yffu, que fes freres couurirent , é de.


tournant la face. C'eft pourquoy en l'Efcripture fain-

te apres la creatio de ce mode admirable en beauté,


&

grandeur, & perfection , il eft dict que Dieu a veu que


tout ce qu'il auoit faict eftoit beau, & bó à merueilles .

Car la cloaque du monde eft cefte petite particule du

6.Tog monde elemétaire, que Procle Academique ne dai-


λόγοις
A62915 gne appeller particule du mode, mais vne appé dice,
πορικοσ ou apotelefme:car ce n'eftque vn poinct infenfible
μον.
que la mer,& la terre eu efgard au ciel, comme il eſt
trefbien demonftré par Prolomee.Et neantmoins en

cefte cloaque, où la puanteur, & le mal de ce monde


eft recluz , il y a des œuures de Dieu belles & merueil-
lcufes..
LIVRE PREMIER. 6

leufes. Or tout ainfi que Dieu , qui de fa nature eft ſeul

bon, ne peut faillir ny faire choſe qui de fa nature ne


foit bone, auffi les Diables s'ils font malins de leur na-

ture, ne peuuent faire chofe qui foit bonne en foy:


& s'ils nefont malins de leur nature,ils peuuent faire

bien,tout ainſi que les Anges peuuent faillir, & offé-


fer: Car il eft dict'q le Soleil eft fouillé deuat la face 6.b.4.

de Dieu, & qu'il a trouué iniquité en ſes Anges . Et en

autre lieu l'Ange parlant à Loth, dict:Si nous faillos il

ne pardonera pas à noftre iniquité. Or tous les Anciés

demeurent d'accord que les Anges font ordonez en


partie au mouuemét des cieux, & lumieres celeſtes, &
à la conduicte de nature:les autres à la conferuatio des

Empires & Republiques,que Pfellus, & Porphyre ap-


pellent oμays, & à la conduicte des homes:les autres

feruir, & louër Dieu fpecialement, cóbien que tous

enfemble confpirent à la gloire & louange de Dieu.


Quant aux malins Efprits ils feruet auffi à la gloire de
Dieu,come executeurs, & bourreaux de fa haute iufti-

ce, & fi ne font rien que par vne iufte permiffion de

Dieu: car combie que les malins Efprits ne főt iamais

bien,finon par accident, & affin qu'il en aduienne vn


plus grand mal, come quad ils guariſſent vn malade

pour l'attirer à leur deuotion , auffi eft il tout certain ,


que Dieu ne permettoit iamais, qu'il fe feiſt mal quel

conque,fi ce n'eftoit affin qu'il en reuffit vn plus grád


bien, comme a trefbien dict S.Auguftin , lequel a fuy-

uy la definition des Dæmos, que nous lifons en Apu-

lée,des plus fçauans Sorciers de fon aage, qui eft telle :

Damonesfuntgenere animalia¸ingenio rationabilia , ani-


Bij
DES SORCIERS

mopaſſiua ,corpore aerea, tempore æterna : le mot aterna ſe

prend properpetua, aut diuturna , comme fouuent en la

fainete efcripture: Car il n'y a que Dieu eternel , c'eſt


à dire,qui n'a eu commécement , & n'aura iamais fin ,

ou comme dit lefaye , Quia efté deuant tout , & fera

apres tout.Quand à ce qu'il dict que les Dæmos ont le

corps aërien , celà eft contraire à la nature des efprits,


qui font pures Intelligēces : Auſſiles Academiciés ne

difent pas que les Dæmons foiet pures Intelligences .


Philō Hebrieu interpretat ce qui eft dict aux Nobres ,

Que Dieu departit de l'efprit , qui eftoit fur Moyle


aux LXXII.Eleuz , dict que c'eſtoit come d'vne lumie-

re.Ie dirois pluſtoft qu'ils font d'vne quinte effence,


comme on dit du Ciel pour euiter aux abfurditez de

la corruption des efprits ,fi on dict qu'ils font elemē-

taires :qui eft le feul poinct pourquoy Ciceron a fou

ftenu que les ames ne font point elemétaires . Apulée


ne dict pas files Dæmons font bons , ou mauuais , co-

bien que les anciens tenoyết , qu'il y en auoit de bos,


les autres mauuais ,les autres neutres . Et Pfellus entre

les Chreftiens , Plotin entre les Academiques , lambli


que entre les Ægyptiens, mettent trois differences , &

conſtituent generalemettous les Dæmos en fix lieux .

à fçauoir, au ciel, en la haute regió de l'air, en la moy-


enne region , es eaux , en terre , & foubs terre . Toutes

fois nous fuiuirons la refolutio des Theologies , c'eft


àfçauoir,que tous Dæmons font malins . Auffi eft- il

incompatible de mettre vne neutralité en la nature

intelligible :vcu mefmes que les anciens n'ont iamais

eu que ces deux epithetes des Dæmos , à ſçauoir iʊ-


δαίμωμ
LIVRE PREMIER.
7

δαίμων & κακοδαίμων . Ce poina refolu touchant l'origi

ne, nature, & qualité des Diables , ou Dæmons , nous

achemine au premier point de noftre definitio, pour


entendre les actions des Diables & moyés Diaboli-

ques, defquels ils vfét pour ruiner les hommes lequel

poinct prefuppofe auffi focieté, & alliace auec les Dę-


mons.Difons doc,s'il eft poffible que telle focieté fe
face.

Del
'Affociation des Efprits auec les Hommes.
CHAP. I I.

A SOCIET E ' , & alliance ne peut e-

ftre,finon entre chofes femblables, ou

qui ont quelque fimilitude ou accord


vne à l'autre toutainfi que les mou

fches à miel s'affocient enſemble , pour

la fimilitude qu'elles ont, & pour tirer profit de la fo-


cieté mutuelle ainfi lesformis ,& autres animaux fo-

ciables. Mais entre les loups, & brebis, étrélefqls Dieu

a mis vne antipathic, & vne irrecociliable, & capitale


inimitié, come entre les mefchans homes à outrance,

& les faincts perfonages,il ne peut y auoir focicté qui

tienne, non plus qu'entre les Anges , & les Dæmons ;


mais il y a des hommes qui ne font ny bons ny mef
chans, & saccommodent aux vis ,& aux autres, telle-

ment qu'o peut dire que l'ame intellectuelle de l'hō-

me eft moyene entre les Anges, & les Dæmos.Car on

void que ce grand Dieu de nature alié toutes chofes

par moyens,qui s'accordent aux extremitez , & copo-


fe l'harmonie du monde intelligible, celefte , & ele-
Biij
.
DES SORCIERS

metaire par moyes & liaiſons indiffolubles . Et tout

ainfi que l'harmonie periroit, files voix cótraires n'e-

ftoient liées par voix moyennes : ainſi eſt il du mon .

de,& de fesparties. Au cielles fignes contraires ſont


alliez d'vn figne qui s'accorde à l'vn & l'autre. Entre
la pierre ,& la terre on void l'argille, & balme .Entre la

terre & les metaux les marcafites, & autres mineraux:

entre les pierres, & les plates font les efpeces de corail,

qui font plantes lapifiées produifans racines, rameaux


& fruicts: Entre les plates, & les animaux font les Zoo

phytes : ou plátebeftes, qui ót ſentimét, & mouuemét

& tirét leur vie par les racines attachées aux pierres:En

tre les animaux terreftres, & aquatiques font les am-

phybies, come les bieures,loutres , tortues, cacres flu-

uiatiles:entre les aquatiqs & les oyfeaux font les poif-


fons volans: Entre les autres beftes, & les hommes fot

le Synges, & Cercopithes : & entre toutes les beſtes


brutes, & la nature intelligible, (qui font les Anges &

Dæmons)Dieu apofé l'home ,partie duquel eft mor-

telle comme le corps, & partie immortelle, come l'In-


tellect. Or les faincts perfonnages , qui meſpriſent la

partie mortelle,& terreftre pour ioindre leur ame in-

tellectuelle auec les Anges ,font la liaifon du monde


intelligible auec le monde inferieur : Ce qui fut faict

premierement lors que Adam fut crée en eftat de gra-


9.Genef.c. ce,ayant neantmoins le franc'arbitre d'eftre bon ou
4.Deutero. mauuais: C'est pourquoy lesHebrieux difet que Dieu
nom . cap.
30. crea l'homme le dernier, y appellant les Anges, come

dit Philon Hebricu , tant pour monftrer qu'il tenoit

de la nature intelligible,que pour vnir le monde fu-

pericur,
LIVRE PREMIER. 8

perieur, au monde inferieur.Mais quand aux autres a-


nimaux il eft dict qu'il commanda aux eaux de pro-

duire les oifeaux & les poiffos: & à la terre de produi-

re les autres beſtes : & non pas l'homme qui deuoit e-

ftre le lyen du monde intelligible & vifible , laquelle

liaiſon a continué entre les Anges, & les faincts per-

fonnages, par la priere, & moyen defquels le gére hu-


main eft conferué . C'eft pourquoy il eft dict aux Pfal-

mes ',que Dieu a fait l'homme peu moindre que les 1.Pfalmo. &

Anges ou le mot ne fignifie pas Dieu ,comme Paulò mi


nuifti cum
quelques vns ont traduit:auffi les LXX11 . Interpre- ab Angelis ..

tes ont traduit άyé Aus ; & l'Interprete Caldean a tour.

néo qui eft pris du mot Hebrieu qui figni-

fie Anges, & ofte l'equiuoque du mot- x : Et par.

ainfi en lieu que Marot a tourné :Tu l'as faict tel , que

plus il ne luy refte , fors eftre Dieu, il pouuoit dire :


Tu l'as fi haut efleué de fon eftre, qu'il eft peu moins
2
que l'Ange de ta dextre . C'eft pourquoy les He- 2 Libre.
. ‫פירקי אבות‬
brieux appellent les Anges les Pedagogues des hom-
mes, comme les hommes font bergers des animaux ,

ce que Platon'ayant appris des Hebrieux, a dict que ,. in m

on ne baille pas la garde des cheures aux cheures , nypofio Prota-


des beftes aux beftes , ains aux hommes , & la garde gora,politi-,

des hommes aux Anges.Nos, inquit f ,icut oues mira die inlegi--
bus &
uinorumpaftorum cuſtodiafemper egemus . Puis doncques de

que les Anges font bons,& les Diables mauuais, auffi

les hommes ont le franc arbitre pour eſtre bons , ou


mauuais,comme Dieu dit en fa Loy . l'ay,dit il, mis 4. Deuter..
30.0 Cer-
deuant tes yeux le bien , &le mal , la vie & la mort, nef.4 .

choiſy donc le bien, & tu viuras: Et encores plus ex--


DES SORCIERS

5. Eccle- preffement en autre' lieuil eft dict , Dieu ayant crée

fiaft . 15. Î'homme l'a laiſſé en ſon franc arbitre, & luy a dict :

Situ veux tu garderas mes commandemens , & ils ſe

garderont: le t'ay baillé le feu , & l'eau, tu as puiffan-


ce de mettre la main à l'vn ou à l'autre: Tu as le bien

& le mal , la vie & la mort, & auras lequel il te plaira .

Et pour monftrer que apres le peché d'Adam, l'hom +

me n'a pas perdu le franc arbitre,le propos eft inferé

6.Genefis en la loy de Dieu, & mefmes il fut dict à Cain , qu'il


4.
auoit puiffance de faire bien ou mal :Surquoy Moy-
fe Maymon dict , que tous les Hebrieux font d'ac-

cord, que l'homme ale franc arbitre, & que celà n'eſt
point reuoqué en doubte , dequoy, dit-il, Dieu ſoit

7. Libro 3. loué . Voyla ces mots '. Etpar ainfi la decifion des
‫נמרי הנבור‬
Theologies demeure veritable, que tous efprits font

bons , ou mauuais, & feparez les vns des autres, ce que

les Theologiens difent eftre fignifié par ces mots,

que Dieu diuifa les eaux d'auec les eaux : & que les
hommes font le moyen entre deux : Carles vns font

affociez auec les Anges , & les autres auec les Dæmos :

& fetrouue auffi des hommes , qui n'ont foing des


vns ,ny des autres . Or l'amitié, & focieté, foit auec les

Anges , foit auec les Dæmons , commence par con-


uentions taifibles , ou expreffes: Nous vferons de ces
mots defquels ont vfé faint Auguſtin, Thomas d'A-

quin , & les autres Theologiens.Il y a bien des hom-

mes qui ne s'adonnent iamais à contempler les cho-

Les intellectuelles, & ne leuent iamais l'efprit plus haut

que leur gueule, viuans comme pourceaux & beftes


8.Pfal.49 . brutes , defquels l'Efcripture faincte dict : Ils ne font

plus
LIVRE PREMIER, D

plus hommes , ains aux beſtes reſſemblent , def-

quels meurt l'ame, & le corps tous enſemble: Et quat


acouxla il femble , qu'ils ne peuuent pas auoir fo-

cieté auec les efprits,foient bons, ou mauuais , pour

la difference trop grande,qui eft entre ces pourceaux

là, & les efprits , qui de leur naturel font Effences in-

corporelles , & fpirituelles, Mais celuy qui s'adon-

ne,& tourne les penfees à tout mal & meſchance-


té , alors fon ame degenere en nature diabolique,

'comme dict Iamblique, premierement par pactions 6.lib.3. ca


32.
tacites , comme nous dirons cy apres,puis par con-

uentions expreffes . Et au contraire fil'homme s'a-

donne à bien, & qu'il eleue fon ame à Dieu , à bien,

àvertu,apres que fon amefera purifiée d'vne grace


diuine,s'il s'exerce aux vertus morales , & puis aux

vertus intellectuelles il fe pourra faire , qu'ilayt telle


focieté auec l'Ange de Dieu qu'il ne fera pas feule-

ment gardé par iceluy,ains il fentira fa preſence , &

cognoiftra les chofes, qu'il commande , & qu'illuy


defend. Mais celà aduient à peu d'hommes, & d'v-

ne grace, & bonté ſpeciale de Dieu.Auerroës appelle

cela l'adeption de l'intellect, & dict qu'en celà giſt la

felicité la plus grande , qui foit en ce monde : Ce

que Socrate aperceut des premiers entre les Grecs,


comme nous lifons en Platon lon difciple in Thea-

ge . Adeft , inquit , mihi diuina quadamforte Da-


, c'eft à
monium quoddam , àprima pueritia me fequutum ,

dire,Des mon enfance i'ay toufiours fenty ie ne fçay

quel efprit, qui me fuyt:Puis aprez il dict qu'il oyoit

vne voix , par laquelle il cognoiffoit qu'il ne deuoit


C
DES SORCIER'S

pas faire ce qu'il vouloit entreprendre. Cela eftoit

bien fort frequent entre les Hebrieux , comme

nous voyons en l'escripture faincte , qui eft pleine


de mille exemples , comme Dieu par fes Anges a

affifté aux faincts perfonnages , & parle par les An-

ges à iceux intelligiblement aux autres par figne

fans parole . Et entre ceux- là qui ont ſocieté auec

les bons efprits , il y a plufieurs degrez . Caraux


vns Dieu donnoit va Ange fiexcellent , que leurs
Propheties , & predictions eftoient toufiours cer-

taines & infaillibles , comme on dict de Moyfe,

Helye , Samuel , Helifée . Les autres n'ont pas


toufiours efté infaillibles , foit que les efprits foient

moins parfaicts les vns que les autres ,foit que le fu-
get n'eft pas fi propre : tout ainfi que le Soleil ne fe

monftre pas ficlair en la terre qu'il fait en l'eau , &

n'eft pas fi clair en l'eau trouble qu'en l'eau claire,ny

en l'eau agitée qu'en celle-là qui eft repofée : auffi les

paffions de l'ame troublée , ou qui n'eft pas coye &


tráquille,ne peut fi bie receuoir la clarté intellectuel.

le.l'ay dict que c'eft vn fingulier don de Dieu, quand

il enuoye fon bo efprit à celuy qu'il ayme, pour eftre

entendu de luy, & guidé en toutes fes actions: Car il

fe peut faire que l'homme fera vertueux , & craignant

Dieu, & le priera affiduellemét , & neantmoins Dieu,

peut eftre , ne luy donnera pas fon efprit: mais bien


luy donnera tant de fageffe & de prudence qu'il luy
fera befoin: ou bien s'il luy done fon bon Ange pour

le garder, comme tiennent les Theologiens, & qu'il

7. Pfal. 91. eft dict en l'efcripture ' de celuy qui eft en la garde du
hault.
LIVRE PREMIER 10

hault Dien,lequela faict commandement à fes An-

ges trefdignes de le garder foigneufement, quelque


part qu'il chemine . Neantmoins il ne fentira , &

n'aperceura point la prefence de l'Ange de Dieu,


- comme Abraham dift à Eliezer que Dieu enuoye-

roit fon Ange deuant luy pour le guider , ce qui

fut faict , encores que Eliezer n'en aperceut rien ,

non plus que les enfans , & pauures inſenſez , que

-Dieu garde bien fouuent par fes Anges , qui ne


pourroient autrement efchaper mil & mil dangers
de mort . Mais celuy à qui Dieu faict la grace

fpeciale de cognoistre fenfiblement la prefence


de fon Ange , & communiquer intelligiblement a-

uec luy,il fe peut dire beaucoup plus heureux que


les autres : & tresheureux s'il a le don de Prophetie,

qui eft le plus haut point d'honneur où l'homme

peut eftre elleué. Auffi void on qu'il y en a touf

iours cu fort peu . Lors que Dieu menoit fon peu-


ple par le defert , il n'y en eut que 72. à qui il fiſt

cefte grace , combien qu'il y cuft fix cens mil hom-

mes au deffus de vingt ans. Et ne fe trouua que Hic-

remie de fon temps, auquel Dieu dift , qu'il fiſt à ſça-

uoir à Barachie, qui demandoit à Dieu le don de Pro-

phetic , qu'il demandoit trop grande chofe .Toute

Pefcripture faincte eft pleine de telle communication


de l'Ange auec les eleuz.Ie fçay bien que les Epicu-

riens , & Atheiſtes tiennent cela pour vne fable :auffi

ie n'ay pas deliberé de les faire fages : Si eft- ce que tou

tes fortes de Philofophes tiennent cela pour indubi-

table . Plutarque au liure qu'il a fait du Demon de


Cij
DES SORCIERS :

Socrate,tient comme chofe trefcertaine, Paffociation

des efprits auec les hommes, & dict que Socrate ,qui

eftoit eftimé le plus homme de bien de la Grece,


difoit fouuent à fes amys , qu'il fentoit affiduel

lement la prefence d'vn efprit qui le deftournoit


toufiours de mal faire, & de danger . Le difcours de

Plutarque eft long , & chacun en croira ce qu'il


voudra.Mais ie puis affeurer d'auoir entendu d'vn

perfonnage , qui eft encores en vie , qu'il y auoit

vn efprit qui luy affiftoit affiduellement , & com-

mença à le cognoiftre,ayant enuiron trente ſept ans,

combien que le perſonnage me difoit , qu'il auoit

opinion que toute fa viel'efprit l'auoit accompa-

gné par les fonges precedens , & viſions qu'il auoit

eu de fe garder des vices,& inconueniens : & toutes


fois il ne l'auoit iamais aperceu fenfiblement , com-

me il feift depuis l'aage de trente ſept ans : ce qui luy

aduint comme il dict, ayant vn an auparauant conti-

nué de prier Dieu de tout fon cucur foir & matin,à ce

qu'il luy pleuft enuoyer fon bon Ange, pour le gui-


der en toutes les actions, & aprez & deuant la prie-

re il employoit quelque temps à contempler les

œuures de Dieu , fe tenant quelquesfois deux ou


Trois heures tout feul affis à mediter & contempler,

& chercher en fon efprit , & à lire la Bible , pour

trouuer laquelle de toutes les religions debatues


1. Pfal.143 de tous coftez eftoit la vraye, & difoit fouuent ces.¹

Enfeigne moy comme ilfautfaire,


Pourbien ta volontéparfaire,
Car
LIVRE PREMIER. II

Car tu es mon vray Dieu entier,

Fais que ton efprit debonnaire

Meguide, & meine au droictſentier.

Blafmantceux-là, qui prientDieu qu'il les entretié-

ne en leur opinion , & continuant cefte priere , & li-


1
fant les fainetes efcriptures , il trouua en Philon He-
brieu au liure des facrifices , que le plus grand &

plus agreable facrifice , que l'homme de bien , &

entier peut faire à Dieu , c'eft de foymefme , e-


ftant purifié par luy. Il fuyuit ce confeil , offrant à

Dieu fon ame . Depuis il commença , comme il

m'a dict , d'auoir desfonges , & vifions pleines d'in-

ſtruction : & tantoft pour corriger vn vice , tantoft

vn autre , tantoft pour fe garder d' vn danger,tan-


d'vn

toft pour eftre refolu d'vne difficulté , puis d'vne


autre , non feulement des chofes diuines , ains en-

cores des chofes humaines , & entre autres luy fem-


bla auoir ouyla voix de Dieu en dormant, qui luy
diſt , le fauueray ton ame : c'eft moy qui t'ay apparu

par cy deuant.Depuis tous les matins fur les trois , ou

quatre heures l'efprit frapoit à la porte, & fe leua quel-

quesfois ouurant la porte, & ne voyoit perfonne, &


tous les matins l'efprit continuoit, & s'il ne fe leuoit, il

frapoit derechef, & le reueilloit iufques à ce qu'il fuſt


leué.Alors il commença d'auoir crainte, péfant que

ce fuft quelque maling efprit , comme il difoit: &

pour cette cauſe il continuoit de prier Dieu , fans fail-

lir vn feul iour, que Dieu luy enuoyaft fon bon Ange
& chantoit fouuent les Pfalmes , qu'il fçauoit quafi

tous par cueur . Or il m'a affeuré, que depuis touliours


Ciij .
DES SORCIERS

il l'a accompagné, luy donnant vn figne fenfible ,


comme le touchant tantoft à l'oreille dextre , s'il fai

foit quelque chofe qui ne fuft bonne : & à l'oreille

feneftre s'il faifoit bien : & s'il venoit quelcun pour

le tromper , & furprendre , il fentoit foudain le fi-

gnal à l'oreille dextre' , ſi c'eſtoit quelque homme


de bien , & qui vint pour fon bien , il fentoit auf

fi le fignal à l'oreille feneftre . Et quand il vouloit


boire ou manger chofe qui fuft mauuaife , il fen-

toit le fignal: s'il doutoit auffi de faire ou entrepren-

dre quelque chofe , le mefme fignal luy aduenoir.

Sil penfoit quelque chofe mauuaife & qu'il s'y ar-

reſtaſt, il ſentoit auſſi toſt le ſignal pour s'é deftour-


ner. Et quelquesfois quand il commençoit à louer

Dieu de quelque Pfalme, ou parler de fes merueilles,


il fe fentoitfaifi de quelque force fpirituelle , qui luy
donnoit courage. Et affin que il difcernaft le fonge

par inſpiration d'auec les autres refueries, qui aduié-


nent quand on eft mal difpofé, ou qu'on eſt troublé

d'efprit,il eftoit cueillé de l'efprit comme il difoit,


fur les deux ou trois heures du matin, & vn peu apres

il s'endormoit : alors il auoit les fonges veritables de

ce que il deuoit faire , ou croire , des doubtes qu'il a-

uoit , ou de ce qui luy deuoit aduenir : En forte que il

dict que depuis ce temps là il ne luy eft aduenu quafi

chofe,qu'il n'en ayt eu aduertiſſement, ny doubte des


chofes qu'on doibt croire, dont il n'en ayt eu refolu-

tion. Vray eft qu'il demandoit tous les iours à Dieu,

qu'il luy enfeignaſt ſa volōté,fa loy,fa verité : Et em-

ployoit vn iour de la fepmaine , autre que le Diman


che
LIVRE PREMIER. 12

che (pour les debauches qu'il difoit , qu'on faifoit

ceiour la ) pour lire en la Bible , & puis meditoit


& penfoit à ce qu'il auoit leu , puis apres il pre-

noit plaifir à louer Dieu , d'vn Pfalme de louan-

ge: & ne fortoit paint de fa maiſon le iour qu'il fe-


toyoit : neantmoins au furplus de toutes les acti-
ons il eftoit affez ioyeux , & d'vn efprit gay , al-

legant à ce propos le paffage de l'eſcripture qui dict ,

Vidifaciesfanctorum latas Mais fi en compagnie il

luy aduenoit de dire quelque mauuaife parole , &


delaiffer pour quelques jours à prier Dieu , il eftoir

auffi toft aduerty en dormant . S'il lifoit vn liure qui

ne fuft bon , l'efprit frapoit fur le liure , pour le luy


faire laiffer , & eftoit aufli toft deftourné s'il faiſoit

quelque chofe contre fa fanté, & en fa maladie gardé

foigneufement. Briefil m'en a tant conté, que ce fe-


roit chofe infinie de vouloir tout reciter. Mais fur

toutil eftoit aduerty de fe leuer matin, & ordinaire-


ment dés quatre heures, & dict qu'il ouit vne voix en

dormant qui difoit , Qui eft celuy qui le premier fe

leuera pour prier? Auffi dict il qu'il eftoit fouuent

aduerty de donner l'aumofne , & alors que plus il


donnoit l'aumofne, plus il fentoit que fes affaires pro-
fperoient: & comme fes ennemis auoientrefolu de le

tuer, ayant fceu qu'il deuoit aller par cau , il eut vifion

enfonge , que fon pere luy amenoit deux cheuaux ,

Fvn rouge & l'autre blanc, qui fut caufe qu'il enuoya
louer deux cheuaux ,& fon homme luy amena deux

cheuaux l'vnrouge l'autre blanc , fans luy auoir dict

de quel poil il les vouloit .Ie luy demáday pourquoy


DES SORCIERS

il ne parloit ouuertement à l'efprit , il me fift ref

ponfe, que vne fois il le pria de parler à luy , mais

que auffi toft l'efprit frapa bien fort contre la por-


te , comme d'vn marteau , luy faifant entendre qu'il
n'y prenoit pas plaifir , & fouuent le deftournoit de

s'arrefter à lire ny à efcrire , pour repofer fon efprit,

& à mediter tout feul , oyant fouuent en veillant v-


ne voix bien fort fubtile , & inarticulee . Ieluy de-
manday fi iamais il auoit veu l'efprit en forme , il

me dict qu'il n'auoit iamais rien veu en veillant,

hotfmis quelque lumiere en forme d'vn rondeau


bien fort claire : Mais vn iour eftant en extreme

danger de fa vie , ayant prié Dieu de tout fon cueur,

qu'il luy pleuft le preferuer , fur le poinct du iour,


entre-fommeillant il dict qu'il aperceut fur le lict
où il eftoit couché , vn ieune enfant veftu d'vne

robe blanche chageant en couleur de pourpre, d'vn

vifage de beauté efmerueillable: ce qu'il aſſeura bien


fort. Vne autre fois eftant auffi en danger extreme,fe

voulant coucher , l'efprit l'en empefcha, & ne ceffa

qu'il ne le fuſt leué: & lors il pria Dieu toute la nuict

fans dormir. Le iour fuyuant Dieu le fauua de la main


des meurtriers d'vne façon eftrange , & incroyable.

Et apres auoir efchappé le danger, il dict qu'il ouït en


dormant vne voix qui difoit :Il faut bien dire, Qui en

la garde du hault Dieu pour iamais fe retire . Et pour


le faire court , en toutes les difficultez , voyages , entre-

prifes qu'il auoit à faire , il demandoit confeil à Dieu .

Et comme il prioit Dieu qu'il luy donnaſt ſa benedi-


ction ,vnenuit il eut vifion en dormant , comme il

dict,
LIVRE PREMIER.
13

dict, qu'il voyoit fo pere qui le beniffoit.l'ay bié vou-


lu reciter ces particularitez que i'ay fçeu d'vn tel per-

fonage,pour faire entédre que l'affociatio des malīgs

efprits ne doibt pas eftre trouuce efträge ,files Anges

& bons efprits ont telle focieté , & intelligence auec


les homes.Mais quant à ce qu'il dict, que le bo Ange

luy touchoit l'oreille , cela eſt bié noté au liure de Iob

chapitre xxxIII.& en Iefaye au chapitre cinquatiefme


où il dict, Dominus vellicauit mihi aurem diluculo.Et Iob

le dict encores mieux, decouurant le fecret aux hom-

mes entendus, par lequel Dieu fe fait peu à peu co-

gnoiftre fenfiblement.Et quant à ce qu'il dict , qu'il

oyoitfraper comme d'vn marteau ,nous lifós que c'e-

ftoit la premiere marque de ceux à qui l'Ange vouloit

comuniqr : car au liure des luges il eft dict de Mano-


ha, que l'Ange de Dieu commença à fraper deuat luy,
comme dict Rabi Dauid, où le mot Hebrieu y fi-

gnifie fraper, & fonner,du mot Tys, qui fignific tin-


tinabulum, ou tabourin . Orde dire que chacun afon

bon Ange, celà n'eft pas fans difficulté. Car combien

que cefte opinion foitfort ancienne comme ces vers


Grecs le monftrent :

Αν παντι δαίμωμ᾿ἂνοβὶ τῷγενομοίῳ,


Α' παντός έσι μυςαγωγΘ το βίσο

C'eſt à dire,que chacun a vn efprit conducteur de


fa vie:toutesfois il femble du contraire : Car on void

cuidemment que Saul apres auoir efté beneit, & facré

de Samuel, & qu'il eut rencontré la bade des Prophe

tes au chemin , quiiouoyent des inftrumens, l'efprit


de Dieu le faifit , & fe trouua (dit l'escripture) tout
D H
DES SORCIERS

changé. C'est pourquoy Samuel luy dift , qu'il feiſt

alors tout ce qui luy viendroit en la penfée -Et quand


3. Numeri il eft dict que Dieu ' print de l'efprit de Moyfe , pour
II.
en departir à LXXII.perfonnes ) que Dieu auoit choi

fis entre fix cens mil ) & qu'ils Prophetifoient, quand

l'esprit de Dieu repofoit fur eux, on peut recueillir,

que l'efprit de Dieu n'eftoit pas encores auec eux : on


recueillift auffi que l'efprit de Dieu eft comme la lu-

miere,qui fe communique fans diminution , & qu'il

n'est qu'en peu de perfonnes , & n'y eft pas toufiours.

Comme en cas pareil , il eft dict quel'efprit de Dieu

laiffa Saul, & quelquesfois le maling efprit le tourme


toit:Et fitoft que fes Ambaffadeurs, qu'il enuoya par
trois diuerfes fois à Samuel & à Dauid, & autres Pro-

phetes qui eftoient auec eux, aprochoient , auffi toft

ils eftoientfaifis de l'efprit de Dieu, & prophetifoiet:

Et mefmes Saul y eftant venu pour les prendre , & les

faire mourir,fut auffi toft ſaifi du ſainct Eſprit , & co-


4. Samuelis mença à louer Dieu , & prophetifer : & apres qu'il
19.
cutlaiffé la troupe des Prophetes , l'efprit de Dieu le

laiffa, & fut quelque temps auparauant ſaiſi du malin

efprit, & deuint furieux, & prophetifoit, ainfi l'efcri-

5. Samuel c. ptures parle , accomodant ce mot de prophetiſer , en


18.
bonne & en mauuaife part, comme le maling efprit
veut contrefaire les merueilles de Dieu , & faire enté-

dre qu'il fçait les chofes futures. Toutesfois il fe peut

faire ,comme l'ay dict que la perfonne foit conduite,

& gardee par l'Ange de Dieu , fans l'aperceuoir, ny


auoir communication auec celuy qui le garde intel-

ligiblemet , nyfenfiblement,foit que l'excellence des

Anges
LIVRE PREMIER . 14

Anges eft bien differente, comme l'ay dict de l'efprit


de Moyfe, de Samuel , & d'Helie, qui furpaffoient de

beaucoup tous les autres Prophetes,foit que la perfo-


ne n'eſt pas capable de l'intelligence fpirituelle . Voy-

la quantàl'affociation des bons efprits auec les hom-


mes.Quant à l'affociation des hommes auec les Dia-

bles,nous en parlerons en ce traicté . Mais premiere-


met il faut fçauoir la differece des bons, & des mau-

uais efprits .

La difference qu'ily a entre les bons, malings Efprits.


СНАР . I I I.

Ov sauos dict que le Sorcier,eft celuy

quis'efforce paruenir à quelque chofe

par moyesDiaboliques , puis nous auos

parlé de l'aſſociatio des efprits auec les


hōmes :il faut donc fçauoir la differece

des vns & des autres , pour cognoiftre les enfans de


Dieu d'auec les Sorciers .Ce q eft bie neceffaire, pour

leuer le voile de pieté, & de religio, & le mafq de lu-

miere, que le Diable prend affez fouuent, pour abuſer


les homes.Les ancies Grecs & Latis ot remarque qu'il

y auoit de bos & de mauuais efprits, & appelloient les


γης ευδαίμονας ,les autres και κοδαίμονας , & ἀλάςορας, & παλα .

vw'ss , les Latins, Lemures ou Remures, ce que les hom-


mes ignorans ne peuuent, & les Atheiſtes ne veulent

croire, & les Sorciers , qui font bone mine pour leuer

la fufpicion qu'on auroit d'eux ,s'en mocquent en ap-


parence, mais en effect ils entendent trop bien.Nous
Dij
DES SORCIERS

auons affez d'exemples, que le Diable s'efforce de co-


trefaire les œuures de Dieu , comme nous lifons des

Sorciers de Pharaon . Auffi liſons nous que les malins

efprits anciennement tropoient , comme ils font en-

cores à prefent, en deux fortes l'vne ouuertemét, auec

pactions expreffes, où il n'y auoit quafi que les plus


lourdaux, & les femmes qui y fuffent prifes : l'autre for

te eftoit pour abufer les homes vertueux, & bien nais,

par idolatrie, & foubs voile de religion , en forte que


Satha pour le faire adorer , & deftourner les hommes

de l'adoration d'vn vray Dieu , ne vouloit rendre fes

oracles, & refponfes que par celles qui eftoient vier-

"1.Plutarque ges ' , & quiieunoient en prieres , & oraifons , qu'elles

an liure,De faifoient à Apollo, & autres Dieux femblables , ce que


oraculorum
defectu le Diable a fçeu fi bien entretenir, que aux ifles Occi .

dentales, il s'eft trouué au parauant que les Efpaignols

en fuffent feigneurs , que les Preftres , qu'ils auoient ,


faifoient de grands ieufnes , prieres , & proceffions,
portans leurs Idoles en bannieres , chantoient à l'ho-

neur de leurs idoles:puis apres ils eftoient faifis des ef-

prits malings, & difoient merueilles, comme nous li-


fons es hiftoires des Indes Occidentales , & generale-

ment les Preftres ne fe maryoient point, hormis ceux

qui efcoutoient les pechez , & enioignoyent peniten-

ce, & n'ofoient reucler la confeffion , foubs peine d'e-


ftre chafticz , & ieunoient fouuent, mefmement quad

on vouloit moiffonner ou faire la guerre, ou parler à

leur Dieu , c'eft à dire,au Diable. Et pour eftre pl fort


rauis, ils fermoient les yeux, les autres s'aueugloiet fa-

crifiás les hommes, & toutes fortes d'animaux àleurs

idoles,.
LIVRE PREMIER. 15

idoles, & y auoit plufieurs monafteres de filles gardees

foigneufement par homes chaftrez ,ayans le nez & les


leures coupees, auec peine de mort à celle qui auroit
fouilléfon honneur: come il fe faifoit en Rome aux

Veftales, &ceux qui vouloiet eftre preftres, ſe retiroiết

auec les Preftres veftus de blanc es forefts , où ils paf-

foiết quatre ou cinq ans, & puis ils en prenoient acte .

Et le plus grand Dieu qu'ils adoroient eftoit le Soleil


qu'ils appelloiết Guaca, & Paniacana fils du Soleil &
de la Lune.Toute cefte hiftoire, ainsi qu'elle eft icy ef

cripte,fut recitee deuant le Roy d'Efpaigne au cofeil


des Indes. Or il eſt tout notoire, que les Amorrheans,

& autres peuples queDieu extermina, s'exerçoient en


telles fortes de Sorceleries,facrifians auffi les hommes

aux Diables, aufquels ils parloient, & qu'ils adoroiér,

& principalement le Soleil,l'appellant par excellence


.

Bahal , c'est à dire en Hebrieu , Seigneur,d'où eft venu

Bahalzebuf, qui veut dire Maiftre-mouche , par


qu'il n'y auoit pas vne mouche en fon temple , come

on dict que au Palais de Venife il n'y a pas vne feule


mouche, & au palais de Tolede qu'il n'y en a que vne,.

qui n'eft pas chofe eftrange, ou nouuelle: car nous li-


fons que les Cyrenaiques apres auoir facrifié au Dieu

Acaron Dieu des mouches, & les Grecs Iuppiter fur

nōmé Myiodes, c'est à dire Mouchard , ce qu'ils fai

foyet tous les ans au mois de May toutes les mouches


s'enuoloient en vne nuee, comme nous lifons en Pau-

fanias in Arcadicis , & en Pline au liurexxix . chapitre

VI. Auffi void on les Sorciers anec quelques paroles

chaffer tous les ferpens d'vn pays .Ce n'est donc pas
Dejij
DES SORCIERS

merueille fileur maistre Satha chaffe toutes les mou-

ches.Mais il faut iuger(s'il eft ainfi qu'o dit de Tolede,

& de Venife) qu'il y a quelque idole enterree fouz l'ef-


fueil du Palais, commeil c'eft defcouuert depuis quel-

qués ánces en vne ville d'Egypte, ou il ne fe trouuoit

pointde Crocodiles comme es autres villes au log du


Nil,qu'il y auoit vn Crocodile de plōb enterré foubs

l'effueil du temple, queMehemet Bé - Thaulo fift bru-

fler :dequoy les habitans fe font plains, difans que de-

puis les Crocodiles les ót fort trauaillez.Ezechie Roy


de Iudee pour mefme occafio fift brufler le Serpet de

cuiure à fin qu'on ne l'adoraft plus . On peut voir au


troifieme liure de Rabi Mofes Maymon les ceremo-

nies & facrifices des Caldeans, qu'il a extrait du liure

Zeuzit, qui eftoit le liure des ceremonies de ces peu-

ples là, où l'on trouue les Sacrifices, prieres , ieufnes , dá

fes,proceffios quafi femblables à celles qui fe faifoiet


es Illes Occidentales, & mefmes les Preftres de Bahal,

cftoient auffi Prophetes fe retirans du mode, habillez

de drap enfume,qui eft la pl' hideuſe couleur, & pour

ceftecaufe fe appelloiet Camarim Et, qui eft chole pl


cftrange, on void que ceux des Indes Occidentales a-

uoient la meſme opinion que les Amorrheans , & les

Grecs & Latins du Soleil ou Apollon, qu'il eftoit le

Dieu des Propheties. Qui möftre bien , que le Diable


auoit enſeigné à tous ceux-là cefte belle ſcience. Et
mefmes Ochozias Roy d'Ifraël , l'vn des plus grands

Sorciers quifuft de ce teps là, eftat tōbé de ſa feneftre


enuoya fes Ambaffadeurs au teple de Bahal , pour fça-

uoir s'il en rechaperoit, & come Helie les eut récōtrés

ayant
LIVRE PREMIER. 16

ayatfçeu ou ils alloient,y a il point, dift-il, de Dieu au

ciel pour demader cofeil:Dites auRoy qu'il é mourra :


ce qui aduit toſt apres .Il ne faut dōc pas s'eſbahir files

peuples de Occidet eftoiet enforcelez par Sathá ſous


voile de prieres, ieufnes,facrifices ,proceffions, & pro-
pheties,puis que les peuples de Paleſtine, de Grece, &

d'Italie n'auoiet autre religio, ny rien de plus grád . Et

fi on dict que les plus fages n'y croyoyet rie: ie trouue

queles plus gráds Philofophes tenoiet cela pour cho


fe diuine & trefcertaine.Et qui fut onc être les Philo-

fophes plus diuin que Platon Neatmoins l'oracle d'A

pollo ayat refpódu aux Atheniens, que la pefte ne cef-

feroit point,quefon autel, qui eftoit carré en tout ſés

ne fuſt doublé, & Platon le plus grád Geometrien qui

fuft alors,ayat trouué le moyé de le doubler phyfica-

lemet &groffieremet, dit aux Atheniés, que Dieu leur

auoit demandé la plus difficile queftio qui foité tou

te la Geometrie, c'eft la duplication du cube & qui


de faict n'a iamais encores efté demonftree , pour les

deftourner de l'auarice, de l'abitió , des voluptez def-

honneftes, & les a tirer a la contemplation des chofes


intellectuelles, & œuures admirables de Dieu.Le Dia-

ble voyat la pefte grande print cefte occafio, & en fift

fon proffit,ce qui accreutde beaucoup l'opinió qu'ō ·


auoit de la diuinité de l'oracle . Car fitoft que Platon .

cuft doublé l'autel en tous fens la pefte ceffa . Apres

Platon, Iamblique Ægyptien au temps de l'Empe-

reur Iulian l'Apoftat , fut eftimé le plus grand & le


plus diuin , & que Porphyre (qu'on appelloit le Phi-

lofophepar excellece) recognoiffoit pour fon mai..


DES SORCIERS

fter , neantmoins on void en fes liures de Miſteres,

qui font entierement traduits , & imprimez à Rome,

& non pas au fragment de Marfile Ficin, qu'il reprou-


4.lib.3.c.30 ue l'impieté de ceux qui faifoient des images, & cha-

2014
5.lib.3.cap. racteres pour prophetizer, & conclud que la prophe-
24. 27. tie n'eft point naturelle , ains que c'eft le plus grand

o. 1. etiam don de Dieu , & que tel donne vient que de Dieu , à
Synefius li-
receluy qui al'ame purifiee: & qui plus eft, il reprouue

Top , ceux qui penfent acquerir le don de prophetie par

MaTaale moyen des efprits que les anciens appelloient sui-


ἀγαθῶμαν
εκτό με μονας παρέσχες, qu'ils portoient dedans les anneaux , ou

21504. en fioles : Et neantmoins ' il dict que la prophetic s'a-

6.41.3.6.13
7.lib.3.ca.. quiert par Hydromantie, Lithomantic, Actinoman-
14.per aqua tie, Xilomantie, Rabdomantic, Orneomantic, & Al-

vadit, anes, phitomantic, s'eftonnant comme les Dieux s'apaif-


Lapides,par 8
verges , par foient iufques à là, de mettre leur diuinité en viades:
bors. de quoy porphyre doutoit fort: & comande d'ado-
8.lib.3.cap. rer la diuinité desDieux en toutes ces chofes. Or nous
17. ἀλφι-
TOT Voyons combien Dieu à detefté toutes ces impietez,

vocatur, & fpecialement ila defendu d'adorer à la pierre d'i-


que fit ex
farina. magination : l'Interprete Caldean a tourné , la pierre
o.Leuitici d'adoration , que plufieurs ont interpreté vne ftatue
26.
fans propos . Et le mefme Iamblique efcrit, que l'a-

me par la diuinité eft quelquesfois fi bien rauie hors

9. Lib.3.ca. de l'homme , que le corps demeure ' infenfible , & ne


2.0
~~fe-
quent. fent ny coups ny poinctures : & parfois que le corps,

& l'ame eft tranfporté, ce qu'il appelle insi ,laquelle


ecſtaſe eſt ordinaire aux Sorciers,qui ont paction ex-

preffe auec le Diable, qui font quelquesfois tranfpor-

ter efprit , demeurant le corps infenfible , & quel-

quesfois
LIVRE PREMIER. 17

quesfois en corps, & en ame,quád ils vont aux aſſem-


blees la nuict, comme il a efté aueré par infinis procez

ainfi qu'il fera dict cy aprez.Et neatmoins Iamblique


ayant aperceu que les malins efprits venoient au lieu

des bons efprits , il dict que la Thurgie, ou facrifices

faicts indignemét,deplaifoiet aux Dieux, & que alors

les malins efprits au lieu des Dieux venoient aux hō-

mes.C'est pourquoy Porphyre,quoy qu'il fuſt enne-


my capitaldes Chreftiens , dit que tous les Dieux des

Anciens eftoient malins efprits , qu'il appelle Caco-

dæmons . Or Iamblique difcouroit du plus fain iuge-

mét qu'il euft, & qui eftoit en reputatio le plus fainct,

& le plus grand perſonnage de fon temps : En forte

que Iulian l'Apoftat luy eferiuant plufieursfois en fes

epiftres, mettoit fur les lettres , Au grand Iamblique :


lequel neantmoins ayant auec fes compagnons vou-

lu defcouurir, qui feroit Empereur apres Valens , par

Alectriomantie , apres que le coqeut decouuert les

quatre premieres lettres , eo ,Valens eſtant aduerty,


fift mourir vne infinité de Sorciers : & Iamblique ,

pour efchapper le fupplice, s'empoifonna. Mais pour


montrer que les plus grands cerueaux , & les plus

faints perfonnages font abufez bien fouuent, & que

la plus forte forcelerie prend vn beau voile de pieté:il


fera montré par cy apres que l'inuocatio des Diables

(de laquelle les plus deteftables Sorciers vfent à 'pre-


fent)eft pleine d'oraifons, de ieufnes , de croix & d'ho-

fties,que les Sorciers y employent. Etn'y a pas long


temps qu'il y eut vne Sorciere à Blois, laquelle pour

guarir vne femme qui eftoit enforcelee, languiffante


E
DES SORCIERS

aulict fist dire vne Meſſe du S. Eſprit à minuict, en

l'Eglife noftre Dame des Aides,& puis fe coucha de

fon long fur la femme malade, en marmottant quel-

ques mots, puis elle fut guaric. En quoy il apert que

Sathan luy auoit appris celte ceremonie , comme fift


Helie le Prophete, quand il refufcita le fils de la vefue
Sunamite par la puiffance de Dieu:mais deux mois

apres celle que la Sorciere auoit guarie retomba ma-

lade , dont elle mourut, & la Sorciere enquife dit que

elle auoit trop parlé, comme i'ay fçeu de Hardouyn,

hofte du Lyon de Blois : Car elle auoit dict que la


Sorciere qui l'auoit enforcelee auoir donné le fort à

vn autre , qui eft chofe ordinaire à tous Sorciers, qui


contrefont les medecins , comme il fera dict cy apres

Et le protecteur des Sorciers , apres auoir mis les cer-


cles , & caracteres deteftables ( que ie ne mettray

point)pour trouuer les trefors , il efcript qu'il faut en


foffoïant dire les Pfalmes, De profundis, Deus mifereatur

noftri & c. Pater nofter , Aue Maria &c. à porta inferi.


Credo videre bona Domini & c . Requiem aternam &c.

& lire la Meffe : Et pour paruenir à quelque autre

chofe que ie ne mettray point,ils efcriuent en quatre


tableaux de parchemin vierge , Omnis fpiritus laudet

Dominum, & les pendent aux quatre murailles de la

maifon : Et pour faire autres mefchancetez , que ie

n'efcriray point, ils difent le Pfalme cent & huictief

me.Et qui plus eft l'an M.D.L XV 111. les Italiens , &

Eſpagnols allant an bas païs , portoient des billers

pleins de fortileges , qu'oleur auoit baillé pour eftre


guarentis de tous maux: comme quelques Allemans

portent .
LIVRE PREMIER. 18

portet la chemiſe de Neceffité faicte d'vne façon de-

teftable , qu'il n'eſt befoin d'efcrire, & force croix par

tout:Et en cas pareil le maiftre Sorcier (qui ne merite


d'eftre nommé pour l'inuocatio des malings efprits,
veut qu'on icufne premierement , & qu'on face dire

vne Meffe du fainct Elprit. Ce n'est donc pas chofe


aifee de deſcouurir les sorciers , ny de les cognoiftre

d'auec les gens de bien , & beaucoup moins anciene-

ment,qu'à prefent :combien que tous les peuples, &


toutes les fectes des Philofophes ont condamné les

Sorciers, comme dict ſainct Auguſtin * , Sectas omnes 4.lib.18.de


Cinitate
Magiapanas decreuiffe, & seruius parlant des Romains Dei.

dict auffi qu'ils ont toufiours eu en horreur les sor-

ciers & Enchanteurs, comme il apert par les loix des


XII. tables , & en leurs Pandectes ' : & neantmoins 5.l.tem la

tous les oracles qu'ils auoient pour les plus facrez n'e- beo quis
Aftrologus
Aoient queforceleries , comme nous auons dict , & de iniur.to.

fera cy apres declaré plus fpecialement.


Et par ainfi to titulo de
maleficis et
de dire que la marque des bons & mauuais efprits fe mathema-

doibtiuger par les bonnes ou mauuaifes œuures , il ricis . b.si


eft bien vray:mais la difficulté eft, qu'elles font les bo quis ali-
quid,depa
nes œuures: car combien que les ieufnes , prieres , & is ff.
oraiſons , la chasteté & pudicité,folitude , cotempla .

tion , guerirles malades foient de bonnes œuures en

foy : fi eft- ce que fi elles fefont pour l'honneur qu'o

face à Sathan, à vne idole, & pour fçauoir des Oracles

les choſes paffees ou à venir,tant s'en faut que ces œu

ures là foient bonnes , qu'elles font deteftables, dia-

boliques,& damnables . Or il apert par les anciennes

hiftoires queles Payens , qui condamnoient les En-


E ij
DES SORCIERS

chanteurs, & ceux qui faifoient les tempeftes , comme


6.1. 4. de dict la loy ,faifoient tout celà, & mefmes les Amor-

maleficis.C. rheans, & Indois.Vray eft que les vns cftoiết Sorciers

volontaires .Mais la vraye marque & la pierre de tou-

che eſt la loy deDieu , qui faict cognoiftre au doigt &


à l'œil le Sorcier, & la difference des bons & mauuais

7. Deutero, efprits.Car en la loy ' de Dieu tous fortileges font e-


18.
ftroictemet defendus, &fpecifiez en plufieurs fortes,
qui fót cognoistre que les autres femblables főt auffi

defendus.Et ne fe faut pas arrefter à ce que dit Iofephe

au liure huictiefme des Antiquitez , que Salomotrou

ua la ſcience de coniurer les malins efprits , car il n'eft


pas à prefumer qu'on euft oublié celà , veu les moïdres

chofes qu'on a efcriptes de luy, & qu'il ne s'en trouue

pas vn feul traict en tous fes efcripts : fi ce n'eſt qu'on


vouluft faire Salomon autheur des liures deteftables ,

que les Sorciers ont foubs le tiltre de Salomó: & peut


eftre que Iofephe a efté auffi bien abufé comme Ïam

blique. Car il efcript qu'en la prefence de l'Empereur


Vefpafian,vn Iuifnommé Eleazar,ayant touché d'vn

anneau les narines d'vn home poffedé du Diable , fiſt

fortir le mali efprit par la vertu d'vne racine qui estoit


dedans ſon anneau , que Salomon a monftré comme

il dict:qui eft vn erreur pernicieux,& mefchant(com.

bien qu'il y en a plufieurs en cefte opinió, que c'eft la

Squille, & la pédent aux entrees des logis , pour chaf


fer les malins efprits ) car il est tout notoire que s'ily a

Sorcier qui ayt mis fa poudre en vne bergerie , le be

ftail y mourra,fi Dieu nelé garde.Et tout ainfi que sa-

than guariſt quelquesfois le beſtiail & les hōmes en-


forcelez ,
LIVRE PREMIER . 19

forcelez,par le moyen des Sorciers fes miniftres (bail-


lant toufiours neantmoins le fort à vn autre , à fin de

nerien perdre, comme il fera dict cy apres) auffi faict

il bien fouuent fortir les malins efprits des homes de-


moniaques, par moyens diaboliques , come faifoit ce-

luy que dict Iofephe, par fon anneau , où il n'y auoit

point de racine,mais pluſtoft vn malin efprit , par la


puiffance ou intelligence duquel l'autre efprit fort , à

fin que l'on adioufte foy aux forceleries, & idolatries

defquelles Sathan entretient les pauures ignorans. Et

fi on dit que les loups ne s'entremanget pas volōtiers

ny les malis efprits ne chaffent pas les malins efprits,


il y a refponfe, que ce n'eft pas eftre chaffé mais ceft v-

ne obeiffance voluntaire, & mutuelle intelligece des

malins efprits entre cux : & le Royaume de Sathan é ce

cas n'eft pas tant diuifé, qu'il eſt eſtably & affeuré , &

l'idolatrie appuyee de tels miracles, & entretenue par


ce moyen: combien qu'il n'eſt pas inconuenient com
me dictS.Auguftin , que les Diables chaffent les Dia-

bles, & que les vns ne foient ruinez par les autres, co-
me les mefchans ne font ruinez ordinairemét que par

les mefchans, par la volotéde Dieu,ainsi qu'il dict en

Hieremie,Vlcifcar inimicos meos per inimicos meos : Ie vé.


geray mes ennemis par mes enemis.Es files bōs fou-

uéc fontla guerre aux bos ,à plus forte raifon les mef
chans aux mefchas, & les Diables aux Diables . Or no?

lifons en Daniel' que les Angesfont gouuerneurs des 7: Daniel '.


4.10.0
Empires, & Royaumes ,& font guerre aux Anges: car Denter.

l'Ange de Dieu dift à Daniel,que Michel l'Ange Pri


ce des Hebrieux eftoit venu à fon fecours , cotre l'An
E iij.
DES SORCIERS

ge de Perfe: Toutesfois ie rapporteray toufiours l'in-

terpretation de ce lieu aux fages. Ainfi Dieu a pofé au


cielles mouuemés contraires & les effects des cftoil-

les, & planettes, & les elemés contraires & en toute la

nature vne antipathie d'vne part, & fimpathie d'au-

tre, & en ceſte contrarieté & plaifant combat , l'har-


monie du monde s'entretient . Mais la confufion des

bons & malings efprits eft venue de ce que les nou-

ueaux Academiques ont pofé cefte maxime qu'il faut

coupler & lier le ciel & la terre, les puiffances celeftes

& terreftres, & coioindre les vns auec les autres, pour

attirer la puiſſance diuine, par les moyens elemétaires,


& celeftes.Voyla l'hypothefe de Procule,Iamblique,

2. 14mbli- Porphyre, & autres Academiques . Sur laquelle hy-


chusin lib.
de myfteriis potheſe on peut dire que le maiſtre en l'art Diaboli-

que,duquel on imprime les œuures auec beaux pri-


uileges , a fondé toutes les forceleries & inuocations

de Diables, qu'on imprime par tout auec priuilege

des Princes, qui eft l'vne des plus dangereufes peftes

des Republiques . Car il compofe des caracteres, qu'il


dit propres aux Dæmos de chacune planette, leſquels

characteres il veut eftre grauez au metal propre à cha-


cune planette,à l'heure qu'elles font en leur exaltatio,
ou maiſon auec vne cóiunction amiable , &veut alors

qu'on ayt auffi la plante, la pierre, & l'animal propre à

chacune planette , & de tout celà qu'o face vn facrifi-

ce à la Planette , & quelquesfois l'image de la Planet-

te , & les hymnes d'Orphee le sorcier , aufquelles le

Prince de la Mirande s'est trop arrefté ſoubs ombre

de Philofophic , quand il diet les hymnes d'Orphee


n'auoir
LIVRE PREMIER. 20

les
n'auoir pas moins de puiffance en la Magie , que
hymnes de Dauid en la Cabale, de laquelle nous par-

lerons en fon lieu: & fe vante d'auoir le premier de-

couuert le fecret des hymnes d'Orphee ,lequel eftoit


le maiftre de la sorciere Medee.Mais on void que ces

hymnes font faicts à l'honneur de sathan , à quoy ſe


raporte ce que dict Picus , Fruftra naturam adit , qui

Pana non attraxerit. Or par ce mefme moyen le mai-


ftre sorcier inftruict fes difciples en toute idolatrie,

impieté, & forcelerie.Iaçoit qu'il femble que les Aca-

demiques,que i'ay dict, en vfoiet par ignorace,& par


erreur, & y alloiết à la bone foy penfant bie faire:mais

celuy que i'ay dit en a vlé par impieté deteftable:

car il a efté toutefaviele plus grand forcier qui fut


2
de fon temps: & foudain apres fa mort Paul Ioue ef . 2.Libre el -

cript,& plufieurs autres,qu'on aperceut vn chie noir, giorum .

qu'il appelloit monfieur,fortant de fa chambre , qui

fen alla plonger au Rhofne, qui depuis ne fut veu . Or

la loy de Dieu ayant fagemet pourueu à telles impie-


tez de ceux qui veulent lier la partie du monde infe-

rieur à la partie ſuperieure ,pour marier le monde ( cõ-


me dict Picus Mirandula ) couurant foubs vn beau

voile vne extreme impieté , & par le moyen des her.


bes , des animaux , des metaux,des hymnes , des ca-
racteres & facrifices,attirer les Anges, & petits Dieux ,.

& par ceux- cy le grand Dieu Createur de toutes cho-

fes : pour obuier, dy- ie, à cefte impieté, Dieu ſemble


auoir defendu bien expreffemét, qu'on ne feilt point

de degrez, pour monter à fon autel, ains qu'on vint 3.Exodi 20

droictà luy: ce que les Platoniques n'ayant pas bien .


DES SORCIERS

entendu, ont voulu par le moyen des Dæmons infe-

rieurs , & demy- Dieux attirer les Dieux fuperieurs,


pour attirer en fin le Dieu Souuerain.Nous diros doc

queles Platoniques , & autres Payens , qui par vne fim-

plicité de confcience , & par ignorance adoroiēt, &


prioient Iupiter,Saturnus,Mars, Apollo , Diane , Ve-
nus, Mercure, & autres demy-dieux , vipans faincte-

ment,prians , & ieufnans, & faiſans tous actes de iufti-

ce, de charité, & de pieté, ont bien efté idolatres, mais

non pas Sorciers , ny ceux qui font en pareil erreur,


encores qu'ils s'efforçaffent de fçauoir les chofes fu-

tures par moyés Diaboliques, attendu qu'ils penfoiét

faire chofe aggreable à Dieu . C'est pourquoy nous


auos mis le mot, Sciemment, en la definition du Sor-

cier. Mais celuy qui a cognoiffance de la loy de Dieu

& qui fçait, que toutes les diuinations diaboliques


font defendues , & qui en vfe pour paruenir à quel-

que chofe, ceftuy là eft Sorcier . On void donc que la

plus certaine marque pour iuger la difference des bos

& malins efprits , de la pieté & impieté, eft de voir fi


on s'addreffe aux Creatures au lieu du Createur , par

paruenir à fes deffeings . Et d'autant qu'il y en a plu-


fieurs qui s'abufent aux predictions , & prennent le

bien pour le mal , il eft befoing declarer les predi-,


tions & prefages .
&
DE

1
LIVRE PREMIER. ZI

Dela Prophetie & autres moyens diuins pourfca-

uoirles chofes occultes.

СНАР . I I I I.

Es Grecs appellent le Deuin μainy , &


μαντὴμ παρὰ τὸ μαντεύεσθαι, & d'aurant que

telles gens font réplis d'impoftures, &

menteries le François appelle va hom-

me menfonger,Menteur,qui femble e-
o.Cicero in
ſtre tiré du Grec. Les Latins l'appellet Diuinum,mal à libre De Di
propos, donnát vn trefbeau no aux Sorciers, auffi bicwinar.

qu'aux Prophetes.Le mot eft venu de parrda quali µx.

,d'autat que les Deuins enforcelez, & poffedez du


maling efprit eftoient la plufpart furieux , & la Prai-

ftreffe Pythias ne deuinoit point,fi elle n'eftoit é fu-

reur. C'est pourquoy le mal caduc eft appellé morbus

facer,
par ce que les Sorciers rauis ,fot comme ceux, qui
ont le mal caduc. Les Hebrieux appelloient au com-
mencement les Deuins,Videntes , comme Saul ayant

perdu ſes Afnes,alla chercher vn Deuin pour en fça-


uoir des nouuelles, on luy dift que Samuel eftoit Voy 1. à verbo

ant,' & demanda à ſon copaignon vne dragme d'ar- vidit, au-
gentpour bailler au Deuin , & demandant à Samuel diit, intelle.

s'il eftoitVoyant,il luy dift qu'il eftoit Voyant : car 2.


* .Samuel.
(dict le texte ) les Voyans ne s'appelloient pas enco - ca.9.

reso , c'eſt à dire,Prophetes: leql mot viết de 3.ma.


Samuel.10 .
qui cft quafi toufiours en la coniugation paffiue ' , 11. Hiere-
pour monftrer que la vraye diuination eft receuë de mia 26.

Dieu . Et quand au mot de Prophetic , qui eft Grec ,il char


verf.9.24-
ia13.4.
F
DES SORCIERS

fignifie prediction, foit en bien, ou en mal.Et quant


à ce que nous appellons Sorciers vfans de poudres, &

grefles , les anciens , & mefmes Ariftote les appelloit


en fon vulgaire δι περὶ τῆς φαρμακείας , & les Sorcieres

paguanides, comme on peut voir au liure 6. chapitre 18.


& au liure 9.chapitre 17. de l'hiftoire des nir aux,

où il dit que les Sorcieres fe feruet de l'Hyppomanes .


Et pour entendre quelle diuination eft licite , ou illi-

cite,nous dirons , que toute diuination eſt diuine ,

2.Quatre naturelle, humaine, ou diabolique. Et de ces quatre


fortesde di
wination. nous dirons par ordre . La diuination première s'ap-
pelle diuine , comme venant de Dieu extraordinai-

rement , & outre les caufes naturelles.Et quant à cel-

le-cy nous en auons le teſmoignage de Dieu , quand


3
3. Numeri il dict ainſi‚S'il y a quelque Prophete entre vous , ic
12.
luy apparoiftra par vifion, & parleray àતે luy par fon-

ge:Mais quant à Moyfe mon cfclaue tresfidelle , &

loyal entre tous, il n'en fera pas ainfi:carie parleray à


4. Definitio luy face à face. Auquel paffage les Hebrieux ont no

tic.Propheté
de Rabi que la Prophetie eft vne largeffe enuoyee de Dieu,
Maymonis , par le moyen & miniftere de l'Ange ou Intelligence
libro.3 .
actiue fur l'ame raisonnable premierement , & puis
. ‫כמרי הלב‬
fur l'imagination : & n'exceptent que la Prophetic de

Moyfe, qu'ils tiennent auoir efté faicte à Moyfe im-

mediatement parlant à Dieu, fans moyen , & en veil-

lant,ce qui eft auffi fignifié, quand Dieu dift à Moyfe,


5. Exodica.
Pay apparu à Abraham , Ifaac, & Iacob en mon nom

Schadai, mais ie ne leur ay pas monftré mon grand

nomIEHOVAH , & au dernier chapitre du Deutero-

nome,ileft dict, qu'il n'y eut iamais Prophete fembla-


L ble
LIVRE PREMIER. 22

ble àMoyfe, qui cogneut Dieu face à face . Et par ain .

fi tous les propos de Dieu en toute la faincte efcriptu-


re aux Prophetes , fe font par le moyen des Anges ,

ou Intelligences, ou en fonges, & viſions : c'eſt pour-


quoy les Theologiens Hebrieux , qui ont entendu 6.Rabi Mo-
fes May-
la doctrine des Prophetes de bouche en bouche, ont mon lib.3 .
bien diligemment examinez toutes lesfortes de n
‫בוכים‬
fonges & vifions diuines , que S. Auguſtin a com-

pris briefuement en cinq efpeces , y compris les fon-

ges humains , defquels nous ne parlons pas icy , &

aufquelsil ne faut auoir aucun efgard, comme il eſt


dict en l'Ecclefiaftique, ains feulement à ceux qui fót

enuoyez de Dieu.combien que les vns & les autres

font compris foubs le mot on qui fignifie autant,

que le Grec Top ou fomnium: & les vifios que

Synefius appelle Tà orap táμara que les Latins ont 2.synefius


περί
appellé vifiones.Et la difference entre les deux eft bien in lib. megi

notable: & premierement pour la reception de l'vne vʊvía .

& de l'autre car le vrayfonge diuin fe reçoit en dor-


mant.Mais la vifion fe faict en fomeillát,auec vne vi-

ue impreffion en l'ame imaginatiue, qui reprefete les

chofes, come fi on les voyoit des yeux:pour inftruire


les hommes qui font du tout differents aux fonges

humains & des beſtes brutes,qui n'ont rien que l'im-

preffion naturelle en l'imagination , ainfi qu'elles ont


efté veuës en veillant . Or s'il y a moyen d'auoir les fō-

ges diuins,& d'approcher au degré de Prophetic , eft

defpouiller premierement toute arrogance, & vaine

gloire , s'abitenir des voluptez defhonneftes , & d'a-


uarice,puis apres s'adonner à viure vertueuſement, &
Fij
DES SORCIERS

fur tout à s'employer à contempler , & cognoiftre

les œuures de Dieu , & fa loy.Dauantage les anciens


6. In libris.
Theologiens Hebrieux,tiennent que la triſteffe , &
‫פירקי אבות‬
vieilleffe grande , empefche beaucoup l'effect de

Prophetic, difent: que la plufpart des Prophetes e-


ftoient ieunes . Et le plus hault poinct pour y at-

taindre eft de louer Dieu d'vne certaine ioye & al-

legreffe , & d'vn cueur entier , fouuent luy chan-


ter Pfalmes , & mefmement fur les inftrumens de

Mufique c'eft pourquoy le mot de prophetizer

fignifie auffi louer Dieu , comme en Samuel cha-

pitre 10. & 13.ɔna cùmprophetizaret , id eft, lauda-

ret . Etne fe faut pas arrefter , pour entendre lafor-

ce des viſions , & Propheties diuines , aux difcours

des Philofophes , qui en ont parlé à veüe de pays, &

tiennent que celuy qui a le naturel mieux temperé


void les fonges plus veritables: car fouuent l'homme

eftant au point de la mort, malade a l'extremité, pro-


phetize , n'ayant iamais prophetizé en la fleur de fa

force .Auffi Ariftote ne fçachant en quoy fe refoudre

au liure des fonges, dict, qu'il n'y a caufe vrayſembla-


ble de deuiner,fi ce n'eft vne caufe diuine & occulte,

& qui paffe (dict- il ) noftre entendement. Or il faict


bien à noter ce qui eft efcript au x 11. chapitre das

Nombres , que Dieu ne fe communique aux hom


mes finon en dormant (horfmis à Moyfe) par fonge &

viſion , & feulemant aux Prophetes : pour montrer


la difference de la vifion au fonge , & du fonge diuin

aux longes humains: ou qui aduienent par maladies


& entre les fonges &vifions diuines y a plufieurs de-

grcz.
LIVRE PREMIER. 23

grez.Le premier degré de la Prophetie eft la reuela-

tion en fonge de s'adonner à bien, & fuir le mal,

ou pour cuiter les mains des mefchans , & alors ce-

ftuy-là fentira en fon ame vn precepteur , qui le


rendra fage, & aduifé( comme difent les Hebrieux )

& de ceftuy- cy l'efcripture dict , que l'esprit de


Dieu s'eft repofé fur luy , ou bien que Dieu a efté

auec luy . Le fecond degré de Prophetic eft quand

quelcun aperçoit en veillant quelque chofe , qui


entre en fon ame , qui le pouffe à parler à la louan-
ge de Dieu , & de fes œuures , comme on dict

que Dauid alors compofoit les Pfalmes , Salomon

les liures des Paraboles , qui contiennent les grands

& beaux fecrets , couuers d'allegories . Mais Dauid

& Salomon, n'ont pas efté au degré de Iefaye , Hic-

remie , Nathan , & autres femblables , ainfi que les


Hebrieux ont noté. Et toutes les fois qu'on lift en

l'efcripture , que Dieu dift à Dauid , ou à Salomon,

les Hebrieux interpretent par le moyen des Pro-

phetes, come Gad, & Nathan, qui auoient les vifions

de Dieu pour les faire entendre à Dauid.comme Sa-


lomon,auquel fut enuoyé Haiah Silonite.Et mefmes

ils tiennent que ce qui fut dict à Salomon , qu'il


feroit le plus Sage & entendu qui fut oncques , ne
fut pas vne viſion, mais bien vn fonge diuin . Auſſi

l'efcripture dict , que Salomon s'efueillant , aperceut

que c'eftoit vn foge:Et auffi quad il eft dit , que Dieu

apparut à Salomon la feconde fois , ils difent, que ce

n'eftoit pas viſion.Le troiſieſme degré eft quand l'ef-

prit purifié voit en fonge quelque figure, foit home


Fiij .
DES SORCIERS

ou befte, ou autre chofe , & au mefme inſtant , qu'on

entend ce que veut dire la figure de ce qu'on void ,

comme en Zacharie fort fouuent. Le quatriefme de-

gré eſt quand on entend des paroles fans veoir au-

cune figure de chofe quelconque . Le cinquiefme


degré eft quand on void en dormant vn homme

qui parle , & reuele les chofes diuines . Le fixieme ,

quand il femble qu'on void l'Ange qui parle en

dormant . Le feptieme , quand il femble en dor-

mant que Dieu parle , comme Iefaye qui dict, l'ay


2.Ifa ca-s veu Dieu , & a dict, &c . & en Ezechiel, Michee , &

autres ſemblables . L'huictieme eft quand la viſion

de prophetic vient auec la parole de Dieu , & en ce de


gré les anciens Hebrieux mertoicut les vifions d'A-

braham , horfmis celle qui fut en la vallee de Mam-


bré,qu'ils mettent au neufieme degré. La dixieme eft

quand on void l'Ange face àface parlant comme au


facrifice d'Abraham . Le dernier , & le plus haut , eft

de veoir, & parler à Dieu face à face en veillant fans


autre moyen , qui fut propre à Moyfe , comme il eft

4. Numeri dict en l'efcripture : Et par ainfi quand Iefaye dict,


12.
qu'il a veu Dieu au chap.6.celà s'entend en vifion, &

non pas en veillant : & quand on lift en Ezechiel, que

ila efté transporté en vn champ, entre le ciel & la ter-


re,tout cela le faict en dormant: Carmefmes il eft dict

que Ezechiel perçoit la muraille du temple de Hieru-


falem , & neantmoins il eftoit en Babylone , comme

en cas pareil quad il fut dict à Hieremie, qu'il cachaft

vn brayer en Euphrate,riuiere de Babylone , & quel-

ques iours apres qu'il eftoit pourry : lequel Hieremie


ne
LIVRE PREMIER . 24

ne fut oncqnes en Babylone . Ainfi eft il de la toifon

de Gedeon, & fouuent les lieux ,les temps , les perfon-

nes, & autres particuliaritez font fpecifices par les Pro-

phetes, & neantmoins c'eſt viſion . A quoy pluſieurs


Payens & infideles n'ayant pris garde ont eftimé que

toutes les propheties & paroles de Dieu ont efté re-


uelees en veillant, & cherchét occafion de blafmer la

faincte efcripture: car il y a des chofes en vifion , qui

font impoffibles en veillant. Auffi void on en l'efcri-

pture,que les Prophetes interrogez , ne refpondent

que le iour fuyuant , s'ils n'ont eu lavifion precedéte,


comme cut Aias le prophete, qui refpondit foudain
à la Royne de Samarie femme de Ieroboam . Mais la

Propheteffe Holda diſt aux Ambaſſadeurs du Roy


Iofias, qu'ils attendiffent la nuit, & Baleham dift aux

ambaſſadeurs de Balac , qu'ils demeuraffent la nuict,

où il y eut vifion qui luy fembloit que fon aſne parla :

qui n'eft pas en veillant comme plufieurs penfent. Et


mefmele Diable,qui veut contrefaire les œuures de
Dieu , faifoit anciennement dormir les Preftreffes

d'Apollon en la cauerne, & ceux qui vouloyent ſça-

uoir quelque choſe de l'oracle de Mopfus s'endor-

moient au temple , comme dict Plutarques , qu'ily Lorum


s.De oracu
defe-
eut vn gouuerneur d'Afie,auec quelques autres Epi- u.
curiens mocqueurs de toutes religions, qui enuoye-

rent vn ſeruiteur au temple de Mopfus auec vne let-


tre bien cachetee, ou il y auoit cefte queſtion , Afça-

uoirfi Mopfus vouloit , que le gouuerneur luy facri-

fiaft vn veau blanc ou noir . Le garfon eftant de re-

tour,apres auoir dormy vnenuict au temple , dift qu'il .


DES SORCIERS

luy fembloit auoir veu en dormant vn homme , qui

ne luy dift que ce mot,Noir:& depuis le gouuerneur

creut à Mopfus, & luy facrifia fouuét.Mais il y a deux


chofes bie remarquables, pour la difference de la Pro-

phetie de Dieu, & des enchátemens de Satha. La pre-


font
miere eft que ceux, qui fót inſpirez des Dæmós ,

alors les pl furieux & infefez , & ceux qui fot infpirez
de Dieu, sot alors plus fages q iamais . C'est pourquoy

l'efcripture dit deSaul, quad l'efprit de Dieu l'eut faifi,

il eftoit vertueux, entier , & fage,& fut deux ans , en

ceft eftat:mais quad l'efprit malin le faififfoit , il deue-


6. Samne! noit furieux , & prophetizoit:Ainfi parle l'efcriptures :
lib.1.ca.18.
Le mot de Et quand il fut en l'affemblee des Prophetes , l'efprit
Prophete de Dieu le faifit, & commença à prophetizer,& louër
st außi dit
du Sorcier, Dieu .C'eft pourquoy les anciens Hebrieux difoient

& Encha- qu'il n'y a que les Sages qui foient Prophetes. Et tout
teur Deute-
contraire fe void des Sybilles & Propheteffes d'A-
ron.c.13 . le
pollon , qui ne difoient rien qu'en fureur,& en rage
efcumante:Et fe void auffi le femblable des Prophe-

tes dæmoniaques , qui deviennent en furie extreme


auparauant que deuiner. L'autre difference de la Pro

phetic diuine d'auec les enchatemens eft , que la pro.

phetic diuine eft toufiours veritable, & celle du ma-


lin efprit toufiours faulfe , ou bien elle tire pour vne
s y
veritécent menfonge . C'eft pourquo Dieu dict en
rez les Prophetes, quand
fa loy,A celà vous cognoift
dra point , ie
O.Deut . 13. ils diront quelque chofe , & n'aduien

n'ay pas parlé à eux. Et toutesfois il ne faut pas iuger

pour cela le Prophete faux , ou mefchant , lequel aura


e
eu don de Propheti , qui vient par fois, & non pas
toufiours
LIVRE PREMIER. 25

toufiours, & puis apres qu'il ayt vn föge humain , qui


nefera point enuoyé de Dieu, s'il dict qu'il aduiendra

quelque chofe, & n'aduienne point,il y a bien erreur

mais il ne laiffera pas d'eftre homme de bien & crai-

gnant Dieu :Mais Dieu veut faire entendre , qu'il ne

faut pas s'appuyer fur les fonges humains. Et en l'Ec-

clefiaftique il eft dict qu'on fe doibt garder de croire

aux fonges,s'ils ne font enuoyez de Dieu. C'est pour-


quoy detous les Prophetes, qui eftoient au temps de

Samuel,il n'y eut que Samuel qui fut appellé ' fidele, 7.Libro 1.
Samuel.ca.
& loyal, & qui iamais n'a dictchofe qui ne foit adue- 3.Ecclefiaft.
nuë. Et de faict tous les Theologiens font d'accord, cap.penul:.

que les faincts Prophetes n'ont pas toufiours eu le do


de Prophetie : Et tel n'a iamais eu que vne vifion de

Dieu , ou deux , ou trois fonges diuins . Et quelques-


fois Dieu continue cefte faueur toute la vie de Pro-

phete, comme à Samuel, Helie,Helifee, Aiah Siloni-

te. Et quelquesfois la Prophetie eft donnee aux Pro-


phetes qui n'aduient pas , comme on liſt de Michee

qui auoit menacé Hierufalem , & Ionas auoit mena-


cé & prophetizé que Babylon feroit raſee bien toſt

apres, & celle-cy dedans quarate iours :ce qui n'auint

point, car Dieu fut appailé par penitence. Čelà eft re-
marqué non feulement en Hieremie xxvi . & Ionas
III. ains auffi en Ezechiel xvII.Mais ordinairement

la Prophetie a ceffé en la vieilleffe: comme on void

de Hieremie au chapitre L 1.Il eft dict que les paroles


de Hieremie ont ceffé, & neatmoins il continue l'hi-

ftoire . Les Hebrieux fur celà ont noté,que la Prophe-

tic alors ceffa en luy. Et du vieillard Heli il eft dict,


G
DES SORCIERS

qu'il ne voyoit plus goutte, ce que les Hebrieux ete-

dent de la vifion Prophetique: Et de faict Samuel fort


ieune cut la vifio, pour declarer à Heli le iugemet de
Dieu donné contre fa maiſon.Et c'est pourquoy ō lift

en Ioël le Prophete, que aux derniers iours les ieunes


auront des vifions , & les vieux auront des fonges. Or

le foge eft beaucoup moidre que la vifio . Quelques-


fois auffi l'infufion & grace Prophetique fe faict fur

la partie raiſonable, & no pas fur l'imaginatiue, ce qui


peut aduenir pour la foibleffe de l'imaginatio: ou bie
l'infufion fe faict fur l'imagination , & ne paffe point

à la raiſon , pour la foibleffe d'icelle, & que la perfone


ne s'exerce pas à contépler. Quelquesfois l'infufio eft
telle, que la perfonne eft cótraincte d'executer le má-

dement, comme on void en Hieremie, qui eftoit feul

Prophete de fontemps . Dieu luy comandoit en fon-

ges, & vifions , de declarer au peuple , que la ville de

Hierufalem,que les ennemis affiegeoient feroit for

cee,le Roy & le peuple mis au trenchant de l'efpee,le


temple bruflé, & la ville rafee.Il n'ofoit dire la verité :

mais il dict que l'efprit de Dieu le preſſo it ſi fort & de

telle violéce, que force luy fut de declarer la Prophe-

tie : Et lors le peuple cria qu'on le feift mourir, & de


faict il fuft getté en vne folle pleine de fange & d'or-
dure, & edura la faim quelques iours, iufques à ce que

le Roy le manda en fecret,auquel il dift la verité . Ĉar

fouuent la Prophetic , & le fonge eft enuoyé à l'vn ,

pour aduertir, ou menaffer, ou declarer la codénation

d'vn autre:Comme d'Helie au Roy Achab, de Natha


à Dauid, & de Haiah à Ieroboam: & neantmoins Da-

uid.
LIVRE PREMIER . 26

uid auoit l'efprit de Dieu ,mais il n'auoit pas la vifion

Prophetique , come les autres prophetes , ou du moïs

ilne l'auoit pas fi excellente . Et qu'ainfi foit,quand il


vouloit faire la guerre ou entreprendre quelque cho
fe de cófequence,il mădoit à Gad le prophete ce qu'il

verroit, ou bie il difoit au preftre qui l'accopaignoit ,

qu'il veftift l'Ephod,pour voir le vouloir de Dieu par


Vrim, & Thummim . Ces mots , Vrim & Thummim , font .
‫חסים‬
Hebrieux, que les LXXII.ont interpreté , Declaratio &
Verité: & l'interprete Caldean les à laiffez fans les iter-
preter,comme les Hebrieux auoient accouſtumé de

cacher les fecrets: mais en Hebrieu ce mot Vrim,ſigni-

fie, lumieres, & Thummim, perfections : C'eftoit vne ta-

ble, où ily auoit douze pierres precieuſes enchaffees ,

& les nos des douze enfans de lacob engrauez : laqlle

table pendoit auec deux chenons fur la poitrine du


grand preftre, comme on void en Exode . Et aux No - 2.cap.28.
bres ' il eft dict que Eleazar pontife fucceffeur d'Aarō 3. Cap . 27.

interrogera felon la forme de Vrim , & que felon fa

parole & refponſe, on ſe gouuernera.Si la choſe qu'o

deuoit entreprendre deuoit bien fucceder,les pierres


à l'interrogatoire qu'on faifoit , donnoient vne viue

lumiere, ou le preftre infpiré de Dieu difoit ce qui ad-

uiendroit.come il ſe peut veoir en l'Efcripture *, & en 4. Eſdrac.


Iofephe aux ' Antiquitez , où il dict que cefte lumiere 2. Ne-
hem.7.
ceffa deux cens ans auant fon aage, il nafquit xxx.ans.Lib.3.ca.

apres Iefus Chriſt. Les Grecs appelloiet ce pectoral .


yov, c'est à dire, l'Oracle, qu'on a tourné mal à pro-

pos,rationale ou il n'y a ny rithme ny raifo, pour n'a-


uoir entendu a quoy il feruoit. Car les Roys en tou
Gij
DES SORCIERS

tes les actions de confequence demandoient conſeil

à Dieu par le Pontife, ou par les prophetes de Dieu: &

s'il n'y auoit point de refponfe, c'eftoit figne de l'ire


de Dieu. C'est pourquoy Saul eftant delaiffé de Dieu,

6. Samuel,ne trouua reſponſe aucune, di&


t l'escripture ' , ny par
1.4.28. Prophetic,ny par fonge,ny par Vrim,& Thummim:
verf.9. alors Saul dift qu'on luy trouuaft vne forciere , qui

euft vn Efprit Diabolique , pour fçauoir l'iffue de la

bataille,qu'il donna le four fuyuant, où il mourut. Et

7. Samuel, au contraire Dauid toufiours eut reſponſe² par viſion

2.cap.2. de quelque Prophete, ou par fonge, ou par Vrim , &


S.
Thummim, auſſi faiſoit il diligemment ce qui luy e-

ftoit mandé: & saul pour n'auoir obey,fut delaiffé de

Dieu, & du peuple, & fut tué par fes ennemis :Et fur ce

qu'il fe vouloit excufer de n'auoir mis le Roy des A-

malecites, & tout le beftial à mort , pour facrifier à


8. Samuel, Dieu ,Samuel ' luy dift, que la defobeiffance à Dieu c.
c.15 . Ofca.
G.
ftoit pire, que l'idolatrie & forcelerie: Et que l'obeif

fance valoit mieux , que tous les facrifices du monde.

9. Tob.cap. Auffilifons nous en Iob, que Dieu ' ayant pitié des
33.
hommes, les aduertift en fonge, &leur tire l'oreille , les

enfeignant de ce qu'il faut faire , pour les rendre plus

humbles, & le faict par trois foix . Mais s'ils n'obeiffent


à la troiſieſme fois , ils font delaiffez: Et fi celuy à qui

Dieu enuoye fon bon Efprit pour le guider , ne luy

obeift,l'efprit le menace de le quitter & abandonner:


s'il fe corrige,il n'eft point abandonné :s'il ne s'amen-
de il eft delaiffé . Voyla dóc les trois moyés, à fçauoir,

la vifion , les fonges , & le pectoral ancien, par leſquels


Dieu declare aux hommes favoloté. C'est pourquoy
la
LIVRE PREMIER. 27

le Prophete Baleha infpiré de Dieu, beniſſant le peu-

ple d'Ifrael, difoit, O peuple heureux qui n'a point de

forcelerie ny de fortileges , mais auquel Dieu reuele


les choſes futures quad il eft befoin. Et combien que

depuis la publication de la loy de Dieu, & apres tat de


Propheties,viſions, & iugemens de Dieu coſignez es

efcriptures, & hiftoires fainctes , par lefquelles nous


fomes bien informez de la verité, & volonté de Dieu

& qu'il ne foit pas befoin de prophetes : neatmoïs


il est bien certain, que Dieu ne laiffe pas d'éuoyer aux

hommes,fonges , vifios, & fes bós Anges , par lefquels

il leur faict cognoiftre fa volóté, pour fe guider & in


ftruire les autres .Et mefmes nous lifons es docteurs

Hebrieux , que iaçoit que l'oracle de Vrim & Thum-

miceffaft apres le retour de Babylone, fi eft- ce qu'ils

confeffent que toufiours on oïoit quelque voix diui-


ne, que Iofué fils de Leui appelle ' na ,c'eſt à dire,fil- 1.1n zibro.
‫פירקי אבח‬
le de la voix,que les Grecs appellent x mais celle cy
fuit la voix, & celle la s'entendoit fans voix precedere.

Et la vraye marque pour recognoiftre ceux , qui ont


telles graces, il faut bien voir , & cognoiftre leurs a-

&
tios, & fur tout quel eft le Dieu qu'ils adorét . Car il fe ,
peut faire, que tel aura vifio & fonge, & dira ce qui eſt
à venir, & aduiendra, & fera miracle, & neantmoins il

prefchera qu'il faut adorer d'autres dieux que celuy

qui a fait le ciel &la terre:mais il ne faut pas pourtant

yadioufter foy:car c'eft l'vn des fignes, que Dieu a ex-

preffement articulé par fa loy, difant qu'il enuoye ce 2. Deuter ..


ca. 13.
fongeur, & ce Prophete, pour effayer finous l'aymos,

& le craignons.Qui molire bien que Dieu n'enuoye


G iij.
DES SORCIERS

pas feulement les fonges veritables aux eflcuz & gens


de bien , ains auffi aux infidelles & meſchans pour les

faire precipiter plus rigoureufemét auecques efpou-

uantemes.Les hiftoires en font pleines come nous li-


fons des fonges der haraon & de Nabuchodonofor :

& principalement aux princes quand il eſt queſtio de


l'eftat, & des chofes concernant le public.Mais ordi-
nairement les mefchans ont des vifios terribles & ef-

pouuantables, comme dict Salomó au liure de la Sa-

geffe: & les bons, ores qu'ils foient quelqsfois effraïez


par fonges, fi ont ils toufiours affeuráce &confolatio.

Ainfilifos nous, que Vefpafia fongea qu'il feroit Em-

pereur, quad Neron auroit perdu vne dent, ce qui ad-


uinc le iour fuyuant.Et Antonin Caracalla eut vn fon-

ge, que fon pere Seuerus tenant vn glaiue luy difoit.

Tout ainfi que tu as tué ton frere,auffi faut-il que tu

meures de ce coup.Et Hippias tyran d'Athenes fogea


leiour precedent qu'il fut tué, qu'il eftoit precipité de

la dextre de Iuppiter en terre.Artemidore eft plein de


telles hiftoires.Encores il eft à noter que la plupart

des fonges naturels fignifient l'humeur , ou maladie

naturelle du perſonnage: comme Galen efcript que

l'experience a faict cognoiftre,que le foge de la cheu-


te d'vne eftoille, ou le bris d'vn chariot, eftant le mala-

de dedans le chariot, celà luy fignifie fa mort. Les an-

ciens remarquoient les fonges veritables au poict du


iour en celuy qui n'eftoit point troublé d'efprit . L'e-
fcriture faicte baille vne reigle de n'adioufter foy aux

fonges,s'ils ne fot enuoyez de Dieu.Et la marque eft,

quand ilsfortent d'vn homme de bien , & veritable ,


ou
LIVRE PREMIER. 28

ou d'vn mefchant, pour l'exterminer . Mais les fonges


heureux des Sorciers, ou des Atheiſtes ou de ceux qui

meinent vne vie deteftable, font enuoyez des malins

efprits,comme nous dirons cy apres,

occultes.
Des moyens naturelspourfcauoir les chofes
CHA P. V.

Iuination naturelle eft vne anticipation des

chofes à venir, ou paffees, ou prefentes , &


neantmoins occultes par la cognoiffance

des cauſes enchefnees, & dependentes l'vne

de l'autre,ainfi que Dieules a ordonnees des la crea-


tion du monde.l'ay pofé cefte definition, pour faire

iugement certain quelle diuination eft licite, & quel-


le diuination eft illicite, ou Diabolique , fuyuant les

termes de la definition , que nous auons donnee du


Sorcier. Or tous les philofophes & Theologiens font

d'accord,que Dieu eft la premiere caufe eternelle , &


que de luy dependent toutes chofes. Car combien

que platon ayt pofé trois principes du monde , à fça-


uoir,Dieu ,la matiere, & la forme,fi eft ce que au Ti-
mee, & au Theetete , & en plufieurs ' autres lieux , il 1.Epiftolaſe
ptima ad
met Dieu par deffus toutes les caufes , & hors la fuite Dionem.

& ordre des cauſes. Ariftote pareillement a demon- Pho


6.08.0
ftré,qu'il faut par neceffité,qu'il y ayt vn Dieu , pre- trà
ται
miere caufe, de laquelle toutes les autres dependent. & qua.
12 .
Qui eft pour ofter l'impieté des Manicheans , qui ont "

voulu fouftenir qu'il y auoit deux principes, l'vn bó,


l'autre.mauuais : l'vn Createur du mode elemétaire,,
DES SORCIERS

& l'autre du monde celeste , & des bons efprits . Com


bien que Epiphanius dict que Marcion en mettoit

trois, & Bafilides quatre , qui font opinions reprou


3.άgia uees , & deteftables: car comme difoit Procle¹ Aca-

Top demicien , le Polytheifme eft vn droict Atheiſme, &


ἀναιρεμ qui met nombre pluriel, ou infini de Dieux s'efforce
καὶ πολυ
θεότητα d'ofter le vray Dieu , c'eſt à dire ,adgiα Tòp leóp avαlpã.

άÓTT Mais les philofophes ne font pas d'accord auec les


avou
Theologies de la fuyte des autres cauſes . Car les Aca-

demiques & Peripatetiques difent que Dieu eft caufe

efficiente de la premiere intelligence, q les Hebrieux


appellent Metatron: Et ceſte- cy eſt cauſe de la fecon-

de, & la feconde de la troifieme, & confequément des

autres, iufques aux dernieres cauſes . C'eſt pourquoy

Iulian l'Apoftat fuyuất l'erreur de plato, & de fon mai-

ftre láblique,au liure qu'il afaict contre les Chrefties

, con- eft de cefte opinio ',blafmant les Chreftiens qui tien-


3. Apudcy
rillum
tra ulia- nent que Dieu eft principe & origine des chofes vifi-

num, cuius
li bles , & inuifibles fans moyen,qui eft toutesfois felon
ber à Cy-
rillo penè le texte formel de l'hiftoire facree, où il eft dict , Au
träfcriptus cómécemét Dieu a creé le Ciel & la terre, & puis cha-
eft.
cune des creatures, comme il eft porté par ordre &

n'eft point fait mentio de la creation des Anges , à fin

qu'on n'attribuaft la creation des chofes aux Anges:


Et les plus doctes aux fecrets de la loy,difent que ces.
mots,Dieu a creé le Ciel & la terre,fignifiết la matie-

re, & laforme:pour ofter l'opinion de ceux qui tienēt


que Dieu ne feiſt pas la matiere , ains feulemét la for-

me, cftantja auparauant la matiere confuſe:qui eft vn

erreur pernicieux . Vray eft qu'il y en a qui tiennent,


comme
LIVRE PREMIER. 29

comme Origene, que Dieu a toufiours par fucceffion


creé des modes infinis, & quãd il luy a pleu il les a rui-

nez, à ſçauoir le mõde elemétaire de fepten fept mil


au & le mõdecelefte de quarate neufen quarate neuf

milans, vniffant tous les efprits bie- heureux en foy, &

laiffant repofer la matiere cofufe fans forme mil as , &

puisrenouuelát par fa puiffance toutes chofes en leur

premier eftat & beauté, & raportet le repos de la terre

le feptieme an, & apres le quarate & neufieme le grad

iubilé, & pour ceſte cauſeils difét qu'il n'eſt faict me-
tió de la creation des Anges à la création de ce mode,

pour monftrer qu'ils eftoient demeurez immortels a-

pres la corruptio des modes precedens, ce que le Pri


ce de la Mirande a tenu pour certain en fes pofitions

fur la Cabale. Voyla que les Hebrieux en leur fecret- oRabi xu-
da, Leo
te Philofophie tiennent, & Origine auffi laquelle o- Hebraus,et

pinion, cóbien qu'elle ne foit pas receuë de quelques cateri.


4.in Libris
Theologiens , pat ce qu'il femble que c'eft entrer par mpi ap-
trop auant aux fecrets profóds de Dieu, fi eft ce qu'el- χων.

le tranche l'impieté de ceux qui fe mocquet de Spiri-


dion,& autres Eucfqs au Cócile de Nicene , difas que

c'eftoitchofe fort cftrange, que Dieu depuis cet mil-

liers d'annees,voire depuis vne eternité infinie ſe fuſt

aduifé depuis trois ou quatre mil ans de faire ce mon-

de,qui doibt perit bien toft: Et par ce moyé auffi l'o-

pinion de Rabi Eliezer auroit quelque apparence, ou


il dict,que Dieu a fait les cieux de la lumiere de fon

veftemet, come de matiere: qui eft fuyuant le dire dessin libre

Salomo,où ilfuppofe la matierexofufe, au parauat la Sapientia.

Creation de ce monde , & auffi quand il dict qu'il n'y


H
DES SORCIERS

arien de nouueau foubs le Soleil, & toutesfois quand

il y auroit eu des mondes infinis par ſucceſſion,fi faut

il confeffer,que la premiere matiere fut creé de Dieu ,


ce qu'on ne peut nier fas impieté:autrement l'eternité
de la matiere s'en enfuit, & la caufe efficiente auffi toft

que l'effect, & plufieurs autres abfurditez ineuitables ,

6.1n metho que i'ay remarquees en autre lieu , contre l'opinion

doBodinic
6. . d'Ariftote qui le premier a pofé & fouftenu l'eternité
du monde,chofe impoffible, & incopatible par natu-

re, cófeffant, qu'il y a vne caufe premiere come il a de-


monftré .Auffi les Hebrieux, & les Academiques &

Stoiques, ont reprouué cefte opinion d'vn comun co-

7.in lib. fentemét , come auffi Plutarque ', & Galen ' , & mef-
που της mes les Epicuriens s'en font mocquez. Et par ainfi
ἐν τῷτι
μαίω ψυ nous arrefterons là, que Dieu a creé la matiere de rien,
2029rias . ce que le mot sa fignific, c'eft à dire Creer: car autre-
8.in libr.de ment l'escripture euſt dictus c'eſt à dire, Faire , com-
placitis Hip
pocratis , et me quand il eſt di &
t , que Dieu a fait l'homme du li-
Platonis. mon
de la terre, ayat pris la matiere,qu'il auoit ja pre-
parce, & qui fignifie auffi vn fecret plus haut,c'eſt à fça

uoir,que Dieu de l'ame a fait l'intellect , come dict le


Rabin Paul Riccius.Encores eft il bié à noter que ces

mots,Dixit, &factafunt,le moto , ne fignifie pas feu-


lement, dire ,ains auffi , vouloir,de fa propre fignifica-

tio,& les Hebrieux l'interpretet ainfi; car Dieu n'euft

pas adreffé fa parole à la creature,qui n'eftoit pas eco-

res:mais depuis la premiere creation de toutes chofes


Dieua diftribué fes Anges, par le moyen desquels il

renouuelle, &entretient fes creatures.Et quád on dict

que Dieu eft la cauſe efficiente , la forme, & la matiere


H du mon-
LIVRE PREMIER . 30

du monde, ce n'eſt pas qu'il ſoit la forme du ciel , ou

d'autre creature, mais que c'eft luy qui done eftre à tou

tes chofes, & que fans luy rien ne peut fubſiſter. Quád

ie dy, Ange, ï'entends les efprits diuins, car autrement

le mot d'Ange fignifie meſſager, & generalemēt tou-

te puifface,& toute vertu ,que Dieu done aux creatu-

res,auffi bié que les efprits bos &mauuais, & les hom-
mes auffi , & les vens, & le feu s'appellet Anges'è l'Ef- 3.4.104 .

cripture .Et par ainfi quad on void les cieux & lumic-
res celeftes fe mouuoir , celà fe faict par le miniftere

des Anges, ainfi qu'o appelle Ange propremēt, come

tous les Theologies & Philofophes confeffent , &


mefmes Ariftote dict, que s'il y a cinquáte cieux,il y a

autat d'Anges ou Intelligences :non pas que Dieu në

puiffe de fon vouloir, fans autre moye, conduire tou-

tes choſes: mais il eft plus feant à la Maiefté diuine d'v-


fer de ſes creatures . C'eft pourquoy on lift en l'efcrip-

ture que Dieu eft en l'affemblee des Anges , & que les
malins efprits fe trouuent auffi en l'affemblee , come

dict Michee le Prophete , aux Roys de Iuda & de Sa-

marie, & Dieu parle à Satha en l'affemblee des Anges,

come il eft dict en Iob '.Ce que tous les Hebrieux in- 9.1ob.ca.r

terpretent du miniftere des creatures , defquelles il fe

fert en toutes choſes.Nous auos dict cy deffus , come

il ne parle aux homes ordinairemét que par fes Anges


auffi ne faict il rié aux chofes corporelles , que par les

corps celeftes,vfat de fa puifface ordinaire, ou imme-


diatemet vfant de puiffance extraordinaire : Ce qui eſt

A affez möftré en la vifio de Zacharie , des fept lumieres cap.4 .

duchadelier,(ce qui a depuis efté tranilaté au liure de


Hij
DES SORCIERS

l'Apocalypfe ) & que l'Ange interprete au mefme lieu

les fept yeux par lefquels Dieu void , & les Anges qui
verfent de l'huyle de deux oliues à la dextre de Dieu:

que tous les Hebrieux interpretent les fept planettes,


aufquelles la vertu diuine eft infufé , pour departir en

tour ce mode .Et par ainfi de s'enquerir de la vertu des

lumières celeftes , pourueu qu'on n'excede les cauſes


naturelles,il eft, & a toufiours efté licite, & en celà gift

la gloire de Dieu, de faire chofes fi emerueillables par


2.in Theo- fes creatures . C'eft l'aduis de Damafcene , & de Tho-
logicis fen-
tentiis. mas d'Aquin au liure de Sortibus, & au liure des Iuge-

més Aftronomiques: & de mefme opinio eſt auſſi l'E-

fcot:Et par aifi il ne faut pas fuyure l'erreur de Lactace

Firmia,qui dict que l'Aftrologie , Necromantic , Ma-

gie,Arufpicine, ont efté trouuees par les malis efprits:

ce qeftbien veritable des autres,mais l'Aftrologie: &

la cognoifface des effects celeftes eft dönce de Dieu .


3. au liure
contre les Et cobien que Caluin'de propos deliberé, comme il
Aftrolo feble, voyat que Mclanethon auoit en trop grande
gues. recomendation l'Aftrologie l'a raualee le plus qu'il a

efté poffible:neatmoins il a efté contrainct de cófef-


feriles effects elmerueillables des Aftres : adiouſtant

feulemet queDieu eft par fus tout celà, & qu'il ne faut

rié craindre à celuy qui ſe fie en Dieu . Et Ptolemee en

dit bien autant que le Sage commandeau Ciel : c'eſt

4. Sur le pourquoy Abraham Aben- Efra, grand Aftrologue

decalogue, entre les luifs dict, que les enfás d'Ifrael ne font point
adem tradi
tu in libris fubiects aux Aftres,il entend tous ceux qui fe fient ch

Dieu . Mais celuy qui ne craint point Dieu il paffera,


dict Salomon,foubs la roue ou il eft certain qu'il en
tend
LIVRE PREMIER.
31

tend le ciel, & les vertus & influences celeftes. Et par


mefme moyé LeoHebrieu interpretant les allegories

de la Bible, où il eft dict que l'Ange Cherubin au de-

uất du Paradis,faict la roue d'vn glaiue flaboyant il

dict que c'eft le ciel flamboyant, & plein de lumieres

celeftes,par la force, & influece defquelles Dieu être

tient ce monde materiel,laquelle matiere empefche

l'homme brutal & adonné aux voluptez terreftres de

s'efleuer en la cotéplatió des œuures, & merueilles de


Dieu, ains font enfeuelis en leur corps, comme en vn

fepulchre:Defquels parle l'efcripture au Pf.L X X V 1 1 .

verf.vII.où il eft dict, Sicut vulnerati dormientes infepul-

chris,quorum non es memor amplius, ipfi de manu tua re-

pulfi
funt:lequel paffagetrauaille plufieurs , qui n'ont

efgard aux allegories Hebraïques: mais l'interprete


Caldean tourne ainfi, Sicut occifigladio dormientes in fe-

pulchris,quorum non recordaberis amplius , & ipfi quidem à

facie diuinitatis tuæfeparatifunt.Il ented par le glaiue le


ciel, & influece naturelle de ceux qui fuiuent le cours

naturel, & vie brutale des beftes. C'eft pourquoy il eft

auffi dict que Dieu diuifa les eaux qui font foubs le
firmament,qui font les influeces celeftes , des eaux fur-

celeftes, qui fõtles Anges & mode intelligible.Nous

auos encores vn tefmoignage de Dieu plus precis de


la puiffãce qu'il a dónéaux altres, quad il parle à lob,
Pourras tu dict-il, lier les Pleiades , ou defioindre les 4.10.438..

cftoilles de la grand'Ourſe ? Produwas rules Hyades,


& fi tu pourras gouuerner les eftoilles d'Arcturus.Il a

remarqué les altres de tourde ciel , qui mónſtrent la

puiflancela plus grande en ce monde elementaire, &


.
Hij
DES SORCIERS

qui fe cognoift es faifons ordinaires, au leuant & cou-

chat,heliaque, & chronique d'iceux . Puis apres Dieu


é general dict à Iob , Sçais tu bié les loix du ciel ? eft- ce

toy qui done la puifface au ciel qu'il a fur la terre ? Qui

fonttous paffages, qui möftrent la grade puiffáce , que


Dieu adoné aux corps celeftes fur le mode elemétaire

Auffi apres la creatio des flabeaux celeftes , Dieu dift

qu'ilsferoient pour fignes des teps, & des ans, & des

Tours , qui ne fignifie pas feulement pour conter les


iours, car vn million d'eftoilles ne feruiroient de rié.

Or tant s'en faut que cefte puiffance & vertu fi gráde


&fi admirable des corps celeftes diminuë en rie, que

pluftoft par icelle la puiffance de Dieu eft rehauffee,


& releuce à merueilles.Car fi nous loüons Dieu voyat

la vertu d'vne pierre, d'vne herbe, d'vn animal, cóbien

plus grande occafion auons nous de loüer Dieu, voy.

ant la grádeur, la force,la clarté, la vifteffe, l'ordre , le

mouuement terrible des corps celeftes ? C'est pour-

quoy le Pfalmifte ayat loüé Dieu des chofes qui font

icy bas , quand il vient à remarquer la puiffance des


5.Pfal.8. Aftres,il eft raui hors de foy, & s'efcriant dit ainfi'.

Mais quand ie voy, contemple en courage,

Les Cieux,quifont de tes doigts haut onurage,


Eftoilles, Lune, & Signes differens,

Que tu asfaicts,& affis en leurs rancs :


Adonc ie dy àpart moy ainfi, comme

Tout efbishi, qu'eft ce que de l'homme?


Et à dire vray , le Ciel eft vn trefbeau theatre de la

louange de Dieu, & plus on cognoift les effects de ces

lumieres celeftes ,plus on eſt raui à louer Dieu . Les


plus
LIVRE PREMIER. 32

plus lourdeaux s'eftonnent de voir qu'il y a plein flot

de mer,quand la Lune eft pleine ou nouuelle , & aux


quartiers le flot eft bas, & que à chacun iour le flot fe

retarde d'vne heure, & en mefme pays, mefme regio,

mefme climat, en diuers ports le teps du flot & reflot

eft diuers.Les pefcheurs voyét que toutes fortes de co

quilles font vuydes , briefles animaux, les plates, & to²


les elemens ,fentent vn merueilleux changement du

fág, des humeurs, des mouelles,au declin & accroiffe-


ment.Et mefmes les charpétiers ne couperoiết pas vn

arbre pour baſtir,ſinon au declí de la Lune, autremēt


le bois eft inutile à baftir, & au mefme teps faut enter,

& couurir les racines des plantes, vanner les grains &

legumes au declin de la Lune, & infinies autres obfer-

uations remarquees par les anciens qu'on peut voiré

Pline,liure x v11.chapitre xxx11.Les Medecins co-


feffent que les iours critiques des fieures, & maladies

font regis par la Lune,& mefmes Galen en a faict plu-


fieurs liures , s'étonnant d'vne chofe qu'on void or-

dinairemét en l'Horoſcope. du malade que l'oppo-

fition ou quartier de la Lune au Soleil donne vn cha-

gement notable aux malades Et auffi quand la Lune

t l'oppofition ou quartier du lieu où


attain & elle eft

partie, quand la maladie a commencé. On void fou-

uet es peftes & autres maladies populaires que à cha-


cum quartier en vn moment il tombe vn nombre in-

finy de mort foudaine. Or Galeniugeoit par l'expe- 6. De die-


›bus decreto
,
rience qu'il auoit appris des obferuations de tous lesSriis. Hyppo-.

anciens.car il ne fçauoit pas feulement le vray mou- crates in li.


uement de la Lune, comme il apert par fes liures ; prognoftico .
DES SORCIERS

Mais il cuft bien plus efté eftóné , s'il euft entendu les
effects des autres Planettes, & des conionctios, & re-

gard des vnes aux autres, & aux eftoilles fixes, mefme-

metfurle corps, & difpofitió de la perfone. Carles an

ciens ont remarqué pour maximes, & par experience

de plufieurs ficcles, que Saturne & Mercure eftant op .

pofites en vn figne brutal, l'home ordinairemét, qui

naiſt alors, eft begue ou muet, q la Lune eſtant au Le

uất,la perfone eft faine, & en l'eclypfe,l'éfant qui viet

à naiftre ne peut viure : Et celuy qui naiſt en la cōion.

&
tió de la Lune , ne la fait pas ordinairement longue.

Bricfles Arabes ayat cogneu la force des influeces ce

leftes fur les corps , ne vouloiet pas que le medeci fut


receu s'il n'auoit la cognoifface d'Aftrologie , & ceux

là qui auoiet les deux s'appelloiết Iatromathomacies

en Grece.Et pour le faire court par les influéces cele-

ſtes on void les humeurs, & la diſpoſitiō naturelle des


corps , & des humeurs.Et ce qui l'a faict blafmer a efté

l'ignorace de ceux qui en ont efcript à veuë de pays,


come difoit Melanctho.c'eft pourquoy par les Or

donaces publices à la requeſte des eftats tenuz a Blois

article 36.laftrologie eft exceptee & feparee des au


tres fciences diuinatrices en ce qu'il eft dit que tous

deuins & faifeurs de prognoftications & d'almanacs

excedans les termes d'Aftrologie licite feront extra-

ordinairement. Auffi nefaut pas que les Aſtrolo-

gues fe mellét de iuger des ames, des efprits, des vices,


des vertus, des dignitez,des fupplices , & beaucoup

moins de la religion , comme plufieurs ont faict ,fuy-


uant les faux monnoyeurs , qui tirent bien la quinte
effence
LIVRE PREMIER.
33

effence des plantes, & mineraux, & font des huilles, &
caux admirables , & falutaires , & difcourut fubtile-

ment de la vertu des metaux , & tráfmutation d'iceux :


mais auec celà ils font de la faulce monnoye : ainfi

font plufieurs Aftrologues , apres auoir declaté par

l'Horoſcope , l'humeur & difpofition naturelle du

corps , ils paffent plus outre aux chofes qui ne tou-


chent en rien le corps, à fçauoir, aux mariages , aux

dignitez, voyages, richeffes, & autres chofes fembla-

bles, où les aftres n'ont ny force ny puiſſance: & quãd

ils auroient quelque puiſſance , c'eſt impieté de s'en


enquerir, & non feulement impieté, ains auffi vne ex-

treme folie. Car fi le Deuin predict faullement que

l'homme ſera bruflé ou pendu , le miſerable ſouffre

mille morts deuant que mourir, & fans occaſion.Et fi


la prediction d'eftre bruflé eft veritable , fon mal re-

double, & n'a jamais repos.Si le Deuin affeure à quel-

cun faulfement qu'il fera grand & riche, il fera cauſe

de luy faire diffiper les biens, & d'eſtre vn faitneant,

foubs vne vaine efperance.Si la prediction eft verita-


ble, l'efperance differee faict viure la perſonne en lan-
gueur,comme dict le Sage:Et quand la chofe aduiết,

le plaifir en eft perdu:combien que Dieu permet or-


dinairement,que ceux qui s'enquierent de telles cho-

ſes foient fruftrez du bien qu'ils attendent , & que le

mal qu'ils craignent leur aduienne. Mais l'impieté de

ceux eft inexcufable , qui font feruir la religio aux in-


Aluences celeftes : comme Iulius Maternus , qui efcript

que celuy qui a Saturne au Leon, viura longuement,

& en fin apres la mort qu'il montera au ciel, & Albu-


I
DES SORCIERS

zamar , qui a tenu que celuy qui faict ſon oraiſon à


Dieu, eftant la Lune conioincte à vne autre Planet-

te, que ie ne mettray point , & tous deux au chefdu

Dragon , obtiendra ce qu'il demande: ce que Pier-

re d'Appon maiſtre Sorcier , s'il en fut oncques, dict


auoir practiqué ,pour attirer les hommes à telle mef-

chanceté: En quoy il n'y a pas moins d'impieté , que

d'ignorance : attendu que le chef, & queue du Dra-

gon ne font rien que deux poinct d'vne interfection

imaginaire, & de deux cercles imaginaires , & qui n'ot


ny eftoille ny planette , & variables à tous momens:

combien que Albuzamar eft encores plus deteſtable

d'auoir of limiter la fin des religions par les influen-

ces celeftes, en ce qu'il a dict que la religion Chreftié-

ne finiroit l'an M.CCCC.LX. & neantmoins il y a plus

de cent ans, que le temps eft expiré. Et en cas pareil


Arnoldus Efpagnol ineptement auoit predict que
l'Antechrift viendroit l'an M.CCC.XLV : & le Car-

dinal d'Ailly, quia remply ſon liure de tels menſon-

ges , difcourant de la fin des trois religions,fuppofe


3. Exodi.c.
33. 1ofeph.qu'il y a fept mil fept cens cinquante & huit ans de-
·
cap.3.lib.5 . puis la creation du monde , où il a failly de quinze ces

antiquit . ans par le calcul approuué des Chreftiens , & des He


RabiAbra
ham Abe- brieux faifant aufli en l'Horoſcope de la creation du

Efra in 7. monde, que le Soleil foit au Belier,lequel neatmoins


ca. Danieliseftoit é la Libre par le texte formel ' de la Bible, où il
initiйmudi

inmefe Tifapert que le premier iour du monde fut celuy que


ri cöftituut , nous difons le dixiefme du feptieme mois , qui eft le
qui mefis eft
September ,figne de la Libre. Cyprian Leouice de noftre aage a

bien paffé outre: car il dict que la religion de lefuf.


Chriſt,
LIVRE PREMIER. 34

Chrift , & la fin du monde fera l'an M. D.LXXXIII .

Et l'aſſeure en ſorte , qu'il dict : Proculdubio alterum ad-

uentumfilii hominis infede maieftatisfuæ prænuciat , pour

la grande coniunction en la triplicité aquatique de

Iefus Chrift : qui eft vne incongruité notable en A-


ftrologie, & impieté en termes de religion : cariamais

Planette ne ruina fon figne ny fa maifon , & Iuppiter

eft conioinct aux poiffons , en la coniunction qu'il


crainct fifort , qui eft le figne de Iuppiter conioinct

auec Saturne , qui eſtſon amy. Et puis qu'il aſſeuroit

tellement , qu'on n'en doibt aucunement doubter,


c'eft vne extreme folie à luy d'auoir taillé pour trente

ans d'Ephemerides apres la fin du monde , comme il

a faict.Et le iugement de Cardan n'eft pas moins ine-

pte, qui a calculé, & faict imprimer l'Horoſcope de


Iefus Chrift en Italie, & en France,difant que Saturne

en la neufieſme maiſon fignifioit la deſertion de fa re-

ligion, & Mars auec la Lune en la feptieme, monftroit


le Mars
genre de mort:Chofe ridicule, attendu que

eftoit en fon propre figne, qui eft ignee.Mais l'impie-


té eft beaucoup plus grande de vouloir afferuir la re-

ligion aux Aftres,comme auffi afaict Aben- Efra, qui

auoit predict, qu'il naiftroit vn grad Capitaine,pour

afrachir les Iuifs , qu'il appelloit Meffie, l'anм . CCCC.


LXIII1, ce qui n'eft poinct aduenu . Laiffant donc-

ques ces opinions, & diuinatiós pleines d'impieté , &


d'ignorance , nous nous arreſterons feulement aux

naturelles predictions ,pour le regard des influences

celeftes fur les corps , & fur les humeurs. Vray eft que
les efprits , & meurs des perfonnes , fuyuent bien
I ij
DES SORCIERS

fouuent les humeurs , cómme dict Galen , au liure

qu'il a faict,Que les meurs fuiuent les humeurs : mais

celà n'eft point neceffaire , & n'y a qu'vne inclination

naturelle, & non pas ncceffité. et par ainſi quand nous

lifons que la langue faincte (par laquelle Adam , ainſi


qu'il eft efcript au Genefe, nomma toutes chofes felő

leur proprieté naturelle) appella Saturne '


naw , c'eſt à
dire, Repofé & Tranquille ,pour l'inclination natu-
relle de ceux qui ont Saturne maistre de l'Horofco-

pe,quifont ordinairement melancholiques,repofez,


& contemplateurs, & Iuppiter , c'eft à dire , lufte,
par ce que ceux là qui ont Iuppiter chef de l'Horo

fcope ferablent enclins à la iuftice politique, & Mars

, quifignifie robufte , pour l'inclination natu.

relle qu'il donne, eftant maiſtre de l'Horoſcope , ren-


dant aucunement les hommes Martiaux , & propres

au trauail , & confequemment ainfi des autres : Si eft-

ce que tout cela n'emporte rien que vne inclination,


fans aucune neceffité. Nous ferons mefme iugement

des grandes conionctions des hautes planettes , aux

triplicitez differentes , apres lefquelles les anciens ont

remarqué de notables changemens , es republiques,


5.In lib.de & empires : Et neantmoins i'ay monftré ailleurs ,

republ
de . & qu'il ny a point de neceffité. Ioinct auffi , qu'il a eſté
methodo
hiftoriaru , impoffible depuis trois mil ans feulement , que nous
auons les obferuations Aftronomiques ( car la plus

ancienne eft de Salmanaffer Roy d'Affyric ) faire ex-

perience, poury affeoir certain iugement . Aufft

voyons nous que les Arabes ont donné la triplici .

té de feu aux peuples de Septentrion & Albuma-


zar
LIVRE PREMIER. 35

zar l'a donné àl'Oriét, & la triplicité des eaux au my. 6. in ſexti

di, qui a efté fuiuy de Paul Alexandrin ' , & de Henry magni in-
troductory.
de Malignes : Et neantmoins Alcabice Caphar , Abe- 7.in infti-
nacra,Meffahala , & Zael Ifraelite, done la triplicité de tart.
Apotelef
terre aux peuples Meridionaux. Or il eft ipoffible de matica.

faire certain iugement à l'aduenir des changemés des


Republiques, fans eftre affeuré de ce fondemet, com-

mei'ay monftré plus amplement au liure de la Repu

blique, & pour ceſte caufe,ie le tracheray plus court.

Et par ainfi il ne faut pas determiner, ny vier de pre-


dictions fortuites, & qui ne foient fondees en expe-

rience: & neantmoins quelques experiences, que l'on

puiffe auoir il faut toufiours raporter la domination

du tout à Dieu, qui peut arrefter le cours du soleil , &


de la Lune, comme il feift à la requeſte de Iofué, & de

faire retrograder le Soleil, comme il feit ayant prolō-

gé la vie au Roy Ezechie de x v.ans.Et n'y a doubte

que l'homme qui fe fie en Dieu ne foit plus fort , &


plus puiffant,que toutes les influences celeftes . C'eft

pourquoy vn ancien Platonicien difoit , que celuy

qui fuit le cours de nature, il s'afferuit à la fatalle deſti-


nee, & cours naturel ordonné à toutes chofes eleme-

taires: & celuy qui eft agité d'vn bon efprit,il furpaffe

toutes les deftinees . Mais tout ainfi que la fcience de

nature des aftres & lumieres celeftes decouure la gra-

deur de Dieu , auffi les impoftures des elections Ara-

biques font damnables , & illicites.Et de ceux cy eſt


entendu le decret du Concile de Tolede premier,,

chapitre 8. & le Concile de Carthage 4. chapitre 89..


Les autres diuinations naturelles font plus claires,qui

I j
DES SORCIERS

fe prenent de la difpofition du temps , pour eftre l'ex-


perience ordinaire: toute la fcience des Meteores eft

compofee de telles chofes, c'eſt à fçauoir, des impref-


fions de feu en la haute region , ou de la generation

des corps imparfaicts en la moyenne region de l'air,

comme de veoir la Lune rouge,fignifie les vens : pal-

le,fignifie les pluyes : claire,fignifie beau temps. Car


l'exhaltation fumeufe qui caufe les vens , eſt tout ainfi

que la fumee qui rend la flamme du feu rouge, & le


charbon noir embrazé eft rouge , comme dict Theo-
phrafte, parce que la noirceur, & clarté font confuſes :

la vapeur humide cauſe la pluye, & ofte la clarté ſerei-


ne de la Lune , & l'air eftant net,icelle clarté fe void

fans aucun empechement. Ortelles diuinations natu-

relles font d'autant plus certaines, que l'experience re

fpond àla caufe, qui n'eft pas difficile , comme elle eſt

quand on veut chercher la caufe pourquoy la pluye


aduient pluftoft en vn temps qu'en l'autre. Alors l'A-

ftrologue dira , que l'obferuation des anciens mon-

ftre que la Lune conioincte aux Hyades, ou Pleyades,


ou bien aux eftoilles du Cancre excite les vapeurs, &

par confequét la pluye.Mais il y en a de bien plus cer


taines les vnes que les autres
autres,, comme
comme celle que tous

les anciens ont experimetee, & qui fe cognoift à veuë


d'œil, que la quatriefme & fixieme Lune eftant claire

&fereine , donne certain prefage de toute la Lune,s'il


n'interuient quelque coniunction notable : Et tou-
tesfois on n'a iamais encores defcouuert la caufe : ce

que Virgile a bien noté, quand il dict ,

Sin ortu in quarto(namque is certiffimus author)


Pura
LIVRE PREMIER . 36

Pura non obfcuris in cœlum cornibus ibit,

Totus & ille dies, qui naſcentur ab illo,

Exactum ad menfem pluuiis , ventífque carebunt.

Le liure d'Aratus eft plein de telles chofes , qu'il

n'eſt beſoin d'eſcrire par le menu . Ie laiſſe à parler des

predictios naturelles des medecins , que chacun peut

veoir: & Galen & Hippocrate en ont traicté par tou-


tes leurs œuures , & principalement au liure De arte
parua:comme quand il dict que la perfonne fentant

vnefoibleffe & tremblement aux nerfs , peut s'affeu-

rerne la goutte à venir. Et fi la dyfenterie commence

par la melancholic, elle eft mortelle. Encores y a illa

Phytoſcopic, qui eft la prediction des chofes occul-

tes par les plantes , comme la verge de Coryles, ou

Coudres diuifee par moitié, tenue en la main incli-


né de la part où ily a des metaux. Et c'eſt chofe affez

experimentee par les metalliques. Auffi met on de la

terre de miniere , pour la faire croiſtre plus haulte .

Toutes les predictios cogneues par l'experiece, enco


res que les caufes foient occultes & ignorees, neant-
moins elle font naturelles, &la recherche d'icelles de-

couure la grandeur, & beauté emerueillable des œu-

ures de Dieu. Ortout ainſi que les moyens naturels


que Dieu nous a donez pour fçauoir les choſes occul

tes & futures, font bons & louables,auffi font tous les

moyes naturels qu'il nous a enfeignez pour nous en-


tretenir,nourrir, veftir, maintenir en fanté, force , &

allegreffe, & pour guarir les maladies,pourueu qu'o


recognoiffe, que la force des alimes, des medicames,

& autres puiffances occultes , qui font es elements,


DES SORCIERS

plantes,pierres, metaux,animaux, viennent de Dieu ,

qui retire fa force, quand bon luy femble, & qui rópt
la force du pain, comme il eft dict en la loy de Dieu,

quand il y enuoye la famine.Mais celuy qui prend la

force ou la puiffance des chofes naturelles , comme

procedans d'elles ,faict iniure à Dieu, auquel apartient


la louange. C'est pourquoy Galen à la fin des x x. li-

ures qu'il a faict de l'Vfage des parties du corps hu-


main , ayant deſcouuert les fecrets admirables qui y
font conclu zainfi , Il me femble , dict il , que nous

auons chanté vn beau chant d'honneur à la louange

de Dieu . Et encores mieux Seneque , blaſmant ceux


qui difoient, nature faict cecy, nature faict celà.Tu na-

turæ Deo nomen mutas, c'eſt à dire, tu chages nature en

Dieu.Combien feroit il plus beau de dire Dieu fait

cecy,Dieu faict celà , En toute l'eſcripture faincte , ce


mot de Nature, ne fe trouue iamais , ains tousiours il

eſt dict, Dieu a faict faire cecy,Dieu a faict faire celà,


vfant du verbe tranfitifHebrieu bon c'eſt à dire,faict

faire ,que les Grecs & Latins ont traduit par yn ver-
be actif, lequel abusa eſté cauſe de pluſieurs erreurs,

de ceux qui ont attribué chofes indignes à la maieſté

de Dieu. Comme quand il eft dict , Dieu a oftéles


rouës des chariots de Pharaon :Dicu a tué tous les aif.

nés d'Egypte:Et neantmoins il eſt tout certain , qu'il

n'a rien faict que par fes Anges, car il commanda àfon

peuple de marquer le furfucil des portes du fang de

l'Aigneau Pafchal,à fin, dict- il, que voyant le fang, ie

. paffe outre fans vous toucher , & que ie ne fouffre,


17.Exodi.c
30
que le deftructeur entre en vos maiſons . C'eft la

couftu-
LIVRE PREMIER. 37

couftume de l'efcripture faincte , d'attribuer à Dieu


les œuures de fes creatures , foit bien ou mal , comme

quand dict Iefaye, Nullum eft malum in ciuitate , quod

nonfierifecerit Dominus. & en Hieremie chap . x x x 11.

Omne malum hoc venirefecifuper locum istum , c'eſt à di-


re, qu'il n'y a calamité ny affliction, que ie n'aye faict
venir en ce pays, & en cefte cité, combien que les ma-

lins efprits , & les plus mefchans hommes en foient

miniftres : comme il eft dict en Malachie , Ie tanfe-

ray le Deuorateur , à fin qu'il ne gaſte vos fruicts , &

rede vos vignes fteriles,à fin de n'auoir autre recours

que à Dieu , & ne craindre autre que Dieu , & ne ren-

dre grace ny louange qu'à Dieu feul. Ce n'eft pas que


les Hebrieux ayentignoré la difference des œuures
de Dieu & de nature :car Salomon l'a fouuent remar-

qué, quand il dict aux allegories, L'enfant eft fage, qui


obeït aux mandemens du pere , & n'oublie pas la loy
de la mere : Il entend les commandemens de Dieu,

& la loy de nature. Cartoutes les idolatries detefta-

bles ne font venues que pour auoir laiffé Dicu, &ren-

du l'honneur, & la grace des biens que nous receuos

au Soleil & lumieres celeftes,puis aux efprits, & en fin


aux moindres creatures: comme les Ægyptiens , qui

adoroient les bœufs, par ce que l'vn des plus grands


proficts reuient du boeuf,& les Paleftins Amorrheans

adoroient les moutons, qu'ils appelloyent Estherot, &


qu'ils mangeoient en quoy s'eſt abufé Ciceron ³ , 8. In libris
ve- de natura
quand il dict, Nullagens eft tamftupida , quæ id, quo Deorum.
fcatur,Deum effet patet. Il fuffira donc de ce qui eft dict
pour faire entendre que les moyens naturels pour
K
DES SORCIERS

paruenir à quelque chofe, font licites & ordonnez de

Dieu: quand on luy en rapporte l'honneur , & louan-

ge, & no pas à la creature:foit pour fçauoir les chofes

futures, & occultes , foit pour effectuer toute autre


chofe:comme de chercher les mines par la marque de

certaines pierres & plantes, non par moyés diaboliqs.

Mais ie ne puis paffer par fouffrance, ce que lea Picus


Prince de la Mirande, aux pofitios Magiques efcript,

que la Magie naturelle n'eft que la pratique de la Phy


fique,qui eft le filet auquel Sathan attire les plus gen-
tils efprits, qui penfent que par la force des chofes na-

turelles on attirera, voire on forcera les puiffances ce-


leftes.Et neantmoins en la xxш11 . pofition le mefme
autheur fouftient qu'il n'y arien qui ayt plus grande

force en la Magie, que les figures & caracteres : Eté la

pofition xxi.il fouftient, que les paroles barbares , &

non fignificatiues ont plus de puiffáce, que celles qui

fignifient quelque chofe.Nous auons monftré la va-

nité, ou pour mieux dire , l'impieté de telles chofes .

Mais pour defcouurir le fecret de telle impofture que


le mefme autheur a couuerte, ou celuy qui a emprúté

fon nom no voyos en la xxvIII.pofitiofur les Hym-


nes d'Orphee, ces mots, Fruftra naturam adit,qui Pana
non attraxerit, Pour neat on vfe des chofes naturelles,

qui n'aura attiré Pan, c'eſt à dire , qui n'aurainuoqué

Sathan .Car tous les anciens ont entédu par le mot de

Pan, ce que les Hebrieux appellent Sathan , & par les


terreurs Paniques,ils ot toufiours fignifié les frayeurs

des Diables , & ceux que fouffrent les Dæmoniaques

fuyant les malins efprits, quand ils viënët les vexer : &
Plu-
LIVRE PREMIER . 38

Plutarq au liure de Oraculorum defectu , appelle le Price

des Demons , le grand Pan,à la mort duquel les autres


Dæmons furent ouys faire de grands cris, & gemiffe-

mens, au teps de Tibere l'Empereur:laqlle hiftoire eft

auffi confirmee par Eufebé aux liures de la præparatio

Euágelique.Et par mefme moyen en l'onzieme po-

fition,oùil parle de Leucothea,il ented la lune, que

les Hebrieux appellent , c'eft à dire, la Blanche, &


en la xix.pofition, où il dict, qu'il n'y a rien, qui puiffe

auoir effect en Magie,fine Vefta, il entend les facrifices

faicts par feu.Le mefme autheur faict de la Cabale v-

ne vraye magie pernicieuſe, & qui deftruit étieremet


les fondemes de la loy de Dicu:ce que chacú pourra

cognoiftre,qui y regardera de prez.car la Cabale n'eſt

rien autre chofe,que la droicte interpretatió de la loy


de Dieu couuertefoubs la lettre : Et le mot de cabala

fignifie reception, & audition de bouche en bouche

fans efcript que les Grecs appelloyent &× go¤µ¤: Et neát-


moins fobut eft de faire des miracles par la force des
lettres & caracteres . l'ay bie voulu defcouurir cefte im

poſture, à fin que ceux qui lifet Agrippa le maiſtre Sor

cier, & ceux qui fot de mefme opinio ne foiet abuſez,


vfant de pierres, de plantes, & autres chofes naturelles

pour attirer les forces & influéces celeftes .C'est pour-


quoy Hippocrate au liure de Morbofacro , detefteles

Sorciers, q fe vatoiet de fo teps attirer la Lune: car ce fe

roit, dit- il,afferuir les Dieux à tels ipofteurs, & affuget


tir le Ciel & la terre aux homes, cótre to les principes

de nature, & cótre le texte formel de la Saicte efcriptu

re é Iob, où Dieu parle des loix qu'il a dōné au Cieľſur

Kij
DES SORCIERS

la terre.Auffi l'Impofture fe defcouure par les caracte


res & figures Diaboliques, & par les mots barbares , &

quelquesfois intelligibles , qui ne tienēt rie des Ele-

mens, ny de la matiere , ny des formes naturelles , ny

des qualitez naturelles quelles qu'elles foient . Il ne

faut donc pas foubs le voile de nature couurir les for

celeries, vanitez, & fuperftitions Payennes des Ido-

latres, & Sorciers.comme plufieurs Sorciers, qui fai-


foient anciennement croire que les Sorceleries n'e-

ftoient que la force des plantes , des animaux , des

pierres, des mineraux , & des corps celeftes : comme


les Arabes ont voulu faire croire , pour faire cftimer

leur ſcience, & faire efchaper les Sorciers: & de cefte

opinion eſt Auicéne, Algazel, Alpharabius, & Agrip-

pa de noftre aage : qui eftoit auffi vne opinion, qui

eut quelque temps fon cours , ainfi qu'on peut veoir


en Pline liure xxvI. chap. IIII que l'herbe Ethiopi-

de faict feicher les eftags, & riuieres,faict ouurir tou-


tes chofes fermees :&l'herbe Achim enide iettee au

camp des ennemis , les faict trembler de peur & fuir:

& l'herbe Latace , que les Roys de Perfe bailloient à


leurs Ambaffadeurs , faifoit venir abondance de tou-

tes choſes: c'eft à fçauoir , les lettres patentes du Roy.

de Perfe ,qui faifoit trembler tous les peuples . Nous

ferons meſme iugement de ce que dict Pline de la

Veruaine , que les Grecs appellent herbe facrec , que

les Magiciens difent guarir toutes fieures, & toutes


fortes de maladies , & donner l'amitié de toutes per-.

fonnes. Mais l'autheur Pline s'en mocque, & tous les

medecins , qui ont trouué par longues experiences


qu'elle
LIVRE PREMIER . 39

qu'elle ne peut rien de tout celà, non plus que l'herbe

Cynocephalique , qui paffe toutes les autres , & Ne-

pethes d'Homere , & l'herbe Moly de laquelle Pli-


ne ſe mocque à bon droict , non pas qu'il n'y ayt de
beaux fecrets de nature cachez,come trefors , & que

on defcouure tous les iours, mefmes en l'abſtraction

des quintes effences par le feu , & neantmoins ces va-

nitez que Pline recite, ne s'y trouuent point.Nous fe-

rons pareil iugement de ce que Pline recite de De- 2.lib.10 . et

mocrite qu'il y auoit certains oyfeaux , du fang def- Gellius lib.


10.0.12.et
quels mellé,naiffoit vn dragon,lequel mangé faifoit Philoftrat .
entendre la langue des oyfeaux:mais il deuoit auffi Lemnius.

dire la langue des Veaux. Nous dirons le femblable


du Diamant contre les enchantemens, du Corail rou-

ge contre les charmes,du lafpe côtre les vmbres Dx-

moniaques, du Lyncurium contre les preſtiges, & de

ce que dict Diofcoride liure V. chapitre X V.que la


pierreMemphitique puluerifee , & beuë auec du vin

& de l'eau , rend la perfonne ftupide du tout . Nous

auons dict que les predictions diuines , ou prophe-


ties ne viennent ny par nature , ny par la volonté des

hommes, ains par inſpiration de Dieu neuëment , &


fans moyen , ou par le moyen des Anges, & que les

predictions naturelles fe font par la cognoiffance des

caufes preallables aux effects: & les moyens naturels.

de paruenir à quelque chofe , fe faict par voye ordi-


naire des caufes à leurs effects. Or les predictions hu-

maines , iaçoit qu'elles dependent aucunement de la

nature des chofes, toutesfois on les peut appeller hu


maines, d'autant qu'elles ne font pas toufiours certai ..
Kiij
DES SORCIERS

nes, comme la nature , ny toufiours incertaines foit

pour l'ignorance des caufes,foit pour l'imbecillité de

l'efprit humain , & chacun en fon eftat par l'experien-


ce faict des predictions. L'homme Politique voyant

que les mefchancetez demeurent fans peine , & les


vertus fans loyer en vne republique,predira la ruine
d'icelle : Mais d'autant que celà ne depend point des

cauſes naturelles , & que cefte prediction ne luy eft

point fpecialement declaree deDieu , on peut l'appel-


ler humaine, & qui eft licite: mais il ne faut pas l'affeu-
rer pour certaine & indubitable : car ce feroit entre-

prendre fur le confeil de Dieu , qui maintient fouuent

vne ville contre toute la puiffance humaine , par les

veuz, & prieres des gens de bien . C'est pourquoy

Dieu promiſt à Abraham , s'ily auoit dix perfonnes

qui nefuffent infectees des mefchäcetez de Sodome,

qu'il ne deftruiroit point le pays :Mais quand tu vois


que Dieu au Ciel retire coup à coup les hommes ver-

tueux,dy hardiment , l'orage impetueux viendra bien


toft ruiner ceft Empire. Et tout ainfi que le Politique

a fes predictions , auffi les maiftre Pilotes preuoyent

les orages, les vens, les pluyes, les tempeftes par expe-
rience ordinaire , encores qu'ils n'ayent aucune co-

gnoiffance des mouuemes celeftes : Et les Bergers en

cas pareil predifent la pefte des brebis , qu'on appelle


Clauelee, voyant le foye des liures pourry: & les La-

boureurs predifent la fertilité de l'annee au feul re-

gard de la graine de mouftarde, ou des Ribez s'ils sõt

fort efpais, & autres femblables , qu'ils ont par expe-

rience , fans cognoiffance des caufes naturelles , ny


reucla .
LIVRE PREMIER.
40

reuelation diuine: Et telles predictions ne font point

illicites , fi ce n'eft qu'on les vouluft affeurer comme


chofe infaillible , comme nous pouuons dire en cas

pareil de la Metopofcopie , qui iuge des paffions in- 2. Dita à


terieures de l'homme au feul regard du vifage , entrefrontis in-
petione.

leſquelles il y en a de naturelles : comme la rougeur

foudaine fignific la honte , pallir foudain fignific

craincte, & qui ont leurs caufes naturelles : Mais il y


en a qui font plus humaines, que naturelles , comme

les yeux de Hyboux luyfans,fignifient le plus fouuét


cruauté:Tels les auoit Sylla & Caton le Cenfeur , ou

bien s'ils font marquez de gouttes de fang . Ainfi dict-

on des Camus, qu'ils font choleres & impatiens : Et

au contraire les grands nez font plus prudens & pa-

tiens . C'eft l'vn des epithetes que Dieu s'eft donné à ·

luymefmes, parlant'à Moyfe, entre les onze proprie- 3.Exodi e..

tez il s'appelle 778 c'eſt à dire , Grand-nez , ainfi 34.

que l'edition Complutense d'Efpaigne , & d'Anuers,


de mot à mota interpreté, & en plufieurs lieux de la
Bible, où il s'appelle le Dieu au grand nez, que tous

les interpretes tournent Patient , & par fon contraire

73p c'eſt à dire, Court nez : les Hebrieux interpre-


tent, Soudain en cholere . En quoy il nous eft mon-

ftré auffi, que la Metopofcopie naturelle n'eft point


illicite, & de faict en tout l'Orient ils font fort experi

mentez en celà . Si eft- ce qu'il ne faut pas en faire loy


infaillible : car il fe trouue des hommes fi mafquez,

& qui fçauent fubien couurir , & diffimuler leurs na-


turels, qu'ils font entierement maiftres de leurs vifa-

ges , en forte que plufieurs fe voyans trompez en ant


DES SORCIERS

fait le Prouerbe , Fronti nullafides . C'est pourquoy


Alcibiade s'eclata de rire , quand il ouyt dire à Zopi-

re Phyfiognome , que Socrate eftoit dameret & pail


lard, & fort cholere : Et neantmoins Socrate le cofella:

mais il dift que l'amour de fageffe l'auoit tout chagé.


Auffi voyons nous que tel porte le vifage d'vne vier-

ge, qui a le cueur d'vn lyon , comme eftoit Alexandre


Le Grand : Et bien fouuent celuy qui porte vn lyon

aufront,a vn lieure au cueur . C'eft pourquoy la Me-


topofcopic , & les predictions d'icelles font humai-

nes, pour l'incertitude auffi , quoy qu'on attribue à


Ariftote le liure de la Phyfiognomie, qui comprend

la Metopofcopie qui n'a rien du ftyle d'Ariftore. Et


par ainfi en oftant l'affeurance & neceffité qu'on met
·
e la Phyfiognomic & Metopofcopie, I'vlage naturel
ne peut eftre blafmé . Mais il n'y a propos ny apparen-
ce aucune , de mettre la Chiromantie , ou Chirofco-

pie au rág des arts Phyfiognomiques , attendu que les

principes des maiftres, qui en ont efcript font cotrai


res comme le feu & l'eau, & qui plus eft, les lineamēts
changent pour la plufpart, & ne font iamais ſembla-

bles en enfance , aage floriffante, & en vieilleffe. Quad

aux autres predictions populaires ie laiffe d'en parler,

par ce qu'elles ne meritent qu'on en face mife,ny re-

cepte, comme d'ouyr chater les ranes trop fort figni-


fie pluye: & que le Plongeon fe gette en l'eau , & que

les grues fe retirent des eaux ,& autres femblables in-

finies,quifont humaines, & dependent auffi en partie


des caufes naturelles. Il y ad'autres predictions hu

maines, & toutesfois illicites , d'autant qu'elles attirét

apres
LIVRE PREMIER 41

apres foy vne fuperfticieuſe creance , & crainte des

chofes vaines , & par cõſequent vne defiance de Dieu.

Car il fauttenirpour maxime indubitable, que celuy

qui craint,ou qui croit les predictios fuperftitieuſes,


atoufiours defiance de la puiffance de Dieu , comme

anciennement celuy, qui en fortant de fa maiſo cho-

poit du pied contre l'effucil,tiroit vn prefage de mal-


heur , comme ils difent qu'il aduint à Brutus le iour

qu'il tua Cæfar:ou fi l'anneau tombe , quand le mary

le met au doigt de fa fiancee . Et en cas femblable les


anciens auoient vne coniecture , qu'ils appelloient

Palmirum augurium , quand vn membre treſſailloit ,

choſe qui eſt naturelle , & qui aſes cauſes naturelles

auecfoy. Et ordinairement le malheur aduiet à celuy

qui croid telles chofes , par vne iufte vengeance de

Dieu & iamais à celuy qui s'en mocque. C'est pour-

quoy Cefar ne fift iamais conte de telles vanitez ,

& tout luy fucceda contre les prefages des Deuins,


& mefmes en defcendant du nauire en Affrique il

tomba , & alors il dift , le te tiens Afrique . Ces be-

guins auguraux difoiet que c'eftoit vn mauuais pre-

fage, & neantmoins il rapporta trois belles victoires,


& defeiſt tous les ennemis peu de iours apres :Et fi ne

voulut oncques s'enquerir de l'iſſue de la bataille de

Pharfalic , où il emporta lavictoire contre Pompee,

qui auoit trois fois plus de forces , lequel employa


tous les Deuins & Magiciés, deuant que de batailler.

l'ay remarqué plufieurs Princes,qui tous ont eſté rui-


nez, ayant demandé confeil aux Deuins . Ariouiftus

Roy des Alemans, ayant quatre cens mil hommes, &


L
DES SORCIERS

fe gouuernant par les Sorciers du iour de la bataille,

qu'elles empefchoient eftre donné deuant la nouuel-

le Lune: Cefar le fçachant , comme il efcript, foudain

luy donna la bataille, & veinquit.Mais fans aller plus


loing nous auons l'exemple d'vn qui voulut fçauoir

l'iffue de la bataille de Pauie ,par le moyen d'vn Sor-

cier,qui luy fift veoir l'oft des ennemis , & la refponfe


fut femblable aux anciens Oracles , & l'iſſue luctueufe

à toute la France.Mais nous dirons par cy apres de ce

point icy à part.Nous auos encores vn autre exemple

du Roy de Suede, & les lettres enuoyees aux Princes

d'Alemagne l'a M.D.LXIII , qui portoiet que le Roy

Henry de Suede auoit quatre Sorcieres , qui fe van-


toient d'empefcher les victoires du Roy de Danne-

march,mais on en print vne, qui ne peuft empefcher


le bourreau de la brufler toute vifue , & le Roy qua-

tre ans apres fut pris par fes fugets , & priué de fon c-
ftat, & getté en vne prifo où il eft encores . Voyla doc
quant aux predictions humaines, difons maintenant.

des moyens illicites .. し

Des moyens illicitespourparuenir à quelque chofe.


'CHA P. V. I..

Ov sauons dict que le Sorcier eft celuy qui


par moyens Diaboliques & illicites , fciem-

ment s'efforce de paruenir à quelque chofe:

il faut donc fçauoir qui font les moyens illicites . No


auons monftré les moyens de paruenir à ce que nous

pretendons par l'ayde de Dieu ,fi c'eft chofe licite ou

par
LIVRE PREMIER. 42

par les moyens que Dieu nous monftre en fes creatu-


res, & par la fuite des caufes naturelles , & des effects

enchefnex les vns auec les autres, ou parla volōté de

l'home, qui eft libre . Or quand les hommes veulent

paruenir à quelqchofe licite, & que la nature leur má-

que,la puiffance humaine n'y peut rien : & qu'ils ne

s'adreffentpoint à Dieu,qui peut tout: ou bien qu'ils


s'y adreffent, mais de mauuaife façon pour le téter: ou

bien que c'eft de bon cueur:mais l'ayant delaiffé en

profperité, ils font delaiffez en temps d'affliction : có-


meil eft dict en Hieremie : Si Moyfe & Samuel me

prioient pourvous à cefte heure, ie ne les efcouterois

pas.Ils eftoient morts plufieurs fiecles auparauant , &


auoient de couftume tant qu'ils viuoient en ce mode

d'appaifer l'ire de Dieu par leurs prieres en quoy il fe-

ble queMoyfe & Samuel ne prioient plus. Et en autre


lieu il dict au Prophete, Ne prie point pour ce peuple

en bie,car ny pour leurs ieufnes,ny pour leurs prieres 1. Hiere.14


& facrifices,ie ne les efcouteray point,mais ie les con-
fommeray de pefte & de famine. Or ils debuoient

neantmoins rompre le ciel de prieres, & continuer en

la fiance de Dieu , qui menace fort, & neantmoins il

s'appaife foudain , comme dict Ionas , auquel Dieu

auoit promis rafer la ville de Babylone dedans quarã

te iours, le peuple ayant faict grande penitence , ores


qu'il adoraft les creatures,comme le Soleil & la Lune,

& qu'il fuftfondu en toutes fortes d'idolatries & Sor-

celeries,fi eft- ce que Dieu fe repentit auffi : Alors Io-

nas falché faifoitla plainte à Dieu ,Ne fçaurois-je pas 2.1onas ca.

dict-il, que tu es le Dieu le plus doux, & le plus mife. 4.


Lij
DES SORCIERS

ricordieux, & pitoyable, qu'il eft poffible, & que fou-


dain tute repens de la vengeance que tu as deliberé

de faire. Or celuy qui eft impatient fe defefpere , &

appelle le Diable à fon ayde:Comme on void le Roy


Saul,apres auoir demandé confeil à Dieu , quelle iffue
il auroit contre les ennemis, & aux Prophetes , & aux

Pontifes, & qu'il n'auoit aucune refponfe de la batail-

le, il s'adreffa à vne Sorciere , pour fçauoir l'iffue de fes

affaires.Les autres pour trouuer des trefors: qui pour

guerir de fa maladie: qui pour iouir de fes plaifirs, les


vns pour paruenir aux honneurs & dignitez , les au-
tres pour fçauoir les chofes futures ou abfentes & les

plus mefchans pour fe väger de leurs ennemis appel-


let auffi le Diable, qui ne refpód pas toufiours quand

on l'appelle, & fe faict prier bien fouuent, écores qu'il


foit prefent, & prez de celuy qui le cherche, & de ce-
luy qui ne le cherche pas, comme nous dirons en ſon
lieu . Or être tous les Sorciers ceux-là font les plus de-

teſtables qui renoncent à Dieu & s'adreffent au Dia-

ble, & luy iurent prefter toute obeiffance ,feruice, fu-

gectio, & adoration, par conuention expreffe.Mais il

y en a qui ont horreur de s'adreſſer à Sathan pour fça-

uoir ce que ils demandent, toutesfois ils ne font poit


difficulté de s'adreffer aux Sorciers , fans affifter à leurs

2. Leuit. 19 facrifices, qui n'eft gueres moins offenfer Dieu ' , que
20.
Deuter s'adreffer aDiable mefme : comme il y en a au cas pa-
ono .
18.
reil,qui ne voudroient pas s'adreffer à Sathan , pour

auoir guarifon d'vne maladie , mais ils ne font pas


confcience de s'adreffer aux Sorciers , qui prient le

Diable en leur preſence, pour leur donner guarifon:


comme
LIVRE PREMIER . 43

comme il aduint n'a pas log temps en Vau,qui eft vn

faux-bourg de la ville de Laon, où il y eut vne Sor-

ciere qui ofta le fort à vne pauure femme en extremi-

téde maladie:laquelle Sorciere ſe miſt à genoux , &


face contre terre, pria tout haut, appellant le Diable

plufieurs fois,pour donner guariſon à la femme,puis


apres elle dift quelques paroles , & luy bailla vn mor-

ceau de pain à manger à la femme, qui fut guarie.Qui


n'eft pas moins que fi la femme malade cuft elle mef-

me prié Satha pour auoir guarifon:&vaudroit mieux

mourir de la plus cruelle mort qu'on pourroit imagi-

ner , que de guerir en cefte forte. Il y en a d'autres qui


ne veulet auoir aucune accointance au Diable , ny aux

Sorciers , mais ils vfent des moyes Diaboliques exc-

cutezpar les Sorciers à l'ayde du Diable ,lequel aſſiſte


toufiours ceux qui vient de tels moyens, & conduict

leurs deffeings.Or cela s'appelle traicter conuention

tacite auec Sathan,fuyuant la definition de S.Augu-


t
ftin , pour la difference qu'il y a de la conuention

expreffe.Et non feulement fainer Auguftin, ains auffi


Thomas d'Aquin , Durand, Ægidius Romanus , &
les autres Theologiens d'vn commun confentement

difent,qu'il y a deux pactions qu'on faict auec le Dia-

ble:l'vne expreffe, que font les Necromanciens , &


autres Sorciers qui l'adorent : l'autre tacite , ou impli-

cite,qui eft en toute forte d'idolatrie , & obferuation

fuperftitieufe , fciemment , & fans caufe naturelle::

Voyla leur definition. Vray eft que celuy qui penfe.

bien faire de prendre le vol des oyfeaux pour fçauoir


fifonvoyage fera heureux,comeles ancies le faifoiet
Liij
DES SORCIERS

par forme de religio, ne fe peut appeller Sorcier, & n'a


conuention expreffe ny tacite auec Sathan , encores

qu'il foit idolatre, & n'offenfe pas tant que celuy qui

le fait par curiofité, ne fachant pas qu'il foit defendu


de Dieu , & celuy qui le fait par curiofité & ignoran-

cen'offence pas tant que celuy qui le faict fachat bien

qu'il eft defendu par la loy de Dieu . C'est pourquoy


nous auons mis le mot, Sciemment, en la definitio du

Sorcier.Mais celuy eft coulpable, qui fçait la defen-

ſe de la loy de Dieu , & toute sfois par meſpris d'icel-


le s'adonne à telles chofes , doibt eftre puny com-

me Sorcier , & non pas toutesfois fi rigoureufement

que les Sorciers qui ont conuention, expreffe auec


Sathan. Et à fin d'efclarcir le mot de sorcier, c'eft en

bons termes celuy qui vfe de sort , & gette en fort

Angoμá en actions illicites. Car il y a le sort approué par la


TEX,
loy de Dieu, & le fort approuué par les loyx Politi-

ques.Nous voyons que lofué getta au sort fur toute

l'armee du peuple d'Ifrael ,pour fçauoir qui auoit pris

du pillage defedu en la ville de Hiericho , & par mef-

me moyen Samuel getta au fort quand il fut queſtio

d'auoir vn Roy,difant ces mots, Seigneur Dieu done


le fort,qui eftoit la couftume des anciens , pour chaf-

fer toute puiffance & fort Diabolique: Et alors le fort

tomba fur la lignee de Benjamin qui eftoit la dernie-


re, & puis on getta le fort fur les chefs de la famille, &

le fort tomba fur la maiſon de Cis, puis on gettale

fort fur tous les Domestiques de Cis, & le fort tomba

fur Saul , que Dieu auoit auparauant declaré Roy ſur

le peuple, à fin qu'on ne penfaſt , que les fceptres , &


couron-
LIVRE PREMIER. 44

couronnes foient donnees fortuitement. Et depuis

Saul getta le fort fur toute l'armee,pour fçauoir , qui


auoit rompu le ieufne, & le fort tomba fur Ionathan,

qui feul auoit mágé du miel cótre la defenſe du Roy.

Nous voyons auffi au Leuitique ,quele fort eft get- 2.bp. 16,
té fur deux boucs I'vn pour facrifier à Dieu , l'autre

pour Zazel: Les L xxii . Interpretes ne voulant pas


defcouurir ce fecret aux Payens , ont tourné le mot

Zazel ¿ μπữ , c'eft à dire, emiffarium , par ce qu'on

l'enuoyoit au defert , & ne fe trouuoit iamais plus.


Ainfi void on aux Actes des Apoftres le fort auoir
efté getté entre Matthias , & Barnabas . Cela eftoit

couftumier entre tous les Payens . Et mefmes s'il y

auoit tempefte fur mer qui fuft grande, on gettoit le


fort fur tous ceux qui eftoient au nauire , & celuy

eſtoit ſaiſi & ietté en la mer,fur qui tomboit le fort,

comme fut Ionas '. Auffi eft le fort frequent, & ordi- 3.1ona ca.1
naire , quand il faut partager * & lotir les fucceffions, 4.1 . Sed cu
ambo.dein-
. l.fi
& chofes communes, & permis parles loix de tous les dic.ff
peuples, & qui font fort neceffaires , pour cuiter aux duobus in
princip.co-
debats & contentions qui ne prendroient iamais fin. mun.deleg.
Ainfi faifoient les Romains ' , qui tiroient au fort les cocfors,
Luges es cauſes publiques,& les magiftrats Romains & c.hi qus
& c. illud..
gettoient les charges & prouinces au fort, fi autre- 269.2 .
ment ils ne fe pouuoientaccorder ce que les Latins . vlt. de
Sortileg .
difoient , Sortiri aut comparare interfeprouincias . L'oc SAſco-

cafion de la guerre cruelle entre Marius & Sylla fut nim in Vir-
rianas..
prife de ce que le fort de fairela guerre à Mithridate

tomba à Sylla , & Marius fift prefenter-requeſte au


peuple pourluy ofter . Ainfi void on que le fort de
DES SORCIERS

foy eft licite,pourueu que la chofe le merite, & qu'on

die ces mots portez par la faincte efcripture, Seigneur

Dieu done le fort, & non pas appeller Mercure , pour


ſeigneur du fort, comme faifoient les Grecs, qui met-

toient premierement dedans le vaiffeau vne fucille

d'oliue qu'ils appelloient Herme, c'est à dire, Mercu-

re: Et apres ils gettoient les forts, & tiroient tout pre-

mier la fucille d'oliue:Et pour corriger ce Paganiſme ,

les Chreftiens faifans vn Roy au fort, tirent premiere.


ment pour Dieu.Encores n'eft ce pas affez d'appeller
Dicu au fort qu'on gette , mais il n'en faut vfer finon

en chofe neceffaire , comme celles que nous auons

dict : autrement qui voudroit en chofes legeres, ou

par curiofité, ou bien mefme en chofe d'eftat, fçauoir

s'il faut entrepredre la guerre ou autre chofe de con-

ſequence,il ne faut pas getter au fort:car ce feroit te-

ter Dieu, ce qui eft bien expreffement defendu. Mais

en ce cas , Dauid & les faincts perfonnages deman-

doient confeil à Dieu, & lors il faifoit fçauoir fa volo-

té par les Prophetes , ou par le Pontife , qui portoit

l'Ephod, ou Pectoral, duquel nous auos parlé cy def

fus: ou bien Dieu reucloit en fonge ou vifion, à celuy

mefmes qui demandoit aduis : Et generalement en

toutes chofes de confequence les faincts perfonages

demandoient conſeil à Dieu, lequel encores qu'il ne


fift refponfe quelquesfois , fi eft-ce qu'il conduifoit
l'affaire à bonne fir ,fila chofe eftoit bone, & le cueur

droict , qui demandoit confeil.Et d'autat qu'il aduint

à IofuéT de traicter la paix auec les Gabaonites fans

auoir demandé, conſeil à Dieu , il fut deceu par eux,

par
LIVRE PREMIER. 45

par ce que, dict l'efcripture , ils n'auoient pas deman-

dé cófeil à Dieu. A plus forte raifon doibt on reprou-


4.κληρο.
uer les forts Diaboliques area ,
, c'eſt à dire , où les noms μαν
τεια
des Dieux eftranges font appellez : comme eftoient aspx x 2
anciennement les forts Deliens , Liciens , Preneftins , arτJα.

Antiatins , qu'il n'eft icy befoin d'eftre declarez , ains

pluftoft enfeuelis . Auffi eft le fort illicite de getter


aux dets & óffelets , qu'on appelle Aftragalomantic ,

fi on doibt faire quelque chofe ou non,jaçoit que les


anciens en vfoient fouuent , & fe faict encores à pre-

fent, comme Cæfar efcript, que les Alemans getterent

trois fois au fort , pour fçauoir s'ils feroient mourir


Marc Valere fon Ambaffadeur , & par le moyen du

fort ilrechappa : &feroit bien neceffaire que tous ieux


de fort, ou de hazard fuffet bannis auffi bie en effect,

comme ils font defendus par la loy Martia, & autres

anciennes loix . En cas pareil toute maniere de fort, de


laquelle on vfe pour fçauoir quelque chofe autre-

ment qu'il a efté dict eft illicite & Diabolique , com-


me eftoient anciennement les forts Homeriques , &

Virgilianes , a l'ouuerture d'Homere , ou de Virgile


au premier vers : Auffi quand on iouë à l'ouverture

de l'Euangile , comme on faifoit anciennement apres


auoir laiſſé les ſorts de Virgile , & d'Homere , & les

appelloit on , fortes Apoftolorum , reprouuees par


faint Auguftin aux Epiftres ad Ianuarium : Et celuy

à prefent vfité qu'on appelle Dodecaedron , & le ieu

des Bergers pour fçauoir les aduentures , qui font

toutes façons Diaboliques & mefchates . Nous met-


trons auffi entre les forts illicites , la Geomantie , a
τία.
M
DES SORCIERS

qui eft celle, qui eft la plus vfitee , & par liures publiez
& imprimez , qui eft vn autre art Diabolique, & fon-

dé neatmoins fur le hazart, & get fortuit de celuy qui

marque les poincts, defquels les quinze figures reful-


tent.Nous ferons mefme iugement de la Tephrama-
6.74ga- tie , qui ſe faifoit en cendres , comme la Geomantic

párra . premierement ſe faifoit en terre , & toutesfois diuer-

7.βοτανο- fe, & inufitee, & que ie ne declareray point,à fin qu'el-
Maira le foit auffi enfeuelic,auffi bien que la Botanomatic,

Gunoμal & Sycomatie qui font encores plus ineptes, & ridicu-
τζαι
les, qui dependoit du get des fueilles de figures agi-
tees du vent la nuict, & felon qu'elles fe rencontroiet

on faifoit le iugement: Qui eft differente de celle , de


2.Lib. 6.
laquelle parlent Virgile , & Tite- Liue ', quand les
3.Lib.22 .
Preftres efcriuoient fur quelques fueilles difpofees fur
des coiffins , pour ceux qui alloient cherchans la ve

rité apres auoir idolatré , car celle- cy eftoit toufiours

conioincte auec l'idolatrie expreffe , les autres, non.


4
4 oud- Entre lefquelles font auffi l'Onomantic & Arith-
Tda,api - matic, qui fe tiroit par les nombres portez par les let
μαίτια. tres du nom d'vn chacun , & difpofez en ordre des

nombres,felon ce qu'ils pouuoient fignifier : Et cel-

le-cy n'eftoit vfitce qu'entre les Latins: Etneatmoins


latable des nombres qui s'en trouuent , ne fe raportet

aucunement à la valeur des lettres Latines fignificati-

ues des nombres . Car la lettre M , qui fignifie mille,


ne vaut là que L XX VII 1. &, C, qui vaut cent , ne

4.numeri vaut la que fix: & neantmoins ceux qui en font cas

fant 666. interpretent par ces lettres ainfi nombrees les nom-
no . bres attribuez à la befte en l'Apocalypfe . Quant aux
14
anagram-
LIVRE PREMIER. 46

anagramatismes des lettres du nom & furnom tranf-

pofees, c'eft auffi chofe ridicule, attendue que la tranf


pofition emporte fignifications du tout contraires .

Le premier autheur eft Lycophron de Chalcide, qui


eft entre les forts illicites,fi on adioufte foy , encores

que cela ne depende pas du fort. Mais il y a vne autre


façon de fort duquel les anciens vfoient , & l'appel-

loient Alectryomantie, prenant le coq,qu'ils difoient ἀλεκτρυο


eftre l'oyfeau du Soleil, Dieu des diuinations. De la- μάντζα ,

quelle vfa lamblique , pour fçauoir qui feroit Empe- à Gallis.

reur apres Valens , & fe trouua que le coq auoit defi-


gné quatre lettres beod, dequoy eftant aduerty l'Em-
pereur , fift mourir plus de cent Sorciers , & Iambli-

que s'empoifonna des premiers , & fift auffi mourir


tous les gens de marque , qui s'appelloient Theodo-
rc ,
Theodote ,Theodule, & autres femblables . Voy-

la comme le Diable paye fes feruiteurs . La façon , ie ne

la declareray point ,& feroit befoin que les autheurs


de l'hiftoire l'euffent oubliee , car cela eft tout plein

d'impieté, & defendu expreffemet en la loy de Dieu ,


où il eft dict , non inueniatur in tefortilegus, quia eft ab- . ‫מנ‬
‫ח‬
hominatio Deo tuo.Il vfe du mot,Manahes , qui vient supputatio
dont vient
du verbe ' na , qui fignifie Nombrer , ou faire cara- Le mot A-

Eteres , par ce que tous les fortileges & manieres de rabesque


forts,qui font infinies , dependent des caracteres , & Almenach
c'est à dire,
du nombre , prenant pour le nom vniuerfel de telles lafupputa
fciences, ce qui eft le plus vfité . Autrement le vray tion,comme
la langue
mot de fort en Hebrieu eftgoral,pur,foles, qui ne font Arabesque
point portez par la defenfe de la loy ,pour les caufes, et tiree de
l'Hebrien.
que nous auons dictes cy deffus.Et faict bien à noter

Mij
DES SORCIERS

3. Deut.18 . le paffage , qui comprend les fortes de diuination

defendues,qui porte premierement de faire paffer les

enfans par le feu , chofe que le Rabin Maymon dict


forme de pur .
auoir veu obferuer en Ægypte par

gation,fans brufler les enfans , comme dict le melme

Rabin : ce qui neantmoins fut faict par ſacrifices de-


teftables foubs le Roy Manaffe , & du temps du Roy

Hircanus.vn Roy des Idumeans affiegé immola fon


fils fur la muraille deuant les ennemis : lefquels ayant

horreur d'vn tel facrifice , fe retirerent , comme nous

lifons en Iofeph.Le fecond qui eft defendu par la loy

de Dieu , eft ce qu'elle appelle deuin , quofem on , qui

eft vn mot general , qui fignific, Enfeigner, comme il

fe prend en Michee chap . 3.où il dict que les iuges iu-

gent pour argent, & les Preftres enfeignet pour arget.


Il vfe du verbe op , & fe prend quelquesfois pour

vne bonne diuination , comme aux Prouerbes chap.


XVI: mais ordinairement il s'entend en mauuaife

partie , & fignifie toutes fortes de diuinations illicites

comme au 18.du Deuteronome , & 23. des Nombres ,

& au 13.d'Ezechiel , & en Samuel 15 où ce mot com-

prend tous les autres , lefquels il ſpecifie , à ſçauoir ,

Doy megonim , qui fignifie celuy qui refpond quand


on eft en doubte des chofes qu'on veut entrepren-

dre du verbe nay , qui fignifie ,refpondre , que les In-

terpretes ont appellé Augur :Nos François ayant ap-

pris des Juifs ce mot Hebrieu , appellent les Sorciers


Charmeurs , Maiftre- gonim , au lieu de Megonim .

Le troifieme eft celuy que la loy appelle nomenahes,

qui fignifie proprement, Calculateur , duquel nous


auons
LIVRE PREMIER. 47°
1
auons parlé, que les Rabins appellent Sortilegue , qui

procede par fort & nombres.Le quatrieme eft ‫מכשף‬

mecafeph, c'eft à dire, Preſtigiateur , du verbe qp , qui


fignifie faſciner les yeux des perfonnes , qui ſe faict

par le moyen des malins efprits, foubs lequel font auf

fi compris les Enchanteurs, qui s'appellent auſſi ma-


lehefim, du verbe lahas, qui fignific Marmotter , & fu-

furrer, & que les L X X 11.Interpretes ont tourné ci-


♪és, c'eſt à dire Enchanteurs, que les Efpagnols appel-

lent Hechiezeros, que Anthoine de Turque mede au


111.liure de fon Iardin definift ceux , qui tacimante in-

uocan Demonios, mescolando la Magia natural con lo del

Demonio, c'eſt à dire, qui tacitement inuoquet les Dæ-


mons , & meflent la Magie naturelle auec celle du

Diable. Le cinquieme eft celuy qu'il appelle chober


‫ר‬an,
‫ חב‬c'est à dire , l'Affocié , qui fignifie l'affociation ,.
qui fe faict es danfes & affemblees des Sorciers , du

verberan, quifignifie s'affocier: c'eft celuy que nous

appellons proprement Sorcier: l'Efpaignol les appel-


le Bruxos , l'Alman Zauber. La fixieme efpece s'ap-

pellefehoelob ab c'eft à dire , Interrogeant les e-


fprits : du mot a qui fignific.vn baril , ou vaiſſeau

creux. Car les oracles des malins efprits ſe prenoient


des creux de la terre entr'ouuerte , dont le mot, Ora-

calum , eft venu, qui eft vn trou,ab ore paruo terra hian-

tis , que les Latins appellent Oraculum.Le feptieme eft 4.ora o


cula.
Iedehoni ‫ ירעני‬du verbe qui fignifie fçauoir , tout

ainsi que le mot dalup fignifie, Sçauant, comme dict


Euftathius fur Homere quafi da uop les Interpretes

ont tourné Magus . qui fignifie en langue Perfique,,


Miij ,
DES SORCIERS

Sage & fçauant.Mais les Hebrieux a liure qu'ils inti-

tulent les fix cens &treize mandemens de la loy de

Dieu, difent que en ceft endroict Idehoni fignifie ce-


luy qui interroge le Diable caché dedans les os de la

belte,qu'ils appellent Iadoha , qui tue du regard , & la


faut tirer de loing à coups de fleſches . C'eſte beſte eſt

appellec és en Athenæus , qui recite qu'elle

eft de la grandeur d'vn veau , qui paift toufiours, &


ne peut leuer les yeux qu'à grande difficulté , & alors

elle faict mourir ceux qu'elle regarde .Marius Con-


ful faifant la guerre en Numidie, ayat perdu plufieurs

foldats qui vouloient en prendre vne , en fin il la feiſt


tirer de loing, & enuoya la peau en Rome, qui fut mi-
fe au temple de Hercules , comme dict Athenæus.

Ie l'ay remarqué fur mes commétaires du Poëte Op-

pian au liure de la Chaffe. L'huictieme eft celuy qui


interroge les mortson . C'est le Necroman-

tien , puis apres il eft dict , que Dieu abhomine tout


celà .En l'Exode les Sorciers de Pharaon font appellez

quofenim, qui eft vn mot Hebrieu, & tantoft Chartu-

min, qui eft vn mot Egyptien, que plufieurs ont tour-


né Genethliaques : Mais les effects des Sorciers d'E-

gypte ne refpondent aucunement à l'Aftrologic , ny

aux Aftrologues , qui ne fçauroient changer les ver-

ges en ferpens,ny former des grenouilles . Nous auos

dict des fortileges, qui fe font par fort, nous dirós par
cy apres des autres . Mais il faut auffi noter que le mot

de Sorcier n'eft pas propremét dict de ceux qui get


tent au fort pour fçauoir fi bien ou mal leur aduien-

dra ,(combien que c'eft vne cfpece de Sorcelerie ) ains

princi-
LIVRE PREMIER. 48

principalement pour ceux & celles qui gettét es paf-


fages , ou enfouyent foubs l'effueil des eftables cer-

taines poudres malefiques pour faire mourir ceux,

qui pafferont par deffus. C'eft pourquoy le fort tom-


befouuent fur les amis des Sorciers, ou bien aufquels

ils ne veulent point de mal , comme nous dirons en


fon lieu. Pourfuyuons maintenant les autres arts , &

moyens illicites, & defendus par la loy de Dieu , pour


paruenir à ce qu'on pretend.

Dela Teratofcopie, Arufpicine, Orneomantie,

Hierofcopie, autresfemblables.

CHAP . VII:

ERATOSCOPIE eft l'art qui contemple TeaTono


πία.
les miracles, & d'iceux cherche les caufes , ef
ὀρνεομάν
fects, &fignifications. Orneomantic,quire- Tex .

garde les mouuemens des oyfeaux , pour fçauoir les id eft , dini-
natio exa--
chofes futures. Hierofcopie eft la confideration des uibus T
Hofties & facrifices, pourfçauoirla verité des chofes portentis.

futures L'Arufpicine eft plus generale : car elle com-

prend auffi la confideration de l'air, des foudres, ton-


nerres , efclairs, monftres , & generalement toute la

fcience Augurale , qu'il ne faut pas du tout blafmer,

ains il faut diftinguer le bien du mal. Carquand aux

monftres & fignes , qui prouiennent outre l'ordre de

nature,on ne peut nyer qu'ils n'emportent quelque


fignification de l'ire de Dieu & aduertiffement , qu'il

donne aux hommes pour faire penitence, & fe con


9390
DES SORCIERS

uertir à luy , & ne fuiure pas l'opinion pernicieuſe

d'Ariftote, qui afouftenu que rien ne change,rien ne


varie en la nature, & que les monftres n'aduiennent

que pour le defaut de la matiere, qui feroit ofter tous


les œuures & merueilles de Dieu , qui font aduenus,
& aduiennent contre le cours de nature . Combien

que Ariftote contraire à foymefmes , a faict vn liure

Topt expαciapansoμáтap , c'est à dire , des miracles : &

confeffe que la terre doibt eftre entierement couuer-

te des eaux comme plus pefante , & qu'elle eft de-


meuree en partie defcouuerte pour la vie des beftes

terreftres, & volatiles. Laquelle confeffion fert du tef-

moignage côtre luy- mefmes, pour la gloire de Dieu ,

& qui eft fouuent repeté en la faincte efcripture, quãd

il eft dit pour vn miracle , que Dieu à fodé la terre fur

les eaux ,fur lesquelles elle nage , come il a efté verifie

de l'iſle Delos , & de plufieurs autres: car cōbien qu'il


fe trouue de la terre au fonds de la mer,fi eft ce que en

la plus haute mer , les Pilotes ne trouuet plus de terre


quad ils gettet le plób: auffi void ō la mer elleuce co-

mevnemontaigne au bord de la mer : & que Dieu

alyé par vne puiffance emerueillable , & pofé bornes

aux caux , qui ne pafferont point outre . Quant aux

Cometes quifont & ont toufiours efté fignes de l'ire

de Dieu par vne experience de toute l'antiquité, Ari-

ftote ne peut nyer que ce ne foit chofe outre le cours

ordinaire de nature: & les raifons par luy alleguees de

la creation des Cometes,lances à feu , dragons de feu,


font trouuees friuoles , & ridicules à toutes les fectes

de Philofophes , comme il eft tout certain que la Co-


mete
LIVRE PREMIER. 49

mere ordinairement ne dure moins de xv.iours , ny

gueres plus de deux mois,les vnes grandes ,les autres

petites. Les vnes võt le cours du premier mobile, cõ-


me la derniere, qui aduient au mois deNouebre 1577 .
les autres du midy en septentrion, come celle qui ap-

parut l'an 1556.les autres demeurent fixes, come celle

qui apparut en Nouembre 1573.Mais par quelle nour

riture ce grand & efpouuantable feu eftil nourry? &


pourquoy les peftes , ou famines, ou guerres s'en en-

fuyuet Ariftote n'a rie veu en tout celà. Auffi font fi-

gnes de Dieu , & faut que chacú cófeffe fon ignoráce,

en donantlouange à Dieu,pluftoft que par vne arro-

gance capitale luy voler ceft honneur, en recherchat

la nourriture d'vn fi grand feu, & fi durable es fumees

& vapeurs , en la purité de la region ætheree.Ioinct

auffi que les vapeurs & fumees ne manquent point

tous les ans,tous les mois , tous les iours, & les impref-
fions de feu en la region ætheree ne fe voyent pas

quelquesfois en dix ans vne feule fois, comme il a efté

remarqué des anciens. Et fans parler des chofes mira-


culeuſes, & qu'on void aduenir outre le cours de na-

ture,l'ignorace fe cognoift es chofes ordinaires , qu'õ

void en tout temps, & qui nous font incogneües , co-

mela grandeur des eftoilles , la moindre defquelles

(outre la Lune & Mercure) eft dix fois plus grande

que la terre: & fans monter fi haut, la plus noble par-

tie des œuures de Dieu, qui font en l'homme , a eſté

& demeuré ignoree des hommes . Comment donc

pourroit- on iuger des œuures & miracles de Dieu

extraordinaires ? Au parauant que l'armee de Xerxes


N
DES SORCIERS

de dixhuict cens mil hommes, comme nous lifons

Herodot es hiftoires ' paffaft en Europe,il apparut vne Come-


te notable, & vne autre au parauant la guerre Pelopo
nefiaque:Vne autre deuant la defaicte des Atheniens

en sicile: Vne autre deuant la defaicte des Lacedemo-

niens par les Thebains: & deuant la guerre ciuile de

Cefar & Pompee , les flammes de feu apparurent au


ciel, & apres le meurtre de Cæfar, & deuant le maffa.

cre des bannis par Augufte & Marc Anthoine il ap-

parut vne grande Comette, qui depuis fut grauce &

monnoyce en l'honneur de Cæfar . Et deuant la prife


de Hierufalem il apparut vne flamme de feu ſur le té-
ple vn an entier, comme dict Iofeph.Il faut donc co-

feffer,que ce n'eft pas chofe naturelle ny ordinaire,


que les miracles qui aduiennent outre le cours de na-

ture, & qu'ils nous fignifient l'ire de Dieu laquelle on

peut preuenir par prieres & penitence . non pas que


Dieu foit cholere, ny tranſporté d'ire, eftant de ſa na-

ture immuable & impaffible, mais l'efcripture facco-

mode ànoftre imbecillité .Ainfipeut-ō iuger des mo-


ftres eftranges, qui aduiennet contre l'ordre de natu.

re.Car de dire que c'eft pour le vice de la matiere , il

faudroit confeffer que les principes & fondemes , en-


tre lefquels eft la matiere, furlefquels Ariftote a fon-

dé le monde ,foient vicieux & ruineux, & par confe-

quent quele monde menace ruine, qui eft bien loing

de l'eternité par luy fuppofee. Il faut donc confeffer,

que celà nous eft clos & couuert , & qu'il n'y a que
Dieu qui en difpofe à fa difcretio.C'eft pourquoy on
void changer les faifons,le beſtial mourir , les fami-
nes
LIVRE PREMIER. 50

nesfuruenir,pluuoir du fág, des pierres, & autres cho-


fes eftranges . Demeurant neantmoins le cours des A-
ftres en leur eftat : mais Dieu retire fa benediction tá-

toft de la terre, tantoft des eaux, tantoft du beſtial , &

enuoye la famine,la pefte, & la guerre fur les homes .

Orla prediction de telles chofes, n'eft point illicite ,

pourueu qu'o l'attribue a Dieu, & non pas aux Idoles,

comme faifoient & font encores les Payes.Les Athe-

niés, dic Plutarque ' bruſloiết anciennemét tous vifs 3.In Pericle

come heretiques, ceux qui difoiét que l'eclypfe fe fai-

foit par interpofition del'ombre du corps de la terre,


ou du corps de la Lune , & appelloient telles gens
μεtegoλexes, c'eſt à dire, trop curieux des chofes hau
-
tes.Et mefmes les Romains la nuict precedente la de 4. Plutar

faicte du Roy Perfeus voyant l'eclypfe frappoiet des chus in e


mylio &
armes & moriont ,pour faire venir la clarté de la Lu- Tacitus in

ne.Et les Indois pleuroient, penfant que le Soleil leur Drufo.


Dieu, cuft frappé la Lune à fang. Telles fuperftitions

ont prefque pris fin par tout comme auffiles Augures

touchat le vol des oyfeaux, dont les liures des anciens διωνοσκε

font pleis .Car il ne fe faifoit ny affemblee de peuple , la , gvt-

ny paix, ny guerre, que les Augures ne feuffent appel- ouárda

lez,pour voir la difpofitio de l'air, des oyfeaux, & au-


tres vanitez ſemblables & pleines de fuperftition &

d'ipieté, & defédues par la loy de Dieu.Et à ce propos


Iofeph * recite, qu'il y eut vn Capitaine Iuif , qui tua 4. Bello

l'oyfeau fur leqlles Augures prenoiet leur predictio,


difant que c'eftoit chofe bie eftrange de demander

l'iffue de la guerre à vne befte brute , qui ne fçauoit


pas la fiene.Mais il y a bien vne autre raiſon , pour mó-
Nij
DES SORCIERS

ftrer la vanité de telles chofes. C'eft que les Latins te-

noient pour chofe honteuse de veoir le vol des oy-

ſeaux à feneftre, & les autres peuples à dextre , comme

Ciceron a remarqué au liure de la Diuination , qui

monftre bien que ce n'eftqu'impofture, & menfon-


ge , puis que les principes des vns font contraires aux

autres,tat pour la difpofition de l'air, que pour le vol


des oyfeaux . Car le fondement de la fcience Augura-

le eftoit de conftituer le temple,c'eft à dire,la region

de l'air,où l'on contemploit pour fçauoir où eftoit la


dextre & la feneftre du monde: en quoy tous les au-

theurs Grecs , Latins, & Barbares font differents entre

5.1n Methe eux , & auec les Hebrieux , comme i'ay remarqué sail-
dehiftoriar .leurs. Auffi Hieremie le Prophete, quand il parle des
ca.5.
Arondelles, des Turterelles, & des Cygongnes , dict

bien qu'elles fçauent le temps de leur retour , mais il


ne dict pas qu'elles fachent les yffues des batailles &
autres chofes femblables. Encores eftant la confide-

5. TT - tation des hofties ', du foye, du cueur, du fiel, des inte-


anola. ftins plus eftrange pour fçauoir fi la chofe qu'on en-

treprenoit,fuccederoit heureufement . En quoy il y

auoit double impieté , tat pour la recherche de la ve-

rité en telles chofes, que pour le facrifice fait aux ido-


les. Vray eft qu'on ne peut dire, que ceux qui en v-

foiet fuffent Sorciers, car ils y alloyent de la meilleure

confciéce qu'ils euffent, & penfant faire choſe agrea-


ble à Dieu . Or nous auons dict que le Sorcier eft ce-

luy qui fciemment vfe de moyens Diaboliques, pour

paruenir à quelque chofe, comme feroit celuy qui en


feroit ainfi , cognoiffant la defenfe portee par la loy
de.
LIVRE SECOND .
SI
de Dieu . Difons donc des autres impoftures Diabo-

liques, qui estoient ( entre les Payens) plus apparentes

en impicté.

DE LA MAGIE EN GENERAL,

ET DES ESPECES D'ICELLE,

LIVRE SECOND.

CHAPITRE PREMIE R.

E MOT de Magie eft Perfique , &

fignifie Science des chofes diuines,


& naturelles : & Mage , ou Magicien ,

n'eftoit rien autre chofe , que Philo-


fophe : Mais tout ainfi que la Philo-

fophiea efté adulteree par les Sophiftes, & la Sageffe

quieft vn don de Dieu , par l'impieté & idolatrie des


Payens aufli la Magica efté tournee en Sorcellerie

Diabolique. Et le premier quifut miniftre de sathan


pour publier cefte impieté en Perfe, fut Zoroafte, &
neantmoins elle eftoit couuerte du voile de pieté,
comme le Diable eft couftumier de faire . Car les hō-
mes biens nez ont toufiours horreur des mefchance

tez.Pline au xxx.liure , chapitre 1. en parle ainfr

Magicafraudulentiffima artiumplurimùm in toto terra-

rum orbe , plurimifquefeculis valuit : authoritatem ei ma--


N. iij ,
DES SORCIERS

ximam fuiffe nemo miretur , quandoquidem fola artium

tres aliás imperiofiffimas humana mentis complexa , in


vnamfe redegit.Natam è medicina nemo dnbitat, ita blan-

difsimispromißis addidiſſe vires religionis, ad quas maximè

caligat humanugenus:deinde mifcuiſſe artes Mathematicas .

C'eſtpourquoy Iamblique,Procule,Plotin, Porphy-

re,& l'Empereur Iulian l'Apoftat ont definy la Magie


5. YouTda eftre l'inuocation des bons Dæmons : Et la Goëtie '
Ex Thr
eſtre l'inuocatió des malins efprits, qu'ils ont reprou
γοῶν καὶ
67. uee, de laquelle vfentceux qui vont aux fepulchres la
nuict deterrer les morts, & inuoquer les efprits . Et

meſme l'aueugle Sorcier , qui fut pendu à Paris l'an

M. D. LXXIIII , & qui en accufa cent cinquante , &

plus,difoit vniour à vn gentilhomme qui m'en a fait

le conte, qu'il vouloit feulemet luy möftrer la Magie


blanche, & non pas la Magie noire: Come Leon d'A-

frique efcript, que les Sorciers d'Affrique inuoquent

les blancs Dæmons. Auffi void- on que les liures du

grad docteur en l'art Diabolique , que ie ne nomme-


ray point, pour le defir que i'ay d'enfeuelir fon impie

té à iamais, au commencement de fes liures ne parle


de Phyfique, de Philofophie, de la vertu occulte
que
des eaux,des plantes, des animaux, des metaux , puis
des nombres, & des aftres: Et au quatriefme liure , qui

eft la clef, qu'il auoit promife, & que fes difciples Sor-
ciers ont publiee, il meſle ſa poiſon Diabolique , des

caracteres , & noms de Diables, & des Eſprits, & l'in

uocation d'iceux . Auicenne & Algazel font en mef-

me erreur,en ce qui tiennent,que tout ce qui eft faict

par les Sorciers,fe faict par caufes naturelles , qui eft le


vray
LIVRE SECOND. 52

vray moyen pour piper les gentils efprits , & les attirer

à toutes fortes de forcelleries , comme en cas pareil ils

ont trouué le mot d'Efprit familier,& en Afrique les


Dæmons blancs : & en Grece les Sybilles : & en Al-
maigne les blanches Sybilles , & en France les Fees.

Dequoy i'ay bien voulu aduertir les lecteurs , à fin

qu'ils ne s'abufent foubs le voile de ces beaux mots.

Car comment eft il poffible , ce que efcript ce bon


docteur, que chacune Planette , voire chacune eftoil-

le ait vn mauuais Dæmon , auffi bien que vn bon Dx-

mon ,puis qu'il n'y a point de Diables au Ciel , & que


tout le mal eft enclos au monde clemétaire , qui n'eft

qu'vne petite particule de ce grand nombre, & quieft


diftante du ciel de la Lune , de plus de cinquante mil

lieuës . Or tous les Theologiens & Philofophes de-

meurent d'accord , que chacun a fon Intelligen-


ce ou Ange , pour le mouuoir . Pofons que cha-

cune eftoille ait auffi fon Intelligence , fi n'y

cut- il iamais Philofophe , qui penfaſt qu'il y eur

des malins efprits au ciel, & beaucoup moins deux


Dæmons contraires s'accorderoient en leurs a-

ctions, & mefmement au mouuement inuariable

& immuable des corps celeftes . Car ce n'eftpas

ainfi que l'homme qui eft libre à bien ou à mal

faire , & qui eft tantoft agité du malin Efprit , quand


il fe tourne & addonne à mefchancetez : tantoft.

du bon efprit, quand il retourne à Dieu . D'auantage

comment eft-ilpoffible d'inuoquer le bon Ange , ou


blanc Dæmon des Planettes, qu'on ne commette vne
damnable idolatrie en adorant , ou la Planette , ou fon
DES SORCIERS

Dæmon , oules deux enfemble , attendu mefmes la

façon des facrifices ordonnez par ce gentil maiſtre,

qui prend la pierre , la plante , l'animal ,le nombre ,

le caractere, le metail,l'afpect , le temps propre à la


Planette , auec les charmes,hymnes & inuocations ,

qui ne commette vne idolatrie damnable ? ou de

qu'elle fource font forties toutes les idolatries de

Bahal , qui eft le Soleil , & Apollon , & de la Lune

2. Hierom . Royne des cieux, ' ainfi appellee par Hieremie , que
23.
de ces idolatrics là. Or Dieu iure en Hieremie , qu'il

deftruira à feu & à fang, & par peftes & famines, tous

ceux-là qui ont adoré la Royne du Ciel:que les peu-

ples de Septentrion appelloyent & adoroyent en


nom maſculin,comme font encores à preſent les A-
lemans : fuyuans l'ancienne fuperftition de leurs pe-

res,qui penfoient qu'il n'y auoit que ceux là maiſtres

de leurs femmes , qui appelloient la Lune en maſcu-

lin:comme l'Empereur Caracalla difoit, ainfi que no

lifons en Spartian.C'est pour refpondre à lamblique,


Procle , & Porphyre , & à ces maiftres docteurs en

Diabologie , qui ont attiré dix millions d'hommes

en leur impieté, difant qu'il faut tout vnir , & par les
creatures elementaires attirer les eftoilles , & planet-

tes , & paricelles leurs Dæmons, & puis les Anges &
moindres Dieux celeftes, & puis par ce moyen auoit
Dieu.Et neantmoins tous ces beaux mediateurs n'at-

tirent que Sathan, & pour cefte caufe le x x v 1.article


de la determination de la Sorbonne faicte l'an M.

CCCXCVIII. a tranché & condamné l'impieté de

ceux qui tiennent que la puiffance & vertu des Intel-

ligences
LIVRE SECOND . 53

ligences celeftes decoule en l'ame tout ainfi que la


puiffance des lumieres & corps celeftes decoule de-

dans les corps: mais il faut encores condamner pour


impieté deteftable, que chacune eftoile a vn mauuais

Dæmon , jaçoit que le Philoſophe Aphrodiſee a re-


ietté cest erreur , comme auffi ont faict Porphyre,

Procle , lamblique : mais ceux- cy du meilleur fens


qu'ils euffent,ieunoient, & facrifioient, aux bons Da-

mons,& autres petits Dieux, & demy Dieux , mèflant

parmy Hercules , Bacchus , Apollon , Afculape , les


Anges , & autres femblables . C'eft pourquoy Dieu en

fa loy tant de fois a repeté qu'il ne falloit feruir , ny a-

dorer autre Dieu que luy .Car le mot Hebrieu Thifta-

neh, qui eft au Decalogue, & le Caldean Tifgur, qui eft

tout vn, ne fignifie autre chofe que s'encliner , que les


Latins difent adorer . Galli , di & Pline, adorando dex-

tram ad ofculum referunt , totúmqne corpus circumagunt,

quodin leuum feciffe religiofius effe putant , C'est à dire ,


que les François tournent le corps en faiſant la reue-

rence ou adorant & baifant la main dextre, & penfent

que c'eft vn mauuais prefage de fe tourner à gauche.

Ör Dieu preuoyant que les Payens s'adrefferoient pre-


mierent aux eftoilles & Planettes , & autres creatures,

il le defend bien expreffement fur la vie: Et qui plus


eft, il defend mó- 4.Exod .
de faire degrez à fon autel, pour y mo-

ter,à fin qu'on allaft droit à luy , & non pas par les 20..

degrez que les Platoniciens, Pythagoriens , & autres

Payens fuyuoyent. Et faict bien à noter que le com-

mandement de ne faire degrez pour aller à l'autel de

Dieu , eſt mis toſt apres au Decalogue , & au meſme


O
DES SORCIERS

chapitre, où il n'eftoit mention , ny pres , ny loing de

temple ny d'autel: qui monftre bien , qu'il ne doibt

pas s'entendre de pierres feulement . Orpour mon-

ftrer l'impieté de cefte belle Magie blanche , c'eſt que

celuy qui fe vouloit feruir pour iouir, & obtenir ce


qu'il pretendoit,il portoit l'effigie de la Planette fai-

&c, & forgee auec les folemnités prefcriptes: ce que

i'ay bien voulu remarquer , par ce que l'ay veu de

grands feigneurs , & mefmes des perfonnages qui


eftoiet en reputation , s'amufer à telles impietez , voi-

re bailler à vn des plus grands princes de la Chreftien-

té,qu'il n'eft icy befoing de nommer,vne image d'or

de Iuppiter forgee par la Theergie, qu'il portoit fur

luy pour le faire plus grand , & quiluy fut trouuce


pendue au col après la mort, qui fut miferable . Auſſi

auoit il vn Sorcier Neapolitain , qu'il appelloit fon

Conferuateur à douze cens liures de gaiges . Orle co-


mandement de Dieu , qui dict , Tailler ne te feras ima-

ge , vfe du mot Hebricu,peffel , qui fignifie tout


image moulee taillee, grauee , burince , & l'idolatrie

en ceux qui portent telles images & characteres eft

plus grande fans comparaifon , que ceux qui s'encli-

nent deuant les images de ces Dieux que i'ay dict , ce

qui toutesfois eft defendu par la loy de Dieu , fut pei-


5.Exod.20
21. ne de la vie ' . Mais la difference des Pythagoriens,

Academiques , & Payens,qui vfoient de telles chofes

de la meilleure confcience qu'ils euffent, eft notable:


car ils n'eftoiet pas Sorciers, encores qu'ils fuffent ido-

latres , penfans adorer Dieu , & dignement le feruir par


tel moyen:Mais bie ceux-là font Sorciers qui fçauent
la
LIVRE SECOND . 54

la defenſe, & fçauent que le Diable eft autheur, & in-


uenteur de telles mefchancetes , & neantmoins en

vfent. Pourfuyuons donc par le menu & le plus fo-

brement que faire ſe pourra , les moyens qui font il-

licites,pour s'en garder, & les bien confiderer, quand


ie
on viendra à iuger de ceux qui en vfent.En quoy
me trouue bien empefché . Car de monftrer , & tou-

cher au doigt & à l'œil la façon , les moyens,les parol-

les,defquelles il faut vfer, ce feroit enfeigner, ce qu'il


faut enfeuelir d'vne eternelle oubliance : Et de paffer

auffi en vn mot non entendu , limpieté, qui fe com-

met en tel cas, ce n'eft profiter, ny aux ignorans , qu'il


faut aduertit de ſe garder dela foffe ny aux iuges , qui
veulent eſtre inftruicts du merite du forfaict,à fin de

ne iuger à veuë de païs : Et mefmement en ce temps

icy, que les villes , les villages, les champs , & les Ele-

més,font infectez de telle poifon, iufques aux enfans,

combien qu'il me feroit impoffible de remarquer la

centiefme partie des impietes qui fe commettent , &

que ie ne veufçauoir , & quand ie les fçaurois , ie les

voudrois fupprimer : mais bien ie mettray quelque

chofe par efcript de ce que i'en ay leu par efcript, ou

és procez qui fe font prefentez.Combien que les ma-


lins efprits à chacune heure, inuentent des nouuelles
fciences , nouuelles mefchancetez : comme dict le
Poete:tibi nomina mille, mille nocendi artes, & c.Or Wier,

qui fe faict appeller Defenfeur des Sorciers , ne fe peur.


excufer d'vne impieté extreme d'auoir mis en fon li-

ure les plus deteftables formules, qu'on peut imagi-

ner,fi bien qu'en apparence il me dit du Diable & de


O ij
DES SORCIERS

fes inuentions & neantmoins il les enfeigne & tou-

che au doigt,iufques à mettre les caracteres & mots,

que fon maiftre Agrippa ne voulut publier tant qu'il

vefcut. C'est pourquoy i'ay le plus, qu'il m'a efté pof


fible , couuert & caché , ce qu'il faut enfeuelir d'ou-

bliance , & me contente que les iuges cognoiffent ce


qui merite peine, & les ignorans ne tombent es filets

que ce bon protecteur à preparé pour les piper , & ti-


rer à la cordelle de Sathan . Les moyens que nous

auons defduicts par cy deuant, font tirez du fort , &

femble qu'il n'y a rien que le hazard : mais en celles

qui fenfuyuent,il y a des parolles, & certains mouue-

mens & images, qui monftrent euidemment la pre-

fence du maling efprit, comme faire danſer le tamis,

quia efté vfité des anciens à tout propos : comme on

peut veoir en Lucian : dont le prouerbe fut pris, par-


lerau crible, c'eſt à dire , no μvéve & Theocrite

appelle tel deuin , Crible forcier , en ce lieu , e☎ vù

ἀγροιώτ᾽ ἀλαθέα κοσκινόμαντις . & plufieurs le font fans fe


cacher. Et me fuis trouué il y axx. ans en l'vne des

premieres maifons de Paris, ou vn ieune homme fift

mouuoir deuant plufieurs gens d'honneur, vn tamis


fans y toucher, & fans autre myftere , finon en difant
certains mots françois que ie ne mettray point, & les
reiterant plufieurs fois . Mais pour monftrer que lc

malin efprit eftoit auec ceftuy-là, c'eft que vn autre en


fon abfence le voulut faire, en difant les mefmes paro-
les, & ne fift rien .Quant à moy, ie fouſtiens que c'eft

6. Deuter.vne impieté: car premieremet c'eft blafphemer Dieu,


19. Hier.5. que de iurer autre que luy,ce qu'il faifoit ; En ſecond
12.
60 lieu ,
LIVRE SECOND . SS

lieu, c'eft vn moyen Diabolique , attendu qu'il ne fe

peut faire par nature, & qu'il eft defendu par loy de

Dieu.Et de dire que la vertu des paroles y faict quel-

que chofe on void euidemment que c'eſt vne pipe-

rie Diabolique, de laquelle les malins efprits ont ac-


couftumé d'vfer , pour attraper les ignorans , & les

acheminer peu à peu à leur efcole . Et meſmes Iean


7.In Pof-
Pic Prince de la Mirande efcript ' que les mots bar- tio nibus .

bares & non entendus , ont plus de puiffance en la

Magic, que ceux qui font entendus . Et pour le de-

couurir encores plus, il n'y a Païfant de village qui ne

fache,que par le moyen d'vn vers des Pfalmes , que ie

ne mettray point , eftant prononcé pendant qu'on

faict le beurre, il eſt impoſſible de faire rien . Et me

fouuient, que éftant à Chelles en Valois , vn petit la-


quais empefchoit la chambriere du logis de faire fon
beurre: elle menaffa de la faire fouëter pour luy fai-

re ofter le charme, ce qu'il fift, ayant dict à rebours le


mefme vers auffi toft le beurre fe feift, combien que

on y auoit employé prefque vniour entier, Si c'eftoit

qu'on y mift du fuccre tant foit peu, il eft bien expe-

rimenté, que le beurre ne fe peut coaguler: Et cela eft

vne Anthipathie naturelle : comme en cas pareil vn

peu de cuiure getté en la fornaize de fer , empefche

que la mine de fer puiffie fondre, & fe tourne entiere-

ment en cendre:s'eft pourquoy les forgerons ayant

allumé le feu , veilent à cela que perfonne n'approche

de leur forge , craignant qu'on y gette du cuiure.


Mais on peut demander s'il eft licite de prononcer vn

paffage de la faincte efcripture , comme de dire vn


O iij
DES SORCIERS

verfet des Pfalmes quand on fe couche, pour s'eueil-

ler àquelle heure on voudra. Et combien que le ver-


fet eft pour exciter Dauid à prier, & chanter les louan-

ges de Dieu,Si eft- ce que ie ne le mettray point , par


ce que c'eſt malfaict de donner quelque force aux

paroles, quad il n'y auroit autre chofe que d'y adiou-

fter foy, c'eft toufiours pour paffer outre , & par tels

commencemens fe precipiter en chofes fuperftitieu-


fes & mefchantes. Et à fin qu'on nefoit pipé par les

Sorciers, leurs receptes font pleines de belles oraiſons ,


de Pfalmes, du nom de Iefus Chrift à tout propos , de

la Trinité, de croix à chacun mot, d'eau beneiſte , des

mots du canon de la Meffe,gloria in excelfis , omnis fpi-

ritus laudet Dominum , à porta inferi , credo videre bona

Domini, & c . Qui eft chofe d'autant plus deteſtable ,


que les parolles fainctes font appliques aux forcelle-

ries.Et par ainfi ceux qui prennent la hache, & la met-

tết droicte à plomb , en difant quelques parolles fain-

tes, ou Pfalme , & puis nommant les noms de ceux


&

defquels on fe doubte , pour defcouurir quelque

chofe ,& à la prolation du nom de celuy qui eft coul

pable, que la hache ſe mouue, c'eft vn art Diabolique


8.άξινο -
Máx . que les anciens appelloient Axinomantic.Et en cas
9. Tu pareil la Dactyliomantic auec l'anneau'fur le verre

Aoud d'eau, delaquelle vfoit vne fameuſe Sorciere Italienne


τία.
en Paris ,l'an M. D. LXII. en marmotant ie ne fçay

quelles parolles , & deuinoit par fois ce qu'on deman-

doit par ce moyen, & neantmoins la pluſpart y eſtoiết


trompez .Ioachim de Cambray recite , que Hierofme

Moron depuis qu'il fut Cancelier de Milan , auoit


vn
LIVRE SECON D. 56

vn anneau parlant, ou pluftoft vn Diable , qui en fin


paya fon maiftre , & le feiſt chaffer de fon eftat.Tou-

tes fois il y en a, qui appellent cefte forte Hydroman-


tie , & difent que la Dactyliomantie , s'entend des 4.vo-
anneaux où les Sorciers portent les efprits , qu'ils ap- μάντεια
exaqui.
pellent familiers, que les Grecs appellent Salovas mage-
opous : & quanc à l'Hydromantic , & Pegomantic ' , 5.720-
μάντεια,
qui fe practique es fontaines , on tient que Numa área,
exfontibus.
Pompilius en vloit.Mais Varron l'entend autrement

quandil dict que vn ieune enfant apparceut vne ima-

geen l'eau( eftant employé par les Sorciers ) qui pro-


nonça cinquante vers de toute la guerre Mithridati-

que,auparauant qu'elle aduint . Auffi peut on doub-

ter, quelle eftoit l'Aeromantic , fice n'eftoit partie de 9.tg-

la fcience Augurale , qui deuinoit par la difpofition ár .

de l'air.Quant à celle qu'on difoit Alphitomatic ' , ou 7. άλφι


-Aleuromantics, c'eftoit auffi vne forte de diuination τομάν

par farine , de laquelle parle Iamblique ' :mais il ne la .

dict point comment. Ilparle auffi de Lithomantic , 8.eugo-


μάντια
Már
par pierres, qu'il n'explique point : mais ie l'ay touché 9. Lib.3.c.

cy deffus , interpretant le paffage de la loy de Dieu, 12.


qui defend d'adorer la pierre d'imagination : où il ° ; A0-
μάντεια .
femble que c'eftoit vne pierre exactement polie en ex lapide.

forme de miroüer , pour imaginer, & deuiner . Mais

bien pourroit on auffi appeller la diuination , qu'on

cherche par la pierre, en portát l'Amatheifte au doigt,

quis'appellenben Hebrieu , & Arabesque , pour

la proprieté naturelle qu'elle a de faire fonger, car l'ar


ticle eft Arabesque , le refte de la diction Hebrai-

que fignific Songe . Autant peut on dire de la diuina-


DES SORCIERS

2.58440 tion du Laurier , qu'on appelle Daphnomantic ' , qui

Már da eft la plante dedice anciennement à Apollo , pour l'o-


à lauro.
pinion qu'on à qu'elle faict fonger , & quia grande
.
force en Magic, comme difoit Procle Academicien .

T'accorde bien qu'il faict fonger, comme auffi faict

toute plante odoriferante, & toutes fumees : mais ie

tiens que c'eſt chofe illicite, & Diabolique d'en vfer,


pour fçauoir la verité des choſes : car c'eft auoir re-

cours à la creature , & laiffer le Createur en termes de

diuination :ce qui eft defendu eftroictement . Nous

3.4α- ferons mefme iugement de la Cephaleonomantie ',

Acoroμdy- qui eft la diuination pat la tefte d'vn Aſne . Ie n'ay


τεια
ex Afini point leu comment celà fe faifoit : mais ie croy qu'el-
capite. le eftoit venue des Ægyptiens. Carnous lifons en Io-

feph contre Appion le Grammarien ambaſſadeur vers

l'Empereur Caligula, qu'il calomnie les Iuifs d'auoir

eu au temple de Dieu vne tefte d'Afne . Quant à la Py-

4. Tugo- romantic * , & Capnomantic, qui eftoit la diuination ,


μάντεια,
VTV- qu'on prenoit par feu , & par fumees de certaines ſe-

párta , mences, elle eft plus Diabolique que les precedentes :


fumees.
Car elle tire apres foy vne perfumigation & encenfe-

ment,pour donner le fuget, & corps au malin efprit,

& de celle-cy plufieurs ignorans font pipez par les

Sorciers, qui difent que ce n'eft que Magie blanche.Il

s'en faut mieux garder que de la peſte . Quant àla

5.gado- Rabdomantic', ie l'ay veu practiquer à Thoulouze par


μάντζα, vn medecin qui marmottoit quelques parolles tout
ex virgis.
bas,pour faire baizer les deux parties de la verge: mais
il ne pouuoit rien faire , difant que ceux qui estoient

prefens n'auoient point de foy.Apres auoir fait celà


ils
LIVRE SECOND . 57

ils en prennent deux petits lopins, qu'ils pendent au

col ,pour guarir de la fiebure quarte . Tout cela ne


vaut rien, & tels charmes de paroles ne fe peuuent fai-
-
re fans l'affiftéce de Sathan. Quant à la Xylomantic , 6.9-

ilya vn docteur Hebrieu, qui en faict mention au li- párra,


ure où il a extrait les fix- cens & treize commande - a ligne.

mens de Dieu , & dict qu'elle fe practiquoit en Scla-

uonie,auec de petits lopins de bois : le ne fçay que


c'eftoit, & me feroit impoffible de recueillir tout ce
2
qui en eft.Thomas d'Aquin en a recité plufieurs, Thomas
2.2.dift.95
& non pas toutesfois la centiefme partie: Mais il fuf- 26.9.4 .

fira de ce que i'en ay dict pour iuger des femblables , igitur q.


5.nec miru
où il eft question de paroles fecrettes, ou caracteres 26.9.

qu'on applique auec les fimples. Nous dirons en fone Gaf


lieu fila parole a quelque effect fans autre actio.Mais par Peufer.

de toutes ces ordures il n'y en a point de plus frequé-

te par tout, ny de gueres plus pernicieufe , que l'em-

pefchement qu'on donne à ceux qui fe marient,qu'o

appelle lier l'efguillette ,iufques aux enfans qui en


font meftier,auec telle impunité & licence, qu'on ne

s'en cache point , & plufieurs s'en vantent, qui n'eft


pas chofe nouuelle : car nous lifons en Herodote , 2.lib.2.

que le Roy d'Egypte Amafis ,fut lie & empefché de

cognoiftre Laodice fa femme, iufques à ce qu'il fut


delié par charmes & precations folennelles . Et en cas

femblable les concubines de Theodoric vferent de

mefmes ligatures enuers Hermáberge , comme nous


lifons en Paul Emil,en la vie de Clotaire 2.Les Phi-

lofophes Epicuriens fe mocquent de ces merueilles ,


fi font ils cftonnez de ces noueurs d'efguillettes , qui
P
DES SORCIERS

fe trouuent partout, & n'y peuuet iamais donner au-

2-33.9.8 . cun remede naturel. C'eft pourquoy au Canon , ' il

eſt dit ainſi.Siperſortiarias,& maleficas artes, occulto,fed

nunquam iniusto Dei iudiciopermittente , & Diabolopra-

parante, concubitus nonfequitur, ad Deumper humilem con-

feffionem eft recurrendum . De ce paffage on peut retirer


quatre ou cinq chofes notables : Premierement , que

la copulation fe peut empeſcher par art malefique , en


quoy s'accordent les Theologiens , & mefmes Tho-

mas d'Aquin , fur le 1111.liure des Sentences ,diftin-

ctione X X1111.où il eft efcript , qu'on peut eftre lié

pour le regard d'vne femme , & non pour les autres,


& au dernier chap.de Frigidis: En fecond lieu que ce-

là fe faict par vn fecret, & toutesfois iufte iugement

de Dieu,qui le permet :En troifiefme lieu, que le Dia-

ble prepare tout celà: En quatriefme licu, qu'il faut a-

uoir recours à Dieu par ieufnes , & oraiſons . Or ce

quatriefme poinct eft bien notable, d'autant que c'eſt

vne impieté de s'efforcer d'eftre delyé par moyens


Diaboliques , comme plufieurs font : Car c'eſt auoir

recours au Diable, & aux fuperftitions Diaboliques .

Encores eft il plus eftrange que les petits enfans , qui

n'ont aucune cognoiffance des forceleries en vſent

en difant quelques paroles, & noüant vne efguillette .


Et me fouuient auoir ouy dire à Riolé Lieutenat ge-
neral de Blois, qu'vne féme à l'eglife apperceut vn pe-

tit garfon nouat l'efguillette fouz fon chappeau lors

qu'on efpoufoit deux perfonnes, & fut furpris auec

Fefguillette, & s'enfuit . Eſtant auffi à Poitiers aux


Grands iours fubftitut du Procureur du Roy , l'an
M.D.
LIVRE SECOND. 58

on
M. D. LXVII. On m'apporte quelque procez de Sor-

ciers, & comme ie recitois le faict du proces à mo ho-

fteffe,qui eft Damoiselle en bonne reputatio, elle dif-

courut comme fort fçauante en telle fciece , en la pre-


fence de lacques de Beauuais, lors greffier des prefen-

tations du parlement de Paris, & de moy, eftans logez

enfemble,qu'il y auoit plus de cinquante fortes de


nouër l'efguillette : I'vne pour empefcher l'homme

marié ſeulement : l'autre pour empefcher la femme


marice feulement, à fin que l'vn ennuyé de l'impuif-

fance de fa partie cómette adultere auec d'autres. D'a

uantage elle difoit qu'il n'y auoit gueres que l'homme

qu'on liaft:Puis elle difoit qu'on pouuoit lier pour vn

iour,pour vn an,pour iamais, ou du mois d'autat que

l'efguillette dureroit, s'ils n'eſtoient delicz, & qu'il y


auoit vne telle liaiſon , que l'vn aymoit l'autre, & neat-
moins eftoit hay à mort : l'autre moyen qu'ils s'ay-

moient ardemment, & quand c'eſtoit à s'approcher,

ils s'egratignoient, & battoyent outrageufement: co-


me de faict eftant à Thoulouze on me dit qu'il y a-

uoit eu vn home & vne femme, qui eftoiết ainſi liez,

& neatmoins trois ans apres ils fe r'allierent , & curent

de beaux enfans.Et ce que ie trouue plus eftrange eft

que la Damoyfelle difoit, que tandis que l'efguillette

demeuroit nouce, on pouuoit veoir fur icelle, qu'il y


venoit des enfleures, comme veruques, qui eftoit, co-

me elle difoit,les marqs des enfás qui fuflet procreez

fi les perſonnes n'euffent efté nouees : & qu'on pou-

uoit auffi noüer,pour empefcher la procreatio , & no

pas la copulation.Elle difoit encores qu'il y a des per.


Pij
DES SORCIERS

fonnes , qu'il eft impoffible de noüer: & qu'il y en a

qu'on peut noüer deuant le mariage : & auffi apres

qu'il eft confommé, mais plus difficillement :Et paf

fant outre, elle difoit qu'on peut empefcher les per-


fonnes d'vriner,qu'ils appellent cheuiller: dont il ad-
uient que plufieurs en meurent : comme i'ay fceu que

vn pauure garfon en cuyda mourir, & celuy qui l'a-

uoit cheuillé ofta l'empefchement pour le faire vri-


ner en public, & fe mocquer de luy:depuis le maiftre

Sorcier quelque temps apres mourut furieux & enra-

gé . La Damoifelle nous recitoit auffi les diuerfes pa-


roles propres à chacune liaiſon , qui ne font ny Grec.

ques,ny Hebraiques,ny Latines , ny Françoiles , ny

Elpagnoles, ny Italiennes , ie croy qu'elles ne tiennet

rien non plus des autres langues, & de quel cuir,de

quelle couleur il falloit que fuft l'efguillette . Iamais


tous les docteurs qui ont efcript fur le tiltre defrigidis

maleficiatis , n'ont rien entendu au prix de celle- là .

Et d'autant que celà eftoit commú en Poitou ,le iu-


ge criminel de Niort,fur la fimple delatió d'vnenou-
uelle efpoufee, qui accufoit fa voifine d'auoir lié fon

mary , la feift mettre en prifon obfcure l'an 1560. la


menaffant,qu'elle ne fortiroit iamais, fi elle ne le def

lyoit : deux iours apres la prifonniere manda aux ma-

riez qu'ils couchaffent enſemble. Auffi toft le iuge

eſtant aduerty qu'ils eftoient defliez , laſcha la priſon-

niere.Et pour montrer que les paroles ny les efguil.

lettes n'y font rien, ains que tout celà eft conduict &
mené par l'artifice & malice du Diable, qui s'ayde des
hommes, aydant auffi leur mefchante volonté : il

apert
LIVRE SECOND : 59

apert en ce que les paroles Latines de Virgile , que ie

laifferay , & le carme qu'il met , pour empefcher la


coniunction eft intelligible, & emporte quatre mots

en forme de Carme, & ceux defquels on vſe font du

tout Barbares.Et Virgile veut qu'on face neufneuds,


nos lieurs n'en font que vn. Et faict bien à noter, que
Sorciers , n'ont
le Diable , ny fes miniftres Sorciers n'ont point de

puiffance de lyer les autres ſens, ny empeſcher les hō-


mes de boire & manger:comme en cas pareil ils n'ot

pas la puiffance d'ofter vn feul membre à l'homme

horfmis les parties viriles : ce qu'elles fot en Allemai-

gne,faifant cacher & retirer au ventre les parties hon

teufes. Et à ce propos Spranger recite , que vn hom

me à Spire,fe penfant priué de fes parties viriles ,fe fift


viliter par les Medecins & Chirurgiens , qui n'y trou

ueret rien, ny bleffure quelconque: & depuis ayat ap-

paifé la Sorciere qui l'auoit offenfé, il fut reftitué . Il en


recite vn autre d'vn de Rauéfpurg,qui print la Sorcie

re pour l'eftrangler, qui le reftitua par force. Or tous


les Hebrieux demeurent d'accord que le Diable , par

la permiffion de Dieu a grand pouuoir fur les par-

ties genitales, & . fur la concupifcence , & difent en

allegorie, que Sathan eft porté par le Serpent . Philon


& tous les Hebrieux , difent que le Serpent en fens al-

legoric , fignifie Volupté, qui fe traine fur le ventre.

Auffi voyos nous en Tobie ', que vn malin efprit tua 3 cap. 7 --
fept maris, qui auoient efpouzé la fille de Raguel,la .
premiere nuict de leurs nopces . Et ne fe faut pas ef- x

merueiller,fi le Diable fe fert fort de telles liaifons , car

premierement il empeſche la procreation du genre


P
DES SORCIERS

humain , qu'il s'efforce tant qu'il peut d'exterminer :


En ſecond lieu il ofte le facrélien d'amitié d'entre le

mary & la femme: En troifiefme lieu , ceux qui font

liez vont paillarder ou adulterer. C'est donc vne im

pieté deteftable, & qui merite la mort , comme nous

defduyrons en fon lieu : Et neantmoins la plupart de


ceux qui vfent de telles liaiſons n'ont point de con-
uention expreffe auec le Diable , & ne l'inuoquent
point,mais il eft bien certain, qu'il eft toufiours auec

telles gens. Difons donc maintenant de ceux qui in-

uoquent le Diable : car les Sorciers ne font pas tous


d'vne qualité.

Des inuocations tacites des malins Efprits.


СНАР . I I.

A difference eft bien notable des Sor-

ciers, ce qui eft befoing d'eftre bien

entendu,pour la diuerfité des peines.


Car ceux defquels nous auōs parlé iuf-
ques icy , ne font point d'inuocation de

malins efprits, & entre ceux- cy la difference eft auffi

bien grande, car les vns vfent de quelques paroles &


myſteres, fans expreffe inuocation , & neantmoins tế-
1
dans à fin que l'efprit dife, ou monftre la verité de ce

qu'on cherche:les autres vfent d'inuocation expreffe.


Les plus anciens Affyriens & Caldeas , vfoient fort de

7.Лenovo- Lecanomantie , r'empliffant vn baffin d'eau , & y met-

Márta, tant lames d'or & d'arget, &pierres precieufes,portás


àpelui.
certains caracteres, & apres les paroles pronocees, on
entendoit
LIVRE SE COND. 60

entendoit vne voix fubtile , comme vn fifle fortant

de l'eau qui rendoit reſponſe,ſans inuocation expref-


fe . Et la Gaſtromantic ' fe faifoit par vaiffeaux de 8. Jusco-
verre ronds pleins d'eau , & apres auoir allumé des Máda.

cierges, & marmoté certains mots , on n'oyoit pas la


voix , mais on voyoid les refponfes par marques , &

fignes. Et encas pareil la Catoptromantic par mi- 9.970-


πτρο-
rouers,la Cryftallomantie par glaces, ou verres cry- arda.
ftallins, comme dit Ioachim de Cambray, qu'il a veu 2. xeu-
χρυσ
vn bourgeois de Nuremberg,qui achepta vn anneau sa-
de criſtallin,par le moyen duquel vn ieune enfant Márra .

voyoit ce qu'on demadoit:mais depuis l'achepteur


fe trouua trauaillé du Diable, & rompit l'anneau . Cel-

le qu'on dict Onymantie ' fe faict en frottant l'ongle 3 -


τια.
oule criſtal de certaines confections , & en difant

quelques paroles que ie ne fçay point, puis on faifoit


voir àvn ieune enfant,qui n'eftoit corrópu, ce qu'on

demandoit:Car le Diable faict à croire qu'il ayme la

virginité,à fin qu'il puiffe par ce moyen attirer les hō-

mes à foy dez leur tedre ieuneffe, en partie auffi pour


empefcher la procreation du genre humain: & neat-

moins il incite les perfonnes qu'il a gaignees à paillar

difes contre nature, & Sodomies deteftables .Quantà

la Catoptromantic, de laquelle faict mention Pauſa-

nias,in Achaicis, elle eftoit autre que celle de laquel-


le vient les Sorcieres . Car fiquelcú vouloit fçauoir s'il
rechaperoit de fa maladie, il mettoit vn mirouer en

la fontaine de Patras , deuant le temple de Ceres , &

s'il voyoit la figure d'vn mort , on iugeoit , qu'il

mourroit,& s'il voyoit vn homme plein de vie, il en


DES SORCIERS

rechapoit.Mais il fait bien à noter, comme leDiable

pipe le genre humain en telles forceleries: car d'autat

qu'il y a des gés de bie, & confcientieux, qui ne vou-


droient pour mourir inuoquer le Diable,il leur faict

croire,que c'eft la vertu des paroles, ou des characte-

res, ou des herbes, ou des animaux, & par ce moye il

feduitfouuent ceux qui penfent eftre les plus aduiſez:

Et mefmes Virgile, qui eftoit en reputation de grand


Sorcier,dict,

Carmina uelcalo poffunt deducere Lunam:


Carminibus Circefocios mutauit Vlyffis.
Et en autre lieu:

Frigidus inpratis cantando rumpitur anguis , &c.

Atquefatus alio vidi traducere meffes . Et:

Hac fe carminibuspromittit foluere mentes,


Siftere aquamfluuiis,&flumina vertere retrò .

Nocturnófque ciet manes, mugire videbis

Subpedibus terram,& defcendere montibus ornos.

Et Ouide paffe outre, quand il parle de la Sorciere,


qui difoit,

Cùm volui,ripis ipfis mirantibus amnes

Infontes redirefuos, concuffáquefisto,


Stantia concutio cantufreta ,nubila pello,

Nubiláque induco , ventos abigóque, vocoque,

Vipereas rumpo verbis , & carmine fauces


Etfyluas moueo,iubeóque tremifcere montes,

Et mugire folum,manéfque exirefepulchris.


Te quoque Luna traho &c.

Qui feroient chofes bien eftranges, fi elles eftoient

veritables: mais c'eſt beaucoup de charmer, & faſci-


ner,
LIVRE SECOND. GI

ner tellemét les homes,qu'ils pëfent à veuë d'œil , que


tour cela foit veritable, encores qu'il n'e foit rie: Et ne

ſe peut faire par la vertu des paroles, quoy que les plus
fçauans en telles fciences ayent efcript :mais le Diable
eft feul autheur, & miniftre de telles faſcinatios. Et n'y

a point de plus fort argument que celuy que i'ay dict,

que le Diable en toutes langues trope les homes par


le moyé des paroles Grecques, Latines, barbares & in-

cogneuës aux homes, & neantmoins diuerfifiant les

mots en diuerfes nations pour mefme choſe . Celà fe

peut voir en Virgile, & Theocrite Poëtes, I'vn Grec,


l'autre Latin, & Marcellus, & Nicolaus Medecis , & en

Pline mefme,qui rapporte plufieurs mots pour telles

impoftures, qui n'ot rien de femblable aux mots qu'o


lift es Sorciers: Et mefmes il y a des croix à tout propos

& des hofties, comme il a efté aucré au procez de l'A-

ucugle, quifut pendu à Paris auec deux autres couain-


cus, & qui depuis confefferent , qu'ils vfoient des ho .
fties, & des croix, & de plufieurs oraifons, qui eft le co-

ble d'ipieté , que le Diable faict feruir ce que les Sor-

ciers eftiment le plus faint aux chofes les plus dete-


ftables .Car il me femble que celuy n'eft gueres moins

coulpable qui fe mocque , & blafpheme Iuppiter,

qu'il penfe eftre Dieu ( come faifoit l'Empereur Cali-

gula) que s'il fe mocquoit de Dieu, lequel regarde tou


fiours la confciece , & la voloté des homes :tout ainſi

quele premier,qui fut appellé Sceuola , penfant tuer


Porfenna Roy des Hetrufques ,tua fon lieutenant, n'e-

ftoit pas mois coulpable , que s'il cuft tué le Roy. C'eſt
dócle but & l'intétion du Diable d'arracher du cucur

.
DES SORCIERS

des homes no feulemet la vraye religió , ains auffi tou-

te confciéce & crainte de mal faire, & faire entendre

aux fimples que ce n'eft pas luy, mais la force des paro

les.Icy peut eftre, on dira, que la Cabale, qui eſt la Phi-

lofophie des Hebrieux, done force aux paroles , & ca-

racteres,come on peut veoir enReuclin , Galati, & aux

pofitios Cabaliſtes de Pic'.Ie dy que la Cabale a deux

parties:l'vne qu'ils appellet deBerefchit, qui eft à dire,

in principio. C'est le premier mot de la Bible, & celle- cy


eft la vraye Phifiq,& Philofophie naturelle, declarás
ce grád opifice du monde, & les chofes fecrettes cou-

uertes foubs allegories,& reprenát les opiniós des au-


tres Philofophes cótraires à la loy de Dieu . La fecode

partie eft celle qu'o dict de la Mercaua, c'eſt à dire du


chariot,pour la vifio d'Ezechiel, ou la maieſté de dicu

accompagne de fes Anges eft figuree, qui eſt haute &


difficile: Et neatmois rauiffat l'intellect en admiratio,

& côtéplatio du mōde intelligible, que les Hebrieux


appellet les caux furceleftes, &la Phyfiq, les eaux infe-

ricures.On void és Prophetes & e la loy de Dieu qu'il

ya de grands & beaux fecrets des œuures de Dieu ca


chees foubs les allegories de la Bible , come on peut

veoir en Philon, LeoHebrieu , Origene , & en Salomo,

qui y prédra garde de pres .Et que les faincts perfōna-


ges,&Prophetes ot laiffé de bouche en bouche : mais

ils n'otpas fi curieufemét efpluché ny fubtilizé fur les

claufes,fur les mots ,fur les fyllabes , fur les lettres, voire

iufques aux poinct & figures de chacune lettre , come

depuis ont faict les derniers Iuifs , qui font merueilles


de fubtilizer fur le grad no de Dieu, duquel ils copo-
fent
LIVRE SECOND . 62

fet LXXII.nos de Dieu , & autat d'Anges : & puis ils fub-

tilizēt auffi fur les nobres ,qu'ils appellét Sephiroth , &

penfent qu'on peut faire merueilles auec ces noms &


nõbres: Mais celà m'eft fort fufpect quãdie voy q les

Sorciers, comme Agrippa & fes complices, fouillent


ce grand & facré nom de Dieu, en le meflant en leur

caracteres aufquels Dauid ' s'adreffe, quand il dict, 2.Pfal. 49 .

Auffi dira l'Éternel au meſchant,

Pourquoy vas tu mes edicts tantprefchant,

Etprens mon nom en ta bouche maligne,

Veu que tu as en haine difcipline?

Reuclin &Agrippa ont faulfemet efcript, que Iudas


Machabec obtient victoire cotre Lyfias, & Antioche

le noble pour auoir faict peindre é fa cornette ces qua


tres lettres ....D-
quifignifier ‫מי כמוך באלים יהוה‬-qui cft
fem
blable à toy entre les forts ô Eternel? C'eftoit bien le

mot du guet, qu'il dona à fon armee, mais no pas que

pour les caracteres il éportaft la victoire . Et par aifi les


nos de Dieu é la bouche, es tables, es caracteres, ou de

ceux qui le tétét n'eft pas factifié , ais pollué & blafphe
mé. Or il eft dicté la loy de Dieu , que celuy qui pro- 4. Lenit.

noncera fon no par melpris doibt eftre lapidé . Ie ne 24.


doubte point que les malins efprits n'ayet en horreur

ce facré nom , & qu'ils ne fuyet foudai quád ils oyent


prononcer ‫יהות‬
. Mais il eft certain que le nó qui fi-
gnifie l'Eternel pronocé en toutes lagues à meſme ef-
fect.Et le feul nom de Dieu , qui eft vulgaire & com-

mun ,prononcé à bonne intention , foubdain chaffe

les Diables, comme il eft aduenu toutesfois & quan-

tes que vn Sorcier en l'affemblee des autres a appellé


Qij
DES SORCIERS

Dieu à ſon ayde: & qui plus eft, la ſeule craicte, & fra
yeur qu'on a de Dieu chaffe les Diables , come no' di-

5. Lib.1.de ros cy apres . Et mefmes Paul Grilland ' qui viuoit l'an
Sortilegy's.
M.D.X X X VI I.eſcript qu'il y eut vn pauure hōme Sa-
bin demeurant pres de Rome, qui fut perſuadé par fa
femme de ſe greffer come elle, de quelques vnguens

pour eftre transporté auec les autres Sorciers(penfant


que ce fuft la vertu de la greffe, & quelques paroles

qu'o dict, & non pas le Diable)fe voyát tranſporté au

Coté de Beneuent, qui eft le plus beau Domaine du


Pape, & fous vn grád noïer, où il y auoit infinis Sor-

ciers qui beuuoiet & mageoiết, come il ſébloit , il fiſt

comeles autres, & come il cuft demãdé plufieurs fois

du fel, que les Diables ont en horreur, e fin on luy ap-

porta du fel come il luy fembloit, alors il dift en fo Ita

lien , Laudato fia Dio,pure venuto queſtoſale , Loüé foit

Dieu,puifq ce fel eft venu.Sitoft que le nom de Dieu


fut proferé, toute la copagnie des Diables & des Sor.
ciers ,& toutes leurs viandes s'efuanouirent en rien , &

demeura le pauure home tout nud, qui s'en retourna

au païs, à cet lieues de là ,madiät fon pain: & de retour

qu'il fut il accufa fa féme, qui fut bruflee toute vifue ,

apres auoir cófeffé la verité:& accufé pluſieurs autres,

lefquelles furét auffi cõuaïcues & brulees: Qui eſt bié

pour monſtrer , que l'effect des merueilles ne gift pas

aux figures, aux caracteres,aux fyllabes , aux paroles,


mais en la craicte de Dieu : Et que le Diable pour cou.

urir fes ipoſtures,faict feruir les paroles & caracteres,


& hofties cofacrees à fes actions. Nous auos dict que

les Diables ont le fel en horreur, & la raifon en eft tref

bonne,
LIVRE SECOND. 63

bone,d'autat que le fel eft la marque d'Eternité, & pu-

rité, par ce qu'il ne pourriſt, & ne ſe corrópt iamais , &

garde les chofes de corruptio & putrefaction : & le

Diable ne cherche rié que la corruptio & diffolution

des creatures, comme Dieu la generation . C'eſt pour-


quoy il eft comádé en la Loy de Dieu de mettre du fel

fur la table du Sactuaire,& generalemét ' en tous facri- 3. zeuitici..

fices: Et me feble que Platon ,qui auoit appris des He- 2


brieux ce commandemet,dict que le fel eft aymé des

Dieux.Et au cótraire par la loy deDieu il eft defédude

mettre vin ny miel aux facrifices, come les Payens : qui


fignifie auffiqu'il faut prier Dieu fans flaterie auec di-

fcretion ,prudéce, & fobrieté.En quoy fe font abuſez


ceux qui ont penfé que la féme ' deLoth fuft cóuertic 9. Gen.19..

en ftatue de sel, car c'eſt la faço de parler des Hebri-


eux,qui fçauoiết les beaux fecrets de nature , de dire

vne ftatue de sel, pour ſtatue perpetuelle, & en la loy


de Dieu'il eft dic, le feray auec vous vne alliance de s . Numeri
18.
sel, c'eft à dire,perpetuelle.Si la proprieté des caracte- 2.In libris

res, ou figures des nos de Dieu auoit mesme effect, les qui inferi-
Sorciers n'é vferoiét pas en leurs inuocatios car leurs butur, ca-
pita pa-
liures en sont pleins.Et par ainfi nous cocluiros que la rum, aut,

Cabale, c'est à dire , Sapience receuë de Dieu , par le ma


Sapelegitur
moyé de ses Anges & Prophetes de bouche en bou- Mofes acce-

che,ne gift pas en caracteres ou figures, quia efté cau - pit,queta-


menfcript.s
se qui plufieurs l'ot blasmé,come on faict toutes cho- in libris

ses bones pour l'abus: Mais bie en la secrette intelligé Mofis if-
quam repe
des merueilles de Dieu , couuerte d'allegories par riuntur
tur:
toute la saicte efcripture.Car il n'y a quafi propos ny

comádement, qui ne porte double sens; & quelques-


Qiij.
D'ESO SORCIERS

3.Leuitic. fois trois.Soit pour exéple le cómádemet › qui eſt fait


13.14. aux Preſtres d'efermer le Ladre quád il commece , &

qu'on apperçoit la moindre playe , & de ſept iours en

fept iours le vifiter iufques à ce qu'il foit guary, ou biể


qu'il foittout couuert de ladrerie depuis la tefte iufqs

aux pieds,alors il eft comádé de le laſcher, car ( dit l'É-

fcripture)il eft net:mais s'il a quelque partie de la chair


viue, il faut le garder de frequéter les autres.Philō He

brieu s'eftone de ce mademet politic, & fur celà il in-

terprete le fes moral, & dict ce me feble, que celuy q

n'a aucune cognoiffance de Dieu , & n'a point de ſéti.

met d'iceluy ne peut gafter les autres: mais celuy qui a

quelque fétimet de la loy de Dieu, & de fa verité , &


neatmois d'ailleurs eft depraué de mauuaifes opiniòs,

il eft fort dagereux , car foubs le voile de religió il en-

tremeile la poizon d'ipieté, comme font les Sorciers


auec les noms de Dieu . Outre le fes politic, qui eft c-

fcript en la loy de Dieu , & le fens moral , que dict Phi-

lon, il y a vn beau ſecret de nature que pas vn n'a efcrit

c'eft,que toute chofe qui fe corrompt infecte l'air , &

ceux qui en approchent, iufques à ce que la corruptio


3.in libro. foit parfaicte, ce que Theophrafte'au liure des O-

περί όσ- deurs did trois mots , πῶν σα πρὸν κακώδες quidquid cor-
μῶν.
rupiturfædu exhalat odorem: comme l'œuf, qui eft fort

plaifant & bon,tefmoing Horace, qui l'appelle anti-


quas regu delicias, s'il commence à eftre couué & corro

pu,il eft puát à merueilles, & infecte l'air iufques à ce

que la corruption foit parfaicte , & que le poulet en


forte, & qui plus eft le baſelic & lauade , que les aciens

appelloiēt Nardus Celtica,pour ce que naturellemét


elle
LIVRE SECOND. 64

elle croiſt en Láguedoc ,eftat couuerte , & preffee , co-

méce à fe corropre, & put bie fort:Mais qu'o la laiffe


entieremet parfaire fa corruption , il en fort vn huille

precieux, & de bo odeur: ainfi la femece corrópue de-


meurat en fa corruption , caufe des chacres , des boffes

& verolles cftrages , & par mefme moyelefág des la-


dres eft bie fort infect, quand il fe corrōpt , iufques à

ce que la maffe du fang foit entieremet tournee, & pe

dat qu'elle tourne, il y a bien grád dager d'approcher


des Ladres :mais eftat tourné du tout,le danger ceffe.

Voyla le fés naturel de la loy.Quelquesfois il n'y que

le fes hiftorial , come il eft dict que Moyfe nombra le

peuple, &autres chofes feblables . Quelquesfois la loy


commande de coupper le prepuce des cueurs il n'y o . Circun-

apoinct de prepuce au cucur, & feroit impoffible de cidite pra-

le couper s'il y en auoit : Mais c'eſt à dire qu'il faut dum ve-

retrancher les mauuaiſes penfees ,les appetits de ven-froram..

geance , l'auarice & autres vices: qui eft bien pour

monftreraux ignorans , qui ont blaſmé la Cabale,


que Dieu nous faict toucher au doigt, & monftre à

veue d'œil qu'il ne faut pas s'arrefter feulemet au fens

literal, puis qu'il eft vray ce que dict l'Efcripture, Lite-

ra occidit: Spiritus autem vinificat.Combien qu'il y a vn


5.Exodica .
trefbeau paffage en la loy de Dieu, qui le monftre af · 34 .

fez fans celà, où il eft dict, que Moyfe eftant deſcédu

de la mōtagne, où il auoit demeuré quarante jours , &

autant de nuicts,mift vn voile fur fa face, pour parler

au peuple: & quãd il retournoit parlerà Dieu, il oftoit

fon voile,parce que le peuple ne pouuoit loguemet


voir fa face tát elle cfboit luyfante: c'eft à dire outre le

fens literal, qu'il ne pouuoit comprédre les fecrets &


DES SORCIERS

allegories portees en plufieurs lieux de la loy de Dieu:


Toutesfois il eft dict , qu'ils l'appercourent l'ayant

veu defcouuert, que fa face eftoit fort refplendiffate.


Etfi on demande pourquoy la loy de Dieu s'eſt cōté-

tee de faire clairement entedre ce qu'il faut fuiure ou


fuir,fás vouloir defcouurir les plus hauts fegrets , il y a

plufieurs raifos, premieremet pour arrefter les homes


à mediter & que la loy de Dieu, & par ce moyé l'égra-
uer enfo cueur, & peu à peu decouurir les merueilles
deDieu auec admiratio.Car on voit ordinairemét que

la facilité fait mefprifer la chofe:en fecód lieu pour ne

degoufter les fimples gens par les hauts fegrets inco-

prehéfibles au menu peuple: & pour faire cognoiftre

que les comademésentédus d'vn chacú ſuffisent pour


obtenir la vie eternelle.Et ceux qui par vne opiniaftre-

té mal fondee blaſment telles expofitions defquelles

les escrits de fainct Hierofme,fainct Anguſtin, ſain&

Bafile, & principalement d'Origene, & generalement


de tous les Docteurs Hebrieux font pleins,font iniu-

re à Dieu & à tous ſes Prophetes , qui n'ot iamais parlé


autrement:Et qui plus eft,les hauts efcrits de Salomó

ne font autre chofe, que paraboles & allegories , qu'il

a ainfi appellees expreffement, pour faire cognoiltre


àvn chacun, qu'il ne faut pas s'arrefter au fens literal,

que les Hebrieux appellentfenfumpaffuc, c'eſt à dire,

le fens du verfet, dot les mauuais Latineurs ont pris le

mot,in hocpaffu , & ont fait d'vn vers , vn paffage . Or

il eft efcript, que Salomon a eu le comble de fageffe ,


& que Dieu luy en a plus donné, qu'il ne fiſt iamais à

l'homme,&neantmoins pout faire efleuer l'efprit des


hommes
LIVRE SECOND.
65

homes ētēdus plus haut que la lettre, il dict que la co-

gnoiffance de Dieu eft le fruit que porte l'arbre de

Vie. Ce n'eft doc pas vn arbre qu'il faut entendre , co-


me ceux qui enfeignent la lettre. Or il eft aduenu que

ces bons Interpretes du fens literal ont fait vn mil-

lió d'Atheiſtes, lefquels prenant au pied de la lettre le


Serpet qui parle en Genefe,vont difant que les beftes
parloient le temps iadis , comme vn Marefchal de

France difputant auec vn prelat de reputation , apres

l'auoir ouy preſcher, que Adam pour auoir mangé la


pomme, auoit attiré tout le genre humain en eternel-

le damnation, horſmis vne petite poignee de Chre-

ſtiens voyant que le preſcheur ne le contentoit pas

du fens literal , dift qu'on faifoit bien des querelles

pour fipeu de cas . Or ce blafpheme demeura pour gai-


ge és oreilles des courtizans , qui en ont faict vn Pro-

uerbe,ce qu'on n'euft pas faict,fi luy qui entreprenoit


d'enſeigner les autres euft entendu , &fagement in-

terpreté ce paffage: & pour mefme faute Porphyre

aux liures qu'il a compofé contre les Chreftiens, pour


auoir pris le fens au pied de la lettre , touchant l'arbre

de Science du bien & du mal , & l'arbre portant le

fruict de Vie, a retiré vn nombre infiny d'hommes de

la vraye religion, pour les abfurditez qu'il tiroit de

l'hiftoire literale , & qui ceffent, prenant l'interpreta-

tió diuine, que Dieu a enſeignee à Moyfe, & aux Pro-

phetes de bouche en bouche , & qu'on void en Phi


lon,Leon, Moyfe fils de Maymon, Leyi fils de Iarhij ,
Origene , & autres Theologiens Hebrieux, & Chre-

ftiens . C'est ce que dict la Loy , que non feulement


1 R
DES SORCIERS

les beſtes font immondes, qui ne ruminent, & qui ne

diuifent point l'ongle,ains auffi celles qui ne diuifent

point l'ongle encores qu'elles ruminent , ce que Ori-


gine interprete de ceux qui s'adonnent bien à medi-

ter & cotempler la loy de Dieu, mais ils ne font point


diftinction du fens literal au fens myftic , de l'eſprit à

6 -In cata- la chair . Sainct Hierofme appelle Origene le Mai-

logs feripto- ftre des Eglifes Chreftiennes apres les Apoftres , & le
rum.

premier de tous les Docteurs . Et par ainfi quand nous


lifons en la loy de Dieu, que Pharaon faifoit tuer les

maſles,& gardoit les filles , les Sages docteurs outre le


fens literal, qui demeure veritable, ont auffi entendu

que le Diable figuré par Pharaon,s'efforce de cuer l'in-

tellect, qui eft la partie maſculine en l'homme pour


faire viure la concupifcence.En cas pareil quand il eft

dict que Abraham chaſſa la Chambriere & fon fils,

obeïffant à Sara la maiftreffe, les Theologiens Caba-

liftes ont fagement interpreté qu'il faut obeïr à la rai-

fon qui eft maiftreffe , & chaffer la cupidité & le


peché engendré paricelle . Quand il eft defendu de
couper les arbres fruitiers en faisant la guerre , faut
ver-
auffi entedre qu'il eft defendu de tuer les gens de

tu les bons artiſans . Quand il eft dict qu'on doibt


couurir fon ordure auec de la terre , pour n'infecter

l'air, il faut auſſi entendre,que le mal eft plus excuſable


eftant couuert & caché , & qu'il fe faut bien garder
d'euenter fa vilannie , pour ne donner à perfonne

mauuais exemple . Quand il eft defendu de prefenter


à Dieu vn mouton , vne brebis, qui ne foit toute blan-

che fans tache, il faut auffi entendre, qu'il faut auoir


l'ame
LIVRE SECOND. 66

l'ame qu'on veut offrir à Dieu , pure & nette : & ne


veut pas qu'elle foit boiteufe , qui fignifie qu'il faut
marcher droict en la loy de Dieu.Philon Hebrieu eft

admirable en fes interpretations pour le moral , &

Leon , & Maymon pour la nature, & le liure du Zoar,

qui n'eft encores tourné du Caldean pour tous les


deux.Mais tout ainfi que nous auons dict des predi-

ctions naturelles , de l'Aftrologie , & autres fciences


ſemblables , auſſi faut il bien en la Cabale ſe garder de

l'abuz, qui fe commet, & duquel i̇'ay parlé cy deuant .


Car il n'y a chofe fi faincte, & fi facree , qui ne foit

fouillee & infectee par Sathan & fes fuppofts . Car c'eft

vne impoſture Diabolique de prendre l'Efcripture


faincte , pour en vfer comme de chermes, & iamais les

anciens Hebrieux n'y ont penfé : Ce qui a donné oc-

cafion aux Payens de calomnier la parole de Dieu , &

la Cabale des Hebrieux , de laquelle Pline au x x x. li-

ure,chapitre premier, efcript ainfi: Eftalia Magices


fa-

ctio à Mofe, Lochabella Iudæis pendens . Ila corrom-

pu le mot de Cabala , qui fignifie en Grec. angóapa,

c'eft à dire, Science apprife en efcoutat, & qui ne s'e-


fcript point du mot par ce qu'il eftoit defendu

d'enſeigner la Cabale, que de bouche en bouche, & à

ceux qui auoient paffé quarante ans.mais il n'eftoit


faire
point question de prononcer des paroles , pour
miracles,comme Reuclin , & Galatin ont voulu qui
eft vn abuz:Et fi on me dict, que prononcer vn cer-

tain verfet des Pfalmes , pour s'efueiller à telle heure


qu'on voudra , pour prier Dieu , ou faire d'autres bō--

nes actions ne peut rien auoir de Diabolique.Ic con-


Rij
DES SORCIERS.

fefferay que c'eft le premier fondement de fageffe, de

fe leuer matin pour prier Dieu, & ceux qui offrent les

premiers leurs prieres,il eft à croire, qu'ils emportent


les premieres benedictions, comme fift Iacob à Efau:

& pour cefte cauſe en toute l'efcripture on void que


les Prophetes fe leuent de grand matin pour loüer

Dieu, & luy facrifier les premieres actios, comme di-


foit Dauid , In matutinis meditabor in te , & en autre

lieu , Exurgepſalterium, exurge cythara , exurgam dilucu-


lo: & en Hieremie, Mifi ad vos Prophetasfurgendo mane:

Et femble que Dieu au defert cut principalemét ſoin

de faire leuerfon peuple matin.car fi toft que le rayon


du Soleil auoit donné fur le manne , il s'en alloit en fu-

mee , & fondoit foubdain , combié qu'il ne peuft fon-

dre au feu , à fin , dict Salomó , qu'ils fuſſentaduertiz de

fe leuer matin & remercier Dieu . Neatmoinsic dy

qu'il n'eft pas licite d'vfer de la faincte efcripture pour


doner quelque force aux paroles, encores que ce foit à
bone fin . C'eſt la refolutio des Theologies . Beaucoup

moins d'apparence y a il de croire que les Sorciers en


vertu des paroles , ayent puiffance de faire mourir les

bleds, & fruicts de la terre: Combien que les loix des

douze tables portoiet defenfes expreffes d'enchanter


les fruicts : Quifruges excantaffet , aut qui malum
incantaffet: &c. Non pas que les Sorciers par leurs

charmes facent mourir les fruicts : mais c'eft à l'ayde

de Sathan , & par mefme moyen ils font la tempefte

(comme nous dirons en fon lieu ) & non pas en vertu

des parolles, car vn autre Sorcierne les fçauroit faire


en prononceant les meſmes'paroles . Et me ſuis eſmer-
ucillé
LIVRE SECOND . 67

ueillé,non pas du menu peuple & des ignorans , mas


bien de Caton ',qui tient qu'on peut renouer les me 7.apud
Plin.lib.
bres difloquez pat charmes : & de Cæfar,lequel mon- 38.cap.2.

tant en fon coche . prononçoit trois fois vn certain


8.Idem
carme pour garder quefon coche ne verfaft , ce que Plin.
il fift pourauoir vne fois verfé: Et neatmoins il eftoit

couftumier de ſe mocquer de telles choſes. Et M.Ser-

uilius Nonianus , des premiers Senateurs de Rome,

qui portoit enfon col vn papier, où il y auoit ces deux

lettres, P, & A , pour guerir du mal des yeux.Si c'eſtoit

vne bonne racine , vne herbe medicale , qui par fon

odeur & proprieté naturelle peuſt guarir de telles ma-

ladies,ily auroit quelque apparence , comme il eſt

certain, & bien experimenté, que la racine de la Piuoi-

ne, que les anciens appelloient Pæonie , penduë au


col , foulage grandement les affligez du mal caduc :

mais de pendre à fon col vn papier, quoy qu'ily ayt


efcript, ou des caracteres , ie tiens auec fainct lehan

Chryfoftome ,& fainct Auguftin, que c'eft vne pure 2. Homilia

idolatrie aux ignorans , & forcellerie à ceux qui fça- th


43.in
aumMat
ca.
uent la defenſe, & qui neantmoins y adiouftent foy 23.licètfit
& fiance : car mefmes c'eft idolatrie d'attribuer aux periapta cu

herbes,aux plantes, aux animaux & mineraux , la for- infcriptione


Agnus
ce de guarir , fi par mefme moyen on n'attribue la Dei.Libro
louange à Dicu.Et pour cefte caufe les Hebrieux di, primo de
caremony's
fent que le Roy Ezechias fift brufler le liure auquel ‫ من‬diftin

Salomon auoit compris la vertu & proprieté de tousione7.


cap.3.de
animaux, plantes, pierres, herbes, & metaux, à fin que confecratio-
partel moyen les hommes ne fuffent induicts à ido- ne.

latrie.comme en cas pareil il fift brufler le Serpent de


R iij
DES SORCIERS.

cuiure r'apporté du defert, que le fimple peuple ado-


roit. A plus forte raifon doibt on iuger idolatrie d'ad.
ioufterfoy aux mots & caracteres, qui ne font point
formez de Dieu, comme les autres creatures,ains font

inuentez des hommes ou des malins efprits: qui eft

non feulement idolatrie ains auffi pure Sorcelerie.


T'appelle idolatrie auec faint Auguftin & tous les

anciens & nouueaux Theologiens , fe deftourner du


Createur à la creature: Ils vfent de ces mots, Auerfio à

Creatore ad creaturam .Aufli void on que les paroles

ne viennent iamais à reuſfir à effect , fi l'homme n'y

met fa fiance: Alors Sathan qui veille, s'entremet à la

trauerfe,& pour vn temps guerit l'idolatrie , pouren


fin le rendre Sorcier parfaict, comme nous dirons en

fon lieu . On dira , peut- cftre, que la voix ,la parole de

Dieu, les deux tables efcriptes de fa mainfont œuures

de Dieu, comme le Soleil , & la Lune , & le Ciel, & par


confequent que elles ont force naturelle : c'est l'aduis

du Prince de la Mirande, & de Reuclin : Mais ie dy

que telles paroles n'ont force, ſinó pour l'effect , pour


lequel Dieu les à pronocees, & grauces de fes doigts,

& non pas pour faire la tempefte, & le beau temps,


ou autre chofe, mais bien pour doner la vie eternelle

à celuy qui les mettra à execution comme il eſt dict,

Hocfac, viues.Mais les paroles des hommes , ou de


Sathan n'ont pas plus de force que des fruits en pein-

&
ture, ou des ftatues, & autres chofes artificielles, mais

bien Sathana ceſte puiffance de Dieu, pour en vſer,

enuers les Payens , & idolatres infideles, & qui mef-

priſent Dieu, eſtans abuſez ſoubs le voile des paroles,


&
LIVRE SECOND . '68

& mefmement celles qui ne font point entendues,

quia(dict pline) minoremfidem homines adhibent iis, quæ


intelligunt.Ceft pourquoy Galen au fixieme liure des

Pharmaques fimples , reiecte & blafme Xenocrate

Aphrodifien,& vn Pamphile, qui contrefaifoyent les


Medecins , auec telles impoftures . Pline au XXVIII

liure , aux ſept premiers chapitres eſt plein de telles


foties. Et iaçoit qu'il dictau fecond chapitre , que les

plus fages s'en mocquent,fi eft- ce qu'il dit, que Theo-

phrafte, Caton, & Cafar y adiouftoient foy,pour cer-


taines maladies. Mais c'eft chofe eftrange , & que tou-

te l'antiquité a remarquee de charmer les Serpens.Et

de faict Dauid accompare le mefchant à l'Afpid qui

bouche fes oreilles de peur d'ouyr la voix de l'En-


chanteur qui enchante finement.Mais ordinairement
les Enchanteurs font tuez par les Serpens . c'eft pour-

quoy Salomon dict , que perfonne n'aura pitié du


Sorcier tué par les Serpens . Et de faict vn Sorcier de

Salitfburg deuat tout le peuple, fift affembler en vne


foffe tous les serpens d'vne lieuë à la ronde , & là les

filttous mourir, horfmis le dernier qui eftoit grand,

lequel fautant furieufement contre le sorcier le tua.

en quoy il apert, que ce n'eftoit pas le mot Hypokin-

dox , comme dict Theophrafte Paracelfe , ny autres


mots femblables du Pfalme 91. n'y la vertu des paro. ,

les , quoy qu'on die . Car comment euffent ouy les


Serpens la voix d'vn homme , d'vne lieuë à la ronde?

Et mefmes eftans les serpens muffez au profond de la


terre?combien que Ariftote à fin du liure des Mer-

ucilles dict,qu'il y auoitvne Sorciere en Tene ville


DES SORCIERS

de Theffalic, qui charmoit le Bafilifque . C'eftoit donc

le Diable, qui a de couftume de payer ainfi fes loyaux


fubiects & feruiteurs. Et par ainfi le Canon , Necmi-

rum,xxvj.q.v. & Saint Auguſtin , qui tiennent que


les Sorciers par la force des charmes , ou carmes,infe-
tent & tuent les hommes, s'entend par le miniftere
&
du Diable. Car on a mille fois experimenté , que les

parolles prononcees par vn autre que par vn Sorcier


n'ont aucun effect . Et s'il aduient en chofes legeres

que les paroles femblent auoir eu effect, comme pour


lier,il faut s'affeurer que les Diables, qui font en tous

lieux,font auffi Miniftres de la volunté de celuy qui

veut executer quelque mefchanceté, & l'executent,

pour l'attirer à plus grands malefices & impietéz .

Des inuocations expreffes des malins Efprits,


СНАР . I I I.

EV X qui en cuydant bienfaire inuo-

quent le malin efprit, penſant qu'il ſoit


Dieu pour auoir confeil & aduis, ou co-

fort, & ayde,ainfique plufieurs font en-


cores aux Occidétales, & come faifoient

les ancies Payés, ne font no plus Sorciers , que ceux qui


adoroient le Soleil & la Lune, & autres creatures : Bien

peut on dire qu'ils eſtoient idolatres . De s'enquerir ſi

Dieu à pour aggreable leur bonne confcience , i'en


laiffe le iugement à Dieu : car c'eft trop entreprendre

fur les Secrets de Dieu , comme ceux qui ont auffi bien
damné de damnation eternelle Socrate h , Pocion,
Ariftide
LIVRE SE COND . 69

Ariftide le Iufte, come les plus deteftables Sorciers , &

tous à mefme peine.Laloy ' de Dieu dit qu'il faut de- 1 . Denter.

cerner la peine, cu efgard à la grauité du forfaict. Mais 15.

entre les Payens, ceux qui fçauoient la difference des

bons &malins efprits, & faifoient non feulement fa-


crifices de leurs enfans,ains auffi commettoient pail-

lardifes, &Sodomies, & autres ordures abhominables

& côtre la droicte raifon naturelle que Dieu a grauee

en nos ames,pour paruenir à leurs deffeins , eftoient


non feulemét idolatres,ains auffi Sorciers: Et tous les

Philofophes & Legislateurs ont condamné ces hom-


8. Denter.
mes là.Ceftpourquoy Dieu dift à fon peuple ' qu'il a18.
arraché de la terre les Amorrheans , & autres peuples

qui s'adonnoient à telles forceleries: Et que par arreſt

du Senat Romai les Bacchanales, pour les forceleries


execrables qui s'y commettoient la nuit,furent ban-
nies de Rome, & de tout l'Italie. Or Sathan faict tour

ce qu'il peut pour afferuir les hommes & les retirer de

la vraye adoration du yray Dieu: Et d'autat que Dieu

eft inuifible, & que les hommes voyant la beauté ad-


mirable du Soleil, & le cours des lumieres Celeftes,

leur vertu, leur mouuement eſtrange, aiſémét ſe ſont

laiffez couler à louer, ou à prier le Soleil , & la Lune,

puis apres Iuppiter, & les autres corps celeftes . Et au

lieu que Noë auoit appris à ces enfás à facrifier à Dieu


en tous lieux,il fut aifé de tourner fes vouz au Soleil,

& àla Lune & autres corps celeftes au lieu que Noë
& fes fucceffeurs long temps apres luy ſacrifioient à

Dieu feul.Ce que Abraha ayant veu en Caldee il dict


que c'eftoit mefchantement faict,auffi fut- il mal trai-
S
DES SORCIERS

&é,comme Philon , Iofeph & Moyfe Maymon font


d'accord:Et alors Dieu le fift fortir de caldee , pour

conferuer en luy, & en fapofterité la vraye marque

de l'Eglife.Depuis que Satha cut gaigné ce poinct là

de faire adorer les corps celeftes , peu à peu il fift auffi


adorer les elemens, & premierement le feu, que tous

les peuples ont eu en grande reuerence : Et puis la ter-


re, comme mere, & procreatrice des hommes , & de

tous bies fans regarderplus hault, & dreffer le vol de

cotéplation intellectuelle à Dieu autheur, & createur


de toutes choſes . Des clemens on eft venu aux au-

tres creatures,adorans fpecialement les Dieux , qu'ilz

figuroyent auoir trouuéle pain , & le vin, qu'ilz ont


nommé Bacchus, & ceres : & les Egyptiens le bœuf,

comme le plus vtil animal, qui ſoit au monde, ſoubz

le nom d'Apis.Et Sathan,pour ayder cefte opinion fe

prefentoit quelque fois en forme de beuf, & puisà fa


mort on faifoit de grandz gemiffemens . Et mefmes

les Ifraelites , ayant la fuperftion d'Apis graucé en


leur cœur, pour figurer Dieu,qui les auoit tirez d'Æ

gypte, ilz firent vn veau de fonte , cuidans , que le

Dieu du ciel, & de la terre, qu'ilz adoroyent fe deb-

9. Exodi uoit figurer en forme de veau . Or Dieu fur la vie leur


20.vbiferi
bitur. Non auoit defendu ' de luy donner forme, ny figure quel-
facietis me conque, & pour cefte caufe fon ire s'embraza, & fift
vel mecum
Deos arge- vne grande punition fur le peuple.Sathan paffa plus.
teos, nec outre:car les grandz princes ( dit Salomo ' Jayant per-
Deos aureos
ardemment , pour
facietis vo- du leurs enfans, qu'ils aymoyent:
bis.
en retenir la memoire, les faifoyent peindre, & mou-

1.1n lib.saler, & les gardoient precieufement iufques à les bai


pient..
fer.
LIVRE SECOND . 70

fer fouuent, & reuerer,comme on dit mefme d'Au-


guſte, qu'en ſortant du Capitole, il baifoit ' l'image 2.Suetonius
in Augu-
de fon petit nepueu qui eftoit mort, & reprefenté en ..

forme de cupidon . On fiſt le ſemblable des grands


Princes.car nous lifos en Herodote, que au plus haut

de la tour de Babylone,il y auoit vn temple dedié à

Belus Roy d'Affyrie, qu'on nomma Iuppiter : Et de-

puis que les Affyriens & Caldeans eurent commecé,

ayant la Monarchie fur tous les peuples d'Afie , &


bonne partie d'Affrique, leurs facrifices & ſuperſti-
tions furent publiees , & obferuees par tout l'Empire,

qui eftoit grand à merueilles , c'est à dire, de cent vigt-


fept prouinces ou gouuernemens , dont l'Egypte c-

ftoir l'va, qui eft deux fois auffi grand que le Royau-

me de France, & paffa peu à peu en Grece. Et pour ce-

fte cauſe Dieu parlant en Iefaye, ab homine Babylone

pour auoir enuoyé les forceleries & fuperftitios à to

les peuples, car Porphyre efcriuant ad Boethum , &


3.Inlibro
Thoderic ', & lamblique demeurent d'accord , que de curatio-

toutes les fuperftitions anciennes eftoient venues de ne Gracari


caldee. Depuis qu'on cut commencé à deifier les hō, affection .

mes, en forgea vn nombre infiny de Dieux . Car il

n'y en auoit pas moins de trente fix mil , comme les

anciens ont remarqué , outre les Dieux qu'ils appel-


loient Manes , les efprits des peres, & meres, & parens

qu'ilstenoient pour Dieux , & aufquels ils facrifioient

& mangeoient aupres des fepulchres: contre lefquels

parle l'Efcripture, deteftant telle meſchanceté , où il


eft dict, Et comederütſacrificia mortuorum.Etfoubs om engoudv.
bre de tels facrifices on commença à inuoquer les ™d .
L
Sij
DES SORCIERS.

ames des morts,qui eft la Necromantic, qui eft ,peut-


2
eftre,des premieres & plus anciennes forceleries. Car

on void en Iefaye deteftant ceſte impieté . Chacun,


dict-il, ne demandera il pas cófeil aux morts pour les

viuans, c'eſt au chap.v111.Et saül voulant fçauoir l'if-

fue de la derniere bataille qu'il eut cótre les Philiftins


demanda l'aduis de la Sorciere d'Endor, qui euoqua

Samuel, ou l'image de Samuel, qu'elle feule voyoit, &

Saül n'en voyoit rien. Samuel luy demanda pour-


quoy iltroubloit fon repos , puifqueDieu l'auoit laif-

fé, & qu'il eftoit fon ennemy, & qu'il auoit donné le
Royaume à Dauid ,pour n'auoir obey à la parole de

Dieu, & que luy & fes enfans feroient le iour fuyuant

auec luy.Ie fçay bien que quelques Theologiens tie-

nent que c'eftoit le Diable, & non pas Samuel : mais


grande partie tient le contraire, & le texte de l'Eccle-
fiaftique chap.XLVI.y eft formel, où il eft dict entre
les louanges de Samuel, qu'il a prophetizé apres fa

mort,predifant la mort du Roy, & la victoire des Phi

liftins.Iuftin Martyr eft auffi de mefme aduis , & le Ra

bin sædias, & Haias, & prefque tous les Hebrieux:


Ioinct auffi qu'il faict à noter, que la refponfe faicte

à saul par l'image de samuel,qu'ils difent eftre le Dia-


‫וה‬
ble,porte cinq fois le grand nom de Dieu que les
Dæmons ont en horreur , feulement à ouir. C'eſt

pourquoy ie ne puis fuiure l'aduis de Rabi Dauid

Kimhi fur ce paffage , ny de Tertullian au liure de

l'Ame,ny de faint Auguſtin , qui tiennet que c'eftoit


le Diable ; & ne veux auffi refouldre le contraire.

Et puis de damner saul, pour n'auoir fait mourir


le Roy
1

LIVRE SECOND. 71

le Roy Amalech & tous les captifs auce le beftial,


comme Dieu auoit commandé, car c'eft la feule cau-

fe pour laquelle Dieu ſe faſcha contre saul , ( comme

il cft dit en l'Efcripture ' saincte) c'eft entrer bien a 5. Samuel.


uantau conſeil de Dieu, attendu mefmement qu'il .28.

fuſt bien chaſtié de cefte faute tant qu'il vefcut: car il

fut fort affligé de sathan qui le plus fouuent le mer


toit en fureur extreme.Or fainct Paul aux corinthiens

epiftre 1.chapitre 15.confeille de bannir de l'Eglife

celuy qui auoit commis vn incefte à fin que fo corps


eftant deliuré en la puiffance de satha pour l'affliger,

fon efprit futfauué au iour du iugement, à quoy fera-


porte ce que dift samuel,cras mecum eris , tu feras de-

main auec moy, apres auoir efté iuftement affligé

& delaiffé de Dieu pour fa defobeiffance de ne auoir


fait mourir tous les Amalechites & leur beftial . Com.

me en cas pareil au 111.liure des Roys chap.13, il fut

dit auProphete qui fut enuoyé à Hieroboam,qu'il ne


feroit point enterré aufepulchre de fes peres, pour a-
uoir pris fon repas en samarie contre la defenfe à luy

faicte toftapres vn lyon le tua & neantmoins garda

fon corps fans l'offenfer,ny fon afne, iufques à ce que


on leuftenleué pour l'enterrer. En quoy il appert bie

euidemment que Dieu ne damna pas l'ame du Pro-

phete pour telle defobeiffance , veu mefmes qu'il


ne permit pas que fon corps mort fuft deuoré du

Lyon.Erparainflaiſſant la damnation au iugement


de Dieu , il fe peut faire que Dieu face auffi bien

fçauoir la volonté par lesforciers & mefchas , que par

ſes cfleuzicome on void par les fongés de Nabucho-


Siij
DES SORCIERS

donofor ,de pharaon , & de Balchan : ce que tiennent

les Theologiens fur le paffage de l'Euangile, où il eſt

dict, Expedit vnum hominem moripropopulo, qu'ils pren-

nent pour vne prophetie en la bouche de caïphe .

Auffi peut on dire que Dieu permit que Samuel

vit pour prophetizer apres fa mort laruine de Saül , &


de fon eftat.l'ay appris du Sieur de Noailles Abbé de

l'Ifle , & maintenant Ambaffadeur à conftantinople;


& d'vn Gentilhommé Polonois nomé pruinski , qui

à efté Ambaſſadeur en Frice , que l'vn des grads Roys

de la chreftienté voulant fçauoir l'iffue de fon eftat,

fiſt venir vn Iacobin Necromantien, lequel dift la


Meffe, & apres auoir confacré l'hoftic fift trancher la

teſte à vn ieune enfant de dix ans premier né,qui e-

ftoit preparé pour ceft effect, & filt mettre la tefte ſur

l'hoftie,puis difant certaines paroles, & vfant de cha-

racteres, qu'il n'eft befoin de fçauoir, demada ce qu'il

vouloit : La tefte ne refpondit que ces deux mots,

Vim patior . Etauffitoft le Roy entra en furie, criant


fans fin oftez moy cefte tefte, & mourut ainſi enragé.

cefte hiftoire eft tenue pour certaine, & indubitable


en tout le Royaume, où la chofecft aduenue, combié

qu'il n'y euft que cinq perfonnes quand la chofe fut

faicte . On trouue vne hiftoire qui approche de celle

cy de l'EmpereurTheodorich lequelapres auoir faict

trancher la tefte à Symmachus, quad on luy feruit à

table la tefte d'vn gros poiffon, illuy fembla voir la te


fte de Symmachus & entrat en furie mourut bie toft

apres.Et s'il eft ainfi , qui peut doubter que Dieu n'ayt
mis en la bouche de ceft enfant occis ces deux mots ?
car
LIVRE SECOND . 72

car il ne fçauoit ny Grec ny Latin, veu la vengean-

ce foudaine, qu'il à priſe d'vne meſchanceté fi execra-

ble Si ce n'eftoit qu'on vouluft dire que l'efprit de l'é

fant, ou fon ange parla & tourmenta le Roy pour fe


venger d'vn tel outrage.car plus le fang eftinnocent,

plus la vengeance eft grande. En quoy on peut voir

vne impieté execrable de prendre vne perfonne in-


2.Omne
nocente , & mafle, & premier né(que Dieu * veut en primogeni
fa loy luy eftre fanctifié) & le facrifier au Diable,pour tu aperies

fçauoir les chofes futures : Qui n'eft pas vne impieté vulu-
nouuelle ,mais bien fort ancienne, come à noté Elias no vocabi-
tur.
Leuites, qu'il appelle cela en fon Hebrieu Teraphim :

vray cft qu'il dict , qu'on mettoit la tefte fanglante


fur vne lame d'or , auec le nom du Dæmon , & quel

ques characteres que ie ne mettray point, puis qu'on


l'adoroiten difant quelques mots, qu'il ne faut dire
ny efcrire, comme l'ay refolu de faire neantmoins il

eft befoin qu'on fache combien eft grande l'impieté


de ces hommes damnables pour s'e garder foigneu-

fement.Lesancienstenoyent que les ames des occis


fouuentpourchaffènt la vengeance des meurtriers.

Nous lifons en plutarque, que Paufanias Roy de La-

cedemonę eftant à conftantinople, on luy fit pre-


fent d'vne iound Damoiselle, & d'autant qu'elle eftoit

fille, elle auoichonte d'aller à luy, que chacun ne fuft


retiré,& lors entrant en la chambre lanuict , elle fift

tomber lalumiere, ce qui eucilla Paufanias en furfaut,

&penfant qu'on le doulufttuer en tenebres, tout ef-

frayéil pritla dague & tua la Damoiſelle fás cognoi-


ftre quis eftoit deflors Paufanias fut inceffamment
DES SORCIERS

tourmenté d'vn efprit iufques à la mort qui reffem-

bloit, comme il difoit , à la Damoyfelle . Fay veuvn

ieune homme prifonnier l'an M. D. LXIX.qui auoit


tué fa femme en cholere, & qui auoit eu fa grace qui

luy fut enterince,lequel neantmoins fe plaignoit qu'il

n'auoit aucun repos,dftant toutes les nuictz batu par


icelle , come il difoit: Et toutesfois on fçait aſſez , qu'il

cela n'aduient pas à tous les meurtriers.Vray eft qu'il

y en a , qui tiennent , que fi celuy qui eft tué meurt

fans appetit de vengeace , que tel cas n'aduient point.

Mais toute l'antiquité a remarqué, & Platon l'a efcript


au premier liure des Loix , que les ames des meurtriers

fouuent pourfuyuent les meurtriers, ce que Marfil Fi-


2. Paris de
cin eu feiziefme liure de l'Immortalité des ames, cha.
pu·co infyn
dicat.verb. 5. & Lucrece, & Virgile au .des Encïdes tiennent
tortura.
Hippoli.co- pour veritable , & les iuges ont approuué par infini s
fil.24.nu. iugemens, que le meurtrier paffant fur le corps mort
2.2.1. fans le toucher ,foudain la playe faignoit . Plufieurs
confil.90 . Docteurs en Ciuil & Canofont d'accord de ce poinct
nu.z.&
2
confil.91. & prennent ceste prefomption pour vn argumét &
.4. coniecture violente contre l'accufé,fuffifante pour le
100.nu.4 .
et cofilo applicquer à la queſtion . Et les homicides fouuet ont

nu.4.vol.2 efté auérez par ce moyen : ce que plutarque efcript


Angel.in
traat.de auffi de Damon, & Suetone de caligula: come en cas

homicidio pareil ils difent,que l'ame qui n'a point laiffé ce mon-
16.de Neui.
fa inGlua. de à regret, & du moins, quin'a point efté plongee es

nupt.ver. cupiditez beftiales,ne fuit plus le corps mort, comme


cadauer.
Baerinsde celuy qui à vefcu à la forme des beftes, defquels par-

fione 169. loir Horace difant : Et affigit humo diuinæ particulam


4.1.
aure, C'est à dire qui attache la partie diuine à la partie
terreftre:
LIVRE SECOND . 73

terreftre:Et diſoiết que telles ames font recherchees

par les Necromantiens , & Sorciers qui s'en vont au-

tour des fepulchres la nuit , & mangent la chair des


corps morts , come en Theffalie, où ily auoit des Sor-

cieres qui cherchoiet partout les corps morts: & file -


corps n'eftoit bien veillé,& diligemment gardé , on

le trouuoit tout rongé par le nez , par la bouche, par

les iouës , & autres parties . Mais ie croy mieux que 2.Apulei

autrement, que le Diable induict des Sorciers à telle in Afino


aureo.
mefchanceté, leur faifant croire , qu'ils attirent les a-

mes par ce moyen, quoy que les Grecs appelloyent le


Necromātiefvxaywyd , come qui diroit tire -l'ame :
3. ψυχα
Eten Theffalie , & Arcadie cela eftoit tout commun , yayla.

& ſe faifoit publiquement:là où Pompec voulut fça-

uoir de la Sorciere Erichtho parNecromátic l'iffue de

la guerre Pharfalique , où neantmoins il fut defaict

quelque affeurance qu'on luy donnaft de la victoire,

come il en a pris à tous ceux qui ont vfé de telles voy-

es . Il n'y a pas long temps, & de la memoire de noz

Peres,que publiquement, quand on vouloit cano-

nizer ceux qui auoyent reputation d'eftre fainetz, on

lifoit certain liure plein d'inuocations:& cela fe fai-


foit la nuict, on appelloit ce liure le Grimoire, tenu

fegret, duquel ie ne feray point iugement , ny de


chofe fainctement faicte , & à bonne fin mais bien

ie tiens , que c'eft chofe damnable d'vfer de Necro . !

mantie , & demander au diable pere de menfonge


la verité des choles cachees , & mefme du falut des

hommes.Carla plufpart de ces ames , que les Necro-

mantiens peſent attirer par facrifices,ne font rien au-


T
DES SORCIERS

tre chofe que les Diables, c'eft pourquoy ceux qui


tiennent des teftes de mort,s'ilz ne font medecins, ou

chirurgiens ,font ordinairement le meftier des Ne-


cromantiens , comme dict Ioachimus Camerarius en

auoit veu n'a pas long temps, qui faifoyent parler le

diable par vne tefte de mort.Or d'autant que les gens


bien nourris, & ceux qui eftoyent craintifs auoyent

horreur d'aller la nuit aux fepulchres , & vfer de tel-

les forcelleries ,Sathan trouua pour ceux là d'autres

moyens pour ſe faire adorer en fe mettant au corps

de celles qui alloyent aux Temples parlant en icelles

ce qui aduenoit le plus ordinairement aux vierges,

qui eftoient ieunes Sorcieres façonnees à telles im-


pietez ,quiieunoyent & prioyet en grande deuotion

en la cauerne d'Apollon , & y dormoient la nuict, ( car

d'autant plus l'impieté eft grade, plus elle eft couuer-

te du voile de religion & pieté)puis le Diable entroit


au corps d'icelle quiauoit paffé ainfi la nuit, & le iour

fuyuant elle deuinoit les chofes, qu'on auoit deman-

dees en parolles, & refponfes:qui auoient quafi touf-

iours double fens, & s'appelloienttelles femmes pre


ftreffes Pythiennes, & quelquesfois Sybilles: Ainfiap-

pelle Virgile la Sybille Cumane , laquelle apres les


prieres faictes à sathan en la cauerne deuient en furie,

cfcumant & parlant nouueau langage: & difoit on a-


lors,que le Dieu eftoit venu en elle . C'est pourquoy ci

la loy de Dieu,il eft dit que la femme fera lapidee qui ,


aura l'efprit Pythonic, qui eft appellé que les lxx11,

interpretes ont tourné vysetuutor, éxodor , comme

qui diroit parlant au ventre ou vaiffeau, comme font,


T les
LIVRE SECOND. 74

les Sorciers auec leurs bouteilles de verre & baffins. La

verfio comune l'a declaré par la faço des Grecs , qui

cherchoiết les oracles Pythoniqs d'Apollo furnōmé

Pythius'.Celi' Rhodiginus dit auoir veu n'a pas long 2.gar


teps vne garfe enfopaïs, q auoit vn efprit Pythonic Tue-
νεσθαι .
dedas le corps, qui refpódit par les parties hōteuſes

verité des chofes prefentes, & cachees,& métoit fou-

uết des choſes à venir.Iaçoit que les oracles d'Apollo

Delić n'eftoiết pas moins recherchez par ce qu'ils e-


ftoiet plus clairs, & pour cefte caufe s'appelloit Delié 6.-

S.Ichan Chryfoftome efcript que la preftreffe eftoite - v, clar .

ftendue en la cauerne , & qu'elle receuoit l'efprit Py-


thonic, & lors elle entroit en furie, efcumant, & que le

Dæmon le plus fouuent parloit par fes parties hoteu-


fes,que les payens penfoient eftre Dieu.Dequoy Ori-

gine efcriuant cotre Celfus Epicurien,fe mocque bie


fort, & mefme Plutarque, quoy qu'il fuftpayen , dict

que c'eftoit vne extreme furie de penfer queDieu en-


traft en telles femmes,ains pluftoft que la Religion &

Diuinité y eftoit diffamee & fouillec.Et quát aux Sy-

billes ie m'en r'apporte au iugemet des fages, comme


l'on dit.Mais il me femble que Lactance, & ceux qui

font tant de cas des Oracles Sybillins n'ont pas bie re

gardé de quelle fource ils vienet.Car on peut voir en


3.lib.6.Ae
Virgile ' que la Sybille Cumane, qu'o dit eftre la plus

illuftre & la plus fameufe , eftoit l'vne des Preftreffes

Pythiaques, Dæmoniaque, & la pluf-part des Oracles

Sybillins ne parlent que de Saturne,Iupiter , Venus,


Neptune. Ioinct auffi que toutes les Sybilles eftoiết

Payennes & infidelles , & defquelles iamais la faincte


Tij
DES SORCIERS

Efcripture n'a fait mention , & qui n'ot iamais eſté re-

ceües de l'Eglife ny approuuées de Concile quelcon-


que ,quoy qu'il y ayt plus de fix- cens Conciles . Mais

Lactance voyant que les Payens ne faifoient point de

compte de la Bible,s'efforça de faire entendre ce qu'il

vouloit par les Propheties Sybillines,forgees peut e-

ftre à plaifir, aufquelles les Payens adiouftoient foy.


Et de dire, que les vers Sybillins foient ceux qui font

imprimez, & tournez de Grec en Latin par Caftalion ,


(Qui comprennentfommairement toute l'hiftoire

de la Bible, & rien autre chofe ) c'eft vn abus aſſez no-

toire:car il n'y a pas vn feul vers de ceux qui font rap-

portez des Sybilles en Ciceron, en Tite Liue,en Por-


phyre, en Plutarq, & aux autheurs Grecs : Toutesfois

on penfoit bien faire d'attirer alors les Payens à la reli-

gion Chreftienne en quelque forte que ce fuft,qui eft


vne opinion reprouuce,& iuftement condamnee , car

il ne faut pas mefler les Propheties infpirees par la

bouche de Dieu , auec les Propheties sybillines infpi-


2.1n lib. de rees aux Payens infidelles par sathan . Ariftote cher-

mundo ad chant la caufe d'ouprocedoit telle diuination & fu-


Alexädrú
reur,s'en cftone fort: en fin il dit,que cela venoit de la

vapeur des cauernes , comme en la cauerne Lebadie-

ne,ou Trophonienne, Coricienne , Pythiaque , & au-


tres:Mais cefte caufe la n'a point de raiſon : car pour-

quoy pluftoft cefte cauerne là qu'vne autre , & entre

vn million il ne s'en trouuoit pas demye douzaine.Et

d'auantage , pourquoy les oracles de ces cauernes là

euffent ceffé cent ou fix vingts ans deuant ciceron,


come nous lifons en fon liure de Diuinatione.Et meat,
moins
LIVRE SECOND. 75

moins les cauernes n'ont point changé: ce qui a meu

Plutarque * de fouftenir, que les Dæmons de fes ca- 4. in libro


de oraculo-
uernes là eftoient morts.D'auantage quelle caufe ap- rum defe-

parente y a- il que l'efprit entraft dedans le ventre d'v- -

ne femme, & parlaft dedans fon eftomach la bouche


clofe, ou bien par la bouche la langue tiree, ou par fes

parties honteufes : Et neantmoins la verité bien fou-


uent eftoit melee de menfonge, comme quand il fut

dict par l'Oracle allegué en Iuſtin Martyr, & en Eu-

febe μόνοι χαλδαίοι σοφίζω λάχον , ὅιδ᾽ ἄρἑβραῖοι ἀυτογένητον


avanta teßatóμevol bedy cyrus , c'est à dire, qu'il n'y auoit

alors que la fageffe de caldeans, & la religion des He-

brieux, qui adoroient purement le Dieu æternel . Ie

laiffe les myſteres, & facrifices qu'o faifoit pour auoir

la refponfe que chacun peut voir en Diodore, & Pau-


fanias.Quelquesfois auffi le Diable tuoit ceux qui al-
loient en les cauernes là,s'ils ne demandoiết quelque

chofc.c'eft pourquoy Fernel recite vne Hiftoire d'vn :

sorcier,qui auoit appellé vn Dæmon , & quand il fut

vena il le tua :Son compaignon sorcier demanda au

diable pourquoy il l'auoit tué , lequel fiſt reſponſe,


que c'eftoit pour autant qu'il ne luy auoit rien dema-

dé.car sathan veut eftre requis,prié , & adoré des hō-


mes, & leur dict quelquesfois la verité , pour eftre

creu quand il mentira. Ou s'il ne fçait la verite, il par


lera par ambages , & obſcuritez . Mais la loy de Dieu

defend de s'enquerir à autre que a luy des choſes fu-

tures,n'y adioufter foy encores qu'il aduienne ce que

les efpritz malins , & deuins auront prophetizé . No


pas qu'ils ne fachent beaucoup de chofes : car les eft-
Tiiij.
DES SORCIERS

pritz font appellez δαίμονες quafi δαίμονες comme dit

Eufthatius, c'eſt à dire, ſcauants, en la mefme fignifi-

cation , que les Hebrieux maiftres de la vraye langue


‫ידע‬
naturelle les appellent Idehonim, du verbe

nouit , fciuit : combien que Eufebe dit ♪ajuoves dici

Toga Today pour la peur qu'ils font aux hommes,


combien que tels efpritz font pour la plus part fa-

miliers, & que les Grecs pour cefte caufe appelloyent


δαίμονας παρέδρους . Νous concluirons donc qu'il ne

faut rien ouyr ny croire en matiere de propheties,


que la parolle de Dieu , ou ce qui eft du tout con

formé à icelle, non pas fi l'Ange du ciel l'auoit dit:

beaucoup moins fi elle eft infpirée de Sathan . Or

combien que les Chreftiens cuffent pillé , & rafé les

temples des Payens, & mefmement celuy d'Apollon ,


fi eft ce que Sathan n'a pas laiſſe d'exercer fa puiffan-

ce par nouuelles idolatries, & forcellerics, qui font au-

tant ou plus frequentes que iamais . Vray eſt que an-

ciennement il fe faifoit prier foubz voile de religion,

& maintenant il vient trop fouuent fans l'appeller, &

fe lance inuifiblement par tout,pour piper, & ruiner

le genre humain. Car combien que celuy qui n'ap-

pelle , & n'inuoque le malin efprit , mais le reçoit fe


prefentant à luy,ne foitpas dutout fi mefchant que

celuy qui l'appelle , & le prie , & le reçoit : Si eft ce


s.qui s'ap-
pellont que l'vn & l'autre eft digne de mort , & l'vn & l'autre

Samovió eft vray Sorcier:Et non pas celuy qui n'a poinct in-
λεπτοι .
ATO . uoqué, ny appellé le diable:ains qui eft poffedé , & af

fiegé pariceluy ' ,comme il s'en trouue fort en Italie ,

& presque toutes femmes, & peu d'homes , qu'il faut


lier
LIVRE SE COND. 76

lier comme furieuſes , & enragées. Et de faict il s'en

trouua à Rome LX XXII.l'an M.D.LI111 . que vn


moyne de france de l'ordre de fainct Benoist voulut

coniurer:mais il s'y trouua bien empeſché M.Barthe-


lemy Faye Confeiller en Parlement , qui eſtoit lors 2nlib.e-
nergumen..
à Rome efcript que les diables enquis pourquoy

ils les auoient faifies, refpondirent que les luifz les


auoyent enuoyez au corps de ces femmes ( qui e-

ftoyent pour la plufpart Iuifues ) defpitz comme ilz

difoyent de ce qu'elles auoyent efté baptizées . Qui

fut caufe que le Pape Theatin , qui hayoit les luifs à


mort,les vouloit bannir , fi vn lefuite n'euſtſoufte-

nu que les hommes n'auoient pas la puiffance d'en

uoyer le Diable au corps d'vne perfonne: qui eft cho

fe bien certaine:ny le diable mefme n'a pas cefte puif

fance fr Dieu ne luy permet :mais par vne permiffion

de Dieu il ſe peult faire. Comme peut eſtre il aduint

en Almaigne au monaftere de Kentorp, que les reli-

gieufes dudict monaftere furent toutes affiegees des

malins efprits, qui difoyent que c'eftoit la cuifiniere


du monaftere nommée Elfekame, laquelle le confef-

fa, & qu'elle eftoit forciere , & que par mefchantes

prières , & facrifices elle auoit enuoyé le diable en

leurs corps, & fut bruilée. Mais le Diable de Rome,

qui accufoit les luifs n'en nomma pas vn . Or il eſtoit

impoffible enfi grand nombre d'hommes , femmes,

& enfans qu'ils fuffent tous coulpables: Etneatmoins

les demoniaques parloyent diuers langages qu'elles


nistolehtiamais appris.Et quelquesfois lomalin o
prit parle, comme dedans l'eftomach cftant la bou
DES SORCIERS

2.58890 che de la femme cloſe , quelquesfois la langue tirer

Marde de demy pied hors la bouche , quelquesfois par les


3.έγγασ
parties 'hoteuſes.Et en cecy to ' les Atheiſtes, qui nyét
τρίμυθοι .
qu'il n'y a point de Diables , demeurent muetz . Car

ilz confeffent que la bouche fermee , ou la langue

tirée, & immobile on ne peult parler , & moins en-

cores par les parties honteufes : & ne peuuent dire

auffique la Melancholie apprenne à parler Grec, He-


brieu, Latin à vne femme , qui n'a iamais rien appris:

ce qui fe voit en celles qui font affiegées des malins

efpritz . Et à ce propos Fernel le premier homme de

fon aage en Medecine, efcript au xvi.chap.de Abditis

rerum caufis , qu'il a veu vn ieune garfon ignorant, &


furieux,lequel neantmoins parloit Grec :Il dit alors,

qu'il eftoit poffedé du malin efprit. Il y en aauffi qui


font liées du diable , & qu'il eft impoffible de delier,

ains il faut ropre ou couper le lien.Et de faict il y a vne


femme au Mefnil madame Roffe, prez Dámartin, la-

quelle começa des l'aage d'huit ans d'eftre liée du ma

lin efprit qui l'attafchoit quelquesfois à vne arbre, tá-


toftau pied du lict , tantoft àla creiche de l'eftable , ou

bie luy attachoit les deux mains l'vne fur l'autre auec

vnecorde ou auec vn ozier,ou de la queue d'vn che-

ual,ou de la fillaffe: & cela ce faifoit fi foudain , qu'il

eftoit pluftoft fait,qu'on n'auoit gettéles yeux pour


vcoir , comme il fe faifoit . La fille fut menec à Paris

Pan M.D.LII.Le docteur picard, & autres Theolo.

giens la veirent , & firent tout ce qu'ilz fçauoyent

pour fa deliurance; mais ilz n'y profiterent de rien


Puis Houllier medecin fe mocquant des Theologies
difoit
LIVRE SECOND. 77

difoit au commencement, qu'e c'eftoit, vne maladie

melancholicque: mais depuis ayant veu le myftere

deuant leurs yeux , auec vne infinité de peuple, & que


la fille eftant entre deux ou trois femmes, foudain ils

voyoyet qu'elle s'efcrioit, & auffi toft fe trouuoit liec

par les deux mains, enfortequ'il eftoit impoffible de

la deflier,fans couper le lien , il confeffa qu'il y auoit


"
vn malin efprit. Perfonne ne voyoit rien hormis la
fille,qui voyoit vn nuage blanc, quand l'efprit malin

la venoit lier. Et quand les Sorcieres, & Sorciers con-

feffent la copulatio charnelle auec le malin eſprit, plu


fieurs Medecins difent que ce font Ephialtes, & Hy-

phialtes, ou Incubes, & fuccubes, & enfleurent de ra-

te:Et par ce moyeils demetent la loy de Dieu , & tie-


nent les hommes.en aueugliffement & ignorance , &

font caufe de l'impunité des plus grandes mefchace-


tez du monde.Etquant aux diuinations ils difent que
ce font refueries , & neantmoins on en voit les effects

fi eftráges, qu'il n'y a perfonne quine foit raui en ad-

miration.s'ils auoyet bien leu Platon, ils euſſent trou-

ué qu'il auoit fait deux fortes de diuination , ou Theo

mantie:l'vne qui aduient par maladie:l'autre qui eft

infpiree par les Demons Et quoy qu'Ariftote eſcript


qu'il n'y a point de diuination extrinfeque: si eft ce
que fon opinion à efté mocquee de tous les philofo-

phes , & de l'experience tref- certaine: & luy mefme

s'en eſt departy auliure du Mande, qu'il a dedié au

Roy Alexandre le Grand . Il eft bien vray que Platon


pour n'auoir eu cognoiffance de la loy de Dieu ( qui

n'eftoit pas encores traduite d'Hebrieu en Grec de


V
DES SORCIERS.

fon temps, & ne le fut de cinquante ans apres) n'a pas

diftingué la predictio Diuine, de celle qui eft Diabo-

2. Plato volique:Mais generalemet il appelle la Diuination , ou


cat. μav- μxxйv vne certaine liaiſon des Dieux & des hom-
τικίω mes, ce qui conuient bien à la Prophetie diuine . Et
κοινονίων
not 3gp neantmoins la prediction Diabolique fe faict quel-

nai arte quesfois par conuention expreffe , & du confente-


TESTs ment du Diable & de l'homme: Quelquesfois auſſi
ἀλλήλος l'homme eft forcé , & affiegé fans maladie, & deuine,
nai SH-
μικρόμ comme faifoit Saül eftat agité du Diable , qui le tour-
Tsp noit en fureur, & le faifoit deuiner: l'Eſcripture vſe du

nou ale mot de Prophetie, comme nous auons dict cy deffus.


πωμ φι-
n'obeift au malin
λιας. C'ef Et fouuent il aduient fi le Sorcier

à dire , que efprit, qu'il le tourmete, & le tourne en furie, & quel
tiquesfois ille tue: Comme i'ay fceu depuis deux ans,

moye de co- qu'il y à vn gentilhomme pres Villiers Cofterets , qui

muniquer
ent re les auoit vn efprit familier en vn anneau , duquel il vou
Dieux & loit difpofer à fon plaifir, & l'afferuir comme vn efcla.

les hommesue l'ayant achepté bien cher d'vn Efpagnol, & d'autat
& le feul
Lien pour les qu'il luy mentoit le plus fouuent, il getta l'anneau de-

allier en dans le feu, penfant y ietter l'efprit auffi, comme fi ce-

Semble. la fe pouuoit enclorre: Depuis il eft deuenu furieux, &


tourmenté du Diable.Pay leu le iugement contre vn

Sorcier , nommé lacques Iodoc de la Rofe, natifde .


Courtray,rendu au duché de Gueldres le x1.M.D.

XLVIII.qui auoit vn Dæmo enclos , comme il difoit,

dedans vn anneau: Mais il confeffa qu'il eftoit con-

traint de cinq en cinq iours parler au Dæmon , &l'in-

terroger: Or il eft aduenu à plufieurs Sorcieres ,quand


elles ont promis, & iuré allianche auec Sathan, fi elles

s'ennuyent
LIVRE SECOND. 78

s'ennuyent de fa compagnie, & qu'elles ne fe tournet

à Dieu auec vne vraye penitence , elles font battues, &


tourmentees la nuict, & ne cherchent que de mou-

rir, comme lacques Spranger Inquifiteur de la Foy à

Coulongne à laiffé par efcript ,ayant faict executér

grand nombre de Sorcieres. Et de ma part ie cognois

vnperfonnage ( ie ne le nommeray point, par ce qu'il


eft encores en vie) lequel me defcouurit qu'il eftoit

fort en peine d'vn efprit qui le fuyuoit , & le prefen


toit à luy en plufieurs formes :& la nuict le tiroit par
le nez , & l'efueilloit, & fouuent le battoit, & quoy

qu'il le priaft de le laiffer repofer.il n'en vouloit rien


faire,& le tourmetoit fans ceffe,luy difant, Comman-
de moy quelque chofe : & qu'il eftoit venu à Paris

penfant qu'il le peuft abádonner, ou qu'il peut trou-


uer remede à fon mal ,foubs ombre d'vn procés qu'il

eftoit venu folliciter.l'apperceu bien qu'il n'ofoit pas

me decouurir tout. Ieluy demanday, quel proffit il

auoit eu de s'affugettir à vn tel maiſtre:il me dit qu'il

penfoit paruenir aux biens, & honneurs , & fçauoir

les chofes occultes, mais que l'efprit l'auoit toufiours

abufé , & pour vne verité qu'il difoit trois menſon-


ges : & que l'eſprit ne l'auoit iamais ſceu enrichir d'vn

double, ny faire jouir de celle qu'il aymoit, qui eftoit

la principalle occafió, qui l'auoit induit à l'inuoquer.

Et qu'il ne luy auoit appris les vertus des plantes , ny


des animaux, ny des pierres, ny autres fciences fecret-

tes, comme il eſperoit, & qu'il ne luy parloit que de fe


venger de fes ennemys, ou faire quelque tour de fi-

neſſe & meſchanceté .Ie luy dis qu'il eftoit facile de ſe


Vij
DES SORCIERS

deffaire d'vn tel maiftre, & fi toft qu'il viendroit,qu'il

appellaft le nom Dieu à fonayde , & qu'il s'addon-


naft à feruir Dieu de bon cueur, Depuis ie n'ay veu le

perfonnage, ny peu fçauoir s'il s'eftoit repenty . Il ap-

pelloit fon efprit fon petit maiftre. Car Sathan pour


abufer les hommes a toufiours cherché de beaux

mots, comme d'Esprit familier, & blanc Damon , &

Petit maiftre,par ce que les mots de Sathan , & Diable

font odieux:Et la plufpart des Sorciers l'appellent pe-

tit maiſtre , comme i'ay leu au liure de paul Grilland

Italien ,qui en a fait executer plufieurs à mort . Nous

auons dit de ceux, qui inuoquent les malins efprits à


leur ayde , pour leur commander & les auoir en leur

puiffance, ou qui les acheptent pour s'en feruir , comi


bien que les marchans fe trouuet afferuis d'vne cruel .:

le feruitude : & qui font les inuocations par ceremo-

nics, facrifices, & parolles propres à cela,lefquelles ie

n'ay voulu mettre par efcript , combien qu'il y en a

trop d'imprimez, & par beaux priuileges: au lieu que


on deuoit faire brufler les autheurs ,& leurs ouurages :

c'eſt la cauſe pourquoy en c'eft œuure ie me fuis effor

cé de couurir & cacher ce qui peut donner la moin-

dre occafion aux efprits curieux de faire effay de tel-


les mefchancetez : ains feulementiay declaré ce qui

peut feruir à l'inſtruction des luges , & de ceux qui


1
pourroyent tomber en la foffe par les pipéries de Sa-

than: Difons maintenant de ceux , qui outre lesinuos

catiбs renocent exprefféinentà Dieuleur Createur, &

à toute religion & promettent feruir le Diable, & qui

font marquez deluy, y


DE
LIVRE SECOND . 79

DE CEVX QUI RENONCENT

à Dieu, à leur religionpar conuention expreffe, & s'ils

font transportez en corpspar les Damons.

CHAP. I II I.

A difference d'entre les Sorciers eft bie

fortnotable, & qui doibt eſtre bien


entendue pour la diuerfité des iugemes

qu'il faut donner:mais les plus detefta-


bles Sorciers,font ceux,qui renoncent

à Dieu, & à fon feruice, ou s'ilz n'adorent pas le vray

Dieu,ains qu'ilz ayent quelque religion fuperftiticu

fe, qui renoncer à icelle, pour fe donner au Diable par


conuention expreffe. Car il n'y a religion fi fuperfti-

tieufe, qui neretienne aucunement les hommes es


barrieres de la Loy de nature, pour obeir aux peres &

meres, & aux magiftrats,auec vne crainte de malfaire

perfonne . Or Sathan veut arracher du cueur des ho

mes toute crainte d'offencer.Et quant à la conuentio


expreffe elle fe fait quelquesfois verballement, & fans

efcripture.Et quelquesfois Sathan, pour s'affeurer de


fes gens,deuant qu'ils puiffent obtenir ce qu'ils de-

mandent,s'ils fçauent efcrire,illeur fait efcrire l'obli-

gation & figner , & quelquesfois leur fait figner de


2
leur fang, à la forme des anciens, qui en vfoient ainfi 2.zinius li..
pour affeurer les coniurations , & amitiez : Comme chus
2. Plutar-
in Pai
nopslifons au fecond liure de Tite Liue, & en Ta- lerioPubli
cite des Roys d'Armenie : Ainfi fait Sathan auec les colate-

fiens:Comme on recite d'vn certain Theophile , qui

V iij
DES SORCIERS

s'eftoit aifi obligé au Diable, & l'obligatio efcrite de

fon fang. Et n'y a pas long temps, c'eft à dire l'an M.D.

LXXI.entre ceux qui furet deferez Sorciers par l'aueu-


gle,qui fut pendu à Paris,ily cut vn aduocat, que ic

ne nomeray point, lequel cofeffa qu'il auoit paffé ob-

ligation auDiable renōçeat à Dieu , & icelle fignée de

fonpropre fang.Toutesfois ceux qui veulent adoucir

le fait difent qu'il n'y auoit que vne procuratio paffee

a l'aueugle pour cofacrer le libure des efprits pour co-


traindre les dæmos & trouuer les trefors. Encores s'eft

il verifié par plufieurs procés , que l'obligation reci-

proque entre le diable, & le Sorcier, cotient quelques-


fois le terme d'vn an, deux ans, ou autre temps: Et tel

y à qui demande la puiſſance de guerir du mal des


dens,& l'autre de la fiebure quarte, ou d'autre maladie

à la charge de tuer, ou faire mourir les autres , ou de


faire autres facrifices abhominables. Si le diable fe de-

fie de ceux qui fe donnent à luy à iamais,pour parue-

nir à quelque chofe qu'ilz ne quittet fon feruice,il ne

fe contente pas de les faire renoncer expreſſement à


Dieu:ains il veut auffi les marquer.comme à noté Da-

neau en fon dialogue des sorciers : mais ceux qui s'a-


donnent à luy de bon cueur, & qu'il cognoift fermes

en leurs promeffes , il ne les marque poinct , comme


dit le mefme autheur.Et quant aux marques, c'eſt bie

chofe certaine, & que les iuges voyent ordinairemét


fi elles ne font bien cachées: come i'ay fceu d'vn gen-

tilhomme de Valoys , qu'il y en a qui ont la marque


.

entre les lebures, les autres foubz la paupiere, comme

efcrit Daneau,les autres au fondement, quand ils crai-

gnent
LIVRE SECOND . 80

gnent eftre decouuers, & ordinairement fur l'efpau-


le dextre, & les femmes fur la cuiffe , ou bien ſoubz

l'effelle ou bien aux parties hōteufes.Aubert de Poi-

&
tiers Aduocat en parlement m'a dict qu'il auoit affi-
fté à l'inſtruction du procés d'vn sorcier marefchal de

Chafteau Thieri , qui fe trouua marqué fur l'efpaule

dextre, & le iour fuyuant le Diable luy auoit effacé la

marque.Et en cas pareil M. Claude Doffay procureur


du Roy à Ribemont m'a dict, qu'il auoit veu la mar-

que de Ichanne Heruillier sorciere, de laquelle il m'a

enuoyé tout le procez, & le iour fuyuant la marque fè

trouua effacée. Celuy qui fut condamné par le Pre-


uoft de l'Hoftel M.D.L x x 1, qui s'appelloit Troife.

ſchelles du Mayne, ayant obtenu grace, pour reucler

fes complices, quand on le menoit es affemblées , il

recognoiffoit ceux, qu'il auoit veus aux Sabbats , ou

bien par quelque autre marque, qu'ilz fçauent entre

eux.Et pour verifier fon dire, il difoit qu'ils cftoyent


marquez, & qu'on trouueroyt la marque en les def-

pouillant : & de faict on trouuoit qu'ils eftoyêt mar-

quez comme de la patte ou pifte d'vn lieure, qui eftoit

infenfible , en forte que les Sorciers ne fentent point

les poinctures, quand on les perce iufques aux os

au lieu de la marque. Mais il s'en trouua fi grand no

bre riches, & pauures que les vns firent efchapper les
autres : en forte que cefte vermine à toufiours multi-

plié auec vn tefmoignage perpetuel de l'impieté des


accufez, & de la fouffrance des luges , qui auoyent

la commiffion, & charge d'en faire les procés.Enco-

reeft il plus eftrange que la plufpart des Sorciers ne


DES SORCIERS

fe contentent pas de renoncer à Dieu, ains encores ils

fe font baptizer auno du Diable, & nomer par vn au-

tre nom,qui eft la raifon , pourquoy les sorciers ont


ordinairemet deux noms.Et faict bié à noter qu'il ne

faut que vn sorcier, pour en faire cinq cens. Car pour

faire chofe la plus agreable au Diable, & auoir paix à

luy quand on c'eft doné à luy, c'est d'attirer beaucoup

de fugets. Et ordinairement la féme y attire fon mary,

la mere y meine fa fille, & quelquesfois toute la famil

le cótinuét pluſieurs fiecles ainſi qu'il a efté aueré par

infiniz procés.Comme auffi ancienemet il yauoit des

familles en Afrique, & en Italie, qui failoyent mourir

en regardant, ou loüant les perfonnes, ainfi que Soli,

Memphodore,pline , Gellius, & Ifigone efcriuent.Ce

queAriftote a remarqué aux problemes ,XX.ſection,


Probleme XXIIII.qu'on proteftoit deuat que louer

que cela ne peut nuyre à perfonne. Ce que les Italiens


difent auffi quand ils voyent qu'on loue quelqu'vn à

pleine bouche: Digratia nogli diate mald'ochio . ce que


les sorciers font à propos & fans propos . Car tout

ainfi que la louange eft propre à Dieu feul:auſſi eſt il

certain que fil'home eftloué fans rapporter la louan-

geau Createur, il aduiet que ceux qui font loucz par


trop s'efgayent enfe glorifiant: & lors sathan les tráf-

porte à pleins voiles és precipices de leur ruine ineui-

table.Mais paffons outre.Le docteur Grilland Italië,

& les cinq Inquifiteurs,qui ont fait le procés à plu-

fieurs sorciers en Allemagne &e Italie, s'accordet aux

procés qu'on àfaict en ce Royaume à ceux qui é ont


eſté conuaincus . Et meſmement à Lion , à Loches,
au Mans
LIVRE SECOND . 81

auMans ,à Poitiers, à Sanlis, à Paris . Iehan Chartier ,

qui a compofél'hiftoire de Charles feptiefme dit, que


Guillaume Edeline Docteur de la Sorbonne fut con-

damné comme Sorcier la vigile de Noüel.M.cccc .

L111. & confeſſa qu'il auoit efté pluſieurs fois la


·
nuict tranſporté aux affemblees des Sorciers , & illec

renoncé Dieu , & adoré le Diable en figure de bouc,

le baiſant au fondement . Ileft befoing de verifier ce

poinct par exemples notables,pour faire entendre le

canon Epifcopi xxvI.q.v.du concile d'Aquilee , fur

lequel plufieurs fe font abufez :encores , qu'il ne foit


pas d'vn Cócile general, ny approuué par les Theolo-

giens. Mais pour efclairfir ce que i'ay dit, il n'y à pro-


cez plus notable, que le procez de la Sorciere de Lo-

ches,qui eft de frefche memoire.Car comme il y eut

vn pauure homme,lequel aperceut, que fa femme

s'abfentoit la nuict par fois, & demeuroit bonne par-

tie de la nuict , & fur ce qu'elle difoit aller à fes necef-


fités, & tantoft chez fa voifine , pour faire la leffiue,

& que fon mary l'euft conueincue de menterie ayant

finiltre opinion qu'elle fe debauchaft, la menaſſa de


la tuer,fi elle ne luy difoyt ou elle alloit.Se voyant en

danger,elle luy dift la verité, & pour en faire preuue,


Si vous voulez , dift elle 3 vous y viendrez , & luy

bailla de l'onguet, duquel ilz fe grefferent toux deux :

& aprez quelques parolles , le Diable les tranſporta


de Loches aux landes de Bourdeaux , qui font pour le

moins à quinze journées de Loches . L'home fe voy-

ant en la compagnye de grand nombre de Sorciers &

Sorcieres incogneues & de Diables hydeux à voir


X
DES SORCIERS

en figure humaine , commença à dire , mon Dieu


ou fommes nous? Auffi toft la compagnie difparut,

& fe trouua tout nud,errant tout feul par les champs

iufques au matin, qu'il trouua quelques païfans , qui


l'addrefferent au chemin . Eftant de retour à Loches,

il s'en va droict au iuge criminel , lequel ayant ouy

l'hiſtoire , feit prendre la femme , quiconfeffa de

poinct en poinct tout ce que nous auons dict , &


fans contrainte recogneut fa faute. Il ſe trouua auffi à

Lyon vne damoiſelle depuis peu d'annees, laquelle fe


leua la nuict , & allumant de la chandelle print vne

bouette, & s'oignit , puis auec quelques paroles elle


fut tranfportée. Son paillard eftant couché auecques
elle ,voyant ioüer ce myftere, prend la chandelle , &

cherche par tout, & ne la trouuant point , ains feule-

ment la bouette de greffe par curiofité de fçauoir la

force de l'onguent fit comme il auoit veu faire , &


foudain fut auffi tranfporté , & fe trouua au pays de

Lorraine auec la compagnie des Sorciers, ou il eut

frayeur : mais ſi toft qu'il eut appellé Dieu en ſon

ayde,toute la compagnie diſparut , & luy fe trouua

feul tout nud,qui s'en retourna à Lyon , ou il accufa


la Sorciere, qui confeffa,& fut codamnée à eſtre bru-

flée. Il en print autant n'a pas longtemps à vn gétik

home pres de Melú, qui fut induit par fon meufnier,

& auffi par curioſité alla à la compaignie de Sorciers:


& d'autat qu'il trembloit de peur , encores qu'il n'ap-
pellaft poinct Dieu , fieft ce que le Diable dift alors

à haute voix. Qui a peur icy? Le gentilhomme vou-

lant fe retirer toute la compagnie difparut . Depuis

qu'il
LIVRE SECOND. 82

qu'il fut de retour,il voulut accufer le Sorcier , qui en

fut aduerty, & s'enfuit: ce qui eft dit touchant la peur


ce peut mieux entendre par le procés faict aux Sor-
cieres de Valery en Sauoye où la fille confeffa que fon

pere & fa mere la premiere fois qu'ilz la menerent aux

affemblees pour eftre tranſportez foudain ,ilz luy


baillerent vn bafton pour mettre entre fes iambes en

luy difant , que fur toutes chofes elle n'cuſt aucune

peur & foudain elle fut tranſportee auec ſes Pere &

mere.Le Procés eft imprimé en la derniere impreffo

du liure de Dancau,lequel procés eft de l'an M. D. Daneau.

LXXIIII. comme nous dirons tantoft.Il y en a qui

portent quelque poille, ou autre vaiffeau de cuyure,


ou d'argent pour mieux folennizer la fefte:à quoy fe

rapporte vn article au LXVII.chapitre des loix Sali-

ques, ou ileft dit, Siquis alterum hæreburgium clamauerit,

hoc eft
ftrioportium,aut qui aneum portare dicitur, vbiftria,
concinant ,& conuincere nonpoterit, foluat folidos LX11 .

& le mot de stria, & striges,fignific Sorcieres courant

apres les Diables. Olaus le Grand au liure 1 1 1. chap.

X 1. dit que vers les peuples de Septentrion on voit


en plufieurs lieux ces danfes de Diables , & Sorciers .

Et Pomponius Mela au liure 111. dit que cela eft or-


dinaire au mont Atlas, & Solin au 38. liure chap. 44 .

& Pline au premier liure chap 5. I'ay leu quafi cho-


fe femblable en Paul Grilland Iurifconfulte Italien ,

qui a fait le procez à plufieurs Sorciers,lequel efcript

que l'an M.D.xxvI . aupres de Romme il y eut vn


Païfant lequel ayant veu fa femme fe greffer la nuict

toute nue, & puys ne la trouuant plus en fa maiſon ,


x ij
DES SORCIERS

leiour fuyuantil prend vn bafton, & ne ceffa de frap-

per iufques à cé qu'elle eut confeffé la verité :ce qu'el-

le fift, requerant pardon . Lemary luy pardonna , à la

charge qu'elle le meneroit en l'affemblée qu'elle di-

foit.Le iour fuyuant la femme le fift oindre de la gref-


fe qu'elle auoit , & fe trouuerent toux deux allant à
l'affemblée fur chacun vn bouc bie legerement.Mais

la femme aduertit l'homme fe garder bien de nom

mer Dieu,fi ce n'eftoit pas mocquerie, ou en le blaf-


lc
phemant . Car ils demeurent tous d'accord , que
Diable foudain laiffe celuy qu'il porte par les chemis,

qui monftre bien que la greffe ny fait rien , & que le

Diable les tranfporte plus foudain que vn traict d'arc,

& comme dit Saint Auguftin, Damones auium vola

tus incredibili celeritate vincunt.Et encores plus les An-

ges,aufquels pour cefte caufe la faincte efcripture,


pour fignifier leur celerité incomprehenfible, donne

fix ailes. Se voyant en l'affemblee , la femme le fift te-

nir yn peu à l'efcart ,pour voir tout le myftere,iufques


à ce qu'elle cuſt fait la reueréce au chef de l'aſſemblée,

qui eftoit habillé en prince pompeuſement, & acco-


pagné d'vne grand multitude d'hommes, & de fem-

mes,qui tout firent hommage au Maiftre.Et puis il a-


perceut apres les reuerences, qu'on fift vne danſe en
rond les faces tournees hors le rondeau , en forte que

lesperfonnes ne fe voyoyent pas, en face , comme és

danfes ordinaires:à fin peut cftre que les vns neuffent


loifir de remarquer fi aifement, & recognoiftre les au-

tres pour les accufer, s'ilz eftoyent pris par iuftice . Et


quand à ce point le Sorcier Troifefchelles à qui le

Roy
LIVRE SECOND. 83

Roy Charles 1 x.donna la grace pour accuſer ſes com

pagnons , dift au Roy, en prefence de plufieurs grādz

feigneurs, que les Sorciers eftoyent tranſportez aux


affemblees, ouil fe trouue nombre infini de telles gés

qui adorent le bouc, & le baifent aux parties. de, der-


riere ,& puis danfent dos à dos fans fe voir , & apres

ils fe couplent auec les Diables en figure d'hommes,


& de femmes . La danfe finie les tables furent cou-

uertes deplufieurs viandes. Alors la femme fiſt appro-

cher fon mary,pour faire la reuerence au Prince , &


les
puis il fe met à table auec les autres,& voyant que
viandes n'eftoyent falées , & qu'il ny auoit poinct de
fel fur les tables, il cria tant qu'on luy aporta du fel,

comme il luy fembla à voir, & deuat que l'auoir gou-

fté il dift : hor laudatofia Dio , pure venuto questo fale,

Or loué foit Dieu , puis que le fel eftvenu . Sitoft qu'il


cuft dit, loüe foit Dieu,foudain tout diſparut & per-

fonnes & viandes, & tables, & demeura feul tout nud ,

ayant grand froid , ne fçachant ou il eftoit: le iour ve

nu il trouua des bergers aufquels il demanda ou il e-

ftoit, qui luy diret qu'il eftoit au Comte de Beneuent..

Qui eft le plus beau domaine du Pape ſoubs vn grád


noyer, loin de Rome de cent mil , & fut cótrainct ma-

dier pain, & habitz , & l'huitiefme iour il arriua en fa :

maifon fort maigre & defait & alla accufer fa fem-

me,qui en accufa d'autres , qui furent bruflées toutes

vifues,apres auoir confeffé la verité . Le mefme au-

theur recite encores , qu'il aduint l'an mil D.xxxv.

que vne ieune ieune fille au Duché de Spolette , agee


de x111.ans fut ainfi conduite par vne vielle Sorcie
X iij
DES SORCIERS

re à l'affemblee , & s'eftonnant de voir telle compa-

gnic, elle dit, Dio benedetto che cosa e queſta? Dieu beniſt,

qu'eft cecy:Elle n'eut pas fitoft dit cefte parolle , que

tout s'efuanouit : Et la pauure fille au matin fut trou-


uée par vn païfan , auquel elle conta toute l'hiſtoire,

qui depuys la renuoya en fon pays , ou elle accuſa la

Sorciere,qui fut bruflée toute vifue. Quand à ce qu'il

dict , que les affemblees fe faifoyentfoubz vn grand

noyer,i'ay remarqué en plufieurs hiftoires : & procez

que les lieux des affemblées des Sorciers font nota-

bles,& fignalez de quelques arbres, ou croix , comme


au procés des Sorciers de Poitiers qui furent bruſlez
l'an M. D. LXIIII.il fut trouué qu'ils s'affembloyent

aupres de certaine croix cognue en tout le pays , & à

laquelle des cent ans auparauant les Sorciers s'affem-

bloyent, comme le prefidet Saleuert m'a dit ,qu'il fut

trouué par les ancies & regiftres de plus de cet ans. Et


à Maubec prez Beaumot de Lomaigne à huic lieux

de Tolofe il fut verifié que les affemblees des Sorciers

ſe faifoyent à la croix du pafté, & danfoyent, comme


ils font ordinairement és autres lieux, & l'vne d'icel-

les appellée Beronde, eftát fur le point d'eſtre bruſlée :


fur ce qu'elle fut confrontée à vne damoyfelle qui

vouloit nyer qu'elley cuft efté, luy dift: Nofabespas tu

que le derrain cop que nous hemes le baran à la Croux do pa-

stis,tu portaos lo topin des poudoux?C'eſt à dire . Ne ſçais


tu pas que la derniere fois que nous la fifmes la danſe

à la croix du paſte, tu portois le pot des poiſons?Cefte


Sorciere Beronde fut bruflée toute vifue. Et quand

au tranſport ray leu que cela fe faifoit apres les on-


ctions,
LIVRE SECOND. 84

&
tions, & fouuent fans onction:tantoft fur vn bouc,

tantoft fur vn cheual volant,tantoft fur vn ballet ,tan-

toft fur vn bafton ,tantoft fans aucun baſton , ny be-


fte & fouuent fans onction , & les vns y vont nuds co-

me font la plus part pour fe graiffer ainfi que nous a-


uons dit, les autres veftus ,les vns la nuict, les autres le

iour:mais ordinairement la nuict , & le plus fouuent


entre la nuict du Lundi & mardi nous dirons en fon

lieu la raifon. Et à ce propos Paul Grillad au liure des

Sortileges dit que l'an M. D.xxIIII.il fut prié par vn

Seigneur d'aller au chafteau S.Paul, Duché de Spolet-


te,faire le procés à trois Sorcieres. La plus ieune foubs

promeffe d'efchaper ,luy confeffa qu'il auoit x1111.


ans paffez , que vne vielle Sorciere l'auoit menee en
l'affemblee der Sorciers , ou il y auoit vn Diable

qui luy fift renoncer à Dieu, & àfa foy , & religion
promettant auec ferment d'eftre fidelle , & obeiffante

à tous les commandemens du Diable , touchant fur

vn liure , qui contenoit quelques efcriptures fort


obfcures :Et qu'elle viendroit toufiours aux feftes la
nuict ,quand elle feroit mandee, & que elle y amme

neroit tous ceux qu'elle pourroit : Et le Diable luy


promit vne ioye, & felicité eternelle.Elle cófeffa auffi

que depuys elle auoit faict mourir quatre homnies, &

plufieursfois du beftail, & faict gafter les fruitz par


la tempefte . Et s'il luy aduenoit qu'elle n'allaſt aux
affemblées au iour prefix, & qu'il ny cuft excufe ve-
ritable , elle eftoit fi tourmentee la nuict , qu'elle ne

pouuoit dormir, n'y repofer aucunement . Et quand:

il falloit partir pour y aller , elle oyoytla voix d'vn


DES SORCIERS :

homme,qu'elles appelloyét leur Petit maiſtre, & quel

quesfois maistre martinet , & apres quelle c'eftoit


ointe de certain onguet, elle montoit fur vn bouc , le

tenant par le poil, qui fe trouuoit tout preft à la porte,


&foudain elle eſtoit tranſportée foubs le grád noyer
de Beneuent, ou il fe trouuoit vne infinité de Sorciers

& apres auoir fait l'hommage au Prince, on danſoit:

puis on fe mettoit à table , & en fin chacun Dæmon

Le couploit auec celuy ou celle qu'il auoit en garde.


Et cela fait chacun s'en retournoit fur fon bouc.Et en

outre que particulierement elles adoroyent le Diable

en leurs maifons : Apres lefquelles confeffions elles


furent confrontees, & encores d'autres accufees & co-

feffées furent bruflées toutes viues auec leurs poudres

& vnguentz.Nous liſons vn autre hiſtoire recente au

111.liure d'Anthoyne de Turquemede Efpaignol,

entre plufieurs qu'il eſcript, que vn Sorcier voulant

perfuader vn fien compagnon , qu'il feroit le plus


heureux du monde , s'il vouloit le croire & aller aux

affemblees des Sorciers: Le compagnon l'accorda ; &


la nuict venue , le Sorcier après quelques paroles le

print par la main , & tous deux efleuez en l'air furent

tranfportez fort loin en vne compaignie, où il y auoit


nombre infini d'hommes, & de femmes ,& au millieu

vn throne , & au deffus vn grand Bouc que chacun al-

la baifer (en laparte mafuZia que tenia ) ceux qui enten-

dent l'Eſpagnol fçauent bien qu'elle partie c'eft. Ce

que voyant le nouueau apprentif diſt à ſon compa-

gnon Sorcier : Ie perds patience : & commença à


erier
LIVRE SECOND. 85

crier dift l'Autheur , ( Dios a muy grandes bozesi) c'eft

à dire , qu'il appella Dieu à haute voix . Alors il vint

vn tourbillon & tempefte impetueuse à merueil-


les , & tout difparut , & luy demeura ſeul , & fut

trois ans deuant que de pouuoir eftre de retour en

fon païs . Il n'y a pas long temps que au pais du Mai-

ne , il en fut bruflé plufieurs , qui confeffoyent al


ler auffi fouuent au Sabbath la nuict , & faire les mef-

mes chofes, que i'ay recitées, dont les regiſtres de la

Iuftice font chargez recentement , &


& le procez en-

uoyé en plufieurs lieux, que ie trancheray plus court

pour eſtre choſe aſſez notoire , par ce qu'il ny auoit

pas moins de trente Sorciers qui s'entraccuferent

par enuie les vns des autres : Et leurs confeffions

s'accordoyent au tranfport , & à l'adoration du Dia-


ble, & aux danſes & aux renonciations à toute re-

ligion . Nous avons auffi de fraifche memoire : les

procez des Sorciers de Valeri en Sauoye faict l'an

157 4. duquel Daneau a fait l'extraict affez ample,


ou l'on peut voir que le Diable en tout lieu eft fem-

blable à foy mefme: car par la confeffion des Sorgie .


res de Valeri & confrontation des vnes aux autres

on voit le tranſport en corps furvn bafton feule-

ment fans onction , puis l'abiuration de Dieu , l'ado›


ration du Diable , les danfes, feftins , & le baifer aux

parties ' hōteufes de Sathan en guife de befte, puis

Fobligation de faire mille maux & les poudres qu'on

bailloit à chacun , & que l'vne auoit faict xxxans de

meftier Et quelquesfois le Diable monſtroit en


guyfe d'homme fort noir & hideux ¿ Quant aux
Y
DES SORCIERS

viandes, & perſonnes qui s'efuanouiffent , nous en a-


uons vn tefmoignage en Philoftrate Lemnien au-

theur Grec , que Apollonius Thianæus eftant en-


tré en vne maiſon , ou les sorciers faifoyent de
femblables feftins , les menaffa aigrement & fou-

dain tout difparut , tables , viandes , perfonnes , &

meubles , & ne fe trouua que vn ieune homme


que les Sorciers auoyent nouuellement feduict . Et

fans aller fi loin , plufieurs fçauent , qui font enco.

res plein de vie , que l'vn des Comtes d'Afpre .

mont traictoit , & receuoit magnifiquement tou-

tes les compaignies qui venoyent en la maifon , &


receuoyent vn grand contentement des viandes

exquifes , du feruice , & de l'abondance de toutes

choſes : Neantmoins quand les hommes , & che-

uaux auoyent forti de fa maiſon , ilz mouroyent


de faim & de foif. Ce que i'ay fçeu de plufieurs per-

fonnes qui font encores en vie.Tel eftoit le Com-

te de Mafcon , des plus grandz sorciers de fon temps,


2 HugoFlo- lequel nous trouuons en nos hiftoires auoir efté
riace.
appellé par vn homme lors qu'il traittoit à ſa table

grande compaignie, & n'oſent deſobeir à sathan , il

trouua vn cheual noir à la porte qui l'attendoit,fur le-

quel il fut foudain porté auec l'homme , & difparut,


fans iamais plus eftre veu.Le femblable aduint à Ro-

mule, comme recite Plutarque , lors qu'il eftoit au

champ du Marais de la cheure,il vint vn tourbillon

de tempefte, par lequel il fut eflcué, & ne fut iamais

vou depuis, ce qui fut certifié & attefté par les Princes

& Seigneurs , qui l'acoftoyent en grand nombre,


mefmes
LIVRE SECOND. 86

mefmes pour confirmation de fon dire , il àdioufte

deux autres exemples ſemblables,l'vn d'Arifteus Pro-


conefien , & l'autre de Cleomede Aftypaleam .
Philoftrate Lemnien dict le femblable cas eftre ad-

uenu à Apollonius Thianæus , qu'il a voulu deifier

par ce moyen , quoy qu'il fuft en reputation d'e- 2.Aug.li.

ftre le plus grand Sorcier de fon aage , & d'au- 10.er 21.de
ciuit. Dei.
tant qu'il y en a quelques vns qui fe veulent preua- ThomasA
loir d'vn Concil national où Conciliabule d'Aqui- quin.in su-

lee, que nous auons remarqué cy deffus , i'ay bien ma, fecuda
fecunda, q.
voulu remarquer les Theologiens qui font d'ac- 95 .Artis .

cord , que le Diable tranfporte les Sorcieres en tit. de


fuper
trac.44 .
corps . Ie metz beaucoup d'authoritez de plufieurs fin

peuples & natios,à fin que la verité foit mieux efclar- primapar-
tis.q.8.tit.
cie, & par tant d'exemples fi fouuent experimentez , de mira

non par fonges,ny refueries,mais par iugemens con- q.16.arti.5.

tradictoires,par coaccufations des complices , recri- tit. de Da-


in
minations , recolemens, conuictions, confrontatios , monibus. Be
confeffions, condemnations , executions : Entre lef. nauent.ing.
fenten.dift.
quelles ily en a d'Almaigne vne memorable , que re- 19.9.3.Pau
cite Ioachim de Cambray, au liure de Natura demo- lus Grilläd.
li. de Sorti
num,qui dit que vn boucher allant la nuit par vn le .fectione

bois,oyant le bruit, & les danfes il fuyt , & approcha, 7.num. 4.


ou il apperceut des coupes d'argent , qu'il print a- Syluefter
Prier in
prez que foudain tous les Sorciers , & Diables difpa- tract.deftri
rurent,& les porta le iour fuyuant au magiftrat : le- gibus bda-
mon.li . 1.
quel fiſt venir ceux de qui les coupes portoyent les ca.penul. et
marques, & accuferent les autres , qui furent execu- lib.2.ca. 1.
sprager in
tés.L'autre exemple eft encores plus infigne d'vne ex- malleo ma-

ecutio, quia efté faite àPoitiers l'an M.D.LX1111.qui leficarum .


Y ij
DES SORCIERS

m'a efté recite, eſtant fur les lieux , & depuys en-
cores par Saluert Preſident de Poitiers , qui fut

appellé au iugement auec Dauenton alors Preſi-

dent de Poitiers , & autres luges , & qui eft affez

notoire en tout le païs . Trois Sorciers & vne Sor-


ciere furent condamnez , & bruflés tous vifs , c-

ftant conueincuz d'auoir faict mourir plufieurs


perfonnes & beftes , & comme ils confefferent auf-

fi, par le moyen du Diable , qui leur adminiſtroit

les poudres , pour enterrer foubs l'effueil des c-

ſtables , bergeries , & maifons , & declarerent qu'ils

alloyent trois fois l'an à l'affemblee generalle , ou



plufieurs Sorciers fe trouuoyent près d'vne croix
-831
d'vn carrefour qui feruoit d'enfeigne.Et la fe trou-

uoit vn ' grand bouc noir , qui parloit, comme v-

ele ne perfonne
, aux affiftans , & danfoyent à l'entour
- sh ... du Boue : puis vn chacun luy baifoit le derriere a-
oured vhe chandelle ardente : & cela faict , le bouc fe

confommoit en feu, & de la cendre chacun en pre-

enoit pour faire mourir le bœuf, ou vache de fon en-


nemy, à l'autre la brebis , à l'autre le cheual , à l'au-

4 tre pour faire languir , à l'autre pour faire mourir


les hommes . Et en fin le Diable leur difoit d'vne

voix terrible ces mots , Vengez vous ou vous mou-


rez.cela faict chacun s'en retournoit à l'ayde du

Diable, comme ilz eftoyent venus . Il fait bien à re-


marquer qu'ils eftoyent tenuz d'aller trois fois l'an

faire ce facrifice au Diable , contrefaifant le Tacrifice.

du Bouc porté par la loy de Dieu au Leuitique chap .


xvi. & le commandement qui portoit, que tous les
malles
LIVRE SECOND.
87

maſles deuoyent comparoiftre deuant Dieu trois


fois l'an aux trois feftes folennelles. Le Preſident

Saluert homme d'honneur me dift plus qu'il fe

trouua es anciens regiftres , qu'il y auoit cent ans,

qu'on auoit condamné des sorciers pour fembla-


ble cas , & pour femblables confeflions , & au
mefme lieu de la croix portée par le procez . Les

deux fe repentirent , les deux autres moururent o-

piniaftres . l'ay leu auffi l'extraict du procez des


sorcieres de Potez, qui m'a cfté communiqué par

maiſtre Adrian de Fer Lieutenant general de Laon ,

qui porte la confeffion d'icelles, comme elles furent

tranſportees au prez de Longny au moulin frenquis ,


& en difant certains motz, que ie ne mettray poinct,

auec vn ballet ou ramon , & trouuerent les autres

qui auoyent chacun vn ramon en main , & fix dia-


apres auoir
bles auec eux , qui font la nommez . Et
renoncé à Dieu , elles baiferent les 1 Diables en
formé humaine , & toutesfois bien fort hideux à

voir , & les adorerent , puis elles danſerent ayans


leurs ramons en main & en fin fe couplerent les

Diables auec les femmes , & puis elles demanderent


des poudres pour faire mourir du beftail , & fut

arrefté d'y retourner huict iours aprez , qui eftoit

le Lundy prez iour failly , & furent la enuiron

trois heures , & puis r'apportées, l'auois oublié de


dire que chacun sorcier doit rendre compte du

mal qu'il a faict fur peine d'eftre bien batu: Et quant

à ce dernier poinct , Bonin bailly de Chasteau Roux

eftant deputé pour le païs de Berry à Blois me dift


Y iij
DES SORCIERS

qu'il auoit fait brufler vne Sorciere accuſée par


fa fille , que la mere auoit menée aux aſſemblées,

& l'auoit prefentée au Diable pour l'inftruire : mais


entre autres villenies , elle confeffa , qu'elles dan-
ferent autour du Bouc , & enfin que chacun ren-

doit compte de ce qu'il auoit faict depuis la der-


niere affemblee , & en quoy il auoit employé la

poudre. L'vn difoit auoir tué vn enfant, l'autre vn

cheual, l'autre auoir faict mourir vn arbre . Et par

ce qu'il s'en trouua vne qui n'auoit rien faict de-

puis la derniere affemblee, elle eut pluſieurs coups de


bafton foubz la plante des pieds , auecques vne

moquerie & rifee de tous les autres . Et difoit

qu'il faut auoir fouuent des nouuelles pouldres.Ce

qui eft conforme à ce que ray leu en vn autre pro.

cés d'vne Sorciere qui confeffa , qu'elle n'auoit

point de repos , fi elle ne faifoit tous les iours quel-


que mal , quand elle ne cuft caffé qu'vn vaiſſeau:

mais vn iour ſa maiftreffe l'ayant trouuce caffant

vn vaiffeau de terre de propos deliberé , elle con-


feffa la verité , & qu'on la fift mourir , par ce qu'el-

le difoit qu'elle n'auoit point de patience , fi elle ne

faifoit mourir quelqu'vn , ou qu'elle ne fift quel-

que mal. Qui monftre bien que ce n'eft pas la poul-

dre, mais Sathan, qui ne procure & ne cherche que

la ruine du genre humain , & qui veut ſouuent eſtre

feruy & adoré . Car la pouldre bien fouuent ſe trou-

ue vn ou deux pieds foubs terre: Et me fouuient que


Fournier homme docte , & Confeillier d'Orleans,

me diſoit que le bruict commun & notoire eſtoit,


qu'il
LIVRE SECOND . 88

qu'il fe faifoit des affemblees, de sorciers pres de


Ĉlery , ou les Diables r'apportoient tout ce qui a-

uoit efté fait en diuers païs: par ce qu'ils minuttent


toutes les actions des hommes . C'eft le moyen

que les Sorciers ont pour diuiner . La Sorciere

que i'ay dit , n'appella point de la fentence , difant

qu'elle aymoit mieux mourir, que d'eſtre plus tour-


mentee du Diable , qui ne luy donnoit point de
repos : Mais il faict bien à noter que il ne fe faict

point d'affemblée , ou l'on ne dence , & par la con-


feffion des sorcieres de Longny elles difoyent en

danfant,har,har, Diable, Diable , faute icy , faute là

ioüe icy, ioüe là : Et les autres difoient Sabath, Sa-


bath, c'eft à dire , la fefte & iour de repos , en hauf-

fant les mains & balets en hault , pour teſtifier &

donner vn certain tesmoignage d'allegreffe , & que

de bon cucur ils feruent, & adorent le Diable , &


auffi pour contrefaire l'adoration qui eft deuë à

Dieu . Caril eft bien certain que les anciens He-

brieux aportant leurs oblations au Temple quand ilz

approchoyent de l'autel , ilz danfoyent , comme a


2
trefbien noté Dauid Kimhi fur le mot , haga ‫ה‬ ‫ הג‬qui. 2. Sur le
nan

fignifie fefte, & danfe . Et Dauid pour yn grand fi- Pfalme.4.1..

gne d'allegreffe danfoit, en difant le pfalme XLVII. &


fonnoit de la harpe deuant l'arche . Et en cas pareil

nous lifons que samuel adreffa Saul à la troupe des

Prophetes , qui danfoyent en louant Dieu auec-

ques inftruments de mufique, laquelle eft principa-

lement donnee aux hommes pour louer Dieu d'vne

pleine ioye & allegreffe mais le mouuement du


DES SORCIERS

corps eftoit tel qu'il ny auoit rien d'infolent , ains

le doux mouuement du corps efleuoit le cueur

au ciel , qui eſt la chofe la plus agreable à Dieu.

Car il ne le peut faire que celuy qui chante louan-

ges à Dieu de telle allegreffe , ne foit raui d'amour


& de zele à l'honneur de fon Createur : & en tous
les endroitz des Pfalmes, ou il fe trouue le mot Se .

Ja , qui eft frequent : ceux qui le chantoyent elle-


uoyent leur voix auec le corps, comme Dauid Kim-
hi a noté fur les commentaires Hebrieux des Pfal-

mes : iaçoit que ce mot fignifie Eternité , comme

l'interprete Caldean à tourné , & Symmachus &


Theodocion άaλux, & Abraham Aben -Efra tour-
‫לאמת‬
nenos,id eft vere: & neantmoins toufiours les chantres

feleuoyent à ce mot . Les proceffions qu'on faict,


monftrent encores , comme il femble , la marque des

danfes anciennes .Auffi tous les peuples en voyent


en leurs facrifices & feftes folennelles . Et Moyfe

Maymon efcript que les filles Perfanes adorent le

Soleil danfoyent toutes nues & chantoyent auec in-


ftrumens .Mais les danfes des Sorciers violentes ren-

dent les hommes furieux , & font auorter les fem-

mes comme on peult dire que la volte , que les


Sorciers ont amené d'Italie en France , outre les

mouuemens infolens , & impudiques , à cela de mal-

heur, que vne infinité d'homicides & auortemens en

aduiennent Qui eft vne chofe des plus confiderables


en la republique , & qu'on demeurent defendre le

plus rigoureufement . Quand à la fureur, on voit

cuidemment, que tous les hommes furieux , & for-


cencz vſent
LIVRE SECOND . 89

cenez vſent de telles danfes, & fautz violens : Et n'y a

moyen plus expedient pour les guarir, que de les fai-

re danfer pofément, & en cadence pefante , comme

on faict en Allemaigne aux infenfez qui font frappez

de la maladie qu'on dict de S. Vitus , & Modeftus .

Pour la fin de ce chapitre ie mettray la concluſion de

la difpute refoluë deuant l'Empereur Sigifmond ,

que Vlrich le Monnier à efcript en vn petit liure,qu'il

a faict fur ce poïct, ou il fuft arrefté par infinis exéples


& Iugemens , que Sathan tranfportoit les Sorciers

veritablement en corps & en ame . Auſſi ſeroit- ce

fe mocquer de l'hiftoire Euangelique de reuoquer


en doubte fi le Diable tranſporte les Sorciers d'vn
lieu en l'autre puys qu'il eft dict en l'Euangile que Sa-

than trafporta Iefus Chrift fur le fommet du temple,


puis fur vne montaigne : Car la plufpart, & plus faine
partie des Theologiens tiennent qu'il fut veritable-
ment tranfporté en corps , & ame.Ils confeſſent auffi

que Abacucle Prophete à efté tranfporté en corps, &

ame en Babylone: Et fainct Philippe l'Apoftre à efté

tranfporté en corps , & ame . Sur quoy Thomas


d'Aquin conclud , que s'il eft poffible en vn , il eſt

poffible en tous de mefme nature, & de meſme pois .

Voila fon argument qu'il tire de faint Matthieu, cha.

1.Nous lifons pareillement en Philoftraté Autheur

Grec,que Apollonius Thianæus fut trafporte en peu

d'heure d'Ethiopie prez la fource du Nil iufqs à Ró-


me,qui ne fot pas moins de deux mil cinq cens lieues

à droicte ligne:vne autrefois de Rome en Corinthe,

vne autre fois de Smyrne en Ephefe . Et l'an M. cc.



DES SORCIERS

LXXI, Ian Teutonic preftre de Halberstad des plus fa-


meux Sorciers de fon aage, chanta trois Meſſes à mi-

nuict , l'vne à Halberstad,l'autre à Megonce , la troi-

fiefme à Couloigne . Ce qu'on recite auffi de Pytha-

goras , qui fut tranſporté de Thurie en Metapont.


2.Vierus li.Et mefmes Vierus ' protecteur & defenfeur des Sor-
2.c. 8. de
Prafti.& ciers affeure par vne certitude de fcience eftre veri-

lib.3.c.12 . table, qu'il ſçait plufieurs perſonnes eſtre ainſi tranf-


portez en vn moment d'vne region en l'autre. Voila

ces motz au liure 11.chap.vi.de Praftigijs Damonum,

& au liure 111. chap . x11 . Et d'autant qu'il y en a qui

tiennent que le tranſport eft en efprit feulement , di-


fons auffi du rauiffement de l'efprit :

DV RAVISSEMENT, OV ECTA-

fe des Sorciers, & des frequentations ordinaires , qu'ilz


ent auec les Damons.

CHAP. V.

E
que nous auons dict du transport des
Sorciers en corps , & ame , & les expe-

riences fi frequentes , & fi memorables,

monftrent comme en plain iour , & font


toucher au doigt & à l'oeil , l'erreur de ceux qui ont

efcript que le traſport des Sorciers eft imaginaire, &


que ce n'eft autre chofe que vne ecftafe & apportent

pour exemple la vifion d'Ezechiel , qui fut rauy

en efprit de Babylone en Hierufalem:laquelle vifion

peur eſtre vne vraye feparation de l'ame, & peut auffi


fe fair e
LIVRE SECOND ១០

ſe faire fans reparation.Mais les Hebrieux tienneut en

leur Theologie fecrette que l'Ange faict oblation à

Dieu des ames des efleuz par abftraction demeurant


l'homme en vie.Et à ce propos ils alleguet le paffage

du Pfalme 116.pretiofa in confpectu Domini mors Sancto-


Top's the
ru eius.ce qu'il femble que Platon in Phędone appelle εκστατ
Mort plaifante . Mais pourtant ne faut il pas nyer le
κῶν καὶ ἁ
vray tranſport du corps & de l'ame, qui fe faict par les géo-

efprits bons & manuais. Nous produirons l'exemple as~ su


d'Helie , & d'Henoc , qui ont efté rauis en corps & τὸς
XSτὰ σώ
-

d'Abacuc, qui a efté porté en corps par l'Ange enla ματος .


foffe des Lions.Et file vray tranfport en corps ne fe

faifoit aux exemples que nous auons dict , comment


fe pourroit il faire, que celuy de Loches fuft trouué

de fon lict aux landes de Bourdeaux , & celuy de

Lion en Lorraine , celuy de Plutarque de Grece en


Crotone pres de Naples , où il faut par neceffité

paffer plus de cent lieuës de Mer, & infinis autres


en cas femblables . Thomas d'Aquin , Durand
Herué,Bonauenture de Tarantaifie, & Getald , Odet,

qui ont traicté ceſte queſtion ſur le ſecond liure,


diſtinction VIII, du Maiftre des fentences , tiennent

formelement que les Diables tranfportent les corps

de lieu en lieu par leur puiffance naturelle . Combien


que ie trouue le rauiffement en ecftafe , qu'ilz difent

beaucoup plus admirable,que le tranſport corporel .

Et fi le Diable a cefte puiffance ,comme ilz confeffet,


de rauir l'efprit hors du corps , n'eft il pas plus aifé

d'emporter le corps & l'ame fans diſtraction,ny diui-

fion de la partie raisonnable , que diftraire & diui-


Zij
DES SORCIERS

ferlvne de l'autre fans mourir.Or combien que nous

auons des tefmoignages trefcertains , & demon-


ftrations indubitables de l'immortalité des ames,

Si eft ce que ceftuy- cy me femble des plus fortz , &

des plus grands , & qui peult fuffire eftant aueré ,

comme il à eſté par infinies hiftoires , iugemens,


recolemens , confrontations , conuictions , confef-

fions , executions , Il peut, dy- ie, fuffire pour con-


uaincre tous les Epicuriens & Atheiſtes , que l'efprit
humain eft vne cffence immortelle. Car l'hipothefe
d'Ariftote au ſecond liure de l'Ame eft par ce moyen

trefbien verifice , & demonftree en ce qu'il dit que

l'ame eft immortelle , fi elle peut quelque chofe

fans l'ayde du corps: Et l'autre hypothefe , que l'ame

eft immortelle, fi elle eft feparable du corps . Mais les

infidelles , qui ne croyent ny la puiffance de Dieu,


ny l'effence des efpritz dizent, que ce que nous appel.
lons Ame , eft vne liaiſon harmonicufe , & forme

vniuerfelle refultant des formes particulieres des

humeurs, & autres parties du corps humain : qui eft

vne incongruité bien lourde , de compofer la for-


me de l'homme, que tous Philofophes confeffent e-

ftre pure & fimple de plufieurs formes . Et quand à

l'ectafe,ilz difent que c'eft vn fommeil melanquo-


lic, par lequel les forces de l'ame font enfeuclies , en

forte qu'il femble que l'homme foit mort . Mais


c'eft chofe ridicule , attendu qu'il y a plus de Sor-

ciers en Noruege , & Liuonic & autres parties Septen-


trionales , qu'il n'y a en tout le refte du monde ,

comme dit Olaus le grand : & femble que ce qui


eft
LIVRE SECOND. 91

eft dit de Sathan en Iefaye, le monteray fur l'Aqui

lo, & feray femblable à Dieu, Se peut raporterà la

puiffance que Sathan a principalement fur les peu-


ples de Septetrion , qui font fort diffamez des De-

mons & sorciers , comme en cas pareil par toute l'E- 1.fapientiæ..

ſcripture fainte nous lifós que d'Aquiló¹viedra tout 2.Efayaca.


mal.Neantmoins ce peuple là tient moins de la mela- 14:41.49 .
Hieremia .

cholic,que peuple qui foit foubz le ciel, car ilz font 3.4.6.13 .
tous blons generalement , ou de poil de vache.Il faut 15.23.25 .
46.47.50.
donc que ceux la confeffen t leur ignoranc e . car Plu- 51.Ezechi
tarque efcript d'vn nommé Soleus, & Pline d'vn Herd 8.48 .
Daniel 11 ..
motime Clazomenien , & Herodote d'vn Philofo- Zach.c.2.

phe de Proconeſe Atheiſte , qu'ilz eſtoyent ſi bien


rauis en ectafe, que leurs corps demeuroyent pour

mortz, & infenfibles . De forte que les ennemys de

Hermotime ' trouuat fon corps ainfi pafmé, le tuerent 2. Lib.ca.


2 52.
& bruflerent : Hierome Cardan a laiffé par efcript infus

qu'il eftoit par ecftafe raui hors du corps quád il vou- Geneji.
loit, fans qu'il demeuraft aucun fentiment au corps .

Mais ie ties que toux ceux , qui fouffrent cefte paflio


volontairement en veillant font forciers : Auffi Car-
lidere
4-m
dan * confeſſe que fon pere à eu vn Diable familier ru Indre
varies.

trente ans . Et ordinairement les peres forciers fa- adfinem .


çonnent leurs enfans pour les rauir en ecftafe . A quoy

fe raporte ce que dit Virgile au vi.de l'Eneide par-


lant de la forciere, quafe promittit foluere mentes . Car à

dire vray,l'ame vegetatiue, vitale & animale demeu-

rent encores que les fens, mouuement & raifon foyet


deliez . Nous en auons vne hiftoire de recente me-

moire de l'auteur de la Magie naturelle Neapolitain


Z 111
DES SORCIERS

lequel recite auoir fait preuue d'vne Sorciere quife

frotta de grefles toute nue, puis tomba paſmee fans


aucun fentiment , & trois heures apres retourna en

fon corps difant nouuelles de plufieurs pays, qui fu-

rent auerees. Vray eft que l'Autheur du liure (qui me-


rite le feu) monftre les moyens de le pratiquer . Or Sa

than en vſe enuersceux qui ne veulent pas deſcou-

urir , ou qui pour la grandeur de leur maison , ou


autres raiſons n'ofent trouuer en telles affemblees ,
Ie tiens du Preſident de la Tourette , qu'ila veu en

Daufiné vne Sorciere,qui fut brulee vifue laquel-


le eſtant couchee au long du feu ,fut rauie en ecſtaſe,
demeurant fon corps en la maiſon: Et parce qu'elle

n'entendoit rien fon maiftre frappoit deffus à grands

coups de verge , & pour fçauoit.fi elle eftoit morte,

on luy fift mettre le feu aux parties les plus fenfibles


pour tout cela elle ne s'efueille point . Et de faict le

maiſtre & la maiſtreffe la laifferent eftendne en la pla-


ce, penfant qu'elle fuft morte. Au matin elle fe trou-

ue en fon lit couchee. Dequoy fon maiſtre eſbahi,


luy demanda ce qu'elle auoit eu: Alors elle s'efcria en

fon language:Ha mon maiftre tant m'aues batue ? Le

maitre ayat fait le copte à fes voyfins, on luy dift que

elle eftoit Sorciere: Il ne ceffa qu'elle ne luy euft cofef


fé la verité, & qu'elle auoit efté de fon efprit en l'affem

blee des Sorciers.Elle confeffa auffi plufieurs meſchá-


cetez , qu'elles auoit commifes, & fut bruflee.Iacques

Spranger Inquifiteur ayant faict le proces à plufieurs


.
forcieres, efcript qu'elles ont cófeffé, qu'elles font ra-

uies en efprit, quand elles veulent : & quand elles


veulent,
LIVRE SECOND. 92

veulnt , elles font rauies auffi en corps . Nous auons

encores vn exemple de noftre memoire aduenu à

Bourdeaux l'an M. D. Lxxr.alors qu'on perfecuta les

Sorciers en France:il y eut vne vieille Sorciere à Bour-


deaux confeſſa deuant les iuges qu'elle eſtoit tou-

tes les fepmaines tranfportee auec les autres , ou il fe

trouuoit vn grand Bouc qui leur faifoit renier Dieu,


& promettre de feruir au Diable, & puis chacú le bai-

foit aux parties honteufes: & apres les danſes chacun


prenoit des poudres . Alors Belot , maistre des Re-

queftes,voulant faire preuue de la verité par la Sor-

ciere, qui difoit n'auoir aucune puiffance , fi elle ne


eftoit hors la prifon , la fift fortir à la charge de la re-

prefenter & lors elle fe frotta toute nue d'vne certai-

ne greffe: & apres elle tomba comme morte , fans


aucun fentiment: & cinq heures apres elle retourna ,

& ſe releuant raconta plufieurs chofes de diuers

lieux & endroits qui furent auerees .Je tiens l'hiſtoi-


re d'vn Comte & cheualier de l'Ordre qui eftoit pre-

fent à l'experience qu'on en fift, & qui eft encores en-


vie. Olaus dict que cela eft bien fort frequent és pays
&
Septentrionaux , & que les amys de celuy qui eft

raui en ccftafe , le gardent fongneufement iufques à ce

qu'il retourne auec vne grande douleur, & r'apporte


vnaneau, où lettre ou coufteau de celuy qui eft a trois

cens lieues de la.l'ay apris vn autre iugement eftant.

à Nantes l'an M. D XLIX, qui n'eſt pas moins cftran-

ge de fept Sorciers, qui diret en prefence de plufieurs,


qu'ils r'aporteroyet des nouuelles dedans vne heure ,
de ce qui ce faifoit dix lieues à la rode, foudain ilztó-
DES SORCIERS

berent tous pafmés & demeurerent enuiron trois

heures : puis ilz fe releuerent , & rapporterent , ce

qu'ils auoyent veu en toute la ville de Nantes , & plus


loing a l'entour,ayant remarqué les lieux, les actions,

les perfonnes & tout fur le champ fut aueré. Aprez


auoir efté accuſez, & conueincus de plufieurs malefi-
ces, ilz furent tous bruflés. On pouroit dire,peut eftre,

que l'ame n'eft point rauie , & que c'eft vne viſion

& illufion que le Diable moyenne mais les effects

monftrent le contraire. On peut bien endormir les

perſonnes auec la Mandragore , & autres breuuages


narcotiques, en forte que la perfonne femblera mor-

te, & neantmoins il y en a qu'on endort fi bien , qu'ils

ne refueillent plus, & les autres ayant pris tels breuua-

ges,dorment quelques fois trois ou quatre iours fans


efuciller, comme on faict en Turquie à ceux qu'on

veut chaſtrer fans douleur & fe pratiqua en vn Ga-

fcon du bas Languedoch eftant efclaue , qui depuys.

fut racheté qui eft encores en vie.Mais les Sorciers ne


prennent aucun breuuage: Ioinct auffi que ceux qui

ont efté endormis par breuuages narcotiques n'ont

aucune memoire de chofe quelconque . Et les Sor-

ciers ont vne viue impreffion des danfes facrifices, a-

dorations, & autres chofes, qu'ils ont veües & faictes

aux aſſemblees , & remarquet ceux qui eſtoyēt preſens

aufquelz ils ont efté cõfrôtés qui l'ont confeſſé. Et par


la confeffion des Sorcieres, que lacques Spranger a

faict brufler,il recite que les Sorciers confefferent ,

qu'ilz fentoyent en l'ecftafe les mefmes chofes , que

s'ilz cuffent efté prefens en corps . Et faint Auguſtin


auec les
LIVRE SECOND . 93

aux VIII.liure de la Cité de Dieu, recite de Preftan-

tius, que fon pere fut plufieurs fois raui en telle ecſta

fe,que fon efprit eftant retourné, il affirma auoir efté


mué en cheual, & auoir porté la prouifion au camp
auec les autres cheuaux : Et neantmoins fon corps

cftoit eftendu comme mort enfa maifon . Qui feroit

peut eftre la raifon pourquoy la Lycathropie , & cha-


gemet d'hommes en beftes eft fi renommée de tous
les anciens , & fifrequente encore en tout le pays

d'Orient , de laquelle nous parlerons rantoft . lly


à bien auffi des maladies , qui rendent l'homme in.

fenfible, & prefque mort, comme le mal Caduc , &

l'Apoplexie. Et de fait le Pape Iule 11.fut deux iours


qu'on penfoit,qu'il fuft du tout mort: & lean Lefcot

comme l'ot tient fut enterré tout vif,iaçoit qu'il fem-

blaſt mort. Et quand il perdit le foufle, alors il com-


mençea à fetourmenter:& quand on aperceut quel-
que mouuement en le couurant de terre , on leretira,

mais on le trouua feignant & rendant l'efprit . Telles

maladies de Syncopes , epilepfies & apoplexies ne fot

point és Sorciers, car ils font ainfi difpofez, quand il


leurplaift . Et ne fouffrent cela , que pour s'excuzer

d'aller aux affemblées , craignans eftre d'efcouuers:


faiſans aufurplus hommaige au diable, & parlat à luy

en leurs maiſons,quand ilz veulent.Et de faict le Ba-


ron de Raiz (qui fut condamné à Nantes, & executé
comme Sorcier)aprez auoir confeffé huit homicides

des petis enfans, & qu'il vouloit encores tuer le neu-


fieſme , & le facrifier au Diable, qui eftoit fon fils pro-

pre, qu'il auoit deliberé tuer au ventre de la mere,


A a
DES SORCIERS

pourgratifier d'auantage à Sathan, confeffa qu'il ada-


roit Sathan en fa chambre fe mettant à genoux lors

qu'il fe prefentoit à luy en forme humaine , & luy fai-

foit encenfement, qui eſtoit la forme des facrifices


deteftables des Amorreans , & Cananeans . Le Diable

luy promettoit merueilles, & qu'il feroit grand.Tou

tesfois en fin le voyant captif, & en, extreme calami-


té,il confeffa tout, & fut executé à mort , & le procés

de fa confiſcation eft encores pendu au croc.l'ay auffi

leu en Spranger, qu'en faisant le procés à vne Sorcie

re qu'il fift bruder , elle confefla auoir comme lage

femme receu plufieurs fois les enfans du ventre de la


mere, & iceux prefentez au Diable , en les eleuant en

l'air , & puys apres leur mettoit vne groffe efpingle


en la tefte, dont il ne fortoit poinct de fang. Et voyat

qu'on les portoit en terre, elle alloit la nuict les de-

terrer , & les faiſoit cuire au four , & mangeoit la


chair , gardant la greffe,pour luy feruir : Et confeffa

qu'elle auoit faict mourir en cefte forte quarante pe-


tis enfans . Elle eftoit de Dan prez de Balle . Et vne

autre de Strasbourg) , qui en fift mourir fans nombre,

& fut auffi bruflée. L'ay bien voulu aduertir le lecteur

de cefte cruauté, & idololatrie, qui m'a fèblé la plus


deteftable, dont iamais i'ay ouy parler , à fin qu'on

prenne garde de prez à celles qui reçoiuet les enfans.

Quant à mangerla chair humaine,cela eft trefcertain ,

& de toute antiquité les Sorcieres en eftoyet fi frian-

des, qu'il eftoit quafi impoffibles de garder les corps


,

4Apuleius mortz *, ny les enfermer fi bien qu'elle ny entraffent

li .Afini pour les ronger iufques aux os . Et au chap. LXVII.


des loix
LEVRE SECOND.. 94

des loix saliques il eft dict,que fi la Sorciere a mangé

vn home, & qu'elle foit conueincue, elle payera deux


cens foldes.Nous lifons en Philoftratus Lennien, que

Apollonius Thyaneus defconurit, & chaffa de Corin-

the vne Lamie,qui viuoit ainſi de chair humaine.C'eſt


pourquoy Horacepour vne chofe trefcruelle dict,

Neu pranfa Lamiapuerum viuum extrahat aluo: & net-


moins cela eftoit ordinaire aux Sorcieres de fe nour-

rir de telle viande.Nous lifons auffi en Ammia Mar-

celinliurexxIx.que Pollentian Tribun fut cōueincu

d'auoir ouuert vne femme enceinte pour fçauoir de

fomenfant,qui deuoit eftre Empereur. Tous lefquelz

paffages confirment ce quenous voyons és procés de


noftre temps.Et plufieurs Sorcieres ont opinion, que
les Dæmons leur font comettre telles cruautez, pour
eſtre ainſi rauies en eſprit ou en corps , ainfi qu'elles

voudroit. Et fans aller filoin , Rondelet medecin de

grand fçauoir,&reputation , agueta vne nuict võ Sors


cier à Mont-pellier qui ne bougoit autour des fepul
chrés,lequel alla au fepulchre , oulon auoit le four

precedent enterré vne femme, & luy coupa vne cuif-


fe,& l'emporta fur fes efpaules mordant à belles dets
en la chair d'icelle.Ie tiens l'hiftoire de l'vn des difci-

ples de Rondelet qui l'acompaigna. Il difoyt que c'e

ftoit la maladie, qu'on appelle Lycanthropic , qui fait


que leshommes deuiennent furieux, & cuident eſtre

chágez en loups , & viuent de telle viade.Difons doc,

s'il eftpoffible,que les hommes foyent conuertis en

loups, & autres beftes véritablement , ou par fantaſic

ou par maladie.
Aa ij
DES SORCIERS I

DE LA LYCANTHROPIE ET

file Diablepeut changer les hommes en beftes.

shed: 2CHAP. INI.

Ovs auons monftré cy deffus par plu-

fieursexemples, & authoritez Diuines,


& humaines, & par les accufations, con-
uictions, confeffions , iugemens, exc-

cutions , que les hommes , & femmes

font tranfporteztantoft en efprit, & en corps,tantoft

en efpritfeulement par moyens diabolyques .Et que


Sathan faict croire aux vns que c'eft la force des pa-

rolles, & des vnguens qu'il leur baille Et que le plus


que le plus

fouuent il apparoift en Bouc :En forte que nous pou-


uons dire que nous auons la demonftration des ef-

fectz , qu'on appelle,Quia eft, c'eft à dire nisi qu'il eft

ainfi. Et combien que telle demonftration par les ef

fectz n'eft pas fi claire, que celle qui procede par les
1.In pofterio cauſes,ſin'eft elle pas moins certaine. Or la cofeffion
T
analyticis . de noftre ignorance, eft vne belle louange de Dieu

contre lequel il ne faut par arguer d'impoffibilité,


veu la foibleſſe de noſtre eſprit.Mais c'est bien chofe

eftrange,que Sathan, quia de coustume prendre rel

corps que bo luy femble,le plus fouuent, & ordinai-

, aprez la figure humaine,prend la figure d'vn


rement

Bouc,fi ce n'eft pour eftre vne befte puante, & falace.


2.1efaya 13 Car en la fainte Efcripture on voit que les Diables
34.
font appellez Boucz, comme l'interprete Caldean fur

Lefaye tourne ce mot qui fignifie Bouc. Car le Pro

phete
LIVRE SECOND. 95

phete dit, que les dragons, & boucs danferont en Ba-

bylone , & le Luito ou Satyre criera apres fon com


pagnon.Zoroaft e parlant des Bouczentend les Da-

mos,pour la proprieté du Bouc, qui eft puant, & laſcif.


Ce que le prince de la Mirande àfignifié obfcuremet

en la douzieſme pofitionfur Zoroafte, en ces motz,

Quidfit intelligendum per capros apud Zoroaftem, intelliget

qui legerit in libro Bair, quæfit affinitas capris cumfpiritibus .

Or la proprieté des Dæmos eft d'auoir puiſſance fur


la cupidité lafciue, & brutale, come les Hebrieux ont
remarque quand ilz difent au liure no p que Sathan

eft porté du ferpent, que Philon Hebricu à interpreté


la volupté de laquelle parlant le fage Architas, difoit

eftre le plus capital ennemy du genre humain, nullam

peftem capitaliorem hominibus à natura datam voluptate,


raporté par Ciceron.Et pour mefme caufe les Grecz

ont fignifié les Dæmos en figure de Satyres paillardz ,


moitié boucz, & moitié hommes. C'eft pourquoy au

* Leuitique aprez que Dieu à ordonné que le peuple2.cap.17 .


lay facrifiaft les animaux fpecificz, & que le fang fuft

eſpandu prez de fon autel, én fin il dit, Et ne vous ad-

uienne iamais plus d'aller aprez vos boucs & Satyres


facrifier:il yaen Hebrieu feiirim que l'interprète dit

eftre Dæmons qui apparoiffent en guyfe de boucs &

de fatyres : le Rabin Moyfe Maymon, ayant leu les li-


ures des myſteres & facrifices des Caldeans & Sabeas
3.11.3.1703
qu'il raporte ', dit que la couftume eftoit d'aller aux . ‫הבנקים‬
lieux deferts facrifier aux Diables, & faire vne foffe,

puis ils gettoyent le fang dedans, & au tour de la fofle

ils bancquetoyét, & faifoyent fefte aux malins efprits.


A a iij
DES SORCIERS

Et auxv1.chap . du Leuitique,il eft commandé au Sa-

crificateur Aaron de prendre deux boucs, & ietter le

fort, l'vn pour Dieu, l'autre pour Zazel: & que le bouc,
quifera pris au fort pour Zazel, & fur lequel le facrifi

cateur confeffera les pechez du peuple , fera enuoyé


.
au defert.l'autre facrifié à Dieu. Les Hebrieux ont re-

marqué que ce bouc la ne fe retrouuoit iamais . Au

3.chap 32. Deuteronome,qui eft l'interpretation plus claire

de la Loy de Dieu, les malins efprits font appellez en


leur propre fignification Lafcedim que tous

ont tourné Damonia. Et peut eftre que le mot de La-

cedemon eft compofé de l'Hebricu , & du Grec fi-

gnifiant meſmes chofes . Car Iofeph efcript que les


Hebrieux ont eu de toute ancieneté alliance auec les

Lacedemoniens,toutesfoisie ne m'arrefte pas à cefte


derniere interpretatio.Et quoy qu'on die des Satyres,

defquels il eft parlé fouuent en la vie d'Anthoine &

Paul Hermites,il n'y a doubte, que c'eftoyent malins

efprits .Bien fouuent auffi Sathan ſe monftre en figu-

re humaine,grand & noir , comme l'ay dict de celuy


qui apparut à Catherine Daree,à Dion amy de Pla-

ton,à Caffius Parmenfis , au Philoſophe Athenodo-


re,à Magdelaine de la Croix ,à Ieanne de Haruillier:
4
laquelle confeffa que à l'aage de douze ans , ſa mere
luy monftra le Diable en forme d'vn grand homme
fort noir, & veftu tout de noir, & toufiours boté , &

eſperonné parlant à elle , & fe trouuant ſoudain aúcc

elle quand elle vouloit: & que cela luy continua tou-

te fa vie.Mais la chofe la plus difficile à croire , & qui


cft plus admirable eft,le changement de la figure hu-
maine
LIVRE SECOND. 96

maine en beſte , & encores plus de corps en corps.

Toutesfois les procés faicts aux Sorciers & les hiftoi-

res Diuines & humaines,& de tous les peuples font la

preuue certaine.Nous lifons au liure des cinq Inquifi-


teurs des Sorciers, duquel i'ay faict mention affez fou.
uent, que vn Sorcier nommé Stafus au territoire de

Berne, ayat plufieurs ennemys,fouuét au milieu d'eux

efchappoit foudain en guyfe de befte, & ne peut eftre


tué finon en dormant.Illaiffa deux difciples les plus

grands Sorciers d'Alemaigne Hoppo, & Stadlin, qui


faifoient venir, comme ilefcript,les tempeftes , fou-

dres & orages violens : Et fans aller gueres loing de ce


Royaume , nous auons vn procés fait au Parlement de

Dole, & l'arreft donnéle xvIII . Ianuier M.D. LXXIIII .

contre Gille Garnier Lyonnois , qu'il n'eſt beſoin de

mettre icy au long, puis qu'il eft imprimé à Orleans

par Eloy Gibier, & à Paris chez Pierre des Hayes , & à

Sens:Mais ie mettraydes poincts principaux dont il à


efté accufé & conueincu . C'eſt à fçauoir que ledict

Garnier feiour faint Michel, eftat en forme de Loup

garou print vne jeune fille de l'aage de dix ou douze

ans pres le bois de la Serre, en vne vigne, au vignoble


de Chaſtenoy pres Dole vn quart de lieuë , & illec l'a-
uoir tué , & occilé ,tant auec fes mains ſemblans pat

tes,que auec fes dents, & mangé la chair des cuiffes,


& bras d'icelle, & en auoit porté à fa femme. Et pour
auoir en mefme forme vn mois apres pris vne autre

fille, & icelle tué pour la manger,s'il n'cuft efté em-.

pefché par trois perfonnes , comme il a confeſſé : Et

quinze jours apres auoir eſtranglé vnicune enfant do


DES SORCIERS

dix ans au vignoble de Gredifans, & magé la chair des

cuiffes,iabes , & ventre d'iceluy : Et pour auoir depuis

en forme d'homme ,& non deloup tué vn autre gar-

çon de l'aage de douze à treize ans,au bois du village

de Peroufe,en intention de le manger, fi on ne l'euſt


empefché, comme il confeffa fans force ny contrain-
&e,il fut condamné d'eftre bruflé tout vif, & larreſt

fut executé. Il fe trouue encores vn autre procés fait à

Bezáçon, par l'Inquifiteur lean Boin l'an M.D.xxi.au

mois de Decebre, & enuoyé en France, Italie , & Ale-


maigne , & que Vierus defenfeur des Sorciers à mis

bien au long au liurevi.chap.x111.des Preſtiges : C'eft


pourquoy ie le trancheray court. Les accufez eftoient

Pierre Burgor,& Michel Verdun , qui confefferent


auoir renoncé à Dieu , & iuré de feruir au Diable. Et

Michel Verdun mena Burgot au bord du Chaſtel


Charlon , ou chacun auoit vie chadelle de cire verte,

qui faifoit la flamme bleue, & obfcure, & faifoient les


danfes,& facrifices au Diable.Puis apres s'eftas oincts
furent tournez en loups courant d'vne legereté in-

croyable :puis qu'ils eftoyent changez en hommes,

& fouuent rechangez en loups & couplez aux louues

auec tel plaifir qu'ils auoyent accouſtumé auec les


femmes .Ils confefferent auffi, à fçauoir Burgot auoir

tué vn ieune garçon defept ans auec fes pattes , &

dents de loup , & qu'il vouloit manger , n'euft efté


que les païfans luy donnerent la chaffe . Et Michel

Verdun confeffa auoir tué vne ieune fille cueillant

des poids en vn iardin, qui fut chaffé par le Seigneur

de la Cuuce : Et que tous deux auoient encores man-

gé qua-
LIVRE SECOND. 27

gé quatre filles : & remarqua le temps , le lieu , l'aage


particulieremet des enfans: Etqu'en touchant d'vne

pouldre,ils faifoient mourir les perfonnes. Il me fou-


uient que M. le Procureur general du Roy Bourdin

m'en à recité vn autre, qu'on luy auoit enuoyé du bas


pays , auec tout le procés figné du Iuge & des Gref-

fiers,de vn loup qui fut frappé d'vn traict en la cuiffe,

& depuis fe trouua en fon lict auec le traict qui luy fuc
arraché eftant rechangé en forme d'home, & le traict
cognu par celuy qui l'auoit tiré,le temps, & le lieu iu-

ftifié par la confeffion du perfonage.Et Iob Fincelau

liure x 1.des Merueilles efcript, qu'il y auoit auffi à Pa-

doüe vn Lycanthrope, qui fut attrapé, & fes pattes de


loup luy furet coupees, & au mefme inftant il fe trou-

uales bras & pieds coupez . Qui eft pour confirmer le

procés fait aux Sorcieres de Vernon , qui frequen- 4.271561


toyent, & s'affembloyent ordinairement en vn cha-

fteau vieil &ancien en guife de nobre infini de Chats,

Ilfe trouua quatre ou cinq hommes qui refolurent

d'y demeurerla nuict, ou ils fe trouuerent affailliz de


la multitude de chats: & l'vn des hommes y fut tué,

les autres bien marques ,& neantmoins bleſſeret plu-

fieurs chats,qui fe trouuerent apres muez en femmes


& bien bleffees: Et d'autat que cela fembloit incroy-

able, la pourfuyte fut delaiffee.Mais les cinq Inqui-

fiteurs qui eftoyent experimentez en telles caufes, in libro


Mallei.
ont laiſſe par eſcript qu'il y eut trois Sorcieres pres

Strafbourg, qui affaillirent vn Laboureur en guife,


de trois grands chats, & en fe defendant il blefla &

chaffa les chats , qui fe trouuerent au lict malade en


Bb
DES SORCIERS:

forme defemmes fort bleffees àl'inftat mefme: & fur

´ce enquifes elles accuſerét celuy qui les auoit frapees,


qui dict au luges,l'heure , & le lieu , qu'il auoit cfté

affailly des chats, & qu'il les auoit bleffez.Pierre Ma-


mor en vn petit traicté qu'il à fait de Sorciers dict

auoir veu ce changement d'hommes en loups , luy


eſtant en Sauoye.Et Henry de Coulongne au traicté

qu'il a faict, de Lamijs, tient cela pour indubitable. Et

Vlrich le Meufnier en vn petit liure, qu'il a dedié à

l'Empereur Sigifmond , efcript la difpute qui fut fai-


Ate deuant l'empereur, & dit qu'il fut conclu par vi-

ues raifons, & par l'experience d'infinis exemples,


que telle transformation eftoit veritable , & di t
& luy

mefme auoirveu vnLycanthrope à Conftance , qui

fut accufé, conueincu, condamné, & puis executé à


mort apres fa confeffion.Et fe trouuet plufieurs liures

publiez en Almaigne , que l'vn des plus grands Roys


de la Chreftienté , qui eft mort n'a pas long temps,

fouuét eftoit,mué en loup , & qui eftoit en reputatio

d'eftre l'vn des plus grands Sorciers du monde . Tou-

resfois la Grece , & l'Afie eft encores plus infectee de

cefte pefte,que non pas les peuples d'Occident.com-


menos marchans difent , qu'on eft contraint d'en-

ferrer , & emprisonner ceux qui changent ainfi en


loups.Et de fait l'an M.D. XLII. foubs l'Empire de
Sultan Suleyman , il fe trouva fi grande quantité de

loups garous en la ville de Conftantinople, que l'Em-


pereur accompagné de la garde fortit en armes, & en-

rangea cent cinquante, qui difparurent de la ville de

Conftantinople , à la veuë de tout le peuple. L'hiſtoi-


re
LIVRE SECONDI 98

re eft recitee par Iob Fincel liure 2.des Merueilles , & ..


en cecy tous les autres peuples en demeurent d'ac-

cord.Les Allemans les appellent Ver VVolf, &les

François loups garous,les Picards loupsvarous.com-

me qui diroit,lupos varios, car les François mettent g,

pour v. Les Grecs les appelloyent Lycanthropes, & 1. Aundy-

Mormolycies: Les Latins les appelloyent varios, Ofwπol.

verfipelles, comme Pline à noté parlant de ce change- 2.Lib.8.c.


22.
ment de loups en hommes.François Phœbus Comte
de Foix, en fon liure de la Chaffe dict que ce mot Ga

roux,veut dire gardez vous: dequoy le Prefident Fau-

cher m'à aduerty. Ce qui eft bien vrayfemblable, car

les autres loups naturels courent apres les beſtes , · &

ceux cy plus fouuent apres les hommes : c'est pour :


quoy on peut dire, gardez vous . Pomponatius , &

Theophrafte Paracelfe,tiennent quela tranfmutation


cft tref certaine d'hommes en beftes Gafpar Peuce-

rus fçauant homme, & gendre de Philippes Melan-

&
thon efcript,qu'il auoit toufiours penfe, que ce fuſt

vne fable , mais apres auoir efté certifié par plufieurs,

marchands, & gens dignes de Foy , & qui trafiquent


ordinairement en Liuonie , & que mefmes plufieurs

ont eſté accuſez, & conueincuz , & qui depuis leur


confeffion ont efté executez à mort,alors il dict qu'il

eft contraint de le croire, & d'efcript la façon de fai-

' re,qu'ils onten Liuonie. C'eft que tous les ans fur la
fin du mois de Decembre ; il le trouue vn beliftret

qui va fommertous les Sorciers de fe trouuer en cer-

tain lieu , & s'ils yfaillent , le Diable les y contraint à

coups deverge de fer , fifort que les marques y de-


Bb ij
DES SORCIERS

meurent: Leur capitaine paffe deuant , & quelques


milliers le fuyuent traguetans vne riuiere , laquelle

paffee ils changent leur figure en loups , 4 & fe icttent

fur les hommes & fur les troupeaux , & font mille

dommages. Et douze iours apres ils retournerent au


mefme fleuue,& font rechangez en hommes . l'ay

veu plufieurs fois Languet natifde Bourgongne, a-


gent du Duc de Saxe,homme fort docte venant trait.

ter auec le Roy de France pour fon maiftre , qui m'a


recité l'hiftoire fémblable , & dict , que luy cftant en

Liuonic,a entendu, que tout le peuple tient cela pour


chofe tref
- certaine. Et combien que ce malheur ſoit

affez frequent partout,fi eft il tout vulgaire en Liuo-


nie. l'ay encores entre mes papiers la lettre d'vn Ale-

mand penfionaire du feu Roy Henry 11. efcripte au


Conneftable de France , ou il aduertift le Connefta-

ble , que le Roy de Mofchouie auoit pris le paysde


Liuonic,puis adioufte ces mots : In illis locis Herodo

tus Neruios collocare videtur, apud quos dicit homines con-

uerti in lupos , quod eft adhuc vfitatiffimum in Liuonia :

C'eft à dire, c'eft le pays ou Herodote dict que les

hommes font changez en loups, chofe qui est enco

res à prefent toute notoire ,& frequente. Or la pofte-

rité a aueré plufieurs chofes efcriptes par Herodote,


qui fembloyent incroyables aux ancies. Car il dit auſ-

fi qu'il fe trouua des Sorciers,qui par certaines incifios

appaiferent la tempefte, qui ja auoit enfondré plus de


quatre cens nauires de Xerxes .Or nous lifons en O-

laus le Grand au liure 3.chapitre 18.que les Sorciers de

Lappie vendentles vens aggreables, ou tempeftueux,


сп
LIVRE SECOND. 99

en deſnoüant certaines cordes , & que cela eft rout

notoire aux mariniers , pour l'efperience ordinaire


qu'ils en font.Nous lifons auffi en l'hiſtoire de Ichan

Tritefme, que l'an neufcens LXX. il y auoit vn luif

nommé Baian fils de Symeon, qui fe transformoit en

loup, quand il vouloit, & fe rendoit inuifible quand il

vouloit.Or c'eſt choſe bien eftrange : Mais ie trouue

encores plus eftrange , que plufieurs ne le peuuent

croire veu que tous les peuples de la terre, & toute l'a-
tiquité en demeure d'accord. Car non feulemet He-

rodote l'a efcript il y a deux mil deux cens , & quatre


cens ans au parauant Homere:ains auffi Pomponius
Mela, Solin,Strabo , Dionyfius Afer, MarcVaron, Vir-

gille,Ouide, & infinis autres.Et à ce propos dict Vir-

gille.
Has herbas atque hæcponto mihi lecta venena
Ipfededit Maris,nafcunturplurimaponto.
His egofæpelupumfieri, fe condere syluis Marim.

Pline cftonné que tous les Autheurs en eftoyent 3.li.8.c.222

d'accord, efcriptainfi . Homines in lupos verti , rur-


aut
falfum effe exiftimare debemus
fumque reftituifibi
credere omnia, quafabulofa feculis comperimus . On void

bien qu'il n'ofe l'affeurer,craignant qu'on ne le croye.


pas. Car il allegue l'authorité d'Euanthes, & des pre

miers Autheurs entre tous les Grecz, qui dit qu'en Ar-
cadic la lignée d'vn nomé Antæus paffe certain fleu--

ue,&puis fe tourne en forme de Loups , & quelque


temps aprez ils retournent pafferle mefme fleuue , &

reprennent la figure humaine . l'ay remarqué cy def

fus qu'il ne faut que vne Sorciere , pour gafter toute


Bb iij
DES SORCIERS

vne famille: & Copus, qui à efcrit les Olympioniques

dict que Demenetus Parrhafien , apres auoir gouſté

du foye d'vn enfant qu'on facrifioit à Iupiter Lyceus,


fut tourné en loup . Ce que Marc Varonle plus ſçauất
homme de tous les Grecz, & Latis, comme dict Cice

ron,allegue, & tient auffi cela pour indubitable : L'hi.

ftoire d'Olaus le Grand parlat des peuples de Pilapie,

Norbonie,Finclandic, Angermanie, qui font encores

Payens,& pleins de malins efprits, & de Sorciers, dict


qu'ils changent ordinairement d'hommes en beſtes:

& quien voudra voir vne infinité d'exemples, que ic

laiffe pour les trancher plus court , il ne faut que voir


Olaus,Saxo Gramaticus, Fincel, & Guillaume de Bra-

bant.le laiſſe la metamorphofe d'Ouide par ce qu'il a

entremellé la verité de plufieurs fables, mais il n'eft pas

incroyable ce qu'il efcript de Lycaon Roy d'Arcadie


qu'il dict auoir efté changé en Loup,

fugit,nactúfquefilentia ruris,
Territus ipfe
fruftraque loqui conatur.
Exululat ,

Puifque de noftre aage il c'efttrouué vn Roy qui e-

ftoit ainfi chagé, & que cela eft encores ordinaire par

tout:Et ce que dict Homere de la Sorciere Circe, qui

changea les compagnos d'Vlyffes en pourceaux n'eft


5.Lib.18.c.
pas fable:car mefme S.Auguftin ' aux liures de la Cité
17. 18.
deciuit. de Dieu recite la mefme hiftoire , encores que cela

luy femble efträge, & allegue auffi l'hiftoire des Arca-


des :Et dict qu'il eftoit tout comun de fon teps es Al-

pes qu'il y auoit des femmes Sorcieres, lesquelles en

faifant mager certain formage aux paffans, les chan

goyent en beftes pour porter les fardeaux ,puis.apres


les
LIVRE SECOND . 80

les rechangeoyent en hommes . nous lifons vne hi-

ftoire du tout femblable en Guillaume Archeuefque

de Tyr,qui recite la mefme hiftoire, que Spranger In-

quifiteur,qu'il y auoit enCypre vne Sorciere qui mua


vn ieune foldat Anglois en forme d'afne, lequel vou-

lant retourner à fes compaignons dedãs le nauire fut

chaffé à coups de baſtó,& s'en retourna à la Sorciere,

qui s'é feruit iufques à ce qu'o aperceuft que l'afne s'a-

genoilla dedas vne Eglife faifans chofes qui ne pou


uoyét partir d'vne befte irraifonnable, &par fufpicion

la Sorciere qui le fuyuoit, eftant prife par iuftice elle le


reftitua en figure humaine trois ans apres, & fut exe-
cutée à mort. Nous lifons le femblable d'Ammonius

Philofophe Peripateticien, qui auoit ordinairement à

fa leçon vn Afne . Or iln'y à rien plusfrequét en Egy-

pte à ce que difent nos marchans, & mefmes Belo, en


Les obferuations imprimees à Paris, efcript qu'il a veu

en Egypte aux fauxbourgs de la ville du Cayre vn ba-

fteleur qui auoit vn afne auec lequel il difcurroit , &

parloit du meilleur fens qu'il euft: Et l'afne par geſtes,

& fignes à fa voix faifoit cognoiftre, qu'il entendoit


fort bien ce qu'on difoit : Si le bafteleur difoit à l'afne

qu'il choifift la plus belle de la compagnie,, il n'y fail-

loit point apres auoir bié regardé de tous coftez,il al-


doit la careffer: Si le maitre difoit , qu'on aportaft de

Forge pourluy,alors il gábadoit,tout autrement que


les alnes , & mille autres chofes femblables, & apres

que Belonen a bien difcouru , ten diroys ( diril ) en-

cores d'auantage, mais ie crains qu'on n'y adioufte.

point defoy,comme ie ne feroys, li ie ne l'auois veu .


DES SORCIERS

de mes yeux,en prefence de tout le peuple du Cayre.

6.1mfpe- Aquoy s'accorde trefbien ce qu'efcript Vincent,


cul.lib.3, c. qu'il y auoit en Alemaigne deux sorcieres hofteffes,
109.
Fulgofin qui auoyent accouftumé de changer quelques fois
Lib.8. cap. ainfi les hoftes en beftes: & comme vne fois elles chá-
II.
gerent vn ieune garçon baſteleur en afne , qui don-

noit mille plaifirs aux paffans , n'ayant pointperdu la

raiſon,leur voyfin l'achepta bien cher: mais elles di-

rét à l'achepteur qu'elles ne luy garentiroyent pas , &


qu'ils le perdroyent, s'il alloit à la riuiere . Or l'afne

ayant vniour eſchape courut au lac prochain , ous'c-

ftant plongé en l'eau retourna en fa figure.Petrus Da-

mianus des premiers hommes de fon aage , s'eſtant

diligemment enquis de la verité,tant du maiſtre, que

de l'afne, & des sorcieres , qui confefferent la verité,

& de tous ceux qui l'auoyét veu efchapper & retour-

ner en figure humaine , en fift le recit au Pape Leon

VII. & apres auoir difputé d'vne part & d'autre deuat

le Pape,il fut conclud, que cela eftoit poffible,qui fe-

roit bien pour confirmer , ce qui eft efcrit en Lucian

& Apuléc atheiſtes chagés en afnes, & qui ont efcript


comment cela leur aduint par les sorcieres de Larifle

qu'ils eftoyent alle voir,pour effayer, s'il eftoit vray.


Ör l'vn & l'autre fut accufé d'Atheiſme & de sorcele-

rie. Et mefmes Apulec à faict ce qu'il a peu en fon

Apologie, pour ce lauer de cefte accufation de sor-

cier & empoisonneur.Mais quand il parle de ce chan-


gement qui luy aduint, il dict vne choſe bien à noter

en cefte forte , Minus hercule callesprauiffimis opinio-

nibus eaputarimendacia , quæ vel auditu noua , vel viſu


rudia,
LIVRE SECOND .
ΤΟΙ

rudia, velcertè fupra captum cogitationis ardua videntur,

que fipaulò accuratiùs exploraris , non modò compertu euide-

tia, verumetiamfactufaciliafenties. Et peu apres , Prius


deierabofoleistu videntem Deum me vera & comperta me-

morare, ne vos vlterius dubitetis.c.Il fe peult faire , qu'il


aenrichy ſon hiſtoire de quelques contes plaifans:

mais l'hiſtoire en foy n'eſt pas plus eftrange , que cel-

les que nous auons remarquées . Et quant à la traf-

formation d'Apulee,Saint Auguftin au X v111.liure

de la Cité de Dieu , chap.x v111.n'ofe le nyer, ny l'aſ-


feurer.Bien eft il d'aduis , & luy femble , que c'eft vne
faſcination.les autres difent , que cela peut aduenir

veritablement , & naturellement , & alleguent les

changemens de filles en garçons: Ce que nous lifons


см
en Hippocrate in libro Epidemion , cap. VIII . Plin. lib.
v11 . c . 1111. Gelli.libr.1x. cap. 1111. Amatus Lufitanus

Centuria 11. curatione xxxIx. l'en ay remaqué fur

mes cómétaires d'Opian Poete Grec , de Venatione,

huict exemples.mais ilz font tous de filles en mafles,

qui n'eft autre chofe que les parties honteuses com-


mencent àfortir, ayant efté cachées dedans le ventre.

Mais la Lycanthropie n'a rien de femblable, ny cauſe

qui foit naturelle ains le tout eftfupernaturel . Voila


donques la verité du fait en foy , encores qu'il femble

incroyable , & prefque impoffible au fens humain .


Et neantmoins il eft bien certain , que cela eft con-

firmépar l'hiftoire facrée du Roy Nabuchodonofor,

duquel parlant le Prophete Daniel dict,qu'il fut con-


uerti & mué en bœuf, & ne vefcut que de foin l'efpa-

ce de fept ans. Les Arabes tiennent que cela eft pof-


Cc
DES SORCIERS

fible: combien que la Metempfychofe Pythagorique

eft fans comparaiſon plus eftrange , & neantmoins


fouftenue de tous les Platoniciens , Caldeans , Per-

fans,Egyptiens.Plufieurs medecins voyant vne cho


ſe ſi eſtrange , & ne fçachant point la raiſon , pour ne

fembles rien ignorer, ont dit & laiffé par efcript , que

la Lycanthropie eft vne maladie d'hommes malades


les
qui penfent eftre loups , & vont courans parmy
bois : Et de c'eft aduis eft Paul Eginet : mais il faudroit

beaucoup de raiſons, & de tefmoins , pour dementir

tous les peuples de la terre, & toutes les hiſtoires , &


mefmement l'hiftoire facrée que Theophrafte Para-

celfe, & Poponace, &mefmement Fernel des premiers


medecins & Philofophes qui ont efté de leur aage, &

de plufieurs ficcles ont tenu la Lycathropie pour cho-


2. Fernel in fe trefceftaine, veritable & indubitable . Auffi eft.ce
Lib.de Ab
ditis rerum chofe bien fort ridicule de mefurer les chofes natu-
caufis.
relles aux chofes fupernaturelles, & les actions des a-

nimaux, aux actions des efprits & Dæmons. Encores

eft plus abfurde d'alleguer la maladie , qui ne feroit


finon en la perfonne du Lycanthrope , & non pas de

ceux qui voyent l'homme changer en beſte , & puis

retourner en fa figure.Sainct Chrifoftome dit que la


Sorciere Circe auoit tellemét abefty les compaignos

d'Vlyffe par voluptuez beftiales ,qu'ils eftoyent com-


me pourceaux ou il femble qu'il veut dire que la rai-
fon feulement eftoir abeftié , & abrutié , & non pas

que le corps fuft changé. Et toutesfois tous ceux qui

ont efcrit de la Lycanthropic anciens , & modernes

demeurent d'accord, quela figure humaine change


l'efprit
LIVRE SECOND . 102

l'efprit, & la raifon demeurant en fon entier comme


à tre bien dict Homere en l'Odyffee oor

κεφαλὰς φωνής το δέμαςτε καὶ τρίχας αυτὰρ νὃς ἂν ἔμπεδος͵ ὡς

Tò mάç☺ mp, C'eſt à dire, qu'ils auoyent poil , & tefte,


& corps de pourceaus, &la raifon ferme , & ftable .

Ce que dit Boëce difertement , voce & corpore perditis

fola mensftabilifquefempermonftra quæ gemit patitur . Et


par ce moyen la Lycantropie ne feroit pas contraire

au canon Epifcopi xxvi.q.v.ny à l'opinion des Theo-

logiens qui tiennent pour la plufpart que Dieu non


feulement à creé toutes chofes, ains auffi que les ma-

lins efprits n'ont pas la puiffance de changer la forme


attendu que la forme effentielle de l'homme ne cha-

ge point, qui eft la raiſon , ains ſeulément la figure.

Orfinous confeffions que les hommes ont bien la


puiffance de faire porter des roſes à vn ceriſier , des

pommes à vn chou, & changer le fer en acier , & la

forme d'argent en or, & faire mille fortes de pierres


artificielles,qui cobatent les pierres naturelles , doibt

on trouuer eftrange, fi Sathan change la figure d'vn

corps en l'autre, veu la puiffance grande que Dieu luy


donne en ce monde elementaire. Tout cela eft con-
firmé par ' Thomas d'Aquin fur le fecond liure des 9.Difi.7.
ar.5.
Sentences, ou il dict ainfi:omnes angeli boni , & mali ex
virtute naturalibabent poteftatem tranfmutandi corpora

noftra:C'eſt à dire,que tous Anges bons & mauuais


ont puiffance par la leur vertu naturelle de tranfmuer

nos corps.Aquoy fer'aporte le lieu de lefaye , quad il 1.cap. 34.

dict ,que la ville de Babylone fera rafée, & que la dafe

rōt les fées,les luytós les Dæmons & ceux qu'il appel-
Cc ij
DES SORCIER S

leve que l'interpretatio comune de la Bible impri-


mée à Anuers ches Platin, a traduit en François,demy

hommes & demy Afnes.S'il n'y auoit que vne mala-

die, ou bien vne illufion , il ne diroit pas demy home,

& demy Afne.Car tous demeurerent d'accord , qu'ils

perdent la parolle . Et neantmoins ille peut bie faire


auffi quelquesfois, que le Sorcier par illuſion diabo-

lique face que l'homme ſemble autre, qu'il n'eſt: com

me on peut voir en l'hiftoire Sainct Clement, que Sy-


monle magicien fift tellement que tous les amys de

Fauftinian le defcongneurenc : puys il dict à Neron


l'Empereur, qu'il luy fift trancher la tefte , l'affeurant

qu'il refufciteroit le troifiefme iour : ce que fift Ne-


"
ron , comme il luy fembloit : Et trois iours apres il

retourna, dequoy Neron cftonné luy donna vne

ftatue en Romme auec telle infcription , Symoni ma-

go Deo . Et depuys Neron ſe donna entierement aux

Sorcelleries.Or Symon le magicien auoit tellement

faciné les yeux de Neron , & de toute l'affemblee,


qu'ils decolerent vn mouton au lieu de Symon ..A-

pulée recite le femblable derroishommes qu'il pen-

foit auoir tuez , qui eftoyent trois peaux de Bouc,

eftant fafciné par la Sorciere Pamphile:mais telle faf-


cination ne dure que vn moment . Et quand au chan-

gement de la figure humaine en befte, elle dure quel-


quesfois fept ans, come celle de Nabuchodonofor en

Daniel Et puis les actions, le labeur d'vn Alne , que


trois hommes bien forts ne sçauroyent porter la gra

deur,les alleures, & qui plus eft les viandes de foin,.

& de chardons ne peuuent cauenir au corps humain.


Car
LIVRE SECOND. 103

Car le prophete Daniel,& tous ceux qui ont efcript


de telle tranfmutatio,font d'accord qu'ils ne viuoyết

d'autre chofe:bien queApulée efcript qu'il viuoit auf-


fi de viandes humaines , quand il pouuoit en trou-

uer,n'ayant point perdu la raifon . Ioinct auffi , que


la viſteffe des loups , la courfe, la morture des dents

à crocne peuuent conuenir à l'homme : & quant à

ceux qui difent que Sathan endort le corps humain,


& rauift la fantafie, faifant croire que le corps eft cha-

gé,comme quelques vns ont penfe , veu que ceux qui


onteſté bleffez en forme de beftes,fe font apres eftre
rechangez,trouuez bleffez en forme humaine, com-

mei'ay monftré cy deffus : l'un & l'autre fe peut faire


par fois:& fe peut faire,auffi que Sathanaumefme in-

ftant bleffe les corps humains.Et n'y a point d'appa-

rence de dire,que Dieu n'a pas donné cefte puiflance


à Sathan:car c'eft chofe incomprehenfible que le co-

feil de Dien , & la puiſſance qu'il donne au Diable eft


incangneue aux hommes , veu qu'il eft dit en Iob .

Qu'il n'y a puiffance fi grade fur la terre , qu'illuy puif.


fe refifter. Et puis il eft dit,que les Sorciers de Pharaon

fayfayent les chofes que faifoitMoyfe, c'eſt à ſçauoir,

qu'ilz changeoyent les baltons en ferpens , & qu'ils


faifoient des grenoilles.Si ce fuft efté vne eblouiſſe-

ment des yeux,il n'cuft pas dict: qu'ils faifoy et ce que

faifoit Moyle:car Moyfe ne faifoit rien par illufion.

Laine auffi que le ferpent de Moyfe n'eut pas dige-


ré des baftons ,fi les Serpens des Sorciers n'cuffent e-

fté que baftons? Er celuy qui veut accomparer les a-


ctions des efprits aux actios des hommes, eftauffi ab.
Cc iij
DÉS SORCIERS

buzé que s'il vouloit fouftenir que les peintres & au-

tres artizans ne font pas les œuuresgentiles qui coba

tet bien fouuent la nature,parce que les veaux ny les

mulets ne sçauroyét faire chofes femblables.CarDieu


à departi à chacune de fes creatures fes merueilles felő

leur portée.Et s'il faut redre quelque raifo pourquoy


principalement les hommes font pluftoft tournez en
loups & afnes qu'en autres beftes , la raiſon m'afem

blé que les premiers qu'on dit auoir changé de forme


en Loup , mangeoyet la chair humaine en facrifiat à

Iuppiter, qui s'appelloit pour cefte caufe Lyce , come

qui diroit Louuet ce que Platon en la Republique,


Marc Varron & autres autheurs Grecs on laiffé par ef

cript.Auffivoit on que celuy qui fut executé à Dol,

qui chage oit d'home en loup,& ceux de Sauoye co-

fefferent auoir mange plufieurs enfans.Et par vn iufte


iugement de Dieu il permet , qu'ils perdent la figure

humaine,& qu'ils foyent loups ,come ils meritet . Car


de toute ancieneté les Sorciers & Sorcieres ont efté

diffamez d'auoir mangé telles viades, iufques à deter-

rer les corps morts , & les rogeriufques aux os: ce que

Paufanias à remarqué, & dit que c'eftoit vn Dæmon

terreftre:Mais Apulée dict que c'eftoyent les Sorcie-


res.Et quand à ceux, qui chagent en afnes, cela leur ad .
uient,pour auoir voulu fçauoir les fecrets deteftables

des Sorciers.Car comme ceux qui s'amouracherent

de la Sorciere Circe, furent chagez en pourceaux par

vn iufte iugement de Dieu comme ils tiennet en Li-

uonie, que ceux qui frequentent les Sorciers & Lica-

tropes deuiennent en fin femblables à eux . Et quel-

que
LIVRE SECOND. ( 104

que caufe que fe foit, les hiftoires diuines , & humai-

nes , & le confentement de la plus-faine partie des


Theologiens,auec l'experience des iugemens , & de

tant de fiecles, & de peuples, & des plus fçauás, cotrai

gnent les plus opiniaftres à recognoiftre la verité , que


rapporteray.toufrours à la plusfaine opinió des Theo

logiens, qui ne s'accordet pas aux Canoniftes es que-

ftions que nous traittons.Mais en quelque forte que


ce foit ,ilapert que les hommes font quelquesfois
tranfmuez en beftes demeurant la forme & raifon

humaine.Soit que cela ce face par la puifface de Dieu

immediatement , foit qu'il donne ceſte puiſſance à


Sathan executeur de fa voloté.Et fi nous confeffons la

verité de l'hiſtoire facrée en Daniel, qui ne peut care

reuoquée en doute, & de l'hiftoire de la féme de Lot

chagee en pierre immobile, il eft certain que le chan

gement d'homme en Boeufou en pierre eft poffible,


& en tous autres animaux: c'est l'argumét duquel Tho
mas d'Aquin vſe parlant du tranfport fait du corps

de Iefus Chrift fur la motagne, & fur le temple: sileft

poffible en vn, il eft poffible en tous caril eft. dit que


cela fut fait par Sathans!!
SI LES SORCIERS 3 ONT CO-

saloq yashipulation auec les Damons.

LCHAP. VIN

Vcommencement de c'eft œuure nous.

auons dift que Icanne Heruillier natifue de

Verbery pres Compiegne entre autre chos

les,confeffa que la mere qui fut condam-


née d'estre brulée toute viue , par arreft du Parle
01 DES SORCIERIS

ment, coßfirmatifde la ſentence du Iuge de Senlis,

à l'aage de douze ans la prefenta au Diable en forme

d'vngrand homme noir, & veltu de noir,botté , df

pronné,auec vne efpeé au cofté, & vn cheual noinà

la porte auquel la mere dift , Voicy ma fille que ie

vous ay promife:Et à la fille , Voicy voftre amy , qui


vous fera bien heureufe , & deflors que elle renonça

à Dieu, & à la religion, & puis coucha auecques ellet


charnellement , en la mefme forte & maniere que

font les hommes auec les femmes,horfmis que la fe-

mende eftoit froide.Cela dift elle continua tous les

huit ou quinze iours : mefmes icelle eſtant couchée

pres de fon mari,fans qu'il s'en aperceuft.Et vniour le


Diable luy demanda, fi elle vouloit eftre enceinte de

luy, & qu'elle ne voulut pas .l'ay auffi leu l'extrait des

interrogatoires faicts aux Sorcieres de Longny en

Potez , qui furent auffi bruflées vifues , que Maiſtre


Adrian de Fer, Lieutenant general de Laon m'a bail-

lé l'en mettré quelques confeffions fur ce point icy.


Marguerite Bremont femme de Nouel Lauerer a dict

que Lundy dernier , apres iour failly , elle fut auec

Marion fa mere à vne affemblee, pres le moulin Fran-


quis de Longny en vn pré, & auoit fa dite mere vn

ramon entre fes iambes difant , le ne mettray point

les mots , & foudain elles furent tranſportees toutes


deuxaudict lieu , ou elles trouuerent lehan Robert,

Ianne Guillemin , Marie femme de Symon d'Agneau,


& Guillemette femme d'vnnommé le Gras , qui a-

uoyét chacun vn Ramo:Se trouuerent auffi en ce lieu

fix Diables , qui cftoyët en forme humaine , mais fort


hideux
LIVRE SECOND. 105

fort hydeux à voir &c.apres la danfe finie les Diables

fe coucherent auecques elles, & curent leur compa

gnic: & bvn d'eux qui l'auoit menée danfer la print, &

la baifa pardeux fois ,& habira auecques elle l'espace


de plus de demye heure:mais delaiffa aller la femence
bien fortfroide.leanne Guillemin fe rapporte auffi au

dire de celle- cy, & dict qu'ils furent biendemye heu


re enfemble , & qu'il lacha de la femence bien fort
froide: le laiffe les autres depofitions qui s'accordent.

En cas pareil nous liſons au xv1.liure de Meyer , qui

à efcript fort diligemment l'hiftoire de Flandres, que


l'an M. cccc.Lx.grand nombre d'homes & fem-
mes furent bruflees en la ville d'Arras accufees les vns

par les autres , & confefferent qu'elles cftoyent la

nuict tranſportées aux danfes , & puys qu'ils fe cou

ployentauec les Diable qu'ils adoroyent en figure


humaine . Iacques Spranger , & fes quatre compai-

gnons Inquifiteurs des Sorcieres efcriuent qu'ils ont

fait le procés à vne infinité de Sorcieresen ayant faict


executer fort grand nombre en Alemaigne, & mef

mement au pays de Conftance , & de Rauenfpurg,

l'an M.CCCC.LXXX v.& que toutes generalement


fans exceptions confeffoyent que le Diable auoir

copulation charnelle auecques elles, apres leur auoir

fait renoncer Dieu & leur religion . Et qui plus cft,

ils efcriuent qu'il s'en trouua plufieurs , qui s'estoient


repenties , & retirees , fans cltte accufees , lesquelles

confeffoientle femblable ,c'entifçauoiquetes Dia


bles,tant qu'elles auoient efté Sorcieres , auoient cu

copulation auecques elles . Héry de Coulongne con-


Dd
DES OSORCIER S

firmant cefte opinion dit,qu'il n'y a rien plus vulgai


te en Allemaigne, & non pas feulement en Allemai-

gne,ains cela eftoit notoire en toute la Grece & l'Ita

lie.Car les Faunes, Satyres,Syluains, ne font rien autre

chofe,que ces Dæmons, &malins efprits: Et par pro-

uerbele mot de Satyrizer ,fignifie paillarder. Sainct

Auguftin aus.liure de la Cité de Dieu dict , que telle


copulation des Diables audclés femmes eft fi certai

ne, que ce feroit grande impudence d'aller au con-

traire:Voycy ces mots: Et quoniam creberrimafama eſt,


multiquefe effe expertos, vel abeis qui experti effent, de quo-
rumfide dubitandum non eft , audiffe confirmant , Sylua-

nos, &Iunos,quos vulgo Incubos vocant, improbosfæpè ex-

titiffe mulieribus,& carum appetiffe, & peregiffe concubi-

tum . Et quofdam Damonessquos Galli Dufios nuncupant


hanc affidue immundiciem , tentare,& efficere,plures , ta

léfque affeuerant, vt hoc negare impudentia effe videatur.


Geraldus Lilius . & Ifidorus in lib. v . dit lefembla-

ble:mais tous ont failly au mot Dufios, car il faut lire

Drufios, comme qui diroit Diables Foreftiers, que les


Latins en niefme lens ont appellé syluanos.Il eſt vray-
femblable ce que dit Sainct Auguſtin , que nos peres
C
anciennement appelloyent cos Demons & Dia-
bles là Drufios,pour la difference des Druides , qui
demeuroient auffiés bois , Or Sprenger paffe enco

res plus outre,car il dict que plufieurs fois aux chaps


& aux bois les Sorcieres le defcouuroient , & auoient,

compagnée du Diable en plein iour , & fouuent a-

uoient cité veuës denuces par les champs . Et quel


ope quesfois.
LEVRE SEQOND 106

quesfois aufſules maris des trouuoient conjointesa


uccles Diables,qu'ils penforent eftid hemmesid

frappans deleurs clpeds no touchdient tien,Raul Grih


land Iurifconfulte Italien, quiafait le procés à plur
fieursSorcieres recite au liure desSortileges , que l'an

MɖD. xxxvnaû mois de Septembre il fur prie d'un


Abbé de S.Paul pres de Rome faire le procés à trois

Sorcieres, lefquelles en fin confefferent entre autre

chofes,que chacune Sorciere auoit copulario auec le


Diable.Nous lifons auffiend'histoirefaint Bernard,

qu'il y cut vne Sorciere,qui auoit ordinairement có-

paignie du Diable aupres de fon mary, fans qu'il s'en

aperceut.Cefte queftion à fçauoir fi telle copulation


eft poffible , fut traitée deuant l'Empereur Sigif
mond, & ,àfçauoir, fi de telle copulation il pouuoit

nailtre quelque chofe: Et fut refolu , contre l'opinion


de Caffianus , que telle copulation eft poffible &

la generation auffi, fuyuant la glofe ordinaire, & lady


uis de Thomas d'Aquin fur le Geneſe chap. VI., qui

dict que ceux qui en prouiennent font d'autre natu


re, que ceux qui font procrees naturellement Nous li

fons auffi au liure premier chap xxvII . des histoires


des Indes Occidentales , que les peuples tenoyent

pour certain,que leur Dieu Concoto couchoit aucc


les femmes Carles Dieux de ce pays là n'eftoient au-
tres que Diables, Aufiles Docteurs , ne s'accordent

pas en cecy :entre lefquels les vns tiennent que les

Demons Hyphialtes, ou fuccubes reçoiuent la fo


mence des hommes, & s'en feruent enuers les fem-

mes en Dæmons Ephialtes , ou Incubes , comme


Dd ij
dor DIESOSOR CIERS :

dit Thomas d'Aquin,chofe qui femble incroyable:

mais quoy qu'il en foit, Sprenger blcript que les Alle

maus qui ont plus d'experiece des Sorciers,pour yen


auoireu de toute ancienneté, & en plus grand nom

bro que és autres pays, kiennent que de telle copula


tion il en vient quelquesfois des enfans , qu'ils appek
lent Weehfelkind, ou enfans chagez,qui font beau
coup plus pefans que les autres , & font tousiours

maigres & tarroient trois nourrices fans engreffer.


Les autresfont Diables en guile d'enfans, quiont co

pulation auec les nourrices Sorcières, & fouucht on


ne fçait qu'ils deuiennent . Mais quant à telle copu
lation auec les Dæmons fainct Hierofme ,faint Au

guftin ,fainet Chryfoftome , & Gregoire Nazienze-


ne, fouftienfient contre Lactance , & Iofeph , qu'il

n'en prouient rien , & s'il en vient quelque chofe , ce

feroit pluſtöſt vn Diable incarné , qu'vn homme


તેમન
Ceux quiperfent tout ſçauoir les fecrets de nature, &
qui ne voyent goutte aux fecrets de Dieu & des intel-

ligences,difent , que ce n'eft pas copulation auec le

Drable,mais que c'eſt maladie d'Opilation , laquelle


toutesfois ne vient qu'endormant en cela tous les

medecins en demeurent d'accord . Mais celles que

nous auons remarquees par leurs confeffionis , apres


auoir dante auec les Diables à certain Tour & lieu,

quieltoit toufiours affighé auparauant, ne pompient

tomber en cefte maladie . Encores eftil plisridicule

✿e Philofopher amfi , veu querelle maladie ne peut

auor licu,quad Phomme Sorcier à copulation aufe


le Diablecommeauec vne femme, qui n'eſt pas Incu
bc, ou
LIVRE SECOND. 107

be, ou Ephialte , mais Hyphialte , ou Succube , Car

nous lifons en laques Spranger, qu'ily auoit vn Sor

cier Alemand à Confluence,qui en vloit ainfi deuant


fa femme, & fes compaignons , qui le voyoyent en

ceſte action, fans voir la figure de femme , & lequel au

furplus eftoit fort & puiffant. Et mefme Ichan Fran

çois Pic Prince de la Mirande efcript auoir veu vi 3. Pic m

Preftre Sorcier nommé Benoit Berne aagé de lxxx. irin libris


deprano-
ans, qui difoit auoir eu copulatio plus de x L. ans auec tione.

vn Dæmon defguifé en femme, quil'accompagnoit,

fans que perfonne l'aperceuft, & l'appelloit Hermio


Il confeffa auffi qu'il auoit humé le fang de plu-

fieurs petits enfans, & fait plufieurs autres mefchan-


cetez execrables , & fut bruflé tout vif. Et fi efcript
auoir veu encores vn autre Preftre aagé de LXX. ans,

qui confeffa auffi auoir eu femblable copulation

plus de cinquante ans auec vn Dæmon en guife de


femme, qui fut auffi bruflé . Et de plus fraifche me-
moire l'an M.D.xLv.Madeleine de la Croix , natiue

de Cordoue en Efpaigne, Abbeffe d'vn monaftere,

fe voyant en fufpicion des Religieufes d'eftre sorcie-

re, & craignant le feu , fi elle eftoit accusée , voulut pre


uemir, pour obtenir pardon du Pape, & confella que

dés l'aage de douze ans vn málin efprit en forme de


vn More noir la follicita de fon honncur , auquel elle

confentit, & continua xxx.ans & plus , couchant ' or-


dinairementauec luy par le moyen duquel cftant de-

dans l'Eglife, elle eftoit efleuée en haut , & quand les

Religieufes communioyene , apres la confecration


l'hoftic venoit en l'air iufques à elle au veu des autres
Dd iij
DESOSORCIERS

Religieufes ,quila tenoyet pour faincte, & le Preftre

auffi , quitrouuoit alors faute d'vne hoftie , & quel

quesfois auffi la muraille s'entrouuroit pourluy faire


voir l'hoftic.Elle obrint pardon du Pape Paulin.cftat

repontic comme elle difoit.Mais i'ay opinion qu'elle


eftoit dediée à Sathan pardes parens des le ventre dq

1 famere . Car elle confeffa que dés l'aage de fix ans

Sathan luy apparut , qui eft l'aage de cognoiffance


aux filles , & la follicita à douze , qui eft l'aage de pu-

berté aux filles, comme nous auons diet , que leanno


Heruillier confeffa le femblable , & en mefme aage.

Cefte hiftoire a efté publiée en toute la Chreftienté,

Nous lifons vne autre hiftoire de plus freſche me-

moire aduenue en Allemaigne au monaftere de Na-


zareth Dioceſe de Coulongne , où il fe trouua vne
I.
icune Religieuse nommée Gertrude, aagée de x1111 .

ans , laquelle confeffa à fes compagnes , que Sathan


toutes les nuicts venoit coucher auecques elle . Les

autres en voulurent faire preuue, & fe trouuerent fai

fies des malins efprits.Mais quand à la pemiere , lean

Vier,qui efcript l'hiftoire,dict qu'en prefence de plu-

fieurs perfonnages de nom , cftant au monaſtere le


xx v.iour de May.M.D.Lxv.on trouua au coffre de

Gertrude vne lettre d'amours efcripte à fon Dæ-


mo.l'en trouue vne autre hiſtoire au lardin des fleurs

d'Antoine de Turquemede Efpaignol, qui merite d'e.

ftre traduit d'Efpaignol en François, d'vne Damoy-

felle Efpaignolle ,qui cófeffa auffi auoir eu copulatio


auec vn Dæmon eſtant attirée à l'aage de dixhuit ans

par vne vielle Sorciere,& fut bruflée toute vifue fans

repen .
LIVRE SECOND. 108

repentance. Celle là eftoit de Cerdene . Il en met en-


cores vn autre qui fe repentit , & fut mife en vn mo-
naftere. Maiſtre Adam Martin Procureur au ficge de

Laon m'a dict auoir fait le procés à la Sorciere de Bie-


ure,qui eft à deux lieues de la ville de Laon , enlaiu-

ftice du Seigneur de la Boue , bailly de Vermandois

l'an M.D.L. VI.qui fut condamnée à eſtre eftranglée,

puys bruflée, & qui neantmoins fut bruilée viuc par


la faute du bourreau, ou pour mieux dire par le iufte

jugement de Dieu , quifift cognoistre qu'il faut de-

cerner la peine felon la grandeur du forfaict , & qu'il


n'y a point de mefchaceté plus digne du feu : Elle co-

feffa que satha, qu'elle apelloit fon compagnó , auoit


fa compagnie ordinairement, & qu'elle ſentoit ſa ſe.

mence froide.Et peut eftre que le paffage de la . Loy


de Dieu qui dict ,Maudit foit celuy , qui donnera de

fa femence àMolech,fe peut entendre de ceux cy : &

fe peut entendre auffi de ceux qui dediét leurs enfans

aux Diables , carles Hebrieux par le mot de ya , figni

fient aufli les enfans: qui eft l'vne des plus deteftables
mefchancetez , qu'on peut imaginer, & pour laquello

Dieu dit que fa fureur s'embrafa contre les Amor-

reas & Cananeans qu'il rafa de la terre pour telles meſ-

chancetez.Et fe peut faire que les familles , deſquel-

les efcript Pline au liure v 1.chap. 11. qui font en A-

frique, & en Sclauonie, & de ceux qu'on appelle Pfil-

liens, & Ophiogenes, c'eft à dire Enfans de Serpens,

quitiennet les Serpens en leur puiffance , & qui du


regard enforcelent; & fouuent font mourir , font les
enfans dediez, & vouez à Sathan dés le ventre de la
DES SORCIER SI

mere, oufi toft qu'ils font nez , comme en Theffalie ,

depuis que cefte vermine yfut portée par Medee la

Sorciere tante de Circe,on ne l'a iamais peu chaffer.

Carles peres, & meres dedioyent leurs enfans au pa-

rauant qu'ils fuffent nez à Sathan, & continuoyent de

pere en fils telle abomination , & meſmes ils auoyent

acouftumé dedier les premiers nez à Sathan , comme


efcript Ezechiel chap.xx les autres les dedient du vé-
tre de la meré, comme il aduint l'an M. D. Lxxv.

que vn gentil-homme Allemand fe depitant contre

fa femme dift,qu'elle enfanteroit vn Diable . Elle fift


vn monftre hideux à veoir,auffi eftoit il en reputatio

d'eftre vn grand Sorcier. Et au pays de Valoys , & de


Pycardie,il y à vne forte de Sorcieres, qu'ils appellent
Coche- mares, & de fait Nicolas Nobletriche labou-

réur demeurant à Haute-fontaine en Valois m'a dict

que luy eftant ieune garfon,il fentoit fouuent la nuict

tels Incubes , ou Ephialtes , qu'il appelloit Coche-


mares, & le iour fuyuant au matin la vieille Sorciere,

qu'il craignoit, ne failloit pointà venir querir du feu


ou autre chofe, quand la nuict cela luy eftoit aduenu.

Et au refte le plus fain & difpos qu'il eft poffible . Et


non pas luy feul , mais plufieurs autres l'afferment.
Auffinous lifons vnefemblable hiftoire au liure hui-

tiefme de l'hiſtoire d'Efcoffe, eftant quelqu'vn toutes

les nuicts oprimé d'vne Sorciere , en forte qu'il ne


pouuoit crier ny s'en depeftrer,en fin il en fut deliuré

par prieres , & oraifons . Ie mettrois infinis autres

exemples,mais il femble qu'il fuffiſt pour demonſtrer


que telles copulatios ne fot pas illufions, ny maladies.
Mais
LIVRE SECOND. 109

Mais difons files Sorciers ont puiffance d'enuoyer les

maladies,fterilites,grefles, & tempeftes, & tuer hom-


mes & beſtes.

SI LES SORCIERS PEVVENT EN.

uoyer les maladies, sterilitez, Grefles, tempestes , & tuer


hommes & bestes.

CHAP. VIII.

Ovs les Philofophes , Theologiens , &

hiftoriens font d'accord , que les Dæmons

ont grande puiſſance & les vns plus les

autres moyns : les vás plus menteurs què

les autres , les vns plus mefchans que les autres , &

generalement les anciens ont tenu pour maxime que

les Dæmons terreftres & foubterreftres font plus


cruels,plus malins , plus menteurs . C'eſt ce que dit

l'interprete Grec de ἐνυπίω


Synefius in librol lar ν.

οἱ δὲ χαλδαῖοι ψευδείς φασι τον προσγείους δαίμονας ὡς πόρρω

θείας ἀπικισθέντας γνώσεως. C'eft à dire , que les Caldeaus

tiennent que les Dæmons terreftres font menteurs


pour eftre plus efloignez de la cognoiffance des

chofes diuines.Mais nous auos dit cy deffus que tous

les Dæmons font malins, menteurs, impofteurs , en.

nemys du genre humain , & qu'ils n'ont plus de

puiffance que Dieu leur en permet . Et neantmoins

les Sorciers penfent eftre tout- puiffans comme on


peut voir en Luca de la Sorciere Erichtho Theffalien-

ne, & en Apulcé de la Sorciere Pamphile Theffalien-

ne: Saga , dit-il , Diuinipotens cœlum deponere , ter-


Ec
DES SORCIERS

ram fufpendere,fontes durare, montes diluere , manes ſubli-


mare,fydera extinguere , tartarum ipfum illuminare . Et

peu apres parlant de fes ennemis qui la vouloient la-

pider il dict que par prieres , fepulchralibus deuotio-

nibus infcrobemprocurratis ,cunctos in fuis domibus tanta


numinum violentia claufit, vt toto biduo , non clauftra per-

fringi , nonfores euelli , non denique parietes ipfi potuerint


perforari, quoad deierarentfe non ei manus admolituros , &

ficilla propitiata totam ciuitatem abfoluit . Quand à ce

dernier poinct, il eft bien vray & poffible , comme


dictfaint Auguftin auliure de Diuinatione , Accipiunt

fæpe, dit-il poteftatem morbos immittere , & aërem vitian-


do morbidum reddere : de corrompre l'air & enuoyer
JA Car Dieu à dix mille moyens de cha-
des maladies.

ftier les hommes, & de grands threfors de vengean-

ce, comme il dit, tantoft parfoy mefmes , tantoft par


fes Anges,tantoft par les Diables,ratoft par les hom-

mes ,tantoft par les beftes .Bref toute la nature eft pre-
fte à venger l'iniure faicte à Dieu Mais le fondement

de toute l'impieté fur lequelles Sorciers s'appuyent,

& pour lequel ils fe donnent au Diable, font les pro


melles qu'il leur fait de leur donner cefte puiffance,

où leur enfeigner les pouldres,les parolles , les chara-


eres pourle faire aymer,honorer, enrichir, viure en

plaifir, & ruiner leurs ennemys , comme nous auons

dict, qu'il s'eft trouue par la confeffion de plufieurs

Sorciers . Voyla les promeffes qu'il leur fait, quand ils


renoncent à Dieu . Et d'autant qu'il eft le premier

Autheur de menfonge , auffi fe trouue , qu'il n'y a

rien que des impoftures en tout ce qu'il promet horf


mis la
LIVRE SECOND. 110

mis la vengeance , & fur certaines perfonnes feule- )

ment, & tant que Duy luy en donne la permiffion .


Nous en auōs vn million d'exéples en la S.Efcripture,

& en voyos l'efperience à toute heure.Auffi Dieu au


2.10b.c.1.
mylieu de fes Anges ' , entre lefquels fe trouua Sathan , Ꮕ 3 .
comme executeur de fa haute Iuftice, demädant s'il y

auoit homme plus entier, & craignant Dieu,que Iob;

alors Sathan dict, pour neat feroit il autre, veu que tu


as pris la protection , & as enuirõné de hautes murail-

les fa perfonne ,fa famille ,fon beftial ,fes maiſons , &


tout ce qui eſt àluy , en forte qu'il eſt impoſſible de

luy toucher:Mais fitu l'auois laiffé tant ſoit peu , bien

toftilte blafphemeroit.Lors Dieu permit à Sathan ca-


loniateur, vfer de fa puiffance fur ce qui appartenoit à

Iob,horf- mis fa perfonne:Tout foudain & en yn mo-


met Sathan ſe ruina de tour poinct, & non pas peu à

peu:mais tout à coup,luy oftant entieremet tout fon

bien, quoy qu'il fuft le plus riche homme d'Orient,


faifant ruiner toutes fes maifons & tuant tous les en-

fans,famille & beftail pour l'acabler en yn inftant,

& ne luy laiffa que fa femme , fon capital ennemy,

pour le tourmenter & fe moquer de luy : Et neant-


moins Iob dift, le fuis venu tout nud , ie m'en retour-

neray tout nud, Dicu m'a donné des biens, & les à re-

petez, Dieu foit loué de tout.Sathan defpit d'vne co-

ſtance ferme & arrefté propos de louer Dieu entelle


affliction, il va de rechefle calomnier deuant Dieu,

difant qu'il n'y a rien qu'on ne donne pour rache-

pter fa vie:mais fi Dieu l'affligeoit en fon corps qu'il

blafpemeroit bien toft . Alors Dicu luy permift vfer


Ee ij .
DES SORCIERS :

de fa puiffance contre Iob pour l'affliger iufques à la


mortexclufiuemet.Soudain Sathan rendit fon corps

depuis le fommet de la tefte iufques aux pieds tout

en apoftumes & rongnes puantes à merueilles . Tou-


tesfois il ne luy aduint point de blafphemer Dieu

encores qu'il fit de grands regrets. Et apres que Dieu

eut fondé fon cueur & integrité,il luy rendit fa fanté,

force, & allegreffe, & deux fois plus de biens qu'il n'a-

uoit eu :Et luy donna fept enfans mafles , & trois fil-

les, & le fift encores viure cent xlans en paix , & dou !
ceur de vie. Or cefte hiftoire eft bien fort confidera-

ble, & tout le difcours de Iob auec fes amis , & lare-

folution d'iceluy qui eftle plus beau &le plus diuin

qui fut onques.Car on voit en ce difcours que Sathan

ne peut vfer de fa puiffance finon entant, & pourtant,

que Dieu luy permet. Mais fi vne fois il luy laſche la

bride, on void de merueilleux exploits de Sathan: En


quoy plufieurs , qui forment des queftions , & font

des refolutions , que le Diable ne fait pas les chofes

qu'on void à l'œil, & penfent que c'eft offenfer Dieu,

de croire qu'il ayt tant & fi grande puiſſance.Les au-

tres difent que c'eft reuoquer en doubte la parolle de


2.106. cap.
41 . Dieu qui dict , * parlant de Sathan , Iln'y a puiffan ce

furla terre,qui luy foit accomparable.Qui eft vn lieu


bien a noter . Orietiens,qu'il n'y a point moins d'oc-

cafion de loüer Dieu en la puiffance qu'il donne a Sa-

than, & aux actions qu'il faict, qu'il y en en la force &

puiffance qu'il donneau Soleil,aux eftoilles, aux plá-


tes ,aux animaux , aux herbes, aux metaux. Et par ainfi

l'homme de bien oyant tonner, grefler , foudroyer


20 auec
LIVRE SECOND. III

auec tempeftes merueilleufes, & trembler la terre , il

ne dira pas, que c'eft Sathan, encores qu'il foit mini-

ftre peut eftre de telle chofe : Mais il dira que c'eft

Dieu , comme faict Dauid , quand il dict : La voixdu

Seigneur tonnant, va fur les eaux refonant parmy les


nuës des cieux , lentend le Dieu glorieux : La voix du

Seigneur tefmoingne de quelle force il befongne.


Lavoix du seigneur hautaine de hauteffe eft toute

pleine La voix du Seigneur efpart fes flammes de

toute parts, Et les grands deferts profonds faict trem-

bler iufques au fonds.Mais au temple cependất cha-


cun à Dieu va rendant en lieu de trembler de peur

gloire de bouche,& de cueur. Ainfi ferons nous de


toutes les œuures que Dieu fait par fes Anges foyent

bons, ou mauuais, ou par les altres , & autres choles

naturelles, ou par les hommes : Car Dieu benift , &

multiplie fes graces ,faueurs, & largeffes par les bons,

& fesAleaux par les mauuais :Et n'eſt pas moins necef-

faire en la police de ce grand monde,que Dieu diſtri-

bue par fa luftice eternelle les peines aux mefchans,

que les loyers aux bos, & par ainfi quad la Loy dict:
Multi non dubitant magicis artibus elementa turbare, 1.1.4.de
Malefi. Co.
vitam infantium labefactare, & manibus accitis audent ven

tilare, vt quifquefuos conficiat inimicos . Il faut attribuer

la puiffance à Dieu de tout cela, encores que cela foit


fait par le miniftere des Diables , ou autres efprits.

Et faut croire qu'il n'eft rien fait,foit par les Dæmons

Loit par les Sorciers, qui ne fe face par vn iufte inge-

ment de Dieu quile permet,foit pour chaftier ceux


qui le meritent,foit pour tenter, & fortifier les bons.
Ee iij
DES SORCIERS

1. Nullu eft C'est pourquoy Dieu parl ant de fes vengeances . ' 11

malu inci- n'y a point, dit-il, d'affliction ny de calamité , qui


uitate quod
non fecerisne vienne de moy . Or de toutes les actions que les

Dominus. so ciers s'attribuent, il n'y en a gueres de plus figna-

lee,que faire foudroyer, & tempefter , ce que la Loy


2.d.l.4 . de tient pour tout refolu.Et de faict au liure des cinq

Malef.Cod. Inquifiteurs il eft dict, que l'an Mille quatre cens o-


ctante & huict,il aduint au Dioceſe de Conftance yn

orage violent de Grefles,foudres, & tempeftes , qui

gafta les fruits quattre lieues d'eftendue . Tous les

païfans accufoient les Sorciers on prift deux femmes,


I'vne Anne de Mindelen,l'autre Agnés: Eftát préfen,

tees à la queſtion apres auoir denie, en fin cófefferent

feparémet qu'elles auoient efté aux champsen mefme


iour auec vn peu d'eau, & l'vne ne fçachat rie, de l'au-
tre auoiet fait chacune vne foffe, & troublé l'eau de-

das la foffe fur le midy,auec quelques paroles qu'il ne

eft befoin de fçauoir, inuoquat le Diable, & cela fait fi

toft qu'elle furét de retour en la maiſon ,l'orage fur-


uint elles furent bruflees viues.Il fe peut faire que le

Diable preuoyant la tépeſte venir naturellement , les

incita pour le faire craindre, & reuerer . Ce qui eft or-


dinaire à Satha preuoyát la pefte, ou fterilité, oumor-
talité de beftail,faire croire aux Sorciers que c'est par

fa puiffance qu'ilz font venir, ou chaffent la pefte & la


tempefte, & la famine, comme à la verité il fe faict bie

fouuent, mais non pas toufiours. Le mefme Autheur

eſcript en vn autre procés, qu'il fiſt à vne Sorciere du


pays de Conftance, que voyant tous les habitans de

fon village aux nopces, & ſe refiouir à danſer, deſpité


qu'on
LIVRE SECOND . 112

qu'on ne l'auoit inuitee,fe fift tranfporter par le Dia-

ble en plein iour au veu des Bergers fur vne petite mõ

taigne , qui eftoit pres du village , & n'ayant point


d'eau pour mettre en la foffe, qu'elle auoit faicte à fin

d'exciter la tempefte , come elle confeſſa que c'eſtoit


la mode, elle vrina, & mouuant l'vrine dedans la fof-

fe, dift quelques paroles,bien toft apres le ciel , qui e-


ftoit beau, & ferein, s'obscurcit, & grefla impetueuſe-

ment, & feulement fur le village, & fur tous ceux qui

danfoient, & puis la Sorciere s'en retourna au village:


Lavoyant, on iugea que c'eftoit elle, qui auoit fait la

tempefte, & puis eftant prife , les Bergers depoferent

qu'ils l'auoyent veüe tranfporter en l'air, ce qu'elle co-


feffa cftant accufee, & conuaincue, & fut bruflee tou .

te viue.Et fait bien à noter , que la grefle ne toucha

point les fruicts, qui eft au propos de ce qu'on lift in


Fornicario, qu'vn Sorcier confeffa qu'il leur eftoit aifé

defaire latempefte ,parle moye d'vn facrifice au Dia-


ble( qu'il n'eſt beſoin d'eferire. ) Mais il diſoit , qu'ils
a
ne pouuoient nuire par les tempeftes à leur volonté,

nygafter les fruits , combien que les Sorcières , ou


pluftoft Sathan à leur requeſte, & Dieu le permettant,

font quelquesfois perir les fruits, non pas tous,ny de


toutes perfonnes, comme nous dirons tantoft qui
n'eft point chofe nouuelle : Car nous lifons aux dou-

zes tables la Loy expreffe , Quifruges excantaffit , pœnas

dato. Encores la Loy deffend d'attirer la fertilité des

fruits d'autguy en fa terre , comme il appert en cefte

Loy,Ne alienam fegetem pellexeris incantando , & en


autre lieu : Ne incantanto , Ne agrum defraudanto.
DES SORCIERS

Et pour ceſte cauſe Furnius fut acculé par Spurius


Albinus,lequel n'ayant preuue fuffifante , pourquoy

fes fruicts eltoyent toufiours plus beaux fans compa-

raifon que les autres (qui eftoit peut eftre vne illufitó)
il fit venir fes bœufs, charrettes, & feruiteurs en plein

Senat,difant qu'il n'auoit point d'autres charmes , &

fut abfouz, come dit Tite Liue.Mais nous lifons que


Hoppo, & Stadlin, les plusgrands Sorciers d'Allemai-

gne fe vantoient de faire venir d'vn champ en l'autre

la tierce partie des fruicts, come efcript Spranger : Et


neatmoins par tous les procés,ilfe trouue,que iamais
Sorcier n'enrichit d'vn double de fon meftier, come
nous diros tátoft.Nous lifons auffi en Potanus vne hi-

ftoire memorable au liure v.queles François fe voyás

affiegés des Efpagnols en la ville de Sueffe au royau-

me de Naples lors que tout brufloit de fechereffe, &

de chaleur, & que les François eftoyent reduits à l'ex-

tremité par faute d'eau douce,il fe trouua la plufieurs


Preftres Sorciers , qui trainerent le Crucifix parles

rues la nuict ,luy difant mille iniures & blafphemes, &


le getterent en la mer, puis ils baillerent vne hoſtic

confacrée à vn Afne, qu'ils enterrerent tout vif ſoubs


la porte de l'eglife , & apres quelques charmes, & blaf-
phemes deteftables, qu'il n'eft befoin de fçauoir , il

tomba vne pluye fi violente, qu'il fembloit vn vray


deluge:par ce moyen l'Espagnol quita lefiege :lors on
dit,Flecterefinequeofuperos , Acherota mouebo.cefte cou-
ftume de trainer les crucifix & images en la riuiere

pour auoir la pluye fe pratique encores en Gascogne


& i'ay veu faire à Thouloufe en plei iour par les petis
enfans
LIVRE SECOND. 113

enfans deuant tout le peuple, qui appellent cela la ti-

remaffe: & fe trouua quelcun qui ietta plufieurs ima-

ges dedas le puis du Salin, l'an 1557. lors la pluye tōba

en abondáce , qui eft vne fignalee mefchaceté qu'on

paffe par fouffrance , & vne doctrine de quelques Sor-


ciers de ce pays là, qui ont enfeigné cefte impieté au
pauure peuple en chátát quelques chafons come firét

les preftres de Sueffe au Royaume de Naples. Quát au


beftail, ordinairement les Sorcieres le font mourir en

mettát fouz le fueil de la porte quelques pouldres , no

pas que ce foit la force des poudres, qui feroyent plu-


toft mourir les Sorcieres,qui les portet fur elles, que

nopas les animaux qui paffent par deffus. Ioinct auffi

queles Sorcieres les cachent toufiours vn pied fouz


terre,mais il n'y a rie que Sathan, qui en ſoit miniſtre.

le me fuis laiffe dire, qu'il mourut en vne bergerie de

Berry trois ces beſtes blanches en vn moment par ce

moyen :Et non feulement Sathan exerce la puiffance


que Dieuluy donne és tempeftes, grefles, & foudres,
& fur les fruicts & animaux , ains auffi fur les homes,

& principalement fur les meſchans . l'ay dict fi deffus

que les Sorciers , qui furent brufles à Poitiers l'an

M. D. LXIIII. confefferent que aux affemblées,

où ils fe trouuoyent la nuict pour adorer le Diable,


en figure de Bouc, pour la conclufio le Bouc en voix

terrible difoit, Vengez vous,ou vous mourrez .Auffi

confefferent ils auoir faict mourir plufieurs beftes, &

hommes , & difoyent pour excufe qu'il n'y auoit au-

tre moyen de fauuer leur vie:car le propre naturel de

Sathan c'eft d'eftruire, perdre & ruiner , comme dict


F f
DES SORCIER S

3. chap.54. Dieu en Iefaye , l'ay faict & formé Sathan pour rui-

ner,gafter & deftruire: Ce que toutesfois il ne permet


que pour l'execution de fa iuftice . Or le plus meſchất
meurtre entre les animaux c'eft de l'homme , & entre

les homes d'vn enfant innocent , & le plus aggreable

à Sathan , comme celuy que nous auons dict des Sor-

cieres , qui reçoiuent les enfans, & les offrent au Dia-


ble, & foudain les font mourir, auparauant qu'on les

ait preſentez à Dieu ,faiſant croire aux Sorcieres , que

il y à quelque partie des petits enfans ( qu'il n'eſt


befoin d'eftre nommee ) par le moyen de laquelle

partie les Sorcieres penfent faire. grandes chofes.

Et pour monftrer l'impofture impudente du Dia-

ble , Nider efcript qu'il a fait le procez àvn nommé


Stadlin au diocefe de Lausanne,qui cófeffa auoir tué

feptenfans au ventre de la mere : & qu'il auoit faict


auorter auffi tout le beftail de ceſte maiſon là : & in-

terrogé par quel moyen , il diſt qu'il auoit enterré

certaine befte, qui n'eft befoin de nommer , foubs

le fueil de la porte:laquelle fut oftée, & l'auortement


ceffa en toute la maiſon . Nous dirons par cy apres,

s'il eft licite d'vfer de tels remedes :mais il fuffira pour

le prefent monftrer que ce n'eftoit pas la beſte , qui

fut trouuée pourie: attendu que les autres ne mettent


que certaines poudres que Sathan leur baille . Ioinct

auffi que plufieurs Sorciers fe feruent de crapaux,


faire
qui eft vne befte venimeufe , mais elle ne peut

auorter ny mourir de fa poudre en la touchant tout


pied nud, ou auec les mains : ains le Diable met en

l'efprit des hommes ces mefchantes opinions pour


faire
LIVRE SECOND . 114

faire feruir l'homme aux plus fales & ordes beſtes . Car
il est tout vulgaire que les Sorcieres font ordinaire-

ment trouuees faifies des crapaux, qu'elles nourriffent


& acouftrent de liurées. Et les appellent au pays de Va

loys les Mirmilors .Nous lifons en l'hiftoire de Mon-

ftreler qu'il y eut vne Sorciere de Compieigne , qui


fut trouue faifie de deux crapaux baptizez par vo pre-

ftre, dont elle vfoit en fes forceleries : qui fembleroit


ridicule,fi on ne voyoyt tous les iours l'experience de

choſe ſemblable.Et de faict apres que maiſtre Iehan


Martin , Lieutenant de la Preuofté de Laon , cut
condamnéla Sorciere de Saincte Preuue à eftre bru-

flee toute viue, en la faifant defpouiller, on luy trouua


deux gros crapaux en fes pochettes . Et pendant

que i'efcriuois cefte hiftoire on m'aduertit qu'vne

femme enfanta d'vn crapaut, pres de la ville de Laon:

Dequoy la fage femme eftonnee,& celles qui affifte-

rent à l'enfantement, depoferent,&fut apporté le cra-

paut au logis du Preuoft, que plufieurs ont veu diffe


rent des autres. L'hiftoire de Froiffart tefmoigne

aufsi qu'ily cut vn Curé à Soiffons, qui pour le venger

de fon ennemy s'addreſſa à vne Sorciere, qui luy diſt


&
qu'ilfalloit baptizer vn crapaut , & le nommer ,
puis luy faire manger l'hoitie confacree ce qu'il

fift ainfi qu'il confeffa, & autres chofes qu'il n'eſt be-
foin d'efcrire . Depuis il fut bruflé tout vif . Les
2.In
cinq Inquifiteurs des Sorciers recitent aussi que en- 2. malle
maleficaru.
tre autres,ils ont fait le procés à vne Sorciere , qui
confeffa auoir receu l'hoftie confacree en fon mou-

choir, au lieu de l'aualler, & la mift dedans vn pot, ou


Ff ij ·
DES SORCIERS

elle nourriffoit vn crapaut, & mit le tout auec d'autres

poudres, que le Diable luy bailla pour mettre foubs


l'effueil d'vne bergerie , en difant quelques parolles,

qu'il n'eft befoin d'efcrire pour faire mourir le beſtail.

Et fut furprinse,coueincue, & bruflee toute viue . Or

la rufe de Sathan n'eft pas feulement d'efblouir les

yeux, & ofter aux hommes la cognoiffance d'vn vray

Dieu , ains auffi arracher de l'efprit humain toute


religion,toute confcience, & mefmes ce que chacun

croit eftre le vray Dieu,pour ſe faire reuerer foymef-


mes ,ou pour le moins faire adorer aux hommes ce

qu'ils fçauent n'eftre pas Dieu , & ſe fier aux creatures,

les reuerer, & attendre guarifon ou falut d'icelles , &

mefmes les plus ordes creatures.Mais pour montrer

de plus en plus, que les crapaux , ny les hoſties , ny

les poudres diaboliques ne font mourir les animaux,

Ileft tout notoire , que les plus grandes Sorcieres

font quelquesfois mourir en fouflant au viſage, com-


me Daneau à bien remarqué en fon petit dialogue:

mais ie n'approuue pas que c'eft par le moyé des poi-


fons qu'elles ont en la bouche, comme dit Dancau :

Carles Sorcieres en mourroient les premieres , qui eft

vn argument auquel ie ne voy point de refponſe , &

qui peut feruir contre vn certain perfonnaige Italien.

qu'on dit auoir efté des plus grands empoisonneurs

de fon aage, ce que ie ne puis croire , quoy qu'on die,

qu'il à fourny des grands parfums à plufieurs perfon-


nes,qui mouroient apres les auoir fentis, car il feuft

mort tout le premier , veu qu'il faifoit les fenteurs,


file Diable n'euft tué ceux qu'il auoit charge par vne
iufte
LIVRE SECOND.
IIS

iufte permiſſion diuine , de tuer par le moyen de ce

Sorcier, qu'on appellait Empoifonneur. Et mefmes

au procés des Sorcieres foubs Valery en Sauoye , im-

primé , il fe trouue qu'en iettant de la poudre fur les

plantes, foudain elles mouroyent. C'eft pourquoy ic

ne puis eftre de l'aduis de loubert Medecin qui


efcript, qu'il y a des poifons fifubtiles, que en frotrant
Car il
l'eftrier,celuy qui monte à cheual en meurt .
faudroit premierement que ceux qui compofent les

poifons fi fubtiles en mouruffent , & ceux qui tien-


nent l'eftrier,ou qui approchent du cheual meſmes.

D'auantage on void que le beftail paffant fur l'effueil

de quelques poudres ou ferpens , que les Sorciers y

enterrent,meurent. Ce n'eft donc pas la poifon, ny les


os,ny les poudres enterrees qui font mourir; mais Sa-

than à la priere des Sorcieres par la iufte permiffion

de Dieu. Et pour le monftre encores mieux , i'ay vn

procés qui m'a efté enuoyépar le fieur de Pipemont


vertueux Gentil- homme , fait contre Barbe Doré,

qui à efté códamneed'eftre brulee par arreft du Par-


lement l'onziefme Ianuier,M. D. LxxvII confir-

matif de la fentence du Bailly faint Chriftophle , lez.

Senlis:apres auoir confeffé qu'elle auoit faict mourir

trois hommes en fettant vn peu de poudre en vn pa-

pier au lieu ou ils deuoient paffer en difant au nom de


Dieu, & de tous les Diables &c. ie ne mettray pas les

autres parolles . Chacun fçait que le venin, quel qu'il

foit ne peut auoir tel effect, beaucoup moins la pou-


dre feiche Auffi la fentence de condemnation porte,,

que c'eft pour les fortileges dont elle à vé . On void


Ef ij
DES OSORCIERS !

auffi le blafpheme execrable de coioindre Dieu auec

fes creatures en telle priere , & dift auffi quand elle

vouloit garder les autres d'eftre touchez du fort, que


elle difoit au nom du Pere, & du Fils , & Saint Efprit

quand tu pafferas par la que tu ne preigne mal . Or


pour montrer la difference qu'il y à entre les mala-

dies naturelles , & celles qui viennent par fortileges,

on void fouuent ceux qui font enforcelez mourir en

lágueur: & quelquesfois ietter des ferremans, du poil,


des drapeaux, du verre ropu.L'Anglois Medecin des

Princes Palatins efcript que l'an mil cinq cens trente


neuf,il y auoit à Vlrich vn nommé Neffeffer labou-

reur enforcelé auquel on tira de deffous la peau yn


clou de fer, & fentoit de fi grandes douleurs aux inte-

ftins qu'il fe couppala gorge par defefpoir. On l'ou-


urit deuant tous ceux d'Vlrich , & on trouua vn ba-

fton,quattre coufteaux d'acier, & deux ferrèmans , &

vne pelotte de cheueux . Et qui plus eft , Nider qui

faict les procés à vn nombre infini de Sorcieres , dict


auoir veu vne Sorciere,laquelle d'vnfeul mot faifoit

foudain mourir les perfonnes Vne autre qui fift


tourner le méton de fa voifine deffus deffoubs: chofe

hideule à voir.Il ne faut pas donc trouuer eftrange fi

Pamphile Sorciere Theffalienne fift enfler le ventre


d'une femme, comme fi elle cuft deu accoucher de

trois enfans, & porta huict ans ce fardeau.Telle eftoit

la Sorciere Martine qui tua Germanicus , non pas de

vne poifon, comme dit Tacito, ou d'vn œufde coq,

quele mefme Autheur dit auoir efté en grande eſti-

me entre les Gaulois, pour les vertuz qu'ils luy don-


noient
LIVRE SECOND . 116

noient: Mais d'vne puiffance Diabolique , come fiſt

vne certaine Sorciere au Dioceſe de Coſtáce, laquelle

en ſoufflant, rédit vne homme ladre par tout le corps

& qui en mourut toft apres.Spranger & les autres In-

quifiteurs la firent brufler toute viue : & qui plus eft,


Spranger recite qu'il à fait brufler vne autre Sorciere.

aux confins de Bafle & d'Alfatie, laquelle confeffa a-

uoir efté iniurice d'vn bon laboureur: & pource eftát

deſpite le Diable luy demada ce qu'elle vouloit qu'il

fift à celuy qui l'auoit iniurice : Elle fift refponfe que


elle voudroit qu'il cuft toufiours la face enfce . Toft

apres le laboureur fut frappé d'vne ladrerie incura-


ble,& confeffa au luge, qu'elle ne penfoit pas que le

Diable le deuſt rendreladre, qui eft bien pour mon

ftrer que ce n'eft pas par le moyen des poudres , mais


par le moyen du Diable qui fait tout cela , s'accom-
modant au vouloir de ceux qui l'emploient, comme

fi quelqu'vn faifoit tuer fon ennemy parfon compa-

gno: mais Sathan veut que les feruiteurs le priết de ce


faire, & qu'ils mettét la main à l'œuure, qu'ils touchét

la perfonne, qu'ils ayet de fon poil ou de ſes ongles,

ou qu'on prene de luy certaines poudres pour enfer


mer ez os d'vn homme, & les mettre foubs les voutes,

ou bié aux quarrefours.Mais fans la paction auec Sa-

than, quád vn homme auroit toutes les poudres, cara

racteres, & parolles de Sorcieres , il ne fçauroit faire


mourir ny homme ny befte. Et iaçoit que le Diable :

puiffe faire mourir les animaux par la permiſſion Di-

uine,fieft- ce qu'en matiere de Sorciers , il veut qu'ils


preftent leur cofentement,& qu'ils mettent la main àt
DES SORCIERS

l'œuure.Soit pour exéple ce q dit Spráger, qu'il à fait

le procés à vne Sorciere, qui auoit fait mourir vingt

& trois cheuaux à vn marchad de Rauefpurg: elle dit


qu'elle n'auoit fait autre chofe que vne foffe, dedans

laquelle le Diable auoit mis quelques poudres foubs

l'effucil de la porte: quieftoit mettre la main à l'œu-

ure:comme en cas pareil ceux quifont les images de


cire de leurs ennemis, & qui les picquet , & poignent

s'eftant premierement vouez à Sathan , & renoncé à

Dieu , & fait les horribles facrifices qu'ils ont de cou-


tume par cemoyéfot mourir leurs ennemis , fi Dieu

le permet : ce qu'il ne faict pas fouuent : car de cent


peut eftre, qu'il n'y en aura pas deux offenfez , comme

il c'eft cogneu par les confefsios des Sorciers , toutes-

fois ce n'eft autre chofe qu'vn homicide executé par

le Diable,& par les prieres du Sorcier : comme nous


lifons que le procés d'Enguerrand de Marigni fut en

partie fode fur ce point, & vn autre du temps du Roy


François I.en la ville d'Alençon , qui fut bien aueré,

& qui eft au loing recité aux comptes de la Royne de

Nauarre: non pas pour compte, mais pour vraye hi-


ftoire, & les pourſuites qui en furent faites . Et l'an
1.574.au procés imprimé , qui fut faict à vn certain

Gentil- homme,qui fut decapité à Paris , il fut trouué

faifi d'vn image de cire ayantla tefte & le cueur percé

auec d'autres characteres, qui fut peut eftre l'vne des

principalles caufes de fa mort.Et de plus fraiche me-

moire au mois de Septembre dernier , mil cinq cens

ſeptáte huit l'Ambaffadeur d'Angleterre & plufieurs


Fraçois donneret aduis en France , qu'on auoit trou-
ué trois
LIVRE SECOND . 117

ué trois images de cire, ou le nom de la Royne d'An-


gleterre & d'autres eftoyent efcritz , dedans vn fu-

mier,& difoit on que le Curé d'vn village qui s'appel-

le Iflinkton à demye licüe de Londres les auoit faites.

Toutesfois le procés n'eftoit pas encores inſtruit , ny

le faict aueré quand les nouuelles font venues en Fra-


çe:Mais de toutes leshiftoires touchant le diſcours,

il ny en à poinct de plus memorable que celle que


nous lifōs en l'hiftoire d'Ecoffe de Duffus ' Roy d'Ef- 2.Beët. lib.

coffe, auquel aduit vne maladie qu'il ne pouuoit dor. ".


mir la nuit,iaçoit qu'il beut & mangea fort bié, & que

de fa perfonne il fuft allegre & difpos, neatmoins fans


autre douleur il feichoit, & toute la nuict fondoit en

fucur.En fin ilfuruint vn bruit que les Moraues,l'en-

tens ceux d'Ecoffe alors ennemis des Ecoffois, & qui

font long tépsa,vnis àla couroune d'Ecoffe,auoient

des Sorcieres à gages pour faire mourir le Roy d'E-


coffe :On euoye Ambaſſadeurs en Morauie au bourg
de Forres, ou les Sorcieres rotiffoyet vne image de ci-

re portant le no du Roy, & verfant deffus vne liqueur:

dequoyDouenald Preuoft du lieu,aduerty par les Am

baffadeurs, les furprint fur le faict, & apres auoir con-


feffé,elles furent bruflées toutes vifues , & au mefme

inſtant le Roy d'Ecofle recouura fanté. Carle iour fut

remarqué, & femble que Meleager fut bruflé en ceſte


forte peu à peu , lors que la Sorciere Althea faifoit

brufler la fouche fatalle . Car il fembleroit que ce fuft

vnfonge, fitelles images n'auoiết auffi efté pratiquees


de toute ancienneté. Mais Platon en l'onziefme liure
3.Lib.11.de
des Loix, confirme ce difcours des images decire que leg.

Gg
DES SORCIER S

font les Sorcieres, & ne faut s'efbahir coment cela fut

fçeu.Car les Sorciers en leurs affemblees rendent co-

te de toutes leurs actions qu'ils font, come l'ay verifié

cy deffus & de tout ce qui a efté faict en quelque lieu


de la terre que ce foit, comme il fut defcouuert en Or-

leans en laffemblee des Sorciers de Clery.Nouslifons

en cas pareil en Spranger , qu'il y auoit vn Sorcier

qu'on appelloit Punber, au village de Lendembourg


en Allemagne , auquel Sathan auoit apris de tirer à

coups de traict le Crucifix au iour du grand Vendre-

dy, & que par ce moyen & de quelques parolles qu'ik


ne faut fçauoir, il pouuoit tirant en l'air, tuer tous les
iours trois hommes les ayant veuz & cogneuz , auec

vn ferme & acrefté propos de les faire mourir, enco-


rese
es qu'ils feuffent enfermez en la plus grand fortereffe
du monde.En fin les païfans du village le demébre-

rent en piéces fans forme he figure de procés apres

auoir commis par luy plufieurs homicides : c'eftoit

l'an mil quatre cens vingt , lors que les Allemans s'a-

genouilloyent encores deuant le crucifix . Car il n'y à

gueres moins d'impieté , d'offencer ce que on penfe


eftre Dieu, que d'offencer Dieu d'autant que cela ce
faict en depit de Dieu , qui regarde le cœur & l'inten-
tion, qui eft le fondement de toutes actions bonnes

& mauuaifes, comme dit Thomas d'Aquin . On fçait

affez , que à parler proprement Dieu ne peut eftre of


fencé & tout ainfi que ceux qui crachent cótre le ciel,

ne fouillent point le ciel: ains l'ordure tombe fur eux :

auffi l'offence qu'on penfe faire à Dieu, tombe for la


tefte de celuy qui lafait.C'eſt pourquoy tels Sorciers,
qu'on
LIVRE SECOND . 118

qu'on appelloit Archers,nefe trouuent plus en Alle-

maigne, depuis ,que ceux qui les tirent ne croyet pas

que le crucifix foyt Dieu,ou qu'il ayt quelque diuini-


té en luy pour l'adorer, c'eft à dire fencliner deuant

luy: comme ils faifoyent au parauant que la religion

euft chagé. On peut auffi doubter pourquoy les Sor-

ciers de noftre temps ne peuuet faire les tours de paf-

fe paffe, & les faits eftranges que faifoit vn Simon le

Magicié,vn Appollonius de Thyane,vne Circe , vne

Medee & autres Sorciers illuftres. Il me femble qu'il y

a double raiſon la premiere que i'ay leu par vn proces

de Senlis ,que cela le fait felon le marché qu'on a auec

Sathan, & à qui le feruira mieux , & qui fera plus d'e-

ftranges mefchancetez: l'autre que Dieu ne donne pas

telle puiffance à Sathan fur les peuples qui le cognoif

fent, que fur les payans. Nous auons dictau premier


liure des moyens diuins, naturels, & humains de pre-

uoir & preuenir les chofes futures, & qui font permis
& licites :Au fecód liure nous auos traicté des moyés

illicites & deffendus par la Loy de Dieu: difons main-

tenant les moyens licites d'obuier aux Sorceleries, &

d'y remedier quand le mal eft cogneu.


Gg ij

"
LES MOYENS LICI-

TES D'OBVIER AVX SOR-

CELLERIES,

LIVRE TROISIES ME.

CHAPITRE PREMIER.

ES Hiftoires nous apprennent que

les Sorcelleries ne font pas nouuel-

les maladies, ains au contraire qu'il y


en auoit anciennement cent pour

vn encores qu'il y en ayt beaucoup à

prefent.Car nous voyons en la Loy de Dieu , qui eft

publice,ily a enuiron trois mille cent cinquante ans,


que la Chaldee, l'Egypte , la Paleſtine en eftoient infe-

&
tees, & par les plus anciennes hiftoires on void que le
pays de l'Afie Mineur, la Grece , l'Italie, qui n'eftoient

encores qu'à demy peuplez ,eftoient ja remplis de cc-


fte vermine.Nous voyons les defeces & peines rigou-

reuſes ordonnees par la loy de Dieu cótre les Sorciers,

& les mefchancetez execrables , pour lesquelles la fu-

reur de Dieu s'embraza , pour extirper de la terre les

Canancans : non pas pour les idolatries , ou autres

pechez qui eftoyent alors communs à tous les autres


2
:
2.Deut.18. peuples mais il eft expreffement dict que ce fuft

pour les Sorceleries abhominables dont ils vfoyent.


Nous
LIVRE TROISIES ME. 119

Nous voyons au parauat & depuis la guerre de Troye

qui fut enuiron deux cens ans apres lapublication de

la Loy de Dieu les Sorcelleries cruelles de Medee,les


transformations de Circe, de Prothee ; & les Necro-

mantiens Theffaliennes : & qui plus eft nous lifons en


l'hiftoire de Tite Liue,Dionyf.Halicarnaffeus, & de

Plutarque, que Romulefuttranfporté en vn courbillo

de tempefte & plufieurs autres que nous auons re-

marquez cy deſſus.Et ce qui eft plus eftrange , ceux

qui cftoyent par les Dæmons rauis en efprit , comme


nous auons dit, ouemportez en efprit , & en corps,

& ceux que le Diable tenoit affiegez,ou qui parloyét

en eux, eftoyent par le menu peuple reputez Diuins.

Onvoitcomme Hipocrate au liure de Morbofacro,


abhomine les Sorciers . On voit que Platon entre les

Payens en afaitvne trefbelle Loy en l'onziefme liure

des Loix, ou il veur que les Sorciers qui par charmes,

parolles, & ligatures, par images de cire enchantet &


charmet, ou qui font mourir les homes ou le beſtail,

foyết mis à mort.Depuis lequel teps tous les Philofo-

phes d'vn confentemet ont condané la Magic, & fait


brufler les liures,come on peutvoir en la Loy Catera

familiabercifcunda.ff.lablique, Porphire, Procle , Aca-


demiciés, & les autres Philofophes Payens s'accordet

qu'il faut fuir les Sorciers & malins efprits comme

nous auos dit.cn forte que les Sorcelleries & Sorciers

furont deſcriez, & futerpourfuiuys pár Iuſtice ſoubs


Empire de Tibere, comme nous lifons en Tacite, &

encores plus viuement foubs Domitian l'Empereur,

qui en filt recherche diligemment , & puis foubs


Gg iij
0 :1 MDES 2S ORCIERSVIJ

11. prims Diocletian ' : mais bien plusrigoureufement quad lest

de Malefi- Empereursreccurent la foy Chreftienne . Alors les


cis.C.
teplez & oracles furentralez , les facrifices des Payes,

& toute la fcience Arufpiciene & Augurale declaree


illicite , auec deffences d'en yfer fur peine de la vic
2.l.nemo a . aux Arufpices , & d'eftre confinez à ceux qui de-

ruspicem , manderoyent confeil aux Augures & Arufpices , qui


cod. C.
n'eftoient pas entre les Chrefties reputez fimefchans
beaucoup presque les Sorciers, qu'on difoit Malefi
3.l.nemo a- ques , qui furent alors condamnez d'eftre ' bruflés
rufpex,eod.
C. tous vifs , & depuis auffi les Arufpices furent condam-

nez à mefme peine , & les autres expofez aux beſtes.

4.l. multi, Ainfi void - on que apres la publication de la loy de


cod.
Dieu & de la religion Chreftienne, non feulemet on

commença d'auoir en horreur ce qu'on auoit adoré,

ains auffi au parauant la publicatió de la loy de Dieu


les Payens mefmes auoyent en horreur les Sorcele-

5.in d.l.iteries & diuinations: car Vlpia ' quoy qu'il fuft Paye &
apud Labeo ennemy capital des Chreftiens, & quià compofe fept
§.fi quis a-
froldein- liures de la punition des Chreftiens : Neantmoins
iuriis.
auoit en horreur la Sorcellerie & toute diuination ,

qu'ils appellent illicite, quand il dit que le Deuin qui

aura dit de quelcun qu'il a derobé la chofe perdue, il


ne fera pas quitte pour vnd action d'iniure, mais il fe-

ra puny felon les Ordonnances qui lors eftoient ia


faites contre les Diuins Eciaçoit qu'il y euft yne Sor14
.

ciere nommee Marthe du temps de Marius, qui pro-

mettoit victoire fur les ennemys par les moyesqu'el

le difoit fçauoir:fi eft ce que le Senat ne voulut pas

qu'elle fut employee ,yn tel cas comme nous lilõs en


Dion .
LIVRE TROISIESME.
120

Dion.Et les Perfés qui eftoient plus infectez de ceſte

vermine, en fin vferent contre les Sorciers des fup-

plices les plus cruels , rompans lateſte des Sorciers ent

tre deux pierres , comme die Plutarque.Mais la publi


catió de la Loy Diuine à bien fort diminué la puiſſan

ce de Sathan, & les peuples qui ont longuement des

meuré, ou qui ſont encores Payans , ont auffi fort long

temps efté, & font encores fort trauaillez des malings


efprits iour & nuict , comme au pays de Noruegue,
Finflandie, Pilapie & autres regions Septentrionales ,

& aux Iflès Occidentales , come on peut voir en l'hi

ftoire d'Olaus le grand & en l'hiftoire des Indes , mef

mement au pays du Brezil & autres pays circonuoì-


fins, ou ils facrifient encores , &mangent les hommes .

C'eſt chofe eftrange , dit hiſtoire , comme ils font

tourmentez en toutes fortes des malings efprits: &au

patauant que Charles le Grand cult ofté d'Allemai-

gue le Paganifme, elle eftoit replie de Sorciers, com-

me on peut voir aux Loys saliques , & aux chapitres


de Charlemaigne, & aux Commentaires de Cæfar.Et

qui voudra diligemment confiderer le chapitre qua-


rante & vnieſme de Iob, & difcuteries allegories des

proprietez de Behemoth & de Leuiathan , que tous

interpretent les ennemys du genre humain, du corps

& de l'ame, il pourra defeouurir de beaux fecretstou

chant la proprieté des efprits malings.Heft dit que lá


force Behemoth eft en fes reins , en fon ventre , .&

en fa queue qui fignifie la cupididité & partie beftia-


le.Et comme les anciens Hebrieux diforet que satha .

àla puiffance des voluptez beftiales Puis il eft dit que


DES SORCIERS :

Dieu qu'il a fait, le frappe de fo coufteau, qui eft fa Pa-

rolle:& qu'il eft veautre entre les marefcages , qui fi-

gnifie les vices & immondicitez,aufquelles Sathan fe

delecte.Puisil eft dit que les montaignes , qui figni-

fient en l'efcriture , les Princes arrogans & hommes

fuperbes luy donnent paſture . Et à vray dire, c'eſt

leplus ordinaire gibbier deSathan:Il eft dit auffi qu'il

s'efgaye fous les arbres feuilleus, & aux ſauſayes. Or

en l'efcripture les arbres feuilleus fignifient les hipo-


crites,qui n'ont rien quela mine: & les faufayes qui ne
portent aucun fruit.Et toutesfois il eft dit qu'il a la

veuë hebetés,pour monftrer que la Prophetic verita-

ble n'eft point es oracles de Sathan: c'eft pourquoy le


Prophete Baleham beniffant le peuple de Dieu di-

foit,Opeuple heureux qui n'as point de Sorciers , ny


d'enchanteurs, mais à qui Dieu reuele les chofes fe-

cretes par vifions quand il eft befoin , & fans y faillir.

D'auantage il eft dict , qu'on peut boucler ailement

par le nez cefte befte,pour monftrer qu'il ne faut pas


craindre Sathan.Et de Leuiatha, qui nefe contéte pas

des corps,ains attéte aux ames:Il eſt dit. Feras tu trait-

té auec luy pour t'en feruir toufiours; C'eft pour ceux

qui penfent auoir les efprits familiers en leur puifface

come efclaues. Quát à ce qui eft dit que Sathan cher-

che les Princes fuperbes & hommes hautains, cela s'eft


veu,&voit encores que les Princes qui ont laiffé Dieu

ſe laiſſent captiuer miſerablement àSathá par le moy-


en des Sorciers; & s'en trouue beaucoup qu'il à pipez,

fçachant bien que le peuple eft tel que le Prince. Et fi


le Prince eft Sorcier , les mignons & courtisans , puis

le peuple
LIVRE TROISIES ME. 121

le peuple y eft attyré, & par confequent à toutes im-


pietes:Suetone dit que Neron fut cinq ans bons Prin-
ce.Et de faict Trajan difoit qu'il ne trouuoit point

fon pareil és cinq premiers ans mais depuis qu'il fe


fut adonné aux Sorceleries, dit le mefme Autheur, ia-

mais il n'y eut Sorcier quien fuft plus diffamé , & ſa

vie auffi fut la pl deteftable, & fa fin la plus mifera-

ble que de Prince de fon aage.Car Pline faifant recit


de pluſieurs Sorcelcries, & de la vertu qu'on leur dõ-

ne il dit, Quæ omnia ætate noſtra Princeps Nero vanafal

fáque comperit:primùm imperare diis concupiuit.Nemo vn-

quam vlli artium validiusfauit.Puis apres il dict, Imme-

fum & indubitatum exemplum eft


falfa artis quam dereli-
quit Nero. & peu apres : Nam homines immolare etiam

gratiffimum illi fuit . Il parle de la Magie & Sorcellerie.

Or iamais Sathan ne faut à donner loyer aux fiens tels

qu'ils meritent, & les induyre à toutes les cruautés, in-

ceftes & parricides qu'il peut, tel que fut Neron . Car
les Sorciers & Diables luy faifoyent entendre , qu'il

falloit faire beaucoup de tels homicides, cruautez &

parricides, pour viure en feureté de fon eftat : ce que


les Sorciers confeillent encores a plufieurs Princes de

procurer meurtres & cruautes , & donner graces de


toutes mefchancetes.Mais ordinairement les Sorciers

font chaftiez par les Princes, qui leur demandent con-

feil : craignans qu'ils parlent trop , ou pour eſſayer fi


leurs diuinations font veritables: comme fift Domi .

tiã au Sorcier Afcletarion , qui auoit predit à l'Empe-


reur qu'il feroit tué bie toft. L'Empereur luy demáda

de quelle mort deuoit mourir Afcletarion : Il refpon-


Hh
DES SORCIERS

dit qu'il feroit va iour mangé des chiens : foudain

l'Empereurle fift tuer: & fut mangé des chiens cafuel-

lemét apres la mort, ce qui efpouuanta bien fort Do-

mitian. Vnautre Sorcier de Tibere en vſa plus fine-

ment: car comme Tibere l'euft mené en vn precipi .

ce haut & gliffant ,il demanda au Sorcier s'il fçauoit

bien quand il mourroit: le Sorcier refpondit qu'ile-

ftoit au plus grand danger de fa vie qu'il auoit iamais


efté: car Tibere auoit deliberé de le faire precipiter

foudain , s'il cuſt autrement refpondu , comme dit

Suetone. Et quoy qu'il en foit, on à veu fouuent que

les Sorciers ont predit & affeuré le iour de leur morr,

& la façon. Il y en a mil exemples , mais n'en trouue

point de plus recent, & qui foit aduenu plus pres d'i-
cy que d'vn Sorcier de Noyon, qui aftoit familier de

l'Eucfque de Noyon de la maifon d'Hageft , & pen-

fant euiter la mort, il alla le iour que Sathan luy auoit

denoncé qu'il feroit tué , en la maifon de l'Eueſque,

auquel il dift qu'il debuoit cftre tué ce iour là : & apres


auoir difné à la table de l'Euefque,fur la fin il furuint

quelcú le demáder pour parler à luy il fift refpófe que


il montaſt.ce qu'il fiſt, & en parlant à luy , il tua entre
deux portes le Sorcier.le tiens l'hiftoire de M. Louys

Chatelain Lieutenant de Noyo & de plufieurs autres,

qui me l'ont affeuré. Il faut donc pour cuiter ces mal-

heurs prefcher la Loy de Dieu fouuét & imprimer ſa


crainte aux grāds , aux moyens,aux petits, engrauer au
cœurfa fiance furtout :car s'il eft ainfi que le nó de ce.

.
grád Dieu terrible & tout puiffant pronocé à bonne

intétio, & par celuy qui crait Dieu, chaffe les troupes
des
LIVRE TROISIES ME. 122

des Diables & Sorciers , come nous auons monftré cy

deffus eftre aduenu plufieursfois, cobie faut il efperer

qu'il s'efloignera oyat prefcher, lire, publier & parler


des louanges & des œuures de Dieu . Voila donc le

plus grand & le plus beau & le plus aifé moyen de


chaffer & Sorciers & Sorcelleries, & malefices, & ma-

lings efprits d'vne Republique: car tat que les blafphe


mes d'vn cofté, & l'atheifme d'autre coſté aura credit

ilne faut pas efperer de chaffer les malings efprits , ny

les Sorciers, ny les peftes, ny les guerres , ny les fami-


nes:non pas qu'il foit poffible de chaffer du tout les

Sorciers, qu'il n'y en ait toufiours quelques vns , qui

font tout ainfi que les crapaux & couleuures en terre,


les arraignes és maifons, les chenilles , & les mouches

en l'air, qui font engendrees de corruption & qui at-


tirent le venin de la terre, & l'infection de l'air: Mais la

terre bien cultiuce , l'air purifié, les arbres netoyez ne

font pas tantfubiects à cefte infection : & fi on laiſſe

peupler la vermine,elle n'attire pas, ains elle engendre


la corruption & infecte tout. Ainfi le peuple elt tref

heureux qui a de fages Gouuerneurs , de bons magi-

ftrats , & fur tout de bons pafteurs , qui le fçachent


bien inftruire : alors les malings efprits ny feront pas

lóg feiour:Mais il fe faut bien garder d'efcouter ceux

qui prefchent que ce n'eft que illufion, ce qu'on dict

des Sorciers, comme prefchoit ce Docteur Sorcier,


duquel nous auons parlé cy deffus , qui confeffa que

le Diable l'auoit inftruit à prefcher ainfi.Et tout ainſi


que Dieu enuoye les peftes,guerres , & famines par

le miniftere des malins efprits,executeurs de fa Iufti-


Hh ij
DES SORCIERS

ce,auffi faict il des Sorciers, & principalement quand


le nom de Dieu eft blafphemé , comme il eft à pre-

fent par tout , & auec telle impunité & licence que

les petis enfans en font meſtier. Or toutes les meſchá-

cetez ,parricides,inceftes , empoisonnemens , meur-


tres,adulteres, ne font pas figrandes , ny tant puniffa-

bles à beaucoup pres que les blafphemes , comme les


Theologiens demeurent d'accord . Car les autres mef-

Samuel. 2. chancetes font premierement contre les hommes ,

cap. comme difoit Samuel, mais les blafphemes font di-


rectement contre l'honneur de Dieu , & en defpit de

luy Car c'eſt le mot ordinaire duquel on vſe . Et d'au-

tant que cefte impieté là regnoit du temps de Char-


les.9.plus que iamais , le Roy Henry troifieme à fa

venue fiſt vn edict tresfainct contre les blafphe-


meurs , mais l'execution en a efté mefprifee au grand

- honneur de Dieu & impunité des blaſphemeurs :


def

aufquels il ne fuffit pas d'auoir audacieuſement renie

Dieu, s'ils n'adiouftent que c'eft de bon cœur & s'en

trouue encores qui blafphement en rime, comme vn


nommé Bourfier de Troye en Champaigne . Il fut

prins blafphemant le Vendredy Sainct l'an mil cinq


cens foixante neuf, & condáné d'auoir la leure fendue
1
d'vn fer chaut, & a faire amende honorable , & payer

cinq cens liure d'amende, dont il appella : & depuis

s'enfuit des prifons.toutesfois Dieu voulut qu'il fut


reprins fept iours apres, & par arreft de la Cour fut

dict mal iugé, & en amendant le iugement, il fut con.


damné à faire amende honorable en chemife , & a-

uoir la langue percee d'vn fer chaud, & apres pendu &
eftran-
LIVRE TROISIES ME. 123

eftranglé.Mais depuis d'vn million il n'y en a pas vn


executé: Et toutesfois la loy de Dieu dict que celuy Zenir. 24.

qui aura nommé Dieu par mefpris ,fera lapidé, qui eft

la plus cruelle mort de toutes : comme dict Moyfe

Maymon '.l'ay bien voulu remarquer cefte impieté, more.


3.4.3 . Ne-

qui eftvniuerfelle en tout ce Royaume, & toutesfois

impunic.Nos peres difoyent anciennement en tous


tesleurs actions & entreprinfes, s'il plaift à Dieu , & à
l'iffue des affaires, Loué foit Dieu , & en prenant con.

gé & faluant , Dieu vous gard , au lieu que les Grecs


difoient,x ,reiouiffez vous, & les Hebrieux

paix foit auec vous : qui eft la falutation de tous les

peuples d'Afie & d'Afrique: qui en font le mot Turc


& Arabefque corrópu de la lágue Hebraique . Schala

malec.Les Italiens & Efpaignols baifent les mains &

les pieds, mais ie ne trouue point de meilleure couftu

me que la noftre, & qui eft de merueilleufe confequé-


ce , come nous auons monftré par trois ou quatre exe-

ples, que ceux qui auoiết eſté menez aux Sabbats par

leurs fémes, ne fachant que c'eftoit en difant, Hé mon


Dieu qu'eft cecy? auroyent chaffé tout l'affemblee des

malings efprits & les Sorciers: mais auffi il n'y à blaf-

pheme pl' mefchat que d'appeller Dieu pour faire vn


fortilege, ce que les Sorciers ne font iamais , fino en

le coioignat auec fes creatures , ou bien enl'inuoquát

pour faire vne mefchanceté , ou commes quelques


Poetes qui en font vne interiectio en chofes vilaines,

qui eft vn blafpheme contre le nom de Dieu.


Voyla en general le moyen d'obuier aux forcelle-

ries mais en particulier chacun doit inftruire la famil


Hh iij
DES SORCIERS

le à prier Dieu matin & foir, benir, redre graces à Dieu

deuant & apres les repas: & donner pour le moins vne

ou deux heures en vn iour de la fepmaine , à faire lire

la Bible par le chef de famille, en la prefence de toute


famille come il eft cómádé par la loy de Dieu. La cou-
ftume ancienne de nos Roys , & qui fut mieux prati

quee q iamais par S.Louys en fa ieuneffetendre, eftoit

que le Roy en fortant du lict,s'agenouilloit, requerat


pardo de fes pechez, & remerciat Dieu de l'auoir gar-

dé la nuict , & le priát de luy continuer fa faincte gar-


de: cela faict, on lifoit la Bible pendát que le Roy s'a-
billoit. Cela eftoit d'vne merueilleufe.confequence à

toute la Republique en general, & à chacune famille

en particulier de faire le femblable.Car le peuple fuy-


ura toufiours l'humeur de fon Prince, iufques aux pl

deteftables pariures, & blafphemes:comme il y auoit

vn Prince quoy qu'il fuft au refte debonnaire qui n'a-


uoit que le Diable en tous les fermos qu'il faifoit , qui

eft vn blafpheme deteftable d'appeller , & de iurer le

Diable, comme plufieurs font: & quelquesfois le Dia


ble les emporte eftans encores pleins de vie , ainſi

qu'il fiſt l'an mil cinq cens cinquante & vn en Alle-

2.Vier inli, maigne au pays de Wildftudie, d'vne femme qui iu-

depraftig. roit le Diable inceffamment, elle fut emportee deuant

tout le peuple.Et en cas femblable comme vn hoſte

ayant defrobé la bourfe d'vn quilogeoit chez luy , &


& qu'il fe donnoit au Diable en plein iugement s'il

eftoit vray, le Diable l'emporta, & depuis n'a efté veu.

3 vier.ibi. ' Fernel en recite vn autre d'vn ieune enfant qui fut
Ab-
4.de - emporté en appellant le Diable.Voylaquant aux fa-
milles
LIVRE TROISIE SME. 124

milles, pour clorre la porte non feulement des villes,


ains auffi de chacune maiſon aux Sorciers & fortile-

ges. Ily a bien encores vn autre remede , c'eft de ne

craindre aucunement Sathan , ny les Sorcieres . Car il

n'y a,peut eftre,moyen plus grand de donner puiſſa-

ce au Diable fur foy, que de le craindre: Auffi c'eft fai-

re iniure à Dieu que de craindre le Diable . Et pour

cefte caufe plufieurs fois en la Loy de Dieu , il eſt ex-


preffément defendu de ne craindre aucunement les

Dieux des Payens , qui ne peuuent ny bien, ny mal fai-


rc. Et de fait on à veu fouuent, & fe voit tous les iours

que la Sorciere ne peut nuyre à celuy qui l'accuſe , &


qui la foulle aux pieds,fçachant qu'elle eft forciere . Il
Y a bien auffi vn autre moyen que les forcieres cons

feffent que celuy quieft aumofnier, ne peut eftre of


fencé dès fortileges ,encores que d'ailleurs il ſoit vi-
cieux. Vierius Protecteur des forcieres efcript au li-

ure quatriefme, chapitre dixiefme, que les religieufes


de Werter au Comté de Hornes ,furent tourmen-

tees des malings efprits trois ans & plus : Et fut re


marqué que l'occafion entre autres vint de ce qu'on
prefta à vne pauure vieille forciere vne liure de fel,

qu'on ne penfoit point eftre forciere, à la charge que


elle en rendroit trois liures deux mois apres: ce que

fit la forciere. Alors les religieufes trouuerent de la

dragee de fel femee en leur Monaftere , & au meſme

inftant furent affiegees des efprits malings. Non as


que ce fut lafeule occafion, mais eftant diffamees de

plufieurs vices encores il fe trouua qu'au licu de fai

re aumofne, elles preftoient à vfures aux pauures.C'ef


DES SOR CIERS.

pourquoy les Sorciers qui font contraits par Sathan

de mal faire,tuer, empoifonner hommes & beſtes, ou

bien eſtre tourmentez fans relache quand ilsn'ot poit

d'ennemys, defquels ils fe puiffent venger, ils vont de


mander l'aumofne, & celuy qui les refuze , ayant de-

quoy donner,fera en danger ,pourueu qu'il ne fache

qu'ils foient Sorciers. Car le Sorcier n'a point plus de


puiffance quefur celuy qui luy donne l'aumofne , ou

qui facoste de luy s'il fçait qu'il foit Sorcier. Et fe faut

bien garder mefmes de donner l'aumofne à celles qui

en ont le bruict: mais celuy qui ne leur donnera l'au-

fmone,ne fçachant qu'ils foyent sorciers,à grand pei


ne efchapera il qu'il ne foit offenfé, comme il s'eft ve-

rifié fouuent. Et de fait i'ay fçeu eftant à Poitiers aux


Grands iours l'an mil cinq censfoixante ſept, entte les

fubftituds du Procureur general du Roy qu'ily cut

deux sorciers fort piteux & panures, qui demanderét


l'aumofne en vne riche maiſon: On les refufa: ils iette-

rent la leur fort, & tous ceux de la maifon furent enra-

gez , & moururent furieux : non pas que ce feuſt la

cauſe pourquoy Dieu les liura en la puiffance de Sa-


than & des forciers fes miniftres, mais que d'ailleurs e

ſtans meſchans , & n'ayans pitié des pauures , Dieu

n'eut point pitie d'eux . Aufli l'Efcripture S.appellée


l'aumofne c'eft a dire, Iuftice: & au lieu que nous
difons donnes l'aufmofne, ils difent donnez la Iuftice

comme eftant l'vne des choſes qui iuſtifie le meſ-

chant.Et à ce propos l'Efcriture dict, Eleemofina liberat


Tobie 12. à morte, Et en autre lieu ; Hilarem datorem diligit Deus,
& au Pfalme cet onziefme, ou il eft dit,Difperfit , dedit

pauperibus
LIVRE TROISIESME. 125

pauperibus:iustitia eius manet in æternum : l'interpretatio


eft de mot à mot ay qui fignific l'aumofne , que les

foixáte & dix ont tourné Iuftice: c'eft pourquoy Da-

niel perfuadoit au RoyNabuchodonofor qu'il rache-


2. en l'Ec-
taft fon ame par aum ofnes . Et en autre lieu'il eft dict,
clefiaftique.
que l'eau froide n'eftát pas fitoft lefeu come l'aumof-

ne eftaint le peché.Brief tout l'Efcripture S.n'eft plei


ne d'autre choſe.Voila peut cftre l'vn des plus gráds

& des plus beaux fecrets qu'on puiffe remarquer ,

pour ofter à Sathan , & à tous les Sorciers la puiffance


de nuire:non pas feulement aux gens de bien , qui

font bien gardez , mais auffi aux meſchans, er payens


qui ne cognoiffent point Dieu: comme eftoit' . Cor- 3. Cap. 10.

nelius duquel eft faict metió aux Actes des Apoftres.

Toutefois le plus affeuré moyen & qui paffe tous les


autres, c'eft de fe fier en Dieu , & faffeurer de luy com-

- haute & inexpugnable: c'eft,


me d'vne fortereſſe tref

dict Philon,le plus grand & le plus agreable facrifice

qu'on fçauroit faire à Dieu, & pour lequel Abraham

receut tant de benedictions, & duquel l'Eſcriture dit,

qu'il fe fia en Dieu, & qu'il luy fut imputé à Iuftice.


Et de fait tous les Sorciers qui font profeffio de gua-

rir les maladies, & ofter les charmes demandent pri-

mieremet à celuy qu'ils veulết guarir, qu'il croye fer-


memét qu'ils le guariront, & qu'ils fi fiet. Cela cft or

dinaire & qui eft vne idolatrie mefcháte: car c'eſt dō-

ner á la creature la fiance qui appartient au Createur.

Auffi satha employe toutes ces receptes & fa puiſſan-


ce à guarit celuy qui fe fie en luy, ou és creatures .

Dequoy Galen eftant eftonné, quand il parle de Me-


Ii
DES SORCIERS

dicatione Homerica, dit queplus on a de fiance aux par

rolles és ligatures pluftoft on guariſt. Toutefois Sprá-


ger faifant le proces aux Sorcieres, a entendu que

cela n'a lieu fi non aux maladies venues par fortile

ges. Et que les Sorciers ne peuuent guarir des ma-


ladies naturelles , non plus que les medicins ne peu-

uent guarir des maladies venues par fortileges. Ily


auoit vn fauetier Sorcier dans Paris qui guariffoit

de ceſte forte la fiebure quarte, en touchant feulemet

la mai:mais celuy qui ne vouloit pas croire qu'il peut

guarir, ne guariffoit point: I'en ay yeu vn . autre qui


eftoit de Mirebeauen Anjou qui guariffoit du mal

des dents en la mefme forte: Et voyant Meffire Char-

les des Cars Euefque de Langres & Pair de France

frappé d'vne fiebufe quarte , il luy dift qu'il cognoif


foit vn homme qui le guariroit feuremet .Le iour fui-

uat il luy amena vn homme qu'il luy toucha la main,

& luy demanda comme il fappelloit. Etapres auoir


fçeu fon nom, il luy dift,fiez vous en moy que vous

eftes guari . l'eftois alors en fa chambre . Et par ce que


ie me pris à foubrire , comme auffi fift le Feure mede-

cin trefdocte; oyant ce nouueau fainct rempli de mi-

racles , Non dit il, ie gage cent efcus à qui voudra,

qu'il eft guery. Apres qu'il fut party,ie dis à l'Euefque


de Lagres que c'eftoit la façon ordinaire des Sorciers

d'attraire la fiance des hommes pour les deftourner

de fe fier en Dieu , & de rapporter à fa louange tout

le bien & le mal qui nous aduient.L'Euefque ne laiffa


pas de continuer en fa fiebure , qui luy dura deux ans

entiers
LIVRE TROISIES ME. 126

entiers. L'homme voyat lés accez de fieufe cötinuer

diſt en rougifsat, qu'il auoit autát fait pour l'Euefque


qu'il fiftiamais pour homme du monde: mais il ne di

foit pas ce qu'il auoit fait.Ily en a qui ont remarque

de toute antiquité que les malings efprits s'efforcent


plus de faire mal en certain teps, & principalemet ap-

paroiffent la nuict pluftoft qué le iour : & la nuict d'é-

tre le Vendredy & Samedy pluftoft que des autres.

iours, come Lauatier liure 1.chap.8.a recueilli des An-

ciens .Aquoy ie n'auois jamais pris garde, mais depuis

T'ay obferué ce que le mefme Autheur à remarqué

que ceux qui lifent le Grimoire,aufquels Sathan apa-


-3
roift,le lifent la nuict d'entrele Vendredy & Samedy ;

& fi ay leu en vn liure imprimé auec priuilege vne re-


cepte Dæmoniaque, pour offencer ou tuer le larron
auec certains mots, & charmes que ie ne mettray poir,
V
& ne nommeray pointl'Autheur, qui merite le feu:

mais il eft dict que cela ce doibt faire le Samedy ma-


tin deuant le foleil leuant . Eten plufieurs procezi'ay

trouué que les malefices eſtoyent donnez ordinaire-

ment le Samedy.Et apres auoir bie cherché la raiſon,


ï'ay leu aux comentaires Hebrieux d'Abraham Abé-

Efta furle quatriefme article du Decalogue , que Dieu


auoit commandé fur la vie de chomer & fanctifier le
Gene.2. c.
Samedy fur tout, & iceluy beny entre tous. puis il paf Exod.12.

fe outre, & tient que Dieu a donné puiffance aux ma- Deutero . S
Ezech. 22.
lings efprits de chaftier & nuire le quatrieſme & la 23. Secretu

feptiefme nuict: & qu'il ſe faut bien garder d'offencer, & teſſeram
ny defaire œuure quelconque le Samedy , Mais il vocat inter
Deum &
rend vne raiſon d'Aftrologue, qui m'a femblé plus c- hominem .
Ii iij
DES SORCIERS

ftrange, c'est à fçauoir que Mars & Saturne, que les A-

ftrologues appellent Malefiques , ont puiflance ces


deux iours la . Ors'il eftoit ainfi, il deupir pluftoft dire

la troifieme & feptiefme(s'il n'y a faute aux nombres)


car tous font d'accord que la nuit eft premiere que le

iour:auffieft il dict: Factü eft vefpere & mane dies vnus.

& que la nuit d'entre le Vendredy & Samedy eſt du

samedy: ou la Planette de Saturne, qui eft la plus hau-

te, donne le nom à la premiere heure de la nuit , & au


iour fuyuant: & s'appelle cefte Planette en Hebrieu

Sabthai, qui fignifie repofant, &le mot Sabath figni


2. tenir.ca. fie repos: & par la Loy de Dieu il eft dict , qu'il faut
23. Exod. chommer la fefte du fainct iour toft apres le Soleil
cap.21.
couché:Il faudroit donc concluire que c'est la nuict

d'entre le Lundi & Mardy,qui eft la troificfme : & puis

la feptiefme celle d'entre le Vendredy & Samedy . Et


de faict i'ay veu quelque proces ou les Sorciers depo-

foyent qu'ils s'affembloyenc la nuit d'entre le Lundy

& Mardy, comme celuy de Longny en Potez , ou les

sorcieres confefferent qu'en dafant auec les Diables,

leuant en haut leurs ramons diſoyent,Har, har, sabath


sabath: & en vn autre de Berry . Toutesfois ie ne fuis

pas encores bie informé fi les affemblees des Sorciers

fe font auffi le Samedy.Mais pour montrer que c'est

pluftoft le troisieme iour que le quatriefme,que Dieu

donne cefte puiffance aux malins efprits d'offences &


chaftier les mefchás,il eft efcrit au liure du Leuitique ,

que les Preftres en leur confecration deuoyent eſtre

purifiez le troifieme, pour eftre fanctifiez le feptiefme


iour.Et au liure des Nombres,Chap.dixneuf & tren-
te & vn,
LIVRE TROISIES ME. 127

te & vn,il eft dict, que celuy qui ne fera purifié le troi-

fieme iour, nefera point fanctifié le feptiefme . Ioinct


auffi que la Planette de Mars commence la premiere

heure duLundy au foir apres le foleil couché, comme

celle de Saturne la première heure de la nuict du fa-

medy apres le foleil du Vendredy au foir. Car fi non

prend la plus digne Planette qui eftle foleil , la pre-


miere heure de la creation du monde , qu'on appelle

encores Diem Solis, en contant xxIIII.heures , la Lune

fe trouuera la premiere heure de la nuict fuyuant, qui


eft du Lundy, & Mars à la nuit du Mardy.l'ay auffi leu
aux mefmes Commentaires d'Abraham Aben - Efra

fur le decalogue, que Dieu depart fes benedictions,

principalement le iour du famedy , que l'antiquité à


remarquéfe monftrer ordinairement beau & ferain:

de forte que entre les Prouerbes populaires que Iou-


bert medecin à recueilly,il y en à vn qui porte ,que ia-

mais famedy ne paſſa qu'on n'ayt veu le foleil. Ce que


ie n'ay iamais experimenté.Auffi ne faut il pas s'en-

querir curieufemet pourquoy Dieua beny & fancti-

fié lefeptiefme iour pluftoft que les autres : mais tout


ainfi que les luifs chommet le famedy , & les Maho . >

metiftes le Vendredy, nous en fuyuant la Loy Chre-

ſtienne & lesConſtitutions de l'Eglife ,fan &


tifions, où

pour mieux dire,deuons fanctifier le Dimeche ,lequel


neantmoins cft fouillé de toutes les defbauches &

folies dont on fe peut auifer au grand def


-honneur

de Dieu, qui n'a rien commandé plus cftroitement

que chommer le iour du repos: & fur peine de la vie.


Difons maintenant les forciers peuuent faire que

Ti iij
DES SORCIERS

les hommes foyent fains , alaigres, tiches , puiffans, vi-

torieus, honorez, & qui iouiffent de leurs plafirs co-


&
me fieurs penſent.

SI LES SORCIERS PEVVENT

affeurerlafantédes hommes alaigres & donner guari-


fon aux malades.

CHAP. ΙΙ .

L ne faut pas s'eftonner s'il y a des Sorciers

parle monde , veu les promeffes que Sa-

than faict à ceux qui fe font vouez & de-

diez à ſon ſeruice , de les faire riches ,puiffans , & ho-

norez, & iouir de ce qu'ils defirent . Etiaçoit que les


hommes entendus defcouurent foudain l'impoftu-

re, & que les Sorciers font beliftres pour la plufpart,

beſtes & ignorans, meſpriſez d'vn chacun , fi d'ail-


leurs ilz n'ont biens , honneurs , & richeffes : fi effe

qu'ilyades perfonnes fimiferables qu'ils fe gettét du


meilleur fens qu'ils ont aux filets de Satha : les vns par

curiofité , les autres pour faire preuue de fes belles

promeffes, eftimans qu'ils s'en pourront retirer quad

ilz voudront: mais depuis qu'ils y font, de cent il n'y

en a, peut eftre , pas la dixiefme qui s'en depeftrent,


encores que plufieurs de ceux qui font dedies à Sa-
than , & qui ont renoncé à Dieu , ayant cogneules

impoſtures de Sathan, n'en tiennent plus conte : &


neantmoints ils ne renoncent point à Sathan , & ne

ſe reconcilient point à Dieu . Et de ceux la il ne faut

pas
LIVRE TROISIESME. 128

pas douter que le Diable n'en foit en bone poffeffion

& paisible, encores qu'ils ne l'aperçoiuet aucunemet.

Et d'autant qu'il ny å rien plus precieux apres l'ame

que la fanté du corps,plufieurs eftant affligez de ma-


ladie ont demádé confeil au Diable s'ils rechaperont ,

comme fift le Roy Ochozias : mais Elie ayant rencon-


· tréſes Ambaſſadeurs leur dict, allez dire à voftre mai-

fire,qu'il y a vn Dieu au Ciel à qui il faut demander

aduis: & pour l'auoir demandé à Baal, qu'il en mourra .


Les autres preffez de douleur fefont vouez au Diable

pour guerir, comme vn certain Aduocat de Paris, que

ie ne veux nommer, qui fut deferé l'an mil cinq cens

feptante vn, & de faict il confeffa qu'eftant malade à


l'extremité,il fe donna au Diablepour guarir, & luy

meſmes eſcriuit & figna la ſedule de ſon ſang , ceſto


excufe vraye ou fauffe luy feruit alors . Les autres ne ſe

donnet pas au Diable, mais bien il ne font point diffi-


culté de fe laiffer guariraux Sorciers, defquels comme
au liure de
S: lean Chryfoft. dir qu'il faut fuir la voix comme pe- a ,chap.
Fato,
ftiferé . Or on voit des Sorciers qu'o appelle en Efpai- feptiefme.

gue Salutadores,qui font meftier de guarir: & fe trou-


uaen Aniou vne vielle Italienne qui guariffoit des
maladies l'an mil cinq cens feptáte trois , & fur ce que

le Iuge luy deffendit de plus fe mefler de medeciner

les malades, elle appella & releua fon appel en la Cour


de Parlemét, ou M.lean Bautru Aduocat en Parlemét

sieur des Matrats mon collegue, & citoyen plaida fa


caufe difertement & doctement:mais on monftrois

que les moyens parlefquels elle guariffoit , cftoyens


DES SORCIER S

contre nature,comme de la ceruelle d'vn chat, qui eft


vne poiſon, de la teſte d'vn corbeau & autres chofes

femblable,qui monftre bien que ce n'eft pas en vertu

de quelques bonnes huiles & vnguens falutaires, có-


- me font plufieurs gés de bie & charitables enuers les

pauures gens:mais parmoyens contre nature, ou par


In Praxi charmes.Iodocus Darmundanus , qu'ily auoit auffi vne
crimi. cha.
trente fept Sorciere à Bruges e Flädre, qui eftoit reputee Saincte.
efcript. Car elle gueriffoit vne infinité de maladies mais pre-

mierement elle gaignoit ce point, qu'il failloit ferme.


mét croire qu'elle pouuoit guerir:puis elle cómádoit

qu'on icunalt, & qu'o diftcertaines fois pater nofter,

ou qu'on allaft en voiage à Sainct lacques , ou à Saint

Arnoul. En fin elle feuft conueincue de plufieurs sor-


celeries, & punie comme elle meritoit. Mais Philon

Hebrieu au liure de Specialib. Legib. parlant des Sor-

ciers dict, que les maladies donnees par fortileges ne


peuuent eftre gueries par medecines naturelles , ce

que l'Inquifiteur Spranger dit en cas pareil auoir fceu


par les confeffios des Sorcieres : come auffi Barbe Do-

ré de senlis qui fut bruilée par arreft de la court l'an

1574. confeffa. le croy bien que les sorciers peuuenr

quelques fois ofter le malefice & maladie , que les au-


tres Sorciers, ou bien eux mefmes ont donné : mais

non pas tous,ny toufiours, & fi faut ordinairement,

comme ils ont depofé, qu'ils donnent le Sort à vn au-

tre:ou bien ils ne peuuent efchapper que le mal ne

tombe fur eux :Mais quant aux maladies , qui aduien-


nent autrement que par fort, les Sorciers confeffent

qu'ils
LIVRE TROISIESME. 129

qu'ils n'en peuuet guerir.Et pour fçauoir fi c'eſt Sort,

Sprager efcript qu'ils en fot la preuue,mettat du plōb


fondu en vn vaiffeau plein d'eau fur le patient. Et ne-

aumoins il efcript auffi qu'il y a des malefices donnez

par les vns , que les autres ne peuuent ofter, ny quel-


quesfois eux mefmes & pour certain exemple ic

mettray leanne Haruillier, qui fut bruflée viuc, com-


mei'ay dit cy deffus . Elle confeffa qu'elle auoit ietté le

Sort pourfaire mourir vn home qui auoit battu fa fil-

le, & que vn aurre paffa par deffus,lequel foudain &au


melme inftant fe fentit frappé aux reins, & par tout le

corps: & fur ce, qu'on luy dift, que c'eftoit elle qui l'a-

uoit enforcelé parce qu'elle auoit le bruit d'eftre telle,


elle promift le guerir,&fe mift à le garder:elle cõfeffa

qu'elle auoit prié le Diable, & vfé de plufieurs moyés

qu'il n'eft befoin d'efcrire pour le guerir: & neatmois

que Sathan auoit fait refponfe qu'il eftoit impoffible.


Alors elle luy dit, qu'il ne vint doc plus à elle.Et que le

Diable luy fit refponce,qu'il ne viedroit plus.Bie toft


apres le malade mourut , & la Sorciere s'alla cacher:

mais elle fut trouuée . De ce point ie conclus qu'il n'eſt

pas en la puiſſance des Sorciers de guerir toufiours

ceux qui font malades par malefices,veu qu'ils ne peu

uent pas guerir toufiours ceux la qu'ils ont eux mef-

mes enforcelez . En fecond lieu on tient que files Sor-


ciers gueriffent vn homme maleficié, il faut qu'ils do-
con-
nent le Sort à vn autre. Cela cft vulgaire par la

feffion de plufieurs Sorciers . Et de faict i'ay veu vn


Sorcier d'Auuergne prifonnier à Paris l'a mil cinq ces
foixate & neufquigueriffoit les cheuaux & les homes
Kk
DES SORCIERS ;

quelquesfois: & fut trouué faifi d'vn grand liure plein

de poils de cheuaux,vaches, & autres beſtes de toutes


couleurs: & quád il auoit ietté le Sort pour faire mou

rir quelque cheual , on venoit à luy, & le gueriffoit

en luy aportant du poil, & donnoit le Sort à vn autre,

& ne prenoit point d'argent : car autrement, comme


il difoit, il n'euft pas gueri : auffi eftoit il habillé d'yn

vieil faye compofé de milles pieces . Vn iour ayat dō-


né le Sort au cheual d'vn gentilhomme , on vint à luy,

il guerit & donna le fortà fop homme: on vint à luy

pour guerir auffi l'home:Il fit refponce, qu'on deman-

daft au gentilhomme lequel il aymoit mieux perdre,


fon homme, ou fon cheual :le gentilhomme le trou-

ua bien empefché: & ce pendant qu'il deliberoit , fon

homme mourut, & le Sorcier fut pris . Et faict à no-


ter que le Diable veut toufiours gaigner au change,

tellement que fi le Sorcier ofte le Sort à vn cheual , il

donnera à vn autre cheual qui vaudra mieux . Et s'il


guerit vne femme , la maladie tomberafur vn home,

s'il guerit vn vieillard, la maladie tõbera fur vn ieune

garçon: Etfile Sorcier ne donne le Sort à vnautre , il

eft en dager de fa vie: breffile Diable guerit le corps,


il tue l'ame.ké reciteray deux exemples . L'vn que i'ay
entendu de M. Fournier Confeiller d'Orleans d'vn

nommé Hulin Petit, marchant de bois d'Orleans , le-

quel eftant enforcelé à la mort , enuoya querir vn qui

fe difoit guerir de toutes maladies, fufpect toutesfois

d'eftre grád Sorcier, pour le guerir,lequel fift refpon-


fe qu'il ne pouuoit le guerir s'il ne donnoit la maladie

à fon fils,qui eftoit encores à la mamelle. Le pere con-


fentit
LIVRE TROISIES ME. 130

fentit le parricide de fon fils : qui fait bien à noter


pour cognoiftre la malice de Sathan . La nourrice

ayant entendu cela, s'enfuit auec fon fils pendant que

le Sorcier touchoitle pere pour le guerir . Apres l'a-

uoirtouché,le pere fe trouua guery : Mais le Sor-


cier demanda ou eftoit le fils: & ne le trouuant point,

il commença à s'efcrier, le fuis mort , ou cft l'enfant:

Ne l'ayant point trouué, il s'eva :mais il n'cuft pas mis


les pieds hors la porte,que le Diable le tua foudain.Il
deuint auffi noir que fi on l'euft noirci de propos de-

liberé. l'ay fçeu auffi que au iugement d'vne Sorciere,


qui eftoit aculée d'auoir enforcelé fa voifine en la vil-

le de Nantes, les luges luy commanderent de toucher

celle qui eftoit enforcelee,chofe qui eft ordinaire aux

Tuges d'Allemagne, & mefmes en la Chambre Impe-


rialle cela ce fait fouuét:elle n'en vouloit rien faire, on

la cótraignit:elle s'efcria, le fuis morte.Elle n'euft pas

touché la féme qu'elle auoit enforcelee que foudain


elle ne guerift, & la Sorciere tombaroide morte.Elle
fut condamnee d'eſtre bruſlée morte.Ie ties l'hiſtoire

de l'vn des iuges qui affifta au iugement. l'ay encores


aprins à Toulouze qu'vn Efcollier du Parlement de

Bourdeaux , voyant fon amy trauaillé d'vne ficure

quarte à lextremité, luy dift, qu'il donnaſt ſa fieure à

I'vn de fes ennemis:il fit reponfe qu'il n'auoit poinct


d'ennemis :Donnez la doc,dit il,àvoftre feruiteur: Le

malade en fift confciece : en fin le Sorcier luy diſt,Do-

nés la moy:le malade refpódit: Ie le veux bien . La fie-


ure pred le Sorcier, qui en mourut, & le malade recha .

pa.Or ce n'eft pas chofe nouuelle , car nous lifons en


Kk jj.
DES SORCIERS

Gregoire de Tours, liure vr: chap.trente- cinq, que la


femme du Roy Childebert fut aduertie que fon pe-

tit fils eftoit mort par malefice , & de rage feminime

elle fift prendre grand nobre de Sorcieres,qui furent


bruflees & mifes fur la roue : Elles confefferent que

pour fauuer la vie à Mumol grád maiftre elles auoyet


faict mourir le fils du Roy . Alors ont print Mumol,

qui fut mis à la torture,qui confeffa auoir eu des Sor-

cieres certaines greffes & breuages pour auoir, come

ilpenfoit,la faueur des Princes: & dit au bourreau qui


le gennoit, qu'on dift au Roy, qui ne fentoit aucun

mal . Alors le Royle fift eftendre auecques poulies , &

ficher des pointes entre les ongles des pieds & des

mains,qui eft la forme de bailler la gefne en tout l'O-


riet fans fracture des membres, & auec douleur infu

portable. Quelques jours apres eftant confiné en fon

pays de Bourdeaux, il mourut.Ce que i'ay noté pour

moſtrer que Sathan veut toufiours gaigner au chan-


ge,ayant les Sorcieres confeffé pour fauuer la vie au

grad Preuoft auoir tué le filsdu Roy,que le pere & la


mere adoroient.Or c'eft chofe vulgaire, que ce quieft

le plus aymé, cft pluſtoft perdu par vne iufte vengea-


ce de Dieu , qui veut chaftier par ce moyen ceux qui

font leurs Dieux de ce qu'ils ayment, & fur ceux-là Sa-

than à plus de puiffance que fur les autres. Mais on

tient que les Sorciers ne peuuent ofter la maladie qui


eft venu naturellement, & non par malefice . Et de

fait l'inquifiteur Spranger recite vn exemple , qu'en

faifat le procés aux Sorciers de la ville d'Ifprug en Al-

lemagne ,il y eut vn potier Sorcier,lequel voyant vne


pauure
LIVRE TROISIESME. 131

pauurefemme fa voifine affligee extremement.com-


me fion luy cuft donné des coups de coufteaux aux

entrailles, le fçauray, dit il,fi vous efte enforcelee, & ie

vous gueriray . Et prenant du plomb fondu, il verſa

dedans vt plat plein d'eau, le tenant fur la femme ma-


-
lade. Et apres auoir dit quelques parolles, que ie ne

mettray point, il aperceut au plomb glacé certaines i-


mages, par lefquelles il cogneur qu'elle eftoit enfor-
celec.Cela fait, il meine le mary de cefte femme, & to

deux enſemble võt regarder foubs le fueil de la porte,

où ils trouuerent vne image de cire de la grádeur d'v-


ne paume ayat deux aiguilles fichees des deux coftez

auec d'autres poudres,graines, & os de ferpens , & ict-


ta tous dedasle feu :& lafemme guerit , ayant engagé

fo ame à Sathan & aux Sorciers,aufquels elle deman-

da guerifon.Le mefme Autheur dit que le Sorcieren-


tretenoit vne Sorciere,qui auoit done le mal à fa voi-

fine, tellement qu'il fe peut faire que le Sorcier auoit

appris le fecret de la Sorciere . Toutesfois ie ne fçay,


s'ileft befoi de doner toufiours le Sortàvn autre quad

le mal vient de malefice,Maisie penfe bie que Sarhan

cft fi maling, qu'il ne fouffre point qu'on face bien, fi

on ne fair vn plus grand mal, c'eft à fçauoir de dema--

der fanté à vn Sorcier, qu'on fçait eftre tel, ou partici

per à fes prieres, ou faire quelque fuperftition , ou di-

re quelques parolles, où porter quelques billets , ou

autreschofes qui ne fe peuuetfaire fás idolatrie pour.


deftourner l'homme de la fiance, qu'il doit auoir cu

Dieu feul .Carie tienspour maxime queiamais Satha


ne faitbien fi ce n'eft à fin qu'ilen puiffe reuflir vn pl
Kk iij
DES SORCIERS

grand mal qui eft en cela du tout cotraire à Dieu, qui

ne fouffre iamais aucun mal eſtre faict, finó à fin qu'il

en aduienne vn plus grandbien. Hipocrate au liure de

Morbofacro efcript, que de fotemps il y auoit des Sor-


ciers qui faifoient profeffion de guerir du mal caduc,

qu'ils appelloient maladie facree, en difant quelques

prieres, & faifant quelques facrifices,& acqueroient la

reputatio d'eftre faincts perfonnages.Mais il dit qu'ils


eftoient deteftables & mefchans , & que Dieu eftoit

blafphemépar telles gens, qui difoient que les Dieux,

enuoyent telles maladies .Vray eft que Hippocrate ne


veut pas confeffer appertement que les Dæmons fai-

fiffent les perfonnes, ains il dit que c'eſt le mal caduc:

Mais toute la pofterité a cogneu qu'il y en a des ma-


lades du mal caduc,qui font quelquesfois gueris par

medecines naturelles :les autres faifis des Dæmons ,

que les Sorciers gueriffent foudain , par intelligence


qu'ils ont auec Sathan, ou bien en faisant quelques fa-

crifices ou idolatries, que Sathan mefme commande.

Nous conclurons donc que les Sorciers à l'ayde de


Sathan peuuent nuyre & offencer,non pastous , ains

feulement ceux que Dieu permet par fon iugement

fecret,foient bos ou mauuais,pour chaſtierles vns, &

fonder les autres:à fin de multiplier en fes efleuz ſa be-


nediction,les ayans trouuez fermes & conftans . Et
neantmoins pour möftrer que les Sorcieres par leurs

maudites execrations, & facrifices deteftables font

miniftres de la vengeance de Dieu , preftans la main


& la volonté à Sathan ,ie reciteray vne hiftoire eftra-

ge publice, & dont la memoire eft recéte.Au Duché,


de
LIVRE TROISIESME. 132

de Cleues pres du Bourg d'Elten,fur le grãd chemin,


les hommes à pied & à cheual eftoient frappez & ba-
tus, & les charrettes verfees: & ne fe voyoyt autre cho-

fe q'vne main, qu'on appelloit Ekerken . En fin on

prit vne Sorciere, qui s'appelloit Sybille Diuiufcops,

qui demeuroit ez enuirons de ce pays là : Et depuis

qu'elle fut bruflee on n'y à rie veu : Ce fut l'an mil cinq
cens trente cinq.Et par ainfi nous pouuons conclure

que les Sorciers vfans de leur meftier à l'ayde de Sa-


than , peuuent faire beaucoup de mal par vne iufte
permiffion de Dieu , quis'enfert comme de bour-

reaux :car toufiours la fageſſe & Iuftice de Dieu faict

bien ce que l'homme fair mal:Et neatmoins on void

que les Sorciers ne peuuent ofter que les maladies

aduenues par leur faict,& ne les oftent iamais qu'ils


ne bleſſent & vlcerent l'ame, ou qu'ils ne facent vn au-

tre mal. Nous dirons tantoft s'il eft licited'auoir re-

cours à eux pour auoir fanté:Mais difos auffi s'ils peu-


uent auoir la faueur, & la beauté , tant defiree des lai- .

des femmes,& les plaifirs,honneurs, & richeffes, pour

lefquelles les hommes fe precipitent bien fouuent en


ruine.

SI LES SORCIERS PEVVENT

auoirpar leur meftier lafaueur des perfonnes , la beauté, ›

lesplaifirs,les honneurs ,lesricheffes , & lesfeiences, &don-

nerfertilité.
DESSORCIERS

CHAP . III.

E qui attire les malheureux au precipice

gliffant du chemin de perdition , & de ſe


vouer à Sathan, eft vne opinion deprauee
qu'ils ont, que le Diable donne richelles

auxpauures, plaifir aux affligez ,puiffance aux foibles,

beauté aux laides, fçauoir aux ignoraps, honneur aux

mefprifez , & la faueur des grands . Et neantmoins

on cognità veue d'ail, qu'il ny apoint de plus mi


ferables, de plus beliftres,de plus hays, de plus igno-

fans , de plus tourmentez que les Sorciers , comme

nous auons monſtré cy deuant . Et à ce propos Plu-


dict que la Royue Olimpias mere d'Alexanp
tarquee
drele Grand , eſtant aduertie que Philippe Roy de

Macedoyne fon mary eftoit fi affolé de l'amour d'v

ne icune Dame, qu'il en mouroit fur les pieds, & qu'el


le l'auoit enforcelé, elle voulut la voir:& apres auoir

• contempléfa beauté admirable, & fa bonne grace,el

le fut toute rauie, & ne luy fiſt aucu deplaifir. C'eſt, dit

elle, cefte beauté & bonne grace qui à charmé mon

mary, & qui pourroit charmer les Dieux . Et à vray

dire les beautez qu'on voit en tout ce monde & en


ces parties , font les rayons de la beauté diuine , & ne

peut la beauté venir que de Dieu . Mais on n'a iamais

veu Sorcière qui ait peu parcharmes , ny autrement

defguifer fo vifage pour ce faire blus belle qu'elle ne


eftoit:ains au contraire on dit en comun Proucrbe ,

Laide come vne Sorciere & de faict Cardã quia efté


Lib.de Sub.
20. en reputation d'eftre grand Sorcier, a remarqué qu'il
n'en a
LIVRE TROISIESME. 133

n'en àpoint veu qui ne fuft laide, ce que ie croy bie.


Car mefmes Cardan n'a pas nié que fon pere ' ne feuft 2.1n libro
dererum
grand Sorcier , & qu'il ne feuit en ecſtaſe quand il varieta.e

vouloit,qui elt plus que fon pere n'auoit faict ; Il di & adfinem.

auffi que les efprits malings font puants, & le lieu pu-

ant la où ils frequentent, & croy que de la vient que

les anciens ont appellé les Sorcieres færentes , & les

Galconsfetilleres, pour la puanteur d'icelles, qui vient


commeie croy de la copulation des Diables,leſquels

peut eftre prennent des corps des pendus , ou autres


femblables pour les actions charnelles & corporelles:

comme aufli Vierà remarqué, que les perfonnes de-

moniaques font fort puantes. Et combien que Hip-


pocrate péfaft que les Dæmoniaques feuffet frappez
du mal caduc,fi eft ce qu'il dict qu'ils font puants, en

quoy on peut iuger que les fémes qui de leur naturel

ont l'aleine douce beaucoup plus que les hommes,


par l'accointance de fathan en deuiennent hideuſes,

mornes,laides, & puantes outre leur naturel . Et quát


aux plaifirs defirés par elles , & de ceux qu'elles aiment

nous auous monftré cy deffus , de plufieurs qui ont


efté prifes & conueincues d'eftre forcieres par leur

confeffio, qu'elles ont auſſi confeflé, qu'elles font a-

bandonnées à Sathan par copulation charnelle , & a

uec defplaifir, trouuans id nefçay quelle femence fort


froide comme elles ont depofé. Spranger cfcript qu'il

a fait le procés a vne infinité de forcieres , qui toutes

ont confeflé auoir copulation auec Sathan , & fans en


eftre enquifes.Il n'eft pas à préfumer fielles trouuoyét
LI
DES SORCIERS

mieux qu'elles s'adonnaſſent à tels amoureus , qui les


tourmententiour & nuict, fi elles ne continuent au

feruice de leur maiſtre. Quant à la faueur qu'on defi-


re anoir des perfonnes , on void que telles gens font

fuis & haysà mort. Etme fouuient que Troif


- echel-
les Manſeau eftant en la prefence d'vn Roy , fift vn

traict de fon meftier,qui eftonna le Roy à vray dire,


car il faifoit fortir les chefuons d'vne chaine d'or de

loin, & les faifoit venir dedans fa mains, come il fem-

bloit, & neantmoins la cheine fe trouua depuis entie-

re.Mais auffi toft le Royle fift fortir , & ne le voulut

oncques voir tellement que au lieu d'eftre fauory,on

luy fift fon procés, & fut condamné comme Sorcier

parle Preuoft de l'Hoftel , comme nous auons dict

cy deffus. Quant aux honneurs & dignitez, on void

qu'ilny a gens plus mefprifés ny plus abhominez que


Sam.cap. ceux la: Auffilifons nous en Samuel vn traict que les
2.in libris. anciens Hebrieux ont bien remarqué, ou Dieu parle
. ‫פירקי אבות‬
ainfi : Celuy qui me fera honeur, ie l'honoreray , & ce-

luy qui me contemnera ie le feray mefprifer & vili

peder.Ce n'est pas la parolle d'vn homme, c'eſt la pa-

rolle de Dieu , qui eft plus certaine que toutes les de


moftrations du monde. O fi les hommes ambitieux

fçauoyent ce beau fegret, combien ils magnifiroyec

la gloire de Dieu, pour cftre louez à iamais & com-

bien ils craindroyent def honorer Dieu , pour n'eftre


mefprifez &diffamez :Suetone dict que Neron fut vn
Ton.
des plus grands Sorciers du monde, melprisant toute

religiony eut iliamais homme plus mefpriſe , plus

vilipende, plus cruellement traitté que c'efluy la? Car


Dieus
LIVRE TROISIES ME.
134

Dieu non feulement le precipita en la fleur de fon


aage,du haut lieu d'honneur ou il auoit colloqué au-
parauant qu'il feuft Sorcier, ains auffi il fut delaiſſé de

tous les amis, & gardes, & feruiteurs domeſtiques , &


condamné à eſtre fleftri tout nud à coups de baston

tant & fi longuement, que la mort s'en enſuyuiſt : &


pour euiter vne mort fi cruelle, il fut cötrainct fe tuer

foymefme.Mais quel mefpris,quel deshoneur : quel


le villanie plus deteftable peut on imaginer, que cel-

le que fouffrent les Sorciers eftans contrains d'adorer

Sathan en guiſe de Bouc puant, & le baiſer en la par

tie,qu'on n'ofe efcrire, ny dire honneftement : ce qui


me fembleroit du tout incroyable , fiie ne l'euffe leu
és confeffions & conuictions d'infinis Sorciers exc-

cutes à mort. Icy dira quelcun , que depuis Sylueftre

fecond iufques à Gregoire feptiefme inclufiuement,

tous les Papes ont efte Sorciers comme nous liſons


en Naucler & Platine. A quoy ie refpons que le Car-

dinal Benon,qui a remarqué les Papes Sorciers , n'en


trouue que cinq,à fçauoir Sylueftre fecond , Benoist

neufieſme, lean vintiefme, & vint vnieſme , & Gre-

goire feptiefme. Encores de tous ceux la Auguſtin

Onophre chambrier du Pape , qui a recuilly dili-


gemment du Vatican , & des ancies regiſtres l'hiſtoi-

res des Papes, n'en met que deux, à fçauoir Sylueftre


fecond, & Benoist neufiefme : Et toutesfois Benoist

feuft chaffé du ſiege, auquel il eftoit paruenu par la fa


ueur de deux oncles Papes.Et quant à sylueftre,quife

appelloit Gilbert, c'eftoit vn moyne de Fleury fur


Loyre,qui auoit fi bien eftudié en fa ieuneffe , qu'il
Ll ij
DES SORCIERS

feuft Pedagoge de Robert Roy de France , de Lo

thaire Duc, & d'Otho troifiefme Empereur,quile fi-

ret Pape, & non pas sathan, come penfent fes mifera-
rables Sorciers: & neantmoins Silueftre fe repentit

fuppliant à la fin de fes iours, qu'on luy coupaſt la lan.


gue & les mains, qui auoyent facrifié aux Diables. Or

il confeffa qu'il ne s'eftoit voué au Diable que depuis

qu'il für Archeuefque de Reims. Il faut donc conclu-

re que toute puiffance, honneur, & dignité viết de la

main de Dieu: & le vray plaifir & cótentement affeu-

ré de la tranquillité de l'efprit que Dieu donne à ceux

qui fe fient en luy duquel plaifir les efprits poffedez


de Sathan ne fentiront onques vne eftincelle , eftans

cruellement, & affiduellement tyranifés en leur ame.

Quant aux richeſſes , on ſçait affez qu'il y a de grands

trelors cachez, & que Sathan n'ignore pas les lieux ou


ils font ,comme il eſt tout certain . Et neantmoins

il n'v cut'onques Sorcier qui gaignaſt vn eſcu à ſon


meftier, comme ils font d'accord . Or on void ordinai

rement que les riches qui fe font Sorciers pour enti

chir d'auantage, declinét en poureté & ceux qui font


poures demeurent beliftres toute leur vie . Auffi eft

il bien certain que les biens en l'Efcripture s'appellet

benedictions: parce que Dieu les donnc . Ainfi difoit

Iacob à fon frere Efau , prens de la benediction que

Dieu m'a dōné , luy faifant prefent de fes troupeaux.

que Dieu luy auoit iuftement acquis. Mais pourquoy

Sathan ne depart des fes trefors cachez en terre à

fes efclaiues: pourquoy les laiffè il moutir de faim , &

mendier miſerablement leur pain ? Il faut bien dire

que:
LIVRE TROISIESME. 135

que Dieu ne le veut pas , & que le Diable n'a pas la

puiffance. Car par ce moyen il femble qu'il attireroit


beaucoup d'hommes à fa cordelle. Et de faict eftant

à Thoulouze Oger Ferrier médecin , print à louage

vne maifon pres de la Bourſe bien baſtic, & en beau

lieu ,qu'ou luy bailla quafi pour neant l'an mil cinq

cens cinquante huict, d'autant qu'il y auoit vn efprit

malin qui tourmentoit les locataires : mais luy ne

s' enfoucioit non plus que le Philofophe Athenodo-

re qui ofa demeurer feul en la maifon d'Athenes , qui plin. run.


eftoit deferte & inhabitee par le moyen d'vn efprit, in Epift.

oyant ce qu'il n'auoit iamais penfé, & qu'on ne pou-


uoit aller feurement en la caue, ny repofer quelques-

fois il fut aduerti qu'il y auoit vn ieune efcolier Por-

tugais qui eftudioit lors àThoulouze , & qui faifoit


voir fur l'ongle d'vn ieune enfant les chofes cachees:

l'efcolier vfa de fon meftier, & la fille enquife dit, que

elle voyoit vne femme richement parée de chelnet

& dorures , & qui.tenoit vne torche en la main pres


d'vn pillier , le Portugais diſt au medecin, qu'il fift
fouir en terre dedans la caue pres du pillier & qu'il

trouueroit vn trèſor. Qui fut bië aiſe,fut le medecin ,

qui fic fouir:mais lors qu'il efperoit trouuer le trefor,


iſ ſe leua vn tourbillon de vent qui ſouffa la lumiere ,

& fortit par vn foufpirail de la caue , & rompit deux


toizes de creneaux qui eftoyét en la maiſon voyline,

dont il tomba vne partie fur l'ofteuant, & l'autre par-

tie en la cauc par le foufpirail , & fur vne femme qui

portoit vn cruche d'eau , qui fut rompue . Depuis l'ef-

prit ne fut ouy en forte quelcoque.Le iour fuyuant le


Ll iij
DES SORCIERS

Portugais aduerti du faict ,dict que l'efprit auoit em-


porté le trefor, & qu'il s'efmerueilloit qu'il n'auoit of

fencé le medecin lequel me cota l'hiſtoire deux iours


apres, qui eftoit le quinziefme Decebre M.D.LVIII .
eftant le ciel ferain & beau comme il eft ordinaire
aux iours Alcinoniens:& fus voir les creneaux de la

maiſon voifine abatuz , & l'ofteuan de la boutique

rompu.Les anciés Hebrieux ont tenu que ceux qui


cachent les trefors en terre, & mefmement ceux qui

font mal acquis,fouffrent la damnation & iufte pei-


ne de leur impieté pres de leurs threſors , eſtás priucz
de la vifion de Dieu: & pour ceſte caufe qu'il y a vnc

malediction en l'Ecclefiaftique contre ceux là qui

cachent les threſors en leur ruine . Philippe Melan-


chthon recite vne hiftoire quafi femblable: qu'il y eut

dix perfonnes à Magdebourg tuez de la ruine d'vne

tour,lors qu'ils foffoyoyent pour trouuer les thre-


fors que Sathan leur auoit enfeignez . Et Georges A-

gricola au liure qu'il a fait des Elprits fubterrains , ef-


cript que à Aneberg en la mine nommee Couronne

de rofe ,vn efprit en forme de cheual tua douze hom

mes : tellement qu'il fit quitter la mine pleine d'argent


que les Sorciers auoient trouué à l'ayde de Sathan.

l'ay apprins auffi d'vn Lyonnois qui depuis fut cha-

pellain de l'Eglife noftre Dame de Paris, que luy auec

Les compaignons auoient defcouuert par Magic vn

threfor à Arcueil pres de Patis:mais voulant auoir le


coffre où il eftoit,qu'il fut emporté par vn tourbil-

lon, & qu'il tomba fur luy vn pan de muraille , dont


il eft, & fera toute la vie boiteux . Et n'y à pas long

temps
LIVRE TROISIESME. 136

temps qu'vn Preftre, de Noremberg ayant trouué vn

threfor à l'ayde de Sathan, & fur le point d'ouurir le


coffre fut accablé de la ruine de la maiſon . Ce n'eſt

pas choſe nouuelle de chercher les threfors par

forceleries : car mefmes la Loy dit , que les thre- Lvnica de


thefau.C.
fors n'appartiennent pas à ceux, qui puniendis facrificiis ,
aut alia quauis arteprohibitafcrutatur . Ce font les ter-

mes de la Loy:Et defend pour mefme caufe d'obte

nir lettres & permiffion du Prince pour fouyr en la

terre d'autruy.l'ay ſçeu auffi d'vn practicien de Lyon,

que iene nommeray point , combien qu'il le con-


toit tout haut en bonne compaignie, que ayant efté

auec fes compaignons la nuit pour coniurer & cher-


cher vn threfor, comme ils auoyent commencéde
fouyr enterre,ils ouyrent la voix comme d'vn hom-

me , qui eftoit.fur la rouë pres du lieu où ils cher

choient, criant efpouuentablement,Aux larrons : Ce

qui lesmit en fuite.Et au mefme inftant les malings


efprits les pourfuyuirent batans iufques en la maiſon-
d'où ils eftoient fortis, & entrerent dedans faiſant vn

bruit. fi.grand , que l'hofte penfoit qu'il tonnaſt .


Ainfi void . on que les malings efprits qui font le

plus fouuent gardes des threfors, ne veulent pas , ou


pour mieux , dire, que Dieu ne fouffre pas que per
Lonne par tels moyens puiffe enrichir . Auffi les.

Hebrieux difent que ceux qui font morts à regret,

infenfez d'vn amour furieux d'eux mefmes ,fouffrent

leur enfer comme on dit,au fepulchre , ou au tour de

leur charongne,à fin que par la Juftice de Dieu eter-

nelle chacun foit puny en ce qu'il a offencé , Et qui


DES SORCIERS !!

plus eft,les fouffleurs Alchemiſtes pour la plufpart,

voyans qu'ils ne peuuent venir à bout de la pierre

Philofophale , demandent confeil aux efprits , qu'ils

appellent familiers.Mais i'ay fçeu de Conſtantin ,efti-

mé entre les plus fçauans en la Pyrotechnie , & art

metallique,qui foit en france, & qui eft affez cogneu


en ce Royaume , que fes compaignons ayant long

téps ſoufflé fans aucune apparece de proffit, demãde-


ret confeil au Diable s'ils faifoiết bien , & s'ils en vien-

droient à bout.Il feit refponfe en vn mot,Trauaillez.


Les fouffleurs bien aifes continuerent, & foufflerent ſi

bié qu'ils multiplierët tout en rie &fouffleroiét enco

res n'euft efte que Coftantin leur dift, que Sathã ren-
doit toufiours les oracles à double fens, & que ce mot

trauaillés vouloit dire, quil failloit quitter l'Alchemie

& s'employer au trauail, & honefte exercice de quel-

que bonne fcience pour gaigner fa vie, &que c'eftoit


vne pure follie de penfer contrefaire l'or en fi peu de

temps, veu que nature y employe mille ans . Et par


mefmes moyens il faut dire à ceux qui veulent auoir

les fciences par art Diabolique, Trauaillez , ou com-


me nos peres, Trefveillez:ainfi difoit Lucilius , noctes

vigilateferenas , & prier Dieu qu'il donne heureux

fuccés à noftre labeur qui eft le point principal . De-

quoy nous aduertift Salomó au commencement du

liure de Sageffe , ou il inuite vn chacun, & leur declare

le plus beau fecret qui fuft iamais : & le vray moyen

cap.8. sa- d'acquerir fageffe , c'eft , dit il, de la demander à Dieu


'
pient. de bon cœur, fe fier en luy , & ne le tenter poinct.
Cap.9.
Etfiadiouſte l'oraiſon qu'il fiſt à Dieu . Auſſi Moyfe

Maymon
LIVRE TROISIESME. 137

Maymon tient pour vne demonftration trefcertaine ,

queiamais homme ne cognoiftra la fageffe Diuine,

qui tire apres foy la fciéce & les vertus morales , con-

me dit Salomon au chapitre huitiefme de la Sageſſe,


s'il ne s'humilie deuant Dieu fans feinte . Or nous a-

uons monftré cy deffus , qu'il n'y a point d'hommes

plus ignorans que les Sorciers , & qui meurent ordi-


nairement furieux & enragez , & ne font iamais plus

infenfés que alors que Sathan les poffede . Si on dict

que Sathan eft fçauant pour auoir longuemét vefcu,

ainfi que dit Saint Auguftin , comme de faict les


Diables dofcouurent quafi ce qui fe faict icy bas , &

fçauét trefbien iufques au moindre peché remarquer,


voire calomnier la vie des Saincts perfonnages : Quád

l'accorderay qu'ils fçauent la vertu des plates,des me-


taux , des pierres , des animaux , le mouuement & la

force des Aftres ,fieffe que leur but eft de nourrir les
hommes en erreur & ignorance extreme , comme le
feul comble de tous malheurs . C'eft pourquoy ils co.
nent toufiours des bourdes & menteries àleurs ferui-

teurs, ou des parolles à double fens. C'eſt la façon des

tyrans de nourrir les fubiets en extreme ignorance &

beftife, craignat fur tout qu'ils ouurent les yeux pour

fe depeftrer de tel maistre . Or s'il eft ainfi , come la ve-

rité eft telle que le Diable ne peut enrichir, ne donner


le trefor cachez , ny la faueur des perfonnes , ny la

iouiffance des plaifirs , ny la fcience, ains feulement


la vengeance contre les mefchans , & non toutesfois

contre tous.quel malheur peut eftre plus grand que


le rendre cfclaue de Sathan pour fi peu de recompece
Mm
DES SORCIERST

en ce monde , & la damnation eternelle en l'autre?

Mais deuant que conclure ce chapitre, ie mettray en-


cores vne hiftoire memorable de fraifche memoire.

Il fe trouua vn fignalé Sorcier à Blois, l'an mil cinqces

feptante fept,au mois de Ianuier,qui eftoit de Sauoye,


& fe faifoit nommer le Compte, & neantmoins il n'a-
uoit ne feruiteur ne chambriere. Il prefenta requeſte

au Roy , qui fuft renuoyé au priué Confeil , par la-


quelle il promettoit faire multiplier les fruits à cent
pour vn : (au lieu que la meilleure terre de France ne

raporte que douze pour vn)en greffant les femences

de certaines huiles qu'il enfeigneroit , à la charge que

leRoy luy doneroit la difme, & l'autre difme demeu-

reroit au Roypour eſtre( comme il diſoit)incorporee


au domaine inalienable.Ilpromettoit auffi enfeigner

l'Arithmetique en peu de temps . l'eftois l'ors à Blois

aux Eftats : la requeſte fur enterince par le priué Con-

feil, & lettres patentes expediees aux Parlemens pour


eftre publices & enregiftrees.I'en ay apporté la copie

àLaon, que i'ay communiqué à plufieurs. La Cour de


Parlement de Paris n'en fift cote non plus que les au-

tres Parlemens . Mais il failloit, ce me femble, decer-

nerprife de corps contre le Sorcier,& luy faire & par-


faire fon procés. Car il eftoit vray Sorcier,come il fut
defcouuert par l'vn des Commis de Phiſes fecretaire.

d'eftat , auquel il vouloit monftrer le moyen de co-


gnoiftre les cartes fans les voir . Mais il fe tournoita

toutes queftios cótre la muraille à l'efcart,marmotant

auec le Diable, & puis difoit les points des cartes. Or il

fait bien à remarquer que sata vouloit faire fon pro-


fit de
LIVRE TROISIESME. 138
fit dela fertilité & abodance des biens de l'annee M.D.

LXXVIII . quia cfté des plus belles qui fut dix ans

auparauant à fin quele monde oftaftla fiace qu'il a en

Dieu,que c'eft luy qui enuoye la fertilité , & la famine:


qui mefaict croire que les Diables peuuent auffi par

mefmes moyens, preuoyant les tempeftes & famines


faire croire aux Sorciers qu'ils font venir la tempefte

&famine. C'est pourquoy Ouide diſoit,

Carmine lafa Ceresfterilem vanefcitin herbam


Ilicibusglandes,cantatáque vitibus vuaster

Decidit, & nullo poma mouentefluunt.

On me dira fi ceux qui iouent à la prime & aux flux,


fçauoient le fecret des cartes , ils feroyent riches:Ie

refpons que tous ceux qui ont efcript & faict le pro-
cés aux Sorciers , tiennent pour maxime indubita-
ble, que toutes les foupleffes & tours de paſſe à paſſe,

que le Diable leur aprend, ne fçauroient les enrichir

d'vn efcu : & fe trouue fouuent par la confeffion des


Sorciers , qu'au lieu que Satan leur ayant remply la

main d'or ou d'argent, qu'ils mettoient en leur bour-

fe, ils y trouuoient du foin. Vray eſt que les Sorciers


feront rire, & non pas tous, & donnerot eftonnement

2 ceux qui le voyent, comme fift vn iour le Sorcier

Troif
-cfchelles, qui dit à vnCuré deuat fes parroiffies,
Voyez ceft hyppocrite qui fait femblant de portervn
breuiaire, & porte vn ieu de cartes , Le Curé voulant
moftrer que c'eftoit vn breuiaire, trouua que c'eftoit

vn ieu de cartes ce luy fembloit : & tous ceux qui e-


Mm ij
DES SORCIER S

eftoient preſens le péfoient auffi,tellemet que le Curé


ietta fon breuiaire, & s'en alla tous confuz en ſoy mef

Toft apres il furuint quelques autres qui amaf-

feret le breuiaire, qui n'auoit ny forme ny femblance

de cartes:en quoy on aperceut que plufieurs actions


de Sathan fe font par illufions , & neantmoins qu'il
ne peut pas efblouir les yeux d'vn chacun . Car ceux

qui n'auoyent point efté au commencement, quand


le Sorcier efblouit les yeux des affiftans , ne voyoyent

qu'vn breuiaire, & les autres voyoyent des cartes fi-

gurees:comme iladuint auffi,que s'il y a quelque hō-

me craignant Dieu , & fe fiat en luy, le Sorcier ne pour-


ra luy deguifer les points des cartes, ny faire fes illu-

fios en fa prefence:Briefpour moftrer qu'elle iffueles


Sorciers doiuent efperer, il ne faut que voirl'iffue des

plus grandsSorciers quifeurent oncques:comme de

Symon le Magicien , qui fut precipité par Sathan,


l'ayant efleué en lair: de Neron & Maxence , les deux

plus grands Sorciers qui feurent entre les Empereurs.


Le premier fe tua,fe voyat co damné , l'autre le noya.

La Royne Iefabel Sorciere feignalee fut mangee des

chiens:Methotis le plus grand Sorcier de fon aage en


Noruegue füft demembré par le peuple , come eferit

Olaus . Et vn Comte de Mafcon emporté par Sathan

deuát tout le peuple: & le Baron de Raiz bruffé come

plufieurs Sorciers , & en nombre infiny ont efté bru

flés tous vifs. Ainfi donc pouuons non recueillir que

Sathan ne peut de foymefme faire rien qui vaille.

Mais qu'il peut par la permiffion de Dieu nuire of-

fencer,tuer, meurtrit hommes &beftes.Brief qu'iln'a


rien
LIVRE TROISIESME. 139

rien que la vengeáce, & fur certaines perfonnes, com-

me l'ay noté cy deffus d'vn Practicien fuyui du Dia-


A
ble à la trace, & qui n'auoit point de repos:qui me co-

feffa franchement que le Diable ne luy auoit iamais


rien appris, ny faict gaigner vn efcu, ains feulement à

fe veger.Mais difons files Sorciers peuuet nuircà tou-

tes perfonnes indifferemmet, & aux vns plus que aux


autres:par ce qu'il me femble, que ce poinct n'eft pas
affez bien efclarcy.

SI LES SORCIERS PEVVENT

nuyre aux vnsplus qu'aux autres.

CHAP. IIII.

ES Theologiens font plufieurs queftions,


& trois entre autres fur le faict des Sor-

ciers . La premiere, pourquoy les Sorciers


ne peuuent enrichir de leur meſtier.

La feconde,pourquoy les Princes , quien ont à leur

fuytte, ne s'en peuuent feruir pour tuer & deffaire

leurs ennemys . La troifiefme , pourquoy ils ne peu-


uent nuyre à ceux qui les perfecutent . Quant à la

premiere, nous l'avons touchee au precedent cha-

pitre. Quant à la feconde, les Theologiens difent que


les Anges, queDieu à choifis pour la conferuatio des

Roys & Royaumes , empefchent l'effort des malefi-

ces, & que les victoires font en la main de Dieu , qui


s'appelle le grand Dieu Sebaoth : c'est à dire , Dieu

des armees,non feulement pour la puiffance qu'il à


Mm iij.
DES SORCIERS

fur les aftres & Anges celeftes, qui f'appellent armees


en l'Efcriture : ains auffi fur les armees des Princes. Et

tant fen faut que les Princes qui feferuent de Sorciers


puiffent vaincre leurs ennemis , que les anciens ont

remarqué pour maxime indubitable , que fil y a


deux Princes en guerre, celuy qui faidera des Sor-

ciers, fera vaincu . Etle Prince qui fenquiert au Dia-

ble de ſon eſtat & de ſes ſucceſſeurs , perira mifera-


blement auec tous les fiens . Car Dieu les void & en

prendra la vengeance . Et ne faut pas dire comme le

traducteur du premier Pfalme. Erpour autant qu'iln'a


nefoing ne cure des malviuans . Mais il faut, ce me fem-

ble,traduire ainsi,

Etpourautant que les malings n'ont cure

Du Dieu vinant les chemins qu'ils tiendront

Eux &leursfaicts en ruine viendront.


Laquelle traduction eſt conforme au Pfalme tren-
te-quatrieſme, où il eft dit,

Dieu tientfon œil fiché

Surles mefchans,&fur leurs


faicts :
Afinque du monde à iamais

Leur nom foit arraché.

l'en pourrois mettre mille exemples : mais ie me

contenteray de deux ou trois. Pompee le Grand auoit

tout l'Empire des Romains , & tous les plus grands


Princes & Roys à fa deuotion , & trente Legions pour

cinq ou fix qu'en auoit Cæfar , quand il luy donna la


bataille, lors qu'il eftoit reduit à telle extremité, que
fon armee mouroit de faim , ayant la mer & toutes

lesvilles clofes contre luy : Neantmoins Pompec fe


voulut
LIVRE TROISIES ME. 140

voulut encores ayder des Sorciers : & de fait on luy


addreſſa Erichtho Theffalienne ,la plus grande Sor-

ciere de fon aage , comme on peut voir en Lucan.

Chacun fçait l'iffue miferable , qui luy aduint tofta-

pres,ayant toute fa vie efté victorieux en Europe, en

Afie , en Afrique , & plus encores fur toute la mer


Mediterranee. Ariouifte General de l'armee Tudef-

que , qui n'eftoit pas moindre de quatre cent mil


hommes , prenant confeil des Sorciers d'Alemai-

gne, (car de tout temps ce pays-là en a efté remply)


fut ruiné de tout poinct par Cæfar, qui fe mocquoit

des Sorciers. Ie laiffe Neron , Domitian, & infinis au-

tres,qui tous ont eu miferable fin pour meſmes cau-

fes. Mais ie ne puis laiffer vn grand Prince de noftre

fiecle, lequel ayant vouluvoir les armees de ſes enne-


mis par moyens illicites, & fçauoir d'vn deuin l'iffue

de la bataille , Satan luy donna vn Oracle à double

fens,fur lequel feftant arrefté fut miſerablement def-

fait. le tiens auffi de bon lieu quad fon petit fils eftoit
malade à l'extremité, on demanda lors à vn Sorcier

ce qu'il en aduiendroit. Il dift qu'il leur failloit en-

uoyer querir de plus grands maiftres que luy en Ale-


maigne,pour fçauoir ce qui en aduiendroit: car entre

les Diables , & entre les Sorciers, il y en a qui font plus.

habiles les vns que les autres . Bien toft apres les Sor-
ciers vindrent, & quelque bonne efperance de gua-

rifon qu'ils donnaffent, fi mourut il. Et ceux qui fen


fontferuis, n'ont laiffé de ruiner miferablement. Or

filesSorciers & leur maiftre auoient puiffance de nuy--

re à toutes perſonnes, les Roys en feioüant auec des ›


DES SORCIERS

images de cire, ou des fagettes tirees en l'air, ou d'vne

parolle, ou du vent de leur efpee tueroient leurs enne-


mys.Mais tous demeurent d'accord par l'efperience

de toute l'antiquité, que le Prince, quád il auroit tous

les Sorciers du mode,ne fçauroit faire mourir par for-

tileges les Princes eftrangers , ny fes ennemys,foyent


bos ou mefchans.lly abiéplus,les Sorciers ne peuuet

1.Auguft. aucunemet nuyre à ceux qui les perfecutet.Et quant à


lib.10.de
Ciuitate ce point, Sprager & Nider quien ont fait brusler vne
Dei. infinité, demeuret d'accord que les Sorcieres ne peu-
Thomasin uet nuire aucunemet aux officiers de Iuftice,fuffet ils
fecundafe-
cunda.q. les plus mefchans du mode. Et fur ce interrogees,elles

intit.d,e depofoyent, qu'elles auoyet fait tout ce qu'elles pou-


95.arts
&
mirac. uoyent, pour faire mourir les Iages : mais qu'illeur

eftoit impoffible Et de faict i'ay les interrogatoires


de Icanne Heruillier,ayant affifté au iugement rendu.

contre elle : Au fixiefme article elle confeffa que de-


puis qu'elle eftoit es mains de Iuftice , le Diable n'a-

uoit plus de puiffancefurelle, ny pour la tirer de pri-

fon, nypour luy fauuer la vie. Toutesfois Spranger &


Danneau efcriuent que le Diable ne laiffe pas de par-
ler &communiquer auec les Sorcieres , & leur donner

confeil de ne rien dire : & qui plus eft il leur ofte les

fers des pieds & des mains, ce que i'auois leu en Phi-

loftrate d'Apollonius Thianeus, qu'o eftimoit le plus


grand Sorcier de fon aage, qu'il ofta fes fers eftant à

Rome en priſon au veu desprifonniers:Et pour cefte


cauſe Domitia l'Empereur le fit razer de tous coſtés,
comme il le fait encores en Allemaigne , & le fift de

pouiller tout nud quand il commanda qu'on l'ame-


naft
LIVRE TROISIES ME. 141

naft en iugement:mais ie ne pouuois entendre que


le Diable peuft deferrer vn Sorcier, & ne peut le tirer

deptifon.Si maiftre Ian Martin,Lieutenant de la Pre-

uolte de Laon ne m'euft affeuré, que faifant le procés

à la Sorciere de Saincte Preuue, qu'il fift brufler toute

viue, il luy demanda pourquoy elle n'efchappoit:elle

fiſt reſponſe qu'elle ofteroit bien les fers , mais qu'elle


ne pouuoit fortir des mains de iuftice . Et de fait de

ftournant la veue de l'autre cofté, elle oſta les fers de

ſes bras : ce qui eſtoit impoffible par puiffance hu-

maine. C'est pourquoy Daneau en fon petit Dialo-


gue efcript, qu'il ne faut pas laiffer là Sorciere feulle

en prifon,à fin qu'elle ne conmunique auec leDiable,


ou que Sathan ne luy donne le charme de filence,

c'eft de ne rien confeffer : duquel charme plufieurs


sorciers accufés d'homicide & autres crimes, fe font

feruis . I'en ay leu vn execrable imprimé par priuile-

ge,& que ie ne mettray point icy, à fin que perfonne


ne puiffe prendre la moindre occafion de faire fon

mal profit du fuget que ie traicte. Encores eft il plus


eftrange , que les Sorciers ne fçauroyent ietter vne

feule larme des yeux , quelques douleur qu'on leur

face : & tous les luges d'Allemagne tiemet ĉefte

marque pour vne prefumption tref- violante que la


femme elt Sorcière.car on fçait combien les femmes

ont les pleurs à commandement : & neantmoins on

apperceu que les Sorcieres Tne pleurent iamaïs , quoy

qu'elles s'efforcent de fe mouiller les yeux de crachat.

Encores y a il chofes cftrange que Spranger inquili


teur a témarqué , c'eft afçauoir que la Sorciere , bien
Nn
DESS OR CTERS VII

qu'elle foit prifonniere, peut encliner le luge à pitié

fi elle peut letter les yeux fur luy la primiére . Et de


faict le mefme autheur efcript que les Sorcieres qu'il

tenoit prifonnieres , ne prioyent les geoliers d'aultre


choſe fi non qu'elles puffent voir les luges auparauất

qu'ils parlaffent à elles . Et par ce moyen tous ceux,


d'entre les luges,qui auoyent efté veus, auoyem hor-

reur de les condamner, encores qu'ils en euſſent con-

damné plufiers qui n'eftoyent fans comparaison à


beaucoup pres ficoulpables. Mais bien tous demeu-

rent d'accord que les Sorciers ne peuuent nuyre aux


officiers de fuftice :toutesfois plufieurs Sergens pren-

nent les Sorcieres par deriere , & les efleuent de terre :

mais les autres fans crainte les vont chercher infques

dedans leurs tanieres . C'eft doncques vn merueilleux


fecret de Dieu, & que les luges deueroyent bien poi-

fer,que Dieules maintient foubz fa protection, non

feulementcontre la puiffance humaine, ains auffi có-


tre la puiffance des malings efprits. C'eft pourquoy

nous lifons en la ley de Dieu , Quand vous lugerez ,


ne craignez perfonne: car le lugement eft de Dieu;

Et Ioram Roy de luda recommandant aux luges le

deuoir de leur charge, regardez bien , dit -il, à ce que


yous lugerez , & vous furuienne que vous exercez

le lugement de Dieu . Encores en tout l'Orient les

parties prennent le bout de la robe de ceux qu'ils veu,

lent appeller deuant les Iuges fans miniftere de Ser-


gent, & difent, Allons à la Iuftice de Dieu . Les anciés

Hebrieux tiennent que les Anges de Dieu font pre-


fens ; & melues François Aluarez efcript qu'en Æ-
thiopic.
LIVRE TROISIESME. 142

thiopie les luges fe mettent au fieges bas , & laiſſent


douze chaires hautes vuides , & difent que ce font

les fieges des Anges On me dira , peut etre que les

Sorcieres prifonnieres peuuent eftre rauies en ecſtafe,


& fe rendre infenfibles , comme nous auons dict cy

deffus : le refpons qu'il n'eft poffible , veu qu'elles ne

peuuent euiter le fupplice . Te mettray encores c'eft

exemple aduenu à Cazeres pres de Thoulouſe , ou


il y eut vne Sorciere , laquelle ayant prefenté le pain
benit à l'offrande,s'en va ietter dedans l'eau , elle fuft

tirée : & confeffa qu'elle auoitempoiſonné le pain be-


nit: qui fuft ietté aux chiens , & moururent foudain.

Eftant en prifon elle tomba pafmée plus de fix heu-


res fans aucun fentiment, puis fe releua s'eferiant que
elle eftoit fort laffe, & dift des nouuelles de plufieurs
lieux auec bonnes enfeingnes mais eftant condam-

nee, & furle point d'eftre executee ; elle appella le


Diable, difant qu'il luy auoit promis qu'il feroit tant

pleuuoir qu'elle nefentiroit point le feu elle ne laiffa

pas de brufler toute viue . 1 Er par ainfiles Iuges ne

doiuent craindre de proceder hardiment contre les


Sorciers : comme il y en a qui fuyent & tremblent

de peur, & n'ofent mefmes les regarder . Combien

que les Sorciers ne tuent pas là dixiefme partie de

ceux qu'ils voudroyent: & de faict Nider efcript, que

vn Sorcier luy confeffa par fes interrogatoires , qu'il

auoit eſté prié de tuer fon ennemy , & qu'il employa

toute la puiſſance de Sathan , qui luy diſt, qu'il eſtoit


impoffible de nuyre à ceftuy- là . Ainfi voit on que

les sorciers n'ont pas la puiffance d'offencer les me-


Nn ij
DES SORCIERS VII

fchans,fi Dieu ne le permet.Comment doques pour-

royent ils offencer celuy


Pfal.91. Quien la garde du haut Dien

Pouriamaisfe retire?
Conclus donc en l'entendement,'

dale Dieu estmagardefeure,

Mahaute tour &fondements


(
Sur lequel ie m'affeure, &c.

Si que de nuict ne craindraspoint

Chofe qui efpouuante:

and Ny dard nyfagette quipoinct,


De iour en l'air volante.

N'aucunepefte cheminant,
cast Lors qu'en tenebres
ſommes:

Ny malfoudain exterminant, ⠀⠀⠀

En plein Mydi les hommes.


a ladextre il en cherroit
Quand à

si Mille, & mille à feneftre,


£ Leur mal de toy n'approcheroit,

Quelque mal quepuiffe eftre.

Et toutpourauoir dit à Dieu,


Tues la garde mienne,
Et d'auoir mis enfibaut lieu
La confiance tienne.
Malheur ne te viendra chercher,

Tienflepour choſe vraye,


Į Et de ta maison approcher

Nepourra nulleplaye. !
Car ilafait commandement,

A fes Anges tres dignes,


De te:
LIVRE TROISIESME. 143

De teguarderfoigneusement

Quelquepart que chemines.

Par ces mots ,Dard fagette en l'air volante & cat.

N'aucunepefte cheminant : Salomon Theologien He-

bricu interpretant le motaun & le mot efcrit que


le mot Deber fignifie le Dæmon, qui a puiſſance de

offencer la nuict: & Cheteb, qui offece en plein midi .


Toutesfois sathan eft iour & nuict aux efcoutes : Et

nuift auffi bien le iour que la nuict : Iaçoit que tout

les anciés demeuret d'accord qu'il a plus de puif-

fance la nuict & en dormant qu'en veillant : Comme

il tua au point de minuict tous les aifnez des hommes

& des beſtes en tout le Royaume d'Egypte . Cela nous

eft fignifié au Pfalme c111.où il eft dict, que le Lio &


les beftes fauuages fortent la nuit des tanieres cher-

chant la proye, & s'en retournent cacher le iour venu.

Ce qui eft auffi entendu par le prouerbe de Zoroafte,


où il dict ,Ne fors pas quad le bourreau paffe:non pas

que Dieu n'afflige auffi fes effeus: ce qu'ilfait quafi af-


fés fouuent:mais tout cela leur tourne à grand fruict,

profit, & honneur, comme nous auons dict en Iob

auquel Dieu reftitua la fanté affeuree, & cent tréte ans


de vie bien heureufe,& deux foix autant de bien qu'il

en auoit perdu. Auffi lob difoit :Encores que Dieu


me tuaft,fi eft ce que j'auray toufiours efperace en luy.

Et Salomon auliure de la Sageffe ,parlant des mefchas


1
qui tuent les iuftes pour voire Dieu les gardera,il dict:
que les iuftes deliurez de ce monde pour peu de dou-
leur,iouiffent du fruit de la vie eternelle . Ce que i'ay

bien voulu remarquer,par ce que Moyfe Maimó tiết


Nn iij
DES SORCIERS
Li.3.nemo
rehanebo- qu'il n'aduiet point d'affliction fans peché,ny de pei-
quin. ne fans coulpe: qui eft l'opinion de Baldad & de Eli-

phas au liure de lob, reprouuee par le iugement de


Dieu,lequel affligea lob encores qu'il luy dónaſt loüa

ge d'eftre droict & entier.Et la mefme opinio eft re-


prouuce au liure de Iob, qui merite d'eftre bien ente

due .Vray eft que les afflictions des iuftes font bien ra

res, car qui eft femblable à Iob ? qui eft celuy qu'o peut

appeller Iufte c'est pourquoy telles afflictions s'ap-

pellet verges d'amour: car cobie que Saint Ambroyle.


tient que Dieu ne laiffe pas en ce monde les forfaicts

du tout impunisà fin qu'on ne penfe qu'il n'y a point

de Dieu , ou qu'il fauoriſe les meſchans : &ne les puniſt

pas tous auffi,à fin qu'on n'eftime qu'il ny a poit d'au


1. In libris tre vie apres celle cy: toutesfois les Hebrieux ne fe
pirqueabots
contentent pas de cefte raiſon: mais ils tiennent com-
‫פירקי אבת‬
me vne doctrine tref- certaine & indubitable , que

les afflictions qui aduiennent aux gens de bien , ſer-


uet à faire preuue de leur fermeté, & à redoubler leurs

felicitez & benedictions: ou bien elles feruet de pur-

gations en ce monde, pour les pechez qui font comis

par les plus faincts perfonnages:à fin qu'ils puiffent

iouïrd'vne entiere felicité apres cefte vie: Et les plaifirs

& richeffes que Dieu donne quelquesfois aux mef-

chans, eft pour loyer du bien qu'ils font en cemon-


de: car il n'y a fi mefchant homme duquel Dieu ne ti,

re fa gloire, & qui ne face quelq bien, à fin qu'ils foyet

tourmentez apres cefte vie des peines qu'ils meritét,

& que par ce moyé les offences foyent punies, & que

les vertus reçoyuent leur plein & entierloyer:qui eft


ce
LIVRE TROISIESME. 144

Gebeaufecret de la saincte Efcripture : c'eſt à fçauoir

que Dieu faict luftice, iugement, & mifericorde : Iu- mi

ftice quand il done le vray loyer aux bonnes œuures

Jugement quand il decerne la peine felon le vray me-


rite du forfaict: & Mifericorde quand il done le loyer
plus grand que la vertu , & la peine moindre que le

forfaict . On peut donc tenir pour maxime indubita-

ble que l'affliction des bons leur tourne a grand biẽ,

& que le loyer du meſchant luy tourne à la ruine . Ce

que les Stoïciens difoyent en vn mot , Qu'il ne peut

rien aduenir de bien aux mefchans, ny de mal aux gés

de bien. Et quelquesfois le plus mefchant n'eſt efleué

en hōneur que pour feruir à la gloire de Dieu au iour


de la vengeance, comme dit Salomon . Apres auoir

parlé des moyens pour preuenir & empefcher les ma-


lefices des Sorciers licitement, difons maintenant des

moyés illicites deſquels ont vfe pour preuenir le mas

lefice, ou de le chaffer, s'il eſt donné à quelqu'vn .

DES MOYENS ILLICITES,


: ..
defquels ont fepourpreuenir les malefices , & chaffer
les maladies & charmes.. 31580

CHAP. V

Efte queſtion eft des plus difficiles qu'on ·


peut former en ce Traicté , & qui n'elt pas

refolue entre les Theologiens , Canoni

ftes , & Iurifconfultes . Car ceux cy tien

nent qu'on peut chaffer les malefices par moyens fu-


DES SORCIER SV

L.eorum ,de perftitieux, & de ceft aduis font auffi les, Canoniftes,
malefi. C. & mefmement Hoftienfe, Panorme, & GoffredHun-
Raymodus
de Villa No bertin, & autres : & quelques Theologiens come l'E-

waferipfit fcot Theologien fubtil li.4.dift.34.qu ileft dict , que


remedia co
tra malefi- c'eft fuperftition de penfer qu'il ne fault pas chaffer le
cia.
malefice par fuperftition Mais les autres Thologiens,
& la plus grande & faine partie tient que c'eft idola
trie & apoftafie d'vfer de l'ayde des Diables & Sor

ciers,pour empefcher ou chaffer les malefices . Com-


me il eft determiné au fecond liure des Sentences di-

ftinct . 7. Et de ceft aduis eft Thomas d'Aquin en la

meſme diſtinction , & Bonnaduenture, & Pierre Al-

bert, & Durand,foit qu'on ofte malefice par malefi-

ce,par le moyen d'vn Sorcier:foit que celuy qui ofte


le malefice le donnant à vn autre par moyens fuper-

ftitieux, ne fuft point sorcier , foit qu'on inuoque le


Diable expreffement ou tacitement : & font d'aduis

qu'il vaut mieux fouffrir la mort . Or cefte opinion


eft treffaincte, & l'autre damnable & defendue en la

Loy de Dieu, comme nous dirons cy apres : Et Sainct

Bafyle fur le Pfalme 45.detefte grandement ceux qui

ontrecours à Sathan , & aux Sorciers , & qui vfent de

tels preftiges pour guerir . Et Saint Chryfoftome

fur l'Homelic 8.en l'Epiftre des Colloffences dit ain-

ſi,Citius mors homini Chriftianofubeunda , quàm vita li-

gaturis redimenda. Mais les Theologiens le tranchent

trop court,à mon aduis . Car ils ne parlent que des


plus hauts points de sorcellerie: Et neantmoins il eft

certain que tous les moyens de preuenir les maux ,


peftes, guerres, famines, maladies, calamitez , foit en

general
LIVRE TROISIESME. 145

general ou en particulier, ou il y a de la fuperftition,


font illicites. Ie dy fuperftition , car les moyens na-

turels & Diuins, que Dieu nous à donnez pour pre-


uenir & chaffer les maux , font & ferot toufrours loua-

bles, & permis.Mais d'autant que nous lifons en Iob

qu'iln'y a puiffance en terre queSathan craigne, c'eſt

vne fuperftition de pendre de la fcille fur vne porte


pour empefcher les charmes & Sorcelleries . Mais

bie peut on vfer des creatures auec les prieres diuines

faictes à celuy qui eft tout puiffant en ce monde . Co.


me on void que l'Ange vie de foyed'vn poillon , & 9.Tobieca.
5.
de parfums, & auec prieres chaſſe le malin eſprit , qui

auoit tué fept maris de la femine que eſpouſa Tho-


bic.Et combié que les Diables bar lefchen horreur,

comme le Symbole d'Eternité , & que Dieu com-


mande qu'entous facrifices on y mette du fel , pour

deftourner,peut eftre,fonpeuple de facrifier aux Dia zenit.ca.1.

bles: fi cft- ce que ceux qui portent du felg ne feront


pas garantis des embufches de Sathan , fila fiance de

Dieun'y eft autrement de porterle fel , qu le nbyau

de date poly comme Pline dictau lurchayir.Schap. Pliniusfa-


·pè ab amo-
III. pour empefched on chaffer les malins efprits a
fans prieres, c'eft idolatrie.les Latins appellentamule

tales preferuatifs pour preuenit le mal 82 remedia,


ce que les medecines font pour chaffer leznial Ed

pour monftrer que Sathan eft miniftre , autheur , &

inpenteur des amullettes & preferuatifs , ou contre-

charmes, defquelson vfezdes remedes pour chaf


T
fer le sort, & malefice; les Anciens & mefmes les Roh
"
mains , adoyent accoustume de pendre au cohdes
Oo
DES SORCIERS .

enfans la figure d'vn membre , que par honneur on

doircacher, qu'ils appelloyentfafcinum, pour contre-


charme, àfin d'empefcher les fortileges, &mefmemét
s'il eftoit d'ambre Ce que Pline a fignifié au chapitre

111.liure xxxvII.qui eftoit vn villain moyen & Dia-

bolique pourinciter les perfonnesà lubricité.Et quad


les Efpagnols fe firent maiftres des Mes Occidenta

les,ils trouuerent auffi qu'on portoit pondu au col v-

ne image de Pederaftie d'vn Pedicon , & d'vn Cyne-

de, pour contre- charme, qui eftoit encores plus vil


T.
lain.Auffrcespeuples là eftoiet fondus en Sodomies
& ordures deteftables, & en toutes fortes de Sorcele

ries, & qui onteſté prefque to exterminez par les Ef-


pagnols Chacufera d'accordiqué c'eft vne inuention

diabolique.lkyen a d'autres qui ne font pas fiordes,

mais elles ne font pas moins illicites, de porter des li

bana gatures efcriptes, & billetspour preferuatif..da quoy


au
Saint Auguſtin parlam quiliure de Doctrina Chriftia-

ná, dict ainfi , Ad hoc genus pertinent ligaturæ execrabiliú


remediorum ↳ fiuevotis , fiue quibufuis aliis rebusfufpen-

- ladepdio & ligandiston tant qu'on y adioufte fiance d'eft


idolatrie, & chofel illicite Barbedoré qui fut brufléc

par arreft de la Cour confirmatif de la fentence du

Preuoft Saint Chreftofle les Senfislexiapuier,

M. DLxxvirconfeffa auoir guari quelques vns

qu'elle auoit enforcelée,apres auoir fendu vn pigeon

& mis fur l'eftomac du patient en difant fes, mors , qui


font portés parfon procés,auhomdu Perel, du Fils &

du Sainct Elprit , de monfieur : Saint Anthoine , &


demonfieur Saint Michel l'Ange , tu puiffes guarir
0( du mal
LIVRE I TROISIEG ME. 146

du mal eniningnat de faire vne neufucina par cha-

cuniourà l'Eglife du village . Le plus catholique du


mande troudera cefte recepte fort belle & bonne

mais ie tiens quand elle feroit bonne enfoy ,que ceft

vn blafpheme contre la Maiefté de Dieu de la pren


dre de sathan, ou du Sorcier qui la tient de Sathan

ioincauffi que toutes ces oraifons qui viennent de Sa


than,doiuent eftre en horreur à chacun : car elle cont

feſſa que Sachan luy auoit apris ce temede, comme il

Le trouue par ſon procés , que le Sieur de Pipemont

gentil- homme d'honneur m'a enuoyé . Encaspareil

de prendre & faire, ce qu'il ne faut dire , par l'anneau

de fon eſpouſee pour ſe deflier, c'eft chofe illicite Car


en cela on met fon ayde & fecours en fe deftournant

du Createur , & ny a doute que le Diable ny prefte la


main.Il y en a qui de rechef ſe 7 remarient eftans liez

aues les mefmes folénités qu'ils ont efpoufé, &ſetrou


uent deflicz , Il y en a en Allemaigne d'autresqui mer

tent en vn pot bouillir du laict de la vache, que la for-


ciere aura tarie: & en difant certaines parolles , que ie

tairay,& frappant contre le pot des coups de baſton,

au mefmes inftant ils difent , que le Diable frappe,

ra la forciere parle dos autant de coups, c'eft chofe il

licite. Car c'eſt fuyure l'intention & volonté de Sa

than,qui parce moyen attire celle qui n'eft pas Sor

cierepour en eftre auffi , voyant choſe ſi eſtrange.


Nousferons mefme iugement des Antidotes d'A

pulec pour perdre la figure d'vn Afne , qu'il faut man


ger des rozes fraifches, ou bien de l'anis, & des fueil

les de laurier auecques eau de fontaine . spranger eſt


Oo ij
IMDES2SOR CIERIS/ IN

luy mefme en ceft erreur , que l'homme tourné en

befte perd la figure beftiale eftant baigné en cau vi-


ue.LeProphete Elifee guerit biens Naaman syrien
Payant faict baignerfept fois en l'eau viue du Ìour-

dan. Mais ce fut la grace de Dieu , & non pas keau.

Et par femblable remede, quand on veut fçauoir qui

eft la Sorciere qui a rendu vn cheual impotet & ma

leficié en Allemaigne, on va querir des boyaux d'vn


autre cheual mort , en le trainant iufques à quelque

logis,fansentrer par la porte commune , ains par la


caue , our par deffoubs terre , & là font brufler les

boyaux du cheual . Alors la Sorciere qui a getté le


Sort,
fent en fes boyaux vne douleur colique , & s'en
vadroict à la maifon où l'on brufle les boyaux pour

prendre vn charbon ardant , & foudain fa douleur


ceffe . B Et fi on ne luy ouure la porte , la maifon

s'obfcurcit de tenebresauec vn tonnerre effroyable,

& menace ruine , ficeux qui font dedans ne veu-

lent ouurir : comme Spranger efcript auoir veu fou-

uent practiquer en Allemaigne.l'ay auff apprins de


M. Anthoine de Louan Lieutenant de Ripemot,

qu'il y eut vn Sorcier , qui defcouurit vn autre

Sorcier auec vntamis , après auoir diet quelques pa-


rolles, & qu'onnommoit tous ceux qu'on foupçon-

noit. Quand on venoit à nommer celuy qui eftoit

coulpable du crime alors le tamis fe mouuoit fans

ceffe, & le Sorcier coulpable du fait venoit en la mai.

fon, comme il fut aueré: & depuis il fut condamné.

Mais on deuoit auffi faire le procés à celuy qui vfoit


du tamis . Tout cela ce fait par art Diabolique , à fin
11.07 que
LIVRE TROISIESME. 147

que ceux qui voyent cefte merueille , paſſent plus


outre pour fçauoir toute la Sorcellerie . Car Sathan

eft ja affeuré de la Sorciere quelle eft fienne , & en

veur toufiour gaigner d'autres . Il me fouvient que

M.Bourdin Procureur General du Roy,me difoitvn

four que tout fon beftail qu'il auoit en vne meſtairie

pres de Meaux fe mouroit, iufques à ce qu'on dift à

fa femme qu'il failloit tuer vne certaine befte , que ie

ne mettray point : & la pendre pieds contre mont


foubz l'effueil de l'eftable & dire quelques parolles ,

qu'il n'eft befoin de mettre ce qui fut fait: & depuis


il ne mourut aucun beftail . En quoy Satha gaignoit

ce point là qu'on luy faifoit facrifice pour l'appaifer

qui eft vne vraye idolatrie . Spranger recite aufli que


pour empefcher les Sorcieres de fortir quand elles

font entrees en l'Eglife , ils ont de couftume en Alle-

maigne de greffer les fouliers d'oint de porc à quel-

ques ieunes enfans: celafaict, fi les enfans ne bougent

de l'Eglife , celles qui feront Sorcieres ne pourrotfor-


tir fans leur congé: & fi dict , qu'il fe peut faire auffi

par quelques Parolles que ie ne mettray poinct . Icy


dira quelqu'vn, n'eft ce pas chofe tref bonne de def-

couurir les Sorcieres pour les punir le le confeffe:


& les larrons & meurtriers auffrmais il ne faut iamais

faire mal , à fin qu'il en puiffe reüffir bien , comme


dict sainct Paul: & moins en matiere de Sorcelle-

rie qu'en toute autre chofe . Or Sathan en cela gai-


gne doublement: caril deftourne les sorcieres d'al-

ler au lieu ou elles puiffent ouir la parolle de Dieu , &


attirent la ieuneffe tendre par telles impoſtures pour

Oo iij
DES SORCIERSIJ

fenquerir au Diable de la verité des chofes fecretes.


2. Lib.28.6. Nous lifons en Pline beaucoup de contre- charmes
19.
& amulettes ridicules, & femblables à ceux- cy.com-

me d'oindre de greffe de loup le furfucil & pofteaux

des huis, quand les nouueaux mariez vont coucher

enfemble pour empefcher les charmes & ligatures


Et au liure xxxvII.chapax il dit que le Saphir blac
où le nom du Soleil & de la Lune foit graué, & pendu

au col auec du poil de Cynocephale,fert auffi contre

tous charmes , & donne faueut enuers les Roys : mais

il fault trouuer des Cynocephales , qui ne furent onc

ques. Et au mefme liure, chap.fuyuant, il dict que la

pierre Anthipathes boullic au laict eft propre contre


les charmes maisil faut qu'elle foit noire , & luifante ,

qui eft vne autre impofture encores plus inepte : Et


en cas pareil que l'herbe Anthirrinonfert cotre toutes

poifons & Sorcelleries, & de contre- charmes, & que


elle done grace & faueur: Et que l'herbe Euplea don-
ne réputation : & que l'Armoife fert contre tous char-

mes : qui font toutes impoftures auerées . Et me

fuis efmerueillé comment les Empereurs Chriftiens

ont publié par loix & par edits qu'il eft licité par telles

fuperftitions chaffer les tempeftes, & maladies, veu

que les Romains, lorsqu'il eſtoyent encores Payens,


Sor-
puniffoient capitalement ceux qui auoyent par
celleries defcouuert feulement vn larron : & ne vou-

2.1.ite..4- loyent pas qu'on y adiouftaft foy.C'eft la loy Item 4-


pudde
riis.ff. pud Labeonem & fi quis Aftrologus de iniuriis.ff.le pafferay
plus outre, qu'il n'eft pas licite de chercher foubs l'ef

feuil des portes pour ofter les images de cire, & au-
tres
LIVRE TROISIES ME. 148

tres graines , & offemans, que les forciers y mettent

pour faire mourir, comme ils penfent,les hommes &


le beftail.Car c'eft ce que demande fathan , qu'on ad-

iouſte foy qu'il donné telle puiffance à la cire, & aux


poudres:ains qu'il faut auoir recours à Dieu : & tenir

pour tout refolu ce qui eft dict au Catique qu'il don-

na à Moyle, Que c'eft luy feul qui enuoye la mort &

les maladies :& n'y a mal ny affliction qui ne vienne


de luy Et parce que ceft abus eft ordinaire & trefa-

greable à fathan,la Sorbonne afagement condamné

d'herefie ceux qui penfent que le malefice vient de

telles poudres . Et de faict fainct Hierofme parlant


de la vie de faint Hilarion dict , que fathan tenoit

vne ieune fille démoniaque, en laquelle il parloit , di-

fant qu'il ne fortiroit point,qu'on n'oftaſt vne lame


de cuyure que l'amy de la fille auoit mis foubs la por

tedHilarion n'en voulut rien faire , & par prieres à

Dieu deliura la fille. Ilyen a d'autres qui flamboyent

les petis enfans , & les font paffer par le feu, pour les
preferuer de mal qui eft vne abomination des Amor.

Theansremarquee en Efcripture fainte : & fembla

ble à celle que lesforcieres font faire à quelques fot-

tes, qui portent leurs enfans entre deux croix , pour c


ftre heureux ce que ray veupratiquer aux proceffios.

Il faut docques auoirrecours à Dieu feul . C'eft pour


4
quoyla faculté de Sorbonne a refolu & arrefté que
ceft vne pure herefie de chaffer les malefices par ma-
lefices:la determination eft du xix . de feptembre
M. CCCXCVIII.où il n'eft pas dict que fathan &

Les fugets ne puiffent chaffer vn malefice par malefi-


DES SORCIERS VI

ce:mais de chercher tels moyens c'eft impieté , Carfi


Sathan guerit la playe du corps , illaiffe toufiours v-

ne vlcere à l'ame . I'en mettray vn exemple que M.

Iean Martin Lieutenat du Preuoft de la Cité de Laon,

(car la verite ne peut mieux eftre cogneüe que par les


Iuges bien experimetez en telles chofes par le moy.

en des proces qu'ils font) m'a dict, quad il fift le pro-


cés à la Sorciere de Saincte Preuue qui anoitrenduvn'

maço impotét & courbé, en forte qu'il auoit la tefte

prefque entre les iambes,& auoit opinion que la Sor-


ciere luy auoit faict ce mal. Il fiſt dire à la Sorcière co-

me luge bien aduifé, qu'il n'y auoit moyen de fauier

fa vie,linon en gueriffant le maçon.En fin elle fe fift

aporter par fa fille vn petit pacquet defa maison: & a-

pres auoir inuoqué le Diable, la face en terre marmo.

tant quelques charmes en prefence d'vn chacun ,

elle bailla le paquet au maçon , & luy dift qu'il fe bai-


gnaft en vn baing: & qu'il mift ce qui eftoit dedans

le paquet en fon bain en difant ces mots, Vade par le

Diable:autrement qu'il n'y auoit moyen de le le gue-

rir.Le maçon fift ce qu'on luy diſt, & fut guery . On


voulut fçauoir ce qu'il y auoit au pacquet au parauat

que de le mettre au bain: ce que toutesfois elle auoit

deffendu: on trouua trois petis lezars vifs.Et pendant

que le maçon eftoit dedans le baing,il fentoit com-

me trois groffes carpes, &puis onrechercha diligem-

mentau baing:mais on y trouua ny carpe ne lezard.


La Sorciere fut bruflée viue, & ne voulut iamais fere-

pentir . Or on voit l'idolatric & blafpheme tout en-


femble de faire chofe quelconqueau nom & à l'in-.
uocation
LIVRE TROISIES ME. 149

fi
uocation du Diable. Les autres Sorciers ne font pas
impudes, mais plus ruzez & plus mefchans: car ils par

lent fainctemet & font ieufner les perfonnes come le


noble Sorcier de Normádie l'an 1572. l'é ay leu vn au

tre à troifiefme liure du Iardi d'Anthoine Turqueme-

de, d'vn Sorcier, voyát vn païfă mordu d'vn chie enra

gé, il luy dift quil eftoit Salutador: ceft à dire fauueur,

Peroque noperdais la vita : c'eſt à dire à fin que tu ne per-

des la vie.Puis il picqua trois fois au nez iufqs au fang.

& fut gueri . On void que ceft impofteur s'appelloit


Sauucur, qui eft vn blafpheme pour ofter la fiace qu'o

doibt auoir en Dieu, qui n'eft pas moins abominable

que s'il inuoquoit Sathan . Or Dieu parlanten Iefaye,

ic fuys ,dit il le grád Dieu Eternel qui enuoye la vic &

la mort, la ſanté & maladie :& nya point de falut finō

en moy feul. Au mefmes temps que i'cfcriuois ce liure


M.Charles Martin , Preuoft de la Cité de Lao aduerti

qu'il y auoit vne pauurefemme enforcelée par vne fa


voifine en Vaux,qui cft faubourg de Laon ,ayat pitié

de cefte poure femme enforcelée, menaffa la sorcic-

ciere de la faire mourir,fi elle ne gueriffoit la maladie

de fa voifine. Elle craignat,promift de la guerir.Et de

fait elle ſe miſt au pied du lict ,la face cótre terre ioin-
gnat les mains , & appellant le grand Diable à haute

voix,reitera plufieurs foisfes prieres, marmorât quel-


ques parolles incognues : puis elle bailla vn morceau

de pain à celle qui eftoit malade, qui comecea à gue-


rir.Cela faict le Preuoft s'en retourna en fa maifon a

uec refolution de la faire prendre &bruflertoft apres.

Mais depuis elle n'a efté veuë par deça . On void cui-
PP
DES SORCIERS

demment que la malade n'a pas moins inuoqué , ny


moins adoré le Diable que laSorciere.Or il vaut mil-

le fois mieux mourir que de effayer vn remede ſi

deteftable qui guerit le corps, & tue l'ame . Encores


void on la cótenice de la sorciere mettát la face côtre

terre,qui eft la façon que les ancies Prophetes Moyfe ,


Jofué,Elio auoirne quand ils vouloient appaifer lire

de Dieu . Mais outre cela, les plus deteftables sorcieres

font des foffettes , mettans la face dedas ,pour testifier

que l'inuocatio fe fait à Satha, & nopas à Dieu . Et ap-

peller Sathan à haute voix: A quoy ferlapporre ce que


dict Apulee parlant de Paphile la Sorciere de Lariffe,
pour faire fes horribles coniurations , il dic : Deuotio-

nibus inſcrobem procurratis , C'eſt à direfailāt ces prieres

& deuotios ě vne foffe .l'ay fçeu d'vn home digne de

foy qu'il y auoit vine vieille forciere fameufe qui fe le-

uoitprefque toutes les nuicts & l'ayat fuiuie quelques

foispourl'efpieril'aperceut qu'elle faifoit les prieres à


Sathan au pied d'vn arbre mettant la teſte dedans vné

foffe ,qui eft le plus haut point d'adoratió ou inclina-

tion qu'on peut faire , & duquel vfoyent enuers Dieu


Moyfe lofue Helye , & les anciés au iour du grâdieuf-

ne,ous'ils cftoyent en danger,mettant la face contre


terre & les forciers font des foffes inuocat Sathan des

enfers.Les autres ne veulent pas inuoquer , ny aſſiſtet

aux inuocatios Diaboliques,mais ils ne font point de

difficulté d'aller aux Sorciers pour auoir guerifon.l'é


reciteray vnexemple qui eft recet, que i'ay apprins du

Prefident de Vitry le François , homme d'honeur, qui

fut deputé à Bloys aux Eftats l'amil cinq ces feptante


fept,
LIVRE TROISIES ME.
150
fept,lors que nous auïos befoin de luy , pour nous ay-
derles vns les autres en la charge comune : Tele priay

bien fort de ne fortirpoint que les Eftats ne fuffent fi-

niz.Ilme dift qu'il y auoit vn fie amy au lict de la mort

quilauoit mãdé, & fait fon geritier, lequel auparauar

auoit cfté cinq ou fix ans malade , & eftropiat : & que

fon percfut aduerty


. qu'ily auoir en Fladres vn hom-

me qui gueriroit fon fils : Ce pere y alla foudai. Le for-


cier de Flandres luy dift la maladie de fon filz , qu'il
n'auoit iamais veu: & l'enuoya iufques en Portugal à

vn autre Sorcier qu'il luy nomma, quieftoit à la fuyte

te de la Cour.Ce pauure homme print patience & al-

laiufques en Portugal ou le forcier luy diftauant que

le pere ouurift la bouche: Monamy voftre fils fera bie

toft guery.Allez vous en France: & vous trouucrez à


vingt licües de voftre maifon presNoyon vn nommé
maiſtre Benoiſt , ( il y en a pluſieurs de ce nõ) qui gueri-

ra voftre fils . Le pere eftóné d'auoir tant voyagé pour

chercher ce qu'il auoit pres de fa mailon, prend cou-

rage, & s'en va à ce maiftre Benoit,qui diſt au pere ,

Vous auez bien pris de la peine d'aller en Flandres &

en Portugal pour guerir voftre fils:allez luy dire qu'il


vienneà moy: c'est moy qui luy donneray guerilon .

Le pere refpond qu'ily auoit cinq ans & plus qu'il n'a

uoit bougé du lict, & qu'il ne pouuoit feulement fe


mouuoit. On fit tát que le malade luy fuft amené, qui

le guerit à demy: & toutesfois il ne la fit pas logue de,

puis . On vient de plus de cent lieues ace forcier, qu'o


ditne fçauoit lire ny efcrire , blafphemeur ordinaire,

& reputé des plus meſchans hommes du pays ; & có-

Pp ij
DES SORCIERS !!

tinue cefte vie par la fouffráce de ceux qui en doibuét

faire la vengeace.Oril ne faut pas s'eftoner files igno-


rans vont quelquesfois cherchattels remedes . Car on

le permet publiquement foubs ombre de quelques


loix &opinions deprauees de certains Canoniftes,di-
rectement contraires à la Loy de Dieu : quin'eft pas
chofe nouuelle.Car nous lifons en Sudas qu'il y auoit

des le temps de Minos deshomes qui par parolles &


facrifices gueriffoient les maladies: Et en Homere on

voidAutholycus guery
. du flux de fag par parolles.Et

mefmes Hippocrate au liure de Morbo facro efcript,


qu'ily auoitplufieurs impofteurs qui fe vantoient de

guerir du mal caduc, difant que c'eftoit la puifface des


Dæmonsen fouyant en terre , ou iettant en la mer le

fort d'expiation, & la pluſpart n'eſtoyent que beliſtres


Mais à lafin il met ces mots: Sed Deus , quifceleratiffima

quæque purgat, noftra est liberatio. C'est à dire, qu'il n'y a

que Dieu, qui efface les pechez, quifoit noftre falur &

deliurance.lay mis les mots de celuy que nous appel-

lós Payé pour nous enfeigner d'auoir en horreur.tel-

les impietes.Et à cepropos lacqs sprager Inquifiteur


des forciers efcrit, qu'il a veu vn Eucfq d'Allemagne,

lequel eftant enforcelé,fut aduerti par vne vieille for.


ciere,qu'il eftoit enforcelé:Et que fa maladie eftoit ver

nue par malefice, & qu'il n'y auoit moyé de la guerir,

que par sort en faisant mourir la forciere , qui l'auoit

enforcelé.Dequoy eftant cftoné,il enuoye en poſte à


Rome aduertir Nicolas cinquiefme Pape, qu'il luy dá

naft difpéce de guerir en cefte forte:ce que le Pape luy

accorda,aymant vniquement l'Euefque: & portoit la


difpence
LIVRE TROISIES ME. ISI

difpence cefte clauſe (pour fuyr de deux maux le plus


grad) La difpéce venue la Sorciere dift :Puis que le Pa-

pe & l'Euefque le vouloient, qu'elle s'y employeroit.


Sur la minuict l'Euefque recouura fanté, & au mefme

inftant la Sorciere , qui auoit enforcelé l'Euefque fut

frapee de maladie , dont elle mourut . Ainfi void- on

que Sathan fift que le Pape , l'Euefque , &la Sorciere


furent homicides : Et laiffa à tous trois vne impreffion

de feruir & obeyr à fes commandemens : & ce pendát

la Sorciere qui mourut, ne voulut oncques fe repen-

tir:ains au contraire elle fe recomandoit à Satha pour

guerir .On void auffi le iugement de Dieu terrible &

ineuitable, qui venge fes ennemis par fesennemys, co-


me il dit en Hieremie.Car ordinairement les Sorciers

defcouuret le malefice, & fe font mourir lesvns les au

tres:d'autant qu'il ne peut challoir à Sathan par quel


moyen ,pourucu qu'il viene à bout du genre humain
en tuant le corps, ou l'ame,ou les deux enfemble . I'en

mettray vn exéple aduenu en Poitou l'a M. D.LXXI .

Le Roy Charles neufiefme apres difner comãda qu'o

luy amenaft Troif- Efchelles, auquel il auoit donné


grace pour accufer fes complices.Et cofeſſa deuant le

Roy, en prefence de plufieurs grands Seigneurs , la fas


çon du transport des Sorciers :des dáfes , des facrifices

faits à sathan, des paillardifes auec les Diables en figu


re d'hommes & des femmes: & que chacun prenoit
des poudres pour faire mourir homes, beſtes , & fruits.

Et comme c'hacun s'eftonnoit de ce qu'il difoit. Gaf

par de Collignilors Admiral de Fráce, qui eftoit pre-


fet,dift qu'o auoit pris en Poictou peu de moys aupar-
Pp iij
DES SORCIER SI

auát vnicune garço, accufé d'auoir fait mourir deux

Gentils-hommes:il confeffa qu'il eftoit leur feruiteur,

& les ayat veu ietter des poudres aux maiſõs, & fur les
bleds difans ces mots,Malediction fur ces fruits, ma-

ledictio fur ceſte maifon ,fur ce païs. Ayant trouué de

ces poudres,il en print,apres auoir diet malediction


fur ce lict, & en ietta fur le lict ou couchoient les deux

Gentils- hommes, qui furet trouuez mors en leur lict,


tous enflez & fort noirs . Il fut abfous pa les luges.
r
Troif-Efchelles alors en racota beaucoup de fembla!

bles: Et faut croire que file Roy, qui eftoit d'vne for
te complexion & robufte, cuft faict brufler ce maiſtre

Sorcier & fes complices,il eft à prefumer queDieu luy

cuft donné pour telles executions heureuſe &longue


vie . Car la parolle de Dieu eft tref- certaine , que celuy

qui faict efchapper l'homme digne de mort, verfe fur


luy mefmes la peine d'autruy, comme le Prophete dift

au Roy Achab,qu'il mourroit pour auoir donné gra


ce à Benadab qui auoit merité la mort.Oriamais n'a-

uoit efté ouy qu'on donnaft grace aux sorciers. Vray

eft qu'on peut dire que c'eftoit pour accufer les copli

ces,qu'on luy donnoit grace, mais tous efchapperet.

Et pour retourner à noftre propos, sprager ( qui a fait


executer vne infinité de Sorcieres : & cogneu leurs fe

crets)efcript qu'il y a des malefices incurables, des au-

tres qui ne peuuent eftre oftez qu'en donnát le sort à

vn autre. Lesautres en donat le Sort à celuy qui l'a dō-

né,les autres ne gariffent que d'vne maladie , les autres

de plufieurs,les autres ne gariffét pas,fi ce n'eſt de deux


licues à la ronde de leur maiſon , & certaines per-

fonne
LIVRE TROISIESME. 152

fonnes :les autres n'oftentiamais le sort , fi ce n'eft du

confentement de celuy qui l'a donné.Et voulant fça-

uoir des forciers pourquoy tout celà : les forcieres

refpondoyent que tout fe fayfoit felon le marché

qu'ils auoyent venant au feruice de sathan , & par

conuentions expreffes. Et cela eftoit fi vulgaire en

Allemaigne de fon aage, come il a cfté du tout teps,


- haffe,
qu'il efcrit, que le seigneur du village de Rictif
territoire deCoftace,pnoit vn ipoft de ceux q venoy-

et à vne forciere de fon village pour eftre deſſorcelés:

& par ce moyé le seigneur du village, & satha auoyết

bone itelligéce & obligatio reciprocque: & les pau-

ures ignoras pipez du Diable, auquel ils s'adreffoient,


en lieu qu'ils deuoyet s'adreffer à Dieu , come difoit le

grád Elie au Roy Ochofie: & dit qu'il y en auoit plu-


fieurs seigneurs en Allemaigne qui en vſoyét ainfi, é-

cores que les sorciers ne pouuoyet rien, s'ils prenoyét


arget.Il eft affez notoire qu'il fe trouua à la Rochelle

vn hōme frapé à mort, en forte que to ' les chirurgies l

abadoneret: mais il vient vn sorcier qui fift marcher &

parler le patiet quelques iours, qui n'eftoit autre chofet

q satha qui le portoit, & touffiours pour döner credit.

aux sorciers fes subiects. Mais c'eft chofe eftrange que

Pierre Mamor efcript, que les os d'vn cheual rompu

empefchent qu'on puiffe ofter le fort. Il n'y a pas grad

apparece:ny pareillemet en ce que dit Albert le grad


au liure de animalibus, qu'il y a des oyfeaux par lefquels

on peut ofter les charmes,qui feroit le moye de reduy


re des hommes aux augures des Payens Mais ie tiens
que tout cela eft illicite ,& induit les hommes à idola-
DES SORCIERS

trie & à reuerer les pierres : Carla parolle de Dieu ne

peut faillir qui dict, qu'il ny a puiffance fur la terre qui


puiffe refifter à la puiffance de sathan. Come il eft dict
4.Cap.41. en lob à fin qu'on ait recours à Dieu feul & non à au-
Cafi tre: & bien vfer des creatures & medecines ordonnees
qui
ciarias 2cq de Dieu auec prieres comme fift Tobic, & non autre-

126 q. met . Thomas d'Aqui paffe plus outre: car il tiết queto⁹
97ca admo
neant. remedes & preferuatifs qui ne peuuet par raifon vray

5, infecun- femblable guerir,chaffer, où épefcher le mal,font illi .


dafecunda cites.Et Saint Auguftin au dixiefme liure de la Cité
9.96.art.2
de Dieu difputat contre Porphire & Iamblique, qui
péfoyet attirer les puiffaces celeftes auec les chofes e-
lemécaires, defféd toutes fortes de remedes & prefer-

чatifs cótre le Diable, horf mis la priere & penitéce, &

tiet q tous les remedes de parolles, characteres, ligatu.


res & autres chofes vaines font les filets de Sata.C'eft

6.in can. auffi le texte formel du cano ,á fin qu'o ne s'arrefte pas
admoneant
26.9.7.0 àl'opiniõde l'Efcot, nyd'Hoftiefe , ou il dit vana vanis

in d.can fi cotundere licet: ny à la glofe qui interprete le mot vana:

quis
cia ria s. 23. qui ne fot poïct illicites: qui cft chofe impofible: &par
persor
9.1. ainfi la fuperftitio Payene de ceux qui chaffoiết les ef-
prits en prenat certain legume en la bouche, que ie ne

mettray pojnt, & le gettant parderriere, ayat les pieds

nuds,apresauoir prie neuffois à la modequ'ils faifoyét

eft damnable & pleine d'impieté Car c'eft en bos ter-


mes adorer sathan,pour n'eftre point mal traicté . Les

anciens Latins faifoyent cela par trois iours au mois

de May: & appelloyent cela Placare lemures, ou Remu-


res:par ce que la chofe print origine pour l'homicide

de Remus :apres la mort duquel les efpris trauailloyét


les
LIVRE TROISIES ME. 153

les habitans du lieu: & pour montrer que telles cho-


fes font vaines &illicites, outre ce qui eft cy deffus de-

duit,nous lifons qu'il eftroitemet defedu de faire paf-

fer les enfas par le feu.Moyfe Maymo, qui eft entre les

Theologiens Hebrieux le plus eftimé, eſcript que les


Amorrheans entre autre chofes auoient accouftumé

de faire paffer leurs enfans parla flamme ,eftans fortis 4.Reg. lib.

du ventre: & auoyent opinion que cela les garatiffoit 23. Pa-
de beaucoup de calamitez , & mefmes il dit auoir veu ralip.li.2.c.
28.
033.7
' en Egypte que les nourriffes gardoyét écores cefte Lib. 3. Ne-

fuperftition defon temps; il viuoitl'an M cccxx.Or

s'il eft ainfi que Dieu ait en horreur cefte fuperftition, quina.
combien penfons nous qu'il detefte les charmes & re-
medes contre les malefices, defquels on vfe ? On peut

voiren Moiſe Maymo qui defcript plufieurs fuperfti


tios,come il à trouué és ancies liures, defquels vfoyét

les Amorrheas , que la loy de Dieu n'a pas voulu taire

dutout,ny specifier par le menu , à fin de n'eſeigner ce


qu'il faut enfeuelir: & neatmoins par quelques exem-

ples propofés, lesmefchans n'auront point d'occafion


pretendre caufe d'ignorance de leur mefchanceté, ny

les luges de l'auoir ignoré . On voit vne fuperftitio or

dinaire par tout, de faire mettre les enfas fur vn ours,


pour les affeurer de la peur : & lier les arbres de foirre

pour garantir les fruics, comme ils font enValois, qui

fot toutes pernicieuſes fuperftitios.car c'est toujours


vne auerfion du Createur, & fiance en la creature . Et

pour ceſte cauſe Mahomet Aben-Taulon Sangiach

d'Egypte fit brufler, n'a pas long temps , vn crocodile

de plomb, qu'on auoit mis foubz la porte d'vntéple


Qq
DES SORCIER'S

d'Egypte,parce que les habitans du lieu penfoyer par


ce moyen eftre garentis des crocodilles. Voyla quat

aux moyens illicites pour obuier aux fortileges. Difos

auffi s'il y a moyé de chaffer les efprits malins de ceux

qui enfont afficgez.

DE CEVX QUI SONT ASSIE

gezegforceZpar les malins efprits : s'ily a moyê des


les chaffer.
CHA P. VI.

Ov's auons parlé de ceux qui volontaire-

ment par conuentions tacites:ou expreffes,

ont part auec les malings efprits:difos main-

tenant de ceux qui font affiegez & forcez


par iceux, & s'il y a moyen de les chaffer . Ie ne mets

point en difpute s'il y a des perfonnes affiegeez par les


malis efprits.car toutes les hiftoires diuines & humai-

nes en font pleines :mefmement l'Euangile: & aux A

tes des Apoftres, chapitre feiziefme il est dit qu'il y


auoit vne ieune fille efclaue qui auoit vn efprit qui par

loit en elle,que l'Efcripture appelle quo qui


difoit les chofes cachées, & l'aduenture à plufieurs : &

pour vne verité dix menfonges. Elle dift que Sainct

Pierre & Saint Paul prefchoient la voye de falur : &


par ce moyen fon maiſtre gaignoit :& le Diable atti-

roit les perfonnes à demander la verité au maistre de

menfonge.Sleidan recite auffi qu'en la ville de Müfter

en Weftphalie,lors que les Anabaptiftes tenoyent la


ville,apres la publication de la communauté de biens

il falloit que chacun raportaft les denirs en commun:


&
LIVRE TROISIESME. 154

& parce qu'il y en auoit qui receloyent leurs efcuz, il


fe trouua deux ieunes filles qui reueloyent tout.Mais

on void la preuue de ceux qui font poffedez du Dia-

ble,qui parlent diuers langages, qu'ils n'ont iamais ap-


prins.Ily en apeu en France fi eft- ce qu'il fen void: &

depuis vn an ençà vn ieune enfat aagé de douze ans,


nommé samuel, du village de Watelet prés céfte vil-

le de Laon , fils d'vn gentil- homme, Seigneur des La-

des ,vn moys apres la mort de fa mere a efté faifi d'vn


efprit,qui le trauailloit fort, & luy bailloit des fouf-

Alets, & quelquefois luy entroit dedans le corps ;


, & fi
on vouloit ofter l'efant,il le retiroit par force. Le pere

pour la religion qu'il tient,ne voulut pas qu'il fuft ex-


orcizé.le ne fçay fi depuis il eft deliuré. On à veu auffi

depuis douze ou treize ans vne femme de Verui , qui

eftoit poffedee d'vn maling efprit, & fut exorcizee en


cefte ville de Laon.que ie pafferay, par ce qu'il y en a

plufieurs liures imprimez . L'Italie &l'Efpaigne en a

grand nobre,qu'il faut enferrer, & qui parlent Grec,


Latin & autres langages fans les auoir appris: ou pour

mieux dire,l'efprit parle en icelles. Car l'efprit de cel-


le de Veruin,lors qu'elle tiroit la langue iufques aux

larynges, palloit difertement. Melanchthon efcript

qu'il a veu en Saxe vne femme demoniaque, qui ne

fçauoit ny lire, ny efcrire : Et neantmoins elle parloit


Grec & Latin, & predict la guerre cruelle de Saxe en
ces mots, ἔςαι ανάγκη ἐπὶ τῆς γῆς καὶ ὁρμὴ ἐν τῷ λάφτέτῳ,

C'eſt à dire,qu'il y aura de terribles chofes en ce pays.


& rage en ce peuple. Fernel au liure de Abditis rerum

caufis, dit auoirveu auffi vn ieune garçon demonia-

Qq ij
DES SORCIERS

que qui parloit Grec, encores qu'il ne fçeuft pas lire.

Hippocrate au liure de Morbofacro, penfoit que ce ne


fuft que le mal caduc: mais la difference a efté bie re-

marquee par la pofterité: & en Grece mefmes depuis


qu'on apperceut les diuerſes langues & diuinations

des affiegez:qui ne font point en ceux qui ont le mal

caduc.Et la marque aufli eft euidente , & plufieurs


fymptomes tous differens : & ceux qui en veulent fai-

re la preuue , i'entens les Sorciers, ils difent en l'oreille

du patient,Exi Damon , quia Ephimolei tibi præcipiunt.

Soudain le patient demoniaque tombe comme paf-


mé:& puis quelque temps apres il fe releue, & dit des
nouuelles de loing, veritables & incogneües : & cela
faict il eft deliuré du Dæmo: Mais fi c'eft le mal caduc,

cela n'aduient point. Les autres qui ont le Diable au

corps font Sorciers, qui ne font point vexez qu'on ap


perçoiue, ou ceux qui par deuotion penfant bien fai

re,font faifiz des Dæmons pour vn temps , comme e-

ftoient les preftreffes Pythiaques en Grece. On pefoit

que Dieu poffedoit leurs perfonnes, & appelloyết ce-


la Enthoufiafme: quand les Sybilles & Preftreffes d'A-

pollon, apres auoir couché en la cauerne de Delphes,

ou de Delos , eftoyent ainfi faifies, & le Diable parloit

en elles, qu'ils appelloient le Dieu Apollon ,lefquelles


eftoient peu apres deliurees :mais ceux qui cftoient

vrayes demoniaques cftoyent deliurees quelquesfois

par certaines fuperftitions,dont Hippocrate parle au


liure de Morbofacro- Mais les Sorciers fouuet chaffoyết,
comme ils font encores , les Dæmons. Les Chreftiens

de la primitiue Eglife vfoyent de prieres, & puis con-


iuroyent .
LIVRE TROISIES ME. 155

iuroyent les cathecumenes, & energumenes , les exor


fizant.encores que celuy qui fe prefentoit pour eftre

baptizé,fuſt en aage ,fage & prudent, & qu'il n'y cuſt

aucune apparence de maling efprit en luy . Ce qui a


toufiours cfté gardé, & fe garde encores es baptefmes

des enfans,qui font baptifez à la religion Catholique.

Car ie n'ay a traiter icy que de ceux qu'o void affiegez

du maling efprit,qui ne font point Sorciers : ains au


contraireles Sorciers demeurent d'accord par infinis

procés, que fi vn Sorcier ayant faict profeffion & con


uention expreffe auec le Diable pour iamais quitter

fon feruice , & qu'il fe repente de ce qu'il a faict fans

prier Dieu , il fera mal traicté, tourmenté & batu,fi

Dieu par fa grace ne le preferue . Fay remarqué cy de-

uant, que l'en ay veu vn ,lequel eftoit fuyui par tout

du malin efprit, & ne s'en pouuoit deffaire, & au plus


profond de fon fommeil le Diable l'efucilloit luy ti-
rant le nés & les oreilles,en luy demádant,s'il ne vou

loit pas luy demander quelque chofe . Spranger dit

qu'ila condamné plufieurs Sorcieres qui eftoyent bie


aifes qu'on les faifoit mourir, difant qu'elles eftoyent
battues du Diable ,fi elles ne faifoyent fes commade-

mens, & que autrement elles n'auoyet point de repos.

T'ayauffi remarquévn gentil - homme demeurant pres


de Villiers cofterets,auquel vn foldat Efpaignol auoit

vendu vn maling eſprit auec vn anneau : & d'autant

qu'il n'obeiffoit pas au gentilhomme, comme il efpe-


.
roit,il getta l'anneau dedans le feu: & depuis n'a ceffé
de le trauailler.Il y en a auffi qui ont efté Sorciers , &
ont renoncé Dieu, & iuré alliance auec Sathan: & co-

Qq iij ,
DES SORCIERS

gnoiffans les impoftures n'en tiennent conte : & n'en

font ny penitence ny repentance : aufquels toutesfois


Sathan ne faict rien: car il fe contente qu'ils font à luy

en poffeffion paisible.Il y en a d'autres qui femblent

eſtre fols ſeulemét, & qui riet & fautent fans propos:

comme eftoit celuy duquel parle Philoftrate , qui fut


defcouuert par Apolloni Thianeus maiſtre Sorcier,

eftre affiegé d'vn malin eſprit, & deliuré par iceluy : &
à dire vray,fi la folie de l'homme ne prouient de ma-

ladie,quand il dit fans mefure & fans propos, c'eſt I'vn

des fignes que la perfonne eft poffedee du maling ef


prit.On en void auffi qui ne font point autremet fols:
& neantmoins ils vont en dormant, comme s'ils veil-

loient:qui eft vne lethargie, ou autre maladie de cer-

ueau, qui aduient quelquesfois aux plus fages: l'en ay


veu trois malades de cefte maladie,qui n'auoient au-

cune douleur: & meſmes Galen confeſſe qu'il a eſté


malade en ceſte forte vne foix en favie , & alla demy

quart de lieue tout dormant, iufques à ce qu'il renco-


tra vne pierre qui le fift tomber, & le reueilla : mais il

y en aqui vont fort fouuent la nuit les yeux clos , &

montent fur les maiſons,fur les Egliſes , & hauts lieux

inacceffibles, ou le plus vigilant, & le plus fage hom-


me du monde ne fçauroit monter: Etfi on les appelle

par leur nom,foudain ils tombent par terre. spranger

dit en auoir veu tomber en cefte forte, en Orleans il y

en cut vn agité la nuict, qui fut fuyui par fon compai-

gnon,qui couchoit auec luy:& le voyant aller en la ri-

uiere il ne voulut pas le fuyure:mais de peur qu'il n'al-

laft trop auat il l'appella par fon nom: foudain il tóba


tout
LIVRE TROISIESME. 156

tout dormant, & fut noyé. Il eft à prefumer que le


malin efprit l'agitoit :toutesfois ie n'en fuis pas affeu-

ré:car il fe peult faire que l'homme oyant fon nom,

s'efucille en furfaut , qui fuffit pour le faire tomber:


mais ie ne trouue point d'apparence de monter en
dormant aux lieux inacceffibles, & precipices dange-

reux, & s'en retourner fans choper ny s'offencer.Et en

quelque forte que ce foit,il faut eftimer que celuy qui

eft affiegé du malin efprit , & tourmenté par iceluy,

n'eft pas hors la voye de falut,comme les faincts per-


fonnages ont iugé: Et de faict Sainct Paul en pre-

miere des Corinthiens parlant de celuy qui auoit abu


fé de fa belle-mere, Il eft , dit il, expedient que ceft ho-

me-là ſoit liuré à Sathan, à fin que fon efprit foit fau-

ué au iour du iugement:ll eft à croire qu'ils entendoit


l'excommunication, de laquelle ou vle encores . Re-

fte à voir les moyens de chaffer les malings efprits foit


des perfonnes,ſoit des beftes, foit des maifons . Car
Thomas d'Aquin ' eft d'accord , qu'on peut auffi 3.1n fecun-

coniurer vne befte irraifonnable , comme eftát icelle da fecunda


9.90.
agitée par sathan pour offencerles hommes : & par

confequent il fuppofe qu'on peut chaffer les malings


efprits. Et quant aux moyens de chaffer les Dæmons

Alexandre 1. Pape inftitua l'eau beneiſte . Quant


aux coniurations elles font affés notoires. * : Exorcizo 4.1n lib.de

teN.per Deum viuum, & cat . Et puis l'oraifon: Deus ceremony's


Ecclef.Rom
mifericordiæ &cat. & apres l'execration . Ergo maledicte
Diabole, cat. puis autre oraifon & de rechef l'exc-

cration,iufques à trois coniurations : bruſlans tous

les Sorts & poudres malefiques qui fe trouuent en la


DES SORCIERS

maiſon de celuy qui eft poffedé du Diable, qui eſt di-


rectement contre l'aduis de Saint Hilarion , & de

fainct Hierofme, comme nous auons dict cy deuant.


Ils adiouftent auffi les confeffions, les Sacramés,les e-

ftoles, & beaucoup d'autres chofes femblables . Et

neantmoins les malings efprits ne fortent pas pour

tout celacomme il fe voit affez fouuent .T'ay faict

mention cy deuant de celle qui eftoit poffedée d'vn

malin efprit, & qui demeure encores au Menil pres

Dammartin, qui eftoit liée ordinairement d'vn efprit


depuis l'aage de huit ans;& ne luy faifoit autre mal.Le

docteur Picard, &plufieurs autres l'exorcizerent en la


ville de Paris l'an mil cinq cens cinquante & deux, co-

me i'ay dict:mais cela ne feruit de rien . Et neatmoins

plufieurs voulans exorcizer les Demoniaques , font


bien fouuent faifis du Diable, comme nous lifons és

Actes des Apoftres de deux difciples , qui vouloient

chaffer l'efprit malin du corps d'vne perfone, difat ces

mots, Adiuro vos per Iefumquem Paulus prædicat. &cat.

refpondens autem Spiritus nequam dixit eis : Iefum noui &


Paulumfcio, vos autem qui eftis ? Et foudain le Diable
fe faifit de tous deux, & laiffa celuy qu'il vexoit . Nous

auons vne hiſtoire femblable en Sainct Gregoire au

premier dialogue, qu'il y euft vn Preftre , lequel voy

ant vne femme faific du Diable, il print vne eftolle, &


la miſt ſur la femme :foudain leDiable fe faifit du Pre-

ftre & quitta la femme.Nider recite auffi qu'il y auoit


en Couloigne vn moyne sorcier facetieux ,qui auoit

grande reputation de chaffer les malings efprits . Vn

iour le maling efprit luy demanda ou ilyroit, Va dit


il en
LIVRE TROISIESME. 157

il en mon priué.Le Diable ny faillit pas, & la nuict il


batist tát come il alloit à fon priué, qu'il fuft à vn doy

pres de la mort. Quelques fois les Diables s'en vont

par commandemens des Sorciers, comme on dict


d'Apollonius Thyaneus,qui chaffoit les Diables , ou

pluftoft qui luy obeiffoyent pour luy donner credit

de fe deifier , comme il tachoit, & trouua force difci-

ples qui en faifoyent plus de cas que de Iefus- Chrift:

enforte que Eufebe a efté contraint d'efcrire huict

liures contre Philoftrate Euangelifte du Sorcier A-

pollonius. Symon Magus faifoit le femblable : Car

il ny a fineſſe ny ſubtilité dont Sathan ne s'aduiſe,

pour faire idolatrer les hommes : en quoy ſa puiſſan-

ce n'eft pas ruinée,mais bien eftablie . Spranger In-


quifiteur en met vn exemple d'vn Bohemien nom-

mé Dachon preftre , qui fut long temps poffedé du


Diable ; & fut mené à Romme : lequel difoit qu'il

hayoit à mort les chofes que sathan ayme le plus.

Il recite auffi que à Magdebourg ily auoit vn autre

preſtre , qui fut poffede du Diable ſept ans : & quãd

on demandoit au Diable pourquoy il auoit comme-

cé à tourmenter le preftre depuis trois mois , il dict


qu'il ne laiffoit pas d'eftre auparauant dans le corps.

du preftre: & quád l'exorcifte demada au Diable ou

il fe cachoit quad le preftre prenoit l'hoftic facree,


l'eftois, dict il ,foubs fa langue ; & l'exorcifte l'iniuriat

difoit pourquoy ne t'en fuis tu de la prefence de ton


·
Createur:le Diable refpõdit, & pendant que vn hom-

me de bien paffe fur le pot,pourquoy vn mefchant ne

paffera il foubs le mefine pot. Voila de mot à mot les


Rr
DES SORCIERS

2.1n malleo propos de Spranger Inquifiteur. Et quelquesfois le


maleficaru. Diable faict des plainctes , comme s'il enduroit grá-
de douleur, & difent eftre l'ame d'vn tel ou d'vn tel,

pourtenir toufiours les hommes en erreur .Nous en


auons affez d'hiftoires: & Pierre Mamor en recite vne

qui aduint en France à Confollent fur Vienne, en la


maifon d'vn nommé Capland l'an M. CCCCLVIII,

d'vn Diable qui fe difoit l'ame de la defuncte , qui ge-

miffoit & cryoit , en ſe compleignant bien fort : &


admoneftoit de faire plufieurs prieres & voyages , &

reuela beaucoup de chofes veritables : mais quelcun

luy diſt ,fi tu veus qu'o te croye, dy Miferere mei Deus

fecüdü & cet.mais il dit qu'il ne pouuoit. Alors les affi-


tás fe mocqueret de luy, & s'en fuit en fremiflant . Le

femblable aduint à Nicolle Auberi , femme natifue

de Veruin, de laquelleM.Berthelemy Faye, Cofeillier

en parlement a cfcript l'hiftoire, ou il dict que sathan


s'apparut à elle, priat fur lafoffe de fon pere, come for-
tant du fepulchre: & luy dift qu'il falloit dire beau-

coup de meffes,faire quelques voyages fpecificz , &


apres tout cela il ne laiffa pas de tourmeter cefte рац.
ure femme , combien que au commencement il dift,,

que c'eftoit fon ayeul: neantmoins à la fin il dift qu'il

eftoit Beelzebuth. L'ay dict plufieurs fois ce qui cft

efcript en Iob, qu'il ny à puiffance en terre que Sathan


craigne : Et l'opinion de Iofeph hiftorien Hebrieu ,
en e,
que l'ay remarqué cy deflus , eft pernicieuse , en c
ce,

qu'il dict qu'il a veu vn Iuifde fa nation , lequel met-


tant vn anneau au nez de celuy qui eſtoit afſiegé,
que foudain le Diable s'en fuyoit. C'eftoit pour in-

duire
LIVRE TROISIESME. 158

duire les hommes à reuerer la creature, la pierre , l'an-

neau.ll he dict pas que l'anneau portaft vn Diamant:

car il s'en eft trouué de cefte opinion , qui ont dit que

cefte force eft au diamant , qu'il garentiſt de fonges

friuoles & des malings efprits , comme dit vn Poëte


fans renom , Et noctis lemures , & fomnia vana repellit.

Mais ils ne difent point quelle forte de Diamant. Car


il y en a fix fort differens , & la fixieſme eſpece eſt le 7.Plin.lib.
33.
Diamant Arabic qui vient à gros tas cz monts Pyre-

nees, & qu'on foule aux pieds , en forte que le quin

tal ne coufte que trois efcuz fur les lieux : Il eft figuré
& poly par nature d'vne beauté que tous les artiſans

ne fçauroient fi bien contrefaire à fix coftes efgaux,

& les deux bouts en pointe , & forme conoide : &


s'en trouue de plufieurs couleurs.Les ancies tenoient

auffi que les Diables craignent fort les tranchans de

efpees, & glaiues, & mefmes Platon, & plufieurs autres

Academiciens font de ceft aduis, que les efprits fouf-


frent diuifion . Et me fouuient que l'an mil cinq cens

cinquante & fept , vn malin Efprit foudroyant à


Thoulouze tóba auec le tonerre dedans la maifon de

Poudot courdouannier,demeurat pres du Salin , qui

iettoit des pierres de tous coftés de la chambre: on ra

maffoit lespierres en fi grand nobre, qu'o en remplift


vn grand coffre, que la maiftreffe fermoit à clef, fer-

mat portes & feneftres.Et neatmoins l'efprit aportoit


foudain d'autres pierres, & toutesfois fans faire mal à

perfonne.Latomi, qui eftoit lors quart Prefident , fut

voir que c'eftoit: auffi toft l'efprit luy fit voler fon

bonet d'vne pierre , & le hafta bien de fuir. Il y auoit


Rr ij
DES SORCIERS

efté fix iours quand M.Iea Morges confeillier du Pre-

fidial m'en vint aduertir pour allervoir ce mystère, ou


ie feus deux ou trois heures fans rien apperceuoir.

Quelcun,lors que i'entray,dit,Dieu foit ceas: & apres


auoir entendu l'hiftoire, dift au maistre qu'il priaft

Dieu de bon cœur,& puis quil feift la rouë d'vne ef-


pee par toute la chambre. Ce qu'il fift . Le iour fuiuant

la maiftreffe luy dift, qu'ils n'auoyent depuis ouy au-

cun bruit, & qu'il y auoit fept iours qu'ils n'auoyent

repofé.Les anciennes hiftoires font frequétes de tels


efprits ietteurs de pierres: & mefmes Guillaume de Pa-

ris efcript que l'an M.CCCC.XLVII.ily en auoit vn


à Poitiers en la Parroiffe Sainct Paul , qui rompoit

voirres & voirrieres , & frappoit à coups de pierres

fas bleffer perfone.Encores dit- on, qu'il faut en chaf

fantles malings efprits les enuoyer en certain lieu,

comme en l'Euangile Iefus Chrift les enuoyoit aux

troupeaux de pourceaux.Et en Tobie l'Ange ayant

chaffé le malin Efprit,le lia en la haute Egypte : ou il

femble que Dieu a limité non feulement la puiffance,


ains auffi le lieu ou les malins efprits font reclus. Et de
faict Cæfarius en fon Dialogue efcript , que la fille

d'vn Preftre de Coloigne eftant tourmentée d'vn ma

ling efprit Incube, deuint phrenetique.Lepere futad


uerty de faire aller fa fille par dela le Rhein, & changer

de lieu.Ce qu'il fit.Le Diable par ce moyen laiffa la fil


le: mais il battit tant le pere qu'il en mourut trois iours

apres.Auffi lifons nous que les malings efprits ne font


pasfi frequens dedans les villes,comme és villages: ny

aux villages, comme auxlieux deferts & aquatiqués,


com-
LIVRE TROISIESM E. 159

comme il eft efcript en lob quarante & vniefme chap.

C'est pourquoy lesmalins efprits qu'on appelle Feuz


fols la nuict apparroiffans, &mefmement la nuit d'e

tre le vendredi & famedi fuyuent les eaux , & fouuent

font noyer les perfonnes pour les chaffer il faut prier


Dieu la face en terre, & foudai tout se fuit.le croy bie

que les creatures auec la crainte & parole de Dieu y


peuuent feruir, & fans la crainte de Dicurie du tout.

le mettray pour vn exemple la Mufique qui eft I'vne

des chofes qui plus a de force cótre les maligs efprits,


comme il eft efcrit de Saul,que le maling efprit le laif-

foit tandis que Dauid touchoit fa harpe : Vray cft que

Dauid auoit alors le Sainct Efprit, & neantmoins il eft


dit, que le tourmet de Saul ne ceffoit finon au fon de

la harpe ,foit que la Mufique eft vne chofe diuine , &

que le Diable n'ayme que les difcors foit que l'har-

monic confpirant auec l'ame, reduit la raiſon efgarée

àfon principe:comme les anciens ont remarque, que


la Mufique garift le corps parle moyen de l'ame , tout

ainfi que la medecine garift lame par le corps . Et de

fait il y a vne espece de furieux en Allemaigne, qui ne


guariffent finon au fon de l'inftrument , quaifd le
Muficien accommodefa Muſique au branle des fu-

rieux: & puis il fait peuà peu, que le furieux s'accom

mode à la cadence du Muficien pofément, & èn ce-

fte forte il guerift lofaifant repofer on l'appellela ma-


ladie Sainct Vitus. Nouslifonsauffi que le Prophete

Michee eſtant appellé par Achab Roy de Samaric &


en la prefence du Roy de Samarie deuant que pro-

phetizêr de l'iſſue de la bataille il fir enconper yn in-


Rritj
DES SORCIER'S

ftrument de Muſique: alors l'efprit de Dieu le faifit &


prophetiza & mefmes samuel ayant confacré Saul,

Vadit ilsetellieu où tu trouueras vne troupe de Pro-

phetes qui defcendent de la montagne,& qui fonnet

des inftrumens. Alors l'efprit de Dieu te faifira.Si toft

que Saül çuſt : approché de Propheres qui fonnoyent


leurs inftruméns , l'efprit de Dieu le faifit , & fetrouua

tout changé: combien qu'il eft à croire que l'efprit de

Dieu,duquel la trouppe des Prophetes eftoit remplie,


non feulement embraza Saül de l'efprit diuin, ains auf-

fichaffoit les malings efprits de tous coftez : comme


de fait Saul eftant laiffé de Dieu & de fon Ange , fut

faifi du maling efprit & comme il auoit refolu tuer

Dauid,il enuoya par deux fois des meurtriers pour

l'affaffiner é compaignie de Samuel mais fitoft qu'ils


auoyent approché , ils eftoient faifis de l'efprit de
Dieu,& au lieu de tuer Dauid ils beniffoient & lou-

oyent Dieu.Dequoy Saül aduerty y vint en perfone,

foudain il fe trouua tout chage, prophetizát & louat


Dicu . Car les anciens Hebrieux ont remarqué pour

vne demonſtration treſcertaine & indubitable , qu'il

n'y a rien plus aggreable à Dieu , que la louange chan-


rée d'vn cœur entier & joyeux , comme il eft dict au
Pfalme xxxIIK.

Louange efttref-feante & belle,

En labouchedelhomme droïcked cat. g

Auffin'ya il rien qui pluftoft chaffe les malings

efprits, & les force de forsir: mais c'eſt la louange du

Createur & non pas des creatures . Comment donc,

dira quelqu'vn.clt-il poffible que le sortier Apollo-


nius
LIVRE TROISIESME.
160
nius chaffaft les Dæmons , & comment les Sorciers

de noftre temps ont ils encores cefte puiffance de


chaffer foudain les malings efprits ? Ie refponderay ce

qui à efté refolu en la Sorbonne l'an mil trois cens


nonante & huict : Hæreticifunt qui putant Damones

maleficijs cogi poffe,quife cogifingunt . C'eſt à dire , que

ceux la font heretiques qui croyent que par char

mes,on puiffe contraindre Sathan,qui fait beau ſem-


blant d'eftre contraint.Et par ainfi quand on void les

sorciers chaffer les malins efprits, ce n'eft pas chaffer

a gré: come nous


ny forcer de fortir.mais c'eft de gré á
lifons en Leó d'Affrique , que les Sorciers qu'ils appel-

lent Mukazimim,en faifant quelques cercles & chara-

eteres au frot du demoniaque, apres avoir interrogé

le Dæmo, luy commandēt defortir, & foudain il fort.

Ce que pareillement efcriptJacques Spłāger des sor-


ciers d'Allemaigne . En quoy faifant Sathan com

mence à poffeder paifiblement l'ameau heu qu'il

ne poffedoit que lacorps par force & violence LEE

en cas pareil quand on vfe de fuperftitions & idola-


tries, alors l'efprit malin s'en va, & fainct qu'il eft con
trainct de ce faire pour attirerdesignorans à cótinuer
en leur idolatrie. Eten Allemagne s'il y a quelque

demoniaque ou maleficié,qui ait fufpicion de quel-

que Sorcier qu'il luy ait enuoyé le malin efprit , ou


donné autre malefice , les luges , & mefmes la cham-

bre Imperialle fait dire ces mots à la Sorciere en pre


fence du maleficié Benedico tibi in nomine patris & filij

&fpiritus fancti in tuis bonis fanguine & armento Et fou


dain les maleficiez font deliures: ce que le plus hom-
DES SORCIERS !!

me de bien de ce pays - là en difat les mefmes parolles


ne peut faire:qui moftre bie l'intelligéce du malin ef-

prit auec le Sorcier Comme les Sorciers failoyét for


tir les Diables du corps des hommes du temps mef

mes d'Hippocrate, comme on peut voir en fon liure

de Morbo facro Auffi voit-on grand nombre de

perfonnes demoniaques & mefmement en Efpai-

gne,Italie, & Allemaigne, qui tiennent quelques fois


dix ans ou vingt ans les perfonnes qu'on ne les peut
chaffer, comme de fait l'an M. D. LVI. ilfe trouua

en la ville d'Amfterdam trente ieunes enfans demo-

niaques, qui n'ont peut eftre deliurés pour tous les

exorcifmes qu'on y a faicts.Et fut refolu que c'eftoit

par fortileges & malefices, d'autant qu'ils gettoyent


des fetremens , des fopins de voirre , des cheueux ,
des aiguilles, des drapeaux & autres chofes fembla-

bles, que les perfonnes malades par Sortileges rendet

ordinairement. L'ay dict fi deffus que l'an M. D.

Lily auoit Lxxx.filles & femmes demoniaques

à Romme qui furent exorcizees par vn moyne Saint

Benoift, que M.Gondy Euefque de Paris y auoit me-

né: lequel ny fift pas grande chofe, encores qu'il y fuft


fix mois .Il interrogea Sathan pourquoy ilauoit faifi

fes pauures filles. Il refpondit que les luifs l'auoyent


enuoyé,defpits de ce qu'on les auoit baptifées pour
ce qu'elles citoyent Iuifues pour la plus part . On pen-

foit que Satha dift cela,parce qu'il eftima que le Pape


Theatin feroit mourir les Iuifs: mais vn Iefuite ſouſtīt

deuat le Pape que les homes n'ot pas ceſte puifface.Ce

qui
LIVRE TROISIES ME. 161

qui eft bien certain, ny Sathan auffi : mais fi Dieu le

permet aux vns & aux autres,cela ce peut faire: & d'en-

trer en Confeil de Dieu c'eft choſe incomprehenfi-

ble.Non pas que ie penfe que Sathan fuft enuoyé par


les Iuifs: car ceux de leur religion en feroient pluftoft

poffedés que ceux qui fe font baptizer, & renoncent

leur loy.Mais au monaftere de Kentorp au coſté

de Marche en Allemaigne , ou les religieuſes furent

vexees des malings efprits d'vne façon eſtrange l'an


M. D.L 11.les Sorciers & les Dames interrogees ref

pondirent , que c'eftoit la cuifiniere du Monaftere

nommee Elle Kame, qui le confeffa , qu'elle eftoitSor-


ciere, difant qu'elle auoit prié Sathan , & faict des sor-

tileges pour ceft effect . Elle fut bruflee vifue auec

fa mere.Ces Demoniaques eftoient efleuces en l'air

par chacun iour, & quelquesfois à chacune heure , &


retomboient fans douleur : puis elles eftoyent cha-

touillees deffous les pieds , & rioyent fans ceffe : &

tantoft ce frappoyent les vnes les autres : Et quand

il fe trouuoit quelque perſonnage de vertu, faiſant ſa

priere, ou parlant de Dieu ferieufement, elles eftoyết

vexees . Et fi elles difoyét leurs heures en latin , & me-

nuz fuffrages, ou qu'on leur parlaft de iouer , ou de

follaftrer, elles ne fentoyet plus de douleur ſe trouuat

fort alegees & toutes rendoint vne haleine fort puan-

te. Au melmes temps il fe trouua plufieurs Demonia-

ques aux villes & villages prochains : qui fuſt cauſe,

qu'on print plufieurs Sorcieres qui furent executees.

Et au monaftere de Nazareth,au diocefe de Coloigne

parvne ieune sorciere nomee Gertrude qui auoit ac-


Sf
DES SORCIERS

cointance auec vn Dæmon par chacune nuict depuis


l'aage de douze ans toutes les religieufes furent affie-
gees des malings efprits. Nous lifons auffi en Fernel

au liure de Abditis rerum caufis,qu'on le mena voir vn

icune gentil-homme demoniaque parlant Grec, en-

cores qu'il fuft fans lettres : & difoit à fon pere qu'il
oftaft le collier de l'ordre de fon col, & l'efprit inter-

rogé qui il eftoit, dict que c'eftoit vn perfonage, qu'il


nevouloit pas nommer, qui l'auoit enuoyé dans fon
corps. On peut bien iuger que c'eftoit l'vn de fes

bons fugets : non pas que Sathan ny tous les Sorciers


ayent aucune puiffance fur les hommes , fi Dieu ne

le permet : comme il eft aduenu n'a pas long temps

en Flandre vne chofe eftrange , & qui a depuis efté

publiée par toute la chreftienté . Anthoine Suquet,


Cheuallier de L'ordre de la toifon , & Confeillier du

Confeil priué de Brabant, auoit vn baſtard , qui auoit


quelque temps au parauant que de s'eſtre marié ,
conuerfé familierement auec vn autre femme , qu'

on difoit estre Sorciere , laquelle eftant jalouſe d'v-

ne ieune Damoyfelle qui efpoufa le Gentil- hom-

me. ,, fiſt en ſorte auec Sathan , que la ieune Da

moyfellefuſt ſaiſie d'vn maling efprit, qui la tirafloit

en pleine compaignie , & l'efleuoit en haut contre

toute la puiffance humaine , puis la iettoit ça & là.


Lors qu'elle fut fur le point d'accoucher , pendant

qu'on alloit querir la fage femme ,la Sorciere que la

Damoyfelle craignoit & hayoit à mort , entra , &

foudain la Damoyfelle tomba pafmee & endormie:


& quelque temps apres elle ſe fentit deligree de fon

fruit.
LIVRE TROISIESME. 162

fruit.La Sorciere s'en va, & la fage femme venue ne


trouua que l'accouchee, mais l'enfant ne s'eft iamais

trouué depuis. iugeoit que la Sorciere ja-


Chacun iugeoit
loufe auoit enuoyé Sathan au corps de la Da

moyfelle,mais cela ne s'eft point fait, que par vn fe-

cret iugement de Dieu.L'Hiftoire qu'on recite eftre

aducnuë en Lorraine d'vne femme enleuee par Sa-

tha pour auoir fon fruit, approche de celle cy : mais


on tient que le pere eftoit Sorcier , qui auoit voüé

fon enfant à Sathan. Et quelquefoisl'appetit beftial

de quelques femmes , fait croire que c'eft vn Dæ-


mon , comme iladuint l'an mil cinq cens foixante

& fix , au Dioceſe de Coloigne: Il fe trouua en vn

monaftere vn chien qu'on difoit cftre vn Dæmon,

qui leuoit les robes des Religieufes pour en abufer.

Ce n'eftoit point vn Dæmon comme ie croy : mais


vn chien naturel,Il fe troyua à Thouloufe vne femme

qui en abufoit en cefte forte.Et le chien deuant tout


le monde la vouloit forcer.Elle confeffa la verité , &

fut bruflée.Il y en eut vne autre qui fut amence pri-


fonniere à Paris l'an mil cinq censquarante, conuain.

cue de mefmes cas. Et femble que la Loy de Dieu

pour l'abomination & mefcháceté, ne s'eft pas con-

tentee de prohiber cela fur la vie : ains encores elle


deffend d'offrir à Dieu, le loyer de la paillarde , & le

pris d'vn chien en vn mefme article . Il fe peut bien

faire auffi que Sathan foit enuoyé de Dieu , comme

il cft certain que toute punition vient de luy par fes

moyens ordinaires , ou fans moyen , pour vanger


vne telle vilanie:comme il aduint au Monaftere du
sfij
DES SORCIERS

Mont de Heffe en Allemaigne , que les Religieufes

furent demoniaques : & voyoit onfur leurs licts des

chiens, qui attentoyent impudiquement celles qui


eftoient fufpectes d'en auoir abuſe, & commis le pe-

ché, qu'ils appellent le peché muet.Dequoy i'ay bien


voulu aduertir le lecteur, à fin qu'on prenne garde
de ne forcer la volonté des ieunes filles au veu de

chafteté . Mais c'eft merueilles des exorcifmes def-

quels plufieurs vfent , veu que iamais les Saincts


Prophetes n'en ont vfé :& epffent eu horreur d'inter-

roger, ou de rien demander à sathan , ny rien faire

de ce qu'il commandoit: ains la prefence des faincts


perfonnages chaffoit les malings efprits , en la louan-

ge d'vn feul.Dieu.Et au temps de la primitiue Eglife

on faifoit venir les demoniaques en l'affemblee , &

tout le peuple prioit Dieu , comme nous lifons en


2.lib.dein. Sainct Ichan Chryfoftome , & en Saint Clement ',
compræhen. qui baille vne trefbelle oraifon, & en Theodore Le-
fibili Deina
tinitate. teur Nous lifons que le Roy de Perfe en la primiti
&

3. Lib. d. c. ue Eglife, commanda de chaffer les Dæmons : on fit


32.
4.Lib2 prieres en l'Eglife , & les Dæmons eſtoyent chaffez.
S.Lib.5. Eten Theodoret ' nous lifons , que l'Euefque d'Apa

mee faiſant fa priere à Dieu , la face touchant à terre


chaffale Dæmon qui eftoit au temple de Iupiter.

6.Deut.ca.
12 . C'est pourquoy la Loy de Dieu ' commande expref-
fément de rafer les Temples ou les Payens faifoyent

prieres à leurs images : à fin que le nom de Dieu ny

Ciuitate. fuft fouillé, ny contaminé, ny prié en forte quelcon-


6.lib.22.de

7. Lib.6.c. que. Et en Sainct Auguftin, & en Sozemene nous li-


28.
fons qu'on ne faifoit rien que prier Dieu pour chaf
fer
LIVRE TROISIESME. 163

fer les Dæmons,fans familiarizer, ny plaifanter auec

eux, & fans aucunement interroger Sathan , comme

il eft aduenu à quelques vns en Allemaigne : lefquels

mefmes ont creu aux paroles de Sathan , & les autres

ont executé fes mandemens , qui eft vne detestable

& damnable impieté.Saint Denis en la Hierarchie,

Theo.de Sacra fynaxi, efcriuent qu'en la primitiue E-

glife,on ne bailla iamais hoftie aux demoniaques.


Et Sainct Hierofme en la vie de Sainct Hylarion , ef-

cript que vn ieune Sorcier ne pouuant gaigner le

cœur d'vne ieune fille, ietta foubs fa porte vne lame

de cuyure, où il y auoit quelques characteres grauez

&toft apres la fille fuft affiegee du Damon , parlant


t
comme furieufe. & difoit le Demon , qu'il ne forti-

roit point du corps de la fille, qu'on n'euſt ofté ceſte

lame.Neantmoins Hilarion defendit qu'on l'oſtaſt

& par ces feules prieres fans hoftie , ny autres adiura-


tions,ny aucuns interrogatoires faicts aux Diables

chofe qu'il auoit en horreur , deliura la fille . Ichan

Vier ' recite qu'ila veu vne fille demoniaque en Alle- 8.Lib.5.ca.
14. .
maigne : Et fur ce qu'vn certain exorcifte l'interro-

geoit,Sathan refpondit qu'il falloit que la fille allaſt

en voyage à Marcodure ville d'Allemaigne , & que

de trois pas l'vn elle s'agenouillaſt, puis qu'elle fift di-

re vne Meffe fur l'Autel saincte Anne , & qu'elle fe-

roit deliuree,predifant le fignal de fa deliurance à la

fin de la Meffe . Ce qui fut fait , & fur la fin de la


Meffe, elle & le Preftre veirent vng nuage blanc , &
fut ainfi deliuree. Et l'an M. D. LIx. le x VII. De--

cembre au village de Loen au Comte de Iuilliers le .


sf iij
DES SORCIERS VI

Curé ofa bien interroger le Diable , qui tenoit vne


fille affiegee , fila meffe eftoit bonne , & pourquoy

il pouffoit & contraignoit la fille d'aller foudain à

la meſſe quand on fonnoit la cloche: Sathan reſpon-

dit qu'il vouloit y aduifer , c'eftoit reuoquer en


doubte le fondement de fa religion & en faire Iu-

1. Lib.2.c4. ge Sathan.Or Pylocrates ' parlant de fes beaux inter-


14.
rogatoires dictainfi , Mali dæmonesfaciunt sponte quod

inuiti videntur
facere,& fimulantfe coactos vi exorcifmo
rum, quosfingunt in nomine Trinitatis , cófque tradunt ho-
,

minibus,donec eos crimine facrilegij & pena damnationis


inuoluant. Nous auons vn autre exemple de Philip-

pe Wofolich religieux de Coloigne en l'Abbaye de


Knecten,lequel eltant affiegé d'vn Dæmon l'an mil

cinq cens cinquante:refpondit à celuy qui l'interro-

geoit qu'il eftoit l'ame de Mathias Durenfe Abbé

precedent: lequel n'auoit payé le peintre qui auoit

peint fi bien l'image de la vierge Marie, & que le réli-

gieux ne pouuoit eftre deliuré s'il n'alloit en voyage


Treues , & Aix la chappelle : ce qui fut faict : & le
religieux ayant obey feuft deliuré. L'hiftoire eft im-

primec à Coloigne. M. Berthelemy Faye prefident

des Requeftes en Parlement, efcript que Nicole Au-

beri natifue de Veruin priantfur la foffe de fon ayeul,


il feleua comme fortant de terre vn homme enuelo-

pé de fon drap,difant à la ieune femme qu'il eftoit fon

aycul , & que pour fortir des peines de Purgatoire,

il falloit dire plufieurs Meffes , & aller en voyage à


noſtre Dame de Lieffe : Et apres auoir fait cela , il ſe

defcouurift, & fembla eftre l'ayeul d'icelle & con-


tinua
LIVRE TROISIES ME.
164
tinua de faire dire force Meffes : & quand on ceffoit

de dire Meffes, la ieune femme ſe trouuoit tourmen-

tec: En fin que Sathan dift qu'il eftoit Beelzebuth.

Et d'autant que l'hiftoire eft notoire à toute la France

& mifé en lumiere par M.Barthelemy de Faye Prefi-

dent des requeſtes, ie n'en diray autre chofe.Mais il y


en avne autre plus recente, notoire aux Parifiens , &

non imprimec qui eft aduenue en la ville de Paris


en larue Sainct Honoré au Cheual rouge , vn Paffe .
mentier auoit retiré fa niepce chez luy la voyant or-

pheline:vn iour la fille priant fur la foffe de fon pere

à sainct Geruais , Sathan ſe preſenta à elle feule en


forme d'homme grand & noir,luy prenant la main ,

& difant, m'amic,ne crain point, ton pere & ta mere


font bien : mais il faut dire quelques Meffès , & aller

en voyage à noſtre Dame des vertus, & ils irót droict


en Paradis Par ce que Sathan eft fort foigneux du ſa-

lur des hommes , la fille demande qui il eftoit . Il ref-

pondit qu'il eftoit Sathan , & qu'elle ne s'eſtonnaſt

point. La fille fift ce qu'il luy eftoir commandé. Celà

fait,il luy dift qu'il falloit alleren voyage à fainct lac-

ques: le ne fçaurois dict- elle aller fi loing . Depuis Sa-

than ne ceffa iamais de l'importuner, parlant familie-


ment à elle en faifant fa befongne lors qu'elle eftoit

feule,luy difant ces mots , tu es bien cruelle , elle ne

voudroit pas mettre les fizeaux au fein pour l'amour

de moy : ce qu'elle faifoit pour le contenter , & s'en


depeſcher: mais cela faict , il demandoit qu'elle luy

donnaft quelque chofe.iufques à luy demander de


ſes cheueux ,elle luy en donne, vn - floquet : quelques-
DES SORCIERS

fois il voulut luy perfuader qu'elle fe ieſtaſt en l'eau:

& tantoft qu'elle s'eftranglaft , luy mettant la corde

d'vn puis àl'entour du col voulant l'eftrangler , fi elle


n'euft crié.Combien que fon oncle voulant vn iour

la reuancher fut fi bien battu , qu'il demeura au lit

malade plus de quinze iours.Vne autre fois Sathan la


voulut forcer, & la cognoiftre charnellement, &pour

la refiftence qu'elle fit,elle fut battue iuſques à effufió


de fang.Entre plufieurs qui ont veu la fille , vn nomé

Choami , Secretaire de l'Euefque de Valance , luy

dift, qu'il n'y auoit plus beau moyen de chaffer l'ef

prit, qu'en ne luy refpondant rien de ce qu'il diroit,

encores qu'il commendaft de prier Dieu , ce qu'il ne

faict jamais fi ce n'eft en le blafphemant,& le conioi-

gnant toufiours auec fes creatures par irrifion . Et


de faict Sathan voyant que la fille ne luy refpondoit,

& ne faifoit chofe quelconque pour luy, il laprint

& la getta contre terre,& depuis elle n'arien veu . M.

Amiot Euefque d'Auxerre, & le Curé de la fille n'y a-

uoyent fçeu remedier . Cefte recepte me femble


fort bonne.Car comme il eft dict au douziefme ar-

ticle de la determination de la Sorbonne contre les

Sorciers,faicte l'an M. ccc.xcvIII . Sathan com-

made des ieufnes, prieres, & oraiſons, & iufques à em

ployer l'hoftie pour deceuoir les ignorans . I'en ay


remarqué cy deuant vne hiftoire de Pierre Mamor

au liure des Sorciers, qu'il a compofé il y a fix vingts

ans:ouil efcript que Sathan ſe diſoit l'ame d'vn de-


functà Comfolem fur Vienne en la maifon d'vn no-

mé Caplant l'an mil cccc. LVIII, qui gemiffoit


comme
LIVRE QVATRIESME.
165
comme s'il cuſt ſouffert grand douleur , admoneftat

qu'onfift dire grand nombre de meſſes, & qu'on fift

des voyages,reuelant beaucoup de chofes occultes &


veritables :mais on luydift ,fi tu veus qu'ō te croye dy,

Miferere meiDeusfecundum magnam mifericordiam tuam ,

ce qu'il ne voulut faire, & s'en fuit en fremiffant de

depit qu'il auoit d'eſtre mocqué.

DE L'INQVISITION

DES SORCIERS,

LIVRE QUATRIES ME.

CHAPITRE PREMIER.

Ous auons parlé des moyens de chaf-

fer les malings efprits : mais pour neant


on les chafferoit files sorciers les rap .

pellent. Car toufiours sathan eft aux ef

coutes pour venir quand on l'appelle :


& bien fouuent fans qu'on l'appelle . Nous auons de-
claré les moyens doux & medecines ayfees à prendre

qui eft d'inftruire le peuple en la loy de Dieu , & de


l'induire à fon feruice.Et fitout cela ne peut retenir

les mefchans en la crainte de Dieu , ny detourner les

Sorciers de leur vie deteſtable , il y faut appliquer les

Tt
DES SORCIERSVI

cauteres & fers chaux, & couper les parties putrifiees:

combien que à dire verité quelque punition qu'on

ordonne côtre eux à roftir, & brufler les Sorciers à pe-

tit feu,fi eft ce que ceste peine là n'eſt pas à beaucoup


pres fi grande que celle que sathan leur fait fouffrir en

ce monde , fans parler despeines eternelles qui leur


font preparees, car le feu ne peut duret vne heure voi,

re demie, que les Sorciers ne foyent morts . Mais de

tous les pechez qui tirent leur peine apres eux , com-

me l'auarice, l'enuic , l'yurognerie, la paillardiſe , &au-

tres femblables il n'y a point qui puniffe plus cruelle

mentfon homme,ny plus longuement que la Sorcel-


lerie,qui fe venge de l'ame & du corps: comme fiſt vn

Milanois pour ce venger de fon ennemy , l'ayant en

fa puiffance, luy mift la dague fur la gorge,menaffant


de luy couper, s'il ne vouloitrenier Dicu : Ce qui fut

faict, & non contet il luy fiſt renier Dieu de bō cœur,


& repeter cela plufieurs fois. Celà faict iltue difant:
Voila ce venger du corps , & del'ame . ainſi faict le

Diable à fes fubiets . Nous auons monftré que leur

meftier ne les peut enrichir ny leur donner plaifir,

honneur, ny fçauoir , ains feulement le moyen de fai-

re de mefchancetés, en quoy Sathan les employe : Et


pour loyer en ce monde, illes contrainct de renoncer

à Dieu, & fe faict adorer & baizer le derriere en guife


de Bouc, ou autre animal infect : & au lieu de геро-
repo-

fer,il tranſporte fes efclaues la nuict pour y faire les

ordures que nous auons deduit.Et par ainf la peine


de mort ordonee côtre les Sorciers , n'eft pas pour les

faire ſouffrir d'auãtage qu'ils fouffret en les puniffant,


ains
LIVRE QVATRIE SME. 166

ains pour faire ceffer l'ire de Dieu fur tout vn peuple,


en partie auffi pour les amener à repetance & les gue-
rir,ou pourle moins s'ils ne veulet s'améder, de les di-
minuer, & eſtoner les mefchas, & conferuer les efteuz :

C'eſt docques choſe bie fort falutaire à tout le corps

d'vne republique de rechercher diligement, & punir


feuerement les Sorciers : autrement il y a danger que

le peuple ne lapide & magiftrats & Sorciers com-


me il eft aduenu depuis vn an à Hagurnone pres cefte

ville de Laon, que deux Sorcieres qui auoyent merite


iuftement la mort,furent codamnees, l'vné au foüer,

l'autre à y affifter mais le peuple les print, & les lapida


& chaffa les officiers. Vne autre Sorciere fort diffamee

demeurant à Verigni, quieft morte au mois d'Auril

dernier, qui receuoit les enfans, apres auoir eſté accu-


fee de plufieursSorcelleries fut abfoulte.mais elle c'eft

fibien vengee, qu'elle a faict mourir des hommes &

du beſtail fans nombre , commeray fçeu des habi-

tans . Et me ſuis eſmerueillé pourquoy pluſieurs Prin-


ces ont inftitué des inquifitios, & decerné Commif-

faires extraordinaires pour faire le procés aux larrons,

aux financiers, aux vfuriers , aux guetteurs de che-


mins: & ont laiffé les plus dereftables & horribles me-

fchacetés des sorciers impunies.Vray eft , que de rou-

te ancienneté,il c'eſt trouué des princes Sorciers , ou

quife font voulu feruir des Sorciers, par lefquels neat-


moins ils font toufiours precipites du haut lieu d'ho
neus au gouffre de toute mifere & calamité . Carils

s'enquierent aux Sorciers s'ils auront victoire , Dieu

les rend vaincus: s'ils demádent à Sathan qui fera leur


Tt ij
DES SORCIERS .

fücceffeur , Dieu fait leurs ennemys leurs fucceffeurs :

s'ils demandent aux Sorciers, s'ils gueriront de leurs

maladies,Dieu les faict mourir , comme nous auons

monftré par infinies hiftoires . En cefte forte Dieu

chaftie les Princes Sorciers que les magiftrats ne peu-


uent chaftier. Quelque fois auffi Dieu faict rebeller

les fuiets contre les princes Sorciers , & ordinairement


il les chaſtie par les Sorciers mefmes, d'autant que Sa-

than & les Sorciers iouent leurs myſteres la nuict , &


que les marques de sorciers font cachees & couuer-

tes, & que la veüe au doigt & à l'œil ne s'en peut ayſé-

ment faire l'inquifition , & la preuue en eft difficile:

qui eft la chofe qui plus empefche les Iuges de don

ner iugement ou tenir pour couueincus les perfon-

nes d'vn crime fi deteſtable, & qui tire apres foy tou-

tes les mefchancetés qu'on peut imaginer , comme


nous auos möftré cy deffus. Il faut docques en tel cas
ou les crimes fi execrables fe font fi couuertement,

qu'on ne les peut defcouurir par ges de bien,les aue

rer par les complices & coulpables de mefme faict,

ainfi qu'on fait aux volleurs, & n'en faut qu'vn pour
en accufer vne infinité. Cela fut verifié foubz le Roy

Charles neufiefme lors que Troif


-efchelles fe voyant
conueincu de plufieurs actes impoffibles à la puiſſa-

ce humaine, & ne pouuant donner raifon apparente


de ce qu'il faifoit, cófeffa que tout celà ce faifoit à l'ay

de Sathan: & fuppliale Roy luy pardonner , & qu'il en


defereroit vne infinité . Le Royluy donna grace à la

charge de reueler fes compaignons & complices . Ce

qu'il fift:Et en nomma grad nombre par nom & fur-


nom
LIVRE QVA TRIESME. 167

nom qu'il cognoiffoit, & quant aux autres qu'il auoit

veu aux Sabbaths, & qu'il ne cognoiffoit que de veüc

pour les recognoiftre il ſe faifoit mener aux affeblees

publiques & faifoit regarderl'efpaule, ou autre partié


du corps humain de ceux qui en eftoyét , ou l'o trou

uoit la marque, & cognoifſoit auſſi entre deux yeux

ceux qui n'eftoyét point marqués, defquels le Diable


s'affeuroit, & luy cftoiet plus loyaux fujets . Et toutes-

fois la pourfuytte & delation fuft fupprimee,foit par


faueur ou concuffion , ou pour couurir la honte de

quelques vns qui eftoyét,peut eftre , de la partie ; &

qu'on n'cuft iamais penfé :foit pour le nombre qui fe


trouua, ou que la preuue ne fembloit pas affez claire,

& le delateur efchappa.Au cas pareil quand l'aueugle

des Quinze Vinges fuft pendu à Paris auec quelques

vns de fes complices, il s'en trouua pres de cent cin-

quante deferez :mais ceux qui furent pendus furent

convaincus d'auoir plufieurs fois vfé de l'hoftie con


facree en leurs Sorcelleries.Depuis peu àpeu ona ou-

uert les yeux, & mefmement depuis la mort du Roy

Charles neufiefme: les luges n'ont plus fait les difficul


tez que on faifoit foubs le regne de Charleneufiefme

& que iamais on n'auoit faict auparauant le Roy Hen-


ry fecond.Dequoy s'eft plaint en fes œuures M. Bar-
thelemyFaye, Prefidét des requeftes . Or il yaplufieurs

moyens de proceder à la punition des sorciers : foit

par les luges ordinaires , foit par commiffaires . Car


outre les luges ordinaires , il eft befoing d'eftablir

Commiffaires à cefte fin , pourle moins vn ou deux

en chacun gouuernement. Mais ie n'entens pas pour


Tt iij
DES SORCIERS .

celà que la cognoiffance foit oftec aux Iuges ordi


naires d'en cognoiftre,foit par preuention ou con-

currence,à fin que les vnspreftent la main aux autres

à vn œuure fifaincte , Anciennement les luges d'E-

glife en auoyent la cognoiffance priuatiuement aux


luges lays Et s'en trouue arreft du Parlement rendu

à la pourfuyte de l'Euefque de Paris, mil deux cens


octante deux. Mais depuis la cognoiffance fuſt attri

buce aux luges lays, priuatiuement aux gens d'Egliſe


par arreft du mefme Parlement l'an mil trois cens

nonante, quifut Sainctement ordonné par ce que les

gens d'Eglife qui n'ot puiffance de códamner à mort

n'y a peine de fang miloyét que de peines legeres , De-

puis Poulallier Breuoft des mareschaux de Lao, ayant

prins plufieurs Sorciers, voulant attirer cela à fa co-

gnoiffance, en fuft debouté par arreſt de la Cour.C'e-


ftoit alors que Sathan fift fi bien qu'on auoit opinion

que ce n'eftbidquefable tout ce qu'o en dict . Et à fin

que les luges n'attendent pas qu'on en face plaincte


ou que les Procureurs du Roy fereueillent, ils doiuet
2. Bart.in l. de leur office faite informer des fufpects , qui eft la
2.§.fipubli
code adult.plus fecrettevoye, & peut eſtre la plus feure . Mais

1. nullu dete d'autant que les vns craignent , & les autres ne veulet
ftib.l.fiquis
inhocde E- pas s'ingerer d'en faire éux mefmes la recherche , il

pif
. cle- cft bichbefoing que les Procureurs du Roy , & fub-
rick.c. ftitutsfe facent parties: quieft le fecond moyen : Car

c'eft proprement leur charge de vacquer fur tout &

foignerà lapourfuferd des forfaicts . Et d'autant que

los Procureurs du Roy font bien fouucot plus negli

gens en leur charge que les luges , il eft expedient


T que
LIVRE QV ATRIE SME. 168

que chacun foit receu accufateur en ce crime, le Pro-

cureur du Roy ioint:& s'il ne fe veut ioindre , qu'it


foit permis neantmoins aux particuliers d'accufer

pour la vindicté publique de ce crime , & faris s'arre

fter, s'il y va de l'intereft particulier ou non, comme il

cft requis en ce Royaume en touts autres crimes,


pourucu qu'en ce cas on y garde les folcnmitez ve

quifes de droit commun portees en la Loy , qui accu-


fare,de publicis iudicijs ff.qui eft la troifiefme forme de

proceder qu'onpourra tenis . La quatrieſme fer ferq

par delations fans que les Procureurs du Roy foyent


contrains de nommer les delateurs fola calomnie n'haos ) ma

eft bien euidente : & que l'accufé lføje abſoulslià.

par ,& à plem fuyuant l'Edict de Moulins , & indu


A
pas fi leprifonnier eft elargi quoufque , ou qu'il fais

dit qu'il en fera plus amplement enquis. Comme il ſe

doibtfaires ily indices,qu prefomption. Er.days


tant que tefte pefte de Sorciers eftplus ordinaire

aux villages & aux fauxbourgs des villes, que dedans

les villes , & que les pauures fimples gens signent

les Sorciers plus que Dieu, ny tous les Magiftitats 383

n'ofent fe porter pour accufateurs nyupqui delia

teurs,il eft neceſſaire de mettre en vlage cola recher


che de ce crimefi deceſtable la coustume loubleda

Efcoffe , pratiques à Milan , qu'on appelle Indict,

c'eft affçauoirqu'il y ayt vn tronc en l'Eglife ou il


ſera loyſible à vn chafcun de mettre dedans va bil

fer de papier, le nom du Sorcier le cas phriluy.com-


mis,lelicu, le temps , les tefmoings.Et qué le tronc en

prefence du luge, & du Procureur du Roy, ou Fiſcal,


DES SORCIERS: "

qui aurot chacun vne clefdu tróc,fermat à deux fer-

rures,fera ouuert tous les quinze iours , pour infor-

mer fecrettement contre ceux qui feront nommez :


qui eft la cinquiefme & la plus feure forme de proce-

der.La fixiefme fe doibt faire par monitoires , qui eft

vnevoye bien neceffaire pour contraindre ceux qui

n'ofent, ou qui ne veulent accuſer , ny deferer , ny fe

plaindre.La feptiefme fera dereceuoir les complices


accufateurs de mefmes crimes contre les autres , &

promettre impunité à l'accuſateurs, & luy tenir pro-


meffe,pourueu qu'il fe repente & renonce à Sathan .

2.1mfpecul. C'eft l'opinion de Ichan Durad des plus grands Fu-


rifconfultes de fon aage,au tiltre de accufat. qui eft de

aduisque ce priuilege doibt eftre donné au compli

ce des Sorciers. Iaçoit que de droict commun les

confors nefont pas receuables accufateurs : encores

que la Loy Tullia,de ambitu , donnaſt meſmes prero-


gatiues aux competiteurs de conuaincre I'vn l'autre

au crime de corruption , pour parucuir aux Eſtats : &

pour loyer le vainqueur auoit impunité , & empor-

toit l'eftat de fon competiteur.Et encores que le Sor-

cier foit preuenu au parauant que d'accufer , fi eft- ce

qu'il faut toufiours promettre impunité , & dimi-

nuerla peine de ceux qui confefferont fans torture,

& qui accuferont leurs conforts , qui eft vn moyë biể

feur pour paruenir à la cognoiffance des autres . Car

il est bien certain qu'il ny a que la crainte de la mort,

qui empefche de confeffer la verité , & au fuiet qui

fe prefente il fut cogneu quand le Roy Charles neu-

fiefme cuft donné la grace à Troif- efchelles códam-


né à
LIVRE TROISIES ME. 169

néa la mort,comme Sorcier à la charge qu'il accufe-

roitfes complices.Il en deſcouurit vne infinité, com-

me raydict cy deffus. Et cy par ce moyen on n'y peut

paruenir,il faut prendre les ieunes filles des Sorciers.

Car le plus fouuent il c'est trouué, qu'elles eftoient in-


ftruites par leurs meres , &menees aux affemblees: &

en l'aage tendre elles feront ayfees à perfuader & re-

dreffer auec promeffes d'impunité,que l'aage , & l'in

duction des meres doibt impetrer .Alors elles nom-

merent les perfonnes, le temps,le lieu d'aller aux af-

femblees , & ce qu'on y faict. Parce moyen Bonin


Bailly de Chafteau-Roux fçeut tout ce qui fe faifoit

par vne ieune fille, que la mere auoit feduicte. Et cel-

les de Longnien Potez,dont nous auons faict men-

tion cy deſſus,furēt defcouuertes par vne ieune fille,

& fi elles craignent dire la verité deuant plufieurs per-

fonnes , il faut que le Iuge face cacher deux ou trois

perfonnes derriere vne tapifferie, & ouïrles depofi-

tions fans efcrire:puis faire reitirer les confeffions &


les efcrire. Et d'autant que les luges qui iamais n'ont

faict le proces aux Sorcieres, ou qui n'en ont point


veu,ou qui ne fçauent leur fuiet, fi trouueront em-

pefchés.Il faut premieremenr & le pluftoft que faire

ce pourra comencer à interroguer la Sorciere, & fi ce-


la eft tref-vtile en tous crimes:il eft neceffaire en ce-

ftuy cy:car il c'eft veu toufiours, quefi toft que la Sor-

ciere eft prife,auffi toft elle set que Satha la delaiſſec


& come toute effrayee, elle confeffe alors voluntaire.

ment ce que la force, & la queftion ne fçauroient arra-


cher:mais fi on la laiffe en prifon quelque temps il
V v
DES SORCIERS I
ion.
ny a doubte que Sathan ne luy donne inftruct

n cer
Il faut donc comme par chofes legeres & dignes

de rifee , comme des tours de paffe paffe , & fans gref


er l'enuie qu'on a d'eftre de la partie ,
fier, & diffimul
s
qui eft la chofe que plus volotier elles oyet, & peu à
peu s'enquerir fi leur pere & mere ont efté du meftier.
t mment
Comme iefus d'aduis qu'on s'enquiſ dilige
r le
de la mere de Ieanne Haruilie , delaquel nous ar

-
uons parlé cy deuant. On enuoya à Verberi expreffe
e
ment pays de fa naiffanc , & il fe trouua qu'elle auoit
n e e
eſté condam d'eftre bruflee plus de trente ans au-
er fa fille lors bien fort ieu-
parauat, & Leanne Heruilli
nee au foüet .
ne condam Car il n'y a rien plus ordi-
t
naire que les meres feduifen leurs filles , & les de-

dient à Sathan & fouuent fitoft qu'elles font nées .


er voyant fa mere
Et de faict la fille de Ieanne Haruilli
e
prifonnier s'en fuit, & depuis on fçeuft qu'elle en e-
ftoit auffi : & les filles de Barbe Doré auffi toft que leur
ri es
mere fut prife pour les Sorcelle s'en fuitent , fans
ees , & depuis l'vn des Sor
eftre accufees ny recherch
ciers familier de la dicte Doré depola que toute la ra

ce en eftoit . Le ſecond poinct doibt eftre, à fçauoir de

quel pays eft la Sorciere, & fi elle a point changé de


rement que les Sorcie
pays . Car ilfe trouue ordinai

res changet de place en place, & d'yn village en autre ,


nt n n lieu
fr les biens ne les retienne e v . Ce qu'elles

s
font craignan eftre accufées , quand elles fe voyent
rt e s o oy elles ont
defcouue , & fçauoir l'occafi pourqu

fement à
changé de lieu , & prendre garde foigneu
: en t
leur vifage car telles gens n'oferoi regarder les
s
perfonne
LIVRE QVATRIESME. 170

perfonnes entre deux yeux, & n'oublier rié auprocés


de leur façon, contenances & propos.Oril a efté ex-

perimenté que les Sorcieres ne pleurent iamais , qui

eft vne prefomption bien grande , d'autant que les


femmes.iettet larmes & foupirs à propos & fans pro-

pos Mais Paul Grilland & Spranger Inquifiteurs di-

fent qu'ils n'ont jamais fçeu faire pleurer vnfeul Sor-

cier:& faut auffi prendre garde de pres aux variations,

& reiterer plufieurs fois vn mefme interrogatoire par

interualles . Mais il faut , s'il eſt poſſible, faire interro-

gatoires de toutes les charges fans difſcontinuer, à fin

que Sathan ne les deftourne de dire la verité : & pour

cefte caufe d'Agneau dict tref-bien en fon petit Dia-


logue qu'il ne faut iamais laiffer la Sorciere feule quad

elle eftprifonniere:par ce que, dit il, parle au Dia-


ble qui la deftourne de dire la verité , ou la faict de-

partir de ce qu'elle a cofeffé & toufiours luy promet

qu'elle ne mourra poinct , dont il aduient plufieurs


inconueniés. Car il s'en eft trouué qui pefoyent vol-
ler , cftant dedans la prifon comme ils faifoyent

hors la priſon, & ferompoyentle col.l'ay ſçeu de M.


Adam Martin Procureur en cefte ville de Laon , que

la Sorciere de Bicure qu'il iugea & fift executer à

mort,luy dift qu'elle eftoit condamnee à mourir , &

qu'elle feroit bruflée toute vifue, combié que pas vn

ne luy auoit dict horf


- mis Sathan. Et ce qui plus c-

ftonna les luges fut qu'ils l'auoyét códamnée d'eftre


cftranglee & puis bruflée, & neat moins le bourreau
n'ayant peu bien executer le mandement , la fift bruf-

ler toute vifue. Il y en a d'autres aufquelles Satha pro-


Vv ij
DES SORCIERS

met qu'elles ferot bien heureuſes apres cefte vie , qui

empefchent qu'elles ne fe repentent,& meurent ob-


ftinces en leur mefchanceté. Les autres qui fe tuent
eſtant ja condamnées, comme il eft fouuent aduenu :

les autres qui fe dedifent de ce qu'elles ont confeffé

en la torture, & mettent les luges en telle perplexité,


que par faute de preuue fuffizante, ils font contrains

leur faire ouuerture des prifons. Mais celuy quia


confeffé les mefchancetez fans torture s'il ce defdict,

doibt neantmoins eftre condamné fila confeffion

eft aydée d'autres prefumptions & indices. Et d'au-


tant que les Sorciers exercent leur meſchanceté fur

leurs ennemys, il faut diligemment s'enquerir,fi cel-


le qu'on prefume tuée ou enforcelee à eu inimitié

contre la Sorgere , qui en eft fufpecte, & interroger

diligemmēt la Sorciere fur chafcun point d'inimitié .


Il faut auffi pour tirer la verité decelles qui font accu-

fees ou foupçonnees, que les Iuges facent contenan-


ce d'auoir pitié d'elles , & leur dire que ce n'eft pas

elles,ains le Diable, qui les à forcees & conctrainctes

de faire mourir les perfonnes . Et pour ceſte cauſe

qu'elles enfont innocentes . Et fi on voit que les Sor-


ciers ne confeffent rien,il faut leur faire changer d'ha-

bits & leur faire razer tout le poil, & alors les interro-

ger. Et s'il y ademy preuue ou de violentes prefom-


ptions,il faut appliquer la torture. Cartous font d'ac-

cord,que les Sorciers portent des drogues de tacitur-

nité, combien que c'eſt le Diable qui les conforte , &


les affeure: & neantmoins ayant perdu la drogue, ils

ont opinion qu'ils ne pourront iamais fouftenir la

queſtion,
LIVRE TROISIESME. 1711

queſtion,qui faict que bien fouuent ils difent la veri-

té fans queftion, comme i'ay leu de l'Inquifiteur Cu


manus , qu'il fift brufler quarante & vne Sorciere au
territoire Varnifer fur les marches de Milan , l'an mil

CCCCLXXXV. qui confefferet toutes fans queſtion

apres qu'on les cut faict razer & changer d'habits : ce


que fift Domitian l'Empereur au Sorcier Apolonius

de Thiance, qu'il fift defpouiller tout nud & razer ain-

fi que nous lifons en Philoftrate Lemnien: car Spran-


ger Inquifiteur efcript,fi le Sorcier à fur luy le Sort de

filence , qu'il ne fentira douleur quelconques en la

queftio, & ne cöfeffera iamais la verité. A quoy fe ra-


porte ce que efcrit Gregoire Archeuefque de Tours,

que Mummo grand preuoſt de l'oſtel , duquel nous

auons parlé cy deuant, lors qu'il eftoit à la queftion,


enuoya dire au Roy Childebert qu'il ne fentoit dou-

leurs quelconques . Alors le Roy le fift eftendre auec

poulies & le tirer de telle force , que les bourreaux e-

ftoyent las , encores qu'on luy miſt des pointes entre

les ongles & la chair des pieds, & des mains: qui eft la

plus excellente gehenne de toutes les autres , & prati-


quee en Turquie. Car les mébres ne font pointrom-
pus , &fans peine ny trauail on tire bien toft la verité

pour la douleur violente. Paul Grilland au traicté de

queft.q.4. nu. 14. & Hipolyte de Marfil efcriuet que


fouuent on a trouué le Sort de taciturnité entre les

cheueux des Sorciers, qui fembloyent alors qu'on les

gehennoit qu'ils feuffent endormis fans douleur, tel-

lement que Paul Grilland en ayant veu plufieurs, fut

aduerti qu'il failloit diré Domine labia mea aperies,&c.


V. v. iij
DES SORCIER ST

& qu'on fentalors la douleur, & qu'on dict la verité,


ce que ie ne voudroys pas faire, ny chercher la verité

par charmes de parolles : mais il faut deuant que ap-

pliquer à la question faire contenance de preparer


des inftruments en nombre, & des cordes en quanti-

té, & des feruiteurs pourles geyner , &les tenir quel-


que temps en cefte frayeur & lagueur.Il eft auffi ex-

pedient au parauant que faire entrer l'accusé en la


chambre de la queſtion, de faire crier quelqu'vn d'vn

cry efpouuantable, comme s'il eftoit geyné & qu'on

die à l'accusé que c'eſt la queftion qu'on donne ,l'eſtó-


ner par ce moyen & arracher la verité . l'ay veu
vn luge qui monftroit le vifage fi atroce, & la voix ſi

terrible menaffant de faire prendre fi on ne diroit la

verité,qui par ce moyen eftonnoyt fifort les accuſés

qu'ils fe confeffoyent foudain , comme ayantperdu

tout courage. Ceft expedient eft bon enuers les per-


fonnes craintifues & non aux impudens.Il faut auffi

mettre des efpions accords & bien entendus quife di-

fent prifonniers pour cas femblable que le Sorcier


accufé, & par ce moyen tirer fa confeffion. Et s'il ne

veut rien dire,il luy faut faire croire que fes compai-

gnons prifonniers l'ont accufé, encores qu'ils ny ayet

penfé: & alors pour ſe venger il rendra, peut eftre, la


2.cap.omne pareille.Tout cela eftlicite de droit Diuin & humain ,
fi
genus quoy que Saint Auguſtin au liure de Mendacio , &
quis ad te
dift.22.9.2 Thomas d'Aquin foyent d'aduis qu'il ne faut iamais

&c.quari mentir de huict fortes de menfonges , qu'ils met-


tur.eod.
cantile tent bien au long mais les luges ne fuyuent pas ces

22.q.2. refolutions.'Auffi voit on que les fages femmes d'E-

gypte
LIVRE QVATRIES ME. 172

gypte & l'hoteſſe Rachab receurent loyer de Dieu

pour auoir menti . Ettel merite d'eftre pendu , qui


dict la verités comme fi on cele vn homme innocent.

au meutrier qui s'enquiert de celuy qui le cherche.


Auffi la folutio des Canoniftes qui difent, que Abra-

ham ne confeilloit pas àfafemme de metir ,pour em-

pefcher que Abraham ne fuft tué:mais qu'il vouloit

que Sará ne dift pas la verité, eſt bie friuolle . Car men-
tiri eft contra mentem ire, comme difoit Nigidius Figu

lus, & celuy qui dict autrement qu'il ne penfe , il eft


bien certain, qu'il ment , comme fift Abraham, Ifaac,

Sara, & autres infinis. Il faut donc cofeffer par neceffi-

té que c'eſt choſe vertueuſe , louable & neceffaire de

mêtir pourfauuer la vie àl'innocent , & damnable de


dire la veritépour le faire affaffiner. C'est pourquoy

Platon & Xenophon ont permis aux Magiftats de

mentir pour gouuerner vn peuple ainfi qu'on faict

aux malades , & aux petits enfans . Ainfifaut il faire en

Iuftice pour auoir la verité des mefchácetés cachees.


Or de toutes les mefchancetéz du monde , il n'y en a

point de plus feignalce ny plus deteftable que celle


des Sorciers , comme nous auons monftré cy deffus.
Difons donc des preuues requifas pour auerer telles .
mefchancetéz. I

DES PREVVES REQUISES

pourauerer le crime de Sorcelerie.


DES SORCIERSTIS

СНАР. II.

NTRE les preuues fur lefquelles on peut

affeoir iugement , il y en a trois qu'on


peut dire neceffaires & indubitables . La

premiere eft , de la verité du faict notoire , & per-


manent . La feconde de la confeffion voluntaire de

celuy qui eft preuenu & attain &


t du faict . La troi-

fiefme de la depofition de plufieurs teſmoins fans re-

proche. Quát à la preuue de la renommee publique,


de la confeffion forcee, des prefomptios de droit, ou

autres femblables , on peut dire que ce font prefom-

ptions plus grandes les vnes que les autres , & non
pas preuues indubitables . Quant à la verité du fait

2.Bal.in l . notoire & permanant , c'eft la preuue la plus claire.


Deo nobis
deEpife.c Carily a notorieté de faict: notorieté de droict : & no-

Clericis. C. torieté de prefomption violentes mais proprement

odautem il n'y a que la notorieté du faict permanant: laquelle


coll.3.perce
qu
27.9 . notorieté eft plus forte, que tous les tefmoins du mó-

Innoc.inca de, voires mefmes que les confeffions voluntaires des


propofuifti
deprobat . accufez : comme fi on produit au luge cinquante

tefmoings, qui tous d'vn confentement teftifient que

Pierre eft mort & enforcelé , par le faict de celuy qui


eft accufé de l'homicide, & neantmoins qu'il fe trou-

ue plein de vie deuant le luge.Alors le Iuge ne doibt


auoir aucun efgard aux telmoings, ny à leur depofi-

tions , encores qu'ils ne foyent reprochez , & que

l'accufé s'en fut rapporté à leur dire . Car ils font re-
prochables de droict , lequel droict doibt eſtre ſup-

plée par le Iuge. Auffi eft telle preuue plus forte que
la con-
LIVRE QVATRIESME. 173

la confeffion mefmes volontaire & iudiciaire, de l'ac. 3. lib.de tra


1.l.si irrupto.
cufé: comme nous en auons exemple en Valere Ma- s.ad officit ,fi-
nium regun-
xime auliure huictiefme, que vn efclaue fut execu-
dorum.ff . Bal
té à mort fur la confeffion volotaire, qu'il fit d'auoir dus in l . 1. Si

tué vn homme,qui eftoit abfent, qui depuis fe trou- aduerfus liber


ua plein de vie. C'eft pourquoy Pifon le Conful fut tatem, & in
lege penulti-
blafmé d'vne cruauté notable foubs ombre de feue- ma fine de pe-
rité militaire. Car comme vn foldat fut retourné au ric.tutorum.C.
2.Baldus in 1
camp fans fon compaignon, Pifon le condemna à la contra negan-
mort,comme ayant tué fon compaignon . Le foldat tem, ad legem
Aquil.C.
remonftre qu'il venoit apres luy: Nonobftant cela le inrubrica de

Proconful commande à vn Centenier qu'il execute à probat.C. Bar-


batia in ca p.
mort le condamné.Sur le point qu'il eftoit d'eftre ex- euidentia , de

ecuté , l'autre compaignon fe prefente plein de vie. accufat . excu,


Alors le Centenier tient l'execution en furfeance, & &in cap.. de
officio ordina-
reprefente les deux foldats au Proconful lequel irrité ry. Confil.
ou depit d'auoir fi temerairement condamné vn ho. 7.lib . coll. 4.
Alex.in l.eum
me à mourir,il fift executer à mort le Centenier pour qui.§. vlt.coll.

n'auoir obey, & le foldat condamné , par ce qu'il e- penul. deEt


iurando. Iure-
co-
ftoit condamné , & le troifiefme pource qu'il eftoit fil.116.fine lib.

caufe de la mort des deux autres : tellement que trois . confil.


186.coll.4.lib.
hommes furent condamnés & executés à mort pour 2. confil.

l'innocence d'vn . L'hiftoire eft en Seneque . Il faut 37 coll 4. lib.

donc s'arreſter à la verité du fait permanent, que le lu- 4 concil.


63.coll.penult.
ge void ou cognoift, ou touche, ou perçoit , ou co- lib. 4. Curfins
gnoift par l'vn des cinq cens ' , laquelle preuue n'eft Senior in repet.
l. admonendi,
iamais exclufe ny par edits, ny par fentence , ny par coll.89.de xu-

coutumes.Et iaçoit que apres publication d'enque- reiurando. Ca-


rol. Ruinus co-
fte, on ne foit receu à faire preuue,fi eft ce que la preu- ..

ue eft receuë, qui eft fondeefur vn faict permanent.


Xx
DES SORCIERS 14

3.Bald.in l. Comme tiennent les docteurs ' . Et fipar edict , ou


quis teftib . ad
finem ,& ibi par couftume il eftoit defendu receuoir aucune ex-

l'exception d'vn faict euident


dem
coll.vlt , dete- ception ,fi eft ce que
salicetus

Stib.c.Roma. eft toufiorus receuable ne fe peut reietter A plus for-

in repe five- te raifon en matiere de crimes,ou il ny a iamais forclu-


ro.§.de virofo-
lute mari fiondepre uues , l'evidence du fait eſt toufiours rece-

Stephanus Ber- uable . Et par ainfi quand les poifons & Sortileges
trandi confils font trouues fur la Sorciere , qui en eft faifie , ou en
337. de arbi-
trys.coll.9.4- fon Cabinet, ou coffre,ou qu'on la trouue foüyr fous
lexand . confil, l'effucil d'vne eftable , & que la fe trouuent les poi-
63.lib.3.1afon.
confil.21.collat, fons qu'on luy a veu mettre, & le beftail mourir, on
2.lib.x.
peut dire au cas qui s'offre que c'eft vn faict euident
4. comme dict
La gloffein l.1 . & permanent :Si on trouue celle qui eft accufee d'eftre

hoc interdi- Sorciere faifie de crapaux , d'hofties, de membres hu-


Etum, verbo im
perfectum , de mains , d'images de cire tranfpercees d'aiguilles au

tabulis exhibe- crime qui s'offre , font faicts permanens.en cas pa-
dis.ff. Balde reil ,fi on trouuue la Sorciere ou fufpecte d'eftre tel-

enla loy,expre letuant vn enfant ,comme il eft aduenų és Cœuures le


dys de euictio-
nibus Cr
fecond iour, de Feurier M. D.L X X VI I. vne Sor-

ciere non furieuſe coupa la gorge à deux filles , & fut

furpriſe fur le faict on peut dire que c'eſt vn faict e-


uident pour la conuaincre d'eftre Sorciere , ores

qu'elle n'eut confeffé ( comme elle fift ) que le Dia-


ble luy fift faire,attendu qu'elle n'eftoit point fuicu-,

fe. Elle s'appelloit Catherine d'Arce : car il ny a rien.


plus ordinaire aux Sorcieres que de meurtrir les en-

fans,fi onyoid que la Sorciere menafe fon ennemy,

eftat fain & difpostou qu'elle toufche, & que à l'inftat.

iltombe mort, ou qu'il deuienne ladre , ou qu'il de-


ujenie foudain contrefait, ou eftropiat ou frappé de,
maladie
7
LIVRE QVATRIESME 174

maladie foudaine, comme nous auons monftré par

plufieurs exemples: c'eft vn faict euident , & perma-

nent,fi d'ailleurs le bruict eſt qu'elle eſt Sorciere . Sile

Iuge void que la Sorciere ofte le Sortilege & charme

par prieres faictes au Diable l'appellant à claire voix ,

c'eft vn faict notoire de notorieté de faict au luge , &

autres,fi cela c'eſt faict en presece des luges, qui doi-


uet proceder en ce cas à la codénatió de mort fans au-

tre inquifitio.Et fi cela c'eſt faict en l'abſence du luge

prefens tefmoins,il laut proceder par recolemens, &


confrontations, file faict eft denié. Si on trouue l'o-

bligation & paction mutuelle du Sorcier auec le Dia .

ble fignee de luy en fon coffre,comme i'en ay remar-

qué cy deffus, c'eft vnfaict permanent , file feing du

Sorcier eft par luy recogneu . C'eſt docques la preu-


ue la plus claire & la plus forte qui met en veuë la 4.l. firupto .§.
verité qu'on cherche des chofes fenfibles . Auffi ad offici finis
peut on mettre pour exemple d'vn faict euident,fi la regundorum.ff.
Bal.in l.fi quis
forciere parle au Diable, & que le Diable ores qu'il teftib.de teftib.
foit inuifible luy refponde:Car l'ouye n'eft pas moins Coin .ft
aduerfus liber.
ains beaucoup plus certaine que la veue, & d'autant zo.in fum-
plus certaine que l'ouye peut eftre moins abuzée ma, ad l.le
A-
quil.C.A xa.
que la veuë ,qui s'abuſe fouuent . C'eſt auſſi vn faict inl.cum qui.§.
cuident fi la Sorciere en yn inftant fe trouue abfente vs coll.penul.
de iureiurando.
de fon lict , & de fa maiſon ,les huis fermés , s'eftant Etconfil. 116.
couchee lefoir au mefine lict, & que apres elle fe trou b.& . Confil.
ue en fon lict comme nous en auons monftré affes 186. lib.
Confil.35.li. 4.
d'exemples cy deuant en tous ces cas , & autres fem- & Confil. 39 .

blables de faits euidents apparoiffans aux Iuges , ils lib.


Rumu 9.sCarolus
confil.
peuuet affoir jugemet de codénatió felō la diuerfité 138.li.
Xx ij
DES SORCIERS

des faits come nous diros cy apres :Ores que la Sorcie

re ne vouluſt rié cõfeffer, à plus forte raifon ſi auec le


fait euidet,la confeffion du Sorcier eft concurréte, &

encores plus s'il y a tefmoings fans reproche. C'eſt auſ

fivne preuue euidente & trefcertaine, file Sorcier fa-

fcine ou efblouit les yeux, ou charme de parolles , ce

que la loy de Dieu a bien expreffemet remarqué, quád

elle dit,Celle qui efblouift les yeux , foit mis à mort,

vfant du propre terme Hebrieu Meſcaphat . Car la loy

2. Exod.64. 22. de Dieu a determiné cefte preuue comme trefcertai-

ne & fuffifante pour conueincrèle Sorcier d'auoir pa-

ction expreffe auec Sathan, & par mefme moyen ce-

luy qui charme les hommes, ou les beftes , ou les fruits


comme celuy qui monte en l'air , qui fait parler vn

chien,qui couppeles membres, & fait fortir le ſang, &

puis raffemble les membres, c'eft vne preuue euidente

eft trefcertaine qu'il eft Sorcier . Le fecond moyen de

preuue claire & certaine eft,s'il y a plufieurs refmoigs

fansreproche , qui depofent des chofes fenfibles par


les fentiments, & de chofes infenfibles par diſcours

& raifons certaines. Car l'euidence d'vn faict notbi-

re doit apparoir aux Iuges , & autres prefens , & ne


2
2.1.referipto. §. fuffit d'apparoir au luge, ou autres feulement , & la
fi quis accufa preuve des tefmoings fans reproche des actions tran-
torem ,de mi-
neribus bo- fitoires , n'eft pas notoire de faict permanent , come fi
norib.ff
.
les tefmoings rapportét auoir veu la Sorciere faire vn

ou plufieurs actes de Necromantie , ou inuoquer Sa-


than, ous'eftre abſentee inuifiblemet , & pour retour-

ner les huis clos,font actiōs tranfitoires , & aufquelles

les luges ne peuuent pas fouuent affifter. Et d'autant

plus
LIVRE QVATRIESME ... 175

plus la preuue eft forte, fi les tefmoings depofent de

plufieurs actes , & qu'ils s'accordent du temps , du


3.Bald.inl.fu-
lieu, des perfonnes & autres circonftaces, que les do- per.collat.s. de

Ateurs appellent Conteftes , & plus encores fila Sorcie - bonorum pof-
re en prefence du luge & autres faict quelque inuo-feßionib. inne.
incap.qualiter
cation à Sathan: c'eft notorieté de faict, & telle preu deaccufat.De.

ue eft des plus fortes pour eftre procede à la condam- cius in l.qua
extrinfecus ,de
natio . Et fila confeffion de l'acufée eft concurrente verbo . obligat.

auec la depofition des tefmoings , la preuue eft enco- ff Alexand.


confil.47.lib.2.
res beaucoup plus certaine : & neantmoins elle ne nu.6. Cornam
laiffe d'eftre bien certaine fans la confeffion des actes cofil.149.li. 2 .

que l'ay remarqués ou femblables : car il ne fuffiroit 4.2.9.1.c.pro-


hibentur , cap .

pas que plufieurs tefmoings depoffafent quelque peruenit , cap.


confuluit . cap.
temps apres les menaces de l'acufée faictes à lon en-
cum fpeciali de
nemy,ilferoit tombé en maladie. Bien feruiroit cela appel.
d'vne
prefomptio pour ayder la preuue, & fi foudain l.qui fenten-
tia,de pænis.C.
& à l'inftat que la Sorciere amenaffé outouché quel-

cun, ileft tombé mort , les luges font difficulté de


condamner la Sorciere ,s'il n'y a autre preuue, ny pre-

fomption ny confeffion: & ne voudroys pas conclu-


re à la mort en tel cas mais bien aux autres peines

corporelles :car tous les peuples d'vn commun con-

fentement ont receu que la punition doibt eftre ag-

grauée ou moderée felon la preuue plus ou moins,

& que la forme des anciens , d'abſoufdre l'accufé fi la 6.4. qui accu-
preuue n'eft claire & entiere de tout point eft abolie . Sure,de accufat.
C.l.fi autem de
Mais nous dirons par cy apres des peines , quand i'ay probatio.ff.

dict plufieurs tefimoings , fans reproche , la loy dict 7. vbi nume-


rus de teftib f
deux pourle moins. Et ne faut pas chercher grand

nombre detefmoings en chofes fi deteftables , & qui


Xx iij.
DES SORCIERS
8.Accurf.inl.
fe font la nuict , ou es cauernes és lieux fecrets.
ob carmen. §.
vlt . de teftibus Mais que dirons nous fi trois tefmoings depofent
Specula.de in de trois faicts tous differens : c'eft à fçauoir que le
quifitionibus,
S.1.1acobus Bu- premier depofe auoir veu le Sorcier cauer , & fouir

trigarins in l . Toubs l'effeuil d'vn huys , ou en quarrefour : car c'eſt


Arriani,deha
red.C. Bald. in ordinairement ou les Sorciers mettent leur fort : Et

1.actor
bat ioni,.depro-
C. & puis les hommes ou le beftiail y foit mort. L'au-
in l.x.de tefta- tre depofe que le mefme Sorcier ayant touché quel-

mei.Doc.in l. qu'vn eft tombé mort foudain : L'autre qu'ayant me-


interpares ,de naffé fon voifin , il est tombé en langueur . Ie ties
ve indicata ff.
Alex .copiosè que ces trois tefmoings fans reproche auecques

Lib.7.cofil . 13. quelque autre prefomption fuffit pous affeoir iuge-


nu.24.& Cō-
fil.72.1. gement de mort, iaçoit que les tefmoings foyent fin-

9.nl. de puguliers chafcun en fon faict: Car ils font vniuerfels au


§. fi
pilleS. qui crime de Sorcelerie : auquel cas tous les Docteurs
ipfi. deoperis
noui.q. 8. tombent d'accord que la preuue eftfuffifante en cri-
lexand.in d. §.
fi quis ipfi nu. mes couuers, comme la concuffion , l'affaffinat , I'vfu-

22.fo.nu. re , l'adultere , & autres crimes qui fe font toufiours

Bartol couuertement qu'on peut, & mefmement les


10.l.fi qui
in s ex. le plus
argentariis.s . Sortileges . Si donques crois tefmoins en tel cas fuffi-

an vero
de ede , nu.3 . fent pour prouuer l'vfure, ou la concuffion, ou l'adul-
ndo,
ibi latè afon . tere, à plus forte raifon doyuent fuffire,pour le crime

fub §. Pretor. le plus deteftable & le plus couuert qui foit de tous
Alexă.
nu.18.
cofil. vifa. les crimes qu'on peut imaginer. Et non feulement
Alexa,
89.
per totum.lib.2 telle preuue eft fuffifante comme les Docteurs alle-
Decius Confil.
577. vifo.nu. guez en font d'accord : ains auffi Bartole ' paſſe plus
12.Socinus con- oultre . Car il eft d'aduis en crimes fi occultes que la

Jil.32 . Hippoli. prefomption & la preuue coniecturale fuffift , & ne


confil. 6s . poft
reditum ,nu.31 eft pas feul de fon aduis.Vray eft qu'il ne fuffiroit pas

pour affeoiriugement de mort : mais de toute autre

peine
LIVRE QVATRIESME. 176 2.Innocetius in
cap.qualiter ,de
peine iufques à la mort exclufiuement.Et non feule- accufat.Immo-
ment les docteurs en droict Ciuil, ains auffi les Cano- la . in cap. cum
2
niftes font de meſmes aduis , & entre les Papes, le cufationib
de. a-
plus grand Iurifconfulte Innocence 1111. Et la rai-3 . Bald. in ru-
bricadecontro
fon eft pertinente , d'autant que les tefmoings s'ac- uerf. inueftitu
cordent au cas vniuerfel , & crime general, en forra,de vfib.feu-
te que la fingularité n'eft pas incompatible ny re- dorum , & in
authentica ro-
pugnante, ains elle ayde & conforte la preuue . Cegati.c . dete-
3 Aib. & in l. de
que Balde appelle fingularité adminiculatiue , qui
eft bien different e de la fingularité contradictoire & quibus,collan
tepenultim.
repugnante à foy- mefmes , qu'il appelle obftatiue, Curtius intra-
Etatu de teftib...
quand vn tefmoing deftruict la preuue de l'autre, concluf.46 .

pour la diuerfité du lieu, ou du temps , ou autres cis - 4. Bartol .in l.

conftances femblables. Car en ce cas la preuue n'eft Theopomp ,de


dote pralegata
pas fuffifante, meſmement quand il y va de la vie , ou fine . Romanus

de punition corporelle : ou il faut que la preuue foit Alexand


in l.1.§.vlt.de
bien plus forte qu'en matiere ciuile . C'eft pourquoy verbor.oblig.

en matiere criminelle le ferment fuppletif de preuue Bald.in l.ludi.


¡
ces,defententijs
n'eft pas receuable , comme il eft en cas ciuil és cho- inter locut.
fes legeres, & n'eft auffireceuable la conuention de fe C.Felinus in c...

r'apporter à va telmoing, pour affeoir iugement de Iafo


venies.,de hanc
ait tefti.
l'honneur ou de la vie , comme il eft en cas ciuil du effe communem››

confentement des parties. Et par ainfi quand on dict opinionem in 1.


Iureiurandum .
que vne preuue imparfaicte ne fe peut ioindre auecprincip.de zu--
vne autre imparfaicte ' , cela s'entend de deux preu.. reiurando . ff.
5.Panormit .in :
ues , ou de deux . tefmoings , ou de deux prefom-
cap.penult..
ptions , ou de deux crimes differens : comme fi vn de probatio ...
Alexand.con
tefmoing depofe d'vn homicide , & l'autre depoſefil.4.lib.7.

d'vn adultere , l'autre d'vn larcin : cela fait bien preuue nu.3 . Dect. in-
d'vn homme fcelere : mais non pas qu'il foit prouué cabinte
cap.vlt.defuc-
..
DES SORCIERS

adultere, ny homicide ,ny larron pour y affeoir con

Denter. 17. demnation de peine corporelle . Car la Loy de Diet


ne veut pas que la depoſition d'vn tefmoing face

preuue pour affeoir iugement de condemnation : ny

les loix Ciuiles ne veulent pas qu'on puiffe affeoir la


moindre condemnation pecuniaire.Et en cecy tous
les Iurifconfultes & Canoniftes font d'accord , quel-

que dignité,faincteté , & reputation que puiffe auoir


letefmoing '. Et iaçoit que lean André , & le Dd-
rus,deteftib.
Docto. &
teur Alexandre foyent d'aduis ' qu'vn bon tefmoing

8. ioann. An- fans reproche fuffit pour condamner à la queftion : fi


draas in addit.
ad Speculi,tit . eft- ce qu'ils ne font pas fuiuis en ce Royaume ob

de prafumptib. ftant l'ordonnance du Roy Louys x11.qui l'a defen-


$.Species , ver- du : mais il fuffira bien pour prefenter l'accufé a la
(u,violenta.A-
lexand.confil. queftion en tous autres crimes: & s'il y a quelque pre-

77.lib.1.nu. 1. fomption auec vn tefmoing fans reproche , il fuffira

pour appliquer à la queſtion és cas qui meritent

peines capitales ou corporelles:Mais en ce cas fi enor-

me & fi occulte, ie feray bien d'aduis que l'opinion


d'Alexandre & de Iean André foit fuyuie , & que pour

appliquer à la queftion , il ſuffiſe d'vn telmoing hom-

me de bien & fans reproche , ny fufpicion quelcon- •

que,duquel la depofition foit accompagnée de rai-


fon , ou des fens r'entends ceux là contre lef-

quels on ne peut rien dire , que les docteurs diſent

Omniexceptione maiores , mais ceux qui n'ont point


9. Ex infa fouffert condamnation portant infamie , ' & non
mem , depubli-
cisindiciis. ff. pas s'ils font reprochez pour eftre homicides ,adulte-

res, inceftueux , ou attaints d'autres crimes, qu'on ap-

pelle infames de faict :& toutesfois leur tefmoigna


geeft
LIVRE QVATRIESME. 177
o.l.Lucius , de
geeftbon auec d'autres ,Comme il fe pratique en y's qui notan-

tout ce Royaume fans auoir efgard à l'infamie du turinfamia,ff .


4.
faict,ny aux canós pour ce regard qui veulent qu'on 4G P4-
normit, in cap.
recolue telles reproches, ce qui ne doibt eftre faict. fup..1. de se

Carfi on reçoitles faits de reproches , contre les tef-fibrelini.

moings non condamnée,il faudroit faire le procés à


cous les tefmoings fur les faits des reproces , & par

ce moyen les mefchans efchaperoyent, & les gens de

bienferoyent fouuent calomniés . Et jaçoit que vu

tefmoingfoit attainct , voire conueincu & condam-

né de crime public portant infamie,& non pas d'vn

iniure verballe,qui ne porte point d'infamic de droit

canon ' pratiqué pour ce regard , iaçoit que la loy le cum te, de
tiet pour infame,fi eft ce que le tefmoing codamné fentent's
indicata. re

& infame , eft receuable en tefmoignage fi ily ap- 4...dey'squi

pel,& ne fera point reproche pour celte cauſe,fi le iu- notantur.ff .


s.l.furti, de y's

gemet n'eft confirmé comme dict la loy , & toutes- qui notantur
infamia.ff.
fois le luge ne doibt appliquer à la queftion pour vn 8.Iacob. Butri-
tefmoing infame de faict encores qu'il ne foit con-gar. Bartol.

dáné: mais bien fice tefmoing eft aydé d'autres tef- Cuneus in l.
moings, ou de prefompons violentes, autrement il furti,de iis qui
notantur infa-

faut attendre le iugement dernier du tefmoing re- mia,vult vale-


ve teftimonium
fententia
proché: & fi on dit que le Iurifconfulte ' ne recoit pas "tiafi
le telmoignage d'vne femme accufee d'adultere , & confirmata fit,
neantmoins abfoulte le Iurifconfulte dict, Puto no- quia non deber
negligentia
tam obeffe, & ne parle que des femmes qui font touflentiaac-
cufatis obeffe
jours moins croyables que les hommes : & de faict procedenti.
1.l. P.dam. §.
par les ordonnances de Venife de l'an M.D.xx1111. que de ritu nue
& de tout l'Orient il faut toufiours deux femmes ptiarum.ff
.

pourleteſmoignage d'vn homme , & quatre fem-


Yy
! DES SORCIERS :

mes pour deux tefmoings . Comme auffi les femmes

n'eftoyent par les loix des Romains receuables à tef-


3.l.qui tefta-
mere mulier,moigner en teftament , ' ou en obligation par corps.
de teftament . Et mefmes de droict Cano les femmes en matière

4.cap.foras ,de criminelle ne font pas receuables à tefmoigner , pour


verb.fignifica.
can.mulier l'imbecillité & fragilité du fexe . Mais les Iurifcofultes

32.9.5. & Empereurs ont aduifé que les plus grades mefchá.
cetés demeuroyent impunies fi cela n'auoit lieu:
5. Lex eo. de te-
fib.ff.Nouella Et pour cefte caufe ils ont fagement pourueus , à ce

Leonis Philofo- que les crimes fuflent teftifiez par toutes perfonnes,
phi.48.
& la raiſon eft peremptoire . Car es actes legitimes
on a moyen de prendre des tefmoings tels qu'on

veut, & aux crimes tels qu'onpeut . C'est pourquoy,

en ce Royaume, & en toute Republique bie ordon-


née le droict Canon n'a aucun lieu pour ce regard, &

le droict Ciuil eft fuyui . Et au faict qui s'offre il eft

bien neceffaire d'adioufter foyaux femmes encores

qu'elles foyent infames de faict , comme diſent nos

6. Feftus Pom- docteurs , ou bien ignominieufes comme parlent le


peins , & No-
nius ex libr. 4; Iurifconfultes & autres auteurs Latins , comme fe-

derepublica Ciroit vne femme impudique . Car les Iurifconfultes


ceronis.l. infa-
mem.S -que ,de reçoiuent les femmes en tefmoingnage à fin que les

ritu nuptiarum forfaits ne demeurent impunis , qui eft vne raifon

1. cognitionum fort grande & confiderable , comme dict le Iurifco-


de variiscogni
tionib. fulte. Il faut pour mefme raifon , 2 & beaucoup plus

1. Ita
ratus, l. A- grande receuoir les perfonnes infames de faict & de
advulne-
quil.ff. droict en tefmoignage contre les Sorciers , pourucu

qu'ily en ait plufieurs concurrens auecques indices:


8. Doct. in cap. autrement il ne faut pas efperer que iamais cefté im-
8
quoniam, dete, pietéſi execrable foit punic . Or tous font d'accord,
& les
LIVRE QVATRIESME. 178
Aib. Butri.Pa
- bien pratiquer, queles com nor Felin. ibi.
& les luges le fçauent tref
.
plices du mefme faict de volerie ou affafinat ou lefe reti.confil.
61.gloß. in l.
maiefté font preuue les vns contre les autres , quand
de accuf.c.
on ne peut autrement tirer la verité du faict,non feu-

lement contre les autres qui ont commis vn ſembla-

ble affaffinat, qui eft la limitation de Pierre Ancaran 9. In confil.24 .

ainsauſſi du meſme affafinat dont le tefmoing eft &fequit Grà-


mati.confil.nu.
conueincu , fi le tefmoing fe charge luy mefmes. 15.016.

Et de faict il me fouuient que M. Gelee Lieutenant

Criminel de Paris ayant condamné par l'aduis des Iu-


.& Do-
1.gloff
Chaſtelet de Paris, trois voleurs ac- co.in l. final.
ges Prefidiaux du

cufés & conueincus par leur propre confeffion de de accufat.C.et


plufieurs voleries & affafinats , ils en accuferent va incap.1.de cō-
fession.in l.quo
qui ne vouloit rien confeffer à la queſtion . Et neant- niam liberi ,de
teftib.c.l.
moins auec les prefomptions & les tefmoignages des diuus, 1. §.
de qua-
complices, il fut condamné, & puis exccuté fur la ftionib. Docto.

roue: & iaçoit qu'il declaraſt qu'il mouroit innocet, in cap.funt ca.
veniens c. per-
comme ils font presque tous, & voulát blafphemer Jonas de teftib.

Dieu pour couurir fon honneur deuant le monde, fi specul . titulo


eft- ce qu'il declara à ſon confeffeur qu'il eftoit auffi de tefte. §. 1.
verfic.itequod
coulpable que les autres, le priant de n'en rien dire : eftfcis. Cy-
mais le luge fift appeller le confeffeur , qui declaran ,Petr.salic.
in l . finali. de
ce qui en eftoit.En Allemaigne ils ont vne tref- mau- accufat Alex.

uaife couſtume de ne faire mourir le coulpable s'il ne confil.8y.li . 4.


& confil. 169.
confeffe, quoy qu'il foit coueincu de mille tefmoins, li confil.

vray eft qu'ils appliquent la queſtion fi violente & fi 128.lib.4.Mar-

cruelle,que la perfonne demeure eftropiat toute fail in practica


crimin.§.dili -
vic. Ortout ainfi que cecy n'alieu finon és crimes genter.nu . 59 .
exceptés & non és autres,come difent les Docteurs , infingul. 209.
Decius confil.
qui ne veulent pas mefmes que les complices tef 230.175.189.
Yy ij
DES SORCIERS

moings auec prefomption foyent fuffizans pour ap-


pliquer à la queftion,auffifaut il que és crimes exce-
2.gloff.in l. fi- ptés,come eft le poifon & la Sorcellerie ,le crime de

nali de accuf . lefe maiefté , & d'affaffinat, les complices du mefme

c. inl.de faict foyent receuables à faire preuue fuffizante , s'il


maleficis.C.
ny a reproche pertinente, comme fi le complice eft

ennemy capital de celuy qui accufe d'auoir cu part


au malefice.Et ne faut auoir efgard fic'eft le pere ou

le fils. Le telmoignage defquels ne doit pas eftre re-


ceu l'vn contre l'autre ,pour autres crimes , chcores

qu'il ny euftautres tefmoings pour la reuerence du

3.1. parentes de fang ' :mais ceftuy cy eft fingulier.Et faut ouyr la fille
seftib.c.
contre la mere en ce crime de Sorcellerie , par ce qu'il

c'eſt cogneu par vne infinité de iugemens que la me-

re Sorciere meine fa fille en perdition ordinairement.


Bounin Bailly de Chafteau-Roux depuis trois ans en

fift brufler vne toute vifue, qui auoit mené fa


' fille aux
affemblee , & qui depuis reuelatout , comme l'ay

dict cy deffus. Les Sorcieres de Longny en Potez fu-


rent auffi accufees par vne fille , que la mere y auoit

o . Doft. in di- menee, & file pere & le fils en crime de lefe Maiefté
Eta l.Paretes, et
inleg.quifquis, font receus à telmoigner & accufer l'vn l'autre, & mef
ad legem iulia mes fi les loix decernent loyer à qui tue fon pere,
maieftatis . C. venant pour ruiner fa patrie (comme la loy dit que
4.l.minime, de
Teligiofis.ff. tous font d'accord en ce point la pourquoy ne fe-
ront ils receus l'vn contre l'autre en vn crime de lefe

Maicfté diuine , & en vne mefchanceté qui empor

te toutes les autres?Il ne faut donc pas s'arrefter aux

0.1.3.5. legede regles ordinaires de proceder , reprocher, ou rece-


reftib.ff
.
uoir tefmoings en vn crimefi deteftable,que ceftuy
cy.Et
LIVRE QVATRIESME. 179

cy.Età fin que les confciences craintifues s'affeurent

en iugeant de ce faict icy , nous auons vn exemple


notable en Exode'ou Moyfe,ayant veu que le pcu- s.chap.32.

ple auoit faict le veau d'or , ceux , dit- il, qui font du
party de Dieu, qu'ils s'aprochet de moy ;les Leuites fe

prefenterent:aufquels il fift commandement de pré-

dre les armes, & tuer chacun fon frere & fon pro-
chain,qui auoyent idolatré apres le veau d'or. Ce qu
'

eftant executé iufques au nombre de trois mille ho-


mes,Moyfe leur dict qu'ils auoyent confacré leurs 6. Alexander
et lafonin l. de
mains à Dieu pour receuoir fa benediction : & de papille fiquis

faict Dieu choifit ceux là aufquels il donna le droict rines , de operis


noui.&inl. s .
He aineffe,& la prelature pour affifter à iamais deuant ibidem De-
Dieu,& iuger le peuple.En quoy l'on voit combien cim.de officio

Pidolatrie fut deplaifante à Dieu , & qu'il ne voulut im chiffo


cap.pro neceßi-
pas que pourvenger l'iniure faicte à Dieu , on cuftae .q. 1.0

aucun efgard à la proximité du fang, encores que le incap.c cen


te , de appellat.
peuple n'euft autre intention que d'adorer Dieu , qui & in l.qua
les auoit tirez d'Egypte , comme il eft dict au texte: propter,de reg.
juris.text.in l..
mais ils formerent vn veau d'or à fon honneur con- cafus.&ibid..

tre la defence à eux faicte:combien eft plus deplai- Baldus & sa-
licet in .nota--
fant à Dieu d'adorer le Diable. Il ne faut donc pas bili.C.de reftas-

s'arrefter aux voyes ordinaires qui defendent d'ouyr ment. vbi pro-

en tefmoignage le fils contre le pere , ny le pere con- pter neceßitaté


difpofitio iuris
tre le fils car ce crime paffe tous les autres : Or il eft fufpenditur . l .

certain en termes de droict ou il y a peril & neceffi-filio hi autem


de iniufto rupio
té, & choſe exorbitante, qu'il ne faut pas s'arrefter aux fang. in l.

regles de droict:ains au contraire c'eft droictement nemo carcerem.


de exactoribus
proceder felon le droict de laiffer l'ordre de droict , ribut..

sap.suanos,& cap.veftra,de cohabita.clericor. Et parain-


Yy iij
DES SORCIERS
7.Bar.inl. poft
legatum.§. His file tefmoing qui fe fera prefenté fans eftre appellé
vi
de iis,quibus
indigenie.Ale pour depofer cótre vn Sorcier, il doit eftre ouy jaçoit

confi.72.lib. 2. qu'en autre chofe il ne foit pas receuable ' . I'excepte-


8.Bal.inl.3.de ray feulement la reproche d'inimitié capitale proce-
teftibus & in
authent. fi di- dắt d'autre cauſe que de Sorcellerie. Car qui eft l'hom-
cur eo. C. & me de bien qui ne haiffe les ennemys de Dieu & du
ibi.Salic.Inno.
the codes gére humain, d'autat que l'inimitié priuce pour au
de reiudic. Pa- tre caufe pourroit induire la calōnie cōtre l'innocet.

norm.& Fe- Et iaçoit que le tefmoing en autres cauſes ſoit con-


lin.incap.quo-
ties de teftibus,uaincu de pariure, & qu'il doyue eftre' reiteré , ſieſt-

9.c. teftimoniu ce qu'en ce crime, il fera receu auec d'autres , s'il n'a
can.fi
de teftib.can haine capitale contre l'accufé.Et iaçoit que l'Aduo.
facras,90.dift.
Bald. Salic. cat & le Procureur ne puiffent , & ne deuoient eſtre
in l.fi ex falfis, contraints de depofer au faict de leurs parties :fi eft-
de tranfaction.
1 Ex l.manda- ce qu'ils doyuent eftre contraints en ce crime icy,

tis,deteftib
C.R ; combien que plufieurs ont tenu qu'ils peuuent eftre
ff
omana cod.
ita indica- contraints de repofer fur le faict de leurs parties ce

tu arreto Par- requerant la partie aduerfe, foit chofe ciuile ou crimi-


rifiorum 1386.
2. Bartol. in 1 nelle. Et combien que les complices ne facent ' pas-

deferre.§.idem . preuue neceffaire és autres crimes,fi eſt- ce que les có.


de inre
dicat Gratia - plices Sorciers accufans ou teftifians contre leurs

nopoli. 1454. complices, font preuue fuffifante pour cftre procedé


3.cap. ultime à la condemnation, mefmement s'ils font plufieurs.
de teftib . Bald.
in l . quoniali- Car on fçait affez qu'il n'y a que Sorciers qui puiffent
beri,eod.c.teftifier d'auoir affifté aux affemblees , ou ils vont la
glossa.incap.1. nuict. Auffi void on en Spranger que les luges d'Al-
in verbo ad te-

fimoni , Ale- lemaigne procedent à la condemnatio des Sorciers,


xăl.cõfil.
xal.col
lib . & fur le telmoignage des complices , encores que les ac-
.7.nu..3120.
confil. 69. lib.
2 & cofil. 89. li.z.nu 10.Socin.confil.95.coll.1.lib.3.textus eft in l.vlt de accufat. C. Bartol . in
1.1.§.fiferuum. quæftionib . Alexand.confil.160.lib.6.nu.8 .
cufez
LIVRE QVATRIESME. 180

cufez le denient.Paul Grilland efcript le femblable

des luges d'Italie : & s'eft toufiours pratiqué


Royaume iufques à ce temps miferable, qu'on à vou-
lu cacher l'ordure de quelques vas qui eſtoyent de la 4.1.cùm profi-

partie. Et n'y fait rien que on * n'eft pas receuable d'al- tearis, de reus-
leguer & defcouurir la turpitude : Car cela s'entend candis donatio-
nib.c. in l.
contre ceux qui en veulent tirer prouffit , & non pas fi creditorib . de

contre eux mefmes quand ils s'accufent les vns les au- ferue pignori.

tres .Vray eft que tout ce qui eft, & qu'on peut dire les C.

tefmoings, & quelle foy on leur doibr adiouſter , &

quelle preuue eft fuffifante ou non, gift plus en faict

qu'en droict.Et à ce propos on doibt remarquer ce


que dict Calliftrate . Qua argumenta probande cuique rei 5.1.3.§.que.de

fufficiant nullo certo modofatis definiripoteft. & peu apres, teftib.ff


.
Aliâs numerus teftium, aliâs dignitas & atrocitas, alias ve-

luti confentiens fama confirmat rei,de qua quæritur ,


fidem.

C'eftpourquoy l'Empereur Adrian difoit qu'il faut


croire aux tefmoings, non pas aux tefmoignages.Car

le luge bien exercé en fa charge, & bien entendu iu-

gera le tefmoignage à la veuë du teſmoing,à la face,


a la qualité, & infinies autrescirconftances .
Mais il faut

bien prendre garde que le crime de Sorcellerie ne foit


traicté en la forte des autres : ais ilfaut fuyure vne voye

tout autre & extraordinaire, pour les raifons que i'ay


déduites. Nous auons dit de la premiere & feconde

preuue euidente, difons de la troifiefme qui eft la con-


feffion .
DES SORCIERS

DE LA CONFESSION VO.

lontaire &forcee,quefont les Sorciers.


·

CHAP. 111.

OVVENT les luges fe trouuent empel .


chez fur les confeffios des Sorcieres , &

font difficulté d'y affeoir iugement, vcu

les chofes eftranges qu'elles confeffent,

parce que les vns cuide que ce foyet fa

bles de ce qu'elles difent: les autres craignét que telles

perfonnes defefperees ne cherchent que à mourir.Or

il ne faut pas croire celuy qui veut mourir , comme


6.1.abfente , de dit la Loy'.Et me fouuient auoir leu en Tertullian
pœnis.l.2. cum
les,de e que que l'Huyffier d'vn Proconful d'Affrique, demandát

ante fententia tout haut en l'audience,s'il y auoit point là de Chre-

mortemfibi. ftiens pour les punir felon la couftume, qui eftoit a-

lors:Soudain plufieurs leuerent la main difans qu'ils


cftoyent du nombre , à fin d'eftre executes pour

mourir en Martyrs.Le Proconful les voyant refolus


de mourir, Alles, dict- il, vous ietter en la mer, qui eft

deuant vos yeux & vous precipitez des montaignes,

& des maiſons, ou vous pendez aux arbres , & cher-


chez qui vous códénera . Iulian l'Empereur voyát v-

ne icune féme Chreftiene auec fon petit enfant pédu

à la mamelle, qui couroit au fupplice pour eftre mar


a
tyre,il fift deffence d'executer àmort les Chreftiens:

non pas pour garder celle qui couroit à la mort, mais

par ce qu'il difoit que les autres Chreftiens les faifoyét

Dieux apres leur mort. Ily en a d'autres qui ne veu-


lent
LIVRE 1 QUATRIESME, 181

lent pas mourir pour l'honneur qu'ils efperent , mais


pour vn deſeſpoir ou douleur extreme : & ne les

faut pas ouyr encores que la loy les excufe, & que Pla-

ton trouue beau de faire fortir l'ame deuantqu'on la


chaffe, ce qu'il appelle dyr . Mais Spranger re-

cite auoir veu des Sorcieres qui confeffoyet leur mef-

chanceté, & fupplioyent le iuge de les faire mourir,

autrement qu'elles fe tueroyent, par ce que le Diable


les tourmentoit fi elles ne luy obeiffoyent , comme

elles difoyent,Or en ce cas laloy'qui dict,inconfitentem 7.1.x.de confef-


fis.
nullafunt partesiudicantis & cet. nepeut auoir lieu . Et

ne fautpas que le luge fuyue le vouloir de telles per-


fonnes.Car on tient pour certain que la Sorciere que

le Diable afflige & tourmente, eft repentic, & eft en

voye de Salut , & par ainfi il faut la tenir en priſon &

l'inftruire , & vfer de peines moderees & falutaires;

Mais fion voit qu'ellene vucille fe repetir,il faut pro


ceder à la condemnation de mort, encores que la Sor-

ciere fupplie qu'on la face mourir . Et quand à celles

qui fe font confeffées & repenties deuant que d'eftre

acculées, il ne faut pas quele luge en prêne cognoif-

fance,s'il n'apparoit des homicides par elles confeffés


pourucu toutesfois que cela foit faict fans fraude : &

que celle qui c'eft repentie n'euft preueu l'accufation

incuitable.comme fift Magdeleine de la Croix Ab-


beffe de Cordoue, de laquelle j'ay faict mention cy

deffus,fe voyant diffamée, & grandement ſuſpecte,


elle faccufa d'auoir cu xxx ans accointance auec Sa-

than. Or il y a double confeffion: I'vne voluntaire ,

l'autre forces . Et l'vne & l'autre peut eftreen luge-


Zz
DES SORCIERS

ment ou hors iugement .Et celle qui fe faict hors

jugement peut eftre deuant plufieurs perfonnes ou

vn feul , foit amy ,parent, ennemy, ou confeſſeur . Er


toutes ces circonftances font à remarquer , non pas

quela verité foit plus veritable en iugement que hors

iugement, ny deuantvn peuple que deuant vn con-


feffeur:ains au contraire la plufpart d'efguife en pu

blic ce qu'il confeffe en particulier,foit de honte ou


de crainte, comme il fe void fouuét de voleurs , qui

defcouuretau confeffeur ce qu'ils ne veulent iamais


dire en iugement . Mais toutesfois la preuue n'eſt

pas fi forte d'vne confeffion extraiudiciaire que iu-


diciaire:ny forcee que voluntaire : Et entre les con

fefsions volunraires,celle qui ce faict deuant qu'on


'

foit interrogé,a plus d'efficace : Car quelquesfois le


Iuge trompe celuy qu'il interroge , & quelquesfois

il luy faict la bouche & la leçon, comme fift Augufte


à vn ieune homme accufé de parricide l'interrogeat

en cefte forte.le m'affeure, dict-il , que tu n'as point

tué ton pere. Et quelquesfois le luge meilera deux

outrois faicts enfemble , defquels l'vni fera veritable


les autres non.Sur quoy les Iurifconfultes font en de-

8.1ohan.And, bat, ſi la confefsion ou negation fe doibt prendre


8
adSpeculat.tit. pour tous les faicts : & les vns difent que la ne-

delitisconteft . gation ou confefsion s'entend pour tout . left-


Parie.2,
bien certain en termes de Dialectique , quand

tous les faicts font articulés par difionction ( ou)


le tout eft vray , fi vne partie eft vraye encores
que tout le refte foit faux : mais files faicts font ar-

ticulez par la conionction . ( Et ) tout eſt faux ſi l'vn


des.
LIVRE QVATRIESME 182

des faicts eft faux.Mais ceux qui font en iuftice font


au Temple d'Equité & de verité : Il faut donc que

celuy qui eft interrogé de plufieurs faicts , def-

quels il a cognoiffance , diuife les vns des autres,


& qu'il confeffe les vns & denye les autres , felon la

verité de ce qu'il fçait , qui eft l'aduis de Bartole,


9.In l. 1. §.fi
& de Panorme ' . Ce qui a efté confirmé par ar- Stipulanti, de
2
reft de la chambre imperiale rapporté par Min- verb . obliga-
finger Senateur , contre la Conteffe de Frife O- tio.ff.
I. Panorm.in c.
rientale . Mais c'eft à faire au Iuge prudent & en- 1.de plu.petio

tendu en fon eftat de diuifer les faicts en faifant l'in- 2.lib.2.cap. 55.
anno
terrogatoire.Et ne faut pas s'arreſter à l'opinion de Etob.2 1554.
7. 0-

ceux qui tiennent , que le luge les ayant faict pofés 3. qui iuraffe.
9.penult.de iu-
par l'accufateur,y adioufte que la confeffion fera pri- reiurando
ende &
fe comme eftant faicte hors iugement . Ce qui n'a cap. ad hoc , de

point d'apparence, car les interrogatoires font actes teftib.


4. Innocentius
iudiciaires. Et pour cefte caufe le tiltre porte de inter- in c.cum Bertol.

rogationibus in iurefaciendis. Ioin & auffi que la con- dus,de re iudi-


cata. Alexan-
feffion de la partie deuant le luge fans interrogatoire der in l . cui , de

n'eft point fur les faicts articulés , & neantmoins elle turiſdict.ff.

eft plus forte que fi elle eftoit fur les interrogatoires s.l.fifine §.1.
comme dict la loy . Et en matiere criminelle , &
de Interroga-
mefmement en ce crime de Sorcellerie la voye ordi- tory's actio.

naire des accufations ne doibt pas cftre fuyuié : au


quonia cotra
de probations.
contraire le luge par tout les moyens qu'il peut ima- 6. o dode

giner doibttirer la verité. Orla refponce de l'accufé publicis indi-


ciis.ff.
eft certaine , ou incertaine , & celle qui eft certaine , eft ...sanci

affirmatiue ou negatiue, ou bien l'accufé dit qu'il ne mus,de Iure de


liberandi.§.
fçait que c'eft.La reponse eft incertaine ' quad Faccu- fimilique mo
fé refpond par ambages & en doubtant , qu'il penfe do.c.l.vlt.de
condict. indeb.
Zz ij
DES SORCIERS

qu'il croit, ou par equiuocation : fi l'accusé afferme

8.1 .fiquis in vue chofe fauffe ou qu'il denie ' chofe vraye il n'eft
&
Lure . 1. de pas fi coulpable que celuy qui refpond par ambages.
atate.de inter-
rogatoriis. ff. Car en ce cas il faut tenir pour confefflé ' la refponce

9. 1. non alie- equiuoque à fon preiudice : car chafcun doibt eftre


num,eod.
1.d.l.de atate. certain de fon faict, & ne peut feruir l'excufe d'erreur
S.nibil. en ce cas s'il ne refpond à propos. Mais la difficulté

a.l.1.§. 1. de in eft , fion doibt tenir l'accufé pour confeffé , s'il ne


terrogatory's.
actio.ff. cap.abveut refpódre chofe quelcoque come ily en à quel

excommunica- quesfois.quat au ciuil cela n'a point de difficulté que


to del.de
2.d. atate. lesfaicts ne foyent tenus pour cófeffés à ſon preiu-
refcriptis

§.qui tacuit . et dice , en matiere d'interrogatoires, & pour deniez

Lfidefenfores és efcriptures . Mais quand il y va de la vie , on ne doibt


e.ff.c.fi
... queft. pas tenir les faicts pour cofeffés,s'il n'ya preuue par teſ-

de ramp moings.Mais s'il y a preuue, la taciturnité emportera


effect de la confeffion en la perfonne de celuy qui eft

accufé , pour proceder à condemnation ainfi que le

3.l.vnica.fi cas meritera: & no pas toutesfois,fi la taciturnité pro-

quis ins dicen- cede d'vn telmoing qui doibt eftre contrainct ' par.
a
ventre infpi amédes & prifons à depofer: & neantmoins le luge
1.1.1.9.18
de

credoff. d.l. de doibt auparauant proceder par tortures felon la qua-


aate.Squitalit
cuit é des perfonnes contre l'accufé de Sorcellerie , qui
. quo
niam , v lite neveut rien refpondre , & qu'il ayt vn bon tefmoing,
conteftata.
ions: & s'il ne veut rien dire en
4.Accurf.inl. ou plufieurs prefompt
cerum.dereb, la torture , le crime fera à demy confeffé , & pu-

credit . f. Barny felon la grandeur de la preuue , comme nous


tolin l.1.de.
rita.C.Bald. dirons cy apres.Et en cas pareil de celuy qui de pro-

in l.1 . quomodo pos deliberé obſcurciſt fa refponce. Et iaçoit que

C. Capola telle refponce par interpretation de droict ne fuffift


dex .quandom
Canela 123. pas pour la preuue des autres crimes, ou il y va de la
peine
LIVRE QVATRIES ME. 183

peine corporelle s'il n'y a tefmoigns: ( Ce qui n'eft pas


neceffaire en la confeffion claire & volontaire, ) ficft-
ce qu'en ce crime fi couuert & fi deteſtable, elle ſuf-

fift auec les aultres prefomptions . Les Docteurs ont

mis la confeffion pour l'vne des preuues neceſſaires : &


indubitables , comme il eft vray en matieres ciuiles:

fi eft- ce que la difference eft bien notable pour les


circonſtances des lieux, du temps , des perfonnes , &

du crime, comme la confeffion d'vn enfant , & d'vn

hommea agé : d'vn fage ou d'vn fol: d'vn homme , deconfef


fis..C. nec reno-
ou d'vne femme, d vnamy ou d'vn ennemy: en iuge- cabilis eft l. fi
is de confeßis.
ment ou hors iugement: d'vne iniure ,' ou d'vn par #fednonin

ricide:en la torture, ou fans torture. Laquelle varieté atrocibus.l.1.

doibt eftre bien poifee par vn Iuge fage entendu.Et fi quis vltro.
de quæftio.ff.
ne faut pas prendre la Loy premiere de Confeßis , pour 6.1.1 . §.diuus,
les autres crimes qui emportent peine capitale: que dequeftio ff.

celuy qui eſt confeffé , foit tenu pour condamné, 7.arg.l. exins
l.
cendio,
s'il n'appert d'autres prefomptions fuffifantes , & padius de in-
comme dit la Loy , Si nulla probatio religionem iudi- cendio.
8.1 3. quorum.
cantis inftruat: & mefmement fi la confeflion eft fai- appellat.nonre-

&
te en la torture , ou eftant prefenté à la torture: cipiuntur. C.I..
item apud.§.
carla Loy tient telle confeffion faicte au pied de la adiicitur verf.
&.
torture femblable à celle qui eft faicte en la tortu- quæftionem.
9.1.metu autě .
re. D'autant que la peur du tourment eſt vn tour- de eo quod me-
ment.Et en matiere des Sorciers qui ont paction ex- tusff.
preffe auec le Diable , & qui confeffent auoir efté 4.qui femen-
tiam ,de pænis..
aux aſſemblees , & autres mefchancetez , qu'on ne c.azoin fum--

peut fçauoir que par leur confeffion ou de leurs com- madequæftio.

plices : telle confeffion hors la torture faiet. preuue

*,fielle eft faicte par celuy quieft preuenu , meſme-


Zz iij
DES SORCIERS

ment s'il eft foupçoné, & tenu pour tel, encores qu'il

n'apparoiffe qu'il ayt faict mourir homme ny be-

ftiail . Car cefte mefchanceté là eft plus deteftable

que tous les parricides qu'on peut imaginer . Et fi


on dit qu'il ne faut pas s'arrefter à la confeſſion d'v-

ne choſe contre nature ' , comme difent quelques


s.l. Confeßio-
nib.l.ficuius,de Vns , il ne faudroit donc pas punir les bougres So-

interrogatorys. domites, qui confeffent le peché contre nature : mais


ff-
fi on veut dire contre nature pour chofe impoffi-

ble, cela eſt faux: car ce qui eft impoffible par natu-

re,n'eſt pas impoffible: comme font toutes les actiōs

des intelligécès, & les œuures de Dieu contre le cours

de nature, qu'on void fouuent, & que mefmes Hip-

pocrate à remarqué, que toutes les maladies popu-


laires viennent de Dieu, ou comme il dict, ont quel-

que chofe de Diuin , & contre le cours & ordre des


caufes naturelles , où les medecins ne cognoiffent rié.

C'eſt donc vne pure Sophifterie, de dire ceſte meſ-

chanceté eft impoffible per nature : elle eſt donc im-


poffible: comme qui diroit d'vn mefchant homme

il cft bon chantre , il eft doncques bon . Or nous a-

uons monftré par auctoritez diuines & humaines,


& par la preuue de toute l'antiquité , & par les loix
diuines & humaines, experience , iugements, conui-

ctions, confrontations & confefsions, le tranſport


des Sorciers : & la fterilité , & que tempeftes font par

9.linde Nera- leur moyen : Il eft donc poffible . Et par ainfi quand
tius ad l . A on dit que la confefsion pour y adioufter foy doibt
quil.ff.c.final.
de confeff.li.6 . porter chofes qui foit pofsible, & veritable : & qu'el-
Bald.in l..de le ne peut
eftre veritable fi elle n'eft pofsible ; & que
confeßis.C.
rien
LIVRE QVATRIES ME. 184

rien n'eft poffible de droict , que ce qui eft poffible


7.l.1.§.filius, de
par nacure.C'eft vn argument Sophiftic & captieux: diitutio.

& neantmoins l'affomption d'iceluy eft faulce . Car fibigloff,


les grandes œuures & merueilles de Dieu font im-
poffibles par nature , & toutesfois veritables: & les

actions des intelligences & tout ce qui eft de la Meta-

phyfique, eft impoffible par nature , qui eft la cau-


fe pourquoy la Metaphyfique eft du tout diſtincte
la nas
& differente de la Phyfique, qui ne touche que

ture.Il ne faut donc pas mefurer les actions des ef-


prits & Demons aux effects de nature . Combien-

que s'il eft ainfi qu'en vne minute d'heure le premier


mobile faict plus de cinq cens mille lieues par de-

monſtration naturelle : Il est auffi poffible qu'en peu ‫لعدة‬

de temps le malin efprit porte le corps d'vne Sor-


ciere tout autour de la terre, qui n'eft qu'vn poinct,

eu efgard à ce grand ciel.le dy doncque la confef ,


fion des Sorciers d'eftre tranfportez eft poffible &

veritable,& encores plus que fes Sorciers à l'ayde &

inuocation des malings efprits tuent les hommes &

les beſtes:ainfi que nous auons en la Saincte Eferi-


pture,qu'en Egypte à l'heure de menuict en vn mo-
ment le Diable tua tous les aifnez des homes & des

beftes.Le Royaume auoit deux cets lieües de largeur,


quattre cents en longueur, comme Strabon & Pline

font d'accord, & le mieux peuplé , & le plus riche, qui


fuft foubs le ciel . Or l'Efcripture dit que Dieu nex

voulut pas que le deftructeur Sathan entraft aux mai-

fons de fon peuple.Ce faict là par nature eft impoffi


ble: Et toutesfois il n'eft pas moins veritable que la
DES SORCIERS

lumiere du Soleil. Combien qu'Auicenna & Alga-

zel difent que telles actiós des efprits font naturelles


& poffibles par nature :qui feroit tolerable s'il enten-

doit que les efprits ont telle puifface par la permiſſió


3. Faber in de Dieu , come le feu de brufler:mais cela ne fe peut
item fi quis po-
ftulanti.princ. entendre des caufes naturelles & ordinaires , comme
de action. in nous auons dict cy deffus. Or pour conforter la preu
Luna , verfu .
contra,decon- uedes confeffions des Sorciers , il faut les r'apporter à
fefsisperl.eu- la confeffion des autres Sorciers : Car les actions du
blia. §. vlt.de-
Diable fer'apportent toufiours en tous pays , com
pofii.ff . ex
1.fifilius. §. vlt, me vn Singe, eft tousiours Singe, habillé de toille ou

de Interroga de pourpre , C'eft pourquoy on voit les confeffions


tory's actio.Cy-
in leg.2.q. des Sorciers d'Allemaigne, d'Italie , de France , d'Ef-

wlt.de donatio . paigne,des anciens Grecs & Latins , eſtre ſemblables :


antenup,C.14.
abusRaunas , & le plus fouuent les Sorciers font accufes les vns par
Petr® Bella Per les autres, comme nous auons dict cy deſſus, de celuy
ties . una.
ind.l Cynq. de Loches qui accufa fafemme, & cófeſſa y auoir eſté

13. Alberic, ibi, à la fuafion de fafemme,laquelle depuis confeffa tout


9.10.de confef
& fut bruflée vifue: mais il furuint à Chaſtelleraut
fis, C. argumen.
to etiam. de quafi vn ſemblable faict, ou le mary & la femme fu-

minorib. Ale rent accuſez par vn tiers qui eftoit conucincu d'eftre
xăd, confil. 22
verfu praterea Sorcier , Lemary diſt qu'il auoit eſté aux aſſemblees

lib. 2. dedonat, des Sorciers vne fois feulement , pour fçauoir ou fa


ate aup, tex.us
l,nemine, de femme alloit paillarder la nuit, & depuis qu'il n'y a-
inmemin
leg...Pom . uoit efté: & la femme confeffoit en eftre auffi, & que

ponius .§. 1. fon mari y auoit efté . La difficulté fut fi on deuoit pré
ibi.safe. col.2.
de acquir. pof- dre la confeffion du mary à la defcharge fans la diui-

· fefeff. Bald. in fer , comme plufieurs docteurs ' font d'aduis qu'il

&tionib. a
had faut prendre la confeffion entiere tant à la charge co

me àla defcharge du confeffant,foit que la confeffio


fult
LIVRE QVATRIESME. 185

fuft portée parvn article ou plufieurs . Et leur raifon 4.in hoe indi-
cio.famil, her-
principale eft que le ferment eft indiuiduel , qui eft cfcun.Bald. et

vne raiſon bien froide. Car par mefme moyen cin, Florentin.ibid.
per l. Cornelia,
quanteftipulations en vn contract, quine porte que de iure
patro-
vn ferment , feroyent prifes pour vne ftipulation . nat.Bald . in
l.z.dere iudic.
Chofe notoirement faulfe & abfurde , attendu qu'il
C. Felin.in c.cu
ya autant de ftipulations que de claufes: & autant de inter primafal
len.de re iudi-
fentences que de chefs, qui peuuent fe diuifer * en ap- cata,
pellant d'vn chef & laiffant l'autre : & en cas pareils . exl.perfect

plufieurs docteurs font d'aduis que la confeffion fe dedonat.C.


ex l. publia. §.
peut diuifers & que du temps de facques de Rauen- depofiti, &

.AccurfAn
ne cefte queſtion fuft difputee & refolüe, que la con- ibi

feffion fe doibt diuifer :comme il a efté iugé depuis gel.Salic. Bart.


Panor in c.bo-
parplufieurs arrefts : & fe pratique tant és caufes ci- na memoria,
uiles que criminelles? en forte que fi l'acculé confeffe verf. extra de
poftu . pralat.
auoir occis, mais qu'il a fait eftant affailly le premier Capola cantel.
m
chefde ſa confeffion ,fera tenu pour verifié par preu- 184fmutua
per l.3.§. 1. de
ue indubitable : le fecond qui faict à fa defcharge ne
tureiur. Felin.
fera tenu pour verifié, ains il fauldra que l'accufé veri- inc.cn.dilecti,
fie fes faicts iuftificatifs : autrement il doit eftre con- de accufat, fine.
G, Boërius pra-
damné *. Qui n'eſt pas en bons termes diuifer la con- fesin decifioni.

feffion : Car fielle eftoit diuifée, & regettee, l'accufé Burdegal.243.


num.7.
ne feroit pas receu en fon faict iuftificat if. Mais quad 4.finon con-

il ny a point de preuue, & qu'il eft impoffible d'en a. wity,de iniurijs


C.fi non couity
uoir, comme des affemblees nocturnes des Sorciers, confilio te ali-

fçauoir s'il faut prendre toute la confeffion pour ve- quid iniurifi
ritable,tant ce qui fait à la charge comme à la def dixiffe probare
potes.fides veri
charge de l'accufé. Car il femble que c'est le cas au- a calumnia te
quel on doibt prendre toute la depofition , ou la reie- vindicabit. ide
in l.1. de ficu-
ter du tour,comme en cas femblablele Iurifconfulte
rys.C.
A Aa
DES SORCIERS

7. Confil.80. Alexandre ' eft de ceft aduis.Car quand le Iuge de-


colla.2.verfu,
poffeli.7.Ro- mada au mary pourquoy il n'auoit accufé fa femme,

. 408. il fift refponce qu'il vouloit fauuer fon honneur , &


ta decifio
fuit dubitatu,
in nouis.
Ca l'honneur de fa famille . Et quant à la femme , elle di-

ftrenfis confil. foit que fon mary ny auoit efté que cefte fois la. Mais
2.69 .2. il n'eltoit pas excufable attendu qu'il enduroit que fa
finelib
Stephanu s Ber-

trad.confil.151 . femme demeuraft fouillee de la plus horrible & de.


vifo. lib.
confil. ex teftable paillardiſe , qu'on peut imaginer: & s'il faut
3. &
148.
themate.nu. 3. dire,il eftoit conueincu de tel maquerellage . Car
lib. 4. Anca-
ran.cöfil. 208. nous auons monftrécy deffus que toutes les Sorcie-
Iudex . confil. res ont ordinairement copulation auec le Diable.
penult. con- Ioint auffi que celuy eft conueincu de lefe maiefté ,
fil.207. quaft.
colla.2. qui à fçeu la coniuration & ne la pas reuelee , encores

qu'il n'ait prefté aucun confentement aux coniurés.

8. Dat.in.l. Cela eft vulgaire .A plus forte raifon celuy eft coul
quifquis, ad l.
Tulram maieft. pable qui a fçeu le crime de lefe Maiefté diuine &
C.
humaine , & la plus deteftable qui peut eftre, & la re-
1.cap.v
de vlt. cele.
ergetis,
hæret.I. Nous dirons cy apres fi ceftuy la doibr eftre

dem.sleficis . c. puny comme Sorcier, & de qu'elle peine.Mais il faut

voir comment le luge fe doibt gouuerner, fi la Sor-


ciere confefle le fait, & puis apres qu'elle denye.Et en

cécy il faut diſtinguer ,àſçauoir fila côfeſſion premie-

re eft faicte deuant luge competant , & fans torture ,

quand la Sorciere a eftépreuenue & accufee. Et en ce

cas ie tiens qu'il fe faut arrefter à la premiere cófeſsiō

& paffer outre à la condemnation, quand il ny auroit


autre preuue. Car il s'eft veu fouuent que les Sor-

cieres enfeignees par le Diable en la prifon fe font de-

parties de leur confefsion . Et d'autat que ce crime eft

le plus couuert & le plus execrable qui foit,il faut te-


nir la
LIVRE QVA TRIES ME . 186

nir la confeffion voluntaire des sorcieres, quand on 2.El. Dium .


de cuftod. reo-
les a preuenues pour certaine & indubitable preuue : rum , vbi Bar-
Mefouuient que l'an M. D.LxIx.ily eut vn chanoi- tol.Et D.in c.
atficlerici,
ne de Laual,qui fuft accufé d'auoir verfé la poifon au pracipue Felin.

calice du Doyen de Laual lequel apres l'auoir prife de indiciis ext.


Albericus in l.
en difant la meffe de minuict , toba par terre, & neat-
magiftratib.de
moins il regetta la poiſon L'accuſe confeffa volotai- iurifdict. An-
rement & fans torture: & depuis fe voyant condané, gel. Aretin . in
$.fedfi quis, in
il appella au Parlement de Paris: & ce pendant on luy fitutio • de fi-
fift la bouche , & fe departit de fa confeffion . Neant- Speltistu oribus
moins il fuſt condamné d'eſtre bruflé par arreft , & le decif.Capel.ro-
Lof.q.425.50-
vey mener au fupplice: ce que la cour n'euft par faict, cin.confil . 108.

fi la confeffion cuft efté arrachée à la queſtion . Mais Gui


umdodecif
lib.. 4.
que dirons nous fi la confeffion eft faicte par deuant Del.120 .

vn luge incompetent,fçauoir fi elle faict preuue:Plu- 3.Felin. prore-


gula ponit cum
fieurs tiennent qu'elle ne faict ne preuue ny prefom- 9 . falle.in c.o-

ption pour la torture . Et qui plus eft,la plufpart ' des lim, de refcrip-
tis.Corneus co-
Canoniftes tient que la confefsion extraiudiciaire nefil.128. lib . 1.

prejudicie aucunement à celuy qui l'afaicte, & beau. Bald.cöfil. 122 .


verfu,nafama
coup moins aux complices les autres * tiennent que lib.1 . Caftren-
la confeſsion deuant luge incompetent ne fert que fis in l. tranſi-

de prefomptions & coniectures . Or l'erreur eft prife gere,verf ,&


licet , de tran f
de ce que dict Vlpian en laloy certum.§.fiquis abfente, act. C. Salicer.

de confeffis.ff.ou il dit que celuy n'eft pas iugé quia co inlinbona fi-
dei, de Iurein-
feffé en l'abfence de partie aduerſe : mais ce n'eft pas rande.c.

à dire que la confefsion foit en iugement , foit hors 4.1mmol. in c.


per inquifition.
de electioni ,
in c.2. de con-

feßis. xoa. Andreas.in c.qualiter,de accufat. Angel.consil.28.quidam. Romanus confil. 8. vifo .


per textum , & gloff. in l.capite5.de adult.ff . & per l.ictusfuftium .de ijs qui notantur in-
famia Panormit. in cap.de hoc,de simonia. in cap.olim.de refcript.
A Aa ij
DES SOR CIERS

iugement,foit deuant luge competent, ou incompe-


tet ne face preuue plus ou mois ,& de faict les mieux
.

5. Angel.in l. entendus ' en pratique tiennent que la confeffion n'a


Papinianus §.
meminiffe , de point d'effect en l'absence de partie , fi fa prefence y
inofficiofo Bar- eft neceffaire.Et fi le iuge incompetent a cogneu du
tol. in l. cum
facta de iuris faict & inftruit le procés, & que par deuant luy Paccu-
facti. Im- féayt confeffé files procedures font miſes au neant
mol. Anto.
Butri. in cс.. pour l'incompetence ou autre nullité,les preuues ne-
cautio , de fide antmoins demeurent en leur force : autrement plu-
inftrumétorum. fieurs crimes & criminels demeureroyent impunis:

auquel inconuenient il faut obuier par tous moyens

6.l.ita vulne- comme dict la loy : & faire tellement que l'iniquité
A-
ratus,adl. - & abfurdité de loy foit oftée ' .& mefmement au faict
guiliam.ff.
7.1.Salmius , de des Sorciers ou la preuue eft fi obfcure, & les mefcha-

Legatis præfta- cetés ficouuertes, que de mille à peine qu'il y en ait


dis.ff.
vn puny, il ne faut pas que l'incompetence face perir la
preuue. Nous auons dict de la confeffion voluntai-

re, qui eft la troifiefme preuue,qu'on appelle neceffai-


re:car quant à la confeffion forcee, & qui fe faict en la

queftio, elle peut bien feruir de preuue fi l'accuſé per-

fifte apres la queftion: autrement s'il ne perfifte , c'eft


plufto ftprefomption que preuue neceflaire . Difons

donc des prefomptions qu'on peut recueillir contre


les Sorciers.

DES PRESO MPTIONS

contre les Sorciers.

CHAP .
LIVRE QVATRIESME. 187

CHA P. IIII.

VAND les trois preuues euidentes de-

faillent, c'eftà fçauoir le faict permanët ,

& notoire,la depofition conforme des

tefmoings fans reproche , & la confef-


fion volontaire, & reiteree de l'accufé

preuenu deuant la confeſſion: il faut examiner les pre-

fomptions qui peuuent feruir à la preuue & punitio

des Sorciers. Or il y à des prefomptions temeraires,

les autres probables, les autres violentes : quand à la

derniere elle peut eftre fondee en droit, & qui eft plus

forte que toutes les autres preuues : contre laquelle , la


preuue n'eft receuë au contraire, comme les Docteurs
7.c.adid. c. is
demeurent d'accord. Comme celle fur laquelle Sa- qui de spons ..

lomon donna foniugement fur le debat de deux me- capper tuas ,de
condi . appofit.
res qui debattoient pour auoir l'enfant . Et Claude quisadulte-
l'Empereur qui commanda à la mere d'efpoufer ce- rij.de adult.C.
Sinc. afferte,
luy qu'elle ne vouloit recognoiftre pour enfant , de prefumptia .

On me dira que Salomon , & l'Empereur fe pou- 9.Sueton in


Claudio.
uoyent abuzer. Ie le confeffe : auffi peut on aux tef- o.l.itěmela,ad

moings fans reproche, & aux confeffions : comme laquil.ff .


nous auons monftré de l'esclaue qui fut executé ſur 1.l'. manifefta ,
de iureiur.
la confeffion par luy faicte d'auoir tué celuy qu'on ibi.Bart.l.fi bi

cherchoit ,qui depuis fe trouua : C'eft pourquoy la qui adulterij a ď


liul.de adulte
Loy dict qu'¹ne faut pas adioufter foy à la feule co- cl. excipiun-

feffion de celuy qui eft homicide,s'il n'appert de ce- 2.au


tur ad filla. ff
thent.non
.

luy qui eft tué. Mais les prefomptions qui font de licet, de liberis
droict ' , & articulees au droict,font fondees fur vnepræteritis. C...

raiſon naturelle * : Car il n'eft pas à prefumer qu'vne inra fanguinis


deres f
A Aa iij
DES SORCIERS

mere n'aymaſt mieux que fon enfant,fuft adiugé à

vn autre que le voirtuer , ayant fait tout ce qu'elle

pouuoit pour l'auoir. Et celuy qui ne veut iurer fur

vn faict par luy denié , ny referer le ferment à celuy


qui l'offre,fe rend conueincu du faict . Nous lifons

d'vn Alphonfe Roy de Naples , que fur la denega-

tion que le pere faifoit de recognoiftre ſon fils , com-


manda qu'on le vendit à vn marchant de Barbarie.

Alors le pere recogneuſt ſon fils. Ceſte preſomption


2.Alexan.co- là vuyda le different : Etneantmoins s'il y a preuue
fil.158.li.z. nu.
9. glo. in l . cuidente de faict contraire, elle eſt receüe contre la

fitutor , de Pe- prefomption , quoy que plufieurs ' tiennent que


riculo & com-
mode Tiraquel.Preuue n'eft pas receue contre la prefomption du

in l.fivnquam droit.Car la preuue de celuy qui monftre quittance

de
donareuocand.
t.nu .133. du payement * eft receuë , iaçoit qu'il n'ait voulu iu-
C. rer auoir payé,n'y referer le ferment , d'autant qu'il
3. Doct.in l. ma pouuoit auoir oublié s'il auoit payé ou non : & ne
nifefta turpi-
tud. de reinfçauoit s'il auoit la quittance :Mais il ne faut pas pren-
rado ff. Panor. dre pour vne prefomption du droict les efbouiffe.

mt.inc.afferte ments des yeux que font les sorciers , & les miracles
de prafumptio.
inc.quanto, contre nature :car la Loy de Dieu met cefte preuue
eod. pour certaine &indubitable, (Tu ne laifferas point vi-
4.in cap.qnan.
to, de prefum- ure celle qui charme les yeux ) chofe dont elles ne le

prio. Iohan . de cachent point. Car la Loy de Dieu tient pour tout
Graßis in d.ca.
quanto. Et Cy- certain & indubitable , que tous ceux-là qui char-
nusin authen- ment, ont paction auec Sathan:faifans chofes contre
Co-
Bica,fed
dem donat. le cours de nature .Si donc pour venir aux prefom-
de id,
ante nupt. c. ptions des Sorciers , on trouue les enfans tuez en la

5.1. in
thent. a main de la mere , encores qu'il n'y euft autre qu'elle
de aqua-
litatedotis. à la maiſon , il ne faut pas prefumer qu'elle ait com-
mis
LIVRE QVATRIESME. 188

mis le parricide,attendu que la prefomption de tout


le droict'eft au contraire , & fera abfoulte s'il ny a s.l.vlt.princip
decur.furiof.l.

preuue bien euidente, par laquelle elle foit conucin- penult.§.de uno
de ritu nupt . l.
cue du parricide:Mais fi elle à le bruit d'eftre Sorcie- creationibus.de

re,il eft à prefumer qu'elle eft parricide de fes pro- Epifcopali au-
diential.buma
pres enfans , fi elle n'eft iuftifice par preuues au con- nitatis,de im-
traire. Il eft aduenu à Cœuures le deuxiefme iour de puberum & a-

Feurier,mil cinq cens feptáte & huict , que Catherine lus fubftitutio..
C.
Daree couppa la gorge à deux filles : I'vne qui eftoit

fienne , l'autre à favoyfine,& fi n'eftoit diffamee d'e-

ftre Sorciere:mais elle confeffa que le Diable en gui-


fe d'vn homme haut & fort noir, luy auoit fait faire,

& fut bruflee, car elle'ne voulut appeller , quoy que le

Bailly de Cœuures luy remonftraft qu'elle pouuoit

appeller:elle dift qu'elle auoit bien merité.En cas pa


reil le Baron de Raiz fuft-conueincu, & confeffa d'a-

uoir tué & facrifiéhuict enfans au Diable: & que Sas

than luy dit qu'il falloit encores facrifier fon propre


enfant, & le tirer du ventre de la mere, qui em fentit le
vent.Et par ce moyen fon procés luyfut faict . Nous

lifons en la vie de Manaffes Roy de Iudee , qui fut le

plus grand Sorcier de fon aage , qu'il facrifia fes en-

fans au Diable, qui luy promettoit de le faire grand:


Et neantmoins il fut prins par fes ennemys & perdit.

fon eftat. Il faut donc prefumer que le sorcier eft


patricide, attendu la prefomption du droict Diuin . 6.Deut. ca. 18% .
Leuit. cap .20..
Et fil'enfant du sorcier ne fe trouue, il faut prefumer
1.Reg.cap. 18...
qu'il l'a facrifié au Diable , s'il ne verifie du contraire :

Et la prefomption du droict Diuin cft fondee en rai-

fon. Car celuy qui a perdu coute pieté Diuine , &


DES SORCIERS

s'eſt rendu eſclaue du Diable , a auffi perdu toute affe-

7. Argumento & tion & pieté humaine , & affection naturelle. Et


leg. quodfi no-
..quia afsi- faut prefumer qu'il a fait tout ce que les Sorciers ont
dus,de adilitis accouftumé de faire.Et iaçoit qu'on doit prefumer '
edicto. l.final.
in finedefidei- quelque chofe eftre faicte par erreur ' pluftoft que

infor. C. par malice,s'il n'appert du contraire . Toutesfois on


prus.§.certe de doibt toufiours prefumer que les Sorciers n'ont rien
aqua pluuia.
Alexand.con- faict par erreur ,ains par mefchanceté & impieté : Et
29.lib.7. faut prefumer toutes fortes de mefchancetez ordi-
num.11.
8.1. quoties , §. naires aux Sorciers en celuy qui eft Sorcier , au lieu
tantundem , de
que de lar-
heredibus infti que celuy qui n'a point efté condamné

tuend.vbi Bar. cin , ou de fauffeté, ne doibt eftre diffamé ny prefu.


9
fingularem tex- mé coulpable d'autre mefchanceté que de larcin ,
tum appellat.
Bald.Rom . ibi, ou de fauffeté.Si donc vneSorciere a cfté condamnee

Caftrenfis con- comme Sorciere , elle fera toufiours reputee Sorciere,


fil.203.lib.2.
immola confil. & par conſequent prefumee coulpable de toutes les

104.Bald.con- impietés, dont les Sorciers font notés . Et jaçoit que


fil.144 . lib .1.
Cumanus con- la condemnation ne foit point enfuyuie , fi eft- ce
fil.135.142 . que l'accufation,la renommee, & bruict commun

Deciusin
libra rius,del.fifuffira
re. pour la prefomption violente, &pour l'infamic
gul , Capola de faict.Car fi la loy ' veut que la femme accufee de

cofil.21.col.4.
Curfius fenior paillardife & abfoulte demeure norée toute fa vie,
confil.55.Ale- combien plus doibt on eftimer celle eftre notée &

xand.confil.53 . diffamec qui a le bruit d'eftre Sorciere ? Car c'eft vne


lib.7.nu. 16.
9. Canonista prefomption tref-violente quand vne femme a bruit

in ca.t.depre- d'eftre Sorciere, qu'elle eft telle , & qui fuffit pour la
fumptionib. codamner à la queftion auec quelques indices ioints
1.1.Pala §.que
in adulteri. de au br uict comun,jaçoit que l'ordonnance de Louys

ritu nuptiaru. x11.Roy de France ne veut pas qu'on done la torture


f. s'il ny a vn tefimoing fans reproche , auec indices :

Et ne
1892. Ioan, Andr.
LIVRE QVATRIESME.
in add.ad Spe-
Et ne fautpas auffi appliqr à la torture pour vn bruit cul. tit . depro-
comun és autres crimes de droit.Et en cela tous les bation.. vide-
dum, verf. 13.
docteurs prefque en demeuret d'accord, jaçoit que Bald. in l.mili-
par couftume de Mantoüe la cómune renomee fuffit tes,de queftio-
nib . Cynusin
de quatre tefmoings, qui depofent l'auoir ouy dire final.eod . C.

pour appliquer à la queftion en tous crimes qui meri- Butrig.in cap.


4.
tet la mort. A plus forte raifon celuy qui a le bruit co- veniens ,coll
. 4-
de teftib. Ale-
mun, & conftat d'eſtre Sorcier, doibt eſtre appliqué à xand . confil . 5.
I.
la queſtio : & au cótraire fila femme eft accufee d'a- collat. 2 lib. 1.
Iafo.inl.admo-
uoir fait mourir quelcun , & qu'elle n'ait iamais efté nendi colla. 15.
fufpecte d'auoir efté Sorciere fila preuue de l'homici- de ureiurando,
ff.Marfil.in l.de
de n'eft bien claire, on ne doit pas affoir iugement'de minore, §.pluri-

cōdemnatio, mais ordoner qu'il en fera plus ample- um, coll.5. vers.
alterius,de qua-
ment enquis, & ce pendat luy faire ouuerture des pri- ftionib.Feli in c.

fons.Mais quad on veut s'arrefter au bruit comun , & veniens.1.de te-

à la renommee , il faut que le bruit ait commencé parfib.coll.s. Mar


fil.inpraxi cri-
gens dignes de foy, & non pas des ennemys .' Cefte li- minum . §.dili-

mitation me sebleneceffaire pour ofter occafio aux genter, num . 8 .


6. Cum fama
pas necef
mefchas de calónier les gés de bie: & n'eſt coftas legitima
faire que le bruit comú foit de la pluſpart du peuple, probationis vim
4 habeat,nifi co-
come quelques vns tot voulu.Car fi la ville eft grade prob
il fuffit bie q le bruit foit de tous les voisins qui fçauet tione refellatur

mieux la vie de leurs voifins, q les autres pl' efloignés,simaterne de


ftatu defunct.
Et par ainfi il fuffira de vingt perfonnes autat que fót c.i. 2. siferuus

deux tourbes pour prouuer le bruict commun. Et vel libertus. C.


cap. tranfmiffa.
fion dit qu'il ne faut s'arrefter à la voix d'vn peuple, quifilij sint le-
gitimi.3.Cap.cum in inuentute.depræfumptio.extr.l.noomnes §.à Barbar is, de re militari .ff. fed
fifit malafama in eodemgenere maliprafumptio eft aduerfus eum.l. 4.deſuſpectis tutorib.ff.l.x. ſi
quis imperatorimaledixerit,l.vlt.de actionib.
3.Canonifta fi limitant in cap.qualiter quando, de accufatio. Bartol.in l.de minore . §. toï-
menta de quæftionib..Elexand. ibi in addit.salice.in l.ea quidem,de accufat.C. Textus in c.iu-
uentute extra de purg Canonic . Decius confil.37.in caufa, coll.6.nu.9.10 . 133. vifo proces.
confil fup.4.glof.inl... eiufdem,deteft.qua Bart.vtitur in l.de minore.§.pluriñde quæft.
BBb
DES SORCIERS
5.in l. decurio- S
num de penis.qui eft reputee vaine ' cela eft bien vray quand on
6. Panorm. & peut iuger le contraire ſenſiblement ou par difcours

Felin.in c.veni- fondé en raiſon.Mais quand il eft queftion des Sor-


es.1.de teftib.
Parfi.confil.154 . ciers, le bruict commun eft prefque infallible ,mef-
lib.4.nu.12.vf- mement s'il y a apparence , ce que les docteurs ' ap-
que ad 18.
7. Bald.in l.difpellent legitimamfamam . Et à plus forte raiſon fi ou-
famari,deinge tre le bruict communil y des indices , comme fila
nuis manumif.
Coincver Sorciere : quad on la prent dit, le fuis morte , ou bien,
C.
tatisde iureiu- ne me faites point mourir,ie diray la verité . Car c'eſt
rando,& inl. alors qu'elle fent en fon efprit vn changement nota-
proprietatis fi
ne, de probatio- ble, comme fift vne Sorciere , de laquelle le procés
nib.c.
m'a efté apporté par le Bailly de Tenailles . Car c'eft

- certain figne de meffait quand la perfonne ſe


vn tref
condamne deuant qu'on l'accufe : comme fift vn par-.

ricide,lequel ayant tué fon pere, & voyát vn nid d'a.

rondelles, il tue les petits & les foule aux pieds : &fur
ce qu'on l'accufoit de cruauté,il y a, dit-il, trop long

8.de fera numi, temps qu'elles ne font que me reprocher que i'ay tué
nis vindict. mon pere: ainfi que Plutarque 8. recite: & fur cela on le

prend, on l'applique à la queſtion,il confeſſe le faict .

Ou bie fila Sorciere promet guerifon de celuy qu'el-

le a affligé, & qu'elle s'en fuit n'ayant rien peu faire:

comme fift leanne Heruillier, de laquelle nous auons


parlé cy deffus. Car l'homme innocent d'vn tel crime,

ne craindra iamais les calomnies , qu'on craint es au-

tres crimes. Quát aux coiurations de parolles & prie-


res à Sathan,que fait le Sorcier pour ofter les male-

fices, c'eft vne prefomption trefviolence , que ceftuy



la eft Sorcier. Car mefme la loy Ciuile punift capita-

lement les exorciftes ,l.2.3 . de maleficijs. C.la Loy en-


tend
LIVRE QVATRIESME. 190

tend ceux qui faifoyent meftier de coniurer les Dia-

bles, & de faict les chaffoyent: qui eftoyent alors les

plus grands Sorciers, qui foubz voile de religion , co-

me dict Hippocrate auliure de morbofacro , fayfoyent


des coniurations & prieres.Et iaçoit que la loy ne pu-

niffe à mort celuy qui guerit par telles voyes, fi eft-


ce que la loy de Dieu veut que leSorcier foit puny à

mort.Car il eſt certain qu'il a traicté auec Sathan , &


pour vn qu'il guerift, il en fait deux malades , comme

nous auons monftré.Et quad il ny auroit que l'obli-

gation au Diable ayat renié Dieu , cela merite la mort

la plus cruelle qu'on puiffe imaginer.Les autres indi-


ces font la contenance du Sorcier, qui baiſſe ordinai .

rement la veüe contre terre, & n'ofe regarder en face ,

les variations aux interrogatoires ' , & fur tout fi le 8.l.vnim.§.se.


Sorcier eft defcendu de pere ou mere Sorciers . Cares ,de queftio.
c.literas ,depra
c'eft vn argument bien grand auec le bruit commun, fcript.Bartol.in
qua-
d'autant que le plus agreable facrifice que le Diable.vlt.de
stion . Anca-
defire de telles gés , eft de vouër & dedier leurs enfas ran.confil.288 .

à fon feruice, fitoft qu'ils font nés: comme i'en ay re- Alexand.con
fil.77.lib.1.so-
marqué des exemples . Et n'y a pas long temps que in.conf.15.1.1.

M.Anthoine de Louan Lieutenant general de Ripe-

mont me dift, qu'il auoit faict le procés à vn nommé


ClaudeVvatier,accufé de plufieurs fortileges, duquel

le pere Nicolas Vvatier eftmort en prifon pour mef-


me crime de Sorcellerie : & fa mere grand, nommee

Catho, auoit cfté bruflée toute viue. l'ay remarqué

le ſemblable de Icahne de Heruillier, qui fut bruílce

viue, de laquelle la mere auoit efté condamnee par ar-

reft à eſtre brulee viue , & la petite fille eftoit ja de


BBb ij
DES SORCIERS

diee à Sathan quand famere fuft prife: & en cas pa-

reil Barbe doré qui fut auffi bruflee, & les Sorcieres de
Longny en Potez, & les Sorcieres de Valeri en Sa-

uoye , & celle de Chafteau Roux auoyent faict leurs

filles Sorcieres : tellement qu'on peut faire vne reigle

qui n'aura pas beaucoup d'exceptios . Que fila mere


eft Sorciere auffi eft la fille comme on dit, pour l'im-

pudicité que la fille femble à la mere : qui n'eft pas


toufiours veritable.Mais quant aux Sorcieres ,la reigle

eft prefque infallible , come il s'eft trouué par infinis

procés.L'autre prefomptio eft fi la Sorciere ne pleure

point, qui eft vne des plus fortes prefomptions que


Paul Grilland , & les inquifiteurs ont remarqué pour

en auoir faict executer bien grád nombre . Le Licure-

nat de Ripemont, duquel i'ay parlé cy deffus , m'a dit

que l'vne des Sorcieres, auſquelles il a faict le procés ,

confeffa qu'elles ne peuuent ietter que trois larmes

de l'œil deftre ce qui m'a femblé digne d'eftre remar-


qué. L'autre prefumption eft , fi la Sorciere s'eſt trou-
uée en la maiſon , ou en l'eſtable d'autruy , & que peu

apres la mort ou maladie foudaï foit aduenue à quel-


8.ad Herenniu. qu'vn, encores que la Sorciere n'ait eſté laiſie des pou
9. Bart . in l.fi- dres , & qu'on ne l'ait veu ietter le Sort . Car cefte

nali . infine de preuue feroit euidente.Mais quant a la prefomption


quest.salicer.l..
vlt.eod . C. Pa- derniere , elle eft tref-violente : & de prefomption.
ris de Putco infemblable vfe Cornificius , & Bartole contre celuy
tractat. Syndic.
verbe viso, ex qui à efté veu ou il n'auoit accouftumé de frequéter,

1. quid ergo quand le crime a efté faict, ou qui a efté trouué pres
ad Syllanian
I. Bartol. inl. . de l'acte ', & crime perpetré. Nous en auons les hiſtoi
fur defurtisff. res recentes mefmement de Cazal en Piedmont , ou
l'on
LIVRE QVATRIES ME. 191

l'on apperceut, que vne nommee Androgina entroit


és maifons d'autruy, & toft apres les perfonnes mou-

royet.Elle fut prife & confeffa la coniuration de tou-

tes les Sorcieres fes compaignes , qui eftoyét cnuiron

quarante qui greffoyent les cliquets des portes pour


faire mourir les perfonnes . Cela aduint l'an M. D.
XXXVI, & depuis encores à Geneue il aduint vn cas fe3. Argumento
1.3.§.nullus, de
blable l'an M.D.LXVIII, & la pefte fut en cefte ville excufat. tutor-

là pres de fept ans , ou plufieurs moururent . Nous li- Litem apud La.
beonem. §. ad-
fons vne femblable hiftoire de cent feptante Sorcie- duxiffe,de iniu-

res qui furent auffi executees en Romme pour cas riis.ff.nullus,


ſemblable,foubz le Confulat de Claudius Marcellus, St.de actio.
empiff.l.adi-
& Valerius Flaccus: auquel temps on ne les prenoit les. § . Pædins,
de ædilitio edi-
que pour empoisonnereffes . L'autre prefomption Eto,ff.
eft la frequentation auec les Sorciers attraints & con- 4-Bald.in l.pa-
ueincus, qui eft auffi fort notable . Car chacun feioint cumenius, de
hæredib . inft ..
auec fon femblable . C'eſt auſsi grande prefomption tuend.ff. argu..

quand celle qui eft foupçonée a accouftumé d'e me- li bi qui adul-
ter de adult. C.
nacer * . Carle naturel des femmes impotent brufle losi vero non,mă.
ff.3.de ro-
d'vn appetit de vangeance incroyable, & ne peut te- dati,

nir fa langue , fi elle a puiffance de nuire qu'elle ne padys dlffel .fa-


mosi.a . Iulii
menace : & fi apres les menaces la mort s'en eufuit, maicftat f

c'eft vne prefomption tref- violente en tous cri- 2.Specul. tit . de


prafcript.§.fpe-
mes, & neceffaire en ceftuy cy.Baptiſte Zilet grandes, verf sed

Iurifconfulte au confil LXXIX . allegue d'vn nom pene,Albericus


in meC.B
mé Antoine Zund Allemand lequel eftant accufé met qued
, ald
us. .
d'auoir faict mourir vn nommé Valentin vn peu & imola in L.

deuant qu'il mouruft,il auoit dit que l'annee ne paf- deferuis fug.t-
uis ,C. Felin. in
feroit pas qu'il ne fechaft comme vn bafton : & de fait l.cumoperier de

il mourut. Le Sorcier fut appliqué à la queſtion: ce accufar.


BBb iij
DES SORCIERS

3.1. de minore, qui fuffiroit en tous autres crimes ' , & en ceftuy-cy
tormenta , de
question menace eft encores plus violente : Et la confef
quaftio.An- telle
gel.Aretin. in fion hors iugement és autres crimes fuffift à la tor-
fua inquifitio.
in gloff.fuper ture : En ceſtuy - cy , elle ſuffiſt à la condemnation,
verbo comparet .comme en cas pareil , file coulpable à demandé

4.cap.s.dea- pardon hors iugement de l'homicide commis , la


dul.ff.vbigloff.
& Bartol. torture y efchet s'il denie en iugement : en ce crime

s.cap.
bilis venera- icy fi deteftable il fuffift pour la condemnation à la
deelect.
D.in c. exhibi- peine , qui fera reiglee felon la qualité des perfon .

ta,de homicid. nes. Car tous les Docteurs & practiciens demeurent
Toan.And. Ho
frien.Butri.Ca r d'accord ' que l'accufé eft conueincu , s'il à requis par-

dinal.Panorm, don en iugement du crime dont il eft attaint , enco-


ibidem. res qu'il s'en departe puis apres: & demeurent auffi
6. Bart.in d.l.c.

5.de adult.glo. d'accord que la confeffion faicte hors iugement &


ictusfuftium puis reuoquee fuffift à la torture és autres crimes.
de iis qui no- Comme en cas pareil les menfonges ' & variations
tantur. Bartol.

& alij D.in l. font indice, & prefomption violente contre les Sor-
quoniam ,de in-
fam . Alexand ciers,pour les appliquer à la queftion . Oril faut que
Socin. com- le iugement de ce crime fi deteftable foit traicté ex-

munem l.ma- traordinairement , & autrement que les autres crimes.


dunt in effetra

giftratib,de tu- Et qui voudroit garder l'ordre de droict & procedu-


rifdict. res ordinaires,il peruertiroit tout droict Diuin & hu-
7.l.vnim.§.te-
fes , de queftio, main , mais il ne faut pas ailément appliquer les Sor-
literas , de ciers à la queftion .Car les Iuges ont remarqué qu'ils
præfump.ioni.
extr. n'en tiennent pas grand compte, qui pourroit caufer
4.cap.tua nos.
l'impunité: Car apres la queſtion, fi l'accusé a bonne
e.veftra cor bouche , il eft eflargi par tout: qui eft le plus grand da.
, de cle-
habitatione
ricorumu- ger qui puiffe aduenir en l'inquifitio de ce crime de le-

Lierum.c.cu di fe majesté Diuine & humaine, & qui comprend ' tous
lectus , de con-
faguinitat . les autres crimes qu'on peut imaginer. Car combien
que le
LIVRE QVATRIES ME . 192

quele Diable ne puiffe deliurer le Sorcier de la main affinitat-2.q.x.

de Iuftice:fi eft- ce qu'on a veu que les Sorcieres ne can. prohiben-


tur.§.vlt.
font
pas delaiffés de Sathan , s'ils ne le repentent Et 7.l.3.4. ult.
mefmes Sathan leur nomme celuy qui eft leur en de malef.c.ver-
nemy . l'ay fçeu de M. Adam Martin Baillyf de Bie- gentisde hare:

ures , que lors qu'il fift le procés à vne Sorciere de


Bicure, elle luy difoit fouuent : le fçay bien que tu me

feras vn mefchant tour: & deuant que la fentence luy

fuſt prononcee , elle luy dift qu'il la feroit bruſler

toute viue.Ce qui fut fait par la faute du bourreau ,

qui deuoit par la fentence l'eftragler: mais il ne peut,


ains au contraire ils font diffuadez par Sathan de dire

la verité.Et quelquefois il empefche qu'ils ne fentent 1. Paris de-Puteo


in tractat.de
la queſtion , comme l'efcrit Spranger l'inquifiteur qui dic.c.ortur .

n'eftpas d'aduis qu'on applique les Sorcieres aifemet sylueft.prim . in


à la queftion . Toutesfois ie feray toufiour d'aduis, tract.defrig, de
monft.mirand.
fi c'eft vne ieune fille,vn ieune enfant, ou vne fem- li.4.c.5.Paul..

me delicate , ou quelque mignart, s'il y a prefom- Grillad . i tra-


Etat.de quaft
ptions violentes, qu'on prefente les vns à la queſtion 4.q.Hippelit us..

auec terreur, & qu'on y applique les autres: & non pas de Marfil.in l.
les vieilles Sorcieres endurcies & opiniaftres en leur repetit colla. 4.
de quæft.vide..
meſchäceté.Et fi apres qu'on aura tiré la verité de ce- fup.ca.s.lib. 4.-

luy qu'on aura appliqué à la queſtion, il faut ſoigneu

femet le garder,à fin que le Diable ne parle à luy, &

puis de rechef xx1111.heutes apres luyrepeter fa con-

feffion , fuyuant l'ordonnance du Roy Louys dou-

zieſme. Car pour en tirer preuue neceſſaire, il faut

perfifter, comme l'ordonnance veut, qui àefté con-


firmee par plufieurs arrefts. Autrement fi la Sorcie- anno 1535.
menfeAugufio..
re fe depart hors la queſtion, il ne faut pas y afleoir iu-
·3.l.1.§.diuus se DES SORCIERS
uerus , de que-
ſtion.ff. l.ficut, gement ' de condemnation de mort : ny d'autre pei-
eodem.C .
e
3. Faber.in l.fi ne corporell , s'il n'y auoit d'autres prefomptions.
quis,ad leg.in. Tay dict cy deffus,que l'ordonnance de Louys dou-

liam maiefta- ziefme,qui defend d'appliquer à la queftion pour vn


tis.C.
4. Accurfi tefmoing fans reproche ,s'il n'y a autres indices , ne

indieta l.fi doibt auoir lieu , au crime, qui s'offre , ou la preuue


quis,& ibi.
Bald. Salic. ne fe peut auoir , que bien difficilement.Car fi pour
Mattheus af- crime de lefe Maiefté humaine, il eft permis d'appli-
flict. in conftitquer ' à la queſtion fur la fimple prefomption , com-
Neapolit . tit.
de iis quifide me il s'eft toufiours pratiqué : & mefmes que les do-

iuffores.nu . 17. cteurs font d'accord és autres crimes qu'on peut ap-
Licet verba le-
gis,mariti , de pliquer à la queſtion fur la depofition d'vn feul tef

quaftionib.ff. moing fans reproche , & proceder à la condemna-


repugnare vi-
dentur. tion de mort fur la depofition de deux tefmoings ,
5.notat Bal. in fuyuant la loy de Dieu , & les ordonnances humaines

1.3.de Epifcop forte raifon les Iuges doiuent promptement,


audientia . Cod.. Aplus
.in l.1 . comme dict Balde & Alexandre appliquer à la que-
Angel

demalef.c. & ftion pour vn crime fi abominable fur la depofition


in l.quicunque,
de feruisfugit , d'vn tefmoing fans reproche , ou fur les prefom-

C.proption in - ptions violentes & vrgentes: Et la raiſon eft qu'vn


quit) effe debet
index ad tor- tefimoing fans reproche faict demye preuue , com-
turam.Ide 4 - me fi le mary depofe qu'il a efté conduict par fa

lexand. lib . 3. femme aux affemblees des Sorciers , & qu'elle denye ,
confil.60 . Af-
flictus in con- elle doit eftre appliquee à la torture , fi elle n'alle.
fuetud .Neap gue hayne capitalle, ou parjure du mary . Car ces
li.z.denox.cap.
1. teftimonium , deux points de reproche font toufiours receua-

de teftib.c.ficut bles, & mefmement le parjure, qui ne doibt iamais


nobis,fine. Reftre receu en tefmoignage pour faire prefomption
phael Fulgof.
confil. 173. && indice.s'il n'eft aydé d'vn bon tefmoing, ou autre

confil.107. & prefomption bien violente , comme fi le Sorcier ſe
Decius confil.
18,. trouue
LIVRE QVATRIESME. 193

trouue marqué:qui fut le moyen par lequel le Sorcier


Trois-efchelles en defcouurift plufieurs . Mais ie
fuis bien de l'aduis de Dagneau , qui dict que les plus

grands Sorciers ne font point marqués , ou bien en

lieu fifecret ,qu'il eft quafi impoffible de les defcou-

urir.Car i'ay fçeu d'vn Getil- homme de Vallois , qu'il

y en ade marqués par le Diable foubs la paupiere de


l'œil, foubz la leure, & mefmes au fondement . Mais

Troif- efchelles difoit, que ceux qui eftoiet marqués

auoyent comme vne pifte ,ou pied de lieure , & que


l'endroict eftoit infenfible, encores qu'on y mift vne

aiguille iufques aux os . Ce feroit bien vne preſom

ption tref-violente , & fuffizante auecques d'autres

indices pour proceder à la condemnation : comme


en cas pareil , la depofition du Sorcier Repenti, qui

en accufe plufieurs en mourant, doibt feruir de pre-

fomption violente contre les autres. Car il eft à pre-

fumer ' , puis qu'il c'eft repenti , & qu'il a inuoqué 6.ex. l. vlt. ad

Dieu,qu'il a dict la verité . Mais auffi il ne faut pas y tund


leg. Iul. c.sa
repe-
. n
adioufter foy, file Sorcier eft mort obftiné , comme cimus.prima.

la pluſpart meurent & ne peuuent ouyr parler de 9.7.l.cum quis


decedes ,§.codi-
Dieu. Qui feruira de limitation à la reigle des ancies illisde legat.

docteurs:que celuy qui meurt eft prefumé de dire 2.ff.authent.

verité.Sur laquelle depofition nos peres ancies pro - quodBalobtinet,


d.de pro
cedoient à la condamnation: comme il fefaifoit auffi bat. in leg.
en crime delefe maicfté . Et de faict Neron fift mou. 2. commu nia
delega.C.D.
rir ſes plus intimes fur la depofitio de ceux qui mou- in c.quamuis,
royent , qui n'auoyent autre but que de fe venger de dere indicata,

leurs ennemys en mourat . Tout cela deped de la dif- Alexand. inl.


fi de donat. de
cretion d'vn luge prudent & bien entendu , qui peut coll.cod.
CCc
DES SORCIERS

7.Vide Bald . in voir ficeluy qui meurt parle pour fe venger,' & s'en-
tit.depace co- querir diligement s'il a eu inimitié contre ceux qu'il

Stat.verbo vaf defere. Ily en eut vne Sorciere nommee Beraude


fali.infine. Ia-
fo.in.l.1.coll. 2 . bruflee à Maubec pres Beaumont de Lomaigne : &

oldrat. confil. lors qu'elle fut fur le point d'eftre bruflee, on luy de-
1.92 . vifo. Hi-
pol. Marfil.in máda fivne Damoyfelle,qu'elle auoit accufee , en ce-

prat . S. reftit . ftoit:la Damoyfelle luy fuft confrontee , qui le nia. ·


coll. 12 in Mais la Sorciere luy repliqua ces mots, No fcabes tu
rubrica defide-
inff.coll.7.8 . et pas que lo darre cop que nos hem lo barran a la crotz dau

fequent l.fi pastis, tuportaues lo topin dans les pofons? C'eft à dire, ne
.Lati
Bartol.in
quis ingraui § . fçais tu pas que la derniere fois que nous fifmes la dã-

1. ad Syllania- fe à la croix du pafté,tu portois le pot des poifons?


num.ff ..
la Damoiſelle demeura muette, & ne refpondit rien.

En quoy elle fe monftra conueincuë . Mais fi le Sor

cier meurt opiniaftre,il faut prefumer qu'il eft enne-

myiuré de Dieu & des hommes : & qu'il voudroit


tous faire mourir en viuant: comme difoit Neron le

grand maiftre sorcier , corrigeant le dire de celuy


qui defiroit qu'en mourant le ciel & la terre feuffent

reduits en cendre, il difoit me moriente . Neron dift

sjµỸ (úvтos c'eſt à dire , moy viuant . C'eſt le cas auquel

&.l.diuus . de in vne prefomption.deftruir l'autre . Etneantmoins le

integ.reftit. 22. juge ne doibt pas mefprifer la depofition de celuy qui


9.2.c.1.Eft. & .
cne quis , ne meurt.Car il le peut faire qu'elle fera veritable, com-

quis arbitretur me nous auons monftré cy deffus , que les Sorciers


fontfouuent mourir les Sorciers : & que Dieu ruine

fes ennemys par les ennemys , comme dict Ieremie.

Mais fi l'accufé par vn Sorcier obftiné allegue pour

fes faitz iuftificatifs , qu'il a toufiours vefcu en home


de bien,il doibt.eftre receu enfa iuftification , & au
contraire
LIVRE QVATRIESME. 194
9.l.antiqua,ad
contraire s'il appert que l'accufé foir auffi fufpect , ou velle, C.l. vlt.

qu'il ait autresfois efté attainct, & non iuftifié, ou pų ad maced.l.vlt.


arbitriu tutela.
ny,il faut prefumer contre luy qu'il eft Sorcier. Etja- die.

çoit qu'on trouue qu'il ne faut pas receuoir la preuue sipignora , de

cotre la prefomption ' de droict , & que de droict di . re indicata f.


Alexand. inl
uin la Sorciere, cft prefumee homicide, voire parri- inter stipulan-

cide:fi eft- ce qu'elle fera receue à reprefenter , ou res..de verb .


monftrer en vie ceux qu'on l'accufe auoir tués . Car obligat, con.
fil 47. & con-
·
ce faict iuftificatifqui depend de l'euidence ' eft plus fil.91.coll
li.lib.6.R fina-
oma.
fort que toutes les preuues & prefomptions contrai- cofil.3
50. Hip-
res,quand le faict eft permanent : tout ainfi que nous polit.Marfil. i
1.2.§. ad qua-
auons dict cy deffus, que la verité du faict permanent.
fionem de qua
contre la sorciere, eft la plus euidente preuue qui foit. tion fpeculas.
Mais la maxime de droict ' eft , que la preuue moins intit de pra-
fumptio.
legitime doibt fuffire toutesfois & quátes qu'on ne Felin.in cap.

peut auoir la preuue és crimes atroces, & mefmement quanto,depra-


nocturnes, come ceftuy- cy.Toutesfois luge bien en-fumptio. Bald.
in l. contra ne-
tendu ioindra toutes les prefomptions pour recueil- gante.cod. Ro-

lir la verité , pourueu toutesfois qu'il ne face comme man.cofil. 350.


col.8. Alex ãd.
plufieurs luges d'Allemaigne , qui cherchent d'au- in unica . F
tres Sorciers quifont danfer les tamis , pour fçauoir nocat
que defuntad-
is. C. &
fi celuy qui eft accufé eft Sorcier, ou en faisant pren - confil.18.coll .

dre des fouliers neufs greffés d'oing de porc aux ieu- penult.
nes enfans , qui vont àleglife ,de laquelle les Sorcie . cap.praterea,
cum glo.ext.de
res ne peuuet fortir,s'il ne plaift à ceux qui ont les fou teftib.Panorm .
liers: ou bie de lier les deux pieds & mains à la Sorcic-inc .venerabi-
lis.col. z.eod. l.
re, & la mettre doucemet fur l'eau: & fi elle eft Sorcie-fi quiadulte-

re,elle ne peut aller à fonds.Car le Diable faict par ceradl. ul.de


adult ff.
moyen vne forcellerie de la iuftice, qui doibt eftre fa-

cree.Comme en cas pareil au liure des Coniurations


CCc ij
DES SORCIERS

imprimé à Rome, & en Auignon,ily a vne recepte de


faire vn formaige au nom de la Sorciere, pour l'accu-

fer,que ie ne mettray point , ny d'autres ſemblables,

que l'ay leües . Mais la queftio eft, s'il ny a ne cófeffio

du Sorcier, ny tesmoing fans reproche , ny cuidence

de faict permanent , & neantmoins qu'il y ait plu-

fieurs prefomptions violentes , comme d'eftre reputé


2.
2.à vicinis ve- & tenu pour Sorcier par tous les voifins , ou d'auoir

ritas melius ha eſté faifi de crapaux nourris en pots , ou autre lieu fe-
beri poteft ex
Bartolo. in l. cret , & neantmoins que le Sorcier n'ait menacé
per-

Dominus_hor- fonne.Ie dits que telle prefomption violente ne fuffi-


reorum . locati.
fargura pas à la condemnation de mort : Mais bien à d'au-

sta §.mulier . et tres peines . Difons donc de la peine des Sorciers qui
ibi. Bartol . de doibt eftre aggrauce, ou moderee pour la grandeur
fundo inftructo.
ff
. de la preuue, & des forfaicts .

DE LA PEINE QUE ME
ritent les Sorciers..

CHA P. V.

Ly a deux moyens par lefquels les Republi-


ques font maintenues en leur eftat & gran-

deur, le loyer & la peine:l'vn pour les bons,


l'autre pour les mauuais: & s'il y a faute à la diftribu-

tion de ces deux poincts, il ne faut tien efperer que la


ruine ineuitable des Republiques , non pas qu'il foir

neceffaire que tous les forfaicts foyent punis : Car les

luges ne fuffiroient à les iuger, ny les bourreaux à ex-


ecuter:auffi n'aduiet il pas que de dix crimes il y en ayt
LIVRE QVATRIESM E. 195

vn puny par les luges : & ordinairement on ne void

que des beliftres condamnez.Ceux qui ont des amis,


ou de l'argent , efchappent le plus fouuent la main

des hommes .Vray eft que leurs amys , ny leurs biens


ne les garentiront pas de la main de Dieu . Mais ceux

là s'abuſent bie fort, qui péfent queles peines ne fote-


ftablies que pour chaftier le forfaict le tiens que c'eſt

le moindre fruict qui en reüffit à la Republique . Car

le plus grad & pricipal eft pour appaifer l'ire de Dieu,


mefmement fi le forfaict elt directement cotre la ma 、

ieſté de Dieu comme ceftuy- cy.Auffivoid on quand

le peuple de Dieu fe mela auec les Moabites , qu'ils les

attirerēt aux ſacrifices de Bahal- Phegor ' l'ire de Dieu 1.Num.ca. 25

s'embrafa , & en mourutvingt & quatre mil : &. en fuft


mort beaucoup plus n'euft cfté que foudai Pinhas fils

d'Eleazar voyant l'ire de Dieu fe embrafer, tranfperça


d'outre en outre l'vn des Capitaines du peuple, cou-
ché auec vne Moabitide . Alors la mortalité ceffa • Et

Dieu dit àMoyfe , Pinhas a appaifé ma fureur par vn


zele ardet qu'il a eu demohoneur, & a empefché que 4

ie ne ruinaffe ce peuple.Dy luy que ie traitretay alliace

auec luy, & fa pofterité pour cftre mes Sacrificateurs .

Depuis il vefcut trois ces ans, & fa pofterité iouit plus


de deux mille ans de la facrificature, qui.eftoit le plus.

grád hōneur qu'on peut auoir. Voyla doncle premier

fruit de la punition des mefchans.C'eft d'appaifer l'i-

re de Dieu , &fa végeace fur tout vn peuple. C'eft pour

quoy il eft comandé aux Iugés quad ils auroyet faict 2.Doute.ca:233.

information , & qu'ils n'auront peu defcouurir celuy


qui aura faict l'homicide , qu'ils prennent vne vache
CC c
. iijs
DES SORCIERS

pourfacrifier au lieu ou l'homicide s'eſt fait , & lauer


les mains come innocens du faict, & prier Dieu qu'il

n'efpade foire fur le peuplepour l'effufio du fag.Le fe-

codfruit de la punitio eft pour obtenir la benedictio

de Dieu fur tout vn païs , come quand il eſt dict en la


3. Deuteron.13 . Loy de Dieu ',Apres que vous aurez razé à feu & à fág

la ville d'entre mon peuple, & d'entre vos freres , qui


aura laiffé Dieu pour feruir aux idoles , & que vous

aurez tué toute ame viuante, hommes & beftes ,vous

drefferez vn coble de pierre & mont- joye en triom-

phe, & alors ï'eftendray mes grandes mifericordes fur


vous, & vous combleray de mes faueurs & benedi

tions. Le troifiefme fruit qu'on reçoit de la punitio


&

des mefchans , eft pour donner frayeur & terreur aux

4. Deuter. cap. autres , come il eft dit en la Loy de Dieu , que les au-
15.0 19. tres ayant veu la punition , craignent d'offencer. Le

quatriefmefruit eft de conferuer les bons à fin qu'ils

ne foient infectez & gaſtez par les meſchans, come les

peftiferez & ladres infectent les fains . Le cinquiefme


5.Lenit.cap.12.
13.14. fruit eft pour diminuer le nombre des meſchans,
qui eft la feule raifon pourquoy la couftume de Bre-

taigne ancienne veut,qu'on pende les larrons , par ce


qu'il y en auroit trop . Voylales mots de la couſtume

inepte,attendu que toutes les forefts du pays n'y fuf-


firoient pas , & que la mort eft trop grieuc pour pu-

nir les larrons, & ne fuffitpas pour empefcher les lar-


recins.neantmoins la couftume eft fondee fur ce feul

poinct . Le fixiefme eft,à fin que les bons puiffent vi-

ure en feureté. Le feptiefme fruict eft pour punir la


6. Deuteron.19. mefchanceté. l'ay bien voulu toucherles biens & v-
fine.
tilitez
LIVRE QVATRIESME. 196

tilitez qui reüſſiſſent de la punition des meſchans . Or

s'il y eut oncques moyé d'appaifer l'ire de Dieu, d'ob-

tenir fa benediction ,d'eftonner les vns par la punitio

des autres, de conferuer les vns de l'infectio des autres,

de diminuer le nombre des mefchás, d'affeurer la vie

des bons, & de punir les mefchancetez les plus dete-

ftables que l'efprit humain peut imaginer , c'eft de


chaftier à toute rigueur les sorciers : combien que le

mot de Rigueur eft mal pris,attendu que il n'y a pei-

ne fi cruelle qui peuft fuffire à punir les mefchancetez


des sorciers, d'autant que toutes leurs mefchancetez,

blafphemes, & tous leurs deffeings fe dreffent contre

la Majefté de Dieu , pour le defpiter & offenfer par

mille moyens.Les anciens fe font trouuez fort empef

chez de quelle peine ils feront mourir celuy quià tué

fon pere oufa mere, comme on peut voire en la Loy


Pompeja contre les parricides,la nouueauté d'vn fup

plice exquis, & neantmoins il afemblé trop doux: Et


de faict la Cour de Parlement condana Tarquez l'aif-

ne,qui auoit fait tuer fon pereEfleu dePoitiers, d'eftre


tenaillé de tenailles ardentes,puis eftre rompu fur la

roue,& apres bruflé. Encores on jugeoit qu'ilne fouf


froit pas ce qu'il auoit merité, d'auoir ofté la vie à ce-

luy qui luy auoit donné la fienne . Par vn autre Arreſt

du mefme Parlement,vne Damoyfelle qui auoit fait

occir fon mary,fut bruflée viue . Ce qu'elle endura af-


fez patiemment ayat deuant les yeux la chemife fan-

glante de fon mary.Et quelques vns fót difficulté de


faire brufler les forciers,mefmemét les forciers qui oc

pactio expreffe auec satha. Car c'eft principalemet de


DES SORCIERS

celles- cy, defquelles il faut pourfuyure la vengeance,

en toute diligece, & à toute rigueur, pour faire ceffer


Fire de Dieu , & fa vengeace furnous.Et d'autant que

ceux qui en ont efcript, interpretent le Sortilege pour


Premier crime
des Sorciers. herefie, & rie pl : cobie que la vraye herefie eft crime

deleze majeſté diuinc ,& puniſſable au feu par le cha-

pitre Vergetis, de hæret.Si eft ce qu'il faut remarquer la


differece de ce crime à l'herefie fimple: qui eft vne o-

pinió particuliere contraire à la comune touchant les

chofes diuines : & laquelle peut eftre telle quelle ne co-

cerne point le falut: & en ce cas ce n'eft point herefie a

la manière qu'o l'étéd : autremét il n'y auroit fi fait per-

fonage qui ne fuft heretiq.Mais au cas qui s'offre nous

auos moftré que la profeffio premiere des Sorciers eft


7.Deut.ca. 13. de renier Dieu & toute religio.La loy de Dieu'códa-

ne ceſtuy la qui a laiffé le vray Dieu pour vn autre,d'e-

mon lib.3.May- ftre


S.Rabbi lapidé que
le fupplice les interpret
le plus grief. Ce Hebrieu
espoint x difent
icy eft eſtre
bien con-
‫נמרי הנבקים‬

fiderable. Car le Sorcier que i'ay dict , ne fe contente

pas de renier Dieu, pour changer & prendre vne au-


tre religion, mais il renonce à toute religion foit

vraye ou fuperftitieufe,qui peut tenir les hommes en


Second crime crainte d'offencer. Le fecond crime des Sorciers eft, a-
desSorciers.

pres auoir renoncé à Dieu , de le maudire, blafphemer

& dépiter, & tout autre Dieu, ou idole qu'il auoit en


9. Leuitic.24. crainte. Or la loy de Dieu ' dict ainfi : quiconque blaſ-

phemera fon Dieu,fon peché luy demeurera , & qui

conque prononcera le grand nom de Dieu par mef-

pris, qu'il foit mis a mort.Ce paffage à fort empeſché


Philon, & tous les docteurs Hebrieux . Car il femble

que le
LIVRE QVATRIESME . 197

que le premier chef de cefte loy parle contre tous

ceux qui blafphement leur Dieu, qu'ils penfent eftre

vray Dieu , & de ceux-la il eft dict , qu'ils porteront

leur pefché. Les autres interpretes difent que celuy qui

a blafphemé Dieu , iamais ne luy eft pardonné quel-

que peine qu'on luy face fouffrir, s'il ne s'en repent : &

celuy qui à exprimé trop audacieuſement le grand


nom de Dieu, mm , qu'il doibt eftre mis à mort. Je met-

tray les mots de la loy ' de Dieu, qui faict bien à noter r.zeif.24 .

‫ יהוה מות יומת‬-‫ ון קב שם‬: ‫איש איש כי יקלל אלהיו ונשא הטאו‬ C'est pour-

quoy les Hebrieux n'escriuent & ne prononcet


iamais ce Saint & facré nom de Dieu. Or on voit au

premier chef de cefte loy, qu'il ne dict pas m qui

eſt le propre nom de Dieu, mais qui s'attribue à

tous Dieux , & aux anges. Car il femble que Dieu veut

monftrer, que ceux qui blafphement ce qu'il penfent

eſtre Dieu, blafphement Dieu ayant efgard à leur in-

tention : & qui fonde les cœurs & voluntés des hom-

mes:comme les Sorciers qui par cy deuant rompóy-


ent les bras & les cuiffes aux crucifix qu'ils adoroyent

come Dieux. Ils faifoyent auffi prendre l'hoftic & en


repaiftre les crapaux . On voit donc vne double de-

teftable impieté aux Sorciers, qui blafphement le vray

Dieu , & tout ce qu'ils pefent auoir quelque diuinité,


pour arracher toute opinio depicté, & crainte d'offé-

cer .Letroifiefme crime eſt encores plus abominable . Trofime crime


des Sorciers.
C'est qu'ils font homage au Diable l'adoret, facrifiét,

& les plus dereftables font vne folle & mettent la face

en terre, le prians & adorans de tout leur cœur, com-

me nous avons remarqué de la Sorciere Pamphile en


DD d
DES SORCIER S

la ville de Lariffe en Theffalie,ainfi que Apulee efcrit


& fans aller plus loing,il s'eft veu es fauxbourgs dé
cefte ville de Laon au mois de may M. D. Lxxvr17,

d'vné Sorcière aux fauxbourgs de Vaux, qui fift le

femblable deuant plufieurs perfonnes. Cefte abomi-


nation paffe toutes les peines que l'homme peut ima-

giner, attendu le texte formel de laloy de Dieu, qui


2. Exod.c4.20. veut que celuy qui s'encline feulemet pour faire ho
& cap. 32. &
Deuterono.13 . neur aux images, que les Grecs appellent Idoles, foit
27. mis à mort, carle mot Hebricu Tiftauch, & le Caldea
Numeric. 25.
Tifgur , ne figmfient autre chofe que s'encliner , cè
que tous les interpretes tournent, & les Latins difent

adorer: Orles Sorciers nefe contentent pas d'adorer,


ous'encliner feulement deuant Sathan,ains ils fe do-

Le quatrieme nent à Sathan, & le priet & l'inuoquent. Le quatrieſme


crime.
crime eft encores plus grand , c'eft que plufieurs Sor-
ciers ont efte coueincus, & ont confefſé d'auoir voué

leurs enfans à Sathan, pour laquelle mefchaceté Dieu


3.Leuitic.21.
Deuterone . 18. protefte en faloy qu'il embrafera fa vangeance con

tre ceux qui dedïoyent leurs enfans à Moloch, que

Iofeph interprete Priapus , & Philon interprete Satur-

ne : & en quelque forte que ce foit, c'eftoit à Sathan,

Le cinquiefme & aux malins efprits . Le cinquiefme paffe encore's ple


crime.
outre c'eſt que les Sorcieres font ordinairement con!

ucincues par leur confeffion d'auoir facrifié au Dia

bleleurs pétis enfans auparauant qu'ils foient bapti


fez,les efleuant en l'air, & puis leur mettant vne groffe

efpingle en la tefte, qui les faict mourir:qui eft vn au-


tre crime plus eftrange que le precedent . Et de faict

Spranger dict, qu'il en a fait brufler vne, qui en auoit


ainfi
LIVRE QVATRIESME. 198

ainfi faict mourir quarante & vn.Le fixieſme crime Lefixieſine vi-
me.
paffe encores plus outre : car les Sorciers ne fe conten-

tent pas de facrifier au Diable leurs propres enfans, &


les faire brufler par forme de facrifice , come faifoyent

les Amorrheans & Cananeans, pour montrer com-


bien ils font affectionnés à Sathan: contre lesquels
4
Dieu parle en faloy difant, qu'il a arraché les peuples 4.Dentero. 18 .
de la terre pour telles abominations : ains encores ils
les confacrent à Sathan de le ventre de la mere, com-

me le Baron de Raiz, auquel Sathan diſt , qu'il falloit

luy facrifier fon fils eftant encores au ventre de la me-


re,pour faire mourir l'vn & l'autre : comme le Baron

s'efforcea de faire, s'il n'euft efte preuenu , ainfi qu'il

recogneuft & confeffa: qui eft vn double parricide

auecla plus abominable idolatrie , qu'on peut imagi-

ner.Le feptiefme & le plus ordinaire eft , que les Sor- septiefme crime

ciers font ferment,& promettent au Diable d'attirer

à fonferuice tous ceux qu'ils pourront , comme ils

font ordinairement ,ainsi que nous auons monftré ſi

deffus. Or la loy de Dieu dict que ceftuy la qui eft 5.Deutero.13 .

ainfi appellé doit faire lapider celuy qui l'a voulu de-
baucher.L'huictiefme crime eft,d'appeller & iurer par L'buitieſme

le nom du Diable en figne d'honneur , comme font crime.


les forciers qui l'ont toufiours en la bouche , & ne iu-
rent que par luy , finon quand ils renient Dieu , ce

qui eft difertement contre la loy de Dieu, qui defend


6.Hierem.5.
de iurer par autre que par le nom de Dieu. Ce que
& 12 .
l'efcripture dict, donne gloire à Dieu: ainfi difoyent

les Iuges en prenant le ferment des parties ou des tef


moins donne gloire à Dieu. Et le neufieſme eft , que Neufie
me. /mecri-2 19
DDd ij
DES SORCIERS

les Sorciers font inceftueux, qui eft le crime de toute


ancienneté, duquel les Sorciers font blafmez & con-

ueincus.Car Sathan leur faict entendre qu'il n'y cut

onques parfaict Sorcier, & enchanteur qui ne fut en.

gendré du pere & de la fille , ou de la mere & du fils .

Etace propos difoit Catulle,

Nam Magus ex matre & gnato gignatur oportet,

Si vera eft Perfarum impia relligio.

Epiphanius contre les Gnoftiques , & Athenagoras

en l'Apologie ont remarqué que l'incefte eft com-

mun aux Sorciers . Toutes ces impietés là,font dire-


tement contre Dieu & fon honneur, que les luges
&

doiuent venger à toute rigueur, & faire ceffer l'ire de


Dieu fur nous .Quant aux autres crimes des Sorciers,
ils touchent l'iniure faicte aux homes, qu'ils vengent.

bien quand ilspeuuent . Oril n'y a rien qui defplai-


7.Samuel.c.2. fe tant à Dieu ,que de voir les luges venger les moin-

dres iniures à eux faictes , ou aux autres, & diffimuler

les blafphemes horribles contre la Majeſté de Dieu :

comme ceux que i'ay recité des Sorciers . Pourfuy-

Dixieſme crime uōs d'oques les autres crimes . Le dixiefme eft


7 que les
des Sarciers. Sorcieres font meftier de tuer les perfonnes , qui plus

eft d'homicider les petits enfants, puis apres les faire


bouillir & confommer iufques à rendre l'humeur , &

chair d'iceux potable , comme dit Spranger auoir

fçeu par leurs confeffions : & Baptifte Porta Neapo-


litain au liure de la Magic . Et faict encores à noter,

qu'elles font mourir les enfans auparauár, qu'ils foyet

L'anzieſmeri baptifez : qui font quatre circonftances, qui aggrauét


me bien fort homicide . L'onziefme crime eft les
que
Sorcieres
LIVRE QVATRIES M E. 199

Sorcieres mangent la chair humaine, & mefmement

des petits enfans, & boyuent leur fang auidément.Ce

qui fembloit eftrange à Horace, quand il dit,

Neupranfa Lamia viuumpuerum extrahat aluo.


Et neantmoins cela s'eft verifié fouuent , & quand

elles ne peuuet auoir des enfans , elles võt deterrer les


hommes des fepulchres, ou bien elles võtaux gibets

pour auoir la chair des pendus, comme il s'eft verifié

affez fouuent.Et à ce propos difoit Lucan,

-laqueum , nodófque nocentes

Orefuo rupit,
pendentia corpora carpfit,

Abrafit cruces,percuffáque vifcera nymbis


Vulfit ,& incoctas admiffofole medullas.
C'eft pourquoy Apulee dit ,eftant arriué à la ville

de Lariffe en Thalaffie, qu'il gaigna fix efcus à garder

vn corps mort vne nuict,par ce que les Sorcieres, dot :

ce païs là eftoit diffamé , s'il n'y auoit bonne garde,


entroyent en telle forme qu'elles vouloyent , & ron-

geoyent le corps mort iufques aux os. Mais on void


que c'eft vne perſuaſion deteſtable , que le Diable.

met au cœur des hommes pour les faire tuer, & man-
ger les vns les autres , & ruiner le genre humain . En-

cores faict- il à noter que tous Sorciers font ordinai-

rement des poiſons , qui fuffift pour proceder à la


condemnation de mort par la Loy Cornelia , de fica-

rijs,quand mefmes la poifon n'auroiteſté baillee, l. 1 .

in verbo, venenum confecerit. deficariis ff. Or l'homicide 7.Deuters.19..


7
par la Loy de Dieu & par les loix humaines merite s.Toto titalo
la mort , & ceux qui mangent la chair humaine ,ou addict . l. Cor--
qui la font manger, meritent auffi la mort, comme il nel.de
Cod ficarijs, ›

DD d iij ,
' DES SORCIERS ,

fe trouua vn paftiffier dans Paris , qui faiſoit meſtier

de faire des paſtez de chair de penduz . Ilfat bruflé


vif, & fa maiſon razee auec defenſes d'y baſtir : &

qui eft demeurce longuement deferte en la rue des

Douziefme cri Marmoufets . Le douziefme eft particulier , de fai-


me.
re mourir par poiſons ou fortileges , qui eft feparé

du fimple homicide en la Loy Cornelia, de ficariis &

veneficis .ff. Car c'est beaucoup plus griefuement


offenfer de tuer par poifon que à force ouuerte ,

2.1.1. de male- comme nous dirons tantoft , & encores plus grief
fic.Cod. de faire mourir par Sortilege ' que par poifon . Gra-

Treziefmecri- uius eft occidere veneno , quàm gladio . Le treziefme


me.
crime des Sorciers eft de faire mourir le beftiail,

chofe qui eft ordinaire. Et pour cefte caufe vn Sor-

cier d'Aufbourg l'an mil cinq cents foixante & neuf,

fut tenaillé pour auoir faict mourir le beftiail, ayant


Quatorziefme prins la ferme du cuir des beftes. Le quatorziefme
crime.
eft ordinaire, & porté par la loy , c'eſt à ſçauoir de
faire mourir les fruits, & caufer la famine & fterili-
QuinZieſme té en tout vn païs . Le quinzieſme eſt , que les Sor-
crime.
cieres ont copulation charnelle auec le Diable , &

bien fouuent pres des maris , comme i'ay remarqué


cy deffus , que toutes confeffent ceſte mefchanceté .

Voyla quinze crimes deteftables , le moindre def

quels merite la mort exquife , non pas que tous les

Sorciers foyent coulpables de telles meſchancetez,


mais il a eſté bien verifié, que les Sorciers qui ont

paction expreffe auec le Diable, font ordinairement

coulpables de toutes , ou de la plufpart de ces me-


fchancetez . Or quand il y a plufieurs crimes com-
mis
LIVRE QVATRIESME. 200

mis parvne perfonne, & par plufieurs actes , ils faut

qu'ils foyent tous punis , & ny à iamais d'impunité 3..nunquam de


priuatis deli-
de l'vn pour la concurrence de l'autre ' : & faut, com- tis.ff.
me dit Bartole , impoſer pluſieurs peines diftin- 4.exl.3.de ter-
mine moto .ff
.
cess foit par lesloix & ordonnances ,foit par l'arbi- l.prator.§.ſi mi
trage du luge . En cas pareil fi plufieurs crimes font bi plures,de in-
iuriis,ff.l fi ad-
commis par vn mefme acte , fi ce n'eft que les crimes ulterium cum
6
foyent d'vne mefme efpece: comme le parricide eft incestu, de adul
ff
.
de la teriis.
auffi homicide, & toutesfois il ne fera tenu que
sel.non eft no-
de actio..
peine des parricides. Or la Loy de Dieu qui decerne uum ,
la peine de mort, n'articule parles mefchancetez des empil.qui ſe-
9 pulchro viclato
Sorciers:Mais eft dict feulement que la Sorciere ne c.
6.1. Senatus.de
viue point , c'est à dire , lequel paffage
accufat. & ibi..
interpretant Philon Hebrieu dit que ces mots lob- Bartol.l. prator

techaich,fignifient que le iour mefmes qu'elle eft con dixit. §. 1. de


iniuriis.ff.
ucincue selle. doibt eftre mife à mort, & qu'il fe pra-
9.Exodi . 22.
tiquoit ainfi. En quoy non feulement Dieu mon-

ftre la grandeur du crime , ains auffi le defir qu'ila

qu'on en face bonne & briefue Iuftice , & notam-


ment la loy condemne à mort , à fin que la peine

ne foit diminuce pour le fexe feminin , comme il fe


fait en tous autres crimes en terme de droit Car 1.1.facrilegij de
peculatu. fil fi
il y a plus d'offence à tuer yne femme qu'vn hom - adulterum
m . §.-
me, dit Ariftote aux proble. liure 29.c.11.Et par ain- fuprum, de a-
fi quand il ne fera rien verifié contre la Sorciere des dult.ff.ca.fient:
de homicidio..
idolatries, blafphemes, facrifices , parricides , homici

des, adulteres, & paillardifes auec le Diable & autres


mefchancetez : Si eft- ce que s'il eft verifié que l'ac

cufé foit Sorcier,il merite la mort.Laloy Ciuile paf--

fe plus outre.Car elle ne veut pas feulemet que la Sor--


DES SORCIERS

ciere,qui a paction expreffe auec le Diable, telle que

nous auons dit ſoit miſe à mort, ains auffi celuy qui
1.l.nemo arus demande ' confeil aux Sorcieres, que la loy abhomi-
fpice,de malefi.
Cod. nefi fort qu'elle appelle tantoft telles gens , hoftes fa-
2.l.vlt.eod. lutis communis ,tantoft obfacinorum magnitudinem , ma ‹
3.d.l.nemo, eod.
4.l.multi, eod . leficos , tantoſtperegrinos natura, bos tanquam * naturæ pe-

s.d.l. f . deregrinos feralis peftis abfumat , tantoft humani generis


malefi.C. hoftes . Et mefmes Saint Auguftin au liure de la

Cité de Dieu,appelle maleficos les Sorciers , ob malefi-


ciorum magnitudinem . Et quand aux Sorciers courti

fans, d'autant que ceſte vermine s'approche des Prin-


cestant qu'elle peut , & non feulement à prefent,

ains de toute ancienneté, pour ruiner toute vne Re-

publique, y attirant les Princes,qui puis apres y at

tirent les ſubiects , laloy y eft notable : Car il eſt

dict que s'ily a Sorcier qui fuyue la Cour , ou Magi-


cien, ou arufpice, ou ariole, ou augur, ou interpretant

les fonges par art diuinatrice,il adioufte encores ce

mot, Mathematicus, qui fignifioit diuin, de quelque

qualité & pour grand feigneur qu'il puiffe eftre, qu'il

foit expofe aux tourmens & crucié fans auoir efgard

à fa qualité.Il feroit de befoing que cefte loy fuft gra-


uce en lettre d'or fur les portes des princes : Car ils

n'ont pefte plus dangereuse à leur fuite. Et à fin qu'on

fçache combien les Princes Payes font plus louables


que plufieurs Princes Chreftiens qui ont des Sorciers

6. Plutarchus àgages , nous lifons que du téps de Marius le Senat


in Mario.
Romain bannit vne femme nommée Marthe , qui fe

failoit fort de dire tout ce qui aduiendroit de la ba-

taille contre les Cymbres , & Claude l'Empereur fift

proceder
LIVRE QVATRIES ME. 201

proceder à toute rigueur cotre vn cheualier Romain


7.Tacitus . Pli-
qui fuft condané à mort ', & fon bien confifqué, pour is li. 29.6.3 .

auoir porté fur luy vn œufde coq.Les autres difet de

Serpent, penfant par ce moyen abufer de la religion


des luges , & par faueur gaigner fa cauſe. Et ſoubz

Tibereil y en eut, pour la moindre opinion d'auoir


víé de necromantic , condamné à mort ' . Et mefmes 8 : 1de Tacitus.
9.Spartianus
l'Empereur Caracalla'en códemna,pour auoir pendu in Caracalla.
à leur col de herbes & autres chofes , pour guerir

des ficures:qui eft choſe deffendue par la loy de Dieu,


quad il abomine les manieres de faire des Amorrhe-

ans & Chananeans : entre lefquelles Moyfe Maymon

met telles ligatures, que S.Auguftin condamne auffi ,


cōme nous auos dit cy deffus. Ce iugemét de l'Empe-

reur Caracalla doibt eftre mis deuant les yeux de ceux-

qui abufent de la loy de Dieu,pardonnant les execra-


bles mefchacetés des Sorciers qui cauſe tous les maux

que nous fouffrós.Toutesfois ie fuis d'aduis que ceux

qui les baillent, & non pas ceux qui les prennent par
ignorace , foyet pourfuyuis en Iuftice . Car ce font

les principes d'Idolatrie & de Sorcellerie: Ce qui fer-

uira d'exemple pour monftrer en premier lieu que

les Sorciers qui ont paction expreſſe auec Sathan ,

meritent la mort.Et d'autant que le crime eft plus de-

teſtable,la peine doit eftre plus rigoureuſe .C'eſt à fça


uoir,de lapidation, où la peine eft vfitee: ou bien du
feu, qui eft la peine ordinaire obferuce d'ancienneté

en toute la Chreftiété.En Fladre, & en plufieurs lieux


d'Allemaigne on jette les femmes codánes en l'eau :

mais il c'eft trouué que les Sorcieres jettees en l'eau


EEe
DES SOR CIERS

pieds & poins liés ne fe peuuent noyer , fi par force


on ne leur met la tefte en l'eau, comme nous auons dit

cy deffus : Et fi auec le crime de Sorcellerie on verific

foit par confeffion, ou par tefmoings, ou par cuiden-


ce de faict que la Sorciere ait faict mourir quelqu'vn ,

le crime eft encores plus grand , & mefmes fi c'eft vn


2.l.fi quis ali- enfant.Et encores qu'il aduienne que le Sort ietté par
quid. quiab- la Sorciere pour faire mourir fon ennemy,en ait faict
ortiones , depœ-
nis.ff. mourir vn autre , fi eft elle puniſſable de mort : & fi
o.Bald . inl.fi- elle afaict mourir , voulant faire aymer , elle merite
nal.deprobat.
C.appellat pro- auffi la mort, encores qu'elle ne feuft Sorciere , com-

bationem pra- me dict la loy'.Mais en celle qui n'eft Sorciere, doibt


fumptionem&
idem in l.pref- eftre la peine moderee. Toutesfois la difficulté bien

byteri,deEpifco fouuet ne gift qu'en la preuue , & les luges ne fe trou-


pis.c.
1.1.abfentem , de uent empefches qu'en cela.Si doncques il ny a teſ-

penis.ff.l.vl.de moings fans reproche, ny confeffion des accufés , ny


probation.Cod. cuidence de faict ,qui font les trois preuues que nous
finguli.deaccu-
fationi.Cod. auons dict,fur leſquelles on peut afſeoir iugement de
Gand.in tra&ta. mort:ains feulement qu'i'y ait des prefomptions , il
malefi.fub rubr.
quado punian- faut diftinguer files prefomptions font foibles , ou

tur plu .Ancara . violentes : Si les prefomptiós font foibles, on ne doit


confil.217. A-
lexand. Immo- pas condemner la perfonne comme Sorcier , ny l'ab-

la.cöfil.15.li.1 . fouldre auffi :ains il faut ordonner qu'il en fera plus


& confil.14.li.
3.Capel.cöfil. amplement informé & ce pendant eflargir l'accufé.

41. Caftren.com . Mais files prefomptions font violentes, on peut dou-


fil.192 .Ale ter fien procedera au iugemet de mort, pour la diffe-
xand.confil. 81 .
lib.s. Angel.derence notable,qu'il y a de ce crime icy aux autres.Car
malefic.in
bo,& ver- quant aux autres crimes on ne doibt ' condamner
Andrea,

Nil-22. perfonne à la mort par preſomption , pour violente


qu'elle foit.Mais ceux qui ne peuuent eftre condem
nez..
LIVRE QVATRIESME. 202

nez à autres peines *, comme des Galeres , ou du fouet, 2. Denieron.13 .


ou à l'amende honorable, ou pecuniaire felon la qua-
3.l.capitalium.
lité des perfonnes ' , & la grandeur de la preuue : & par 3.inferuori ,de

ainfi il femble qu'en ce crime fi abominable on doitpenis.ff.l.vlt.

proceder au iugement de mort , fi les prefomptions de incendio.ff.


font violentes . Toutesfois ie ne fuis pas d'aduis que

pour les prefomptions violentes on procede à la con


denation de mort:mais bien de toute autre peine ex-

cepté la mort naturelle . La loy de Dieu nous inftruit


en cas femblable, ou il eft dict , Que fi tu as entendu

que l'vne des villes de ton peuple follicite les autres à

laiffer le Dieu Eternel,pour prier les autres Dieux , en-


quiers toy diligemment de la verité du faict.Etfi tu

cognois que le cas eft bie certain, alors tu iras affieger


forcer, & mettre à feu & à fang les habitans de cefte
ville. Il faut donc eftre bien affeuré de la verité pour

affoir iugement de mort.Icy dira quelcun , Il faut ab-


fouldre on condamner,fi le cas eft vray : la mort ny

fuffift pas,S'il n'eft vray , il faut abfouldre , ou pour le

plus ordonner qu'il en fera plus amplement enquis :


& cependant e largir le prifonnier à la charge de fe

repreſenter en l'eftat &c. & non pas vfer de punition


corporelle,ny ofter l'honneur à perfonne pour les

prefomptions,fuyuant la difpofition de la loy ' des 3.l.vlt.de pro-


Romains , qui n'auoyent que trois lettres , l'vne por - batio . fiant.
eod. Cod . l. qui
tant * A:l'autre C: la troifieme N.L.C'eſt à dire Abfol- accufare,et D.

uo, Condeno, Non liquet.A celaya refponce que cefte ibidem.


forme de proceder fuſt oſtee ', & la forme extraordi . 4Afconius
verre. in

naire miſe en auant foubz l'Empire mefmes des Ro - s.l.ordo,de_pu-

mains, & quant à la loy qui dict , actore non probante bli.iudic.ff.
EEc ij
DES SORCIERS .
6.in l. quicun-
que, le feruisfure abfoluitur. Cela eft vray: mais la preuue n'eft pas feu-
gitiniscoll. l. lement celle qui eft neceffaire , ains auffi celle qui ap
verfu , & nota
otano.in proche de la preuue indubitable , meſmement des

Authent.quas chofes qu'on à de couftume d'executer en fecret. La


actiones, circa
finem defacro- preuue par bonnes & vrgetes prefoptions fuffit come
Janet.C. dit Balde, & Iean Andre ' dit, ratione difficilis probatio-
7.in cap.cum
diocefi.in glof. nisfufficitprobatioprafumptiua : & pour mefme raifon la
Superverbo, preuue des tefmoings domeftiques eft receuable és
argumentis , chofes faictes en lieu fecret & domeftique, qui autre-
in cap.illo vos,
depignor . in ment ne feroyt pas receuable . ' Or la meſchanceté
ca.ad noftram, des Sorciers fe faict ordinairement la nuict, & en lieu
de emptione . defert , efcarté des hommes , & par moyen qu'onne
8.in l.confen-

fu ,derepud. c . pourroit iamais prefumer ny penfer.Il fuffit doc d'a-


&ibino:at uoir des prefomptions violentes pour proceder àpu-
Bart . idem

Bart.inl.lex nition corporelle en ce cas fi deteftable , & iufques à


qua tutores , de la mort naturelle exclufiuemet: C'eft à fçauoir par fu-
adminiftrat. tu
tor. Cynus in ftigations,fections , marques , emprifonemés perpe-
pare: es de
Cod.Not. ca.. tuels , amendes pecuniaires, confifcations , & autres.
inteft
3.loco ,de probat . femblables peines,horf mis le baniſſement , file Sor-
inc. venies, cier n'eft confiné en certain lieu.Car c'eft chofe ordi-
fecudo.de teftib.
in c.cu dile. naire aux Sorciers de changer de lieu en autre, quand

tide electio. on les a defcouuers, portans la pefte par tout & ſi on


9.l.omnibus , et les contrainct de ne bouger d'vn lieu, ils n'ofent plus.
ibi Docto.deteft.
Cod. rien faire, fe voyans efclairez, & foupçonnez : & quant

aux prifons perpetuelles, iaçoit qu'il foit defendu de


Ll. mandatis, droict commun ' :fi eft- ce que le droict canon ya
de pæn.ff.
mieux pourueu : & mefmement au cas qui s'offra

Caril n'y a chofe que les Sorciers craignent plus que

la prifon , & quieft l'vn des plus grands moyens de


leur faire confeffer la verité, & les amener à repen-

tance::
LIVRE QVATRIESME. 203

tance; mais il ne les faut pas laiffer fans compagnie .Panorm.

d'autres prifonniers, qui ne foyent point Sorciers .Car Felin Ioan. An


draas in c.af-
il s'eft trouué par experience, quand ils font feuls , que ferte.de pra-
le Diable les faict perfifter en leur mefchanceté: & fumptionib.

quelquesfois leur ayde à fe faire mourir.Si doc la Sor- text. in c.illud


de clericis ,
fe-
ho-
ciere eft trouuce faifie de crapaux, ou lezars , ou cundum Felini

ſties,&autres ofſemés, & graiſſes incongneuës ,fi elle a in cap.qualiter

quando,
le bruit d'eftre Sorciere,telles prefomptios font tref 3.Albertus

violétes & vrgétes : ou bien fi autrefois elle a efté re- Gandi.in tra-
&at.malefiti-
priſe de Iuftice,& nó iuftifice :c'eft vne prefomption tulo depr pra-
bien fort vrgente: ou bien fi on la veuë fortir de l'efta- fumptio . coll.3.

ble ou bergerie de fon ennemy, &puis apres le beftiail Specu.titulo de


prafump.§.fpe--
Pump .Spe--
de la bergerie mourir ou bie fi ceux qu'elle a menacé cies.verfu,i n
de les faire repetir, qui puis apres foiết morts outóbésfumma, Olrad;
en langueur,meſmemet qu'il y en ait plufieurs, c'eſt confil.192 . vi-
fo,Bald.in l.
vne prefomptio trefuiolete , pour lesquelles prefom- presbyteri , coll.
verf,&
ptios, encores qu'il n'y eut autre preuue de coffeffion , adde
,de Epifco.
ny de tefmoings , on doibt neantmoins proceder à lapis.c.inl.

codemnatio des peines fufdictes: & iufques à la mort non eft verifimi-
le quod metus.
exclufiuemét . C'est la regle que no deuos tenir, oftat f. in l.eius.

la peine de mort, & adoucir la rigueur des loix, quad inS..de teftam.et
l.fciat cuncti
pas s'arrefter
on procede par prefomption . Et ne faut deprobatio.Cod

à ceux qui difent ' qu'il ne faut condáner à peine cor- adfinem, verſu
6.vbi etia Ca-
porelle par prefomptios pour violétes qu'elles foyet : reis:Bal.inl..

& ceux qui font de ceft aduis ont fuiuy l'opinió d'Al- fugitiui,col.2 .
bert Gandin : & mefmemet de Paul de Caftre : lequel& ibi Capolade

empefcha, come il ſe vate' ,de proceder à la condena-feruis fugitiuis.


tio de peine corporelle cotre vn affafin qui fut trouué C. Idem Bald.
in c-x.fine , tit..
aiat l'efpee ,fortat du lieu où l'o trouua so ennemy tué quibus modis:
feudum amittatur.Ancaran.in Regulafemel malus.col.10.de regul.
4.Caftrenfil.299.vifa,col. vlt.lib.z.
EEC iij
DES SORCIERS

fraiſchement: & mefmes le pere du meurtrier auoit dit

àfon fils qu'il ne retournaft à la maiſon, qu'il n'en ouift

des nouuelles . Et apres le coup il fuft aufli verifié que

fon pere l'aduertit de s'enfuir . L'efprit humain , dit

Paul de Caftre,ne pouuoit doubter que le meurtrier

5. Albert.Gan ne fuſt celuy qui eftoit accufé, encores que il le nyaſt.


din.ind. tract. Et neantmoins il ne fut pas puny corporellement . Et
de malefi, titu-
lo de prafim de fait les Docteurs ' de Bouloigne furent de ceſt ad-
ptionib. ita re- uis,& s'arreftoyent aucunement à l'ancienne opinion

fert.Roman, in des Romains d'abſouldre ou condemner du tout, fe-


L.1.§.si quis in
villa. fine, ad lon laloy, ou relafcher: & neantmoins tous font d'ad-
Syllani.& Fra uis qu'il y a toufiours de l'amende pecuniaire , quand
cif.Aretin.in

Leiusqui.§.fi- les prefomptions font notables . Pourquoy à l'amen-


cut.de teftame. dets'ils iugent que les prefomptions ne meritent pas
Barbat.co-

fil.26.col.7. qu'ony doibue affeoir iugement , il ne faut pas les


verfu,modo.lib. condemner à l'amende , attendu mefmement que
1. confil. 23.
Sapientißimus celuy qui eft condamné pour crime s'il n'a de quoy

collvle lib. 2. payer , il doibt eftre puny corporellement par les loix
Alexand. in l.diuines & humaines . Et s'ils iugent que les prefom-
1.coll. 8. verfu
·
ad vnu,fi cert.
ptions violentes meritent peine , pourquoy font ils
petatur ff .& doubte de proceder à la punition corporelle , meſ-
confil. 15. viso
proceffu.coll. 2. mement quand l'enormité du crime y eft ? Les luges
lib. confil. & Parlemens de ce Royaume n'ont pas fuyuy les o-
115.incaufa ,li.
3. confil. 2. pinions des Docteurs Italiens. Car ils procedent à la

paft prin.lib. 7. condemnation de peine corporelle pro modo probatio-


confil.188. coll.
vlt.lib.7. nis, & en tous les crimes qui ne font pas à beaucoup

6.lib.1.§.gene pres fi enormes, que celuy dont eft queſtion . I'ay co-
raliter , depœ-
nis.ff.l.fi quis, gneu vn Gentil - homme, que ie ne nommeray point

id quod , de in- pour l'honneur de ceux à qui il attouche , qui eftoit


rifdict.ff. du pays du Maine, lequel ayant tué de guet à pend

fon
LIVRE QVATRIESME. 204

fon ennemy,fut trouué faifi d'vne lettre eſcripte àſon

oncle, qu'il prioit de luy enuoyer argent pour fa re-

miffion.Interrogé il denie que foit fon efcripture.

Simó Cornu clerc du greffe par ordónáce de la court


le fait efcrire:il cotrefait fi bie fa lettre, qu'elle n'auoit

aucune ſéblance à celle qu'il auoit efcripte.Il fut deux

ans prifonnier, & n'y auoit autre preuue; biéy auoit il


quelques autres preſomptions: neantmoins il fut co-

dané aux galleres pour neufans,ainfi qu'il m'a cõfeſſé


luy mefmes. Tels iugemens font ordinaires en tout

ce Royaume,fans s'arrefter aux opiniós des Docteurs

Italiés. Au bas pays de Flandres, & en quelques lieux

en Allemaigne on y procede bien autrement . Car ils


ont d'anciennes couftumes & ordonnances de Char-

lemaigne , comme ils diſent, par leſquelles ils punif-


fent à mort fur la renommee , & fur des prefomptions

bien foibles , comme ils faifoyent aufli, n'a pas long


temps, en Carinthie , ou l'on faifoit mourir fur la •pre-

fomption,puis on faifoit le procés au mort . C'eftoit


abufer de la Iuftice : Mais le procés eftant fait & par-

faictfur les prefomptions violentes , telles que nous


auons dit, on doibt proceder au iugement de peine

corporelle:autrement il n'y aura iamais de punition


de meſchäcetez ,fi on ne punit que les crimes qu'on
touche au doit & à l'œil : qui eft vn inconueniet que

le Iurifconfulte ' a mis en auát pour proceder à la con 7..ita vulnes-

demnation , encores qu'il y aye doubte de plufieurs ratus, ad la


quil ff.l.fiin ri
qui ont offencé,lequel doibt eftre puny. Et iaçoita. eod. l. item

qu'il ne fuft lors queftion que du dommaige , neant- Immola.§.fedfi, i

moins laraifon de la peine pecuniaire au cas ciuil eft plures .


DES SORCIERS

femblable és peines corporelles au cas crimînel , &

8.Bald.in ca.1. principalement aux crimes enormes , comme celuy


fine, titul. quib. dont eft queſtion . Combien que Balde ' monſtre al-

modis feudum fezqu'on doibt proceder à condemnation de peines


amit
corporelles par prefomptions, quand il dict, Mitiùs

agi in pœnis corporalib. quando eft dolus præfumptus, & non

verus.Et allegue la loy.1 ad L. Corneliam deficarijs . ff.


Ie confeffe bien qu'il vaut mieux abfouldre le coul-

pable, que de condamner l'innocent: mais ie dis que

celuy qui eft conueincu de viues prefomptions, n'eft

pas innocent , comme celuy qui fut trouué l'efpee

fanglante pres du meurtry , n'ayant autre que luy, &


autres coniectures , que nous auons remarquees .

C'est pourquoy le Roy Henry fecond fift vn edict

en ce Royaume,fort falutaire, publié & enregistré le

quatriefme de Mars l'an mil cinq cens cinquante fix,

par lequel il veut que la femme foit reputee auoir tué

fon enfant, & punie de mort,fi elle à celé ſa groſſeſſe,


& fon enfantement. & que ſon enfant ſoit mort fans

Baptefme, & qu'elle n'ayt prins tefmoignage de l'vn

ou de l'autre, & ne feront creuës de dire que l'enfant

eft mort né.Ce qui à depuis efté pratiqué par plufieurs


arrefts.Car non feulement les femmes perdues & def-
efperees faifoient mourir leur fruit, ains auffi les Sor

cières les incitoient à ce faire.C'eft vne prefomption

de droict puis que l'edict eft faict: & l'edict eft faict

fur la prefomption des hommes, qui eft bie vrgete


& non toutesfois fi grande que les prefomptions que
i'ay remarquees cy deffus . Et nonobftant celà non

feulement on procede à punition corporelle , ains


auffi
LIVRE QVATRIES ME. 205

auffi à la mort:Et neatmoins il fe peut faire que la fé-

me pour coferuer fon hōneur,aura celéfő fruict, & fa

groffeffe, & fon enfantemet:que l'enfant qu'elle cuſt


volotiers nourry foit morten la deliurace : mais d'au-

tant qu'on à veu que fous celte couuerture que l'éfat

eftoit mort nay on commettoit plufieurs parricides,il

àeftérefolu fagement que telle prefoption fuffit pour

proceder à peine de mort pour venger le ſang inno-

cent. Car il ne faut pas pour vn incóueniet qui n'ad-


0.1.3. 4. de
uiedra pas fouuét qu'on laiffe à faire vne boneloy , & legib.ff. 9. Sic

pour cefte caufe ie fus d'aduis que vne de Mufet pres Caredicebat
nullam legem
soiffons fuft códánée à mort, ayát celé fa groffeffe , &
fatis commoda
fa deliuráce, & enterré fon enfant en vn iardin le mois omnib.eſſe.
de Mars l'an M. D.LXXVIII.Et en ce cas beaucoup 9.l.fi qui adul
tery , de adult
moindre ceux qui ont efté accufés d'adultere, puis ab- cod .

foubz,fiapres ils fe marient enfemble, comeil eftoit . l. quamuis,


eod.Cod.
licite apres la repudiation ſe marier.La loy veut qu'ils

foyer punis à toute rigueur, come adulteres, que la loy


de Dieu condanoit à la mort: & celuy auquel le mary

a denōcé par trois fois qu'il ne frequéte fa femme, s'il

les trouué enſemble fans crime, il luy eft permis neat-


mois de les tuer fans formes de iuftice, Et qui plus eft 2.authent.ma-

Nicolas Abbé de Palerme ne veut qu'il foit licite aux trianie. §.


iuges de diminuer la peine de la loy , qui toutes fois hisquoque, P4-
nor.inc.Acce-

n'eft fondee que fur prefomptions humaines : Car la dens ,verficulo,


non obftat , de
prefomption des loix n'eft rien autre chofe que prefo accufat. Ma-

ption humaine de ceux qui ont fait la loy fur telles the in fingul.
prefomptios , & qui plus eft,d'vn faict prefent la loy 116.

prefume le paffé & fur telle prefomption procede à la

condenation de mort, come i'ay moftrécy deffus: qui


FFF
DES SORCIERS

faict bie à noter.Car tout cela n'eft fondé que fur la


difficulté qu'il y a de trouuer les adulteres enfemble.

Cobie eft il docques plus neceffaire de proceder aux


peines corporelles, quad les prefomptios font violen

tes corre les Sorciers , & quad l'euidece du faict y eft, o

doibt proceder à la peine capitale, come fi l'accusé de


Sorcellerie a efté trouué faifi des mébres humais , mef

mes de petis enfás, il ne faut pas doubter de proceder

à la cōdemnation de mort. Car l'euidece du faict per-


manet y eft, fi l'accufé de sorcellerie , pour guerir quel

cun, inuoque le Diable à haute voixjou priát tout bas

cotre terre fon petit maiftre, come ils parlét, l'euidéce

du fait permanet y eft: Il ne faut pas doubter de proce


der à la peine de mort, come fiſt M.Ichan Marti , qui
condemna d'eftre brulee toute viue vne sorciere de

Saincte Preuue, qui eftoit accusée d'auoir rédule Ma-

çon de Saincte preuue courbé & impotét . Elleluy fit


faire vn baing, & luy bailla trois lezards eueloppez en

vn mouchoir, luy enioignat qu'il les iettaſt au baing,

& qu'il dict, Va de par le Diable. Car l'inuocation du


Diable eft vne deteftable idolatrie, & ce feul poit fuf-

fifoit,pour la coucincte, encores que elle ne confeffaft

rien , & qu'il n'y eut aucune preuue , d'auoir rendu le


maçon'impotent . Car plufieurs oftent le charme &.

maladie donné par les autres Sorciers: Il faut proceder


auffi contre ceux -là,fi on void que les remedes qu'ils

appliquet ne foyet naturels , ny coucnables come les

trois lezardz , qui ne furet oncques depuis trouuez au

baig Et come la sorciere d'Angiers, de laquelle nous,

auōs touché, qui vfoit pour guerir, de cruelle de chats.

qui.
LIVRE QVATRIESM E. 206

qui eftvne violente poifon, & de tefte de corbeaux & feruos fine,
de cri. public.
autres ordures & auec autres prefomptions & infor cod. Lucas Pe-

matiós, on doit proceder à punitio corporelle . Ets'il na ..coll . 8.


verbo . diftule-
aduiet que la Sorciere inuoque ou appelle le Diable , il rit, princip . de

faut proceder fans doubte à codenatio de mort pour Sortil. lib. 12 .


les raiſons ſuſdites : & non pas feulement de mort, ains 4.1.2.fine , de

il faut condáner tels móftres à eftre bruflez tous vifs, commerciis , c.


ibi.Bald.fa
fuyuant la coustume generale , obferuee de toute an- cittext , in cap .

cieneté en toute la Chreftiété : de laquelle couftume ficut inquit,

& loy generalle, le luge ne fe doibt departir ne dero- inc.negligere,


2.9.7.0 in c.
ger à icelle,ny diminuer la peine, s'il n'y a grade & VI errer.So.di
gete raifon.Carla loy dit, que c'eft tout vn diminuer fint.l.1. de car
4 ceribus prinat.
ou remettre du tout la peine; & qui plus eft, la loy c

tient le luge pour coulpable ,qui remet ou diminue la sferuos ,fine,


de vi publica
peine de la loy.Et fi Iudex non vindicat répertum , tegere c . quem alle-

utconfcius criminofa festinat.Et paffe encores plus oul-gant Hoftiens.


tre: Car elle note d'ifamie leluge pour cefte caufe . Et in nouel
loan.And.
la, vter
qui plus eft,la loy veut qu'on puniffe de confifcation qu e in verbo

celuy q remet ou diminue la peine de la loy : & quel - codem, Panor.


infine, De-
quesfois d'exil : & d'autres peines felon la varieté des ciuscoll.vlt . in
cas,iufques à punir les luges de mefmes peines que le c.de caufis , de
off. delegat
coulpable , & conueincu ,feroit puny,come dit la loy Reman fingul.

' en ces termes,nifi ipfe pati velit quod aliis dißimulandó 77.104.Plat.in
conceffit.Et à ce propos André Iferni dit que Charles Cod.
, de deferto.

de France premier de ce nom


-Roy de Naples, fift pe- 6.rex.in d.l.s.
dre le luge qui auoit condané le meurtrier de guet à de defertor.P4-
normit.in l.fi
pend d'auoir la main coupee feulement.Et s'il eft ain . veri.§ . de vire.

26. Fall.ſoluto matrimonio.


7.Text.in authentica, vt neque mil. neque fædere.
8.l.1.fine, ibi.Bald.vlt.not.de monopol, C.l.fi quis fepulchrum , de fepulchro violato . C. &
1.prater.§.diumseod.tit .& l.1. publ.latit . C. Bartol. & Bald. I. mancipia . deferais fugit.C.
FFf ij
DES SORCIERS

9.l.nulli
finene fique le tuge eft coulpable, & doibt fouffrir la peine
facribaptifma
c.Andr.fern. de lefe Majefté, qui a remis ou diminué la peine de

in ca..tit.que léfe Majefté,comme dit la loy: combie plus eft coul


sutregul. Pan.
Caffre.in l.fi pablele Iuge qui remet ou diminue la peine de celuy

Seuerior .col..qui eft coulpable de lefeMajefté diuine?Et la raifo fort


104. Ana.in c.
qualiter col, 7. pertinente eft en Cicero qui dit ainfi: Non iftum Verre

de accufat.Bar. maius infefcelus concepiffe ,cùmfanaſpoliaret, cùm tot homi-


in Clemen. in nes innocentes necaret , cùm ciues Romanos morte, cruciatu,
verbo falutem
col.13.verf. 29. cruce afficeret:cùm prædones accepta pecunia dimitteret , qua
text.inl. Chri- eos qui iftum tot, tantis , tam nefariisfceleribus compertum iu-
ftianisf,ine, de
paganis C.Fo - ratifententiafua liberarent.Autant peut on dire de ceux

berin d.l. nulli. qui enuoyét abfoultes les Sorcieres ( encores qu'elles

foyent conueincues) & diferpour toute excufe qu'ils


ne peuuent croire ce qu'on en diet , qu'ils meritent

la mort.Car c'eft reuoquer en doute la loy de Dieu, &


toutes les loix humaines, & hiftoires , &executions in-

7 finies fur ce faictes depuis deux ou trois mil as, & don

ner impunité à tous sorciers.Si on me dit , que tous


crimes en ce royaume font arbitraires : Ie l'accorde s'il

n'y à peine de mort limitee par edict ou par coufty-


me :Or par la couftume tref-ancienne les sorcièrs en

toute l'Europe font codanes à eftre brufles tous vifs.

Nous auons parlé principalemet des Sorciers qui ont


paction iuree & Societé expreffe auec le Diable . Mais

il y a d'autres fortes de sorciers, defquels no auons di

fcouru au fecod liure, qui ne font pas fi deteſtables,&

neatmoins qui ont part auec le Diable par actiós dia-

boliques : come les noueurs d'aiguilletes qui eft vn


mefcháceté dánable: & iaçoit qu'il y en a qui le főt fás

auoir eu couétio expreffe, ny focieté auec le Diable.


Si eft
LIVRE QVATRIESME.
207

Si eft ce que l'action en foy eft Diabolique , & merite

peine capitale . Car celuy qui en vfe, ne peut nier qu'il


ne foit violateur de laloy de Dieu & de nature, d'em- 1. Lucas Penns
adhoc litus l.x.
pefcher l'effect de mariage ordonnépar la loy de Dieu.
de priuatis car-
Car de cela il aduient qu'il faut rompre les mariages , ceribus, C. & l.

& pour le moins les tenir en fterilité, qui eft en bons 2.de Sepulchro
violato, &l.
termesvn facrilege.Ne peut auffi nier qu'il ne foit ho- vlt.ad l.Iul.de

micide:car celuy n'eft pas moins homicide qui em- vi publica , & ~
1.præcepit,C.
peſche la procreation des enfas,que s'il leur couppoit de caus largit.
la gorge.En troifiemelieu il ofte l'amitié mutuelle du 2.ca.vlt.defri-
mariage qui eft le facré lich de nature & de focieté huid .& malefi
ciat.can.fiper
maine , & y met la haine capitale. Car ordinairement sorciarias.35 .

ces noüeurs mettent yne haine capitale entre les deux 9-8.
coioints.En quatriefme lieu cefteliaifoſe faict au mef

me inſtant que le Miniftre prononce les Sainctes pa-

roles & qu'vn chacun doit cftre ententifà Dieu, celuy

quinoue, vient entre mellet des parolles & misteres

diaboliques,qui eft vne impieté deteftable . En cin-

quiefme licu il eft caufe des adulteres & paillardifes


qui s'en enfuyuent. Car ceux quifont liez bruflans de

cupiditél'vn jaupres de l'autre , Montladukterer. En fi-


xiefme lieu, il en aduient auffi plufieurs meurtres com

mis en la perfonne de ceux qu'on foupçonne auoir

faict, quibienfouuent n'y ont pas pensé. Voyla: dont

cinq ou fix crimes qui fe commettent en nouantiles

perfonnes, lefquels i'ay remarquez,à fin que les luges

qui font prendrelles coupeurs de bourfes ne laiffent

pas cefteimefchanceté capitale impunie : comme filt

vn Luge de Niort , lequel mit en prifon vne femme,

qui par tel moyen auoitepeſché fa voyline au faict de


77 FFF iij.
DES SORCIER SVIJ

mariage contracté fur la requeſte & dilation de ceux,

qui fe trouuoient empefchez, la menaçat , qu'elle ne

fortioit iamais, qu'elle n'euft ofté l'épefchemet.Trois


iours apres elle fift dire aux nouueaux mariez , qu'ils
couchaffet enfeble fe trouuás defliez. Ils en aduertirét

lel
eluge, qui lafcha la prifonniere fans autre peine, par
ce que plufieurs & iufques aux enfás en font meftier.

Ileft donc befoing puis que ce crime pullule, & qui


font les commécemes & fondemens des Sorciers , de

procederparpeines capitales contre ce crime, qui eft


directementcontre la loy de Dieu & de nature . Et fi

quelcú eft furpris voulant lier les perfonnes , ou qu'il


foitverifié qu'il a faila liaiſon ,qui n'a pointforty ef

fect :(Car ceux qui ont la crainte de Dieu,ne peuuet

eftreliez pour la premiere fois metirent le fouet, & la

marque du fer chaud.Car fi celuy quià verſé la poiſo,

qui n'a point forty effect, eft puny de la peine des ho


micides, comme laloy y eft formelle , & la decifion
3.1.1.9. prater-
ea, l. eiufde , de des Docteurs:& qui plus eft celuy qui a cfté trouué

ficary'sf.D. in faifi, & qui a vendu, ou achepté des poiſons , cfttenu


fi quisnon di de la peine des homicides: & ficeluy qui attête de vio
cam ,de Epifco-
pis.c. lepla pudicité d'vnèreligieufe fans effect , eft condané
4.D.l.1 . eod.
4.D...& là mort , ouiln'y a que vne efpece de crime : à plus

vlt. decupreßis, forte ralfondes lieurs d'efguillettes ayant fait tout ce


C. l.vlt . de indi quieftoitéeuxpour lier,ne doiuer eftre quittes pour
Eta viduitate. le fouet,attendû mefmement l'atrocité du crime , &
C.

4. d. l.fi quis que les Docteurs demeurét d'accord que l'effort fans
non dicam ,& effect és crimosatroces; doibt cftre puny capitalemet.
in l.1.ad l.Cor-

nel.defica.fine. Et par l'ordonnance publice à la requeſte des eftats


5. D.inl.fiquis de France à Blois article 195.il eft dit que ceux qui a
non dicam.
pris
LIVRE QVATRIESM E. 208

pris d'arget felouet pour tuer, outrager, ou recouurer


prifonniers pour crime, & ceux qui les auroiet louez

ouiduitspour ce fairede feule machinatio & attaine

fera puni de peine de mort encores que l'effect en foit

enfuiuy,fans efperance de grace ny remiffio: come de

fait il futpratiqué a Moulips cotre: vng affafin Italie

qui cófeffa eftre venu a pris d'arget enFrace pour tuen

vn Seigneur,fás effort ny effect il fut pedu & eftráglé. 6.in.l. cogita-


Et qui plus eft,ils demeuret d'accord que au crime de & tionis depœnis.
ibid. Doct.
léfe Maicfté, l'affection & volonté, eft punici capitale 7.1.1.princi . de

mét come de faict il fe pratique.l'ay mostré qu'il y a extraord. cri-


minib. ff. iun-
crime de léfe Maiefté diuine, fouillant les facrements &
ta, l.quamuis,
de adul. C. Bal..
ou prieres facrees de charmes Diaboliques Jaçoit que
in l.1.§.hac au
és autres crimes l'effort foit moins puny que l'effect rom,quod quif-

Ce quei'ay dit de l'effort des lieurs,s'efted par idétité queiuris.ff-

de raiſons aux Sorciers qui ont ictté le Sort , ou greffé Alex.confil.


ponderatis,li...
lesportes, écores que perſone n'éfoit mort.Veumeft col.penult . Bal.
mes quelaLoyveut que celuy qui a cftétrouué faifi, confil.443.cœ-
chus.lib.2.3
3 limi-
ou qui à achepté de la poifon fans autre effect , foit te- tat gloffafingu

nu de la peine des homicides. Les autres fortes de Sor laris in §. in


fumma,de iniu
celleries , qui fe for pour fçauoir les chofes futures , cor ruis.Inſtitution .

me eft le Geomacie, & autres femblables, que nous a- Florian.inl. ite


uos touchees au fecod liure ,attendu que toutes, tellesobftetrix fin
...
adl. aquil ff.
fortes de diuinatios font diaboliques, & inuétions du capola in re-..

Diable, defendues par la parole de Dieu, & ceux qui petit.l.fugiti-


ui,coll. 12. Feli-
s'en meſlerōt & en feront conueincus , pour la premienus
in ca. ex li-
re fois doiuenteftre condanez en amendes pecuniai- teris,de conftit.
Bald . in confil..
res & honorables, puis pour la feconde fois au fouet 34. cafus talis,

5 & marqués: & pour la troifiefme pendus . Et quant à lib. fine..


8.1.1 deficarajes
1 ceux quifont profeffio de guerir en oftat le charme, #f.
S
DESI SORCIER SA VII

comme ils difent, ou par moyés diaboliques chaſſent

2.l.3.demalefic. latempeſte, & empefchent les pluyes & grefles Laloy


Cod.
ne veutpas qu'ils foient punis , mais ie tiens quetels
medecins doiuent eftre interrogés & vifités pour fça-

uoir s'ils for Sorciers , & fi on ne trouue la preuueil leur


faut faire defences fur peine de punition corpo-

relles de fe mefler de medecines, & auoir l'œil de pres

fur eux : & quand à la Chiromantic , qui eft ordinaire


de ceux qui par les lignes des mains fe meflent de di-

re la bonne adueture, que ceux qui en feront meftier,


comme il y en a pour la premiere fois leur foit faicte

defenſe d'en vfer plus fur peine arbitraire , & neant-

moins que les liures de Chiromantic & Geomantie,

" qui fe vendent par tout,foyent bruflés auec defences


: aux imprimeurs, & libraires d'en imprimer, ou expo-

fer envente fur peine à ceux qui en feront trouues fai.

fis pour la premiere fois d'eftiepunis paramendes

pecuniaires & pour la feconde, paramendes honora-


bles. Età fin qu'on ne pretende caufe d'ignorance,il
feroit bien neceffaire de fpecifier les auteurs par le

menu , & qu'il foit enioint à tous luges de brufler fur

le champ tous liures de Magie, qui le trouueront en


faifant les inuencaires .Ce que mefmes les luges payás

8.1.cetera fam faifoyent fans les mettre en partage & come nous

la hercifcunda 'lifons qu'il fut faict en Epheſe au temps de la primi-


fimprobata
Lectionis libros. tiue eglife. Car ie trouue que les anciens ont puny
9. At. Apofto capitalement telles impietés , queles Chreftiens paf-
lorum. fent par diffimulation, comme nous lifons de Apro.
1. Ammianus
Marcelinus .lib, nius Preuoft de Romme , qui condamna à la mort
26.
vn nommé Hillarius, qui fut conueincu d'auoir bail-
lé fon
LIVRE QVATRIESME. 209

lé fon fils pour inftruire à vn Sorcier: & fut tiré de l'E-

glife pour eftre mis à mort,fuiuant les termes de la

Toy, Culpa fimilem effe tam prohibita difcere , quàm docere . 21.4.de maio

Nouslifons auffi ' que l'Empereur Valens ayant fçeufic.Cod.


3. Socrates lib.
que Iamblique auoit cherché par Alectriomantic , 4.c.29 . Sezo-
qui feroit Empereur apres luy, en luy failant fa foffe menus lib.6. c.
35.Nicepho.lib.
deuant fa mort, fift mourir tous ceux qui en cftoyent 45. Zona-

coulpables , ou foupçonnés, comme nous auons re- raslib. 3.in vi-


ta Valentis.
marqué cy deuant.Et qui plus eft,vn nommé Baſſia- Ammia. Mar

nus fut puny par confifcation de tous ces biens pour sellin.lib. 29 .
s'eftre enquis aux diuins fifa femme eftoit enceinte
d'vn fils ou d'vne fille . Vn autre nommé Lollianus 4. Nicephorus

fort ieune fut bany, & fon bien confifqué pour auoir lib.10 .

tranfcript vn liure de Magie &vn autres preftigiateur, 5.Nicetus li.4


fafcinant les yeux des affiftans fut condamné d'eftre
aueuglé. Il s'appelloit Sicitides . Or il eſt indubitable

que les preftigiateurs & charmeurs ont paction ex-


preffe auec le Diable, & tous ceux qui l'exercet la Na-

cromantic, Pichagogie, Goetie &autres femblables.

Quat à l'Aftrologie naturelle, & cognoiffance d'icelle

d'autant que paricelle on cognoift les merueilles de


Dieu, le cours des luminaires celeftes ,les ás, les faiſõs,

ioint auffi quelle eft neceffaire aux medecins , & à l'v-


fage des inftruments Metheoriques , il ne faut pas la

meſler auec les autres : mais bien empefcher l'abus

de ceux qui font profeffion de diuiner l'eftat & la vie

des perfonnes , qui attire apres foy vne defiance de

de Dieu & impieté. C'eft pourquoy la plus belle fcié-


ce du mode a efté blafince, en forte que le mot d'A-

ftrologus, & Mathematicus, & Chaldeus és loix fou-

GGg
DES SORCIERS A

6.1.2.de male uct font prins pour sorciers :Mais il ne faut pas reiet-
ficis,& Mathe
maticis Litea- ter les belles fciences pour l'abuz : autrement il fau-
pud, fiquis a droit condamner tous les arts & fciences du monde,
strologus ; de
iniuriis,
ff.l.vl. voire la loy de Dieu.Mais il y a de gras perfonnages q
demaleficis & pour n'auoir pas feparé le droict vfage d'Aftrologic
Mathematicis ,
S.C.Valerian . de l'abuz, ont tiré pluſieurs en erreur : c'eſt à fçauoir

lib.1.cap.4 . ait Iean François Pic, Prince de la Mirande, qui l'a blaf-
Chaldæos ex 1-
talia exire in mee outre mefure, & Philippe Melanchon , qui s'eſt

Jos intra deci par trop arrefté à l'Aftrologie diuinatrice . Les Egy-

mum die,Con- ptiens ne pouuas ofter l'abuz, ny deffendre la fciece,


Julib . Papilio
Lenate, Lu- faifoyent payer vn impoft à tous ceux qui deman
cio Calphurnio. doyent confeil aux Aftrologues diuins, qu'on appel-

loit blaſeunomion , comme qui diroit, le truage des

fols, comme font encores ceux qui demandent con .


feil à vn tas de larrons & voleurs, qu'on appelle Egy-

ptiens,qui font pour la plufpart Sorciers , comme il

c'efttrouué en plufieurs procés. Brief en toutes cho-


fes ou l'efprit humain eft effrayé de crainte fuperfti-
tieuſe, ou retiré de la fiáce d'vn ſeul Dieu,pouradhe-

rer aux vanites qu'elle qu'elle foiet, Dieu y eft offence,

& eft vraye idolatrie : & pour cefte cauſe les Payans

7 quis ali- mefmes decernoient ' grande peine contre ceux-là,


quid, depænis comme nous lifons la Conftitution de Marc Aurele
ffl. sacculary,
Sfuntquadam portant ces mots, fiquis aliquid fecerit quò leues animi

de extraordina- fuperftitione terreatur, Diuus Marcus in infula relegandum


riis criminibus
2.1.fiquis ali- hunc refcripfit . C'eft pourquoy il faut bien prendre

quid,depanis, garde àla diftinction de fortileges, pour iuger l'enor-


ff.
mité & grauité d'entre les Sorciers , qui ont conuen.

tion expreffe auec le Diable, & ceux qui vſent de li-

gatures & autres arts de fortileges. Ĉar il y en a qui


ne fe
LIVRE QVATRIESME . 210

ne ſe peuuent ofter, ny punir par les magiſtrats , com-


melafuperftition de plufieurs perfones de ne filer par

les champs, que lesPayans craignoyent, & craignoyet

auffi de faigner de la narine feneftre, ou de r'encotrer

vne femme enceinte deuant deiuner.Mais la fuperfti-

tion eft bien plus grande de porter de tolleaux de pa-

pier pendus au col, ou l'hoftie cofacree en fa pochet-


re: Come faifoit le Prefidet Gentil, qui fut trouué ſaiſi

d'vne hoftie par le bourreau qui le pédit à Mont- fau-

con: & autres fuperftitions ſemblables que l'efcriptu .


re Saincte &le Rabbin Maymon met entre les façons

des Amorrheans, qu'elle appelle vias Amorrhçóru, qui

font eftroitemet defendues par la loy de Dieu , & Pro-

phetes pour la defiance, qu'il y a enuers Dieu, & idola-


trie euuers les creatures.Cela ne fe peut corriger , que

par la parolle de Dieu : mais bien le magiſtrat doibt

chaſtier les Sarlatans , & porteurs de billets qui vendet

ces fumees là , & les bannir du pays Car s'il eft ainfi

que les Empereurs Payans ayent banny ' ceux qui fai-

foyent telles chofes, quò leues animi fuperftitione terrea- 8.d.l.fi quis a-
tur, que doiuent faire les Chrefties enuers ceux- latou liquid , de pœ-
nis.ff.
qui contrefont les efprits, comme on fift à Orleans, &
à Berne?Il ny a doubte que ceux là ne meritaffent la
mort,come auffi ceux de Berne furet executes à mort

& en cas pareil de faire pleurer les crucifix, ainfi qu'o

fift àMuret pres Thoulouze, & en Picardie, & en la vil-


le d'Orleás à Saint Pierre des puilliers:Mais quelque

pourfuite qu'on ait faict , cela eft demeuré impuni


come en cas pareil ces bons moynes qui font adorer

le corps mort de leur cuifinier pour le corps d'vn ſaït.


GGg ij
DES SORCIERS.

Or c'eſt double impieté en la perfonne de ceux qui

font preftres & pafteurs . Mais l'impieté est beaucoup

plus grande,quand le Preftre ou le pafteur a paction


auec Sathan , & qu'il fait d'vn facrifice vne Sorcellerie

deteftable.Car tous les Theologiens demeurét d'ac-

cord , que le preftre ne confacre point, s'il n'a inten-


tion de confacrer , encores qu'il prononce les mors

facramentaux : & de faict il y eut vn Curé de Sainct


Ichan le petit à Lyon,lequel fut bruflé vifl'an M. D.

XLVIII ,pour auoir dit, ce que depuis il confeffa en

jugement, qu'il ne confacroit point l'hoftie quand il

difoit la Meffe , pour faire damner ſes paroiffiens,


comme il difoit à caufe d'vn procés qu'il auoit con-

tre eux ? Combien doneques eft plus puniffable le

preſtre Sorcier qui au lieu de confacrer , blafpheme


9.lib.11.de le- execrablement. C'est pourquoy Platon'le premier
gib.
entre ſés loix en a faict vne qui veut que le Preftre
Sorcier fans remiffion foit mis à mort , car l'enormi-

té de la Sorcellerie eft beaucoup plus atroce en celuy


qui manie les chofes facrees . Car au lieu de les fan.

difier il pollue, il fouille; il blafpheme execrablemet.

comme le curé de Soiffos , duquel parle Froiflard qui


baptifa vn crapaut, & luy bailla l'hoftie confacrée,
1. Can fi quis il fut bruflé tout vif fans s'arrefter aux canons ' qui
Clericus,ex co-
cil. Aurelian , excommunient feulement les préftres sorciers . Il cft

can. aliquat vtay qu'on peut dire que c'eft la peine ecclefiaftique
ex confil. Aga-
thenfi , & can . qui ne fait aucun preiudice aux peines des Magiftrats

fi quis Epifco- lais. Ortout ainfi que par proportion de iuftice har-
pus sexconciliomonique la peine eft plus grade , & le crime aggraué

9.5. pour la qualité des perfones, comme le Medecin qui


empoisonne
LIVRE QVATRIES M E. 211

empoifonne , le tuteur qui viole fa pupille , le luge

quifaict iniure , le notaire qui commet fauffeté, l'or-

feure qui faict de la fauffe monnoye , le vaffal qui

trahiſt ſon Seigneur , le Citoyen qui vendſa patrie, le

fubiect qui tue fon Prince,le Prince qui manque de

ſa foy,font beaucoup plus puniſſables , & generalle. 2.1 . quis decu-


ment tous ceux qui faillent en leur office , auffi le rio. de falfis l.
quadam, depæ
preftre Sorcier eft non feulement plus mefchant que nis,ff. Thomas
tous ceux là, ains auffi plus deteftable que tous les au- primafecundæ
.artic. vlt.
3 9.7
tres Sorciers qui ne font point preftres. Car ceftuy Dinus,Baldus,

cy eft deferteur de fon Dieu pour s'abandonner au Salicet. Iacobus


Arenain l.ne.
Diable, & proditeur des chofes facrees , qu'il deuoit mo de fumma

fur tous garder fainctement & inuiolablement. Et Trinitate, C.


par ainfi le preftré , ou miniftre qui fera attainct & co. 3.1. Presbyteri..
de Epifcopis C.
ueincu d'auoir vfé des fortileges par mirouers , ou l.quis de pœnis
anneaux, ou haches, outamis , ou autres chofes fem- Roma.fingul.
476.669.
blables, qui fe font mefmes fans expreffe inuocation Bald.in cap.fi
du Diable merite la mort: & les autres d'eftre bannis , quis verò ,de pa.
ce iuramento.
Es autres crimes, hors mis les fortileges, & les facrile- Felinus.in cap..

ges, ce n'eft pas la raifon que le preftre foit puny fi paftorales ,de in
reiurando.
griefuement:Mais la dignité de fa perfonne doibt a-
moindrit la peine : & celuy qui offence les preftres
& miniftres de Dieu, doibt eftre puny plus griefue-

ment,que pour tous les autres: d'autant que fa digni-


té eft plus grande, & doit estre fa perfonne facree, & 4.Philo.in lis

inuiolable . Mais auffi quand il s'oublie iufques à la bro defacrif.cus


Leuitici :
de fe dedier à Sathan ,la peine ne peut eftre affes gra- cap.2.

de. Car il c'est trouué en infinis procés que les Sor-

ciers bienfouuent font preftres, ou qu'ils ont intelli

gence auec les preftres : & par argent ou par faueurs


GG g iij
DES SORCIERS

ils font induits à dire des meffes pour les Sorciers , &

les accommodent d'hofties , ou bien ils confacrent

du parchemin vierge , ou bien ils mettent des an-


neaux , lames characteriſees , ou autres chofes fem-

blables fur l'autel , ou deffous les linges, come il c'eſt

trouué fouuét, & n'a pas log temps , qu'on y a furprins

vn Curé, qui a cuadé, ayant bon garand, qui luy auoit

baillé vn anneau pour mettre foubz les linges de l'au-


tel quand il diroit fa meffe. Apres les preftres & mini-
ftres de Dieu,les magiftrats qui font gardes & depo-
fitaires de la iuftice, doiuet eftre recherches , & punis

à la rigueur s'il s'en trouue.Car s'ily a vn Magiſtrat,il


fera toufiours euader les Sorciers, & maintiendra par

ce moyen le regne de Sathan : Et la premiere prefom

ption contre le Magiftrat qu'il eft Sorcier, eft quand


il fe mocque de telles Sorcelleries . Car foubs voile

de rifee il couue fa poifon mortelle. Or tout ainfi que


Solon ordonna que files Areopagites , qui cftoyent

gardes des loix , les auoyent enfraintes, qu'ils feroyét

tenus payer vne ftatue d'or de leur pefanteur , com-


5 in solone.
me dict Plutarque . auffi faut que le Magiftrat Sor.
cier,qui doit punir les sorciers, ou qui les fait euader

foit puny à la rigueur:car par la fouffrance des Iuges

cefte vermine a fi bien multiplié, que Troif


- echelles
diſt au Roy Charles 1 x.qu'ily en auoit plus de trois

cens mille en ce Royaume . Et puis apres les Courti


fans Sorciers doiuent eftre fans difcretion de leur qua

6.l.nemo aru- lité, comme dict la loy,' expofes aux tourmens . Et


Spicem,de male
non fans caufe la loy a voulu punir rigoureuſement
ficus , C.
les Sorciers de la Cour: car il ne faut que vn Sorcier
Courtisan
LIVRE QVATRIES ME. 212

Courtisan pour gafter tous les Princes & Dames

qui fuyuent la Cour, & infecter le Prince fouuerain,

pour la curiofité que les grads feigneurs ont de voir,

& fçauoir les preftiges des Sorciers, eftimans que par


ce moyen ils feront grandes chofes . Auffi Sathan n'a

rien en plus grande recommandation que d'y attirer

les Princes : car depuis qu'ils y font plongés, c’eft d'ex-

ecuter la volonté de Sathan ſe mocquer de toute re-

ligion, monftrer exemple aux fuiets de toutes paillar-

difes inceftes, parricides, cruautés , exactions , mou-


uoir des feditions entre les fuiets, ou guerres ciuiles,

pour voir l'effufion de fag, & faire facrifice au Diable

qui ne luy eft point plus agreable que du fang inno-


cent. Car il veut conferuer les mefchans .Apres ceux
là on peut mettre les meres , qui meinent leurs filles

aux aſſemblees diaboliques : & quant aux filles fi


elles ont accufées leurs meres auparauat , qu'elles feuf-

fent preuenues, elles meritent pardon , pour double

raifon :tant pour auoir accufé le faict, que pour la re-

petance :fiapres eftre preuenues,il fuffira des verges, 2.1.1. aduer-


fi elles font en bas aage & penitentes : Etneantmoins fus delict . C..
auxiliu demi-
il eft befoing qu'elles foiet mifes en la garde de quel- nor.ff.
que fage matrone pour les inftituer . Car combien 3.authent.fi ca
que la minorité ne merite pour de faueur , quand il ptiui, gloffa,
de Epifcopis c
cit queftion de punir les forfaicts: fi eft- ce , dit la loy clericis , Cod..
qu'on y doit proceder auec quelque relache de la ri- tacob. Arena,
Salicet.in l.fi
gueurdes loix, mefmemét ' file mineur eft au deffous quis in tatum,.
de dixhuict ans. Mais s'il n'a rien voulu confeffer des unde vi. Cod.
pactions expreffes , & d'auoir alliſté aux affemblees Philippus Cer-
neus,cofil. 147.
des Sorciers, & qu'il foit conueincu par autres , il doit b ..
DES SORCIERS

eftre mis à mort : car en cela il monftre le ferme &

4.1. excipiun- arrefté propos qu'il a auec les Diables . Car fi la loy

tur ad Sylla- condamne à mort l'enfant qui n'a pas attainct la pu-
nianum.ff.
bertépour n'auoir pas crié quãd on tuoit fon maiſtre

& n'auoir pas declaré les meurtriers , comme en cas

pareil fut pendu & eftranglé vn ieune enfant aagé de

onze ans, qui auoit tué d'vn coup de pierre vne fille,
& l'auoit cachee. Il fut trainé fur vne claye au gibet

par arreft de parlement,donné l'an M.CCCXCIII,


A plus forte raifon doit l'enfant sorcier, qui a attain &
la puberté eftre mis à mort, s'il n'a declare les affem-
blees auec les Diables, mefmemet eftant preuenu , &

qu'il foit conueincu, ne voulant rien confeffer . Car

combien que les peres & meres sorciers confacrent

& dedient leurs enfans aux Diables , les vns fi toft

qu'ilsfont fortis,les autres deuant que eftre fortis du


vétre de la mere,fi eft ce que i'ay monftré cy deuant,

que les Diables ne font point de pactio expreffe auec

les enfants, qui leur font voüés, s'ils n'ont attaint l'aa-

ge de puberté, comme i'ay apprins par les interroga-


toires de leanne Haruillier, qui depofe que fa mere,

qui l'auoit dediec à Sathan fitoft quelle fut nee, ne la

maria poinct auec Sathan , ny sathan ne demanda

point fa copulation, & renóciation à Dieu , & à tou-

te religion qu'elle n'euft attaint l'aage de douze ans.

Et en cas feblable Magdeleine de la Croix , Abbeſſe


des Moniales de Courdoue en Efpaigne cofeſſa , que

satha n'euft point copulatio ny cognoiffance d'elle,


qu'elle n'euft douze ans : mais bien on pourra mo-

derer la peine de feu, à laquelle ceux qui font en aage


doiuent
LIVRE QVATRIESME. 273
doiuent eſtre condamnés, & ne faut point en ce cas 7.Theologiin
4.fenten.ca.
fi execrable, que la peine foit diminuee pour l'imbe- quod autem 32.

cillité ou fragilité du fexe des femmes, fi elles ne fe re- q can.vlt.


depænis.item
pentent & qu'elles inuoquent Dieu auec vne vraye dift.7. c.2 .
repentance : auquel cas la peine du feu doibt eftre fine,de confecra.

oftee , iufques à ce que celle qui c'eft repentie , foit dift.Calder.


Anto.Butrig.
fuffoquee ou eftranglee: Mais quiconques perfiftera Imola, Feli.in.
c.de his,deac-
en la paction qu'il a auec le Diable fans aucune repe- cufat glof . ul.

tance, comme font la plus part,il faut proceder à la 49.diftinct.


8.1.2.§ fi quis
peine du feu .Et ne faut pas que le baptefme , & la re- Pri
à ncipe,ne
pentance,qui peut aucunement diminuer la peine , quidinloco pu-

ofte la peine de droict & de la loy de Dieu , qui eft ca- blico, ff.&- c.
Supereode ofs
pitale qui ne peut par penitence quelle qu'elle foit ,fi.de leg. ca.

eftre abolicains pluftoft l'Eglife & le droict canon ex tuarum ,de


autorit. vfu
yeut & entend entretenir la iuftice . C'est pourquoypally .

tous les Canoniftes y demeurent d'accord,que celuy9.cap. 1.de alie-

nat.
quiafaict penitence de fon crime , peut eſtre accusé can feudi.
.vl t.29.q.
& puny en Courlaye : car l'abſolution de l'Egliſe ne vltima.
fait aucun preiudice au bras feculier , comme dict in placet ,de
Balde Encores la plupart des Docteurs en droict facrofanit.Ec-
clef.c.

Ciuil & Canon tienent, que la repentance pour gran- 3.Cöcluditglof.


de qu'elle puiffe eftre ,ne diminue rien qui foit de la ri- inc.admonere,
verbo, pæniten-
gueur de la peine eftablie par les loix comme Decius 114,32.9.
efcript, qu'il fut luge contre vn Luif,qui voulutfe faire gloff.innocent.
Hoftienfis
Chreftien ,pour diminuer la peine du crime qu'il a in coll. o : fine
uoit commis.mais le Magiftrat de Padouë ne dimi. 10an o .Andr.
Ant .Butri
nua rié de la peine, fuyuat l'aduis de tous les docteurs Panormi.in
cap. gaudemus
per textum ibi de diuortys, Marian . Franc.in d.ca.de his de accufat.Cardina. in Clem. 1.§.fa-
nè,de vfuris. Lucas Penna inl.fi apparitor.col.penult.de cohortib.c.lib.12 . Decius in ca.quæ in Ec-
clefiarum,coll.S.de conftit .&confil.130 .
HHh
DES SORCIERS

4.Alexand. Auffi eft- ce l'aduis des Theologienst : & mefmes la


Ales in 4.fen- loy de Dieu a voulu que le meurtrier de guet à pend
tentia.q.20.
mebro articul. fost arraché de l'autel facré pour eftre mis à mort:à fin

fecundo:Bona- que les mefchants ne fe couurent point du voile de


uenturain d.4.
fententiar di religion,de franchiſe, de penitence , pour euader les

ftinct.2 . arti.. peines eftablies par les loix, & a fin auffi que les me-
q.item. Thomas chancetes en quelque forte que ce foit,ne demeurent
in 3. partefum-
me,q.68.artic. impunies, qui eft le but auquel tous les Iurifcófultes

5.Aftefanus, life font principalement arreftés: qui feruira de refpon-


4.tit. ite, 4.ar-
tic.1.coll.vlt . ce à ceux qui fous ombre de repentance veulet fai-
Anton.Florent. re euader les Sorciers . Car fi l'homicide ne laiffe
pas
in prima parte
3.partisprinc. pour la repentance d'eftre mis à mort , pourquoy le

tit.14.cap.13. Sorcier mille fois plus coulpable euadera il ? l'entens


5.l.ita vulnera-
susfine, ad l.A de ceux qui fe repentent apres qu'ils font preuenus,
quil.ff.l. conue- ou qui entrent en religion, & veulent que la maiſon
"
niri,depactis dedice à faineteté foit vne cauerne de parricides , &
dotalibus.l.fi
maritus.§. legisSorciers . Il ne faut pas doncq que le magiſtrat differe
verfu Caerum. la pourfuyte des Sorciers, qui vont en religion apres
de adult.ff.
6.oldrad.con- qu'ils font preuenus, ains la peine doibt eſtre plus ex-

fil.4.quod lai.
cus,Bartol.in emplaire fans s'arrefter à l'habit , ny aux priuileges,

1.depœnis , Bal. qui ne doitentauoir lieu en ce cas , quoy que quel-


in l . 1.ad finem ques vns ne font pas de c'eft aduis . Mais fi la loy de

anferex fact. Dieu veut & commande qu'on arrache le meurtrier


fup.Capol.can-
tel.9.lafon inl. de l'autel facré,pourquoy fera le Sorcier , qui eft pi-
.
penult.prin
cip alt notab. ! re que les parricides , affeuré de peines qu'il a meri-
deiurifdictio. tees pour entrer en religion ? Mais bien fi le Sorcier
Bartol.Gui- "
eftantpreuenu, & non toutesfois couaincu , confeffe
lielm.xacob .. la verité, & qu'il accufe fes complices, il y a bien appa-
Butrigar.
Bald.in leg.ul.
ti.qui fatifdar. loan. Andr.in c.1.de oblat.adrati.Cynus in authent.caufa quafit de Epifcop

1
rence
LIVRE QVATRIESM E. 7.l.1.netut.vel
214
că C.authent.
rence que la peine de feu foit relachee , s'il fe repent, fed nono Iure.

tant pour eſtre moins coulpable, que pour attirer les C.depana i
dicis,qui malè
autres à confeffer la verité & fe repentir : Et mefmes indicauit , cap.

en Athenes celuy qui confeffoit fans eftre conuain- vltim .& ibi
glof.de furtis,
cu eftoit abfoubs , comme dict Plutarque en la vie cap. inter

d'Alcibiade : mais cefte loy n'a pas efté fuyuie pout corporalia ver-
fare,detransla
l'impunité des malefices qu'elle tiroit apres foy: tie.Epifco .

& mefines en la loy de Dieu celuy qui confeffoit ca.vlt.ibiglof.


fon larrecin au Preftre , il eftoit tenu reftituer le so diftinct. &
cap.fi quis om-
larrecin & la cinquiefme partie d'auantage outre l'o - nem fine.1.9.7-

blation pour le facrifice de fon peché . Beaucoup 2& cap. non di-
catis, 12. q. 1.
moins doibt la peine eftre relachee , fi celuy qui con-
gloff.not . in l.
felle peur eftre conuaincu Mais celuy qui con-
nomne, §. ule.
de remilit.Pa-
feffe lans eftre accufény preuenu , ny attainct , & qui nermit. in cap.

ne peut eftre conuaincu & fe repent, & accufe les co- atfi Clerici,
plices , ceftuy la merite pardon :no pas qu'il n'ait me- ibid. Fel.cell.2 .
facit lex edicto
rité la mort d'auoir adoré sathan & renié Diéu : mais princip . deiure

la vie luy doibt eſtre laiffee tant pour loyer d'auoir de . 3. §. vlt.
alien and.
accufé fes coplices , que pour attirer les autres par telle 8.Exod. 22 :

moyen, autrement la cofeffion apres da preuention Num.5.


9.Panorm , &
& deuant la preuue, ou apparence de preuue doibt Felin.inc .At

bien diminuer, & non pas ofter la peine , s'il ny auoitficlerici , vter-

edict ouloy expreffe qui deffendit aux iuges de di- nota


quecol.2.verb.
, de iud.
minuer la peine eſtablie par la loy:auquel cas la conext.glof.in ca.

feffion volotaire deuant l'accufation n'emporteroit 43-50.diftin.per


c.vlt.24. dift.
2. Panorm.in cap.de hoc, defimonia.
3.Bald.in l.ea qua, de conduct.indebiti, C.q.10.cap.vlt.de iuramento çalum. lib . 6.Bald.in l.cö-
tranegatem.co...de lege Aquilia:C. in c.vafallus, ibi coll.3.fi defendofuerit c. controuer.&in
1.§.porrò coll.4.tit.quafuit prim a caufafeudi. Ange.in § . ex malef.col . 8. Bar bat. confil. 28.
4.1.id quod,feruo...depeculiolegato. & ibi Bar.l.pala § . vlt .de ritu . nap. ff.Bald.in l . ea
que.q.2.decondict. indebiti, C.Per.Ancaran .in c. perpetuæ , col.1.de elect.lib. 6. Florian.inl. 2..
ad.l.aquil. Angel Aretin.in tra&tat,malefic.in verbodedu&ta,quartàparte,Bald. in l.vlt.col.z.
de executrei indicata,C.

HHh ij
DES SORCIER S

ny abfolution , ny diminution de la peine . Car la

deffence de la loy en ce cas eft plus forte que l'autho-

rité de tous les Magiftrats . Mais on peut demander


file Prince a contrainct fon vaffal, ou le Seigneur fon

5.l.fed & fi vi- fubiect, ou le maiftre fon feruiteur, ou le pere fon fils,
uus.§.fiiuffu ou la mere fa fille de faire les actes des sorciers , aller
Domini,de iniu aux affemblees, renier Dieu:fi ceux la font ſujets aux
rys off.& l.ult.
in fine, bi peines de la loy . Ie dy que le faict n'eft pas receua-
glo.de bonis da- ble : ioint auffi qu'il n'eft
" ny veritable ny vray-fem-
nat . l.feruus
ibi de actio. blable , d'autant que Sathan veut le plain confente-
oblig.ff . l.li- ment & franche volume des perfonnes comme nous
beroru ,§. excu-
fantur,de y's auons monftré par exemples cy deuant . Et quandil
qui notantur in fe trouueroit vn pere, ou Seigneur fi mefchant de
fam.ff.l.liber contraindre fon fils à renier Dieu , il ne feroit pas
homo.z ad l. .

quil.ff.l.adea. pourtant sorcier ny coulpable de la peine . Car le pe-


deregul.iurisfché n'eft point peché s'il n'eft voluntaire , comme
authent.fed no-
uo iure , de си- dit Saint Auguftin . Et en ce cas les loix ont accou-

fodia rerum, ftumé d'abfoudre ceux qui ont eu neceffité d'obéir,


fiferuus de fe-
pulch . violato, & de punir à la rigueur,ains adoucir la peine de ceux

C. & ibi Faber, qui ont bien peu defobeir: Mais pour quelque reue-
Gelliusl.2.c.7
6.Denter.13. . rence n'ont pas defobei . Ce qui ne fe peut entendre

7.l.feruosien crimes atroces , & beaucoup moins en ce crime fi


bi.Bald. Sa- execrable . Car la loy ' de Dieu commande en ce cas
licet,ad l. Tulta
de vi publica, de tuer quiconque voudra feulement fuader de faire
C.& inl.2.vne mefchanceté fi execrable ; mais bien l'obeiffance.
ibiglo.Faber er
D.de fepulc.vio- d'vne ieune fille enuers fa mere , d'vn ieune enfant
Lao, C.glo.inc. enuers fon pere, & d'vn ieune feruiteur enuers fon
dixit Dominus
14.9.5. in c.., maiftre, merite que la peine foit adoucie , fi on ap-

quod quis.de re perçoit la confeffion, & repentance deuant la conui-


gul.lib.6..
ction . Eten ce casce peut bien accommoder ce que
dict .
1
LIVRE QVATRIES ME. 215

dict Seneque en la tragedie de Thyefte , quem peccaffe


pænitet,
pene eft innocens , quand la penitence eft veri-

table, & non feinte . Et iaçoit que les prieres d'vn Prin-
8.1.1.quod inffu
ce , ou d'vn fouuerain font plus violentes que la for- etibi glof Bart
. .
ceneantmoins l'obeiffance en cefte mefchanceté fi in trac.de tyra.

execrable n'a point d'excufe .


Carle Prince n'a rien à 77. Caftrenfis
confil.7o.col.4..
commanderafon fubject contre la loy de Dieu, ny l.4.Innocent.

le fubject aucune neceffité d'obeir.Et toutesfois c'eft in ca.petitio.


princip.de Iure-
bien la raison que la peine foit moderce, s'il y a con- iurando Socin.

feffion du faict , & repentance : mais s'il y a force conſ.263.canone


ouuerte, & iufte crainte de mort en cas de defobeif- rogo 11.9.3 .
9 D. in c.facris
fance(combien qu'on doibt pluftoft mourirque d'o- dey's que vi
beir ( toutesfois l'obeiffance en ce cas eft aucune- meiúfve caufa
&c. prasbyte-
ment excufable ' pour la peine corporelle , encores res ,so.diftine.

que le sorcier quia efté contraint de faire quelque Alexand. Ale


in tertiaparte
fortilege, cuft faict mourir quelcun , tout ainfi que fumma q.41 .
s'il auoit efté contraint fur peine de la vie de tuer membro 4.arti. ·
ultim .
quelcun, il ne feroit ' fubiect à la peine des homicides . 1.Bal.in § . iniw

Car on ne peut accufer qu'il y ait dol ne fraude en ria.tit.depactis


luy,pourueu que la contrainte de mort, ou de tour - rametofirmă- -
dis , Perus
ment foit precife comme i'ay dit.Mais que dirons in i.fcientiam §..

nous de celuy qui renie Dieu , & fa religion, & fe don- qui cum aliter
adl. Aquil.cy--
ne au feruice de Sathan pour guerir d'vne maladie, nus Faber in ?

ou pour crainte de mort & de fon ennemy ? combien 4.1.vnde vi c.


Bart.in l.2. no-
que nous auons monftré cy deffus
que de dix à pei- ali,ff.2.l . me-
"
ne qu'il y en ait vn qui gueriffe , & encores des forti-

leges feulement. En ce cas la perfonne ignorante fe- quod metus off. L.


vani.dereg.ff.
roit aucunement excufable de la peine capitale , &

non pas vn homme de lettres , iaçoit que l'ignoran-

ce n'a point de lieu en ce crime . Car il ny a perfon


HHh jij
DES SORCIERS

ne qui puiffe dire que par erreur il ait renié Dieu fon

Createur pour le donner au Diable . Auffi voit- on

par tous les procés que Sathan veut vne franche vo-

lunté.Mais bien l'erreur peut eftre excufable en tel-


les perfonnes feulement és façons illicites de forti-

leges , qui n'ont pas conuention iuree auec Sathan,


comme la forcellerie d'Anneaux , de Miroirs , de Ta-

mis , & autres ſemblables , que quelques vns font


1. Angelus de
maleficys,verbo pour l'auoir veu faire , ainfi que nous auons dict
etiam veftem, cy deſſus: Ettoutesfois elle ne doyuent pas demeu-
pa.cxcviyfori-
bitftatuta effe rer fans quelque peine pour la premiere fois, & pour
vt plurimi pro la feconde corporellement , & pour la troificfme
tertiofurto fu de mort
veu mefmes qu'vn coupeur de bourſes
Spēdifures, Ga-
din.in trait . de eft ordinairement ' condemné à mort pour la troi-
malefic.rubr. de fieſme fois comme la couftume y efſt preſque ge-

furb.ctlege Feneralle. Que dirons nous donc de ceux qui ont in-
deridepace
ftant.pro quin- uoqué les malings efprits , & fait les myfteres pour
quefolidispans l'attirer, & que Sathan ne foit point venu : combien
capitalis decer-
nitur.
qu'il n'y faut iamais , & toutesfois qu'il n'ait point
2.l.1.§.diuus ,
ibi.Bart .adrefpondu comme il contrefait les paillardes ru-

1. Cornel.de
fica. fees qui fe font prier. On ne peut dire que ce foit vn
rijs,ff
.& inl.fi attentat feulement , mais vne deteftable Sorcele-
in rixa coll.1.
cod.Bald. in l.fi tie accomplie & parfaite . Et par ainfi la peine capi.
quisnö dică, de tale y efchet, & la diminution de la peine és atten-
Epifco..eod.
in l.is qui cum tats qui n'ont forty effect n'a point de lieu en ce
telo.cum duabus cas. Car ce n'eft pas vn fimple attentat , mais vne
Seq.C. de ficar mefchanceté faicte & parfaicte ' , C'eſt à fçauoir d'a-
3. Bald. Alex.
Salic. in limi- uoir inuoqué & prié Sathan , qui eft auffi vne droi-
t.l.fiquis non te renonciation à Dieu : Et par ainfi c'eſt abufer des
dicam rapere,de
Epifcopis.C. loix diuines & humaines , de pardonner au Sorcier

penitent
LIVRE QVATRIESME. 216

penitent,foubs ombre que les loix & canons ' veu- 4.1. Manicheos
lent qu'on pardonne aux heretiques repentis (com- de haret. Cod..
5.cap.ad abole-
bien les Magiftrats en quelques lieux par cy dams, pœnite-
que
deuant,y ont eu tel efgard , que celuy qui auoit ti,de haret..
lib.6.
mangé de la chair au Vendredy eftoit bruflé tout

vif, comme il fut faict en la ville d'Angiers l'an mil

cinq cens trente neuf , s'il ne s'en repentoit : & ja-

çoit qu'ilfe repentift,fi eftoit il pendu par compaf-

fion.) Car celuy qui croit vne chofe contre la loy


de Dieu : encores qu'il foit heretique , fieft- ce que

ceſte opinion eſtant changee , la confcience de-

meure entiere . Mais celuy qui adore Sathan ou

renie Dieu, ( cōbié que l'vn ne peut eftre fans l'autre, )

a mis en effet vne chofe qui ne peut qu'elle ne foit fai

&
te, &comme on dit en droict,Factum infectum effe no

potest . Et quant à ceux qui n'ont pas renoncé Dieu ,


ains qui ont vfé des characteres , cercles & inuo-
catios, comme ils ont trouué par efcript en quelques

liures defenduz, & que l'efprit familier,come ils par-


let,ne foit point venu , on doibt diftinguer la qualité

des perfonnes.Si c'eft vn folaftre & ignorant, nepen


fant pas que
tels efprits familiers foyent Diables , il·
doibt eftre puny par bonnes amendes honorables, 2. Bartol. inl.fi:

& pecuniaires.Car combien qu'en France l'affection rixa,&lu. §.


dinus de fica--
ne foit pas punie fans effect *:ſi eſt- ce qu'en ce cas l'ef. ris,ff.Angel..
fect y eft,à fçauoir i'inuocation: & fi-la perfonne qui de malefi
a faict telle inuocation, eft homme de lettres , & deb , in platea..
nu.31.D.inl.fi
fain iugement,il merite la mort . Car on ne peut nyer quis non dicam :
en ce cas qu'il n'ayt fciemment inuoqué Sathan : & fi rapere . de Epi-
·
celuy qui eft condamné à faire amende honorable ibi opis Cod
Baldus..
DES SORCIERS

pourtelle mefchanceté faict du retif, & qu'il refuſe


d'obeir à iuftice, il doit eſtre cõdamné à la mort : có,

meil fut fait par arreft de la Cour le xvII d'Auril,

M.D.xxix de lean Berquin : lequel ne voulant faire

l'améde honorable pour vne hereſie, fut condamné


d'eſtre brulé tout vif, & fut auſſi toft executé . Et

neantmoins quand on dit que l'attentat en France

n'eft pas puny fans l'effect: Cefte maxime n'eft pas ve-
ritable en tous les crimes atroces , où l'attentat &

2.Bald.Salicet. l'effort eft puny fans l'effect : & celuy qui a baille la

inl.fiquisnon poifon,qui n'a forty effect, eft puny , encores que la

dicacapere.de peine ne foit pas fi griefue: Ce qui a lieu en to delicts.


Epicofpis,C.
1. cogitatio- Or il n'eft pas en la puiffance des Princes de pardon-

mis ,depœnis, ner vn crime que la loy de Dieu punift de peine de


vbi Bartol.l. is
qui cum telo, de mort:comme font les crimes de sorcelleries . Ioinct

jicary's, C.et auffi que les Princes font vne grande iniure à Dieu

conatum intue- de pardonner de fi horribles mefchacetés commiſes


quotieslexfel
tur,vt notat directement contre la Majefté , veu que le moindre

Bar.inl.gene- Prince vange fes iniures capitalement . Auffi ceux la


ralit.§.1.deca-
luniatorib.ff
. qui font euader les sorciers , ou qui n'en font puni-

tion à toute rigueur, le peuuent affeurer, qu'ils feront


abandonnés de Dieu à la mercy des sorciers . Etle

pays qui les endurera, fera batu de peftes , famines &

guerres,& ceux qui en feront la vengeance, feront be-


nits de Dieu , & ferot ceffer fa fureur. C'est pourquoy

celuy qui eft attainct & accusé d'eftre sorcier, ne doit

iamais eftre enuoyéabfous à pur & à plain fila calom-


nie de l'accufateur ou delateur, n'eft plus claire que le

foleil.D'autant que la preuue de telles mefchancetés

eft fi cachee & fi difficile , qu'il ny auroit iamais per-


fonne
LIVRE QVATRIESME. 217

fonne accufé ny puny d'vn million de sorciers qu'il y


a ,fi les parties eftoyent reglees en procés ordinaire
par faute
faute de
de preuue : c'eft pourquoy l'ordonnance

ne permet point cela aux Iuges en crimes, fi la matie-

re ny eft difpofee. Combien que Plutarque efcrit des

Lacedemoniens, qu'ils n'auoyent iamais accouſtumé

d'abſouldre à pur & à plain : ains feulement eflargir


iufques au r'appel en quelque crime que ce fut.Nous

auons remarqué cy deffus que la sorciere nommee


Sybille Diuifcops , au Duché deCleues, eſtant bruſlee,

la main qu'on voyoit qui perfecutoit tous les paffas,


ceffa foudain . Apres que la sorciere de Bieure qui

eft pres de cefte ville de Laon fuft bruflee , les morta-


les ve-
lités d'hommes & beſtes, qui aduenoyent par
nefices céfferét. Encorés eft il à noter , ce que i'ay ap-

prins de maiſtre Adam Martin, qui luy a faitfon pro-

cés:c'eft qu'elle menaça vne femme qu'elle n'alaite-


roit iamais enfant,foudain fon laid feicha: & combie

qu'elle cuft depuis plufieurs enfans,fi eft- ce que fon


laict tariffoit toufiours:mais fon laict retourna auſſi

toft que la sorciere fut executee , & fut brulee toute

vifue par vniufte iugement de Dieu , contre l'aduis

des Iuges, qui auoyent ordonné qu'elle fuft eftran-

glee.Et me fouuient auoir leu au liure intitulé Mal-

leus maleficarum, que la pefte ne ceffa poinct en vn

bourg d'Allemaigne au pays de Conftance , iufques .

à ce qu'on eut deterré vne sorciere , & redigéfon

corps en cendres. Comme en cas pareil il y eut vne

femme au village de Verigny pres de Concy , la-

quelle fut attainte & accufee de plufieurs malefices :


Ili
DES SORCIERS

& pour la difficulté de la preuue relaſchee : depuis

i'ay fçeu des habitans qu'il eftoit mort vne infinité

de beftial , & de perfonnes . Elle mourut au mois


d'Auril 1579 :depuis fa mort tous les habitans de Ve-

rigny, & le beſtail ſont en repos, & ne ſe meurent plus

comme de couftume. Qui eft bien pour monſtrer


que la caufe principalle ceffant les effects ceffent, en

cores que Dieu face tomber les afflictions ſur ceux

qu'il luy plaift..

REFVTATION
218

REFVTATION DES

OPINIONS DE JEAN
VV IE R.

VR la fin de ceft' œuure , & fur le

point de le mettre foubz la preffe ,


l'Imprimeur auquel i'en auois don-

né la charge m'enuoya vn nouueau


liure de Lamijs de Iean Wier Mede.
cin, ou il fouftient que les Sorciers , & Sorcieres ne

doibuent eftre punies: ce qui a differé l'impreffion

de l'œuure. Long temps au parauat Wier auoit tenu 2.in lib.de Pra
cefte opinion : & fur ce qu'on luy auoit refifté fansfig.

toucher les cordes principales d'vn tel fubiect, il au-


roit repliqué en telle forte, que s'il euft eu la victoire .
Qui m'a donné occafion de luy refpondre non par

haine : mais premierement pour l'honneur de Dieu,


contre lequel il s'eft armé. En ſecond lieu pour leuer
l'opinion de quelques luges , aufquels c'eft homme

là fe vante d'auoit fait changer d'opinion, fe glorifiat

d'auoir gaigné ce point par fes liures , qu'on eflar.


giffoit maintenant les Sorciers à pur & à plain, ap-

pellant bourreaux les autres iuges quiles font mou-

rir :ce qui m'a fort eftonné: car il faut bien que telle

opinion foit d'vn homme tref ignorat , outref


-mef
Ili ij
REFVTATION DES OPIN.

chat. Or Iean Wier monftre par ces liures qu'il n'eſt


poinct ignorant , & mefmes qu'il eft medecin , &

3.lib.3.4
de Praft. neantmoins il enfeigne en ces liures mille forcelle-
ries damnables , iufques à mettre les mots , les inuo-
cations, les figures , les cercles , les characteres des

plus grands Sorciers , qui furent oncques pour faire


mille mefchancetés execrables , que ie n'ay peu lire

fans horreur. D'auantage il met tous les autheurs Sor-


ciers, & les plus fignales qui furent oncques, pour y

auoir recours : & qui plus eſt, à la fin de fon liure de


Praftigiis imprimé à Bafle M.D.Lxxv.ila mis l'in-

uentaire de la Monarchie Diabolique auec les noms.


& furnoms des foixante & douze Princes , & de fept

millions, quatre cens cinq mil neuf cens vingt lix


Diables,fauf l'erreur du calcul.Car il conte par legi-

ons les petis, & en met fix mil fix cens foixante & fix

en chacune legion:adiouſtant leurs qualités & pro..

prietés, & à quoy ils pouuoyent feruir pour les in-

uoquer.Et neantmoins apres auoir enfeigné curieu-

femet les receptes Diaboliques, il adioufte ces mots,

(mais cela eft meſchat) .Laloy premiere de Variis co-

gnit. ans ,medicos , ff. dict qu'il ne faut pas appeller.


Medecin celuy qui incantauit, qui imprecatus eft, qui,

vt vulgari verbo impoftorum vtar , exorcifauit : non funt

ifta medicinagenera.Mais la loy de Dieu ne dit pas que


c'eft vne fimple impofture, ains vne dereftable im-

picté .On peut doc appeller impofteur celuy qui ne


fe contéte pas de faire, ains encores qui enſeigne par

liures imprimés telles mefchancetés, & pour les cou-

urir, il parle quelquesfois de Dieu, & defaloy, qui cft.

Pimpo-
DE IEAN WIER. 219

l'impofture de laquelle Sathan & fes fubiets ont tou-


fiours vfé.C'eft à fçauoir,foubz le voile des chofes

faictes & facrees, faire paffer toutes les impietez, qu'o


2.1.1.de abditis
peut imaginer.Fernel dict auoir veu vn Sorcier , leql rerum canfis.
en difant des oraifos & mots facrés auec des mots bar

barcs,faifoit voir en vn miroir ce qu'il vouloit . Ce

que dit auffi Origene, & l'iterprete Grec de Synefius. 4.in lib. moşă

Or on peut dire deWier,& de telles ges ce que dictví .

Dionifius.ad Sofipatru parlat d'Apollophanes, Diuinis


aduerfus Deum nefariè vtitur. Comme auffi Wier con-

feffe auoir tranfcript la Stenographie de leã Triteme

qu'il trouua en l'eftude de fo maiftre Agrippa, laquel-


le eft toute pleine d'oraifons, & d'inuocatios de Dia-

bles , & l'vn des plus deteftables liures du mode, com-


me auffi a efcript Carolus Bouillus. Nous lifons que 3 Nicephorus
vn ieune homme nommé Lollianus fut banny , & fes Califtus lib.xo ..

biens confifqués pour auoir tráfcriptvn liure de Ma

gie, & qu'elle peine merite celuy qui la fouftiét, voire.

qui l'enfeigne par dits & par efcripts . Il ne faut pas


donc s'arrefter quad Wier parle de Dieu , puis qu'on

void de fihorribles blafphemes en ces liures.Cartout

ainfi qu'il ny a poifon plus dangereufe, que celle qui


eft coulec auec le fucere,ou fauces appetiffantes, d'au

tant qu'elle eft auallee plus auidemment, & plus dif


ficilement ſe vomift: Auffi n'y a il impieté plus gran-

de-que celle qui eft couuerte du voile de pieté . Pay

dict cy deuant, que Satha à des Sorciers de toutes qua


lités. Il a eu autresfois plufieurs Papes, come efcript le

Cardinal Benon , Naucler,& Platin : Il a des Roys , des

Prices, des Preftres , des Prefcheurs, en plufieurs lieux.


Li
REFVTATION DES OPIN.

des Iuges, des medecins,brief il en a de tous meſtiers .

Mais il n'a point de meilleurs fubiets à fon gré, que

ceux qui font les autres sorciers, & qui les attirent par

2 Vide Petrum dits, ou par efcripts, en fes filets , ou qui empefchent


Mamor flagellu la punition des Sorciers . l'ay remarqué cy deuant*
maleficarum.
que Guillaume de Lure Docteur en Theologie,
grand Predicateur , fut condamné comme Sorcier à
Poitiers l'an mil quattre cents cinquante trois , le

douziefme Decembre , conuaincu par tefmoings, &

par fa confeffion propre, qui fe trouue encores és re-


giftres de Poitiers , comme l'ay fçeu de Saluert Pre-

fident de Poitiers, que par obligation reciproque

qu'il auoit auec Sathan, de laquelle il fut trouué faifi ,

il auoit promis en renonçant à Dieu , & facrifiant au

Diable, de prefcher , comme il fift , que tout ce que


on difoit des Sorciers, n'eftoit que fable, & que c'e-
ftoit cruellement fait de les condamner à mort,

& par ce moyen , dit- il , la punition des Sorciers

ceffa , & le regne de sathan fut eftably, croiffant

le nombre infiny de Sorciers . Tous les compa-

gnons de ce Prefcheur ne font pas morts . Car il

s'eft trouué ,n'a pas long temps , vn Preſtre nommé

dela Mote, fameux Sorcier,qui cõtrefaiſoit l'exorci-


fte, & le Diable dift qu'il ne fortiroit point du corps

d'vne perſonne que pour ceſtuy-là : Nous voyos que


Wier efcrit ce que le Docteur en Diabologie pre-
fchoit. D'auantage il fait bien à noter que Wier con-
4.lib.2.c.5. de
Praftig. fella qu'il eftoit difciple d'Agrippa , le plus grand

Sorcier qui fut onques de fon aage , & non feulement


il cftoit fon difciple, ains auffifon valet & feruiteur,
beuuant
DE IEAN WIER. 220

beuuant, mangeant, & couchant auec luy : comme il

confeffé ' , apres que Agrippa eut repudié fa femme . 5.D.l.2.ca.5.


o.in Elogius.
Et fur ce que Paul Ioue , & plufieurs autres ont
efcript que le chien noir d'Agrippa , qu'il appelloit

Monfieur,fitoft que Agrippa fut mort en l'hoſpital


de Grenoble , s'alla getter en la riuiere deuant tout
le monde, & que depuis ne fut iamais veu : Wier dict

que ce n'eftoit pas Sathan en guiſe de chien , ains que

il le menoit apres Agrippa en leffe, & que le chien


couchoit entre Agrippa, & luy . Et quand il parle de
fon maiſtre sorcier il dit : Felicis memoria Agrippa,

ou bien Venerandi præceptoris mei Agrippa : Et 6.li.3.c.35.mon


neantmoins il n'y a homme de fain iugement, qui ne venerable mai
fire & d'heu-
confeffe apres auoir leu les liures d'Agrippa , que reuse memoire..

c'eſtoit l'vn des plus grands Sorciers du monde . Ce

qui eft encores plus euident par les epiftres qui


font à la fin des trois liures de Occulta Philofophia, où

ilefcript à vn certain Auguftin Italien , qu'il auoit


referué la clef de l'Occulte Philofophie à fes amys

feulement:qui eft le quatriefme liure,que les difciples

& amys d'Agrippa ont faict imprimer apres la mort

de leur maiftre , lequel liure defcouure comme en

plein iour, " la poifon deteftable de Sorcellerie , auec.


toutes les inuocations des Dæmons, & les cercles ,

characteres, & facrifices faits à Sathan.l'ay bien vou-

lu mettre quel homme eftoit Agrippa ,à fin qu'on


ne s'efmerueillé fi VVier s'efcarmouche fi fort pour

la protection des Sorciers , appellant les Magiſtrats

cruels bourreaux, & bouchers. Et qui plus eft, il s'eft

efforcé de falfifier la Loy ' de Dieu où il eft efcript Exod.c.22 .

ainfi : Tu ne ſouffriras point que la Sorciere viuc..


REFVTATION DES OPIN.

prenant le Grec , & interpretant que la loy veut que


on face mourir les empoisonneurs , & non pas les

Sorciers foubs le mot Equiuoque, & laiffant la lettre

Hebraique qui n'a aucune difficulté Laloy de mot à


moteft telle, m . Le mot Hebrieu vient de
fi-
,qui fignific eſblouir les yeux, & le mot

2. Exod. ca. 7. gnifie preftigiateur en l'Exode ' , & en plufieurs au-


3. Habacuc.c.3 . tres lieux de la Saincte Efcripture , que i'ay remar-
Michea cap. 5.

& lib.4. Re quez, où le mot de Mecafphim ne fe prend point au-


gum.ca. 9. & trement que pour Sorciers.Et d'autant que tous Sor
lb. 2. Paralip.
e.33 . Efaia ciers ordinairement font mourir les perfonnes , &
6.47 . He qu'ils vfent de pouldres, offements, beftes venimeu-
remia.c.27.les , les Grecs les ont appellez qaquarias , & papuanoùs

Nahum.ca . 3. & φαρμακευτὰς , & les femmes φαρμακίδας , & φαρμακευ

Teias,par- ce que la pluſpart des sorciers contre-font


les Medecins , & Exorciſtes : Mais Iean Wier vou-

lant defguifer la Loy de Dieu, qui eft publicaen He-


brieu foubs vmbre de l'interpretation Grecque a

commis vn erreur trop groffier, où il dict que les em-

poifonneurs s'appellent aquas'uds, qui n'eft poinct


vn erreur d'Imprimeur : Car l'accent defcouure le

contraire , ioint qu'il eſt ainfi en la Preface du liure


des Preſtiges, & le mefme erreur eft au liure troifief-

me, chapitre trentehuictiefme , & au liure fixiefme,

chapitre vingtdeuxiefme, & au liure de Lamijs, cha-

pitre quatriefme , au lieu qu'il deuoit dire papuaxias


ou par contraction ,paguanes : Mais l'erreur eft bien

plus grand aux choſes . Cat Philon Hebrieu & les

foixante & douze Interpretes ,n'ayant autre mot plus


propre en Grec , ont ainfi tourné le mot de Mecaf.

phat,
DE IEAN WIER. 221

phat qui ne fignifie rien autre chofe , que Sorciers .

Et le mot Grec fignifie rie apothecaires , & époiſon-


neurs , & teinturiers , & arboristes , & Sorciers , &

ceux qui purifioyent anciennement les temples fouil-


lés , & qui fayfoyent fortir les Diables , que la loy * ap- 2.1.1.§.medicos

pelle exorciftes , & impofteurs: ce qui a efté remar devarsisco-


qué par Eufthatius interpretant le xx11.liure de l'O- gnit.ff.

dyffee, fur la fin . Mais pour montrer que les Grecs

ordinairement, & fans equiuocation appelloyent les


Sorciers paguanoùs , & non pas empoisonneurs , on

le peut veoir en Diofcoride, quand il dict que le Ner-


prun ou Rhamnus empefche les meſchancetés des
charmeurs . Ces mots font tels , angid ràs Th Qœqμα-

néwp nanovgyías & Ariftote parlant de l'Hippomanes au


liure vi . chap . XVIII . de hiſtoria animalium , appelle
les Sorciers & Tus paguandes . quand il dict que

l'Hippomanes fert aux Sorciers , qui n'eft point poi-

fon,puifque les Sorciers le font prendre aux hom-


mes pour aymer. Et mefme Theocrite parlat de l'Hip-
pomanes, dit que c'eft vne herbe qui croiſt en Thef

falie, c'eſt a dire vn fortilege Theffalien. Car c'eſt en


φαρμα-
L'Eclogue de la Sorciere ', qu'il appelle paguanévτgiar, 5.in dagμa-
κεντρίᾳ
laquelle employe tous les charmes, veuz , prieres &
ne
inuocations aux aftres , & demons , auec l'oyfeau que

les Grecs appellent yya , les Latins Motacillam , les



François Mouette , qui n'eftoit pas pour empoifon.
Dien
ner fon amy:mais pour l'attirer eftant efloigne d'icel-
le. Auffi la Mouette eft bonne a manger , combien

plus que Seruius dict que le mot y fignifie vne forte de


cal
flufte pour entonner les charmes des Sorciers , qui
KKK
REFVTATION DES OPIN.

monftre bien que ce n'eft riende poiſon , en quelque


6.lib.9.c.17.de
biter, nimfignification qu'on le veille prendre. Auffi Ariftote

parlant de l'oifeau Sippe dictainfi , Il eft courageux,


aifé a appriuoifer bon à menger , & dict on qu'il

fert à la Sorcellerie , pour faire ſçauoir les choſes ca-


chees:il vfe du mot dagμanda . Ie mettray ces mots qui

font tels , σίππη τὸ μον ἦθος μαχιμός , τὴν δὲ διάνοιαν ἔθικτος

καὶ ἐνθύμωμ καὶ ἐυβίοτος καὶ λέγεται φαρμακεία είναι πια τὸ πολυΐ
7.in libro de opisiva . Auffilifons nous en Hippocrate , que ceux
Morbofacro.
qui eftoyent enforcelés par les Sorciers, s'appelloyent
pagyulio :cartout le liure de morbofacro efcript con-
tre les Sorciers , qu'il appelle μαλούς , 29ητὰς, φαρμακοὺς κ

augTas: c'eft a dire magiciens, impofteurs, sorciers , Sar-


latans, lefquels dict il , fe vantent d'attirer la lune,

obfcurcir le foleil , faire la tempefte , & afferuir les

Dieux . Or chacun fçait, que les sorciers font mourir

fans aucune poiſon , auec vne pomme , ou en tou-


chant de la main , ou d'vne verge , comme dit Car-
dan auoir veu à Pauie vne Sorciere qui tua tout roi-

de mort vn enfant , en luy touchant doucement fur

le dos d'vne verge . La sorciere Medee ialouſe que


Glauca fille du Roy Creon efpoufoit fon amy Iafon,

elle luy enuoya vne couronne d'or le iour de fes nop-


ces, & foudain qu'elle eut mis la couronne fur fa tefte,

la flamme y print, & mourutfoudain comme dit Eu.


4
ripide in Medca, vfant dumot φαρμάκων τῶν σῶν ὑπο : c'eft

à dire par tes Sorcelleries , & non pas par poiſons.

Car il eft dit que Medee facrifia ces deux propres en-

fans pour venir à chefde faire mourir Glauca , & de

tels facrifices s'entend la loy exfenatufcofulto , de fica.ff.


ouil
DE IEAN VVIER. 222

où il eft dit , Ex fenatufconfulto eadem legis Cornelia pœna


tenetur , qui malafacrificiafecerit,habuerit : c'est à dire ,les

facrifices deteftables des sorciers, & no pas des Payans,

comme dict Accurfe en la glofe : car l'autheur mef-

mes de la loy eftoit Payan : où il appert que le Senat


interpretant la loy contre les meurtriers , donna fon

arreft contre ceux qui ont , ou qui font les facrifices

deteftables des sorciers . Et pour montrer encores

plus la difference qu'il y a entre la poifon & fortile-


le mot φαρμακεία,
ge , I'vn & l'autre eftant fignifié par
comme le mot Latin , veneficium,fignifie poifon natu-

relle , & fortilege, il faut voir Platon au liure onziefme


des Loix , où il faict diſtinction de l'vn & l'autre , &

decerne peine de mort contre les preftres , & arufpi-


ces , qui auroient fait mourir quelcun par facrifices,
liaiſons, enchantemens, ou autres forcelleries qu'il dit

ἢ τῶν τοιέτων φαρμακείων ὧντινωνοι , & le tiltre de la loy


eft tel 29'29s st vós piaguandas, s'éfuit la loy des poi-

ſons & forcelleries , ou il appelle telles liaiſons illece- verba Platonie


bres , & enchantemens , κατὰ δεσέσεις ἐπαγωγάς, ἐπωδάς , ἀνκ ἄξιον ἐπι-
χειρείν πείθιμ
Puis apres il fait vn article de loy pour celuy qui em- are
αντε
ex
poifonne fans magie aveù μs ,& puis il dict , que ἴδωσι ♪ T-
les Sorciers befongnent par moyens eftranges , & eadem
τα πεπλαστ
quiferoient incroyables , fi on ne les auoit veuz met- μένα ε τέπι
tre leurs images de cire aux carrefours. aux fepulchres Tedors T'

de leurs peres, & foubz les portes, ou l'o voit cuidem- víμxos-

ment les images de cire, dont ils vfoient du temps, & véwp .

auparauant Platon , come font nos Sorciers, qui n'ont

pas leu Platon , & par le moyen defquelles images,

auec l'ayde de Sathan elles font mourir les perfonnes.


KKk ij
REFVTATION DES OPIN.

C'eftpourquoy Azon interpretant ces mots de la loy


premiere de maleficis & mathematicis , ou il eft dict,

plus est occidere veneno quàm gladio , dit , venenum arte


magica datum , & en la loy venenum, adl.Corneliam de

ficariis & en la loy venenum , de verborum fignif. ff.le


mot de venenum emporte l'vn & l'autre . Mais d'au-

tant que Wier allegue l'interpretation de Ioſeph,

qui eft ambigue , pour le mettre hors d'equiuoca-


tion à fin que laloy de Dieu ne foit falfifice , il faut

voir Philon Hebricu compaignon ,& amy de Iofeph

qui à interpreté c'eft article de la loy de Dieu d'He-


7.In libre
brieu en Grec au liure' desloix particuliaires ou il dit
Thainfi ,la loy de Dieu, dit il, a en horreur les Magiciés &
ναφερομένων
Sorciers vfant des mots μαγοὶ καὶ φαρμακευταί qui par
οὐ είκε νόμωμ.

moye & ars dánables font mille maux , qu'elle veut

que le iour mefmes qu'ils feront pris, qu'on les execu .


te àmort comme la loy derniere de maleficis C. dict,

que celuy qui aura defcouuert vn Sorcier, illico ad pu- ,


blicupertrahat.Puis apres que Philon a declaré les mef-
chacetés des Sorciers , & magiciens , il diſtingue la ma-

gie naturelle, qu'il appelle Phyſique , d'auec le magie


des enchanteurs Sorciers , & preſtigiateurs , qui font
des exorcifmes & enchantemens , & mettent les ini-

mitiés capitalles entre les amys , & autres mefchance-

tés incroyables , ou chacun peut veoir l'euidente ca-

lomnie de Ichan Wier, qui fouftient que la loy de

Dieu ne veut pas, que les Sorcieres foyết mises à mort

ains feulement ceux qui empoiffonnent . Ie demeu-

refur ce point,qui eft de grande confequence , pour

fçauoir s'ilfaut abfouldre tant d'innocens, comme dit


Wier
DE IEAN WIER. 223

Wier & s'arreſter à fes calomnies, ou bien à la loy

de Dieu , qui deffend de laiffer viure les Sorciers vn

feuliour.Et qui peut mieux entendre la langue He-

braique & la loy de Dieu , que les Hebrieux , & pro-

phetes . Or Elias Leuites pour ofter toute equiuoca-


tio,a tourné le mot de Mecafphat, lamia , duquel mot

avlé.Horace Neupranfa lamia viuum puerum extrahat 8. in arte poet.

almo Hefichius les appelle λαμιώδης γυναικάς : combien 9.1m lib . odyf.

que à la verité Euftathius fur Hom ere dit ' que lamia VideDyon.
13.num.33 .

fignifie vn Demon en guife de femme: & en mef- chryfoftomus in

me fignificatio l'a pris Philoftrate ', ou il dict que Ap- Lybica fabula
1.in vita A
pollonius Thianeus chaffa de Corinthe vne lamie pollony.

qui deuoroit les ieunes perfonnes . Wier dict qu'il


n'eft poinct mentio de lamies en la faincte Efcripture,
le moteft Grec , & le viel teftament en Hebrieu : Et

quand lefaye deteftoit la ville de Babilonne pour fes


Sorcelleries il dit, qu'il ny demeurera pierre fur pier-

re(ce qui eft aduenu : Car long temps a qu'il ny a hom-

me viuant qui puiffe remarquer vne pierre de ruines


de cefte ville là, qui auoit du moins xxx. lieues de tour
en quarré) ou come dict Ionas & Herodote troisiour-

nées,ains que les luitons & demos y ferőt leurs dáfes,

& que la fec ou lamie y fera fa demeure . Il y en a en He-

breiun , que les Lxx11 . interpretes ont tourné è̟μ-

T … , & les Latins lamia , qui eſt tout vn : Et d'autant

que ce demon fe voit es lieux deferts , comme eft


F'Afrique pour la plufpart , Dion en l'hiſtoire d'Afri-

que la defcript comme vne befte fauuage , qui a le

vifage d'vne femme tref belle, & pour attirer les paf-
fans , elle defcouure fon efto mmach , & fes tetins
KKk iij
REFVTATION DES OPIN.

& d'vn regard modefte & gratieux, le furplus eft vn

ferpent plain d'efcailles, & la tefte de ferpens au lieu


des pieds, & fi toft qu'on approche, elle deuore l'hō-
me auidemmens : Ce qui fe peut r'apporter à ce que
dit Hieremie .Lamia nudarunt vbera , Threnorum ca. 4.

C'estpourquoy tels efprits font appellés deuorateurs,


& lamies , παρὰ τὸ λελάμμα ou de λαιμός qui fignifie

2. in illud Ho- ingluuies, comme dict Porphirion . Et pour mefme

raty,
fa Neupra-
Lami a. caufe le poiffon , qui deuore tout , & les hommes
3. Apud Eu- tous entiers eft appellé lamia, comme dict Nicandre
3
ftathium in o- Colophonien & d'autant que les Sorciers hument
diß.li.13.
auidemment le fang des perfonnes , Apulee appelle
Sorcieres lamias , comme celle qui fift vne ouuer-

ture en la gorge de Socrate compagnon d'Apulee

couché aupres de luy, & endormy, & receuillit le fang

en vn vaiffeau , puis renferma la playe , & Socrates s'e-


ueillant , dit qu'il n'auoit rien fenty, & n'en faifoit que
rire : neantmoins le iour fuyuant il mourut . A quoy

fe rapporte la fentence allegorique de Salomon, que

l'aigle repaift fes petits de fang, ilentend par l'aigle Sa


than , qui nourrift fes fubiets de telle viande. Auffi

Porphire dict que les Demons , & malins efprits ay-

ment les facrifices , pour fe repaiſtre de la fumee du


fang au liure mixõs Théµtúxor, qui meriteroient
bien eftre traduits de Grec en Latin. C'est pourquoy

Dieu voulant retirer fon peuple des facrifices qu'ils

faifoyent aux Demons , commande qu'on efpande


le fang deffus , & à cofté dextre de fon autel , & à fin

qu'on fçeuft , que c'eftoit pour deftourner fon peu-

2. Lewiti.c.17. ple de telles impietez , il eft dictainfi : Et ne vous ' ad-


uienne
DE IEAN WIER. 224

viene iamais par cy apres d'aller facrifier aux Diables,

& fatyres, apres lefquels vous aués idolatré , & pail-


lardé . Car ils auoyent accouftumé ( comme dict le

Rabin Moyfe Maymon )' d'aller facrifier aux Demons 3.lib.3 .


foubs les arbres, & montaignes , & mettre partie du

fang en vne foffe, autour de laquelle ils banquetoyent

auec les malins efprits . Ainfi s'entend l'article de la . ‫כמידי חג נכים‬


loy de Dieu , qui dict ', Vous ne mangeres point fur 7.Leuiti.ca.19.

le fang, & ne ferés point sorciers : il y a en Hebrieu

que les interpretes ont tourné , cum fanguine,


contrela nature de la propofition qui fignificfuper,

n'ayant prins garde à cefte couftume , que le Rabin


Maymon dict eftre venue des Caldeans . C'eſt pour-
4
quoy le prophete Nahum deteftant la paillarde 4.c.3 . verf
. 4
Babylone ville Capitalle de Caldee , dict qu'elle est

puiſſante en Sorcelleries,& qui a enfeigné les Sorcel-


feries à tous les peuples de la terre : le prophete à vé

du mot fufdict , & ‫ות‬ que Rabby Dauid Kim-

hy a interpretényen mefme fignification de Sor-

ciers & Ionatas Be-Vriel interprete Caldean à tourné

run, qui font Sorcelleries . Car l'interprete Caldean

ofte non feulemét l'equiuocatio, ains auffi eſclarcift le


vray fens de l'Escriture S.Auffi feroit ce chofe inepte

de dire que Babylone cuft fourny de poifons tous les

peuples & Roys de la terre : veu qu'en tous pays il y a


bonne prouifion de poifons de quoy Pline fe plaint .
Mais il eft bien notoire qu'ils eftoyent les premiers

sorciers, & magiciens du monde come tous les Grecs

& Latins demeurent d'accord , que pour cefte cauſe

le mot de Chaldæus , fignific sorcier,deuin, magicien ,


REFVTATION DES OPIN.

comme did Hefichius χαλδαϊοι το γένΘθ μαγών &


s.indiuina fouuent en Ciceron ' , & en noz loix , & en la faincte

6..nemo,de ma efcripture ' & quand il eft dict au liure des Roys que
leficis & Ma- des Sorcelleries de Iefabel Royne de Samarie la terre
thematicis.C .
Daniel.c.2 eftoit infectée , on lit le meſme mot de qui ne

refa.cap. peut fignifier poiſons.Car elle fift tuer les prophetes


7.Lib.3.c.18.
de Dieu, qu'elle hayoit à mort, & Nabot à force ou-

uerte , & non pas par poifons : & depuis que ceſte
forciere la eut attiré les sorciers en Samarie , comme
la Royne Medee en Theffalie , fix cens ans apres la

Samarie demeura toufiours infectee de ceste pefte,

tellement qu'on difoit en prouerbe , Tu es Samari-


tain,tu as vn Diable familier : Ce qui fut dictà Iefus

7.Ioan.8 . Chriſt ' par fes ennemis en le calomniant , & de ce


pays-là meſmes eftoit Symon furnommé le sorcier
ou Magicié, maiſtre de Menander . Mais Wier calom-

8.Exod . 22. niant c'eft article de la Loy de Dieu (que la Sorciere*

meure foudain) n'a pas pris garde pourquoy la loy n'a

pas dict Sorcier : Car ce n'eft pas pour efpargner les


sorciers ny les medecins , & apothecaires,s'ils empoi

fonnet, & qui s'étendet beaucoup mieux aux poifos,


que non pas les femmes : Mais la loy de Dieu a voulu

monftrer , que les hommes font moins infectés de

cefte maladie , & que pour vn homme il y a cinquate


6
6.in libre
femmes comme il eft dit au prouerbe Hebrieu
‫פירקי אבות‬
Plus de femmes , plus de sorcières c'est à dire nato
8
‫ נשים מרב‬C'est pourquoy Pline dict que les fem-
1970
8.lib. 25- ca.11. Ovɔɔ ‫ה‬

mes font excellentes en sorcelleries , c'eſt a dire femi

narumfcientiam in veneficio præualere : ce qu'il n'en-

tend pas poiſon, car il met pour exemple Ĉirce , qui


changeoit
DE IEAN WIER. 225

changeoit les homes en beftes, ce que toutes les poi-


fons du monde ne fçauroyent faire.Auffi Quintilian' 9. in declama-

dict, que la prefomption cft plus grande que la fem- .

me foit sorciere, que l'homme , & l'homme pluftoft


voleur que la femme , Latrocinium in viro facilius , ve-

neficium infœmina credam. Qu'on life les liures de tous

ceux qui ont efcript des Sorciers , ilfe trouuera cin-

quante femmes Sorcieres ou demoniaques pour vn

home, comme l'ay remarqué cy deuant. Ce qui aduiết


non pas pour la fragilité du ſexe à mon aduis: Car

nous voyons vne opiniaftreté indoutable en la plus

part, & qu'elles font bien fouuent plus conftantes à

fouffrir la queftion que les hommes, comme il fut ef- 9.Tacitus libr.

prouué en la cóiurarion ' de Neron , & apres la mort 14.


d'Hippias Tyran d'Athenes, que les femmes fe tran-

choyent la langue pour ofter toute efperance de tirer

la verité. Et de plufieurs femmes martyres il y auroit

plus d'apparence de dire , que c'eft la force de la cupi-


dité beſtiale , qui a reduict la femme à l'extremité

pour iouir de ces appetits, ou pour fe venger. Et fem-

ble que pour cefte cauſe Platon met la femme entre


l'homme & la befte brute. Car on voit les parties vi-

fceralles plus grandes aux femmes que aux hommes,


qui n'ont pas les cupidites fi violetes . Et au contrai-

re les teftes des hommes font plus groffes de beau-

coup, & par confequent ils ont plus de cerueau , &

de prudence, que les femmes: Ce que les Poëtes ont

figuré quand ils ont dict que Pallas Deeffe de fageffe


eftoit née du cerueau de Iupiter , & qu'elle n'auoit

point de mere : pour monftrer que la fageſſe ne vient


LLI
REFVTATION DES OPIN.

iamais des femmes , qui approchet plus de la natu-

re des beftes brutes .Ioinct auffi que Sathan s'adreſſa


premierement à la femme par laquelle l'homme fut

feduict ; D'auantage ie tiens que Dieu à voulu ran-

ger , & affoiblir Sathan , luy donnant puiſſance or-

dinairemet & premieremét fur les creatures moins di


gnes,comme fur les ferpes,fur les mouches, & autres

beftes que la loy de Dieu appelle imodes & puis fur les

autres beftes brutes pluftoft que fur le gére humaĩ: Et

fur les fémes pluftoft que fur les homes & fur les homes

q viuet en beftes pluftoft, q fur les autres. Ioit auffi q Sa


tha par le moyé des femes attire les maris & les é fás à fa

cordelle.Et par aïfi refolution de la loy deDieu demeu-


rera , que la Sorciere foudain doibt eftre mis à mort, &

la calonie de Wier contre la loy de Dieu & des magi


ftrats executas fon mademet fera reiectee . Car Wier

x.lib.2.c. 4. & ' eſt d'accord que les sorcieres ont communicatió , &

8.34. paction auec les Diables , & qu'elles font beaucoup


li.4.c.14.lib.
S.cap.9.de de mefchancetés a l'ayde du Diable , & neantmoins

Praftigiis , au liure de lamiis il dict tantoft qu'il ny a point de pa-


Sapealibi.
tion , & tantoft qu'on ne fçauroit le prouuer, tan-
&

toft qu'il ne faut pas croire la confeffion des Sorcie-

res, & qu'elles s'abufent de penfer faire ce qu'elles di-

fent & que c'est la maladie melancholique qui les

tient . Voila la couuerture que les ignorans , ou les

Sorciers ont prise pour faire euader leurs femblables

& accroiftre le regne de Sathan.Par cy deuant ceux

qui ont dict que c'eftoit la melancholie , ne pen-


foyent pas qu'il y euft des Demons , ny peut eftre

qu'il y cuft des anges , ny Dieu quelconque . Mais


Wier
DE IEAN WIER. 226

Wier confeffe qu'il y a vn Dieu (comme les Diables


le confeffent auffi , & tremblent foubz fa puiffance,
ainfi que nous lifons en l'Efcripture ') il confeffe auffi 2.Epiftola xace

par tous ces efcripts qu'ily à de bons & malins efprits bi.c.2
qui ont intelligence, & paction auec les hommes . Il

ne falloit donc pas attribuer les tranſports des sor-


ciers , leurs malefices , & actions eftranges à la me-

lancholie , & beaucoup moins faire les femmes me-

lancholiques , veu que l'antiquité à remarqué pour

chofe eftrange, que iamais femme ne mourut de me-

lancholie, ny l'homme de ioye , ains au contraire plu-

fieurs femmes meurent de ioye extreme & puifque Pline


Valerelin
Ma.x.7
Wier eſt medecin il ne peut ignorer , que l'humeur solin .
de la femme ne foit directement contraire à la melan-

cholie aduſte, dōt la fureur procede,foit qu'elle vien-

ne àìbileflaua adufta , aut àfucco melancholico , comme


les medecins demeurent d'accord . Carl'vn & l'autre

procede d'vne chaleur, & fechereffe exceffiue comme


dict Galen au liure de atrabile. Or les femmes naturel-

lement font froides &'humides comme dict le mef-

me autheur, & tous les Grecs , Latins , & Arabess'ac-


4
cordat en ce point icy.Et pour cefte caufe Galen dit 4.in li.de atra
bile
auffi que l'homme eftant d'vntemperament chaud, &

fec, en region chaude & feche, & en efté tombe en la

maladie melancholique, & neatmoins Olaus le grad,

Gafpar Peucerus, Saxo Gramaticus , & Wier mefmes eft

d'accord auec tous les inquifiteurs des sorciers d'Al-

lemaigne que fouz la regio arctique , ou la mer glace,

& en Allemaigne & aux mons des alpes, & de Sauoye


tout eft plein de sorcieres . Or il eft certain que les
LLI i
REFVTATION DES OPIN.

peuples de Septentrion tiennent auffi peu de la me

lancholie, comme les peuples d'Afrique de la pituité

Car on voit tous les peuples de Septentrion blancs,


les yeux vers , les cheueux blondz , & defliez , la face

vermeille , ioyeux & babilardz , choſe du tout con-


traire à l'humeur melancholique . D'auantage Hip-

pocrate au premier liure des maladies populaires,

& Galen au mefme liure tiennent que les femmes

generallement font plus faines que les hommes, pour


les flueurs menftruales , qui les garantiffent de mille

maladies.Iamais , dict Hippocrates, les femmes n'ont

s.in librode ve la goute ny vlceration des poulmons, dict Galen ',


nafeétione . ny d'epilefies, ny d'apoplexies , ny de frenefies , ny
de lethargies, ny de couulfions , ny de tremblement

tant qu'elles ont leurs flueurs , ou leurs menftruës,


in librode & fleurs . Et combien que Hippocrate ' dict que
Morbofacro. le mal caduc , & de ceux qui eftoyent affiegés des

Demons , qu'on appelloit maladie facree , eft na-

turelle : neantmoins il fouftient , que cela n'aduient

finon aux pituiteux , & non point aux bilieuz : ce

que lean Wier eftant medecin , ne pouuoit ignorer.


Or nous auons móftré que les femmes ordinaire-

ment font demoniaques pluftoft que les hom-


mes , & que les Sorcieres font tranfportees fouuent
en corps, & fouuent auffi rauies en ecftafe , eftant l'a-

me feparee du corps , par moyens diaboliques , de-

meurant le corps infenfible , & ftupide. ncores eft


il plus ridicule de dire , que la maladie des Sorcie

res prouient de melancholie , veu que les maladies


procedans de la melancholie , font toufiours dan-

gereufes.
DE IEAN WIER. 227

gereufes Neantmoins on void des Sorcieres , & qui 6, Gale.in lib.


ont faict ce meftier quarante, ou cinquante ans , & de deatra bile.

l'aage de douze ans , comme leanne Haruillier, qui fut


brulee viue le vingtneufiefme Auril mil cinq cens

feptante huict, & Magdaleine de la Croix , Abbeffe

de Cordoue en Efpaigne , mil cinq cens quarante

cinq,auoyent eu accointance ordinaire, & copulatio

auec le Diable, qui dura, quarante ans à l'vne , & tréte


a l'autre. Il faut dóc que Wier confeffe que c'eft vne

incongruité notable à luy qui eft Medecin , & igno-

rance par trop groffiere: (mais ce n'eſt pas ignorance)


d'attribuer aux femmes les maladies melanccholi-

ques,qui leur conuiennent auffi peu que les effects


loüables de l'humeur melancholique temperé , qui

rend l'homme fage , pofé , contemplatif, (comme

tous les anciens Philofophes & Medecins ont remar-

qué qui font qualités auffi peu compatibles auec la 7.Ariftot.in


Proble.fecti
femme , que le feu auec l'eau.Et mefmes Salomon 30.princip.

qui cognoiffoit aufli bien l'humeur des femmes , que

homme du monde, dit qu'il à veu de mil ' hommes 8.in Prouerbiis.

vn fage, mais de femme qu'il n'en à pas veu vne feu-


le.Laiffons donc l'erreur fanatique de ceux qui font

les femmes melancholiques . Auffi Wier voyant


que fon voile de melácholie eftoit deſcouuert par la

demonſtration & verité apparente par tant de loix

diuines & humaines , par tant d'hiſtoires de tous les

peuples de la terre, par tant de cófeffions les vnes vo-


lontaires,les autres forcees, partant de iugemens , de
.conuictions de condamnations , d'executions fai-

tes depuis trois mille ans en tous les pays du monde


LLI iij
REFVTATION DES OPIN.

il c'eſt aduiſé d'vne rufe trop groffiere , pour em-


9.cap.4 .& ca.
uli de Lamis,pefcher qu'on face mourir les sorciers , difant ' que le

Diable feduict les Sorcieres, & leur faict croire qu'el-

les font que luy mefme faict . Et ce faifant il fait

femblant , qu'il eft bien fors contraire à Sathan , &


ce pendant il fauue les Sorciers , qui eft en bons ter-

mes fe iouer auec Sathan de parolles, & en effect eſta-

blir fa grandeur & ſa puiffance . Car il fçait bien que

les magiftrats n'ont point de Iurifdiction ny de main

mife fur les Diables. Qui n'eft pas feulemen : abſou-


dre les Sorciers, ais auffi tous leurs meurtriers, voleurs,

inceftueux , & parricides , qui font pouffés par l'enne


mydu genre humain à faire ce qu'ils font .Puis il loue

4.cap . 24. de grandemét‘la taxe de la chambre du Pape · qui con-


Lamiis.
damne les Sorcieres repenties à deux ducats pour le

5.lib.3.c.35 . de pardon: & en autre lieu il dit que s'il fouftenoit que
Praftig. non feulement les Sorciers ne doyuent eftre punies

auffi qu'il n'eft fai-


6. Exod
0.8 .09 .0 à mort par la Loy de Dieu , ains
. c4.7.

22. Leuit.19.et te aucune mention des Sorcieres en la S. Efcripture,


20.Deutero.ca. qu'il ne peut eftre conucincu facilement.Icy i'appelle
18. 4. Reg.
6.9. & 21, & Dieu, & fa loy en teſmoignage , & mille paſſages ' de

23.et 2. Paral. la Bible pour conuaincre c'eft homme . Et pour co-


33. refa.ca.
34.8.8 47. gnoiftre à veuë d'œil qu'il n'y a rien plus abĥomina-
Daniel. cap . 2. ble deuant Dieu , ny plus fouuent defendu en toutes

Miche.c. 3.
cap.s. les Efcriptures, Baleham infpiré de Dieu benift le peu-

Ezechiel ca.13. ple d'Ifraël , quoy que Balaac Roy des Madianites ,

. ca.19. le fuppliaft
Num.ca.a.
Ierem - instamment de n'en rien faire : &
tref

& 23. 27. le Prophete le rend la raiſon : Car , dit- il , il n'y any
sosette. Enchanteur, ny Sorcier en ce peuple : Mais Dieu luy .
cap.16.
Nahum.c.3. fait fçauoir fa volonté quand il eft befoing. Et quand
Dieu
DE IEAN VVIER. 228

Dieu voulut monftrer combien il auoit en horreur

les sorcelleries, il dit , Gardez vous fur la vie de fuy-


ure les abominables couftumes de ces nations , que

i'ay rafé de la terre , pourles sorcelleries , Magies, di-


uinations, où il en met neuf genres , qui compren-

nent tous les autres ' : Mais il faict bien à noter qu'il 7.Deut. c. x 8

ne dict point qu'il a exterminé ces peuples pour les


homicides, parricides , inceftes, tyrannies , idolatries,

mais pour les sorcelleries , & d'autant que ces peu-


ples-là dedioyent leurs enfans au Diable Moloch ,
pour executer leurs Sorcelleries , Dieu commande

que celuy qui fera ceſte abhomination , ſoit lapidé:

qui eftoit la plus cruelle mort de toutes, comme o . Leuiti .20


dict le Rabin Maymon . Puis apres Dieu adiouſte 3.lib.8 ‫נמרי‬

qu'il eftendra fa fureur contre le peuple qui ſouf-


frira ces mefchancetez impunies . Et quand Samuel

voulut faire entendre à Saul la grandeur de fa ' faute,

Ton peché , dit il, eft auffi grand que le peché des
Sorciers . Et pour monftrer combien Dieu auoit en

horreur le Roy Manaffes , il eft dit , Manaſſes irrita


Dieu par ſes mefchancetez deteftables: Puis il eft dit,

qu'il eftoit Sorcier, ayant cóuention auec les Diables.

Il fut priué de fon Royaume,& mis aux feps en vne

priſon : Et cóbien qu'il fe fut repety grandemet, fi eft-


ce que cinquante ans apres fa mort Dieu dift au Pro-

phete Hieremie.Ie raferay à feu & à fang ceſte ville,

pour les mefchancetez execrables du Roy Manaffes.


& quant au lieu Tophet', où il auoit fait fes facrifi- 9.cap.19. Hie-
rons. so

ces à Sathan il eſt dict que ce fera le lieu des meur-


tres pour vanger l'ire de Dieu ce qui fut fait . Et au
REFVTATION DES OPIN.

quatriefme liure des Roys, chapitre dixfeptieſme , il

eft dict que les dix lignees furent exterminees & em-
menees esclaues , parce qu'elles eftoyent addonnees

aux Magies & Sorcelleries . Qui font lieux bien no-

tables , car la captiuité des dix lignees , n'eſt fondee

que fur ce point là : Et quát aux deux autres lignees

il eft dict que cinquante ans apres , Dieu qui eft tar-
difà la végeance, vengea les Sorcelleries de Manaffes ,

alors que la ville de Hierufalem fut miſe à feu & à fag,

& les deux autres lignees emmences captiues, & en


6.cap.sc. Hie- autre lieu il dit , Gladius ad diuinos , Gladius ad Chal-
rem .
deos, & au Prophete Michee'il eft dict , le raferay de
7.cap.5.
la terre les Sorciers & Deuins.Et quand Efaye menaf-

fa Babylone qu'elle fera rafee, & mife à feu & à ſang , il


dit : Toutes ces calamitez te aduiendront pour la

grandeur de tels mefchancetez execrables que tu as


commifes auec tes Sorciers. Brief ce feroit choſe in-

finie d'eſplucher par le menu tous les paffages de la

Saincte Efcripture ,fans toucher aux Docteurs, Legi-

flateurs,Philofophes, Hiftoriens, qui font pleins d'ex-


emples , par lefquels on peut voir que les Sorciers de
toute ancienneté ont efté execrables à Dieux , & aux
deuant que fainct
hommes : Comme l'ay noté cy

Auguftin à efcript, que toutes les fectes ont decerné

peines contre les Magiciens & sorciers , pour mon-

ftrer que Wier à trefbien leu & entendu les peines

eſtablies par les loix diuines , & humaines : & neant-


moins que de propos deliberè il les à calomnices , di-

fant qu'il n'eft parlé que des empoifonneurs , & non

pas des Sorciers. Voyons donc qu'il veut dire parle


mot
DE IEAN WIER. 229

mot de sorciers, qu'il appelle Lamias , car c'eft le fon-

dement de toute la difpute. Ie mettray ſa definition :

*Lamia eft quæ ob fœdus Praftigiofum , aut imaginarium 8.lib.7.ca.x.de

cum Damone initum propria ex fuo delectu , vel maligno Praftig. & li.
de Lamiis.c.s.
Damonis instinctu impulfúque , illiúfque ope qualiacunque

mala , vel cogitatione , vel imprecatione , vel reludicra , at-


que ad inftitutum opus inepta defignare putatur. C'eſt à

dire , en trois mois , la Sorciere eft celle qu'on penfe


auoir alliance auec les Demons, & à leur ayde faire ce

qu'elle ne faict point . En quoy on peut voir , que fi

VViers'eft abufé grandement en fon art de mede-

cine , parlant de la melancholie des femmes , qu'il a

bien failly plus lourdement en termes de Dialecti-

que, de former vne definition par imagination : veu

que la definition doibt toucher au doigt, & monftrer

à l'œilla vraye effence de la chofe: Encores eft- il plus


ridicule d'auoir mis fix difionctions en fa definition .

Attendu que la definition eft vicieufe , s'il y a feule-

ment vne difionction , comme dict Ariftore : ' Com- 9 li. 6. Topico-
rum.
me fi on diſoit , le meurtrier eft celuy qu'on penſe

qui frappe , ou qui tue , ou qui fe mocque d'autruy.


La definition de VVier eft femblable . Or fila Sorcie

re eft celle qu'on penfe qui eft Sorciere , & qui ne l'eſt
point , il ne falloit point faire de liures des Sorcie-

res , ny chercher la definition de ce qui n'eft point.

Car premierement on demande , fila chofe qu'on

met en diſpute eſt en nature ou non : id eft anfit, puis

apres,quidfit, & en troifiefme lieu , qualisfit, & en qua-

triefme lieu, curfit. Il faut donc rayer le tiltre Delamiis


du liure de VVier , & ne mettre la definition d'vne
MMm
REFVTATION DES OPIN.

chofe qui n'eft point qui eft vne incongruité nota-

ble en terme de Philofophie. Et toutesfois Wier de-


9.lib.2.c4.2 . finiſt ' le Sorcier , qu'il appelle magum infamem , qui

s'efforce d'appeller , & inuoquer le Diable à fin qu'il

fe monftre , & qu'il refponde à ce qu'on luy deman


de . Ce que i'ay mis briefuement: car la definition de
Wier contient pres d'vne page , & vne douzaine

de difionctions . Pierre d'Apponne , qui n'a pas ofé

confeffer , qu'il y cuft des Demons , tant pour leuer

l'opinion qu'on auoit qu'il fuft Sorcier , que pour y


attraper les autres, n'eftoit pas fi aiſé à conuaincre.

Mais Wier ayant confeffé qu'il y a des malins ef-


prits, & qui plus eft, en ayant fait l'inuentaire à la fin

de fon liure de Praftigiis , Et mefines confeſſe que le


Sorcier a communication , & alliance auec Sathan ,

c'eſt choſe bien eſtrange de nyer que la Sorciere


ayt alliance auec Sathan : ains que cela eft imaginai-

re , veu que la loy de Dieu difertement à parlé de la

Sorciere , qui s'accointe auec le maling efprit . Et


o.inmaleo ma-
leficarum. d'autant que les cinq Inquifiteurs , qui ont mis par
efcript fommairement le nombre infini des Sorcie-

res qu'ils ont fait executer en Allemaigne , & que


par la confeffion de toutes ils ont trouué qu'elles
faifoyent alliance auec Sathan luy touchant en la
2.li.deLamiis main Wier dit fur cela qu'il eft impoffible de tou-
cap.7.
cher la main, par ce que les Demons , dict il n'ont

point de chair , Damones non carnea ,fed fpirituali con.


3. in Tufcula cretione conftare. Or le mot de concretion , eft du tout
nis.
cótraire à la nature des efprits, nihil eft, dict Ciceron ,in

animis concretum,nihil miftum , Ce que Ciceron , auoit

pris
DE IEAN WIER.
230
‫ و‬o.lib.2.de A-
pris d'Ariftote qui appelle L'intellect äμntornaì ௠nima.
.Mais confeflant la cocretionen la nature fpiritu-
elle , il faut auffi confeffer, qu'ils ont corps, comme

Sainct Auguſtin,fuiuant la definition d'Apulec , qui

appelle les Dæmons natura corporeos , & Philopone


Peripateticien, * & Porphire ' , lamblique ' , Platon , 4.in libro de
Pfellus ,Plotin, Academiciens, & Gaudentius Merula, Anima.
s.inlibro
fe fondent fur ce que la chofe incorporelle ne peut me s

fouffrir d'vne ehofe corporelle : & mefine S. Bafile


tient , que les Anges auffi bien que les Dæmons ont xp.li
G.in b.de my
corps,qui eft l'occafion pourquoy les anciens difoy- fers.
ent que les Dæmons fouffrent diuifion . Mais la plus

commune opinion des Theologiens , & mefme

de Iean Damaſcene, Gregoire Nanzianzene , Tho .

mas d'Aquin, & du Maiſtre de fentences , eft que les


Dæmons font de mefme nature que les Anges,

que tous cófeffent eftre formes pures & fimples ' , & 3.1.3.Sentent.
neantmoins ils s'accordent auffi en ce point que les

bons & malins efprits fe forment en corps vifible,

quand il eft befoing , pour effectuer ce qu'ils veulét

corporellement. Toute la faincte efcripture eſt plei-


ne d'exemples, come l'apparition d'Abraham , de la-

cob, de Moyfe, d'Helie, de Manoha , d'Abacuch , de


Thobic, & infinis autres, & les liures de Iamblique de

mifteriis Egiptiorum, de Plutarque, de Procle de Por-


4.in libro.
phire , & de Plotin , mefmes celle d'Olaus le Topi Thein-

Grand , qui efcript qu'il ny àrien plus frequent en m

toutes les regions feptentrionales, que de voir des suelo .


eſprits en figure humaine, qui touchent en la main

(voila comme il efcript) & puys s'euanouiſſent. Tou-


MMm ij
REFVTATION DES OPIN.

tesfois pofons le cas que les Demons n'ayent ny


concretion en foy , & qu'ils ne prennent corps quel-

conques , ains que font natures pures & fimples , du

tout feparees , comme Ariftote a parlé des Anges,

ou intelligences , fi eft- ce que Wier ne peut nier

qu'il ne foit vn vray mocqueur d'vfer de c'eft argu-

ment , pour montrer qu'il n'y a poinct de paction ,


ny de conuention des hommes auec Sathan . Car il

fuffift d'vn fimple confentement , pour faire vne

conuention : lequel confentement le peut faire fans


ftipulation , fans parolle , fans efcripture , d'vn clin

4.l.nutu,de le- d'œil, & comme dict la Loy , nutu * folo, & neantmoins
gat.z.ff.
Wier eft d'accord ' que les Sorciers ont paction , &
5.lib.2.cap.2.
conuention auec Sathan , & qu'il parle à cux , & qu'il

leur faict refponce . Pourquoy donc pluftoft aux Sor

ciers qu'aux Sorcieres , veu que la Loy de Dieu parle


difertement des Sorcieres , & que nous auons mon-

ftré par infinis exemples , que les femmes ſont beau-

coup plus fubiectes à cefte mefcháceté , que les hom


6.cap.16.de
Lamiis et li .de mes. Et qui plus eft , Wier demeure d'accord ' , ' que

Praftig.3. c. 12. les Demons prennent les corps des hommes , & des
lib.4.c.14. beſtes : en forte qu'on peut iuger la contrarieté de
fes efcripts , & l'incongruité de fes conclufions . Car

il demeure d'accord , que les Demons tranſportent

les perfonnes , & les efleuent en l'air fans corps , & en

7.lib.3.4. baille plufieurs hiftoires, ' qu'il confeffe luy mefmes


$
de praftigs
8.in libro de. auoir veur VVier fe mocque auffi de la copulation

Lamijs. des Sorciers auec les Demons , que toute l'antiquité

&tous les peuples ont tenu pour certaine , & les Theo-

logiens ont confirmé : & mefmes Saint Auguſtin


au
DE IEAN WIER. 231

au quinzieſme liure de la Cité dict , que c'eft vne im-

pudence bien grande de nier cela. Ie mettray ces


mots. Damones creberrima fama eft , quos Latini incu
bos, Galli Dufio's vocant , mulierum attentare , atquepera-

gere concubitus : & hanc affiduè immunditiam , & atten-

tare , efficere, plures taléfque affeuerant , vt hoc negare


impudentia effe videatur. On fçait bien que les femmes

n'ont pas accouftumé de fe váter de leurs paillardifes.


Et comment confefferoyent elles auoir eu copula-
tion auec les Diables , s'il n'eftoit vray ? Or nous li-
fons que les luges d'Allemaigne , d'Eſpaigne , de

France , & d'Italie out mis par efcrit , que toutes les

Sorcieres , qu'ils ont fait executer , ont confeſſé , &

perfifté en leurs confeffions iufques à la mort inclu-

fuement , & plufieurs aufli à qui on auoit pardon-

né , qu'elles auoient eu copulation auec les Dæmons ,


iufques à dire qu'elles trouuoient leur femence froi-

de , comme nous lifons , au liure des cinq Inquifi- 9.in maleo ma-

teurs , qui en ont fait executer vn nombre infiny, & leficarum.


en Paul ' Grilland . l'ay monftré cy deffus plufieurs e- xin lib. de Sor-

xemples des procez particuliers , qui m'ont efté com- tilegys,

muniquez , où cela eft tresbien verifié , & par confef-

fions fans torture , & par conuictions. Et ne faut pas

doubter que le defir de paillardife corporelle n'attire


( mefmement les femmes ) à la paillardife fpirituelle .
A quoy fe peut auffi rapporter l'abomination d'v-

ne fi execrable mefchanceté portee par la Loy de 2.Deut.cap.4.

Dieu , où il eft dict , que tous ceux qui s'eftoient cou-

plez au Diable Pehor , eſtoient periz malheureuſe-

ment. Et quant la Loy de Dieu defend de laiffer vi. 3.Exod.cap.22


MMm iij
REFVTATION DES OPIN.

ure la Sorciere, il eft dit toft apres, que ceftuy qui pail-

lardera auec la befte brute, qu'il fera mis à mort . Or la

fuite des propos de la Loy de Dieu touche couuerte-


ment les vilénies & mefchacetez incroyables : Com- 1

me quand il eft dict, Tu ne preſenteras point à Dieu


leloyer de la paillarde, ny le pris d'vn chien :celatou-

che la paillardife des mefchantes auec les chiens , que

nous auons remarquee cy deffus par exemples me-


morables: et aux dixfeptiefme du Leuitique il eft dit,

Et vous n'yrez plus facrifier àvos Satyres Diables,

apres lefquels vous aucz paillardé . Or Wier,qui cft

Medecin , cognoiffant que l'opillation de foye , ny

l'oppreffion de la rate, ne pouuoyent s'attribuer aux

femmes faines, & gaillardes , & que telle maladie n'ad-

uient qu'en dormant , & que toute l'antiquité auoit

remarqué non ſeulement la copulation des Dæmons

auec les femmes, que les Grecs appellent Ephialtes,


les Latins Incubes , comme auffi des hommes auec

les Damons en guife de femmes, qu'ils appelloyent

Hyphialtes ou Succubes , & que cela fe faifoit en


veillant,& continuoit à quelques vns trente , & qua-

rante ans comme Wier mefme a confeffé . Il n'a pas


dict que c'eftoit maladie, mais il a denié , difant que

les femmes font melancholiques , qui penſent fai-

re ce qu'elles ne font point. Et neantmoins on ne en


4.1. Diuus , de brufle iamais de furieufes : On void en elles la ru-
off.Prafid. ff.l.
pœna,§ . Sane. fe, la difcretion , & le iugement de fçauoir conftam-
. ment denier le faict, comme quelques vnes, ou s'ex-
deparricid.ff
cufer & demander pardon , comme les autres fe ca-

cher, & s'enfuir, qui ne font point les actions de per-


fonnes
DE IEAN VVIER . 232

fones furieuſes. Ioinct auffi que les conuictions , tef-


moignages, confrontations , & confeffions fembla-

bles de toutes nations fe rapportent iufques au peu-

ple des Indes Occidentales, qui fe trouuent fembla-

bles auec les autres , & les copulations des Dæmons


auec les femmes , ainfi que nous lifons és hiftoires

des Indes , comme i'ay remarqué cy deffus . Mais


ie demanderoye à Wier quelle maladie ce feroit

és Sorcieres de penfer auoir tué les petits enfans , qui


fe trouuent tues de les faire bouillir & confom

mer, pour en auoir la greffe , comme elles ont con-

feffé,& fouuent y ont efté furpriſes. Wier dict qu'el-

les imaginent auoir faict tout cela , mais qu'elles s'a-


bufent:voila ces mots , & qui fera creu en cefte mef- 4.lib.de Lamy's

chanceté fi execrable finon les yeux, les fens , l'atou- cap.8.

chement, les teſmoings fans reproche , les confef-


fions fans torture & auec torture, briefle fait euident

& permanent quand on les trouue fur le fait Spran-


ger efcript ' qu'il en fut executée vne au pays de Con- 5.in malleo.

Itáce qui auoit (comme fage femme pour affifter aux

gefines ) tué quarante & vn enfant fortant du ventre, (

en leur mettant fecrettement de groffes efpingles en

la tefte. Or on void femblables parricides auoir efté

commis par Medee la Sorciere,tuant tátoſt ſon frere,


puis fes propres enfans . Nous voyons les Sorcelle-
ries de Canidia en Horace ' , & de Erictho en Lucan , 6.lib . Epodon
ode 5 .
les crapaux,les Serpens, & offemens que nos Sorcieres
ont ordinairemét, & dont elles fe trouuent faifies. Et

ny àforcellerie, qui ne foit defcripte par Orphee: ily a

pres de trois mille ans, & en partie par Homere , &


REFVTATION DES OPIN.

remarquee en la loy de Dieu , il y atrois mil cinq cens


ans . l'ay remarqué cy deffus en Ammian Marcellin

d'vn Sorcier, qui ouurit vne femme enceinte , pour

auoir fon fruict foubz l'empire de Valens . Le Baron


de Raiz fut conueincu . il y a cent ans apres plufieurs

meurtres des petits enfans auoir attenté d'ouurir fa

femme enceinte pour facrifier fon propre fils à Sa-

than, qui n'a rien plus aggreable , &non pas pour a-

uoir la greffe pour en vfer en chofes deteftables, -

qui eft vne perſuaſion de Sathan , pour induire les

Sorciers à tels parricides , car elles difent que la gref-

fe d'vn petit enfant mort naturellement n'y eft pas

bonne , & pour le monftrer on void , comme l'ay

dict, quarante & vn enfant tués par vne sorciere , &


deuant que d'eftre baptizés, & apres les auoir pre-

fentés à Sathan . Et neantmoins Wier,qui faict fem-


blant de ne croire rien des chofes que il fçait auffi

bien que fon maiſtre Agrippa, a bien ofé eſcrire ,

& faire femblant de fuyure l'opinion de Baptifta Porta


Italien, le loüant bien fort, lequel neantmoins e-

fcript que les Sorcieres luy ont confeffé qu'elles font


Tonguent des petis enfans bouillis , & confummés ,
y mettant plufieurs drogues , qu'il n'eſt beſoin d'e-

fcrire qui eft en bons termes , enfeigner à commer-

tre tels parricides , fous vne fauffe perfuafion dia-


bolique , que tel vnguent a la vertu de faire voler

les perfonnes . Orles Sorcieres de France ne font pas

plus agiles ,ny plus legeres , que celles d'Allemaigne,


& d'Italie, & neantmoins la plufpart , comme ceux

du Mans, & celle de Verbery, & de Longny en Potez


que
DE IEAN WIER. 233

que l'ay remarqué cy deffus,ne mettoient que vn ra-


mon ou balet entre les iambes en difant quelques

parolles,& foudain eftoyent tranſportees en l'air: &


Paul Grilland dict que plufieurs de celles qui l'a veu

executer en Italie , confeffoyent , qu'il fe prefentoit


vn bouc à la porte, fur lequel elles montoyent pour

eſtre tranſportees , fans greffe ny onction quelcon-


que. On voit que l'Italien Baptifte 'en fon liure de la

Magie , c'eſt à dire Sorcellerie , & Wier s'efforcent

de faire entendre que ceft vn vnguent a force natu


relle, & foporatiue, à fin qu'on en face expérience Car

les herbes foporatiues font là Mandragore, le Pauot,


le Solatre mortifere, le hiofcyame ou hanebane , la ci-
gue, & neatmoins il ne fe trouua onc medecin Grecj

Arabe , ou Latin, qui ait appliqué des vnguets , fur le

dos,fur les bras,fur les cuiffes, pour endormir ſi biela

perfonne qu'elle ne fent douleur quelcoque.Et s'il ap-

plique quelque chofe exterieurement , c'eſt quelque


fronteau fur la tefte de femences froides corrigees par

miſtions, & fufions.Et quand à la greffe , c'eft vn prin-

cipe de medecine, qu'elle cft chaude , & inflammati-

uc. Comment donc feruiroit elle pour endormir , ap-


pliquce au dos, ou fur le bras: Veu que le fommeil eft

caufé par les veines carotides ,portat le fang du cœur


au cerueau, & par la fluxion douce des humeurs , qui

font montees au cerueau , comme les vapeurs en l'air

retournant doucement fur les parties cordiales . Mais


pour monftrer que Sathan rauift l'ame hors du corps,

felaiffant comme mort & infenfible , ainfi que nous

auons diſcouru au chapitre de l'ecſtaſe & que ce n'eſt


NNn
REFVTATION DES OPIN.

point fommeil on voit euidemment, que tous les fim-

ples foporatifs ne fçauroyent empefcher que l'hom-


me, tant ſoit il endormy , ne fente le feu appliqué au
cuir : & neantmoins les Sorciers ne fentent ny feu ny

douleur quelconque eftant rauys en ectafe , comme

il a efté fouuent experimenté : nous l'auons mon-

ftré cy deuant , interpretant le lieu de Virgile ou il

parle de la Sorciere , quafe promittit foluere mentes.En-

cores void on vn argument,auquel il ny a poinct de

refponce pour monftrer que ce n'eft pas, l'onguent


ny le fommeil , mais vn vray rauiffement de l'ame

hors du corps. c'eft que tous ceux qui font ainfi rauis

retournent demye heure apres, & auffi toſt qu'il leur

plaift , ce qui eft impoffible à celuy qui eft endormy

par fimples narcotiques,ains ils demeurent quelques


fois vn ou deux jours fans s'efueiller . Et auffi l'on a

aueré que ceux qui eftoyent rauis , auoyent remar-

qué la verité des chofes à cent lieues loin , comme


8.au chapitre nous auons dict cy deffus ' . Mais il fait bien à noter
de l'Ectafe.
que la compofition de ceft vnguent, que l'autheur de

la Magic naturelle a enfeigné, n'a pas vn fimple fopo-

ratif, mais bien plufieurs poifons dangercuſes . Sainct

Auguftin parlant de telle ectafe , qu'il tient pour cer-


taine & indubitable , & s'emerueillant de la puiffan-

ce diabolique, dict ainfi , Serpit hoc malum dæmonis per

omnes aditus fenfuales , dat fefiguris, accommodat fe colo-

ribus, adhæretfonis, odoribus fe fubiicit . Si donques il eft

ainfi que les demons par vne iufte permiffion de

Dieu ont puiſſance de feparer l'ame ducorps, com-

ment n'auroyent ils puiffance de les tranſporter en


corps
DE IEAN VVIER. 234

corps, car il eft fans comparaifon plus admirable de

deflier, & feparer l'ame du corps & la remettre , que


d'emporter le corps & l'ame tout enſemble . Quant

moy ie tiens que cefte ecſtaſe , ou aphaireſe eſt l'vn

des plus forts arguments, apres le tefmoignage de la

loy de Dieu, que nous ayos de l'imortalité des ames,

& decififde l'hipotefe d'Ariftote ', quand il dict que 9.li.2.deAni-

l'ame eft immortelle, fi elle peut quelque chofe fans ma.

les corps, que les grands Sorciers ( qui le fçauoyent par


experience, comme Orphee(appellent la prifon del'a-

me, & Empedocle & Zoroaftre les plus illuftres ma-

giciens de leur temps appellent fepulchre , & apres


eux Platon au Cratyle dict , queua , c'eſt à dire corps,
eſt dict de  , c'eſt à dire fepulchre , & Socrate l'ap- lib.7.deRepu-

pelloit la cauerne de l'ame .Outre ces argumens & rai- blica Platonis.
2.in Romulo.
fons, aufquelles Wier ne refpond rien , nous auons
3.in li.de Ani
l'authorité des plus grãdz perfonnages de toute l'an- ma.

tiquité , comme Plutarque ' , qui en met plufieurs e- 4.lib.7 .


s.lib.10.21.
xemples memorables , Plotin ' , Pline , Sainct Au- de Ciuit.Dei.

guftin ' , Thomas d'Aquin , le docteur Bonauen- 6.in fecüda ſe.


cunda quæ.95.
ture , Durand , & tous les Theologiens, & Sylueftre arrit de

prier,Paul Grilland , & les cinq Inquifiteurs d'Alle- fuperfti . & in


maigne qui ont fait le procés à nombre infini de tractatu prime
partisq.8.
Sorcieres , & qui ont briefuement laiffé par efcriptis.de Miracul .
leurs procés. Et puis que outre l'authorité de tant de gas. &
6.titu.de Demo
perfonnages nous auons l'experience ordinaire de nibus.

procés infinis, ou l'on void les tefmoignages , les re- 7an tertium
collemens , confrontations , conuictions, confeffi - fenten.diftin.
19.9.3.
ons iufques à la mort , ce n'eft pas opiniaftreté à 8.l.2.de Sorti

Wier de fouftenir le contraire , mais vne impic- legis.cap.7.


Mallth
NNn ij
REFVTATION DES OPIN.

té , & defir qu'il a d'accroiftre le regne de sathan . Car

on a veu la preuue des sorcieres abfentes la nuit , qui


ont confeffé la verité, & la caufe de leur abfence . On

a veu que ceux qui eftoyent de nouueau venues à

telles affemblees , ayant appellé Dieu à leur ayde, ou

mefmes ayant crainte & horreur de ce qu'ils voyoiết


s'eftre trouués à cent ou cinquante lieües loin de leur

maiſon , & retourner à longues iournees au lieu du-

quel sathan les auoit tranfportés, en peu d'heure . I'en


ay remarqué de fraiche memoire les exemples de Lo-

ches,de Lyon , du Mans , de Poitiers , de Chasteau-

Roux , de Longny & infinis autres: qu'on lift és au-

theurs que i'ay cottés , qui tanchent tous les argu-

ments de Wier , qui dict que les sorcieres font me-

lancholiques. Car il ne peut dire cela de ceux qui font


1.lib.de Lamyjs. retournés à longues iournees , combien que Wier '
6.3.
fe contredifant à tous propos eft d'accord simon
2. Ambrof.in que
Examera, le Magicien auquel Neron dedia vne ftatue honora-
Iren aus, Eufe- ble, voloit en l'air . Ce que es anciens docteurs & en
bius,Clemens in
itinerario. grand nombre ont auffi laiffé par efcript . C'eſt don-
Egefippus lib.3.
de excidio Hie- ques vne folie extreme à Wier de confeffer que sy-
rofolymorum .c . mon le sorcier voloit en l'air, & fouftenir que lesau
2.
tres sorciers s'abuſent de pepfer eftre transportés en
Nicephorus lib.
2.ecclef biftor , l'air aux affembles des sorciers . sathan a il moins de

cap.27 . Fulgo- puiffance qu'il auoit alors ? car c'eftoit apres la mort
fius.lib. 8.c.116
3.In li.de Pra- de Iefus Chrift . Et mefmes Wier dict ' auoir veu en
Aigis. Allemaigne vn baftelleur sorcier , qui montoit au

ciel deuant le peuple en plain iour, & comme ſa fem,

me le print par les iambes elle fut auffi enleuce , & la

chambriere print fa maitreffe , qui fut auffi enleuce


DE IEAN WIER. 235

& demeurerent affes long temps en l'air en ceſte ſorte

eftát le peuple eftonné & rauy de ce miracle . Nous li-


fons le femblable en l'hiftoire de Hugues de Fleury,.

que vn Conte de Mafçon fut ainfi efleué en l'air, &


aidez moy ,
emporté criant à haute voix, Mes amys

& iamais de puis ne fut veu, non plus que Romule,

qui fut deuant fon armee rauy en l'air: Combien que


par le texte de l'Euangile il appert, que Sathan enleua
Iefus Chrift fur le fommet du temple: puis fur la crope

d'vne montaigne.Sur quoy Thomas d'Aquin tire vne

confequence indubitable, que Sathan par permiffion


de Dieu n'a pas moins de puiffance és autres pour les

traſporter, attédu qu'il eſt tout certain que Iefus Chriſt


cftoit vray homme & non pas fantaſtic.Mais il me fuf-
fift de conueincre Wierpar fes propos mefmes , & par

fes liures: Carluy mefmes efcript qu'il a veu les hom- 4.lib.2.cap.12
de Praftigiis
mes tranfportés en l'air par les Diables , & qu'ilny à pagina.8.
point d'abfurdité, & au mefme lieu il efcrit vne chofe

faulfe qu'on alla chercher en Allemaigne vn sorcier


qui promettoit tirer du chafteau de Madril les enfans

duRoy François, & les faire tranfporter en l'air d'efpai-

gne en France, mais qu'il n'en fut rien fait,par ce qu'o

craignoit, qu'il leur fift rompre le col . Et qui plus eft


il efcript au liure ' . chap.xix que le Diable plai- 5. de praftig.
dant vne cauſe en guife d'aduocat, ayant ouy que la

partie aduerfe fe donnoit au Diable s'il auoit pris l'ar-

get de fon ofte,foudain Sathan laiffat le barreau épor-


te celuy qui c'eftoit pariuré deuát tout le monde.Il dit

que l'hiftoire eft veritable aduenue en Allemagne,

Et apres qu'il a mis plufieurs exemples de ces tranf-


NNn iij
4
REFVTATION DES OPIN.

ports Diaboliques,il conclud que cela eft certain , &


qu'il n'y arien d'abfurdité, & neantmoins auliure des
Lamies il dift tout le contraire . En quoy on peut voir

vn cerueau leger , & qui s'embrouille à tous propos.

et combien qu'il regette plufieurs hiftoriens , &

Theologiens,neantmoins il fe fert de la legende Do-


s - lib.2.cap. 13. ree ' , alleguant la vie de Saint Germain, ou il eft dict,
de Praftig.
que Saint Germain alla voir la dance des Sorcieres,

& toft apres il alla voir aux licts de leurs maris, où


elles furet trouuees , comme fi Saint Germain cuſt

efté plus leger que Sathan.Et tout ainfi qu'il les auoit
tranfportees , il ne leuft pas auffi toft rapportees.

Quand à ce que dict Wier que les Sorcieres ne peu-

uent de foy mefmes faire tonner, ny grefler , ie l'ac-


corde, & auffi peu tuer , & faire mourir les hommes

par le moyen des images de cire & paroles : Mais on


ne peut nyer, & Wier en demeure d'accord, que Sa-
than ne face mourir, & hommes, & beftes , & fruicts ,

fi Dieu ne l'en garde, & ce par le moyen des facrifices,

væuz, & prieres des Sorciers, & par vne iufte permif-

fion de Dieu, qui fe venge de fes ennemys, par fes en-


nemys .Auffi les Sorciers meritent mille fois plus de
fupplices ,pour auoir renoncé Dieu , & adoré sathan,

que s'ils auoyent en effect meurtry de leurs mains

leurs peres, & meres, & mis le feu aux bleds . Car ces

offenfes font contre les hommes , comme dict sa-

6. cap . 2.lib.1 . muel : Mais celle là eft directement contre la Maje-

fté facree de Dieu.A plus forte raifon , fi Dien dire


(
ctement eft offenfé , & puis les hommes tués , & les

fruicts gaftez par les sorcelleries de telles gens : c'eſt

pourquoy
DE IEAN WIER. 236

Pourquoy la loy des douze tables puniffoit ceux qui


auoyent enchanté les fruits , dequoy Wier fe moc.

que,auffi bien qu'il calomnie la Loy de Dieu : Mais

on luy peut refpondre que favacation eft de iuger de

lacouleur, & hypoftafe des vrines , & autres chofes

femblables, & non pas toucher aux chofes facrees, ny


attéter aux loix diuines & humaines Car cobien que

Wier confeffe que ce foit sathan ,fi ne peut il nier, que

il ne foit incité , pouffé, attiré , aydé par les sorcieres,

& les sorcieres par Sathan ,à commettre les mefchan-

cetés qui fe font,tout ainfi qu'on peut dire à bon

droict que les prieres ardetes d'vn Moyfe, d'vn Helic

d'vn Samuel , & autres faints perfonnages, ont fauué


les peuples . Puis qu'on void que Dieu inclinant à

leurs prieres ,à retiré fa main , & appaiſé fon ire : Auffi


peut on dire que les Sorciers par leurs prieres, & facri-

fices abhominables font en partie caufe des calamitez


qu'on void . Et mefme Wier confeffe , efcriuant 2.lib.6.cap.15 .
de Praftigiis.
de la Sorciere fameufe de fon païs de Cleues , aupres
du bour Elten , nommee Sybille Diuifcops, que fi

toft qu'elle fut brulee , les perfecutions des paffans,

qui eftoyent battus outrageufement par vne main

qu'on voyoyt, & rien autre chofe, cefferent: qui mon-


ftre affez que c'estoit la caufe principalle de telles per-

fecutions, puis que les effects cefferent foudain , cftat 3. Adigere §.


Quauis de iure
cefte caufe la oftec , & que la maxime generale en patron.ff .

toutes ſciences dict , que la caufe ceffant , les effects 4.. conditionis
ceffent. Tout ainfi qu'on cuft peu dire au contraire ,pupillus,
decondit.princ.
&

quece n'euft pas efté la caufe ,files perfecutions cuf- dem.ff. penult .

fent continue: Et toutesfois il eft bien


11 certain
. que les ex quibus cauf.
r.ff.
A
REFVTATION DES OPIN.

Iuges ne feirent pas le procés à Sathan : mais ils dimi-

nuerent d'autant la force, & fa puiffance luy oftant


cefte Sorciere là, qui luy preſtoit la main, qui le prioit,

qui l'adoroit, quiluy aydoit à fes deffeins . I'ay parlé

cy deuant d'vne Sorciere de Bieure qui fuft brulee

pres de cefte ville de Laon , mil cinq cens cinquante

& fix. Elle rendoit les perfonnes eftropiats, & contre-

faits d'vne façon eftrange, & faifoit mourir hommes,

beſtes , & fruicts.Si toft qu'elle fut bruflee , tout cela

ceffa , comme l'ay fçeu du luge qui luy a fait fon pro-

cés,lequel m'a dit encores qu'elle auoit menaſſé vne


femme qu'elle n'allecteroit iamais, ce qui aduint , car

fon laict feicha foudain. Et combien que elle euft eu

plufieurs efans, toutesfois fon laict tarifloit toufiours.

Soudain que la sorciere fut bruflee fon laict retourna

en grande abondance : Sathan toutesfois n'eftoit pas


mort auec la Sorciere . l'ay fçeu d'vn Gentilhom-

me d'honneur, que fa tante auoit empeſché la fem-


me d'iceluy d'auoir enfans , comme elle confeffa en

mourát,pour faire tomber la fucceffion à ſes enfans .

Sitoft qu'elle fut morte, la niepcè fut enceinte , qui

eft accouchee depuis fa mort , & bien toft apres fut

encores enceinte , combien qu'il y auoit onze ans

qu'ils eſtoyent mariés . Et toutesfois Sathan , que

Wier,dict eftre feul caufe de tour cela , n'eftoit pas

mort . Quand le peuple Hebrieu alla s'encliner , &

proftituer deuantl'image de Bahalpephor pour prier,


l'ire de Dieu s'embrafa contre tout le peuple, & en

mourut en peu d'heure xx1111 mil . On ne peut nyer

que Sathan n'inuiſtat le peuple a telle idolatrie , &


neantmoins
DE IEAN WIER. 237

neantmoins Philas le fcarificateur , d'vne ardente ia

loufie, qu'il auoit de l'honneur de Dien , perfa d'ou-


t
tre en outre vn capitaine couché auec vne Madianite,
:
qui l'auoit attiré à telle idolatrie: tont foudain l'ire de

Dieu ceffa: Et mefme Dieu benit Pinhas de grandes.

benedictions, difant qu'il auoit appaifé fa fureur con-

tre le peuple: & toutesfois Sathan n'eftoit pas mort


que Wier dict auoir efté , & eftre feule caufe de tous
ces maux , excufant totalement les Sorcieres . Nous

conclurons donc que les Sorcieres font cauſes co-

adiuuantes & impulfiues des maladies , & mortalités

d'hommes & beftes , puifque apres l'execution d'icel-

les tout cela ceffe , qui feruira pour refpondre àtous

les argumens qu'on fait , & que Wier a apris de


3.Alexand.
quelques docteurs , qui diſputent ' comme luy , c'eſt confil.128.lib.1.
à dire , naturellement de la Metaphyfique: qui eft vn Alciat.
erreur notable , & duquel il enfuit mille abfurdités.

Car fi on parle naturellement, on diroit que les Sor-

cieres ne font pas mourir les fruits , & les animaux,

d'autant qu'il faudroit qu'elles euffent la puiſſance, &


pour auoir la puiflance il faut trois chofes, la force , &

faculté de l'agent, l'aptitude de la chofe patiente , &

l'application conuenable & poffible de l'vn à l'autre.

Or la faculté n'eft point en vne femme de difpofer

des Elemens, & quant aux parolles elles n'ont force

que de celuy qui les prononce, qui n'a pas ceſte puif-
fance, ny par confequent les parolles , quoy que dit

Iean Pic en fes pofitions Magiques, comme auffi nous


l'auons monftré cy deffus:tellement que quand bien

la Sorciere auorit cefte puiffance, le moyen inhabille


OOo
REFVTATION DES OPIN.

duquel elle vfe : c'eft à fçauoir les parolles feroit co-

gnoiftre qu'elle n'a pas la puiffance . C'eft argument


eft fondé en raifon ·. Mais de dire que la Sorciere ne

peut faire auec Sathan, ce qu'elle ne peut faire de foy


mefme, comme dict Wier, cela eft faux . Car com-

me auffi l'argumét eft captieux, &vn eléche Sophiſti-


que,à fimplicibus ad compofita.Car il eft bien certain que

tout ainfi que le corps feul ne peut rien fans l'ame , &

que l'ame feule ne peut auffi lås les actios qui touchet

le corps,comme boire , manger, dormir , digerer,


& autres actions ſemblables qui font naturelles &

communes conioinctement à l'ame , & à corps , &

que l'vn auec l'autre font trefbien leurs actions , auffi


peut on dire par raiſon femblable qu'il fe pourroit

faire, que la Sorciere feule , ny Sathan ſeul ne feroit

pas ce que l'vn & l'autre feroyent conioinctement: La


raifon eft fondee en demonftration naturelle des cau-

ſes concurrentes à vn effect, & qui s'aydent l'vne l'au-


tre , come la procreatió viết du mafle & de la femelle

coioinctemet ,lefquels eftant feparés ne peuuent rien .


Et me fouuient d'auoir leu en vn Rabin ancien , que

le corps, & l'ame font punis pour auoir offenfé con-


ioinctement , & leur excufe des chofes difioinctes

aux chofes conioinctes , n'eft non plus receuable,

que l'excufe de l'Aueugle : & de celuy qui auoit les


iambes couppées , que le Iardinier accufoit d'eftre

venus en fon iardin manger fes fruicts . L'aucugle di-

foit,ie ne voys goutte , ny iardin , ny arbres : L'eftro-

piat difoit ie n'ay point de iambes pour y aller :Mais


le iardinier leur dict , que l'aueugle auoit porté
DE IEAN WIER. 338

l'eftropiat, & ceftuy cy auoit guidé l'aueugle , & tous


deux enfemble auoyent faict, ce qu'ils ne pouuoyent

faire feparement.Encores y a il plus grande apparen-


ce en ce cas : d'autat que Sathan peut feul faire les cho . 2.Iob.cap.1.

fes eftráges que nous auons dites,tuer, meurtrir, faire

mourir les fruicts , agiter les vents , getter les feuz,

grefles, & foudres , pour chaftier comme vn bour-

reau, & executeur de la haute iuftice de Dieu,par la

permiſſion d'iceluy . A plus forte raiſon eſtant aydé,

prié, & adoré pour ce faire par les Sorcieres , & fans la
priere, inuocation, & adoration , defquelles fa force

eft affoiblie, & fa puiffance debilitee , & l'occafion

de nuyre tellement retranchée, que les Sorcieres mor-

tes on void fouuent que les eftropiats ſe redreſſent , la

maladie fe guarift , les mortalités ceffent , comme

nous auons monftré cy deffus . Et quand à l'argument

qu'on faict , que les Sorcieres ne meritent poinct de

peine , s'il eft ainfi que Sathan vſe d'icelles pour ex-

ecuter des deffeins , & que l'action , & fouffrance

ne peuuent estre enſemble : font argumens Sophiſti-

ques & captieux. Car quant à l'action & paffion , il


eft fans doute qu'elles peuuent eftre en mefme temps

pour diuers refpects, comme celuy qui iette quelcun

parterre qui au mefme inftant fait tomber fon voy-

fin . Quant à l'autre argument , par lequel Wierius


veut conclure ( comme il a refolu par tout ) queles

Sorcieres ne meritent point de peine , puifque Sathan

les met en befongne : il n'eft pas feulement plein de


Sophifteric,ains aufli d'impieté. Car fi c'eft argument

auoit lieu,toutes les plus grandes impictés des hom-


OOo ij
REFVTATION DES OPIN.

mes demeuroyent impunies , d'autant que les hom-

mes ores qu'ils foyent quelquesfois pouſſés de ven-

geance à tuer & frapper en fereuengeant, ou de for-

cer la pudicité d'autruy par vne cupidité brutale ,

fi eft- ce que les grandes mefchancetés ne fortent pas


de cefte boutique , ains l'affaffinat de guet a pend
(comme font tous les homicides , & venefices

des Sorciers ) les meurtres des enfans ,les parricides , &

autres mefchancetes femblables , que font ceux qui

ne font pas sorciers , font auffi conduites par Sathan

qui feroyent auffi impunies : Brieffi laSophifterie de


Wier, & de fes beaux Docteurs , defquels il a tiré ces

argumens , auoit lieu , les voleurs , & brigans au-

royent toufiours leurs recours de garentie contre

le Diables , fur lequel les officiers de Iuftice


n'ont ny Iurifdiction ny main mife . Et par mefme

moyen il faudroit rayer & bifer toutes les loix Di-

uines & humaines , touchant la peine des forfaicts:


duquel argument vfoit vn Academicien contre

Poffidonius Stoïcien, pour monftrer l'abſurdité ine-


uitable de la ncceffité fatale , qu'ils pofoyent
4.in l.fiftu-
neceffité ..
que tout le faifoit par neceffité Veu la maxime
prum deadult.
ff.cumfimil. des Iurifconfultes difertement articulee par la

Loy de Dieu , qui abfoult celuy quia efté forcé , &

cotraint de faire quelque chofe: Car la neceſſité n'eſt


point fuiette à la difcretion des loix: & pour euiter v-
5.Galen inlib. ne telle abfurdité , Poffidonius 'fe departit de fon o-

deplacitisHyp
pocratis. pinion
tous . Or nous
les sorciers fommes d'accord
demeurent , quetermes,
en plus forts Sathan car
ne

force perfonne de renoncer à Dieu, ny de ſe voüer au


Diable
DE IEAN WIER. 239

Diable:Ains au contraire fur toutes chofes il demãde

vne pure , frache , & liberale voloté de fes fugets, & cổ-

tracte auec eux par cóuentions . Tellement que la ne-


ceffité fatale des Stoïciens ne peut auoir lieu , & auffi

peu l'edict , De eo quod metus caufa , ff.qui veut que la


craincte de laquelle ' on eft releué , doit eſtre crainte de 5.1. Metum , de
mort ou de tourments : Et tout autre crainte de dou- eoquod met sau-
Saff .
leur, ou perte d'honneu r & de biens, n'eſt pas excuſee

par la loy , ains laloy dict que tous tels actes font vo- 6.1.mulier „eodě
lontaires. A plus forte raifon les contracts , conuen- ff.
tions,facrifices, adorations , & deteftables copulatios
des Sorciers auec les Dæmons, non feulement font vo

lontaires , ains auffi d'vne franche volonté , que les

Philofophes appellent Spontaneam voluntatem , fa-

ctu fponte,ou comedifent les Grecs, inois atoμátos . Il


ne faut donc pas dire comme faict Wier , tirant ceſte

raifon d'vn certain Docteur , que fi Sathan vfe des


Sorciers comme d'inftruments, les Sorciers ne foyet
point puniffables , par ce que les actions ne font pas

eftimees par les inftruments , & la fin des actions ne

depend pas des inftruments , & qu'il n'y a que la fin 7.l.Diuus,ad l.

confiderable en droit pour la peine : qui font raifons Cornel . de fica.


ff.l.autfalta de
tirees du droit, qui font directement contre ces bons Penis.l.verum
Docteurs.Car la Sorciere vfe de malings efprits pour de iniurys.ff
.

Argumente
inftrumens de mal faire , & pour executer fes mefcha- l.quimihi,de

.
tes entrepriſes, puis qu'il eft ainfi , que la poudre , ny Donat.ff
les paroles, ny les charmes n'ont point de puiffance.

Car il a efté verifié cy deffus que les sorciers commu-

nicans auec Sathan , le prient de tuer l'vn , de rendre

l'autre eftropiat, comme ils ont puiffance de ce faire


OOo iij
REFVTATION DES OPIN.

par permiffion diuine , ainfi que doctement à trait-

8.cap.22. té Tertullian en l'Apologetique ' . Auffi void on en


tous les procés des Sorciers, que leurs confeffions ne

font pleines d'autres chofes . Tellement que les Sor-


cieres font beaucoup plus coulpables fans compa-
raiſon ,que ceux qui font affaffiner , leurs ennemys à

pris faict auec les meurtriers , qui font coulpables de


9.l.non folum mort fans remiffion , en termes de droit : encores
§.necmandatis
de iniury's l.qui que le meurtrier , n'ayt pas'executé le meurtre , & ſe
mihibona.ş. iuge & pratique ordinairement . Combien donc eft

qui in de ac- plus capital le sorcier , qui employe Sathan en telles


quir.hared. Ꮼ
ibi Bart.ff. chofes ? Voire qui le prie, & qui l'adore ? Il ne faut

1.l.fiquisnon di donc pas que Wier , & fes bons docteurs fe plaignét
carapere, ibi
Baldus, Ange- qu'on faict porter la peine de Sathan aux Sorciers, ny
lus Salic. calomnier indignement de la loy d eDieu , qui ne veut

2. Ezechie.21.l, pas que les vns portent la peine des autres:Et neant-
cri men patro-
num depenis. moins toute la faincte efcripture eft pleine, que Dieu
C.l.sancimus
codem. a en extreme horreur les Sorciers, voire plus que les

parricides & inceftueux , & Sodomites : pourquoy

Dieu les a il en figrande abhomination , qu'il n'en

parle iamais finon auec ces mots, de rage,fureur , ou


vengeance ,ce qui n'eft pas dictdes autres mefchan-

o.Exod,ca.is. cetés , horfmis de l'idolatrie . Qui feruira de refpon-

et 32. Leuit.20 . fe à vn autre argument , que Wier a tiré de fes bons


et 26.Num.ir.
25. Deuter. docteurs, qu'il ne fe faut pas arrefter aux confeffions ,

29.33..Lof . fielles ne font vrayes, & poffibles , ce que ie luy ac-


7.0.23.
corde: mais fon afſomption eft en ce qu'il dit, qu'il
2.Reg.c.24.0
4.R.13. ny a rien poffible de droit , qu'ilne foit poffible par
2.Paral.12.
28.029.0 nature : eft non feulement faulſe , ains auſſi pleine
63. d'impieté . Carelle ofte entierement toutes les mer-
ueilles
DE IEAN WIER. 240

ueilles de Dieu , & fes œuures faites contre le cours

de nature : & les fondemens de toute religion , &


pieté enuers Dieu . Etficefte maxime ayoit lieu , il

faudroit rayer tous les articles de foy . Et toutesfois


fans fortir des termes de droict, on ne peut nyer que

les Hermaphrodites , & autres monftres ne foyent

contre nature , lefquels neantmoins la loy reçoit ' & 3.1. Hermaphro

recognoit . On ne peut auffi nyer,que ce ne foit ditus deftatu


homiff
contre nature, que vn homme arrefte les beftes fau-

uages d'vne parolle , iufques à ce qu'il les ayt ti-

rees:ce que Wier afferme auoir veu de les yeux . Auf-

fi eft il contre nature , qu'on deuine qui a commis


le larcin , & neantmoins il cft puny capitalement litem labeo .

quiconques c'eft enquis aux Sorciers du larcin , & fi quis aftrolo

qui a faict conuenir le larron prefumptif en iuge- gos de iniuriis.


ff.
ment.Il eft impoffible par nature que les hommes

facent la grefle & la tempefte , & mourir les fruicts


par charmes , & neantmoins les loix reçoyuent ce- 4.1.Eorum !.

la comme trefcertain, qui toutes fois eft impoffible Multi,l. Nemo


arufpicem ,&
par nature , & puniffent capitalement ceux qui en fototit. de Ma-
vfent . Qui monftre bien que les loix payennes , leficis, C.

& diuines recognoiffent plufieurs chofes comme

certaines , & impoffibles par nature, & neantmoins


poffibles contre tout le cours , & ordre de natu-
: lefquelles loix Wier & fes complices vou-
re
droyent volontiers rayer des Digeftes , & du Co-

dice , comme ils feroyent en cas femblable la loy de

Dieu , en ce qu'ils difent qu'il faut corriger les loix

quand les caufes d'icelles ne fe trouuent plus verita-

bles prenant pour confeffé ce qui eft le point prin-


REFVTATION DES OPIN.

cipal de la difpute, & cela s'appelle en matiere de So-

phifterie petere principium, c'eft à dire π'è§ àçèñ¢ aſſu-


mere id quod fuerat concludendum : qui eft vne lourde

incongruité en dialectique . Or tant fen faut que l'af-

fomption du fyllogifme leur foit accordee, & que les

chofes que de toute antiquité , & depuis quatre mil

ans on àaueré des Sorcieres , foyent trouuees fauces

depuis l'aage de Wier , & de fes docteurs : que mef-

mes S. Auguftin à remarqué , que toutes les fectes

de Philofophes , & toutes les religions qui furent ia-

mais, ont decerné peines contre les sorciers , & ma-

fectas omnes magiapanas decreuiffe, comme i'ay


giciens :
monftré cy deffus . Et mefmes Plutarque aux Apo-

phtegmes efcrit que les Perfes puniffoyet les Sorcie-

res de la peine la plus cruelle qu'ils euffent , rompant


la terre entre deux pierres . l'ay remarqué plufieurs

paffages de lafainte efcripture , qui ne chante autre

chofe, & les peines de mort rigoureufe ordōnees par


laloy de Dieu contre les Sorciers . l'ay remarquéles

loix de Platon, quia decerné auffi peine de mort aux

Sorciers . l'ay allegué plufieurs hiſtoires, & non pas

toutesfoisla centiefme partie des condemnations ca-

pitales contre les sorciers , & contre ceux mefmes,


qui auoyent tels liures . Il faut donc condemner

toute l'antiquité d'erreur & d'ignorance , il faut rayer


toutes les hiftoires & bifer les loix diuines, & humai-

nes comme faulces & illufoires , & fondees fur faux

principes : & contre tout cela oppofer l'opinion de

Wier , & de quelques autres sorciers , qui fe tien-

nent la main pour eftablir , & affeurer le regne de sa-


than
DE IEAN WIER. 241

than : ce que Wier ne peut nyer , s'il n'a perdu toute


honte, ayant publié en fon liure de Præftigiis, les exc- 6.7.
li ... c.4.5 .
8.9.10.0.
crables Sorcelleries plus que n'auoit iamais faict fon 12.14.15.17.

maiſtre Agrippa , lequel a retracté entierement 18.21.25.de

fes liures de occulta Philofophia au XLVIII , ch . de V. Prafigiis.

nitateſcientiarum : & fon diſciple monftre au doigt,


& à l'œil tout ce que Sathan peut enfeigner aux plus

grands Sorciers > & entre- meſle neantmoins plu-

fieurs propos de Dieu , & des Saincts docteurs , pour

faire boire la poifon auec du miel , qui eſt , & à touf-


iours efté le tyle de Sathan . Combien que Dieu

à tellement ofté le iugement à ceft homme la que

le feun'eft point plus contraire à l'eau , qu'il eft foy


mefines. Car en plufieurs lieux il confeffe que celuy

qui exerce l'art Magique , doibteftre puny capita-


S
lement , mais non pas les Sorcieres . Voila ces
mots ' . Confiteor magicas artes capitales effe , fed Lamia 7.lib.6.c.2.4.

non continentur : comme qui diroit , qu'il faut prendre de praftigiis.


1
les meurtriers, & pardonner aux voleurs .Il y a mil-

le propos femblables . Et en autre lieu il dict que 8.de zamii .


les Sorciers no meritent point d'eftre punis pour cap.vlt.

auoir traicté auec Sathan , & renoncé à Dieu , par ce

qu'ils ont efté deceuz , & que le dol a donné caufe


:
au contract lequel par confequent eft nul , & qu'il

faut pardonner à ceux qui font trompés , & non pas


à ceux qui trompent: qui font les argumens ridi-
cules de ces Docteurs Italiens , qui ont fi bien pro-

fité en ce meſtier,que l'Italie eft presque toute infe-

&ce de ceste pefte, & en a infecté la France tirant les

loix par les cheueux pour donner lustre à telle mef


PPP
REFVTATION DES OPIN.

chanceté. Or il n'y a homme figroffier qui ne voye

l'abfurdité lourde de tels argumens. Car fi la conuen-


tion faicte auec le fuject à la fuafion de celuy qui eft

ennemy capital de fon Prince , eft punic à mort fans

aucune remiffion , comment pourroit- on excuſer la


conuention faicte auec Sathan , ennemy de Dieu , &

de tous les fiens. Car quand bien le Sorcier n'auroit

iamais faict mourir, ny maleficié hommes, ny beſtes,

ny fruicts, & mefmes qu'il auroit toufiours guery les

hommes enforcelez , & chaffé la tempefte comme

faifoit vn Sorcier, curé de Sauillac pres de Tholouze,

qui enuoyoit toufiours la trumade ou tempefte hors


de fa parroiffe, fi eft- ce que pour auoir renoncé Dieu,
& traicté auec Sathan il merite d'eftre bruflé tout vif:

car telle conuention eft fans comparaiſon plus capi-

tale, que de faire mourir par feu & par glaiue les fruits,
les hommes , &les beftes : car cecy fe faict contre les

6.samuel.ca.2 . creatures , auec lesquelles on peut compofer :


mais
traicter auec Sathan , c'eft directement combatre la

maiefté de Dieu , & en defpit d'iceluy. C'eft pour-


quay laloy de Dieu dit que la Sorciere foit foudain

mifclà mort, fans parler,fi elle a faict mourir les fruits ,

ou le beftail , ou lay remarqué que la loy vfe du mot


nows , c'eſt à dire , celle qui fafcine les ieux, comme le

Docteur Abraham Aben Efra , & tous les Interpretes

-demeurent d'accord: qui fait bien à noter : car la loy


de Dieu est telle , qu'il n'y a mot qui n'emporte fon

emphaſe à fin qu'on fache, qu'il ne faut punir les Sor-


ciers principalement pour faire mourir les hommes,

& les beltes , mais pour auoir traité auec Sathan. Et


qIZ pour
DE IEAN WIER. V 242

pour cognoiftre celuy qui a traicté auec Sathan , la

loy en monftre vne forte au doigt & à l'œil , à ſçauoir

celuy quiefblouift & fafcine les yeux tellement qu'il


fait voir fouuent ce qui n'eft point , ou celuy qui

charme de parolle , à fin qu'on tienne pour preuue


trefcertaine,& indubitable entre autres que celuy a

traicté auec Sathan qui fafcine les yeux , qui charme


.de parolles, & qui fait autres chofes femblables . Car

les Sorciers font fouuent telles chofes pour faire rire,

& pour eftre eftimés fort habilles , qui eft pour tran.
cher la racine à Wier & à tous ces fuppofts , & aux

Iuges de s'enquerir plus auant s'il y a traicté fait auec

sathan , ou non , & quel & quand, & comment il a

eſté fait, ou fi le sorcier a iecté quelque fort, ou male-

fice pour nuire à perfonne: car les preuues de ces cho-

fes là feroyent quafi impoffibles , d'autant qu'elles ne

fe font qu'en tenebres , & aux lieux deferts , & par

moyens quafi incroyables , & à ceux qui n'en auroy-


ent ouy parler, & no pas qu'il ne foit bon auffi de s'en

enquerir:Mais la loy de Dieu a voulu monftrer qu'il

fuffit de verifier que le sorcier à vfé de charme , ou


efblouy les yeux.comme fift Troif- eſchelles deuant

le Roy , faifant venir en fa main les chefnons d'vne

chefne d'or qu'auoit vn gentil- homme fans y tou-


cher,demeurant toutesfois la chaine entiere au col de

gentil- homme , & faiſant voir que le Breuiaire d'vn

preftre eftoit vn ieu de cartes . Cefte preuue là fuffift .


pour proceder à la condemnation dusorcier : car il

cft trefcertain que telles chofes, qui ne ſe font point

par miracle diuin, & neantmoins ſont contre nature


PPp ij
REFVTATION DES OPIN.

fe font par Sathan , & par conuention expreffe iuree


:
auecques luy à fin qu'on prenne garde à tous ces
maiftres Gonins ( qui eft vng mot Hebrieu

megonim , qui fignifie Sorciers ) , & qu'on en face


bonne & briefue iuftice , comme eftoit vn sorcier

Iuifnommé Sedechias , lequel , comme efcript Iean

Abbé de Triteme, chaffoit en l'air, puis il mettoit vn

homme en pieces , & le raffembloit ( comme fift Sy-


mon le sorcier deuant Neron ) & fi fembloit aualler

vne chartee de foing , & les cheuaux , & le chartier


2.in lib.de
deuant tout le peuple, & mefmes Wier ' dict n'auoir
Praftig.
pas ouy , mais auoir veu en Allemaigne celuy qui
montoit au ciel , & tiroit apres foy la femme , & ſa

chambriere , qui ſe tenoyent par les pieds , l'vn de


l'autre , auec vneftonnement de tout le peuple , que

nous auons remarqué cy deuant . Quieſtauffi pour


refpondre à Wier,& à ces bons docteurs , qui difent

qu'il ne faut croire eftre faict ce qui eft impoffible


par nature; veu que Wier mefme confeffe auoir veu

telles chofes , qui neantmoins font impoffibles par


4.lib.1.c.12. de nature, comme il dit auffi auoir veu de fes yeux en-
Praftig. leuer en l'air par le Diable fans aucun repos vne fille

nommee Henriette au chafteau de Laldenbroc, au

Duché de Gueldres : laquelle hiftoire quand il nyau-

roit autre chofe, fuffiroit pour reietter tous les argu-

mens de Wier , & ces coplices: combien que tout fon


liure eft plein des chofes aduenues cotre tout le cours

& puiffance de nature qu'il confeſſe eſtre faites par

le moyen des malings efprits: comme d'vn cousteau


tiré du ventre d'vne fille,fans aucune apparence d'vl-
cerc
DE IEAN VVIER. 243

cere: ce qu'il dict auoir veu en prefence d'vne infinité

de perfonnes, & le couſteau , qui eſt encores en natu-


re , comme en cas pareil il dit auoir veu ' tirer du 9.lib.4.c. 9. de
Praftig.
corps d'Vlrich Nuffefcer enforcelé . quand on l'ou-

urit quatre coufteaux , vn gros bafton , plufieurs

cloux, & grande quantité de filafee deuant plufieurs

medecins , & plufieurs perfonnes eftonnes d'vn

tel fpectacle. C'est donc vne faulfe maxime , & plei-

ne d'impieté,de dire qu'il ne faut pas croire ce qui


eft impoffible par nature . Et neantmoins laiſſant

ces merueilleufes actions , & fafcinations contre le


cours ordinaire de nature > il est principalement

question de punir à toute rigueur , ceux qui renon-


cent à Dieu, & s'abondonnent à Sathan , que Wier

ne peut dire eftré vne action impoffible : & d'au-


tant que la preuue de telles impietés eft difficile . La

loy de Dieu commande de mettre à mort les char-


mcurs qui efblouuiffent les yeux , ou la fantaſie

fans s'enquerir plus auant, tenant pour refolu que le


charmeur eft Sorcier, qui a paction expreffe , outaci-

te auec Sathan . A plus forte raifon s'il appert, ou par

confeffions , ou par tefmoings, ou par efcript des con-

uentions auec Sathan , ou des malefices , qui ne ſe


peuuent commettre par nature : Car il fait bien a

noter, comme ray dict , & le faut fouuent repeter,

que la loy de Dieu parlant des Sorciers, & de la pei-


ne capitale contre eux decernee, ne faict aucune men-

tion ny de la mort du beftiail , ny des hommes , ny

des malefices gettes fur les fruits ,(qui font les moin-

dres mefchancetés , que facent les Sorciers ) ains de

PPp iij
REFVTATION DES OPIN.

ceux qui faſcinent , ou charment les yeux, ou qui de-


mandent aduis aux morts , ou autres chofes fembla-

bles que nous auons cy deffus interpretees. Car d'au-

tant , que ceux qui font ces tours eftranges , & con-

tre nature faifans rire vn chacun, les œuures des luges


s'amoliſſent , & chacun penfe qu'il n'y ait point de

mal. Il y auoit vn grand perfonnage d'authorité

qui fut accufé apres fa mort , d'auoir efté au nombre


des Sorciers, qui auoit accouftumé de tourner la feue-

rité de Iuftice en rifee , pour faire euader les Sorciers.


C'eſt la façon de Sathan de faire rire , pour adoucir le

comble d'impieté : ainfi font les Sorciers par leurs


charmes & pour dix forcelleries il font couler vn trait

de foupleffe, à fin qu'on penfe que tout ce qu'ils font,

eft par foupleffe Pour cefte caufe Dieu a expreffémét


articulé , que ceux qui efblouyffent , ou fafcinent les

yeux foyent mis à mort : encores il eft dict , qu'on


9.in lib.defpe- ne les fouffre viure , à fin , dict Philon , Hebrieux,que
cialib.legib.
foudain ils foyent executees à mort le iour meſmes:

& dict qu'il le pratiquoit ainfi . Enquoy il appert affez

qu'on ne s'arreftoit pas à l'inquifition des autres ma-


lefices des Sorciers, à fin que la difficulté de la preuue

ne retardaſt le fupplice . Or Wier pour ancantir les


loix faictes contre les Sorciers , & reuoquer en doute

toutes les hiftoires , s'amuſe à refuter l'opinion de

ceux qui croyentles Lycathropes, difans que tout cela

n'eft qu'illufion . Ce n'eft pas refpondre à la loy de


Dieu , qui veut que ceux qui font telles illufions

foyent mis à mort : Et n'eft pas queftion de fçauoir

s'il y a vray changement du corps humain en loup,


ou dc-
DE IEAN WIER. 244

ou demeurant la maiſon en fon entier , ou qu'il y ayt


}
entier changement du corps, & de l'ame, ou qu'il n'y
1
ayt qu'vne illufion, ou fafcinatio de ceux qui le voyét

demeurant le corps & l'ame en fon entier. Toutesfois

VVier 'fe monftre plus hardy , & fouftient que tout . Aguſtinus
cela n'eft que illufion . Ce n'eft pas faict en Mathema- lib.18.ca.18.de
Ciuit. Dei, &
ticien , ny en Philofophe , d'affeurer temerairement in lib. de spiri-
1
yne choſe qu'on n'entend point : Mais il faut en ce tulit.c.16.

cas voir l'effect , & ce qu'on dict , orı isì , & laiſſer
à Dieu la caufe , c'eſt à dire , si ori. Or tous les argu

mens de VVier font appuyez fur vn fondement

ruineux , en ce qu'il difpute des efprits & Demons , &


de leurs actions , comme il feroit des chofes naturel-

les , qui eft confondre le ciel & la terre , comme i'ay

demonftré en la preface de ceft œuure. Il confeffe


l'hiftoire de lob eftre veritable, & que Sathan efmeut

les vés, la foudre, le feu, & les ennemys pour faire ruy-

ner & brufler les maiſons , enfans, & famille , & tout

le beftail de lub tout à coup : & puis apres que Sathan

l'affligea d'vnerongne incurable , depuis le fommet

de la tefte , iufques à la plante des pieds : toutes lef-

quelles actions font plus difficiles, que de tourner vn


homme en figure de loup : Et neantmoins on void

que Dieu donne cefte grande puiffance à Sathan.


Auffi Wier ne peut nyer , que Nabuchodonofor

Empereur d'Affyrie n'ait efté chagé en bœuf paiſſant

l'herbe fept ans entiers , eftant la peau , fon poil, fes

ongles,& toute fa forme changee , & puis reftitué en


fa figure : comme l'hiftoire de Daniel le Prophete

nous enfeigne . S'il dict que ce changement du Roy


REFVTATION DES OPIN

Nabuchodonofor eft veritable , comme la Sain &


tc

Efcripture , & non pas vne illufion fabuleuſe . Il faut

auffi qu'il confeffe que le mefme changement fe peut

faire de figure humaine en loups,& autres beſtes: Et

en affeurant que le changement des Sorciers en loups,

& autres beftes eft fabuleux, & que c'eft vne illuſion:
il faict vne conclufion que l'hiftoire facree eft vne fa-

ble & illufion: Car s'il eft fait en l'vn, il fe peut faire és

autres : attendu que la puiſſance de Dieu n'eſt point


diminuce . C'eft largument que Thomas d'Aquin

faict, pour monſtrer que Sathan tranfporte les Sor-

ciers veritablement , par l'exemple de Ieſus Chriſt

qui eftoit vray homme, qui fut tranfporté par Sachan

fur le temple , & puis fur la montaigne . Et fi Dieu a

donné cefte puiffance à Sathan ſur Iob , & fur Iefus


Chriſt , qui doubte qu'il ne la donne encores plus
grande fur les Sorciers, & fur les mefchans? Car Wier

7. cap.16 . eft d'accord au liure de lamiis, que Sathan mua Nabu-


b.1.ca.24.de chodonofor d'homme en bœuf , qui doit le faire
Praftig.
rougir de honte de confeffer, comme il ne peut nyer
le vray changement de Nabuchodonofor en beſte

faict par Sathan , & le nyer és autres . Car le Canon

8.d. 6.9.5. epifcopi , & autres femblables touchant la transfor-

mation , ne fe peut entendre finon de ceux qui pen-


fent que les Sorciers , ou Sathan ayent puiffance de

foy mefmes de faire telles chofes . Mais ce ferait vne

lourde hærefie de penfer que Dieu ne donne cefte

puiffance à Sathan quand bon luy femble , pour cha-


ftier les mefchans & de limiter la puiffance de Dieu,

ceft vn blaſpheme , & de iuger de fes fegrets , c'eft vne


temerité
DE IEAN VVIER. 245

temerité capitalle.Et en bons termes , la puiſſance des

creatures eft la puiffance de Dieu : & la gloire de Dieu

ne luift pas moins en la puiffance qu'il a donnee à


Sathan , que a toutes les creatures de la terre . Caril

eft dict en Iob, qu'il nya puiſſance en terre pareille à

la fienne: Qui monftre bien que les actions de Satha

font fupernaturelles , & qu'il ne les faut pas mefurer


au pied des caufes naturelles . Nous lifons auffi que

les Sorciers du Roy d'Egypte tournoyent les baftons


en ferpens, comme Moyfe.Or il eft certain que Moy-

ſe ne faifoit rien par illufion , c'eſtoyent donc vrays

Serpens qui eft fans comparaifon plus difficille que

changer la nature d'vn animal en l'autre . Et neant-

moins la verité eſt que Dieu à creé toutes chofes , &


ny a autre createur que Dieu feul: auſſi n'eft il pas dit,

& ne fe trouue point que Sathan , ny tous les Sorciers

ayent creé ou formé vne efpece nouuelle . Et fi Dieu

à donné ceſte puiffance à Moyſe, il a peu , & peut en-


cores la donner, & à Sathan , & aux Sorciers: car touf-

iours c'eft la puiffance de Dieu foit ordinaire, ou ex-


traordinaire, & fans moyen, ou par fes creatures, com-

me Thomas d'Aquin & l'Eſcot demeurent d'accord 6.in lib.x.


ainfi que nous auons dict cy deuant . Mais Wier c'eft

bien abufé de prendre la creation pour la generation,

& la generation pour la tranfmutation :la premiere eft


de nihilo , qui eft propre au createur , la feconde eft

ex eo quodfubfiftit , qui s'appelle yéreas in formarumge-


neratione: & la troifieme n'eft pas motus , c'eſt à dire
κίνησις
alvats , ains feulement vn changement , & alteration
accidentale c'eft dire αλοίωσις , & μεταβολή, demeu-
୧୧୩
REFVTATION DES OPIN.

7. Arift.lib..3 · rant la forme effentielle ' .Et parainfi ce que le crea-


as.Qudin.
ἄκρο. teur a vne fois creé , les creatures engendrent par

fucceffion & transforment par la proprieté & puif-

8. Dift.7.art.5. fance que Dieu leur a donnees , que Thomas ' d'A-

quin appelle Vertu naturelle , parlant des eſprits en


celte forte , Omnes angeli boni & mali habent ex virtute

naturalipoteftatem tranſmutandi corpora noftra. Or tous


les anciens depuis Homere , & tous ceux qui ont
faict les procez aux Sorciers , qui ont fouffert tel chan-

gement , font d'accord que la raiſon , & forme ef-


fentielle demeure immuable , comme nous auons
9.lib.3.
dict en fon lieu. Mais Wier , qui veut difputer en

Phyficien de la Metaphyfique , trebuche à tous pro-

pos és fondemens , & principes de la Phyfique . Et


quand il fe voit accablé d'vn milion d'hiſtoires di-

uines , & humaines , touchant les changemens de la

figure humaine en beftes , il dict que Sathan endort

les corps . Cela fe pourroit faire pour vne heure , ou

vn iour : mais il eft impoffible par nature, que l'hom-

me fain viue plus de fix iours fans rien manger , com-


1.Plin. 11. 54. me dict Pline , ' que les anciens ont experimenté en

tous ceux qui estoient condamnez à mourir de faim,

& les ieunes beaucoup moins que les vieillards , qui

eft la caufe pourquoy ils meurent les premiers de

2. in lib. de faim aux places affliegees , comme dict Hippocrate:


2
Carnib. Et neantmoins en Liuonie ils font pour le moins

douze iours en figure de loup : les autres trois mois:


O.Plinius.
Et les anciens en ont remarqué qui l'auoyent eſté

dix ans changeant de figure , apres auoir paffé cer-


raine riuiere . Mais il faict bien à noter qu'il ne fe
trouue
DE IEAN WIER. 246

trouue pas vn des corps humains , comme Peucer e-

fcrit . D'auantage l'arreft donné au Parlement de

Dol , le XVIII. Ianuier . M. D. Lxx1111 . contre

Gilles Garnier Lyonnois , porte fa confeffion , c'eſt

à fçauoir qu'il auoit mangé deux filles , & vn ieu-


ne garçon : la premiere , le iour de la Sainct Michel,

pres le bois de la Serre , au village de Chaftenoy , à

vn quart de lieuë de Dol , & l'auoit tuce , & defchi-

ree auecques fes griphes en forme de loup , comme


3
i'ay dict plus au long cy deuant , laquelle confef- 3.lib.z.cap.6.

fion fut tresbien aueree par la mort des enfans des

lieux , du temps , & la façon , & des perfonnes , qui

ſe trouuerent , à ce qu'il auoit faict l'ayant veu en

forme de loup : &falloit bien que le corps fuft chan-

gé en figure de loup , ou du moins que l'efprit hu-


main paffaft au corps d'vn loup , pour remarquer
fi exactement toutes choſes . Et neantmoins en ceſte

forte il faudroit confeffer que deux formes feroient

enſemble en meſme fuiect , qui eft directement con-


tre les principes de Phyfique : * & toutesfois Wier 4.Ariftoteles

qui veut difputer de la Metaphyfique en Phyficien, in libru de or-

confeffe en mille endroits de fes liures , que les Dia - interitu .

bles , qui font formes intelligibles , entrent au corps

des hommes , que les anciens pour cefte cauſe ap-

pelloyent Sauras . C'eft pourquoy Ariftote n'a

iamais difputé des efprits , ny des intelligences aux

liures de la Phyfique , ains il a referué aux liures in-


titulez μerà và Quod , craignant tomber aux in-

conueniens , & abfurditez , ou les anciens s'eftoyent

enuclopez , en meflant les queftions , des Mathema-

QQq ij
REFVTATION DES OPIN.

Phyfique , dequoy illes a repris 'Wier , &


κῆς ἀκροας . tiquer en
5.inli..Qui
tous ceuz qui s'arreftent à fes argumens font trefbuf-
chez en la mefme faute . Car Ariftote tient pour ma-

xime de phyſique, que la forme phyfique feparce du

corps naturel , perift , & neantmoins en fa Metaphi-


fique il excepte l'ame de l'homme , laquelle il dict

auffi aux liures de partibus animantium θύραθεμ ἐπεισιέναι


c'eſt à dire béoep,& œoep, ep diuinitus cœlit , & qu'el-

le vient en l'homme de dehors , & demeure apres la

corruption du corps humain. Auffi Wier, qui veut

traicter en phyficien les actions des efprits, dit en mil

endroicts de fes liures que les Diables vont de lieu en

autre, & dit vray , & cela ce cognoift à veüe d'œil

en ceux qui font affiegés, outranſportés par les Dx-

mons : & neantmoins il eft impoffible par nature (fi


les principes de phyfique pofés par Ariftote font ve-

ritables) que tout ce qui eft mobile, & occupe lieu ne

foit corps , qui eft du tout contraire aux efprits : Et


toutesfois le mefme Ariftote difputant en Theologie

c'eſt à dire Metaphificien , dit que les efprits fepa-


9
9.lib.8.7 rés meuuent les corps celeftes , & fouffrent auffi

μeтà Tà QU. mouuement , hormis le premier moteur . Et mef-

mes Dieu qui furpaffe toutes les Anges en purité &

fimplicité d'effence parlant de foymefmes dict , le

t remplis le ciel & la terre, & pour cefte cauſe il s'ap-

pelle auffi opp , ceft a dire lieu , par ce que le monde


eft en luy, & non pas luy dedans le monde , comme
difent les docteurs Hebrieux fur ce paffage d'Ifaye

Calum mihi fedes eft, & terrafcabellum pedum meorum.Et


fi on veut dire comme Saint Auguftin qui a fuiuy
la defi-
DE IEAN WIER. 247

la definition que Apulee baille des Demons, que les


Academiciens ont receuë, c'eſt affçauoir que les Da-

mons ont corps, il fera encores plus eftrange. & beau-


coup plus incompatible , & contre nature . Car

deux corps fe pourroyent penetrer , qui feroit euer-

tir toute la Phifique fondeefur le principe , qu'il ny


a point de penetration de dimenfions , attendu que

les Dæmons penetrent les corps des hommes , ce que


VVier confeſſe par tous ces liures. Il ne deuoit donc
fonder fes argumens des Sorciers , & des actions des

Dæmons fur les principes, & hypothefes de la Phyfi-

que,lefquelles toutesfois il a tref- mal entendues, com

me l'ay touché en paffant : Et ce peut cognoistre à

veue d'œil par celuy qui aura leu ferieuſement, &'en-


tendu les liures des Philofophes : lefquels en la difpu-

te des Dæmons s'accordent auec les Theologiens

pour la pluf-part,meſmement les Academiciens . Car


le mouuement des cieux & lumieres celeftes eſt attri-

buce aux Anges en la Saincte efcripture auffi bien

que par les philofophes, comme on peut voir en Eze-


chicl & au Pfalm- 68.verf.18 . ou l'interprete Caldean

dit qu'il y axx mil . lumieres & autant d'Anges pour

les mouuoir . Et Thomas d'Aquin , que les Grecs

nouueaux ont eftimé fi bon philofophe , qu'ils ont

traduit le plus beau de fes œuures de Latin en Grec ,


tient toutes les actions des efprits, & des Sorciers pour

veritables, comme nous auons monftré cy deuant &

dict qu'il neft point eftrange que Symon Sorcier Itinerario.


7.Clemens in

fift parler vn chien par le moyen des Diables , & les


quattres Sorciers qui furent brufles à Poitiers ,l'an mil

QQq iij
REFVTATION DES OPIN.

D.Lx1111 . depoferent que le bouc, qu'ils adoroient

8.lib.de sorti la nuit , parloit à eux , & Paul Grilland ' efcrit que de
legfectione7.
num.24. fon temps il a veu brufler vne Sorciere à Rome qui

s'appelloit Francifque de Siene , qui faifoit parler vn


chien deuant tout le monde.Toutes les actions, & au-

tres femblables eſtranges que Wier confeſſe , ſe font


contre nature. Il faut donc baiffer la tefte deuat Dieu ,

& confeffer la foibleſſe de noſtre eſprit ſans s'arreſter

aux principes, & raifons de nature,qui nous manquét

quad on veut examiner les actiós des efprits, & focie-


té des Demós auec les Sorciers, & faire feparalogifine

que telles actios ne font pas veritables , par ce qu'elles

font contre nature . Et que tout ce qui eft impoffible

par nature eft impoffible , qui eft vn droict paralogif-

me & elenche fophiftique: come qui diroit d'vn mef


chant home, il eft bon efcrimeur,il eft donc bon. Car

la confequence à coniunctis adfimplicia ne vaut rië. Or


Wier voulant en quelque forte , & à quelque prix

9.cap.16 . de que ce foit faire cuader les Sorciers , dict ' qu'elles
Lamy's.
font poffedees , & forces du Diable . Chacun fçait

la difference qu'il y a entre les Sorciers , qui fe font


voüees , confacrees , & dedices à Sathan , qui font

comme les paillardes abandonnees , & celle qui eft

affiegee de l'efprit malin, qui eft comme la vierge pu


dique rauie par force. Auffi Sathan n'eft pas fi mal

aduifé enuers fes loyaux fuiccts. Puis apres il dict que

le tranfport d'icelles aux affemblees eft impoffible


par nature , & en fi peu de temps. l'ay refpondu à ce

poinct fuffifamment : Et neantmoins Wier monftre


bien qu'il eft auffi mauuais Mathematicien , comme

Phyficien
DE IEAN WIER. 248

Phyficien : Car on voit l'huitieſme ciel auec tous les


aftres faire fon tour en xx1111.heures , lequel tour a

plus de cent trente & trois millions de lieuës à deux

mil pas la licüe au pas Geometrique.Car combie que


Archimede , & -Ptolomee , n'ayent demonftré ſeule-

ment que la diſtance de la terre iufques au Soleil, qui a


douze ces & neuf femydiametres & demy de la terre,

lequel femydiametre a 2736. lieües & plus à deux


mil pas la lieüe , & le tour de la terre fix fois autant
'

auec vne feptiefme d'auantage , ainfi que Ptolomce

a demonftré, apres auoir recueilly les obferuations

d'Hyparchus : Qui font en tout depuis le centre de


la terre iufques au Soleil , quatre cens quarante , &

neuf miltrois cens foixante & quatre lieues , à deux

mil pas chacune. Neantmoins les Arabes Alfragan ,

Albategni , Tebit , Campan , ont paffé plus outre , &


laiffé par efcrit, que la diſtance de la terre , iufques

au huictiefme ciel , à vingt mil octante & vn femy-


diametre de la terre, & XXVIII.minutes d'auantage,

quifont trente & fix millions , cent quarante & cinq


mil huict cens lieües. Le Rabin Moyfe Ramban au

troifiefmeliure y en met plus: car les de-

monſtrations Aftronomiques fe font au fens : mais


en prenant le moins , il eft certain & demonftré par

Ptolomee que la raiſon du ſemydiametre à l'arc , eft

comme de cinquante-deux à foixante : & par la de-


monſtration d'Euclide au troifieſme , les fix femy-
diametres du cercle font iuftement l'exagone , tel-
lement
que le femydiametre , depuis le centre de la

terre iufques à l'huictiefme ciel , fe trouuera iufte-


REFVTATION DES OPIN.

ment ſix fois en l'huictieſme ciel, qui font fix fois

trente fix millions cent quarante & fix mille huict ces

lieues: & le furplus du cercle , qui font quarante &

huic degrez prenant huict degrez en chacun arc de

l'exagone du cercle outre les fix femydiametres,

reuiennent à 28916690.lieues & plus : car ie laiſſe 28 .


minutes , qui font huict cens lieues , qui eft pour
tout le circuit du ciel huictiefme , deux cens quaran-

te & cinq millions fept cens nonante & vn mil

quatre cens quarante lieues , qui fe font en vingt &

quatre heures. Le neuf& dixiefme ciel font bien en-

cores plus grands : Car il eft trefbien demonftré par


Ptolomee en fon Almagefte , que toute la terre qui
a vnze mil cens foixante lieues de tour n'eft rien

que vn point infenfible, eu efgard feulement au cer-

cle du Soleil , qui eft beaucoup moindre que l'hui-

tiefme fi doncques en vingt & quatre heures l'hui-


tiefme ciel faiction tour en vne minute d'heure ( dot

les foixante font l'heure ) l'huitiefme ciel faict vn

million ſept cens fix mil cent cinquante & cinq .

lieues par le mouuement de l'Ange à qui Dicu a dou-

né cefte puiffance , que les Hebrieux appellent le


O.Lee Hebraus, Cherubin faifant la roue du glayue flamboyant de
lib.2.
lumieres celeftes: cft il donc impoffible que Sathan à

qui Dieu à donnétant de puiffance fur la terre tranf-

porte vn homme à cent ou deux cens lieues en vne

heure.On voit donc euidément que tel mouuement


n'eft pas impoffible par nature . Ieanne Haruillier

de la quelle r'ay parlé cy deuant , & qui fut bruſlee

vifue le dernier iour d'Auril 1578 confeſſa que le Dia-


ble
DE IEAN WIER. VIS 249

ble l'auoit tranſportee fort loin la derniere fois &

qu'elle auoit efté long temps deuant que d'arriuer en


l'affemblee , & puis eftant reportee , elle fe trouuoit
toute foulee & fort laffe, comme l'ay recuilly du pro-

cés qui m'a efté raporté par maistre Claude de Fay


procureur du Roy à Ribemont . Mais on voit vne

malice notable en Wier , lequel efcript au chapitre

huitiefme de Lamiis , que les Sorcieres ont confeffé

que Sathan leur faifoit cracher en terre , pendant


qu'on monftroit l'hoftie , & marcher fur la croix.

Or Wier fe fert de cefte occafion pour piper ceux

qui ont laiſſé la meffe, en ce qu'il dict que tout cela

elt ridicule . Spranger efcript auffi , qu'il auoitfçeu

en faisant le procés des Sorciers, que pluſieurs auoiết


paction expreffe auec Sathan de rompre les bras &
les cuiffes des Crucifix : & mefmement le vendredy

Sainct . Wier dict que tout cela n'eft que folic.le

ne veux pas entrer au merite de la religion, que tant

de Theologiens ont traicte amplement: auffi n'eft


ce pas mon fuiect . Mais ietiens que les rufes de Sa-

than font incroyables ,fi on ny prend garde de fort


pres: à quoy n'a pas regardé celuy, qui a fait le liure

des Strategemes de Sathan , qui font fort pueriles.

Carle deffein de Sathan n'eft pas feulement de faire


mefprifer, & renoncer Dieu par les fuiets , ains aufſi

toute religion , & tout ce que chacun penſe eſtre


Dieu, & qui le peut tenir en crainte de mal faire pour

Le tourner du tout à Sarhán. C'eft pourquoy les Sor-

ciers demeurent d'accord , que la premiere chofe


que faict Sathan aux Sorciers apprentifs , c'eſt de les
RRr
REFVTATION DES OPIN.

faire renoncer à Dieu , & à toute religion , fachans

bien que celuy qui n'a religion quelconque , fe de-


borde en toutes impietés & mefchancetés. Car mef-

mes en Rome on deſcouurir que aux facrifices no-


cturnes de Bacchus il fe trouua nombre infini de sor-

ciers,qui commettoyent mille inceftes, & fodomies

puys ils facrifioyent les plus innocens , & pour ceſte


caufe ils furet deffendus par toute l'Italie à iamais, &

2. Limins. plufieurs sorciers ' executés à mort . Comme nous


lifons auffi en Epiphanius, que des la primitiue agli
fe Sathan fift couler vnefecte damnable de Sorciers

Gnoftiques , laquelle foubz voile de religion facri-

fioyent les petits enfans prouenus des inceſtes , qu'ils


commettoyent , & les pilloyent en mortiers auec de

la farine & du miel, dont ils faifoyent des tourteaux

qu'ils balloyent à leurs fectateurs à manger , & ap-


pelloyent cela leur Cene:quieftoyent les vrays Sor

ciers ainfi appris par Sathan: duquel le but principal

pour eftablir fa puiffance , eft d'arracher toute reli-


gion du cœur des hommes, ou bien foubz le voile
de fuperftition couurir toutes les mefchancetés

qu'on peut faire en defpit de Dieu , 3ou de celuy que

chacun penfe eftre Dieu . Carie tiens que celuy n'of


fence pas gueres moins qui faict quelque chofe en

defpit d'vne pierre ou autre matiere qu'il penfe eftre


Dieu, que celuy qui.blafpheme le vray Dieu Eternel

qu'il cognoift : comme faifoit Caligula qui prenoit


2. Traquil, l'image de lupiter & luy difoit iniures en l'aureille ,

in Caio. & brisoit l'image de Vefta , que les Veftales luy bail-

loyent pour baifer. Nonpas que ce fult malfaict en


foy de
DE IEAN WIER. 250

foy debrifer la ftatue des Veſtales; mais c'eſtoit blaf-

pheme & impieté à Caligula qui auoit ce but de faire

cola en defpic de celuy qu'il penfois eftre Dicu , lequel

a toufiours efgard à la confcience & intention des

perfonnes: & pour cefte caufe il s'appelle Scrutateur

des penfees fans auoir efgard aux mines . C'eſt pour-

quoy Baruc fachant que le peuple captif en Babylo-

ne eftoit contraint de s'agenouiller deuant les ima-

ges de metal, de bois , & de pierre , il leur efcript

ainfi : Quad vous verres porter des images fur les cf

paules pour les faire reuerer, yo? dires en vos cœurs,

Ceft a toy ôDieu Eternel , à qui l'honneur apartiet.


Ainfi fayfoyent plufieurs en la primitiue Eglife, qui

affiftoyent ou par force ou par crainte aux facrifices

des Payens , ou pout euiter au ſcandale qu'on ne les


eftimaft Atheiſtes ores qu'ils fufsét à genoulx deuant

les images ,ils prioyent Dieu neantmoins à ce qu'il

luy pleuft les garder de toute pollution & idolatrie ,


& qu'il print en gré la confcience & intention bonne

tant d'eux que des pauures ignorans . le conclud


donc que la volonté & intention d'vne part & d'au-
tre eft le fondement de toute action bonne ou mau-

uaife en forte que fi la volunté contreuiết à ce que


la raifon iuge & croit cftre bon , encores que la rai-
fon foit abufee, on offence Dieu . C'eft la decifion de

Thomas d'Aquin ' au traicté qu'il a fait de Bonitate 5.primafe


actus interioris voluntatis: ou il dict ainsi , Quando ra- cuda,9.19.
ad quintu.
tio erransponit aliquid vtpræceptum Dei , tunc idem est 4inlib.re-
contemneredictamen rationis , & Deipræceptum : fuyuant tractatio-
uum.
de ſainct Auguſtin *. C'est pourquoy Sathan co-
C'est pourquoy
RR r ij
REFVTATION DES OPIN

gubilant que Dieu regat de l'intétion excufanttouf-

iours la force, la crainte , la iufte ignorance s'efforce

d'arracher non feulement la vraye religion, ains auffi


toute opinion de diuinité du cœur des hommes . Et

faict tout ce qu'il peut , à ce que celuy qui n'adore

que và Dieu , luy donne plufieurs compaignons

puis apres il le diftrait du Createur aux creatures , &


des creatures intelligibles aux creatures fenfibles : &
des creatures nobles & celeftes aux creatures elemen-

taires , iufques aux beftes immodes, Serpes & crapaux

& des creatures de Dieu aux ouurages des hommes:


Car c'eſt chofe plus abhominable de s'aggeuoiller

par reuerence deuant les idoles œuures de l'homme,

que deuant les crapaux & crocodilles , que les Ægy-

ptiens adoroyent , qui font creatures & œuures de

Dieu. C'eft pourquoy Sathan apres les creatures de


Dieu fait honorer les œuures des hommes , comme

les images & ftatues,que les Grecs appellent Idoles,


les Hebricux Peffelin , & non content il faict enco-

res en fin renoncer aux images , qui les tiennent en

quelque crainte d'offenfer pour le faire adorer foy-

mefme, & à fin d'émpefcher que iamais fes feruiteurs

ne fe puiffent reconcilier à Dieu , il les oblige par

mefchancetés fignalees , & horribles blafphemes

pour n'efperer iamais pardon , comme de faire en


defpit de Dieu manger les hofties confactees aux

crapaux , qui cftchofe execrable: ce qu'il ne fait faire.

finon à ceux qui tiennent pour tout certain & reſo-

lu que l'hoftie eft Dieu , comme l'ay remarquécy def

fus & faire en defpit de Dieu tirer le crucifix à coups


de traict
DE IEAN VVIER.
451

de traict, qui eft encores vne autre mefchanceté ab-

hominable & deteftable , comme i'ay monftré que

Sathan faifoit faire par cy deuant aux Sorciers , qu'on

appelloit Sagittaires en Allemaigne , qui ne fe trou-


uent plus depuis que la plufpart des Allemans ont

defifté de sagenouiller deuant les crucifix : Car

tout ainfi que Dieu fonde les cœurs , & regarde


l'intention des hommes , auffi Sathan contrefaifant

Dieu fe faict feruir comme Dieu, comme font les plus

grands Sorciers,qui l'adorent la face contre terre: ou

par les ceremonies qu'on penſe eſtre aggreables à

Dieu, & ce qu'ils font par reuerence: comme de bai


fer les reliques auec chandelles ardentes : Sathan fe
fait ainfi feruir : comme il fut verifié au proces des

quatre Sorciers qui furet bruflés tous vifs à poitiers

Fan mil cinq cens foixante & quatre Ils depoferent


qu'ils baifoyent Sathan en forme de boucau fonde-

ment auec chandelles ardentes , pres d'vne croix.Si


lés Preftres de Monftrelet,& de Froiffart , qui bapti-

ferentles crapaux , & leur baillerent l'hoftie, cuffent

penfé , qu'il n'y euft eu aucune Diuinité en l'Hoftie

Sathan neuft pas requis cela d'eux , ny demandé à


Neron maistre Sorcier,s'il én fut iamais, & à Caligu-

la fon oncle, qu'ils foulaffent aux pieds les ſtatues de

Iuppiter, de Vefta , & autres , s'ils enflent pensé que

il n'y euft eu aucune Diuinité Comme en cas pareil


en toutes les sorcelleries, & communications detefta-

bles des Sorciers , à chacun motily a vne croix , & à


tous propos Icfus Chrift , & la Trinité, & l'eau be-

neifte. Et fi les Sorciers veulent faire quelque mcf-


RR iij ,
REFVTATION DES OPIN .

chanceté par les images de cire , il les fait mettre ſoubs

3.lib.2.de les corporaux pendant la Meffe , comme Paul ' Gril-


Sortileg
S.nu.11. lad dictauoir aueré par plufieurs procés , & les bapti

fent au nom de ceux qui veulent offenſer, & vſent de

parolles , & myfteres deteftables qu'il falloit fuppri-


mer, & non pas les faire imprimer. Et fait à noter que

Sathana de toute antiquitéa attiré les Sacrificateurs,

Arufpices , & Preftres à la cordelle , pour fouiller tou-


tes fortes de religions , & leur donner toufiours

plus de puiffance de mal faire, que aux autres . Et pour


cefte caufe Platon en l'onziefme liure des loix, decer-

ne peine capitale au Sacrificateur qui tue par Sacrifi-


ces & Magie: ce que i'ay remarqué cy deffus auoir efté

iugé par arreft du Senat Romain fur l'interpretation


la Loy Cornelia,in l.ex fenatufconfulto , deficarijs ff. que

celuy eft puniffable comme meurtrier , quia, ou qui


fait tels facrifices. Auffi voyons nous en Spranger , &

Paul Grilland, & en Pontanus les plus grands Sorciers

auoir efté prestres , pour gafter tout vn peuple : Car

plus le Miniftre de Dieu doibt eftre fainct & entier

pour fanctifier le peuple, & prefenter vne oraiſon &

louange aggreable à Dieu : d'autant plus eft l'abho-

mination deteſtable , quand il s'addonne à Sathan, &


luy fait facrifice,au lieu de facrifier à Dieu. Car meſ-

mes Porphyre efcript que tous les anciens ont re-

marqué que fi les facrifices faicts à Iuppiter , Apol-


lon & autres Dieux eftoyent faicts indignement , les

malings efprits venoyent, & la priere eftoit tournee

en execration. Non pas que Dieu euft les idolatries

aggreables, qu'il deffend ſur la vie, mais il eſt à preſu-


mer
DE IEAN WIER. 252

mer qu'il prenoit l'intention des ignorans, & les iu-


geoit felon la volonté qu'ils auoient . Paul Grilland
recite d'vn nommé Iacques Perufin Preftre , qu'il 4.lib.2.c.6 .

dit auoir efté l'vn des plus grands Sorciers d'Italie, le- de sortileg.

quel en difant la Meffe , & le tournant au peuple, au

lieu de dire:Oratepro mefratres,il dift vn iour , Orate

pro caftris Ecclefiæ , quia laborant in extremis , c'eſt à di-


re,priez pour l'armee Ecclefiaftique qui eft en dan-

ger extreme, & à l'inftant mefme l'armee fut defaicte,

qui eftoit à vingt cinq lieues de Perouſe , ou il difoit

la Meffe. Nous en lifons vne femblable en philippes

de Commines, d'vn Italien Archeuefque de Vienne,

lequel difant la Meffe deuant le Roy Louys vnzief-

me , le iour des Roys , à sainct Martin de Tours , en

luy donnant la paix à baiſer, il luy diſt, Pax tibi , Sire,


voftre ennemy eft mort il fe trouua que à l'heure
mefme Charles Duc de Bourgongne fut tué en Lor-

raine, deuant la ville de Nancy .Je ne fçay fide ce teps

la l'Italic produifoit des prophetes autres qu'elle n'a


fait depuis:Mais ie doubte fort qu'il eftoit du mestier

de plufieurs autres de ce pays la , que Sathan à depu-


té vers quelques princes, pour les infecter de cefte

pefte : Car Philippes de Commines recite plufieurs


propos de ce bon Archeuefque qui ne reffentent

rien que les effects d'vn vray sorcier. Voyla pour


refpondre à Wier, en ce qu'il dit que c'eft chofe ri-

2 dicule de commander par sathan à fesfugets , qu'ils

demembrent les Crucifix , qu'ils crachent contre ter

re , quand on monftre l'Hoftie , qu'ils ne prennent

point d'eau beneifte.11 fe mocque auffi d'vne sorcie .


REFVTATION DES OPIN.

re, à qui Sathan commanda de garder bien ſes vieux


fouliers , pour vn preferuatif, & contre- charme con-

tre les autres Sorciers . Ie dy que ce confeil de Sathan

à double fens , les fouliers fignifient les pechez, com-

me eftás toufiours trainnez par les ordures : Et quand


Dieu diftà Moyfe & à Iofué, ofte tes fouliers, ce lieu
eſt
eft pur , & faint il entendoit , comme dict Philon

Hebrisu, qu'il faut bien nettoyer fon ame de pechés,


pour contempler & louer Dieu Mais pour conuerfer
auec Sathan,il faut eftre fouillé , & plongé en perpe-

tuelles impietez, & mefchancetez : alors Sathan affi-


ftera à fes bons feruiteurs . Et quand aux fens literal,

nous auons dit que Sathan , fait ce qu'il peut ,pour de-
ftourner les hommes de la fiance de Dieu aux creatu-

res , qui eft la vraye definition de l'idolatrie , que les

7. dolaria Theologiens ont baillee: tellement que qui croira,


à que les vieux fouliers , ou les bilets , & autres babio-
eft auerfioad
Creatore

creaturam . les qu'il porte,le peut garder de mal, il eft en perpe-


tuelle idolatrie . L'autre but de Sathan 'eft d'accouſtu-

mer fes fugets à luy obeir , comme i'ay remarqué cy

deffus,que Sathan pour attirer vne fille à fa deuotion,

luy difoit qu'elle luy donnaft de fes cheueux, ce que

elle fift : puis apres qu'elle allaft en voyage à noftre

Dame des Vertus: & voyant qu'elle fift auffi , il la pria


d'aller à Saint Lacques : elle dift qu'elle ne pouuoit.

puis il la pria de mettre ces cifeaux en fonfein, ce que

elle fift pour fe defpeftrer de ce maling efprit, & ce fut


alors qu'il continua plus que deuant . Or il eft bien
certain fi Sathan commandoit de garder la Loy
que

de Dieu , & qu'on le fift pour luy obeit, ce feroit blaf

phemer
DE IEAN WIER. 253

phemer Dieu. Il faut donc bien fe garder d'obeyr à


Sathan en forte quelconque. Quant au Canon Epi.

fcopi repeté tant de fois par VVier, i'ay par cy deuat re-
marqué, qu'il n'eft point faict en Concile general, ny
fynodal , ains vn conciliabule, & qui eft reprouué de

10.21.de
touts les Theologiens , ' en ce qu'il nye le tranfportuguft lib.

des sorciers , fouftenu par fainct Auguftin , Tho- Ciuit . Thomas


mas d'Aquin , Durant, Bonauenture , Sylueftre , Prier, infecundafecu-
da 9.95.art. 5.
les cinq Inquifiteurs , Paul Grilland , & infinis autres: tit.de fuperftit.

& neantmoins au Canon , Nec mirum . § . Magi, xxvi.q. & in tractain


1.part. q.2.0
v. il eft dict que les Sorciers de la feule parolle enfor- tit.de miracul.
.
cellent , & font vn malefice violent, ce qui eft confir- 9.18.art.5.0
titul.de Dame.
mé par Philon Hebrieu au liure ' des loix fpeciales : & Bonauentura in

par faint Auguftin, & Tertullia in Apologetico, à quoy 3.fente. diftinét.


fe rapporte ce vers de Lucan : 19.9.3. Spran-
gerin Malleo,
Mens haufti nulla fanie polluta veneni Incantata perit . Paul.Grilland
Et Spranger efcript auoir veu des sorcieres en Alle- inli. 2.de sorti–
leg.
magne qui faifoient mourir foudain les perfonnes lib.de Cinit.
d'vne parolle: qui font bien chofes plus eftranges que

la tranfuection : non pas que ce foit la parolle , mais


l'œuure de Sathan , prié & adoré pour ce faire par la

Sorciere . Et neantmoins ce meurtre icy commis ne

fe fait point que parvne iufte vengeance de Dieu ,


pour le forfaict de celuy qui l'a merité , & par fa per-
miffion feulement , comme nous auons dict . Au der-

nier chap. de Lamijs , VVier remue ciel & terre , pour

faire entendre qu'il faut faire euader les sorciers par


vn elenche fort ridicule , & femblable à ceux de Co-

rax, & Thiſias, dont parle Aule Gelle . Car il dit ainfi, Il
ssf
REFVTATION DES OPIN.

faut pardonner aux Sorcieres qui font repenties,


comme on faict aux heretiques : & à celles qui

font obſtinees , il faut auffi pardonner , à fin de ne


tuer le corps & l'ame . Ainfi difoit Tifias contre fon

maiſtre deuant les Iuges :fi ie puis perfuader que ie

ne doy rien payer , ie feray quitte par fentence , & fi

ie ne le puis perfuader , ie ne payeray rien auffi : car

Corax à promis de faire tant que ie feray bon Ora- +


teur , qui eft de perfuader ce qu'on veut . Mais fon

maiſtre luy repliqua , Si tu peux perfuader aux lu-

ges que tu ne doibs rien , ie feray payé , par ce que tu

feras iugé bon Orateur : Et fi tu es condamné par fau-

te de le pouuoir perfuader , ie feray auffi payé en ver-


tu de la fentence : les luges donnerent leur fentence

que d'vn mauuais corbeau il ne peut venir qu'vn


mauuais œuf. Auffi , ie repliqueray à Wier, quefiles

noga§ Coruus . voleurs , & meurtriers repentis par toutes les loix diui-

nes, & humaines doyuent eſtre executez :attendu que

l'execution de iuftice , & la peine n'ont rien de com-

mun auec la coulpe , & la penitence : A plus forte rai-

fon le Sorcier obſtiné , qui cft pire que tous les vo-
leurs meurtriers , & parricides , comme coulpable de
leze maiefté diuine , & humaine doibt eftre puny à

mort :mais la repentance fait que la coulpe eft par-

donnee , ce que Wier n'a point diſtingué de la peine .

Quand Dieu fift dire à Dauid que fon peché luy eftoit
`x.Exod.. 34′ remis , il ne laiffa pas d'eftre bien puny. Et quand Dieu

dift à Moyfe , qu'il auoit pardonné au peuple , il fut

neantmoins bien chaſtié . C'eſt pourquoy il dir toſt¸

apres,
DE IEAN WIER. 254

apres,le fuis ' le grand Dieu Eternel , qui fais miſeri-


corde, & pardonne les pechez , & iniquitez , & toutes-
fois ie neles laiffe pas impunies, felon la verité du tex-

te Hebricu , & l'interpretation de Vatable , non pas

qu'il puniffe tous les pechez felon leur merite: car log
temps a que le genre humain fuft pery : mais il faict

iugement,iuftice, & mifericorde: à fçauoir lugemét,



quand il punift les pechez de fes ennemys iurez felon

qu'ils ont merité , & Iuftice , quand il donne loyer à

chacun pourfes biens- faicts : & Mifericorde,quand il

fait plus de bien qu'on n'a merité, & punift plus dou-

cemet que l'on n'a deferuy : qui eft l'vn des plus beaux

fegrets de la fainte Efcriture , & peut eftre le moins


entendu : Car Hieremie donne ces proprietez à Dieu

auec grande exclamation . Et fi Dieu auoit refolu , fans

la priere de Moyfe , faire mourir tout fon peuple au


defert , qui n'eftoit pas moindre de dixhuict cens mil

perfonnes pour s'eftre inclinez deuant vne image , &


auoir à icelle prefenté leurs facrifices , chofe deffen-
duc par la loy : & qu'il en fift mourir trois mil fou-

dain, que meritet les Sorciers qui adorofet Satha & luy
facrifiết ? Et faut bié dire que Wier eft du tout delaiſſé
de Dieu d'ofer efcrire chofe fi abfurde qu'il faut par-

doner à ceux qui opiniaftremet blafphemet Dieu , &


luy for guerre sas trefues .Il valloit mieux q Wier dift
2. Plutar in
ouuertemét come Agefilaüs , ' leql efcriuat aux Iuges
pophlegm .
pour vn fien amy difoit que s'il auoit bon droit qu'on

Îuy gardaſt, & q s'il auoit tort, qu'il ne perdift pas pour

tát fa caufe, & en quelque forte que ce fuft, il vouloit à


ssf ij
REFVTATION DES OPIN.

tort ou à droict qu'il gaignaft fon procez . Ainfi faict

Wier , lequel veut qu'on pardonne aux Sorciers,

s'ils fe repentent : & s'ils font opiniaftres : il veut qu'on

leur pardonne afin que le corps & l'ame ne ſoit perdu.

Par ce moyen il eft coulpable de la peine des Sorciers


comme il eft expreffément porté par la❜loy , Que ce-
3.l.penult.de
maleficis,c. luy qui faict cuader les sorciers , doit fouffrir la pei-

ne des Sorciers.Et en ce queWier fur la fin s'eſchauffe .

enfa peau , & par cholere appelle les Iuges bourreaux,

il donne grande prefomption , qu'il craint que quel-

cun des Sorciers parlent trop , & faict comme font les

petits enfans , qui chantent la nuit de peur qu'ils ont.


Or l'abfurdité la plus grande qu'on peut remar-
quer en toutes les loix diuines , & humaines alle-

guces fouuent en la loy de Dieu , & par les Iurifcon-


2
2.l.conueniri,de fultes , c'eft à fçauoir , que les forfaicts ne demeu-
pact.dotal.l.fi
maritus,§.legis, rent impunis , eft enuclopee aux argumens de
a
deadult.hita Wier , qui fouftient à cor & à cry ,qu'il faut pardon-
vulneratus, ad
1.aquil.ff. ner aux blafphemeurs inceſtueux , parricides , & en-
nemys de Dieu , & de nature , c'eft à dire , aux Sorciers

encores qu'ils perfiftent en leurs blafphemes , & dete-


ftables mefchancetez . En fin cognoiffant bien que

toutes les loix diuines , & humaines luy refiftoient , &

la couftume de tous les peuples ,pour donner quelque

luftre à ce qu'il dict , il c'eſt aduiſé de falfifier la loy de


Dieu en deux articles. Le premier eft en ce qu'il efcrit,
3
3.ca. 24.de La que Dieu commande en fa loy de faire mourir les
miscolumns
6.лит. 10. faux tefmoings : l'autre en ce qu'il dict que Dieu com-

mande de tuer le larron, qui entre parforce de iour en


la mai-
DE IEAN WIER.
255

la maiſon d'autruy.Si vn Notaire,vn Greffier, vn luge,

à falfifié vn acte , il eft pendable fans efperance de re-

miſſion . Et VVier en deux lignes a commis deux fauſ-


fetez en la loy de Dieu . Car la loy de Dieu commande

* de punir le faux tefmoin de la mefme peine , qu'il à 4. Exo.19.


voulufaire tõber fur autruy:s'il a faux tefmoignépour

faire perdre la vie , il moura : fi pour faire bailler le


fouët il aura le fouët : Si pour faire perdre vn efcu , il

payera vn efcu . L'autre article eft encore plus impude-

met falfifié, car il eft dict, ' que celuy qui tuera le larrons. Exo.22.

de iour, il fera coulpable de fon fang, qui cft tout le co


traire de ce que dict VVier : Mais la fauffeté eft beau-

coup plus capitale , en ce qu'il dict que la loy de Dieu,

qui defend de laiffer viure la Sorciere , s'entend feule-

ment de celle qui empoisonne. Car la loy de Dieu

parle de celle qui fafcine , & qui eblouift les yeux , &

qui fait voir ce qui n'eftpoint tenant pour tout cer-

tain que cela ne fe peut faire finon par le moyen de l'a-


liance auec Sathan . Pour la conclufion il reste à voir

s'il faut pluftoft s'arrefter aux blafphemes de VVier,


qu'à la loy de Dieu repetee en tous les endroicts de

l'Efcripture Saincte, qui decerne peine capitale contre

les Sorciers , que Dieu abhomine d'vne execration

extreme : s'il faut pluſtoft s'arreſter à vn petit Mede-


cin , qu'aux liures & fentences de tous les Philofo-

phes, qui d'vn commun confentement ont codamné

les Sorciers : S'il faut pluftoft s'arrefter aux Sophifteries

pueriles de VVier , qu'aux loix de Platon , des dou-

ze tables , des Iuriſconfultes, des Empereurs, & de tous


ss iij
REFVTATION DES OPIN.

les peuples & legiflateurs, Perfes, & Hebrieux, Grecs,

Latins, Allemans, François, Italiens , Eſpagnols, An-

glois,qui ont decreté peines capitales contre les Sor-

ciers , & contre ceux qui les recelent , ou qui les font
cuader : S'il faut pluſtoft s'arreſter à Wier qu'à l'ex-

perience de tous les peuples , Roys , Princes, Legifla-


teurs, Magiftrats , Iurifconfultes , qui ont cogneu au

doigt , à l'œil les impietez & mefchancetez execra-


bles , dont les Sorciers font chargez : s'il faut pluftoft

s'arrefter au difciple du plus grand Sorcier , qui fut

oncques de fon aage, qu'aux Prophetes, Theologies,

Docteurs , luges , & Magiftrats , qui ont defcouuert

la verité par mille & mille prefomptions violentes,


accufations, telmoignages, recollemens , confronta-
tions, conuictions , recognoiffances , repentances , &

confeffions volontaires iufques à la mort. Nous auos

6.Dent.c.18. leiugement de Dieu, qui a declaré qu'il auoit arraché

de la terre les peuples de la Paleſtine , pour les horri-


bles forcelleries dont ils vfoient , & non pour autre

chofe , & a menaflé d'exterminer non feulement les

Sorciers , ains auffi tous ceux qui les fouffriront viure:

7. Leuit,ca. 20. 7 & qui a dictà Hieremie qu'il preſchaft , haut & clair
8. Hiere.cap.15 . qu'il raferoit à feu & à fang la ville de Hierufalem , &

tous les habitans pour les execrables forcelleries du

Roy Manaſſes. Voila ce qu'il m'a ſemblé , qu'on peut

refpondre aux liures de Wier : En quoy ie vous prie

Monfieur , & tous les lecteurs me pardonner , fi l'ay

efcript , peut eftre , trop aigrement : car il eft impoffi-

ble à l'homme qui eft tant foit peu touché de l'hon-


DE IEAN VVIER. 256

neur de Dieu , de voir ou lire tant de blafphemes

fans entrer en iufte cholere : ce qui eft aduenu mef-

mes aux plus faincts perfonnages , & aux Prophetes

parlant de telles abhominations , la memoire deſ-

quelles mefaict dreffer le poil en la tefte, & la ialouſie,

que chacun doit auoir ſurtoutes choſes , que l'hon-


neur de Dieu ne foit ainfi foulé aux pieds , par ceux là

qui fouftiennent les mefchancetez , blaſphemes , &


impunité des Sorciers.

FIN.
1
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