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Cours / Diagnostic et bilan social

Prof.F. CHAREF

Introduction générale

La fonction chargée de la gestion des ressources humaines a connu une forte


évolution au cours du siècle dernier. Longtemps limitée à une simple
administration et surveillance du personnel, elle est devenue une fonction à
part entière dans l’entreprise.

Si H. Fayol l’incluait dans la fonction administrative ou la fonction direction,


l’avènement de l’école des relations humaines a étendu son rôle à la
motivation. Cette fonction couvre actuellement différents domaines dont :
l’emploi, la rémunération, la formation, l’information et la communication et
l’amélioration du climat social.

La politique des ressources humaines fait partie de la politique générale de


l’entreprise. Si celle-ci est mauvaise, on observe l'augmentation de
l'absentéisme, du turnover et des accidents du travail. Ces dysfonctionnements
sont des signes d’alertes qui, lorsqu’ils se manifestent avec trop d’intensité,
risquent de mettre en cause la pérennité de l’entreprise. Il est de ce fait
nécessaire de mettre en place des indicateurs permettant de suivre les
détériorations possibles du climat social.

Chapitre1. Le climat social


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On entend par climat social « tout à la fois l’ambiance qui règne dans
l’entreprise, le degré de satisfaction du salarié au travail et sa motivation à
l’égard de la société, de ses buts et de ses valeurs. Il dépend à la fois des
facteurs individuels et des facteurs liés à l’entreprise ».

Il est difficile de définir de manière exacte le climat social, mais


l’entreprise peut l’approcher grâce à une série de statistiques et d’outils comme
le bilan social et les tableaux de bord sociaux qui délivrent des informations
sociales importantes.

§1. Les déterminants du climat social


Le climat social est très différent d’une entreprise à l’autre. Des
paramètres nombreux et d’une extrême variété constituent le contexte dans
lequel ce climat va prendre corps et se manifester. Nous citons la taille et la
structure de l’entreprise, la composition de l’effectif, les conditions de travail, le
style de management adopté, la politique des ressources humaine de
l’entreprise.

1. Si on considère le critère de la taille et la structure de l’entreprise, l’approche


de la notion de climat social est évidemment différente selon qu’il s’agisse dans
une société multinationale ou dans une PME. Quand la taille s’accroit, le niveau
de coordination et de communication entre les membres diminue et la
spécialisation de chacun est plus poussée. Cela entraine :
✔ une diminution de la cohésion interne,
✔ un accroissement de l’absentéisme et des retards,
✔ une instabilité du personnel.

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2. Composition de l’effectif de l’entreprise : Le personnel d’une entreprise n’est
pas monolithique : le climat peut être variable suivant les catégories
socioprofessionnels, le sexe, les origines ethniques, l’âge….

3. Les conditions de travail : les notions de conditions de travail et de climat


social sont intimement liées ; il s’agit :
✔ des conditions matérielles (horaires, rémunération, avantages divers),
✔ Conditions de vie au travail (chaleur, bruit..),
✔ conditions dans lesquelles s’exerce l’activité (degré d’initiative,
d’autonomie, de responsabilité, possibilité de formation, de promotion..)

4. Les styles de management : les expériences menées dans ce domaine se


sont intéressés à l’influence du style de direction sur la productivité d’un
groupe de travail. On distingue généralement entre:
✔ la conduite autoritaire où le chef se préoccupe essentiellement de
l’intensité de la production,
✔ la conduite démocratique : le comportement du manager est
autant tourné vers la production du groupe que vers les individus
qui le composent.

5. la politique ressource humaine de l’entreprise : la façon de rémunérer,


d’évaluer, de communiquer, d’intégrer, de développer les compétences et de
gérer les parcours professionnels a une influence directe sur le climat social de
l’entreprise.

§2. L’identification du climat social

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Un mauvais climat social s’identifie par des signes avant-coureurs ou
annonciateurs. Ces signes sont des indicateurs de tensions sociales mais à eux
seuls n’expliquent pas pourquoi le climat est bon ou mauvais.
Plusieurs sources d’information sont à la disposition du responsable des
ressources humaines :
✔ les indicateurs objectifs : ce sont les données factuelles que l’on retrouve
dans le bilan social ou les tableaux de bord sociaux,
✔ les indicateurs perceptifs : ils concernent les comportements au travail
observables,
✔ l’analyse des documents qui sont rédigés dans l’entreprise (compte
rendus..).
✔ les rumeurs.

Ces différentes sources d’information sont précieuses à prendre en compte


pour détecter les tensions néanmoins, elles ne donnent aucune information sur
les raisons de dégradation ou d’amélioration du climat social. Pour cela,
d’autres sources sont à prendre en compte.

Dans les entreprises de plus de 300 personnes, le bilan social constitue une
source d’information non négligeable. Cet outil n’est cependant pas suffisant, à
lui seul pour analyser le climat social. D’où la nécessité d’approfondir certains
ratios pour avoir une vision plus fine de ce qui se passe dans l’entreprise. Les
quatre indicateurs essentiels sont : l’absentéisme, les accidents du travail, le
turnover et la conflictualité.

Chapitre2. Le bilan social comme outil de pilotage social

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Le bilan social est un document qui fait partie des annexes aux comptes annuels
de l’entreprise. Il est une photographie de la situation sociale et des conditions
de travail du personnel au travers des indicateurs représentatifs des effectifs et
emplois, des rémunérations, des conditions de travail, de l'hygiène et de la
sécurité, de la formation professionnelle et de l'action culturelle et sociale.

Le bilan social est un document légal et obligatoire. Son analyse sur trois années
constitue une mine d'informations permettant à la direction des ressources
humaines de construire des tableaux de bord pertinents, réels outils de mesure,
permettant de décider des actions correctives pour atteindre les objectifs fixés.

Section1. Contenu du bilan social

Le bilan social est un document rétrospectif permettant d'apporter aux salariés


d'une entreprise, des renseignements adéquats et ce, par la quantification de
certains aspects sociaux de la vie de l'organisation dans laquelle ils travaillent,
et de comparer ainsi, leur situation à celles d'autres entreprises.

Le bilan social constitue un outil qui sert à apprécier les données sociales
disponibles dans l’entreprise et à déterminer les priorités d’actions. Il constitue
également une base de réflexion pour les partenaires sociaux1.

Les indicateurs du bilan social

Chapitre du bilan Méthode de calcul définie par le bilan social


1. Emploi

1
- Chaque année, un projet de bilan social est établi par le chef d'entreprise et soumis pour avis au Comité
d'entreprise (dans les quatre mois suivant la fin de la dernière des années visées par le bilan social).
Pour arrêter le bilan social définitif, le chef d'entreprise devra prendre en compte les observations du Comité
d'Entreprise. Suite à cela, le document est mis à la disposition des salariés et une copie devra être adressée à
l'inspecteur du Travail dans un délai de quinze jours, à compter de la date de la réunion du comité d’entreprise.
Une autre copie est remise aux commissaires aux comptes (qui ont pour mission de vérifier la sincérité des
données).

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Pyramide des âges Nombre de salariés par tranche d’âges
Taux de turnover Nombre de démissions/ effectif moyen mensuel
Taux de licenciement Nombre de licenciements/ effectif moyen mensuel
Taux d’absentéisme Nombre d’heures d’absence/ nombre d’heurs théoriques
Pourcentage de salariés promus travaillés
Nombre de salariés promus à une CSP/ effectif permanent
2. Rémunération
Salaire moyen mensuel brut Masse salariale/effectif moyen mensuel
Hiérarchie des salaires Salaire moyen des CSP les mieux payés / salaire moyen des
CSP les moins bien rémunérés
3. Conditions d’hygiène et de sécurité
Taux d’accident du travail Nombre d’accidents * 1000000/ nombre d’heurs travaillées
Taux d’accident avec arrêt Nombre d’accidents avec arrêt * 1000000/ nombre d’heurs
Maladies professionnelles travaillées
Nombre de salariés atteints de maladies professionnelles/
effectif moyen
4. Autres conditions de travail
Nombre de salariés qui travaillent de nuit/ effectif moyen
Travail de nuit Nombre de salariés soumis à plus de 85 décibels / effectif
Salariés soumis à un travail pénible moyen
5. formation
Pourcentage de la masse salariale Somme des dépenses de formation/ masse salariale
consacrée à la formation
6. relations professionnelles
Nombre d’heures de travail perdues pour cause de grève/
Intensité des conflits nombre d’heurs travaillées théoriques

L’expression bilan social a depuis longtemps été critiquée en raison de sa


méthode reposant sur le mode d’inventaire n’ayant rien à voir avec un tableau
à double entrée.

Le terme de « bilan » s’avère trompeur, dans la mesure où il renvoie au bilan


comptable de l’entreprise et à l’équilibre entre l’actif et le passif. En réalité il
s’apparente davantage à un bilan de santé. Il s’agit d’un état exprimant une
situation à un instant « t ». Le bilan social se différencie du bilan comptable par
le fait qu’il ne s’agit pas d’une balance entre actif et passif, que les données sont
très variables (ratios, chiffres, commentaires, graphiques…), qu’il n’y a pas de
certification externe, que les données concernent les trois dernières années.

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Certains chercheurs proposent de regrouper les indicateurs en deux catégories :
les indicateurs actifs qui traduiraient la politique volontariste menée par
l’entreprise dans le domaine social et les indicateurs passifs qui concerneraient
les résultats obtenus.

Section 2.L’intérêt du bilan social

Le bilan social apporte une vue d’ensemble des caractéristiques du personnel et


de leurs conditions de travail. Il est à la fois un outil d’information, une base de
concertation et une aide à la planification.

§1. Outil d’information :

Le Bilan Social constitue une description des résultats de la politique sociale


menée dans l’entreprise dans les domaines de l’emploi, des conditions de
travail, de la formation et des relations sociales. Il permet de repérer les
problèmes et dysfonctionnement et y remédier. A ce titre, il permet aux
décideurs et aux partenaires de l’entreprise d’obtenir une image plus complète
et plus fidèle que celle obtenue à partir des seuls documents comptables.

§2. Base de concertation (dialogue social) :

Le Bilan Social est une base de concertation objective. Il stimule le dialogue


social avec les représentants du personnel sur la base de données claires,
objectives et comparables dans le temps. Ce document permet de faire
apparaître les priorités et les évolutions de la politique sociale de l’année
écoulée et des deux années précédentes.

Par la rigueur qu’il impose dans le calcul des indicateurs, il contribue à


l’adoption d’un langage commun qui évite les incompréhensions entre les
partenaires sociaux.

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§3. Aide à la planification:

Le Bilan Social est une aide précieuse à la planification sociale. Il permet à


l’employeur de disposer d’informations chiffrées et régulières sur la gestion des
ressources humaines. Ces informations sont autant d’indicateurs, qui font
apparaître les résultats des politiques suivies. Ils permettent de s’interroger sur
les évolutions en cours et de décider de nouvelles orientations.

Le bilan social contribue ainsi au progrès de la gestion des ressources humaines


en permettant un réel pilotage de cette fonction essentielle. Il favorise
également la diffusion des meilleures pratiques, en permettant des
comparaisons dans le temps entre entreprises appartenant à un même secteur
d’activité.

Section3. Exploitation et limites du bilan social


L’exploitation du bilan social passe par la communication du bilan à tous les
services. Des réunions avec les chefs de service et la direction des ressources
humaines permettent de dégager les priorités, « d’expliquer » les résultats et
d’informer. Ainsi la Direction des ressources humaines a une vision plus précise
de la population gérée.

Néanmoins, le bilan social ne résout aucun problème ; il guide les responsables


dans la formulation des bonnes questions. Mais en globalisant les données, ce
document porte en lui ses propres limites. En effet, l’agrégation des données
rend parfois difficile leur interprétation.

Le bilan social peut être considéré comme un tableau de bord spécifique dont
le principal objectif est la communication et le dialogue social. Mais l’objectif
d’action est peu présent, compte tenu du nombre important d’informations. Le

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bilan social peut constituer une bonne base de départ pour la constitution
ultérieure de tableaux de bord.

Section 4. Le bilan social et le tableau de bord social

Un tableau de bord permet de visualiser, d’un coup d’œil, une série de données
stratégiques. Il permet de mesurer l’impact des actions entreprises et de
dégager les évolutions prévisibles. Il constitue un outil de pilotage et d’aide à la
décision à destination des responsables, mettant en évidence des écarts entre
une situation prévue et une situation réelle.

Les données qu’il contient permettent de prendre rapidement et efficacement


des décisions, de mettre en place de nouvelles actions ou de corriger des
actions déjà entreprises.

Les tableaux de bord sociaux s’appuient sur une logique similaire à celle du
bilan social, puisqu’il s’agit d’élaborer des indicateurs qui permettent de
visualiser et de quantifier la gestion des ressources humaines. Ils diffèrent
néanmoins du bilan social pour plusieurs raisons2 :

✔ la liberté dans le choix des indicateurs,


✔ la période de recueil de l’information : mensuel, trimestriel, semestriel,
ou annuel dans un tableau de bord ; imposé et annuelle dans le bilan
social,
✔ la palette d’utilisation : le tableau de bord n’est pas seulement un outil de
communication au service des ressources humaines, il est utile à tous les
niveaux de l’entreprise.

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- Pour construire un TB il faut se fixer des objectifs, créer des indicateurs, mettre en place un système
d’information pour calculer les indicateurs choisis, suivre régulièrement l’évolution des indicateurs et engager
des actions correctives notamment lorsqu’on constate un écart entre le prévu et le réalisé ou avec une valeur de
référence que l’on souhaite atteindre.

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Les principes du tableau de bord

- se fixer des objectifs quantifiés précis qui soient pertinents


pour l’entreprise, pour un établissement, pour un groupe de
salariés, et garce auxquels on pourra fournir des résultats
intéressants.
- Choisie ou créer des indicateurs qui répondent aux objectifs
fixés.
- Mettre en place un système d’information interne qui vise
obtenir de la part des » gens du terrain » les données qui
permettront de calculer les indicateurs choisis.
- Suivre régulièrement l’évolution des indicateurs et engager des
actions correctives, notamment lorsque l’on constate un écart
entre le prévu et le réalisé, ou avec une valeur de référence que
l’on souhaite atteindre.

Section 5. Le bilan social et le bilan sociétal


Contrairement au bilan social (obligatoire pour les entreprises entrant dans le
champ du décret), le bilan sociétal procède d’une démarche volontaire. Ce
dernier a été mis au point par le CJDES (Centre des jeunes dirigeants et des
acteurs de l’économie sociale) au cours de l’année 2002.

Le bilan sociétal est à la fois :

✔ un outil de pilotage visant à mesurer les performances sociales,


environnementales et citoyennes de l’entreprise.

✔ un outil de participation, de mobilisation des partenaires, salariés mais


également des fournisseurs, et plus généralement des acteurs de
l’économie sociale.

✔ un outil du renforcement de la transparence de l’entreprise (celle-ci se


présentant dans son ensemble et non plus seulement sous un angle
économique et financier).

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✔ un outil permettant d’engager des actions visant à améliorer l’efficacité
sociale, citoyenne, environnementale de l’entreprise et donc d’accroître
sa valeur ajoutée.

⮚ Le bilan sociétal comporte néanmoins quelques limites dont : l'absence


de vérification externe des données et la fiabilité des réponses qui
repose, en grande partie, sur la sincérité du dirigeant.

Conclusion

Le bilan social constitue un excellent outil pour démarrer un pilotage social. Il

offre des éléments de référence pour bâtir des indicateurs permettant des

comparaisons enrichissantes.

Il est néanmoins un outil insuffisant, jugé parfois inutile et trop globalisant. S’il

constitue une bonne base de départ, il est nécessaire d’aller plus loin dans cette

démarche ; d’où la nécessité du diagnostic social.

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