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Revue néo-scolastique de

philosophie

Travaux récents de psychologie


Louis De Raeymaeker

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De Raeymaeker Louis. Travaux récents de psychologie. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 35ᵉ année, Deuxième
série, n°38, 1933. pp. 281-300;

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Travaux récents de psychologie 281

gustin? — est la garantie la plus efficace de cette liberté et de cette


souplesse de l'esprit, sans lesquelles il n'y a pas de vraie pensée
philosophique. Par ses qualités incomparables d'homme et de
penseur, et même par les défauts que nous avons relevés dans son
œuvre, S. Augustin est un merveilleux initiateur à la réflexion
philosophique : il excelle à poser les problèmes et à en faire saisir la
complexité ; il préserve de l'étroitesse, du morcelage, du
dogmatisme, de la suffisance ; en bien des cas, il appelle l'attention sur
des points de vue que S. Thomas a négligés.
Puisse le renouveau si fécond des études augustiniennes, dont
le quinzième centenaire de la mort du saint Docteur a été
l'occasion, déterminer de nombreux amis de la sagesse, et en particulier
de nombreux disciples de S. Thomas, à lire S. Augustin et à
éprouver, par une expérience personnelle qu'aucun discours ne remplace,
«la fécondité toujours renouvelée de la pensée augustinienne».

F. Van Steenberghen.

TRAVAUXRÉCENTS DE PSYCHOLOGIE

Ouvrages généraux

Roger FrÉTIGNY, Guide de l'étudiant en psychologie. Paris,


Alcan, 1932 ; 19 x 14, 246 pp.? 10 fr.
Ce nouveau Guide s'adresse à tous les étudiants français en
psychologie et sciences psychologiques. Il groupe d'abord les
renseignements généraux et administratifs concernant la Licence de
Philosophie et les Certificats d'études supérieures de Psychologie,
d'Esthétique et de Science de l'éducation. La seconde et la
troisième partie concernent l'enseignement de ces sciences à Paris,
puis dans les Universités de province : les cours et les conférences,
les bibliothèques, une bibliographie restreinte, etc. Pour la province
les renseignements sont incomplets. Ce vade-mecum intéressera
quiconque veut connaître l'organisation de l'enseignement de la
psychologie dans les facultés officielles de France.
282 L. De Raeymaeker

M. BaRBADO, O. P., Introduction à la Psychologie


expérimentale. Traduction française de Ph. MAZOYER. Paris, Lethielleux,
1931; 25x16, 502 pp. ; 40 fr.
On a pu lire dans cette revue (32e année, mai 1930, pp. 235-236)
tout le bien qu'il faut penser de Y Introduction a la Psichologia
experimçntal (Madrid, 1928) du R. P. Barbado. La traduction
française assurera à cet excellent ouvrage une diffusion plus grande.
Nous lui souhaitons grand succès et nous espérons que les idées
dont l'auteur se fait le champion, notamment sur la nature et la
méthode de la psychologie empirique et sur ses relations avec la
philosophie, se propageront de plus en plus, tant chez les
philosophes que chez les hommes de science.

LlBERATORE-CoRSI, S. J., Psychologia (Philosophia scholastica


ad usum Lycei philosophici, t. V), éd. altéra. Neapoli, ex Typo-
graphia commerciali, 1932; 17x24, 152 pp.
Le P. Corsi donne une nouvelle édition du manuel de
psychologie du P. Liberatore. Ce manuel examine sommairement les
questions philosophiques ayant trait à la vie de l'homme. Certains
points importants qui n'ont pu être étudiés dans le corps même
du traité sont repris en appendice. Les arguments traditionnels et
un grand nombre d'objections sont brièvement résumés. L'auteur
veut se tenir strictement sur le terrain philosophique, ce dont il
faut le louer ; parfois, cependant, il paraît l'oublier : ainsi, dans
la question de l'évolution, la distinction nette du point de vue
philosophique et du point de vue purement scientifique était de
rigueur.

J. DoNAT, S. J., Psychologia (Summa philosophiae christianae,


V), éd. septima. Oeniponte (Innsbruck), Rauch, 1932; 22 x 14, VIII-
474 pp. ; 5 Mk.
Les éditions de ce manuel se succèdent rapidement et cela
prouve déjà sa valeur. L'ouvrage fut remanié considérablement
dans la cinquième édition. Depuis lors il n'a pas subi de notables
changements. L'avantage qu'il présente pour l'enseignement
ordinaire, c'est qu'il est complet, en ce sens qu'il fournit un exposé
des faits à la lumière de la psychologie expérimentale et des sciences
auxiliaires de la psychologie, et qu'en même temps il les traite du
point de vue philosophique. Voici la division des matières : notions
de physiologie, la connaissance (sensible et intellectuelle), l'appétit
Travaux récents de- psychologie 283

(sensible et rationnel), le mouvement vital et l'habitude, les états


physiologiques (état normal, sommeil, hypnotisme, phénomènes
d'occultisme, maladies psychiques), l'âme, l'origine de l'homme,
l'origine et l'unité de l'espèce humaine. Au point de vue
scientifique, l'ouvrage est au courant des données les plus récentes. La
partie philosophique" est plus faible. Ainsi, par exemple, la théorie
traditionnelle des espèces intelligibles est donnée comme probable ;
c'est que l'auteur néglige de poser le problème auquel répond cette
théorie, à savoir la conciliation de deux propriétés également
évidentes de la connaissance humaine, l'immanence et l'altérité. La
question de la connaissance du singulier matériel par l'intelligence
est exposée objectivement, mais l'auteur hésite à conclure. Le
problème de la pluralité des formes est traité assez longuement ;
l'auteur incline à rejeter la thèse thomiste pour des raisons tirées
de l'expérience. Ce manuel est rédigé en une langue limpide, les
divisions sont claires, au point de vue pédagogique il présente les
qualités les plus solides.

Jos. FRoBES, Cursus brevior psychologiae speculativae in usum


scholarum. Paris, Lethielleux, 1933 ; 19 x 12, IV-456 pp. ; 20 fr.
L'auteur est universellement connu par son remarquable
ouvrage de psychologie expérimentale (Lehrbuch der experimentellen
Psychologie, Freiburg i. Br., Herder, I2 1923, II3 1929). Il édita
en 1927 un grand traité de psychologie spéculative (2 vol., Freib.,
Herder) et c'est de ce dernier ouvrage qu'il vient de donner une
édition abrégée. Il le fait à l'intention des maisons d'études où l'on
ne peut consacrer plus de deux années à l'enseignement de la
'

psychologie philosophique. Il est superflu de dire que l'auteur était


tout indiqué pour tenter de concilier les données de la psychologie
expérimentale et les théories scolastiques. Dans ce « Précis de
psychologie spéculative » il tient largement compte des résultats acquis
par les sciences psychologiques, afin d'édifier les théories
philosophiques sur une base scientifique solide. Mais on ne trouve dans
ce manuel aucun exposé systématique de psychologie
expérimentale, l'auteur distinguant, avec raison, philosophie et science, et
renvoyant dès lors pour cet exposé, aux manuels traitant ex pro-
fesso de la psychologie scientifique.
L'auteur expose d'abord la psychologie générale de la vie
sensitive, qui considère les manifestations de la vie animale, ensuite
la psychologie spéciale de la vie sensitive, qui s'occupe de l'activité
284 L. De RaeymaeTier

sensitive telle qu'elle se développe dans l'homme. Vient alors la


psychologie de la vie spirituelle, comprenant l'étude de
l'intelligence, de la volonté et de l'âme humaine. Pour cette division des
matières, l'auteur s'inspire de l'exemple du cardinal Mercier. La
forme de l'exposé est scolastique : thèse, arguments, objections et
réponses. Une liste des thèses placée à la fin de l'ouvrage permet
de saisir dans leur ensemble les théories défendues. Certaines
controverses auraient pu être passées sous silence, semble-t-il, car la
psychologie comme telle ne dispose pas des moyens nécessaires
pour les dirimer : telle la controverse sur la motion divine et le libre
arbitre. La question de la pluralité des formes nous paraît être aussi
d'ordre purement métaphysique : la théorie de l'unité de la forme
ne se concilie pas moins bien avec les faits que celle de la pluralité ;
la question ne peut se trancher qu'au nom d'une théorie
métaphysique de la forme.

Gerardus EssER, S. V. D., Psychologia in usum scholarum


(manuscriptum impressum). Techny (111.), Typis domus missionum
ad S. Mariam, 1931; 23 x 15, XVIII-516 pp.
Cet ouvrage, qui ne prétend être qu'un simple cours de
psychologie, est en tout point remarquable. Il suit de près les manuels
de Frôbes et de Donat, mais témoigne d'une pensée vigoureuse
et personnelle. Les problèmes sont nettement posés ; les arguments
choisis fort judicieusement ; la rédaction est soignée. Un index
détaillé facilite la consultation de ce manuel, dont la présentation
typographique impeccable rend la lecture agréable et aisée.
L'auteur rappelle brièvement, mais de manière très précise, les
résultats de la psychologie expérimentale ; il s'étend longuement
sur l'aspect philosophique des questions. Il a le souci constant de
garder un contact étroit avec le matériel des faits. Ce tour concret
de la pensée donne une saveur particulière à l'expression, et permet
aussi d'insérer, à point nommé, quelques conseils pour la vie
pratique.
Nous nous permettons de présenter quelques remarques.
Certaines questions demanderaient une étude plus approfondie, p. ex.
celles qui concernent le régime des images et l'associationnisme,
ou encore l'instinct des animaux. Il y aurait lieu, semble-t-il,
d'utiliser davantage la Gestaltpsychologie. Nous pensons qu'il faut
maintenir la définition traditionnelle de l'intelligence comme la faculté
de Y être, et qu'il y a tout lieu d'y insister, eu égard aux consé-
Travaux récents de psychologie 285

quences importantes qu'entraîne cette thèse dans tous les domaines


de la philosophie, en psychologie, en épistémologie, en
métaphysique. N'y aurait-il pas grand avantage à établir la spiritualité de
la connaissance intellectuelle avant d'aborder la question de
l'origine des idées ? Une fois établie la nécessité de « l'espèce
intelligible » (pour rendre raison métaphysiquement de l'objectivité de
la connaissance, activité immanente), la théorie de l'intellect agent
s'impose absolument pour expliquer l'acquisition de cette « espèce
intelligible », qui est une réalité accidentelle d'ordre spirituel.
Ces remarques ne nous sont inspirées que par le désir de voir se
perfectionner un ouvrage dont nous pensons tout le bien que nous
en avons dit.

L. LEFAY, née Alaux, Leçons de Psychologie. Paris, Les Presses


universitaires de France, 1932; 19 x 12, VIII-400 pp.; 15 fr.
Cet ouvrage, « simple cours à mettre entre les mains des
élèves », ne prétend rien apporter de nouveau. L'auteur parcourt
lestement les différents domaines de la vie psychique, pour noter
les faits et pour y réfléchir. La vie affective, la vie intellectuelle
et la vie active sont successivement étudiées ; surtout la vie
intellectuelle, à laquelle l'auteur rattache la sensation et la perception,
la personnalité et le caractère, l'imagination et la mémoire,
l'attention, l'abstraction, le langage, le jugement et le raisonnement. A
la vie active sont rattachés l'instinct, l'habitude, la volonté et la
liberté.
Les faits établis sont rappelés en peu de mots. Pour le reste
l'auteur a la grande préoccupation de prouver « la réalité de
l'esprit », et dès lors l'insuffisance des théories purement
physiologiques. Il montre l'esprit de l'homme s'exerçant à connaître ce qui
l'entoure et à se connaître lui-même, puis à rappeler les
connaissances acquises, à les reproduire sous forme d'images et à
combiner celles-ci en synthèses originales, ensuite à se détacher du
particulier et du concret pour atteindre le général et l'abstrait et à
tendre de plus en plus vers l'unité de la connaissance répondant
à l'unité de l'esprit. En même temps se dégage le caractère spirituel
et se forme la personnalité de chaque être humain, puissance
originale, autonome, et manifestation suprême de l'esprit. Ces
conclusions mènent à d'autres problèmes sur l'immortalité de l'esprit
humain et sur l'existence de Dieu, problèmes que l'auteur réserve
à la métaphysique.
286 L. De Raeymael^er

Cet ouvrage met bien en lumière le caractère original de


l'élément psychique. Mais la nature de cet élément n'est pas nettement
déterminée. Le développement de la vie psychique à partir de la
sensation jusqu'au raisonnement suit-il une ligne continue ?
L'auteur ne définit jamais le sens précis des mots connaissance, raison,
entendement, intelligence, idée, représentation, etc., ce qui ne
laisse pas de créer des confusions. L'activité de l'entendement
n'est-elle pas irréductible à celle de l'imagination ? N'y a-t-il pas
une différence d'ordre entre l'instinct animal et l'intelligence } Ces
questions et d'autres semblables ne reçoivent pas de réponse
suffisante.
Ce cours, écrit après avoir été professé, conserve l'allure de
la parole vivante, « parole, écrit l'auteur, animée par l'ardente
conviction de la réalité de l'esprit, émue par le souvenir de
l'enseignement que j'ai reçu moi-même de mon père et professeur, le
philosophe spiritualiste J.-E. Alaux ».

H. Dehove, Mélanges psychologiques. Lille, Facultés


catholiques, 1931; 25 x 16, 268 pp.
Ce recueil contient vingt études consacrées à des sujets variés :
la nature du fait psychologique, le subconscient et l'inconscient,
les émotions, le temps, l'invention artistique, la volonté, l'habitude
et la théorie des facultés, les conflits du langage et de la pensée,
le langage et le concept. Le but est d'offrir aux professeurs de
philosophie un « livre de lecture » qu'ils puissent « mettre de
confiance entre les mains de leurs élèves comme un prolongement ou
un complément de leurs propres leçons ». Il s'adresse aussi « au
public amateur et cultivé ».
L'auteur a pleinement atteint son but. Ces études, qui ont gardé
l'allure de la leçon orale, se lisent agréablement. Elles traitent
chacune un sujet nettement délimité. Avec une parfaite maîtrise,
M. D. développe des thèmes de psychologie 'moderne en se tenant
en contact étroit avec les idées traditionnelles. Les pages ne sont
pas encombrées d'érudition, mais on s'aperçoit à tout instant que
l'auteur se base sur une large information. Telle étude sur le
subconscient, sur le temps, sur la liberté sera lue avec fruit, non
seulement par les élèves, mais également par les professeurs et même
par les psychologues de métier. Sans doute M. D. ne s'est pas
donné pour tâche d'apporter une contribution inédite ou originale
aux recherches psychologiques, mais ces recherches sont poussées
Travaux récents de psychologie 287

de nos jours dans des directions tellement divergentes et leurs


résultats sont si nombreux et si fragmentaires, qu'il devient nécessaire
de revenir parfois à un exposé synthétique assez simple, qui
rappelle à grands traits ce qu'on considère comme scientifiquement
établi, sans oublier ce qu'affirment l'observation ordinaire et le bon
sens. C'est ce" que l'auteur a voulu faire et sa tentative sera sans
aucun doute fort appréciée.

Monographies

H. DEHOVE, La perception extérieure (Mémoires et travaux


publiés par les professeurs des Facultés catholiques de Lille, fasc.
XXXVII). Lille, Facultés catholiques, 1931; 25 x 16, 160 pp.; 20 fr.
La première partie de ce travail fournit l'analyse
psychologique de la perception, à l'effet d'y retrouver le donné primitif,
modifié et complété tant par la mémoire et l'imagination que par
les préperceptions et par le facteur collectif. La comparaison avec
la perception intérieure fait mieux saisir encore la complexité du
problème. On conclut que le donné primitif est généralement assez
pauvre et indéterminé et qu'en somme, comme le dit M. Bergson,
« percevoir finit à la longue par n'être plus qu'une occasion de se
souvenir ».
Ces analyses laissent entière la question qui porte sur l'origine
première de la notion d'objet comme tel, sur la valeur de ce que
l'auteur appelle le « jugement d'extériorité », c'est-à-dire
l'affirmation plus ou moins expresse que l'objet est autre chose que moi qui
me le représente, qu'il est donc un « non-moi ». M. D. examine
dans la deuxième partie de son travail les différentes théories qui
se sont attachées à résoudre cette question. Il écarte la théorie
illusionniste et la théorie de l'inférence : il montre par de fines analyses
que, tout en renfermant une part de vérité, ces théories sont
insuffisantes au point de vue du fait original de la perception, parce que,
loin d'expliquer la première conception de l'idée d'objet, elles se
donnent arbitrairement cette idée et supposent donc ce qui est en
question. Il reste le perceptionisme, la seule théorie qui fournisse
une réponse satisfaisante : l'objet est immédiatement perçu. Mais
comment concilier l'immanence et l'extériorité dans l'acte
perceptif ? C'est là une question métaphysique que les scolastiques
résolvent par la théorie de l'« espèce intentionnelle ». * "
288 L. De Raeymaecer

L'analyse psychologique déblaye donc le terrain et permet dé


formuler de manière précise une question épistémologique ; et la
réponse à celle-ci mène à un problème métaphysique. Précisément,
l'auteur insiste — et peut-être aurait-il pu le faire encore davantage
— sur l'ordre de ces questions ; car la théorie métaphysique de la
species présuppose la solution réaliste, et dès lors ne peut ni
l'établir ni l'infirmer ; elle la confirme d'une manière indirecte en
résolvant les questions métaphysiques auxquelles elle donne lieu. En
ces matières on ne peut mettre trop de soin à distinguer et à
formuler exactement les problèmes, et c'est d'ailleurs le grand mérite
de l'auteur de l'avoir fait.
Un appendice contient le rapport présenté par M. D. au
Congrès thomiste de Rome (1925). Il tend à montrer dans l'histoire de
la Psychophysique, telle qu'elle a évolué de la seconde moitié du
XIXe siècle à nos jours, une confirmation du perceptionisme
traditionnel : ce n'est qu'en se plaçant au point de vue général de cette
théorie qu'on arrive, selon l'auteur, à résoudre le problème posé
par la Psychophysique et à se rendre compte des transformations
successives de cette science.

Joh. FlSCHL, Unsere G edàchtnisbilder. Eine Untersuchung der


Grundlegung des menschlichen Geddchtnisses. (Theologische Stu-
dien der osterreichischen Leo-Gesellschaft, 32). Wien, von Mayer,
1932; 23x15, xiv-210 pp. ; 10 Mk.
On a proposé différentes théories physiologiques pour
expliquer la mémoire. Elles sont toutes insuffisantes. C'est ce que
démontre fort bien l'auteur dans la première partie de son ouvrage :
il examine consciencieusement les théories mécanicistes, biologistes,
dynamistes, insiste sur leur complication progressive et montre
comment, malgré tous les efforts, elles ne parviennent pas à rendre
raison de la production d'une image particulière, ni du cours de
l'imagination et de la mémoire. Il s'agit d'ailleurs d'un défaut
irrémédiable et qui tient à la nature même de ces théories : en se
tenant exclusivement sur le terrain physiologique, elles
n'expliqueront jamais ce qui est formellement d'ordre psychique. Des faits
psychophysiologiques exigent une explication psychophysiologique.
M. F. développe ensuite sa théorie. Il s'appuie sur la
métaphysique thomiste. Un être vivant matériel a une seule forme
substantielle et est principe de facultés organiques. Dès lors les sens
ne sont pas en dehors de la matière, mais sont une propriété de
Travaux récents de psychologie 289

la matière animée, de l'organe. Il n'y a pas deux séries parallèles


d'actes, les uns physiologiques, les autres psychiques, mais une
seule, procédant d'une substance qui agit par des facultés
psychiques organiques, telle la mémoire sensible. Or, de même que
l'acte de sensation suppose un « déterminant cognotionnel », de
même l'acte de mémoire suppose, au préalable, une détermination
interne de la faculté qui l'oriente vers la représentation de tel objet.
Ce déterminant interne de la mémoire est un résidu, le résultat d'un
développement régressif du déterminant de la sensation. Ceci
conduit l'auteur à admettre des éléments psychiques non conscients,
une vie d'images subconscientes, subissant constamment l'influence
de la vie consciente et exerçant à leur tour une action sur le
développement de la conscience. Bien des faits psychiques normaux et
pathologiques ont leur raison d'être dans l'inconscient, et sur ce
point les théories modernes, telle la psychanalyse, contiennent un
élément de vérité.
L'auteur n'a pas voulu donner une étude complète de la
mémoire. Son objet, soigneusement limité, est de montrer la nécessité
d'une explication qui tienne compte du caractère psychique de la
mémoire. L'aspect physiologique est essentiel sans doute, mais il
demeure un aspect partiel et inférieur. On peut dire que M. F. a
pleinement réussi dans son entreprise. Il a mis en valeur les «
virtualités » des principes thomistes et indiqué les grandes lignes que
doit suivre la psychologie scolastique pour interpréter des faits
importants sur lesquels la science contemporaine a attiré l'attention.

Marguerite COMBES, Le rêve et la personnalité. Préface de


André Lalande. (Bibliothèque de la Revue des Cours et
Conférences). Paris, Boivin, 1932; 19x14, XII-268 pp. ; 20 fr.
Les notations inédites de rêves, que contient cet ouvrage,
proviennent de cinq ou six personnes à différents âges. L'élément
féminin est presque exclusivement représenté par ces rêveurs.
L'auteur garantit « la nature simple et normale des sujets étudiés,
personnes toutes d'une moralité très élevée, mais de goûts, d'aptitudes
et de culture variés encore que n'étant pas toujours d'égale valeur »
(p. 260). L'index bibliographique montre qu'on a aussi tenu compte
des principaux ouvrages parus sur le rêve depuis les travaux de
Burdach (1830), surtout de ceux d'Hervey de Saint-Denys et de
Y. Delage. L'auteur ayant commencé sa documentation et ses
réflexions avant d'avoir lu la Traumdeutung de Freud et les ou-
290 L. De Raeymaeker

vrages qui la continuent ou qui en dérivent, a produit une oeuvre


caractéristique et vraiment originale.
On nous décrit d'abord l'approche du sommeil et le rôle des
images dites hypnagogiques, en insistant sur l'extrême
complication avec laquelle se forment les premières images du rêve. Nous
pénétrons ensuite dans le royaume des rêves, où Mme C. s'attache
à distinguer différentes zones : la formation et l'arrangement d'un
rêve ne se produisent pas toujours de même façon ; mais on peut
noter des cas qui se ressemblent et qui révèlent, chaque fois qu'ils
se produisent, un même état psychique, une même zone du « moi ».
Une première série de rêves est toujours provoquée par une
émotion intense, éveillée en nous par notre propre histoire et très
reconnaissable dans le rêve. Les tableaux, répondant à un état
d'angoisse actuel, ne vont pas jusqu'à représenter notre avenir.
Ils ne sont pas susceptibles d'une seconde interprétation. Une
deuxième série de rêves semble avoir pour but de nous récréer ;
les scènes et les personnages n'y sont que des déguisements,
parfois des dédoublements de notre être, à travers lesquels il nous est
possible de retrouver, non plus une idée fixe et particulièrement
pénible, mais le sentiment de notre destinée individuelle et des faits
généraux qui s'y rattachent ; pour ceux-là, une interprétation est
nécessaire. Une troisième série de rêves paraît se former sous une
autre influence que celle de la destinée et des préoccupations
individuelles ; ils dévoilent ce qu'il y a de plus profond en nous, notre
« personnalité », c'est-à-dire « tout ce qu'il y a en nous de commun
avec l'humanité supérieure ». Dans ces derniers rêves on ne
remarque aucun déguisement, aussi n'est-il besoin d'aucune
interprétation pour les comprendre.
L'auteur étudie ensuite la malice inconsciente, les clichés de
rêve, l'androgynat dans les rêves, le sentiment du déjà vu en rêve,
le dédoublement du moi, les projections de la destinée,
l'expérimentation dans le rêve. Par une comparaison établie entre le thème
réel ayant servi de matière au rêve et la direction suivie par celui-ci,
Mme C. pense avoir montré de plus près qu'on n'avait pu le faire
jusqu'ici, comment s'élabore une invention inconsciente, comment
elle s'apparente à l'art.
Il n'est pas dépourvu d'intérêt de noter avec l'auteur que les
rêves bien liés et répondant à des zones de plus en plus profondes
du moi (probablement en rapport avec la profondeur du sommeil)
sont plus importants à étudier que les rêves décousus, qui semblent
Travaux récents de psychologie 291

plus superficiels. La deuxième et la troisième zone demanderaient


des observations plus larges et plus nombreuses. Il faudrait
d'ailleurs bien s'entendre sur la différence et sur les rapports à établir
entre l'individualité et la personnalité. On appréciera la prudence
et la modération constante de l'auteur, son souci d'éviter les
généralisations négatives. On sera agréablement surpris de lire une étude
sur le rêve qui ne rappelle en rien l'atmosphère freudienne
habituelle. Enfin, Mme C, qui est l'auteur de récits et de vers pleins de
talent, a su donner à cet ouvrage scientifique une tenue littéraire
qui charme et qui entraîne le lecteur à poursuivre jusqu'au bout
ce voyage à travers les différentes régions où se forme le rêve.

Alb. C. DoODCORTE, O. P., Begrijpen (Wijsgeerige Grondbe-


grippen, 1). Roermond-Maeseyck, J. J. Romen, s. d. ; 19x12,
48 pp.
Cet opuscule, élégamment édité, est le premier d'une série
qui a pour but de développer de façon claire et succincte quelque
notion ou quelque théorie traditionnelle. Il s'agit en l'occurrence
d'expliquer ce qu'est « comprendre ». Comme le montre l'auteur,
comprendre, c'est saisir les notes essentielles de l'objet à connnaître,
c'est, en fin de compte , le connaître par ses causes. Viennent alors
des notions sur la puissance transcendantale et sur l'imperfection
de l'intelligence humaine, sur la supériorité de l'intelligence par
rapport à la volonté, sur la différence qu'il faut mettre entre penser
et comprendre, sur l'univocité et l'analogie. Tout cela est
strictement thomiste, mais développé d'une façon un peu sévère. Il
faudrait, semble-t-il, davantage tenir compte des aspirations de la
philosophie contemporaine, développer spécialement tel aspect du
problème qui importe pour notre époque, de manière à mettre en
évidence la fécondité des principes traditionnels précisément dans
les questions qui préoccupent nos contemporains.

Walter BluMENFELD, Sinn und Unsinn. Munich, Reinhardt, 1933;


20x13, 110 pp. ; 4,20 Mk.
Quel est le sens de cette proposition : « c'est une vipère »?
Il faut distinguer. Au sens sémantique, qui résulte de la signification
des mots, s'ajoutent le sens téléologique, quand on a l'intention
d'avertir d'un danger, le « Gestaltsinn », dans le cas où la
proposition fait partie d'un récit, le sens logique, lorsqu'on veut dire que
c'est bien de telle espèce zoologique qu'il s'agit et que cette con-
292 L. De Raeymaeker

elusion est fondée ; enfin, dans bien des cas le motif qui pousse
à agir livrera le sens profond des mots prononcés. On le voit, il
n'est pas sans intérêt de déterminer avec précision ce qu'on entend
par ce mot « sens », dont les multiples significations peuvent prêter
à équivoque.
C'est sur quoi insiste l'auteur, et il faut lui savoir gré d'avoir
déblayé le terrain en notant les espèces de « sens ». Il les analyse
successivement et leur trouve des caractères différents. Il y oppose
chaque fois l'absence de sens et le non-sens correspondants. Or,
il lui est parfois difficile de trouver une absence absolue de sens,
par ex. : par rapport au sens logique et au sens téléologique. Nous
avons l'impression que l'analyse, ici, est menée sans beaucoup
d'ordre. A vrai dire, il était impossible d'épuiser le sujet en
quelques pages, (ce n'est d'ailleurs pas l'intention de l'A.), et de plus,
la méthode descriptive devait fatalement se trouver en défaut : y
a-t-il des actes, des êtres sans raison suffisante et présentant un
désordre radical ? La question est d'ordre métaphysique.
Dans une seconde partie M. B. recherche comment,
psychologiquement parlant, nous saisissons le sens ou l'absence de sens,
et ensuite comment nous les formons. Enfin il indique en quelques
traits le rôle de l'absence de sens dans une conception
philosophique générale. Si le sens est toujours une relation, comme le dit
l'auteur, il est évident qu'on ne peut à aucun point de vue se
demander quel est le sens de la réalité dans son ensemble. Mais
on concédera cependant que cela ne permet pas de conclure au
caractère foncièrement irrationnel des choses. Le dernier paragraphe
illustre de façon intéressante la classification des différents « sens »
adoptée par l'auteur, en l'appliquant à l'étude du comique.
Cet ouvrage se lira avec beaucoup d'intérêt. M. B. a conscience
de la complexité du sujet et n'a pas voulu tout dire ; mais il ouvre
des perspectives, il fait distinguer et réfléchir, et sans doute susci-
tera-t-il de nouvelles recherches.

Johann Albrecht LÔESER, Die Psychologie des Emotionalen.


Die psychologische Autonomie des organischen Handelns. (Abhand-
lungen zur theoretischen Biologie, H. 30). Berlin, Borntraeger, 1931;
vin- 146 pp. 25x17; 16 Mk.
Cette étude constitue la première partie d'un ouvrage plus
étendu qui traitera de la vie émotionnelle. Par émotion l'auteur
Travaux récents de psychologie 293

entend tout élément de la vie appetitive : état affectif, tendance,


sentiment, etc.
M. L. délimite soigneusement son sujet. A côté du point de vue
physiologique, il y a le point de vue psychologique. On peut
étudier l'aspect physiologique d'un phénomène ; on peut rechercher
les rapports qu'il y a entre l'aspect physiologique et l'aspect
psychologique ; on peut aussi se cantonner, par méthode, dans l'aspect
psychologique pour le décrire minutieusement. C'est ce dernier
travail que veut réaliser M. L. Son étude tend à mettre en lumière
ce qu'il appelle l'autonomie du fait psychique. Le fait psychique
se distingue essentiellement du réflexe, en ce qu'il s'adapte aux
circonstances. Un même acte externe peut répondre à différents
excitants psychiques, c'est-à-dire à différents états émotifs ; comme
un même excitant peut mener à bien des actes différents. Ce
caractère d'adaptation se remarque à tous les degrés de l'échelle des
actes psychiques. On doit en conclure que l'étude du
comportement ne peut suffire à l'explication psychologique.
A la lumière de ces principes l'auteur fait la critique de la
théorie commune de l'instinct animal. Cette théorie suppose que
les actes de l'animal sont comme préformés par la nature et se
déroulent mécaniquement. Or, il faut nécessairement tenir compte
de l'autonomie de la vie psychologique. En fait, on rend
suffisamment compte de ce qui se passe, en ne considérant que l'individu,
les excitations émotionnelles qui se produisent en lui et la réaction
psychique individuelle qui y répond. L'ordre universel y trouve
son compte, sans que l'individu poursuive consciemment les fins
biologiques de cet ordre, et sans que les actes qui les réalisent
soient aucunement préformés par la nature et se déroulent à la
manière des réflexes. Ces idées sont appliquées à l'instinct de
conservation de l'individu et de l'espèce, aux instincts sociaux, à
l'instinct de migration, etc. Sans doute tout n'est pas éclairci, mais
bien des manières d'agir trouvent une explication aussi simple
que suffisante.
Nous ne pouvons que féliciter M. L. d'avoir mis en lumière
ces quelques caractères propres de la vie psychique et de réclamer
une explication psychologique des faits psychiques. Nous devons
évidemment attendre le reste de l'ouvrage pour pouvoir formuler
un jugement définitif. Cette étude, écrite pour le grand public, sans
développements trop techniques, utilise cependant un important
matériel de faits, le tout dans une langue claire et concise.
294 L. De Raeymaeker

Caelestin ZlMARA, Das Wesen der Hoffnung in Natur und Ueber-


natur. Paderborn, Schôningh, 1933 ; 24 x 16, 250 pp. ; 10 Mk.
Le présent ouvrage (qui est une dissertation doctorale présentée
à la faculté de théologie de l'université de Fribourg en Suisse) veut
se borner à l'examen d'une seule question, mais capitale en la
matière : celle de la nature de l'espérance.
On ne peut étudier l'espérance surnaturelle que par analogie
avec la vertu naturelle correspondante. Il est dès lors tout indiqué
de faire d'abord l'analyse de celle-ci. C'est à quoi l'auteur
consacre une partie notable de son travail (pp. 17-164).
Il interroge, en premier lieu, la philologie. Elle ne fournit que
des données très générales. Il parcourt ensuite l'histoire de la
philosophie. Dans l'antiquité, Aristote fournit des développements
importants ; une définition de Cicéron sera reprise souvent par les
auteurs chrétiens, qui la combinent avec un texte de saint Paul.
Parmi les scolastiques, saint Thomas offre l'exposé le plus
systématique. L'auteur s'arrête à quelques scolastiques plus récents, à
des représentants de la philosophie moderne et enfin à des
psychologues contemporains, tels que Volkmann, Jodl, Hôffding, le
cardinal Mercier et J. Frobes. De ce rapide examen il conclut que la
grande majorité des auteurs tombe d'accord sur quelques points,
à savoir que l'espoir est l'attente d'un bien.
Partant de là, M. Z. va s'attacher à caractériser cette «attente».
Elle est essentiellement un mouvement de l'appétit, et non de la
connaissance. Les scolastiques la rattachent, non sans raison, à
l'appétit irascible, car elle se porte sur un bien qu'il est possible
d'atteindre, mais non sans quelque difficulté. Ces deux éléments,
possibilité et difficulté, sont fondamentaux. L'auteur les étudie en
suivant saint Thomas. Pour définir de plus près l'espérance, il faut
la comparer à des sentiments voisins. Par des analyses
psychologiques pénétrantes et après un examen critique des diverses
opinions en cours, l'auteur conclut que l'espérance a. sa source dans
l'amour concupiscible, qu'elle présuppose nécessairement- le désir
et qu'elle est formellement identique à la confiance. Cet état
d'attente confiante de l'âme inclut évidemment une « erectio animi »,
prise dans le sens d'une tension active des forces psychiques.
Nous voudrions voir M. Z. développer encore la partie
historique de son ouvrage et étudier, de ce point de vue, la formation
de la doctrine scolastique et particulièrement les théories de saint
Thomas.
.Travaux récents de psychologie 295

Wilh. STEINBERG, Soziale Seelenhaltungen. Munich, Reinhardt,


1932; 21x14, 153 pp. ; 3,40 Mk.
L'auteur a voulu noter quelques traits fondamentaux de ses
conceptions psychologiques en vue d'éclairer des études
sociologiques publiées antérieurement. Il distingue trois couches dans la
structure du sujet : la psyché, l'âme et l'esprit. La première est plus
superficielle et se confond, en réalité, avec l'activité sensible ; la
deuxième, plus profonde, embrasse le domaine de la volonté libre ;
la troisième, la plus centrale, est constituée par les dispositions
profondes du sujet. Ce qui les distingue fondamentalement, c'est leur
vie émotionnelle, qui saisit des- valeurs d'ordre différent.
De ce point de vue, M. S. étudie la structure psychologique
sociale de l'amour et de la haine, de l'enrichissement du moi, des
différentes tendances, en particulier du besoin de domination et de
la tendance à la soumission.
Nous ne nous arrêtons pas à la théorie de l'intuition
émotionnelle des valeurs, que nous ne pouvons admettre ; c'est toute une
théorie de la connaissance qui est ici en cause. L'auteur insiste sur
les dispositions subjectives spirituelles qui commandent l'activité
libre et qui sont la source profonde de la valeur morale. Nous
pensons qu'il exagère en voulant trop soustraire ces dispositions à
l'emprise de la libre volonté. Mais il a raison d'attirer l'attention
des moralistes sur la constitution subjective, qui conditionne
l'activité morale et qui elle-même est une valeur spirituelle
fondamentale.

Helmut Groos, Die Konsequenzen und înkpnsequenzen des


Determinismus. Munich, Reinhardt, 1932; 24 x 16, 156 pp. ; 6,50 Mk.
L'auteur a une tendance invincible, dit-il, à arracher les
boutons à demi détachés, même s'il ne sait pas les recoudre. Il aime
les situations claires. Il veut que chacun aille au bout de son
système et ne recule pas devant les conséquences logiques des thèses
admises comme vraies. Dans un ouvrage antérieur, il s'était donné
comme tâche de montrer que l'idéalisme allemand ne peut, sans
se nier, être chrétien. Voici qu'il s'attache à prouver que le
déterminisme psychologique aboutit logiquement au fatalisme absolu, et
ne doit pas avoir honte de l'avouer.
Le déterminisme psychologique, du moment qu'il fait
intervenir l'élément psychique, ne s'identifie pas avec la nécessité pure-
296 L. De Raeymaeker

ment mécanique. Il ne mène pas non plus, affirme M. G., au quié-


tisme, ni ne détruit toute morale. Par contre il faut reconnaître, ce
que généralement les déterministes n'ont pas le courage de faire,
que le sens commun admet bel et bien la liberté, et que la notion
commune de responsabilité est inconciliable avec le déterminisme.
L'auteur met en lumière les efforts infructueux faits par E. v.
Hartmann, Paulsen, Adickes, Riehl, Kulpe, Lipps, Laas, Jodl, Hôff-
ding, Forster pour échapper aux conséquences logiques de leurs
systèmes. Le déterminisme rigoureux ne peut être que le fatalisme
le plus strict.
Pour finir M. G. expose et critique les arguments que
proposèrent, ces dernières années, en faveur de la liberté, N. Hartmann,
Heuer, plusieurs hommes de science, enfin et surtout Driesch. Ce
n'est pas au nom des sciences expérimentales qu'on peut nier le
principe de causalité, affirme l'auteur avec raison. Or, dit-il, si l'on
montre la vérité de ce principe, la liberté ne se conçoit plus. Cette
dernière affirmation, nous la contestons. Tout dépend, évidemment,
de la manière dont on justifie et dont on formule ce principe. M. G.
ne traite pas cette question et ne devait pas le faire, puisqu'il
n'avait d'autre but que de montrer les conséquences du
déterminisme et les inconséquences de beaucoup de déterministes. Nous
déclarons volontiers qu'il n'a pas failli à sa tâche.

Alan S. C. Ross, Outline oj a theory of language. Leeds


Studies in English, 1932 ; 21x14, 14 pp.
Nous ne pouvons que signaler cet article dont le sujet ressortit
plutôt à la philologie. L'auteur indique un plan de travail pour
l'étude de la langue, considérée comme expression des faits de la
vie mentale. On doit en premier lieu étudier la langue telle qu'elle
est employée par l'individu ; on la considérera ensuite dans tout le
groupe linguistique où elle est répandue, et enfin on l'examinera
dans son évolution historique. Pareille étude doit assurément viser
l'explication des phénomènes linguistiques ; mais il faut qu'elle
fournisse tout d'abord une description exacte des faits. L'auteur
insiste pour finir sur le rôle de la psychologie dans ces études
philologiques ; la pensée et le langage, la vie psychique et son
expression verbale sont si intimement liées, qu'on doit éviter de les
dissocier si l'on ne veut perdre le sens de l'une comme de l'autre.
Travaux récents de psychologie \ 29/

Jos. SCHEIN, Zentralistische Organisation und Seelenleben, 2 vol.


Munich, Reinhardt, 1931; 24 x 16, 448 + 640 pp.; 28 Mk.
La vie supérieure de l'homme résulte de l'organisation centrale
plus forte de son corps. Telle est la thèse que l'auteur veut établir.
L'homme agit de trois manières différentes : par impulsion, par
habitude et par délibération. En aucun de ces cas il ne s'agit de
simples réflexes, ni de réactions relevant d'un organe particulier ;
il s'agit, tout au contraire, d'une activité de l'organisme entier. Ce
qui suppose une organisation centralisée et, dès lors, un organe
central (non encore identifié par la physiologie), qui commande et
règle l'activité de l'ensemble.
M. S. étudie longuement le mécanisme de l'habitude et de
l'action délibérée. Il ne fait que mentionner l'impulsion.
L'habitude rétablit progressivement l'équilibre entre les besoins
de l'individu et les moyens dont il dispose pour y satisfaire :
équilibre entre le vivant et son ambiance, équilibre interne entre les
différentes fonctions organiques. Par l'habitude, l'individu s'adapte
de façon plutôt passive à la situation de fait, en se pliant aux
conditions qui s'imposent à lui. A mesure que l'équilibre se rétablit et
que se crée l'habitude, l'activité devient inconsciente. D'où l'auteur
conclut que la conscience est conditionnée par une rupture
d'équilibre, par un trouble organique.
Une organisation centrale plus forte permet à l'homme de se
maintenir en affirmant plus énergiquement ses forces. Grâce à
l'énergie accumulée dans l'organe central, l'homme devient un
h sujet », qui s'oppose, tant aux différentes parties de son
organisme, qu'au monde extérieur et leur impose sa loi : il acquiert la
« maîtrise de soi », il agit par « libre arbitre », et dans sa supériorité
il trouve le « calme et la paix ». Ce développement du sujet
caractérise la « personne », et la distingue de l'animal et de l'enfant ;
il est lié à l'organisation centrale de l'être et à la constitution d'un
ordre de connaissance et de motifs d'action, qui régissent toute
l'activité.
L'auteur aboutit aux mêmes conclusions dans le tome II, d'abord
par l'analyse des faits psychiques en général, ensuite par l'étude de
la connaissance sensible. Un fait psychique se rapporte à
l'organisme entier, et non à un organe particulier ; il se distingue par là
du fait physiologique. Soumis constamment à l'action d'excitants
externes, le sujet se tourne vers les parties de son être les plus
fortement atteintes, pour rétablir l'équilibre. Cette réaction est acte de
298 L. De Raeymaeker

conscience, affirmation de soi, opposition du sujet à l'objet. C'est


de ce point de vue seulement que se comprend ce qu'on appelle
l'« association des idées » et que s'expliquent tous les processus de
la vie psychique.
Ces idées, longuement développées et appuyées sur de
nombreux faits tirés de l'expérience quotidienne, contiennent une part
de vérité. M. S. insiste à bon droit sur l'unité foncière de l'activité
humaine ; il s'inscrit en faux contre la « chimie mentale » de l'asso-
ciationnisme et contre le parallélisme psychophysique. Il en appelle
volontiers à la manière de parler de tout le monde et s'en tient à
cette vérité de bon sens, que l'homme est un. Mais il esquive le
problème réel. Sans doute l'unité de l'organisme conditionne
l'activité supérieure de l'homme, elle n'en est pas la raison suffisante.
L'organe central, à supposer qu'il existe, ne pourrait remplacer
l'âme. Si l'auteur avait analysé plus exactement la connaissance
intellectuelle et la liberté, il aurait vu surgir des questions d'ordre
philosophique, dont la solution ne se peut trouver que dans le
spiritualisme.

J. DoNAT, S. J., Ueber Psychoanalyse und Individualpsycholo-


gie. Innsbruck, Rauch, 1932 ; 23 x 15, 312 pp. ; 6 Mk.
Le R. P. Donat, l'auteur bien connu de la « Summa Philoso-
phiae christianae » éditée à Innsbruck, adresse au grand public cet
ouvrage, pour l'aider à porter un jugement motivé sur les théories
psychanalytiques, dont l'influence s'est étendue en bien peu
d'années aux domaines les plus variés de l'activité humaine. L'auteur
se borne à étudier deux systèmes : celui de Freud, c'est-à-dire la
psychanalyse au sens restreint du mot, et celui d'Alfred Adler. Ce
dernier, on le sait, s'est séparé bruyamment de son maître pour
devenir le chef d'une école importante qui s'intitule « école de
psychologie individuelle ». Chacune de ces deux études comprend
un exposé clair et précis des doctrines, suivi d'une longue critique.
Le P. D. met en lumière la pauvreté de ces doctrines, qui ont le
grand tort de vouloir réduire toute la vie psychique, si riche et si
variée, à l'un de ses éléments, la tendance sexuelle selon Freud,
le besoin de domination selon Adler. Il s'en suit que ces doctrines
contiennent une bonne part de vérité, qu'elles insistent sur des
aspects de la vie peut-être trop négligés jusqu'ici et dont il y a lieu
de tenir compte ; mais qu'elles généralisent arbitrairement,
devenant par là fausses et dangereuses. Si l'homme était un animal
Travaux récents de psychologie 299

et rien que cela, sans doute Freud aurait-il raison, pour une bonne
partie tout au moins. Si l'homme est un animal raisonnable, les
exagérations de Freud deviennent ridicules et la théorie de la
sublimation ne peut servir qu'à masquer l'échec de sa tentative. Encore
est-il que Freud, comme l'a mis en lumière le P. de la Vaissière
(La théorie psychanalytique de Freud, Paris, 1930), a rendu des
services signalés au point de vue de la conception même et de la
méthode de la psychologie scientifique.
Nous avons goûté spécialement la critique que l'auteur fait du
système d'Adler. Il insiste à juste titre sur la pauvreté d'idées qui
caractérise cette psychologie, sur la monotonie de ses
interprétations des faits, sur le sens équivoque des mots et des expressions
qu'elle emploie. Ce n'est que grâce à ces glissements de sens que
la psychologie individuelle parvient, tant à étendre son champ
d'activité qu'à varier quelque peu ses explications.
Le P. D. a fait œuvre très utile. Son étude claire et logique
rendra bien des services et beaucoup s'en inspireront pour
s'orienter dans le dédale des théories psychologiques récentes, trop
souvent pernicieuses, et pour les juger avec équité et bon sens.

Friedr. SeifeRT, Charakterologie (Handbuch der Philosophie,


Abt. III, Beitrag F). Munich et Berlin, R. Oldenbourg, 1929; 26 x 18,
66 pp.; 3,10 Mk.
Ceci n'est pas un traité de caractérologie, mais l'étude de
quelques questions fondamentales pouvant mener à une métaphysique
du caractère.
Il n'est pas facile de définir la caractérologie, science encore
jeune et qui cherche sa voie. L'auteur ne lui découvre pas d'objet
spécial ; c'est plutôt, dit-il, une nouvelle manière de grouper et
d'étudier certains problèmes de psychologie et d'anthropologie.
L'histoire peut faire comprendre les tendances de cette nouvelle
science. L'opposition que la philosophie moderne prétendit
découvrir entre le sujet et l'objet, entre le moi et la chose, donna
lieu à un courant philosophique naturaliste, ramenant tout à
l'objet, et à un courant rationaliste, ramenant tout au sujet. La
caractérologie veut éviter ces exagérations : elle étudiera l'homme tout
entier, qui est à la fois un sujet et un élément de l'univers matériel.
L'idéalisme, grâce à ses recherches esthétiques et éthiques, avait
gardé le souci de l'individualité et de la personnalité humaines ;
mais il ne les considérait qu'à travers ses « catégories » sans les
300 L. De Raeymaelzef

atteindre dans l'existence réelle. Il faut élargir ces cadres, dépasser


l'idée pour saisir toute la vie concrète.
Comment donc concevoir le caractère, entendu au sens de la
marque individuelle de l'homme existant? Ce n'est pas un ensemble
de qualités abstraites; ce n'est pas un simple groupement de forces
et de données potentielles. Le caractère de l'individu est un tout
structuré. L'auteur examine les différents sens de l'idée de «
totalité » et conclut que seul un réalisme intégral peut lui reconnaître
sa signification exacte. Une autre idée dont on se sert pour définir
le caractère, est celle de la polarité ou opposition complémentaire
des forces. Structure et polarité ont été utilisées surtout dans les
sciences biologiques et elles peuvent aider à noter le caractère de
l'homme en tant qu'individu vivant.
La caractérologie ne se suffit pas. Elle s'appuie inévitablement
sur des présupposés d'ordre métaphysique. Les traits distinctifs de
l'individu humain ne font pas connaître tout l'homme : car l'homme
n'est pas seulement un individu, mais une personne, qui parle et
répond, qui tient à la sphère du verbe et de la responsabilité.
L'homme a un caractère de liberté. M. S. examine finalement le
problème de la polarité dans son application à la distinction des
sexes. Il veut établir, d'une façon assez curieuse, que les
conceptions chrétiennes, sans nier aucunement cette polarité de l'individu
humain, la dépassent en affirmant la valeur de la personne humaine,
image de Dieu ; par quoi le christianisme se place sur un plan
supérieur aux religions païennes, qui ne se sont jamais dégagées
de l'individualité simplement biologique.
Ces quelques indications suffisent à marquer les vues originales,
mais parfois assez vagues, que l'auteur développe dans le but de
tracer une voie à la caractérologie.
L. De Raeymaeker.

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