Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Pam ZAHONOGO
2
Introduction
Dans le cadre d’un cours sur un sujet aussi vaste que l’histoire de la
pensée économique contemporaine, des choix s’imposent. Nous allons
revisiter la pensée économique contemporaine en regardant dans trois
directions : (i) la pensée économique libérale contemporaine, (ii) la
pensée économique keynésienne contemporaine et (iii) la pensée
économique neomarxiste ou de la dépendance.
Après avoir été pendant longtemps négligée pendant plus d’un demi-
siècle, la théorie de l’équilibre général, issue des travaux du Français
Léon Walras à la fin du 19e siècle, est devenue dans les années 1950
le cadre de référence pour la théorie microéconomique anglo-saxonne.
La démonstration de l’existence d’un équilibre général concurrentiel,
établie par Kenneth Arrow et Gérard Debreu en 1954, a été décisive
dans le processus d’unification de l’analyse économique dominante.
C’est ce qui a conduit les analystes de l’histoire de la pensée
économique à parler de ce monde à la Arrow-Debreu comme d’un
camp de base de la science économique à partir duquel il serait
possible de lancer des expéditions vers d’autres champs d’analyse en
apparence éloignées. Même ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui
la nouvelle microéconomie, qui s’inscrit dans un cadre de concurrence
imparfaite et d’équilibre partiel, a besoin de la référence à l’équilibre
7
Conclusion
a. La courbe de Phillips
La courbe de Phillips est issue d’une relation statistique entre les taux
de chômage et la variation des salaires nominaux établie par
l’économiste néo-zélandais, Professeur à la London School of
Economis, Alban William Phillips (1914-1975, Unemployement and
Money Wage Rates, 1958). Une fois interprétée, à la suite notamment
de Robert Solow (Prix Nobel 1987) et Paul Samuelson (Nobel 1970),
comme une relation entre chômage et inflation, elle apparaît comme
l’équation manquante qui permet de transformer le keynésianisme
d’une théorie de la dépression en une théorie générale. En particulier la
courbe dite de Phillips apparaît comme fournissant la frontière des
possibilités d’arbitrage entre deux maux considérés comme alternatifs
en période de prospérité, le chômage et l’inflation. Elle servira alors de
guide aux politiques keynésiennes de stop and go (alternance de
politiques de relance destinées à réduire le chômage et de politiques
restrictives destinées à contrôler l’inflation). Par conséquent, cette
relation allait tout aussi rapidement devenir la cible des critiques
libérales : non seulement ; sur le plan normatif, elle constituait le
couronnement des démarches interventionnistes qu’inspirait le
keynésianisme, mais, sur le plan positif, elle reposait sur la mise en
évidence d’une corrélation étroite et stable entre une variable réelle (le
chômage) et une variable nominale (le taux d’inflation), ce qui allait à
l’encontre de l’idée classique (et monétariste), véhiculée en fait par la
théorie quantitative de la monnaie, de l’existence d’une dichotomie
entre sphères réelle et monétaire. Finalement, la courbe de Phillips,
couronnement du keynésianisme de la synthèse, allait très rapidement
s’en révéler la pierre d’achoppement.
Le chômage, lui, s’établit à son niveau naturel, celui impliqué par les
structures fondamentales du marché du travail (incitations et
comportements d’offre et de demande ; rigidités du fonctionnement
marchand et obstacles à l’ajustement concurrentiel des salaires). Le
taux de chômage naturel est défini comme le taux de chômage qui
découlerait du système de Walras d’équilibre général étant données
les caractéristiques structurelles des différents marchés de biens et
services ainsi que du travail. Le taux de chômage naturel est stable et
unique pour un pays donné et le taux de chômage effectif gravite
19
Conclusion
Dès lors que les anticipations des agents sont rationnelles, seuls des
chocs « aléatoires » et donc strictement imprévisibles sont susceptibles
d’avoir des effets réels en faisant dévier l’économie de sa « trajectoire
naturelle » : la trajectoire de l’économie et la valeur des grandeurs
économiques sont celles impliquées par les structures réelles.
Conclusion
Conclusion
Keynes, puis Hicks ont insisté sur l’idée que les ajustements par des
prix flexibles étaient souvent impuissants pour permettre à l’équilibre
de se réaliser sur tous les marchés. Cette question centrale pour la
théorie économique est restée à l’arrière plan de l’analyse économique
tant que le message keynésien a été largement édulcoré. Il a fallu
attendre la fin des années 1930 pour l’économiste A. Leijonhufvud
mette l’accent sur cette perte de sens. Selon lui, le consensus
keyneso-classique connu sous le nom d’économie keynésienne ou
encore néo-keynésienne n’est pas conforme à la véritable économie
impulsée par Keynes lui-même. Des situations de déséquilibres
durables devraient être décrites à l’aide d’un outil conceptuel
véritablement keynésien. L’idée de Leijonhufvud se comprend assez
aisément à l’aide de la notion de myopie de la firme. La contrainte du
débouché perçu est essentielle pour cette firme qui raisonne de façon
microéconomique : la firme perçoit une demande solvable donnée ; elle
ne va pas embaucher de salariés supplémentaires en se disant que les
revenus qu’elle va leur verser viendront accroitre ses débouchés. Le
sous emploi résulte donc de ce que chaque firme n’anticipe pas assez
l’élargissement des débouchés qu’elle va engendrer en réalisant une
transaction travail contre monnaie. En France, tout particulièrement
émerge un véritable courant dit du déséquilibre avec comme chef de
file Edmond Malinvaud. Deux points sont abordés dans le chapitre. Le
premier point rappelle les fondements de la théorie du déséquilibre. Le
deuxième passe en revue les remèdes apportés aux déséquilibres.
Conclusion
Les théoriciens du déséquilibre pensent que le chômage de masse
correspond généralement à une situation où se mêlent deux
mécanismes fondamentaux : le chômage keynésien et le chômage
classique.
Le chômage keynésien est fort dans les pays où un manque de
compétitivité des exportations limite l’autonomie de la politique
économique intérieure et oblige à ralentir l’activité économique. Le
chômage classique se combine avec le précédent du fait d’un mauvais
partage entre salaires et profits qui lamine la profitabilité. Ainsi les
capacités de production sont insuffisantes pour donner de l’emploi à
tous. Il se crée un alanguissement de l’appareil productif qui vieillit, et
les postes de travail sont laminées car les secteurs anciens déclinent
et les nouveaux emplois nécessitent équipements, formation,
recherche et développement. Le remède au chômage proposé par les
théoriciens du déséquilibre est multidimensionnel. Il faut lutter contre
la peste du sous emploi par de multiples fronts : une répartition des
revenus flexibles peut faire ajuster les salaires à la baisse et non
l’emploi. La compétitivité de l’offre doit être stimulée (politique active
de formation et de recherche-développement), enfin l’investissement
matériel et immatériel doit être favorisé par rapport aux placements
(crédit moins cher, baisse des taux d’intérêt, aide fiscale à l’achat de
bien d’équipements…).
34
Conclusion