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Dossier scientifique

Particularités de la numération formule


sanguine et apport de la cytologie
en période néonatale
Élodie Lainey1,2,*, Odile Fenneteau1
1 Service d’hématologie biologique, Hôpital Robert Debré, AP-HP, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris Cedex 19, France.
2 Université Paris VII, Faculté de médecine Denis Diderot, 75010 Paris, France.
*Auteur correspondant : elodie.lainey@aphp.fr (É. Lainey).

RÉSUMÉ
La connaissance des variations physiologiques des
paramètres de la numération formule sanguine ainsi
que des particularités cytologiques chez l’enfant en
période néonatale, constitue un prérequis pour ne
pas surestimer ou sous-estimer la présence d’ano-
malies quantitatives et qualitatives qui ne sont que
le reflet de l’hématopoïèse particulière du nou-
veau-né et des différents stades de son dévelop-
pement. Savoir identifier rapidement les situations
pathologiques peut s’avérer très utile pour aider les
médecins à poser le bon diagnostic dans des situa-
tions cliniques parfois critiques pour le nouveau-né.
En effet, d’une part les données de l’hémogramme
sont profondément modifiées au cours des pre-
mières semaines et mois de vie, d’autre part, cer-
taines pathologies héréditaires ou acquises se
révèlent dès la période néonatale et la connaissance

© BURGER/PHANIE
des répercussions hématologique et cytologique qui
les accompagnent, apporte une aide précieuse dans
la prise en charge de cette population particulière-
ment vulnérable.

MOTS CLÉS
◗ anomalies cytologiques ABSTRACT
◗ nouveau-né
Peculiarities of blood cell parameters variations and morpho-
logical alterations in neonates
◗ numération formule
The challenge of hematologic problems in the newborn is still present. In the present
sanguine
article, the main cytological characteristics of the blood cells in healthy neonates as
◗ pathologies héréditaires
well as the physiological blood parameters variations at birth and during the first
◗ prématuré
month of life of the newborn and the preterm neonates will be reminded. Indeed,
KEY WORDS the values of many hematologic variables change markedly in the first days, weeks
◗ blood cell counts and months of life and a good knowledge of normal reference values according
◗ new born to gestational age is required to enable the proper interpretation of blood count
◗ normal ranges parameters. In the second part of this article, we will focus on the main morpholo-
◗ peripheral blood gical alterations of the red cell, platelet and leukocyte encountered in hereditary or
morphological analysis acquired disorders with a neonatal revelation which can lead to ever more effective
interventions of neonatalogists in this vulnerable population.
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36 REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES • N° 500 • MARS 2018


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Biologie du nouveau-né

Introduction Par ailleurs, certaines pathologies héréditaires ou


non peuvent avoir une révélation néonatale, parfois
Il existe d’importantes variations physiologiques des grave, conduisant l’enfant en service de soins inten-
données de l’hémogramme entre le prématuré, le nou- sifs. Lorsqu’elles s’accompagnent d’un retentissement
veau-né à terme, les enfants à différents stades de hématologique, notamment cytologique, il est utile de
développement et l’adolescent. La population pédia- savoir les reconnaître pour orienter rapidement le
trique est donc très hétérogène et rend difficile la diagnostic et permettre la mise en route d’une théra-
maîtrise des intervalles de références par des biolo- peutique adaptée.
gistes non spécialisés où les prélèvements d’enfants ne
représentent qu’une faible proportion de l’ensemble
des échantillons reçus au laboratoire. Par ailleurs, les Variations de l’hémogramme
échantillons sanguins d’enfants « sains » et notamment et particularités cytologiques
de nouveau-nés sont très difficiles d’accès (hyper-
coagulabilité physiologique, petit volume de en période néonatale
sang prélevé pour éviter la spoliation san-
guine, veine difficile d’accès, etc.) et ne Comme nous avions déjà détaillé les
peuvent provenir que de centres
L’avènement variations physiologiques de l’hé-
hospitaliers, ce qui introduit de nouvelle mogramme en pédiatrie (0-15 ans)
un certain nombre de biais en génération dans un article de la Revue fran-
fonction du recrutement local cophone des laboratoires paru en
(ethnies, pathologies traitées d’automates de septembre 2009 : « Hémogramme
dans le centre…). Ainsi, il exis- numération a permis en pédiatrie : variations physio-
tait peu d’études, françaises ou logiques », seul un résumé des
internationales sur les valeurs la publication récente variations les plus importantes
normales en période néona- de nouvelles de la NFS durant la période néo-
tale, notamment chez le préma- natale, en particulier chez l’enfant
turé avec parfois des discordances données prématuré, seront rappelées. De
selon les études. Néanmoins, l’avène- même, seules les références biblio-
ment de nouvelle génération d’automates graphiques les plus importantes dans ce
de numération, toujours plus performants et domaine seront référencées. Les particularités
moins consommateurs de sang, a permis la publica- pré-analytique du prélèvement en période néonatale
tion récente de nouvelles données. Nous tenterons ainsi que les mécanismes responsables de ces varia-
donc de refaire un point, basé sur notre expérience tions ne seront donc pas évoquées [1]. Les inter-
et sur la littérature, sur les modifications rapides de la valles de référence en percentiles (3th-97th) de la
numération globulaire (dès les premières heures ou jours numération globulaire et de la formule sanguine pen-
de vie) qu’il est nécessaire de connaître pour inter- dant cette période (0 à 2 mois) seront également
préter correctement les résultats de l’hémogramme. rappelés (tableaux 1 et 2).

Tableau 1. Intervalles de référence de la numération globulaire et plaquettaire de la naissance à 2 mois (2,5-97,5 percentiles).

Hématies Hématocrite Hémoglobine VGM TCMH CCMH IDR Réticulocytes Plaquettes VMP Erythroblastes
Catégories
d’âge
1012/l % g/dl fl pg g/dl % 109/l 109/l fl 109/l

Nouveau-né 3,9-6,4 43,4-67,5 14,1-21,6 96,5-114 160-300 0-1

2 jours 3,8-6,1 40,6-64,1 13,8-22,1 95-116 32-39 15-18 180-325 150-400 8,7-11,6 0-0,2

3 à 7 jours 3,8-6,2 39,2-62,7 13,5-21,9 92-112 170-323 < 0,005


31,5-36,5
8 à 14 jours 3,7-5,7 35,7-58,5 12,3-19,9 88,5-110 30-37,5 20-200 0
14-17 9-12,2
15 jours 3,1-5,2 30,2-49,4 10,8-17,2 88,5-108 28-36,5 150-600 0
à 1 mois
25-65
2 mois 3,1-4,3 27,3-41,2 9,7-13,5 80,5-101 27-33,5 12-14,5 8,5-11,4 0

Établis sur l’automate Sysmex XE2100

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Tableau 2. Intervalles de référence de la formule sanguine


de la naissance à 2 mois de vie (2,5-97,5 percentiles).
Polynucléaires Polynucléaires Polynucléaires
Catégories Leucocytes Lymphocytes Monocytes
neutrophiles éosinophiles basophiles
d’âge
109/l 109/l 109/l 109/l 109/l 109/l
Nouveau-né 9.1-30 5-26 2 - 6.7
1 jour 11.2-27 4-19 2 - 6.6
2 jours 7.9-22.5 3-16 2 - 6.8
0.4-3
3 jours 6.2-17.1 3-11 2 - 6.4
< 0.8 < 0.2
4 à 7 jours 6.3-17.4 1.5-9.5 2-8
8 à 14 jours 7.3-16.6 1-9.3 3 - 9.4
15 jours à 1 mois 7.1-15.9 1-4.9 3.5 - 10.2
0.3-1.5
2 mois 6.4-12.5 1-4.7 3.7 - 10.5

Numération globulaire normale (en moyenne 15,5 g/dL à J8). La diminution est ensuite
du nouveau-né et du prématuré progressive, le taux restant toutefois supérieur à 10 g/dL
à la fin du premier mois de vie et atteint le nadir (9,5-
Le nombre de globules rouges (GR), tout comme l’hé- 13,5 g/dL) vers l’âge de 2 mois. Chez les enfants préma-
matocrite (Ht) et le taux d’hémoglobine (Hb), varient turés, la diminution du taux d’hémoglobine post-natale
beaucoup pendant la période néonatale. L’ajustement est plus rapide, plus importante et dure plus longtemps
du volume sanguin total est responsable d’une aug- (de 8 à 12 semaines versus 4 à 8 semaines chez l’enfant
mentation parfois importante du taux d’hémoglobine, né à terme). Le volume globulaire moyen (VGM) d’un
du chiffre d’hématies et de l’hématocrite dans les pre- nouveau-né à terme est compris entre 95 fl et 115 fl
miers jours de vie [2]. Le chiffre de GR, l’Ht et le taux (technologie Sysmex). Chez le prématuré, le VGM peut
d’hémoglobine augmentent proportionnellement avec atteindre 120 à 130-135 fl en fonction de l’âge gestation-
l’âge gestationnel et diminuent d’autant plus rapide- nel et surtout du poids de naissance [7]. Le VGM reste
ment après la naissance que l’enfant est né prématuré élevé (95-110 fl) pendant les 2 premières semaines de
(décroissance rapide chez les grands prématurés < 28 SA vie pour diminuer ensuite très progressivement à partir
(semaines d’aménorrhées), modérée chez les 28-32 SA et de la troisième semaine. Le VGM est corrélé à la taille
lente après 32 SA) [3]. Le nouveau-né est polyglobulique des hématies chez le nouveau-né, comprise entre 8,5 et
à la naissance et le chiffre moyen de globules rouges 9,5 μm, qui rejoint celle de l’adulte (7,5 μm) vers l’âge de
attendu est de 5 T/L (4 T/L chez le prématuré < 28SA) et 6 mois. La teneur corpusculaire en hémoglobine (TCMH)
de 4,3 T/L pour le sang de cordon. est élevée à la naissance (en moyenne 35,7pg/cellule) et
L’hématocrite moyen à la naissance est de 52 % (47 % peut atteindre 40-42 pg/cellule chez le prématuré [8]. La
dans le sang de cordon) et se stabilise entre 30 % et 35 % concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine
à la fin du premier mois de vie. Environ 2 à 5 % des nou- (CCMH) est normale à la naissance, comprise entre 30
veau-nés présentent un hématocrite supérieur à 65 % et 36 %, mais l’hématocrite déterminé par technologie
entre J0 et J3. Le taux d’hémoglobine augmente progres- Sysmex (cumul des hauteurs d’impulsion) peut être infé-
sivement au cours de la gestation (en moyenne 13,5 g/dl rieur de 2 à 10 % par rapport au microhématocrite cen-
chez les moins de 28SA et 15 g/dl chez les plus de 37SA) trifugé (qui reste la méthode de référence). De ce fait, il
[4] pour atteindre entre 14 et 21,5 g/dl à terme. Le taux n’est pas rare en période néonatale, que la CCMH soit
d’hémoglobine semble corrélé à l’âge gestationnel et à supérieure à 36 %. La réalisation d’un hématocrite cen-
l’origine ethnique des nouveau-nés [5]. Il n’est pas établi trifugé permet de corriger la valeur de la CCMH dans la
clairement si le poids de naissance (notamment chez les plupart des cas. En cas de CCMH supérieur à 36 % dans
grands prématurés < 1 000 g et ceux > 2 000 g) influence les premiers jours de vie, la vérification du taux d’héma-
significativement le taux d’hémoglobine [6] [5]. Ce taux tocrite obtenu par l’automate (microhématocrite centri-
est plus faible de 2 à 3 g/dL dans les prélèvements de fugé) est particulièrement importante si cette dernière
sang de cordon (12,5-17,5 g/dL chez les nouveau-nés à s’accompagne d’un VGM limite bas (≤ 95fl). En effet, du
terme, 9,5-16,5 g/dL chez les prématurés) [3]. Il peut aug- fait du mode de calcul de la CCMH (Hb/Ht) et du VGM
menter de 0,5 à 2 g/dL dans les trois premiers jours qui (Ht/GR), la sous-estimation de l’hématocrite peut être
suivent la naissance. Il diminue ensuite et reste proche du responsable d’une diminution « artificielle » du VGM de
taux de naissance jusqu’à la fin de la première semaine l’ordre de 3 à 10 points.

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Biologie du nouveau-né
Des valeurs plus basses de TCMH et de CCMH sont majoritairement indifférenciées (figure 1: 1-2), la plu-
retrouvées dans le sang de cordon (environ 5 %). L’indice part avec une orientation myéloïde (CD45dim CD117+
de distribution (IDR) est également plus élevé en période CD133+ CD13/33+/-), un faible contingent des cellules
néonatale (15-18 %), pouvant dépasser 18 % chez le préma- CD45dim situées dans la fenêtre des blastes pouvant
turé. La présence d’un faible pourcentage d’érythroblastes correspondre aux précurseurs lymphoïde B les plus
(5 % à 10 % pour 100 leucocytes soit 0,5 à 1 G/L) est engagés (CD34- CD19+CD20+/-CD10 faible). Ces cellules
fréquente à la naissance. Ce pourcentage diminue rapide- « d’allure blastique » étant physiologiques en période
ment dans les 12 à 24 premières heures de vie pour dispa- néonatale, elles peuvent, en cas de faible pourcentage,
raître le plus souvent après 3 à 4 jours (maximum 7 jours). ne pas être comptabilisées dans la formule sanguine.
Le nombre d’érythroblastes circulant est plus important Dans le cas contraire, il paraît souhaitable de préciser
chez les prématurés (jusqu’à 10 G/L) et perdure plus sur le compte rendu de la NFS qu’il s’agit de précur-
longtemps (7 jours et plus) [9]. Le taux de réticulocytes seurs normaux.
est élevé chez le nouveau-né à terme et atteint 150 à Le taux de polynucléaires neutrophiles (PNN) est
300 G/L. Il rejoint les taux de l’adulte (25 à 95 G/L) entre d’autant plus bas que l’enfant est prématuré (en moyenne
J8 et J14. Chez les enfants prématurés, les taux sont plus 0,2 G/L entre la 25e SA et la 28e SA, 0,4 G/L à 30 SA) puis
élevés et sont inversement proportionnels à l’âge gesta- il augmente rapidement à plus de 2,7 G/L à la 32e SA et
tionnel. Une reprise de la réticulocytose est observée à 6,9 G/L au-delà [4, 10]. La naissance, à terme, s’accompagne
la fin du premier mois de vie pour atteindre les chiffres d’une polynucléose neutrophile transitoire comprise entre
de la naissance vers 6-8 semaines. Un chiffre moyen de 5 et 24 G/L parfois associée à une discrète myélèmie
plaquettes de 250 G/L est retrouvé chez le fœtus sain (0 à 1,5 G/L) essentiellement constituée de métamyé-
à partir de la 17e SA, ce chiffre ne variant plus jusqu’à la locytes et de myélocytes qui disparaîtront en quelques
naissance. Pendant les premières semaines de vie, le chiffre jours. Les enfants nés par voie basse présentent un taux
de plaquettes est en moyenne plus élevé que chez l’adulte de PNN plus élevé que ceux nés par césarienne (2 à 5 %
(en moyenne 400-450 G/L) et peut atteindre 750 G/L pen- soit 1-1,5.109/L chez les prématurés à 2-2,5.109/L chez les
dant les 6 premiers mois de vie sans mécanisme inflam- enfants nés à terme) [3]. Le chiffre de PNN augmente de
matoire associé [8]. Le seuil définissant la thrombopénie l’ordre de 5 à 40 % dans les 12 premières heures pour
reste le même que chez l’adulte (150 G/L). Selon les don- diminuer ensuite rapidement dans les 3 premiers jours de
nées de la littérature, ce taux est inférieur dans les prélè- vie [11]. Ainsi, le chiffre moyen de PNN passe de 7,5 G/L
vements de sang de cordon (en moyenne 150 G/L) avec des à J1 à 4,7 G/L à J3. Après 7 jours, il fluctue entre 1,3 et
limites inférieures situées entre 75 et 95 G/L de la 28e SA 9 G/L puis entre 1,3 et 4 G/L à l’âge d’un mois. Le taux de
à terme [3]. Il n’a pas été constaté de différence significa- polynucléaires éosinophiles chez le nouveau-né à terme
tive, quel que soit l’âge gestationnel (30e SA-44e SA), sur est en moyenne de 0,3 G/L, il augmente légèrement après
les paramètres de la numération érythrocytaire faite sur 3 jours de vie (en moyenne 0,5 G/L) et ce taux peut être
sang de cordon en fonction du mode de délivrance (voie plus élevé si le nouveau-né est mis sous facteur de crois-
basse ou césarienne) [3]. sance érythropoiétique (EPO) [12]. Le chiffre de polynu-
cléaires basophiles n’est pas significativement différent de
Leucocytes et formule sanguine celui de l’adulte mais à tendance à être légèrement plus
normale du nouveau-né bas (0.2 G/L versus 0.5 G/L) jusqu’à l’âge de 2 mois.
et du prématuré Le taux de lymphocytes évolue à l’opposé de celui des
polynucléaires neutrophiles allant de 1,9 et 8 G/L (en
Le taux moyen de globules blancs (GB) attendu chez moyenne 4 G/L) à la naissance pour augmenter dès le
le fœtus est environ de 3,7 +/- 2 G/L entre la 22e et la 5e jour et atteindre 3 à 13,5 G/L (en moyenne 6,5 G/L) à la
25e SA et de 4,1 +/- 2 G/L entre la 26e et 29e SA. Chez le fin du premier mois. Cette lymphocytose physiologique
nouveau-né à terme, le taux de globules blancs se situe est maximum à l’âge de 2 ans et perdure jusqu’à 6 ans.
entre 9 et 30 G/L (en moyenne 14,5 G/L). Ceux du sexe Une lymphopénie doit être suspectée pour un taux de
féminin ont une tendance à présenter un chiffre de GB lymphocytes < 3 G/L (vérifié sur plusieurs prélèvements)
plus élevé que ceux du sexe masculin (en moyenne 12,5 G/L jusqu’à l’âge de 3 ans et doit faire recherche (en fonction
versus 10,5 G/L) de même que ceux nés par voie basse du contexte clinique) un déficit immunitaire [13].
(en moyenne 2 à 3 G/L de plus). Ce taux diminue pour Le chiffre de monocytes à la naissance, compris entre 0,3
atteindre en moyenne 10,5 G/L à la fin de la première et 3 G/L (moyenne à 1,6 G/L), est élevé comparativement à
semaine avec des variations importantes d’un jour à l’enfant plus âgé et à l’adulte. Il est plus bas, à la naissance,
l’autre chez le même nouveau-né. chez les grands prématurés (en moyenne 0,75 G/L chez
Le pourcentage médian de cellules immatures CD34+ les moins de 28e SA, 0.67 G/L (28-32e SA) et 1,2 G/L au-delà
retrouvé en période néonatale est 5 à 10 fois supérieur de 32e SA) [4]. Une monocytose peut s’observer dans les
à celui de l’adulte (en moyenne 0,3 %). Ces cellules per- 2 à 3 premières semaines, celle-ci sera d’autant plus élevée
durent dans le sang périphérique d’autant plus long- que l’enfant est prématuré (en moyenne 1,2 G/L chez les
temps que l’enfant est prématuré (0,5-5 %), elles sont enfants nés à terme versus 4G/L chez les < 28e SA).

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Figure 1. Particularités du frottis sanguin en période néonatale et chez le prématuré.

1 2 3 4 5 6 7

8 9 10 11 12 13 14
*

© Service d’Hématologie biologique, Hôpital Robert Debré, Paris.


15 16 17
*

*
*

1-2 : Cellules souches myéloïdes indifférenciées. 3-4 : Lymphocytes de nouveau-né, chromatine lâche, nucléolée et irrégularités.
5 à 7 : PNN et myélocytes rétractés entre les GR. 8-9 : polynucléaires éosinophiles avec granulations fines et éparses.
10 à 12 : micromégacaryocytes et noyaux nus de mégacaryocytes* 13 : Plaquettes géantes. 14 : Macroplaquettes.
15 à 17 : Pyknocytes*, cellules cibles, sphérocytes sur un frottis de prématuré.

Cytologie normale du nouveau-né cela est possible. En cas d’automate ne décomptant pas
les érythroblastes, le nombre d’érythroblastes compté
En période néonatale, la formule sanguine réalisée par les
au microscope pour 100 leucocytes doit tenir compte
différents appareils d’hématologie fait l’objet d’un nombre
des cellules lysées. Les quelques érythroblastes (majori-
élevé d’alarmes « Blastes » de dénomination variable selon
tairement acidophiles) retrouvés à la naissance sont mor-
les automates, nécessitant une revue au microscope avec
décompte ou simple observation morphologique en cas phologiquement normaux. Lors de grande régénération,
de discrimination correcte des différentes populations notamment chez les grands prématurés, quelques dys-
cellulaires par l’automate. Ces alarmes sont en partie plasies sont visibles (doubles noyaux, caryorrhexis, passage
le fait d’une plus grande hétérogénéité de taille et de d’érythroblastes plus immatures). Les polynucléaires éosino-
texture de chromatine des lymphocytes (polymorphisme philes et basophiles n’ont pas de particularité cytologique
physiologique) ainsi que de l’importance de la lymphocy- à l’exception, chez les prématurés, de granulations plus
tose (figure I : 3-4) [14]. La lecture du frottis sanguin fines et éparses dans les PNE (figure 1: 8-9) pouvant
en période néonatale peut être difficile en raison d’un gêner la discrimination des nuages PNN/PNE par les
nombre élevé de cellules altérées lors de la réalisation automates. La morphologie des hématies n’est pas cor-
du frottis sanguin (figure I: 5-6-7) [1,15]. Les polynu- rectement explorée par les automates et nécessite une
cléaires neutrophiles du nouveau-né présentent une mor- observation au microscope. Le frottis d’un nouveau-né,
phologie identique à celle de l’enfant plus âgé. Il n’est outre la macrocytose et la polychromatophilie, associe un
pas rare d’observer de nombreuses cellules rétractées faible nombre d’échinocytes, d’acanthocytes (0.5 à 2 %)
entre les hématies, altérées voire lysées ce qui peut faus- d’hématies cibles (liées à l’immaturité hépatique), de corps
ser le décompte de la formule sanguine et des érythro- de Jolly (liées à l’hyposplénisme fonctionnel, de 0 à 1 mois),
blastes au microscope. Il faut alors refaire le frottis en de rares sphérocytes (de 0 à 15 jours) (0 à 1 %) et de
diminuant le volume de sang et en exerçant une pres- rares pyknocytes (pouvant perdurer jusqu’à l’âge de
sion moindre ou rendre la formule de l’automate quand 6 mois en cas de prématurité) (figure I: 15-16-17).

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Biologie du nouveau-né

La période néonatale s’accompagne d’une poïkilocy- Anomalies évocatrices


tose et d’une anisocytose parfois importante et c’est des globules blancs
le nombre et l’association des anomalies entre elles qui
feront la différence entre une présentation cytologique Pathologies métaboliques et lysosomales
normale ou pathologique. Le prématuré présente globa- de révélation néonatale
lement la même présentation cytologique que le nou- Certaines maladies métaboliques et de surcharges
veau-né à terme mais la quantité et la persistance de ces peuvent se révéler dès la période néonatale (avant l’âge
anomalies sont exacerbées. La présence inconstante et de 6 mois, forme infantile). La présentation clinique du
transitoire de micromégacaryocytes et de noyaux nus de nouveau-né est dans ce cas souvent grave et rapidement
mégacaryocytes (figure I: 10-11-12) est physiologique et évolutive (myopathie et hypotonie généralisée, troubles de
la morphologie plaquettaire ne présente pas de particu- la déglutition (Maladie de Pompe), retard psychomoteur,
larité chez le nouveau-né à l’exception d’une anisocytose diarrhée sévère avec dénutrition, hépatosplénomégalie et
plus importante avec un contingent de macroplaquettes calcifications surrénaliennes (Maladie de Wolman), dysmor-
(figure I: 13-14) mal évalué par le volume moyen pla- phies, déformations osseuses et détresse respiratoire (Mala-
quettaire (VMP) qui reste globalement proche de celui die de Sly…) nécessitant une prise en charge en soins
de l’adulte. Le point clé de l’évaluation des plaquettes intensifs. Savoir les reconnaître rapidement apporte
en période néonatale, est la recherche systé- une aide précieuse aux spécialistes (réanima-
matique de réseaux de fibrine et d’amas teurs, neurologues…) qui ont en charge
plaquettaire en bout de frottis avant de ces patients.
rendre le chiffre de plaquettes (très Parmi les maladies de surcharges
fréquents même sans thrombopénie). évoquées par la détection de
Chez le tout-petit (prématuré ou lymphocytes à vacuoles de
faible poids de naissance), compte
Le taux de plaquettes petite taille (figure 2: 1-2), le
tenu du nombre important de pré- est un des paramètres plus souvent regroupées à un
lèvements avec amas plaquettaires les plus surveillés pôle de la cellule, citons la mala-
et pour éviter la multiplication de die de Pompe (Glycogènose de
prélèvements cliniquement inutiles en période néonatale type II) (Periodic Acid Schiff+(PAS)/
ou dangereux pour l’enfant (spoliation Oil Red O- (ORO)) la maladie de
sanguine), il peut être utile de rendre Wolman (PAS-/ORO+) et la mala-
le chiffre de plaquettes déterminé par die de Niemann-Pick (PAS-/ORO-).
l’automate (supérieur à) aux néonata- Les cytochimies PAS (figure 2: 3),
logistes en rajoutant un code commentaire et ORO qui mettent respectivement en évi-
approprié (i.e. résultat indicatif, présence d’amas pla- dence l’accumulation de glycogène et de lipides
quettaires sous-estimant le chiffre réel de plaquettes, un pré- neutres peuvent être très utiles pour différencier ces
lèvement de contrôle serait souhaitable). En effet, le taux de pathologies. La maladie de Gaucher peut être de révé-
plaquettes est un des paramètres les plus surveillés en lation néonatale (type II) mais l’observation du frottis
période néonatale et le risque hémorragique ou la déci- sanguin ne retrouve pas la présence de lymphocytes
sion de transfuser le nourrisson ne se pose qu’en dessous vacuolés. Seul le myélogramme permettra d’étayer ce
de 30 à 50 G/L. diagnostic.
La forme infantile de la maladie de Landing (Gan-
gliosidose à GM1) associe la présence combinée d’une
Principales pathologies de majorité de lymphocytes avec des vacuoles larges et
révélation néonatale et leurs multiples dans le cytoplasme (présentant parfois une
tendance à la confluence), et d’éosinophiles anormaux
particularités cytologiques (figure 2: 4-5-6).Au cours de la forme infantile précoce
Les anomalies cytologiques que nous passerons en de la céroïde lipofuscinose, seuls des lymphocytes
revue dans cette seconde partie ne sont pas exhaus- avec vacuoles larges et multiples sont visibles.
tives de l’ensemble des situations retrouvées en période Les mucopolyssacharidoses (MPS) : la présence
néonatale mais recensent les plus remarquables. Pour de lymphocytes de Gasser et d’anomalies d’Alder
certaines des pathologies héréditaires citées, elles sont orientent vers une MPS. La Maladie de Sly mais aussi la
rarement observées mais très évocatrices du diagnostic maladie d’Austin (déficit multiple en sulfatase) peuvent
et permettent d’orienter les cliniciens et les examens se révéler dès la naissance bien que plus fréquemment
complémentaires. Nous aborderons successivement les diagnostiquées après l’âge de 3 mois. Dans ces formes
principales anomalies concernant les globules blancs, les sévères du nouveau-né, la surcharge de substrat est
globules rouges et les plaquettes, que nous illustrerons nette notamment l’anomalie d’Alder (renforcement des
sous forme de planches d’images. granulations) (figure 2: 7-8-9-10-11-12).

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Figure 2. Pathologies
Figure 4.métaboliques et lysosomales
Facteurs confondants de révélation
de mobilité ␤ et ␥. néonatale.

1 2 3 4 5 6

7 8 9 10 11 12

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13 14 15 16 17 18

19 20 21 22 23 24

1-2 : lymphocytes avec petites vacuoles en grappe. 3 : Coloration PAS montrant en évidence l’accumulation de glycogène dans une
maladie de Pompe. 4 à 6 : Lymphocytes à vacuoles larges et multiples et polynucléaire éosinophile à granulations grosses, éparses et
de couleur grisâtre dans la maladie de Landing. 7-8 : Lymphocytes de Gasser (inclusion de teinte violet ,noir centré au sein d’une vacuole).
9 à 11 : Anomalies d’Alder (granulations grosses, denses). 12 : Surcharge de mucopolysaccharide dans un monocyte,
13 : PNN vacuolisé dans une maladie de Dorfman-Chanarin, 14-15 : PNN vacuolisé et coloration à l’ORO positive (Anomalie de Jordan)
dans le déficit en b-oxydation des acides gras, 16-17 : macroblastose, 18 : PNN hypersegmenté dans les troubles B12/Folates.
19 à 24 : anomalies des lymphocytes (une volumineuse inclusion rouge vif), PNE (grosses granulations cristalloïde), monocyte et PNN dans la
maladie de Chediak-Higashi (granulations éparses, volumineuses et d’affinité tinctoriale variable au MGG).

La mise en évidence de polynucléaires neutrophiles avec anomalies, quand elles sont présentent, associent diver-
des vacuoles larges à l’emporte-pièce (en dehors de tout sement dacryocytes, elliptocytes, fragments (faussant le
contexte infectieux, de prise de toxique ou de facteurs de crois- VGM), macrocytes (à rechercher attentivement), PNN au
sance), doit faire évoquer une maladie de Dorfman- noyau pluri segmenté ou rubané et des érythroblastes
Chanarin (figure 2: 13) ou un déficit en ␤-oxydation circulants dysmorphiques (figures 2: 16-17-18) [15]. La
des acides gras qui associe par ailleurs une coloration NFS associe une anémie, le plus souvent arégénérative,
à l’ORO positive des PNN et la présence d’acanthocytes une thrombopénie parfois sévère, voire une neutropénie.
(figure 2: 14-15). D’autres maladies métaboliques ont des révélations pré-
La maladie de Chediak-Higashi présente la même coces et peuvent s’accompagner de cytopénies (notamment
présentation cytologique en période néonatale que anémie macrocytaire ou thrombopénie), nécessitant la réali-
chez l’enfant plus âgé. Elle associe la présence de poly- sation d’un myélogramme et d’un bilan métabolique [16].
nucléaires neutrophiles et éosinophiles anormaux, de
même qu’une fraction des lymphocytes (T cytotoxiques Hémopathies en période néonatale
et NK) [15]. De rares monocytes peuvent également Un syndrome myéloprolifératif transitoire (SMT), ancien-
être touchés (figure 2: 19-20-21-22-23-24). nement appelé réaction leucémoïde transitoire, peut être
Au cours des troubles intrinsèques de la vitamine observé dès la naissance (ou dans les 10 premiers jours
B12 et des folates (ou en cas de transmission verticale de vie) chez les nouveau-nés trisomiques 21. La NFS est
d’une maladie de Biermer ou d’une carence sévère chez très variable et peut retrouver une hyperleucocytose
les mamans végétaliennes strictes non supplémentées), les majeure associée à une anémie et/ou une thrombopénie

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Biologie du nouveau-né

Figure 3. Hémopathies en période néonatale.

1 2 3 4 1 2

5 6 7 8 3 4 5

9 10 11 12 6 7 8

A C

1 2 3 4

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5 6 7

A. Syndrome myéloprolifératif transitoire du nouveau-né trisomique 21,


1 à 4 : progéniteurs bi-potents érythromégacryocytaire présentant diversement un aspect blastique indifférencié ou de mégacaryoblaste [4],
5 à 8 : plaquettes géantes, dégranulées,.
9 à 11 : Erythroblastes polychromatophile dysmorphique, macroblastique, 12 : Erythroblaste acidophile bi-nucléé.

B. Leucémies de révélation néonatale avec remaniement du gène KMT2A (MLL)


1-2 : Leucémie aigüe monoblastique, 3 à 5 : Leucémie aigüe lymphoblastique de stade pro-B (CD19+CD10-) avec translocation t[4 ;11] à la naissance.
6-7 : Leucémie aigüe bi-clonale (B+Monoblastique), * Myéloblaste peroxydase positive.

C. Leucémie myélo-monocytaire juvénile (LMMJ) de révélation néonatale :


1-2 : monocytes rubanés et avec vacuoles. 3 à 5 : Blastes myéloïdes indifférenciés sans granulations.
6 à 8 : PNB dysmorphiques (granulations éparses, grossière ou accumulées à un pôle de la cellule).

parfois profondes ou à l’inverse une polyglobulie et une ver un certain polymorphisme cytologique des blastes
thrombocytose. L’observation du frottis sanguin met en avec un contingent de morphologie mégacaryoblas-
évidence la présence de blastes myéloïdes indifférenciés tique (figure 3A: 1-2-3-4). La présence de plaquettes
(parfois en faible pourcentage), au cytoplasme basophile dysmorphiques (gigantisme, dégranulation) (figure 3A:
et pouvant présenter des granulations, peroxydases 5-6-7-8) et d’érythroblastes dysmorphiques circulants
négative, centrées sur le golgi. Il est fréquent d’obser- aident, lorsqu’ils sont présents, à évoquer ce diagnostic

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Figure 4. Facteurs confonda la cytochimie des peroxydases permettra de


Figure 4.de
nts Aspect des ␤
mobilité et ␥.
leucocytes confirmer la nature lymphoïde de la proliféra-
en cas d’infections néonatales. tion tumorale ou la présence d’une véritable
biclonalité (population lymphoïde et population
1 4 6 myéloïde) (figure 3B: 6-7).
La leucémie myélo-monocytaire juvé-
nile (LMMJ), majoritairement diagnostiquée
entre 3 mois et 2 ans, peut-être de révélation
néonatale. Elle associe une hyperleucocytose
variable, une monocytose fluctuante d’un jour
à l’autre mais constamment présente et une
thrombopénie d’intensité variable. L’observa-
2 7 tion du frottis sanguin met en évidence la pré-
sence de monocytes parfois dysmorphiques,

© Service d’Hématologie biologique, Hôpital Robert Debré, Paris.


rubanés, fréquemment vacuolisés (figure
3C: 1-2) associés à une faible blastose san-
5 guine (0.5-5 %) faite de blastes myéloïdes indif-
férenciés, peroxydases négatives (figure 3C:
3-4-5). La présence (inconstante) de dacryo-
cytes et de polynucléaires basophiles dys-
3 8 morphiques (figure 3C: 6-7-8) est une aide
précieuse pour évoquer le diagnostic qui sera
confirmé par l’identification dans plus de 90 %
des cas d’une mutation dans un des gènes de
la voie RAS/MAPKinase (PTPN11, NRAS, KRAS,
CBL…). Le phénotypage des blastes, lorsqu’il
est réalisé, confirme la nature myéloïde indif-
férenciée des blastes circulants (CD34+
1 à 3 : lymphocyte fissuré, encoché dans le cadre d’une coqueluche. CD117+ CD133+ CD13/CD33+dim).
4-5 : septicémie à Candida avec filaments mycélien en bout de frottis chez un prématuré.
6-7 : septicémie à streptocoque B et à pseudomonas aeruginosa chez des prématurés,
8 : infection à CMV en période néonatale, présence de lymphocytes hyperbasophiles. Aspect des leucocytes
en cas d’infections néonatales
La présence de lymphocytes hyperbasophiles
(figure 3A: 9-10-11-12). En l’absence de morphotype cli- (figure 4: 8) chez un nouveau-né doit faire évoquer
nique évident, un phénotypage des blastes sanguins aide à une infection néonatale virale (notamment infec-
évoquer cette hypothèse diagnostique. En effet, la popu- tion à CMV ou à Herpes virus). L’aspect évocateur du
lation blastique est constituée de progéniteurs bi-potents graphe de l’automate, doit conduire à leur recherche
érythro-mégacaryocytaires co-exprimant des marqueurs au microscope.
érythrocytaires (CD235a, CD71) et plaquettaires (CD42a, La coqueluche en période néonatale, dont le diagnos-
CD41, CD36) ainsi que les CD7 et CD56. Le diagnostic tic clinique différentiel avec la bronchiolite peut être
différentiel reste celui de la LAM7 néonatale avec trans- difficile, est rapidement évoqué par le biologiste sur l’hy-
location t(1 ;22) et c’est l’association de la présentation perlymphocytose, associée à un aspect fissuré, encoché
clinique (souvent asymptomatique dans les SMT), du caryo- ou bilobé du noyau des lymphocytes (figures 4: 1-2-3).
type hématologique et constitutionnel et de la recherche En cas de coqueluche maligne (survenant majoritairement
d’une mutation du gène GATA1 (muté en cas de SMT) qui entre 10 jours et 2 mois et dont l’issue est fatale dans
permettront de trancher en cas de doute. 75 % des cas), la grande hyperleucocytose (pouvant être
Les leucémies à la naissance restent des situations > 80 G/L) a la particularité d’être constituée d’une for-
très rares. Elles sont fréquemment de présentation mule mixte associant polynucléose avec ou sans myé-
hyperleucocytaire et sont majoritairement associées à la lémie, monocytose et hyperlymphocytose. L’aspect fis-
présence d’un remaniement du gène KMT2A (MLL). En suré des lymphocytes est alors très utile pour aider à
période néonatale, il s’agit le plus souvent de leucémie orienter le diagnostic.
aigüe monoblastique (LAM5) (figure 3B: 1-2), ou de leu- L’infection à Levures (principalement à Candida) chez
cémie aigue lymphoblastique (LAL) de stade pro-B (EGIL I) le nouveau-né prématuré peut se présenter sous une
(figure 3B: 3-4-5). À noter qu’un aspect « monocytoïde » forme grave disséminée. Dans ce cas, il est possible
n’est pas rare dans les LAL pro-B KMT2A+ pouvant faire d’observer la présence de filaments mycéliens et de
craindre une leucémie bi-clonale ou une leucémie myé- levures en bout de frottis et au sein des polynucléaires
loïde de nature monocytaire. Un phénotypage ainsi que neutrophiles (figures 4:4-5).

44 REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES • N° 500 • MARS 2018


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Biologie du nouveau-né
L’infection à mycoplasme en période néonatale s’ac- pénie sévère et thrombopénie (Plaquettes < 100 G/L)
compagne d’une hyperleucocytose d’importance variable sont également possibles.
et d’une forte myélémie (10-15 % de précurseurs, sans
particularité cytologique notable) sans agglutination des glo- Anomalies des globules rouges
bules rouges. Cette présentation se distingue de celle en période néonatale
retrouvée chez l’enfant plus âgé où s’associe le plus sou-
vent une agglutination des globules rouges nécessitant la La grande majorité des pathologies érythrocytaires
recherche d’agglutinines froides et la présence de lym- constitutionnelles ayant une hémolyse avec répercus-
phocytes hyperbasophiles (lympho-plasmocytes). sion clinique sont évoquées sur les anomalies morpho-
Les infections bactériennes sont très fréquentes logiques des globules rouges [15]. L’analyse morpholo-
en période néonatale notamment chez le prématuré gique reste donc la pierre angulaire du diagnostic des
(5 fois plus que chez l’enfant à terme) et s’accompagnent pathologies érythrocytaires
des mêmes particularités cytologiques que chez l’en- Les hémoglobinopathies, notamment ␣-thalassémie,
fant plus âgé (vacuolisation, granulations toxiques, corps de sont de révélation néonatale allant d’une forme mineure
Döhle, défaut de segmentation des PNN, présence d’une avec VGM < à 92fl associé à de nombreuses hématies
petite myélémie…). En cas d’infections sévères (ménin- cibles sur le frottis sanguin (figure 5: 1), à l’hémoglo-
gites néonatales, chorioamniotite…), des germes intracel- binose H (figure 5-2) ou l’hyrops foetalis (figure 5-3)
lulaires (voire de façon plus exceptionnelle, extracellulaire) où les hématies cibles, l’hypochromie, les ponctuations
peuvent être observés (figures 4: 6-7), notamment en basophiles et les corps de pappenheimer s’associent à la
bout de frottis où s’accumulent les PNN infectés. Les présence de nombreux érythroblastes.
infections graves s’accompagnent le plus souvent d’hy- Les rarissimes SHU (Syndrome hémolytique et Urémique)
perleucocytose mais des cytopénies importantes par congénitaux liés au déficit en ADAMT13 ou facteur H sont
consommation, leucopénie (GB < 3 G/L) avec neutro- de révélation néonatale. Ils associent anémie, thrombopénie

Figure 4. Facteurs confondants de mobilité ␤ et ␥.


Figure 5. Anomalies des globules rouges en période néonatale.

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*
*

1 : ␣-thalassémie mineure à la naissance. 2 : HbH à la naissance. 3 : hydrops foetalis. 4 : schizocytes* dans le cadre d’un déficit en
ADAMTS13 chez un nouveau-né. 5 : pyknocytose infantile (pykcnocyte*). 6 : elliptocytose à la naissance 7 : pyropoïkilocytose.
8 : érythroblaste acidophile bi-nucléé (dysérythropoïèse retrouvée lors d’intense régénération), anisocytose et sphérocytes dans
une incompatibilité ABO. 9 : Sphérocytose héréditaire avec avec sphéro-acanthocytes*.10 : sphérocytose éréditaire avec formes
« champignon » * 11 : stomatocytose hyperhydratée. 12 : érythroblastes acidophiles dysmorphiques dans le cas d’une dysérythropoïèse de
type II (CDA II). 13 : Hemighost* dans un déficit en G6PD à la naissance. 14 : hématies denses spiculés* dans un déficit en GPI.
15 : hématies « effacées »* dans une triglycéridémie essentielle.

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Figure 6. Anomalies des plaquettes en période néonatale.
Figure 4. Facteurs confondants de mobilité ␤ et ␥.

1 2 3 4
*
* *
*
*

1 : Plaquettes grises dans le cadre d’un ARCC syndrome. 2 : Macroplaquette et inclusion basophile dans le cadre d’un syndrome MYH9. 3 :
Macroplaquettes partiellement dé granulées et stomatocytes dans une sitostérolémie. 4 : Granule géant dans le syndrome Paris Trousseau.

et schizocytes (> 1%) (figure5: 4) Le décompte des schi- matocytes (figure 5: 11). La numération érythrocytaire
zocytes peut être délicat en cas de présence concomitante peut être évocatrice en cas d’association d’une CCMH
de pyknocytes. diminuée et d’un VGM augmenté.
La pyknocytose infantile, qui nécessite souvent une Les dysérythropoïèses congénitales peuvent être
transfusion sanguine, correspond à une anémie sévère diagnostiquées en période néonatale devant présence
transitoire de mécanisme mal connu dont le diagnostic d’un ictère. Le type II associe une aniso-poikilocytose et
est cytologique par la mise en évidence d’un taux élevé la présence de quelques érythroblastes binucléés dans le
de pyknocytes (figure 5: 5). sang (figure 5: 12). Le diagnostic de certitude se fera par
Les elliptocytoses sont détectées par la présence d’un l’analyse cytologique du myélogramme (>10% d’érythro-
nombre élevé d’elliptocytes (figure 5: 6) sur le frottis san- blastes bi-tri nucléés) et l’analyse moléculaire (mutation du
guin. Les formes graves à la naissance (pyropoikilocytose) gène SEC23B).
(figure 5: 7) peuvent se présenter avec un nombre impor- Certaines érythroenzymopathies peuvent également
tant d’hématies fragmentées de forme très variées et de être diagnostiquées en période néonatale, telles que le
sphérocytes de reformation. Les elliptocytes peuvent alors déficit en G6PD (rares hémighost sur lame) (figure 5: 13)
être rares et sont à rechercher attentivement. Cette frag- ou les déficits en PGI (Phosphoglucose-Isomérase) ou en
mentation responsable d’une hémolyse importante s’ac- TPI (Triose-Phosphate-Isomérase) (figure 5: 14). Les formes
compagne également d’une régénération intense (parfois infantiles sont particulièrement graves (détresse respiratoire,
> 15% de la population de GR) faussant l’interprétation cardiomyopathie, hypotonie marquée, amyotrophie et spasti-
du VGM. En cas de fragmentation importante des globules cité…). La présentation hématologique associe une ané-
rouges à la naissance, le diagnostic différentiel reste les mie (parfois compensée par la forte régénération), normo
anomalies du métabolisme des vitamines B12 et Folates. ou macrocytaire, une très forte réticulocytose (parfois
L’étude des parents peut alors s’avérer utile. > 500 G/L) et la présence d’hématies denses spiculées
Dans la sphérocytose héréditaire, l’aspect cytologique sur le frottis sanguin.
peut être limitrophe avec celui observé dans l’incompatibi- Dans les triglycéridémies essentielles, des hématies
lité ABO (nombreux sphérocytes et polychromatophilie impor- au contour flou peuvent être présentes (figure 5: 15).
tante) (figure 5: 8). Dans l’incompatibilité ABO, le VGM La mort subite du nourrisson peut être suspectée
est souvent plus élevé car la perte de membrane touche devant la présence d’anomalies cytologiques de l’ensemble
également les réticulocytes dans la sphérocytose hérédi- des cellules sanguines avec leucocytes altérés, globules
taire. Certaines sphérocytoses héréditaires sont révélées rouges échinocytaires et plaquettes dé granulées [17].
La NFS révèle un VGM élevé et une CCMH basse du fait
par la présence de sphéro-acanthocytes, les sphérocytes
de l’hyperhydratation des hématies en post mortem.
étant rares (figures 5: 9-10). La numération globulaire
retrouve une anémie d’intensité variable, régénérative,
fréquemment associée à une CCMH > 36 %. Pendant la
Anomalies évocatrices
période néonatale, l’analyse par cytométrie de Flux (test
des plaquettes
à l’EMA) est particulièrement utile pour poser le diagnos- La plupart des thrombopénies constitutionnelles sont
tic de sphérocytose héréditaire en présence d’un test de associées à une thrombopénie modérée (>50 G/L) et ne
Coombs négatif. sont que très rarement de découverte néonatale (sauf en
Au cours de la stomatocytose héréditaire (très rare) cas de dépistage pour cause d’antécédents familiaux) [17].
forme hyperhydratée, le frottis révèle de nombreux sto- Il faut néanmoins, devant toute thrombopénie inexpli-

46 REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES • N° 500 • MARS 2018


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Biologie du nouveau-né

quée, apprécier la morphologie des plaquettes et notam- premières semaines de vie. Elles sont en effet le reflet
ment la taille (très diminuée oriente vers un Wiskott-Aldrich, de l’adaptation de l’hématopoïèse du nouveau-né à la vie
augmentée oriente vers une macrothrombopénie). Certaines extra-utérine, à la croissance et à la maturation de son
macrothrombopénies sont associées à d’autres anoma- système immunitaire. Savoir reconnaître, dès les premiers
lies cytologiques permettant d’évoquer le diagnostic
jours de vie, une présentation cytologique anormale
(inclusions basophiles dans le syndrome MYH9 (figure 6: 2)
stomatocytes dans la sitostérolémie (figure 6: 3)). L’aspect pour l’âge associée à des anomalies quantitatives de
des granulations peut également orienter le diagnostic l’hémogramme permet d’aider les néonatalogistes
(absence de granulations dans le syndrome des plaquettes dans la prise en charge de cette population pédiatrique
grises ou granule géant dans la thrombopénie Paris Trousseau particulièrement sensible. QQ
(figure 6: 4)). La principale thrombopénie constitution-
nelle de révélation néonatale est l’amégacaryocytose qui Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
associe un chiffre de plaquettes < 10G/L et une absence d’intérêts.
de mégacaryocytes dans la moelle mais sans anomalie
morphologique des plaquettes.
En cas d’ARC syndrome [18], la révélation est fré- Points à retenir
quemment néonatale et associe cliniquement une arthro- ◗tL’hémogramme du nouveau-né subit de profondes
grypose, un ictère cholestatique et un syndrome rénal modifications quantitatives au cours des premières
de Fanconi, responsables d’une atteinte multi-organes semaines de vie. • Ces dernières doivent être connues
rapidement évolutive. Le diagnostic peut être évoqué par des biologistes et des pédiatres afin de permettre une
la présence sur le frottis sanguin de plaquettes grises interprétation adaptée de la NFS.
de taille modérément augmentée sans thrombopénie ◗tLa population érythrocytaire des nouveaux nés est
(figure 6: 1). Le diagnostic de certitude sera posé par la caractérisée par une anisocytose et une poikilocytose
recherche de la mutation du gène VPS33B. physiologique (échinocytes, cellules cibles, corps de jolly...)
et c’est donc le nombre et l’association des anomalies
entre elles qui feront la différence entre une présentation
Conclusion cytologique normale ou pathologique.
◗tLa connaissance des répercussions hématologiques et
L’interprétation correcte des résultats de l’hémogramme cytologiques de certaines pathologies constitutionnelles
en période néonatale exige une bonne connaissance pouvant se révéler dès la période néonatale (maladies de
des particularités de l’hématopoïèse du prématuré et surcharge, SHU congénital, Infections néonatales…), apporte
du nouveau-né ainsi qu’une bonne connaissance des une aide précieuse pour le diagnostic et la prise en
charge de ces enfants particulièrement fragiles.
intervalles de référence et de leurs variations dans les

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