Vous êtes sur la page 1sur 22

 36-860-A-50

Troubles acidobasiques chez l’adulte


H. Quintard, C. Ichai

Résumé : Au sein de l’organisme, le pH qui exprime une concentration de protons, est très variable
d’un organe à l’autre mais aussi au sein même des différentes structures cellulaires. En pathologie, seul
l’équilibre acidobasique du plasma est analysé. Le pH de l’organisme est étroitement régulé par les
systèmes tampons, le poumon et le rein principalement. La classique interprétation d’un trouble aci-
dobasique d’Henderson-Hasselbalch attribue les variations du pH à des modifications de PaCO2 ou des
bicarbonates plasmatiques. Bien que très pratique, ce concept s’avère inexact en cas de trouble complexe.
Le concept de Stewart considère que les variations de pH plasmatique peuvent résulter de modifications
de trois variables indépendantes que sont la différence en ions forts, ou Strong Ion Difference (SID), la
quantité d’acides faibles (albuminate, phosphate) et la PaCO2 . Les acidoses métaboliques caractérisées
par une baisse du pH et des bicarbonates plasmatiques s’observent en cas d’accumulation d’anions forts
métabolisables (lactate, corps cétoniques, toxiques) ou non métabolisables (hyperchlorémie, hyperphos-
phatémie, hypersulfatémie). L’acidose métabolique au cours de l’insuffisance rénale est souvent de cause
mixte. L’indication d’alcalinisation des acidoses métaboliques par du bicarbonate de sodium reste contro-
versée, préconisée en cas d’acidose métabolique organique persistante et sévère (pH < 7) ou d’acidose
métabolique hyperchlorémique si le pH est inférieur à 7,20. Les alcaloses métaboliques caractérisées par
une élévation du pH et des bicarbonates plasmatiques se distinguent selon la chlorémie en alcaloses
métaboliques chlorosensibles (par pertes digestives ou rénales) et chlororésistantes (hyperminéralocor-
ticismes). Leur traitement symptomatique passe par la restauration du pool chloré et potassique avec
du NaCl et du KCl. Les troubles acidobasiques respiratoires se caractérisent par des modifications du
pH, associées à des variations de PaCO2 qui sera élevée en cas d’acidose respiratoire et diminuée en
cas d’alcalose respiratoire. L’association de plusieurs troubles acidobasiques (mixtes et complexes) est
fréquente en réanimation.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Acidose ; Alcalose ; Bicarbonate de sodium ; Chlore ; Hypoalbuminémie ; Lactate ; Stewart ;


Strong Ion Difference ; Trou anionique

Plan ■ Alcalose respiratoire 18


■ Troubles acidobasiques mixtes et complexes 18
■ Introduction 1 ■ Conclusion 18
■ Notions fondamentales 2 ■ Annexe A. Définitions d’un acide et d’une base 19
■ Interprétation d’un trouble acidobasique. Concepts ■ Annexe B. Troubles acidobasiques et solutés de remplissage 19
physiopathologiques 3
■ Annexe C. Physiopathologie des alcaloses métaboliques 19
■ Outils du diagnostic 4
■ Identification et classification des troubles acidobasiques 7
■ Principaux troubles acidobasiques 8
■ Alcalose métabolique 13  Introduction
■ Traitement 15
Søren Peder Lauritz Sørensen, chimiste danois, est le premier
■ Troubles acidobasiques respiratoires purs 17 à émettre la notion de pondus hydrogenii, ou pH, au début du

EMC - Anesthésie-Réanimation 1
Volume 41 > n◦ 2 > avril 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0289(20)42116-4
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

XXe siècle. Cet ion H+ va alors devenir l’élément central de la Tableau 1.


réflexion sur les troubles acidobasiques dans tous les domaines et Principaux tampons plasmatiques et leur relation mathématique avec le
en particulier grâce aux travaux des chimistes Lowry et Brønsted. pH.
D’un point de vue physiologique, le pH est régulé de façon Plasma pH = pKa + log10 [Anion A– /Acide AH]
très étroite grâce à des systèmes tampons et à deux organes
Acides forts
principaux que sont les reins et les poumons. L’approche physio-
pathologique classique d’Henderson–Hasselbalch, suffisante pour Lactate pH = 3,7–3,9 + log10 [Lactate– /Acide lactique]
les troubles acidobasiques (TAB) simples, s’est vue progressive- Sulfate pH = 0,3–2,0 + log10 [Sulfate– /Acide sulfurique]
ment remplacée par le concept physicochimique de Stewart plus Pyruvate pH = 2,3–2,5 + log10 [Pyruvate– /Acide pyruvique]
adapté pour les patients complexes. Quelle que soit la méthode Acéto-acétate pH = 3,6 + log10 [Acétocétate– /Acide acétoacétique]
suivie, l’interprétation d’un TAB nécessite une analyse structu-
␤- pH = 4,3 + log10 [Hydroxybutyrate– /Acide
rée par étapes successives basée sur certains outils biologiques.
hydroxybutyrate hydroxybutirique]
Dans ce chapitre, après une revue des différentes approches d’un
TAB, nous aborderons chaque trouble afin de définir au mieux Succinate pH = 5,2–5,6 + log10 [Succinate– /Acide succinique]
son approche diagnostique ainsi que sa stratégie de prise en Citrate pH = 1,7–6,4 + log10 [Citrate– /Acide citrique]
charge. Ammoniaque pH = 9,2–9,3 + log10 [Ammoniaque– /Ammonium]
(NH4 + )
Acides faibles
 Notions fondamentales Bicarbonate pH = 6–6,4 + log10 [HCO3 – /(0,03 × PaCO2 )]
Phosphate pH = 6,8 + log10 [HPO4 2– /HPO4 – ]
Équilibre acidobasique : notions Albuminate pH = 7,60 + log10 [Albuminate– /Albumine]
fondamentales Protéinate pH = 6,80 + log10 [Protéinate– /Protéine]

Depuis la fin du XIXe siècle, de nombreuses définitions d’un Globules rouges


acide (base) ont été établies. En médecine, c’est la vision chimique Hémoglobinate pH = 6,80 + log10 [Hémoglobinate– /Hémoglobine]
qui est la plus utilisée et la plus appropriée. Elle permet de définir
Ka : constante de dissociation plasmatique.
un acide comme un accepteur d’électrons et inversement pour
une base. Le rôle majeur des électrolytes dans l’équilibre acido-
basique n’est souligné que dans les années 1980 pour définir un cas de TAB métabolique, la régulation se fasse très rapidement
acide comme un donneur d’anions ou un accepteur de cations et grâce à des modifications de ventilation. En revanche lorsque le
inversement pour une base [1, 2] . Le pH d’une solution exprime TAB est initié par des anomalies ventilatoires, les tampons non
in fine un potentiel chimique de protons, témoin du gain ou volatils acides faibles (protéines) sont la première ligne de régula-
de la perte d’hydrogène. Pour des raisons pratiques, la concen- tion mise en route très rapidement, en attendant d’être complétée
tration en [H+ ] d’une solution est toujours exprimée de façon plus lentement par l’excrétion rénale des ions forts.
logarithmique par le pH, qui est facilement mesuré (différence Voir Annexe A pour les définitions d’un acide et d’une base.
de potentiel électrique) grâce à un « pH-mètre ». Le proton H+
n’existe en réalité « pas tel que » mais toujours combiné à un Régulation du pH du secteur plasmatique
anion. Mathématiquement, le pH est le rapport entre un acide et interstitiel
non dissocié (AH) et sa forme dissociée en sel d’anion (A– ), le degré
de dissociation étant déterminé par la constante de dissociation Le tampon extracellulaire majeur est le tampon bicarbo-
Ka : Ka = ([H+ ] . [A– ])/[HA]. La relation mathématique entre pH et nate/acide carbonique. Pour un pH physiologique, le rapport
concentration en protons s’exprime par la formule : HCO3 – /CO2 se situe aux alentours de 20/1. Malgré un pKa peu
pH = log10 (1/[H+ ]) ou [H+ ] = 10–pH [3] favorable (6,1), ce tampon est primordial car il est le seul système
Ainsi de faibles modifications de pH permettent d’exprimer de ouvert permettant une réelle élimination du CO2 par le poumon.
grandes variations de [H+ ]. Si l’on considère exclusivement ce système bicarbonate/acide car-
bonique, la formule mathématique du pH plasmatique devient la
fameuse équation d’Henderson–Hasselbalch :
Régulation de l’équilibre acidobasique pH = 6,10 + log10 ([HCO3 − ] / [␣PCO2 ])
6,10 étant le pKa plasmatique, ␣ le coefficient de solubilité du
dans l’organisme CO2 , PCO2 le reflet de l’acide carbonique selon :
Notions générales H+ + HCO3 – ↔ H2 CO3 ↔ CO2 + H2 O
Tous les acides plasmatiques forts et faibles peuvent exprimer
La charge acide de l’organisme la plus importante est issue du le pH selon cette équation, en tenant compte de leur propre
CO2 (acide carbonique) qui correspond à une charge de 15 à contrainte de dissociation (Tableau 1).
20 000 mEq par jour. La production de lactate qui est d’environ Le plasma contient d’autres tampons plasmatiques non volatils
1500 mEq par jour, aboutira in fine à une charge acide en CO2 qui sont des acides faibles comme les protéines et le phosphore.
de 4500 mEq par jour. La charge en acides fixes non volatils qui Les globules rouges possèdent un système tampon particulier qui
provient principalement du métabolisme protidique produit 100 est celui de l’hémoglobine/hémoglobinate.
à 150 mEq par jour. L’ensemble aboutit à une production totale Le pH du secteur interstitiel est équivalent à celui du plasma,
d’ions [H+ ] de 15 à 25 000 mEq par jour. La stabilité du pH est mais il se caractérise par sa pauvreté en protéines donc en acides
obtenue grâce à des systèmes de régulation dont la nature, le
faibles. À l’exception de sa pauvreté en protéines, le liquide inter-
délai de mise en route et l’efficacité sont variables. Les systèmes
stitiel voit sa composition électrolytique (ions forts) proche de
tampons sont des couples de molécules non dissociées/dissociées
celle du plasma grâce aux échanges passifs à travers la membrane
capables de capter ou relarguer des protons dans un système clos.
capillaire. La composition électrolytique et l’équilibre acidoba-
Ce sont les variations du degré de dissociation qui vont donc mini-
sique des principaux secteurs de l’organisme sont résumés dans
miser les variations de pH. Ces tampons sont dits volatils s’ils
le Tableau 2.
sont éliminés par le poumon (CO2 ), non volatils s’ils sont excré-
tés par le rein. Leur efficacité est d’autant plus grande qu’il s’agit
du couple acide faible/son sel d’anion ionisé (exemple le couple
Régulation du pH intracellulaire
H2 CO3 / HCO3 – H+ ) et que leur pK est proche du pH. Leur nature et Le pH intracellulaire varie selon les cellules de 6,2 à 7,2 [4] .
leur concentration varient selon les organes et leur localisation [4] . Au sein même de la cellule, il varie aussi selon les structures,
Alors que le bicarbonate/CO2 représente le système tampon essen- allant de 8 pour les mitochondries à 5 pour les lysosomes. Le pH
tiel en système ouvert, en système clos ce sont les acides faibles qui intracellulaire module de nombreux processus intracellulaires tels
permettent essentiellement de réguler le pH. Ceci explique qu’en que réactions enzymatiques, régulation du potentiel énergétique

2 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

Tableau 2.
Équilibre acide–base et composition électrolytique des principaux secteurs de l’organisme.
Secteur extracellulaire Globules rouges Secteur intracellulaire
Plasma artériel Secteur interstitiel
pH 7,40 7,40 7,20 7
H+ (nEq l–1 ) 41 42 64 100
OH– (␮Eq l–1 ) 1,1 1,1 0,69 0,43
PCO2 (mmHg) 40 50 40 50
HCO3 – (mEq l–1 ) 25 31 15 46
Na+ (mEq l–1 ) 143 137 19 10
K+ (mEq l–1 ) 4 3 9,5 155
Mg++ (mEq l–1 ) 2 2 5 10
Ca++ (mEq l–1 ) 1 1 – –
Cl– (mEq l–1 ) 107 111 10 10
Atot (mEq l–1 ) 20 – 60 200
SID (mEq l–1 ) 42 31 57 130

Atot : masse totale des acides faibles plasmatiques ; SID : Strong Ion Difference.

(adénosine triphosphate [ATP]/adénosine diphosphate [ADP]),


activité des pompes ou des canaux. Sa régulation est donc capi-
 Interprétation d’un trouble
tale pour maintenir le volume cellulaire et maintenir les molécules acidobasique. Concepts
sous forme ionisée. Les protéines et le bicarbonate représentent les
systèmes tampons essentiels du cytoplasme cellulaire. Du fait de physiopathologiques
sa forte diffusibilité transmembranaire, le CO2 produit par la cel-
lule est en permanence évacué vers le secteur extracellulaire, puis Différentes approches ont été proposées afin de faire
dans les poumons, évitant l’acidose intracellulaire. En revanche une interprétation d’un TAB. L’approche traditionnelle
toute augmentation du CO2 dans le secteur extracellulaire peut d’Henderson–Hasselbalch est souvent définie comme la tech-
induire une acidose intracellulaire par pénétration passive de nique de référence, cependant des concepts plus récents tels que
CO2 . La régulation du pH intracellulaire repose également sur ceux de Siggaard-Andersen et surtout plus récemment de Stewart
des modifications électrolytiques intracellulaires, secondaires à apportent une vision nouvelle, plus précise et plus juste surtout
des mouvements transmembranaires des ions forts. Ceux-ci sont en cas de TAB complexe.
réalisés par des systèmes de cotransports, ou d’échangeurs activés
par des pompes ou à travers des canaux.
Approche traditionnelle : concept
d’Henderson–Hasselbalch
Régulation du pH de l’organisme
Les deux physiologistes Henderson et Hasselbalch ont focalisé
Indépendamment des systèmes tampons, plusieurs organes leur théorie sur le rôle quasi exclusif du bicarbonate plasmatique
sont impliqués dans la régulation de l’équilibre acide–base plas- et de sa relation avec les acides forts au niveau plasmatique.
matique. Le poumon joue un rôle fondamental en éliminant de Dans cette approche, les variations de pH plasmatique sont la
façon quasi instantanée l’acide volatil CO2 . Cette élimination conséquence de variations des bicarbonates plasmatiques (trouble
(VCO2 ) dépend du CO2 produit, de la ventilation alvéolaire (VA) métabolique) ou de la PaCO2 (trouble respiratoire) [6] .
et du débit cardiaque (Qc). Normalement, le CO2 produit est égal pH = 6,10 + log10 ([HCO3 − ] / [␣PCO2 ])
à VCO2 pour maintenir la VCO2 aux alentours de 40 mmHg. Cet Bien que mathématiquement exacte, l’équation
équilibre peut être rompu en cas de modification de la ventilation d’Henderson–Hasselbalch omet les autres paramètres impliqués
ou du débit cardiaque. Comme le CO2 est extrêmement diffu- dans l’équilibre acide–base :
sible à travers les membranes, il est aisé de comprendre l’impact • la présence de tampons non volatils non-bicarbonates tels
majeur et immédiat de modifications respiratoires aiguës sur le qu’albumine, globuline, phosphore ou citrate ;
pH plasmatique. Le rein intervient dans la régulation acide–base • l’implication des acides faibles (albuminate, phosphate) ;
du plasma via la détermination des concentrations plasmatiques • la dépendance mathématique entre bicarbonates–acide carbo-
des ions forts [5] . C’est l’excrétion–réabsorption de chlore qui est le nique et PCO2 .
mécanisme principal de régulation : filtration et excrétion du Cl– Par conséquent, cette approche est associée à un risque impor-
en cas d’acidose métabolique, et inversement. La classique acidité tant de sous-estimation du TAB particulièrement en situation
titrable (élimination de protons) dans les urines n’est en fait que complexe.
le reflet d’une excrétion urinaire d’anions forts plus importante
que celle des cations forts. Les classiques tampons urinaires, urée
et phosphates, ne jouent qu’un rôle négligeable dans la régulation
du pH plasmatique. Enfin l’excrétion d’ammoniaque (NH4+ ) issue
« Base excess » (BE) de Siggaard-Andersen
de la glutamine est couplée à celle du Cl– , d’où l’effet alcalinisant. Dans les années 1950, Siggaard-Andersen propose une évalua-
Le foie (et accessoirement le muscle) intervient indirectement en tion plus pragmatique et globale des TAB. C’est ainsi que naît le
modulant différentes voies métaboliques. Il a un effet acidifiant en concept de BE qui se définit comme la quantité d’acide (ou de base)
produisant du CO2 issu de l’oxydation des lipides et des glucides. forte (en mEq l−1 ) nécessaire pour ramener à pH 7,40 un sang oxy-
Le métabolisme des acides organiques (corps cétoniques, lactate géné et maintenu à 37 ◦ C en présence d’une PCO2 à 40 mmHg [7–9] .
ou citrate) aboutit à la production de bicarbonate de sodium, donc Si le pH plasmatique est égal à 7,40 avec une PaCO2 à 40 mmHg, le
une augmentation du pH. Le métabolisme des acides aminés peut BE est égal à 0. Par rapport à l’équation d’Henderson–Hasselbalch,
aboutir à la production d’urée ou de glutamine. La glutamine est le le BE s’affranchit des variations de PCO2 . Il permet donc une
substrat nécessaire à la formation de NH4+ au niveau rénal. Le tube bonne évaluation globale de la charge acide ou alcaline du plasma
digestif intervient également en éliminant ou en réabsorbant de car il tient compte de tous les tampons non volatils extracellu-
grandes quantités d’ions forts dans les liquides digestifs. Selon la laires. Grâce à des nomogrammes, le BE est directement calculé par
zone de tube digestif considérée, les effets sont variables [1] (Fig. 1). les machines à gaz du sang. Malgré ces avantages et sa simplicité,

EMC - Anesthésie-Réanimation 3
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

Acides aminés Figure 1. Paramètres et organes principaux


+
impliqués dans l’équilibre acidobasique de
(NH4 + glutamate) l’ensemble de l’organisme. Chaque secteur peut
réguler immédiatement son pH grâce à ses sys-
Organe tèmes tampons. La régulation du pH plasmatique
Foie modulateur fait intervenir essentiellement trois organes. Du
Plasma GR
fait de sa haute capacité de diffusion, le CO2
3l 2l
est facilement éliminé ou retenu par le poumon
(via la ventilation alvéolaire), permettant une
Urée Atot régulation rapide du pH plasmatique, mais aussi
Glutamine
de l’équilibre acidobasique de l’ensemble des
SID secteurs de l’organisme. Le rein intervient effica-
cement mais plus lentement dans la régulation de
l’équilibre acidobasique de l’organisme en faisant
PaCO2 varier le « Strong Ion Difference (SID) ». Tous ces
Urée
+ secteurs sont étroitement liés du fait d’échanges
NH4 Tube digestif
– transmembranaires permanents. SID : Strong Ion
Cl Difference ; Atot : masse totale des acides faibles
Rein
Secteur plasmatiques.
13,5 l Circulation
interstitiel

CO2 H2O
Na+, K+,
Cl– 23 l
Poumons CO2
Secteur
intracellulaire

le BE présente également des limites [2] . Il reste une mesure in vitro Dans ce concept, les variations de pH plasmatique ne peuvent
qui ne tient pas compte : être induites que par une variation de l’une (ou plusieurs) des trois
• des modifications de PaCO2 induites physiologiquement par un variables indépendantes suivantes [2, 7–9] :
TAB métabolique ; • la différence de charge entre tous les cations et anions forts plas-
• de la continuité entre le secteur vasculaire et interstitiel dont matiques classiquement appelée différence en ions forts (DIF)
le pouvoir tampon est moindre, ce qui surestime le BE. Pour ou Strong Ion Difference (SID) ;
s’affranchir de ce problème, il est possible de calculer le stan- • la PaCO2 , variable capitale puisqu’il s’agit du seul système tam-
dard BE (SBE) qui prend en compte une concentration en pon ouvert via la ventilation ;
hémoglobine de 5 g dl−1 , concentration théorique qu’aurait • la masse totale des acides faibles appelée Atot.
l’hémoglobine si elle se distribuait dans le même volume que Du fait de leur dépendance mathématique, les variations de
le bicarbonate. Malgré ces ajustements, le SBE reste une mesure bicarbonates ne sont pas une cause possible de modification du
globale qui ne permet pas de distinguer les variations des acides pH, mais une simple conséquence de modifications d’une (ou
forts de celles des acides faibles. Il procure une idée globale de plusieurs) des trois variables indépendantes précédemment citées.
l’acidité (ou alcalinité) du sang sans discriminer la cause initiale L’interprétation du TAB repose donc sur l’intégration de trois
du trouble et de sa compensation. facteurs : le SID, les acides faibles et la PaCO2 . Chacun de ces
paramètres va exercer une force alcaline ou acide sur le plasma et
l’équilibre de ces forces conduit à la détermination du pH (Fig. 2).
Concept de Stewart
À la fin des années 1970, Stewart revient sur une approche phy-
sicochimique proche de celle d’Arrhenius et de Van Slyke. Dans  Outils du diagnostic
ce concept, les variations de pH plasmatique sont la conséquence
des variations du degré de dissociation de l’eau plasmatique. Ainsi, Le diagnostic d’un TAB ne peut pas se passer d’un interrogatoire
une substance est acide car elle augmente la dissociation de l’eau pour reconstituer l’histoire du patient et de son examen clinique.
(en augmentant la production d’H+ ou sa liaison aux ions OH– ) et Mais les données biologiques sont indispensables et doivent être
inversement pour une base [2, 7, 8] . issues de la mesure des gaz du sang et de l’ionogramme sanguin
Ce degré de dissociation de l’eau plasmatique obéit au respect réalisés simultanément au niveau artériel. Certains paramètres
simultané de trois principes physicochimiques : seront mesurés, d’autres calculés selon le concept d’interprétation
• le principe de l’électroneutralité selon lequel l’ensemble des utilisé (Tableau 3).
charges positives est égal à celui des charges négatives ;
• la loi de conservation de masse selon laquelle toute substance
en solution aqueuse reste constante. Ainsi, pour un acide faible
Gaz du sang [2]
[HA] + [A− ] = [Atot] ; La gazométrie artérielle n’est nécessaire qu’en présence de
• l’équilibre de dissociation électrochimique qui dépend de la signes cliniques ou biologiques d’appel. Le prélèvement doit évi-
constante de dissociation K. Pour les ions forts, le pK est éloi- ter douleur et anxiété qui peuvent être cause d’hyperventilation.
gné du pH, de sorte que l’ion est quasi complètement dissocié. Il faut éliminer les bulles d’air et réaliser la mesure le plus rapide-
Ainsi, le lactate anion fort contenu dans le plasma se trouve ment possible (mise dans de la glace en cas de délai pour diminuer
donc presque exclusivement sous forme dissociée et la forme le métabolisme des cellules sanguines). La mesure du pH sanguin
acide lactique est quasi virtuelle. Les ions faibles dont le pK est est faite de façon fiable par une électrode de verre, alors que celle
proche du pH voient leur degré de dissociation variable selon de la PaCO2 , réalisée par microélectrode, peut comporter jusqu’à
le pH : plus le pH s’éloigne du pK, plus la forme dissociée est 10 % de marge d’erreur en pratique quotidienne. Sa valeur nor-
importante. Dans tous les cas, le pH est calculé selon l’équation : male se situe entre 38 et 42 mmHg (4,7–6 kPa). La gazométrie
pH = pKa + log10 ([A− ] / ([Atot] – [A− ])). donne aussi accès aux bicarbonates calculés (HCO3 – c ) à partir de

4 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

l’équation d’Henderson–Hasselbalch, c’est-à-dire du pH et de la • le CO2 total artériel (CO2 T) : la mesure exclusive d’HCO3 – dans
PaCO2 mesurés par les appareils d’analyse des gaz du sang. Sa le sang est techniquement impossible du fait de sa labilité et sa
valeur normale est de 24 ± 2 mmHg. Le BE et le SBE sont aussi transformation permanente en acide carbonique ou CO2 . Ainsi,
fournis par calcul à partir des autres paramètres. la mesure des « bicarbonates » dans le sang est celle du CO2
total qui est la somme des concentrations en bicarbonates réels
(HCO3 – ), en acide carbonique (H2 CO3 ) et en CO2 dissous. Sa
Ionogramme sanguin [2] valeur normale est légèrement supérieure à celle calculée avec
les gaz du sang à 26 ± 2 mmHg ;
Il doit être pratiqué sur sang artériel prélevé au même moment • la chlorémie : le chlore, principal anion fort plasmatique, est
que celui de la gazométrie. Il fournit les paramètres suivants : un élément essentiel du diagnostic étiologique des TAB. Cepen-
dant, la chlorémie peut varier de façon indépendante d’un TAB
dans certaines dysnatrémies [10, 11] . Dans cette dernière situa-
tion, les variations de chlorémie sont proportionnelles à celles
Effet acidifiant Effet alcalinisant
de la natrémie et sont mises en évidence par le calcul du rapport
Cl/Na normalement = 0,75 ou celui de la chlorémie corrigée par
la formule : Cl corr = Cl mesurée × 140/Na = 105 mEq1−1 ;
SID 39 mEq l–1 • la kaliémie : ce n’est pas à proprement parler un élément du
diagnostic des TAB, mais il est utile pour établir la cause du
40 torr PaCO2 trouble [12] . La kaliémie n’évolue pas toujours de façon inverse
au pH [13] . Les acidoses induites par l’accumulation d’acides
organiques n’entraînent pas d’hyperkaliémie, car la libre péné-
40 g l–1 Album tration intracellulaire de l’anion organique s’accompagne d’une
entrée concomitante de protons, ce qui permet le maintien
de l’électroneutralité indépendamment des mouvements trans-
0,8 mmol l–1 Phosph membranaires de K+ . La présence d’une hyperkaliémie dans ces
situations doit faire rechercher une autre cause que l’acidose :
insulinopénie, insuffisance rénale ou hyperglycémie. Dans les
acidoses hyperchlorémiques, la non-pénétration de chlore dans
les cellules impose une sortie de potassium du secteur intra-
vers le secteur extracellulaire pour respecter l’électroneutralité.
Alb- 14 mEq l–1 Les acidoses respiratoires n’induisent pas de modifications de
HCO3- 24 mEq l–1 Phosph- 1,8 mEq l–1 kaliémie. Enfin, l’hypokaliémie est souvent associée à l’alcalose
pH 7,40 hypochlorémique ;
• la natrémie : le sodium, cation fort majoritaire du secteur plas-
matique, est un paramètre nécessaire au diagnostic d’un TAB.
Figure 2. Représentation schématique de l’interprétation d’un trouble Il est indispensable au calcul du SID et du trou anionique (TA)
acidobasique par le principe de Stewart. Le pH d’une solution est défini plasmatique (cf. infra) ;
par un équilibre de forces acidifiantes et alcalinisantes. Les variables ayant • l’albumine et le phosphate : principaux acides faibles plasma-
un caractère acidifiant sont essentiellement représentées par la PaCO2 , les tiques, ils représentent respectivement environ 78 et 20 % de
acides faibles tels de l’albuminate et le phosphate. La principale variable ces charges négatives. Selon le modèle de Stewart, une éléva-
alcalinisante est définie par la différence en ions forts (DIF, SID). Plus la tion d’un de ces paramètres (troisième variable indépendante)
charge cationique va augmenter, ou la charge anionique diminuer, plus entraîne une acidose métabolique et inversement [2, 14] . Pour un
l’effet alcalinisant sur le plasma sera présent. À l’inverse, lorsque la charge pH = 7,40, les protéinates représentent une charge négative de
cationique baisse ou que la charge anionique augmente, le SID va dimi- 12 mEq l−1 ;
nuer induisant une diminution de la force alcalinisante. L’équilibre entre • les autres paramètres : le calcium, le magnésium, ainsi que le
les forces opposées conduit à la détermination du pH de la solution. lactate sont des ions forts qui entrent dans le calcul du SID.

Tableau 3.
Les outils du diagnostic d’un trouble acidobasique (valeurs normales).
Paramètres mesurés
Outils de base Outils complémentaires
Gaz du sang artériels
- pH (7,40 ± 2)
- PaCO2 (40 ± 4 mmHg)
- HCO3 – calculés (24 ± 2 mmol l–1 )
Ionogramme sanguin Phosphore (0,8–1,2 mmol l–1 )
- CO2 total (26 ± 2 mmol l–1 ) Albumine (40 g l–1 )
- Na+ (140 ± 2 mmol l–1 ) ; K+
(3,5 ± 0,5 mmol l–1 )
- Cl– (105 ± 2 mmol l–1 )
pH urinaire, osmolarité urinaire
Ionogramme urinaire (Na+ , K+ , Cl– )
Paramètres calculés
TA = Na+ – (Cl– + HCO3 – ) = 12 ± 2 mEq l–1 - Base Excess (0 mEq l–1 )
- Standard Base Excess (0 mEq l–1 ) = 0,9287 × [HCO3 – – 24,4 + 14,83 × (pH – 7,4)] = 0 mEq l–1
TA corrigé = TA - SIDa = (Na+ + K+ + Ca++ + Mg++ ) – (Cl– + lactate– ) = 40 ± 2 mEq l–1
calculé + 0,25 × (40 – albumine mesurée - SIDe = [HCO3 – ] + [albumine (g l–1 ) × (0,123 × pH – 0,631) + phosphore
[g l–1 ]) (mEq l–1 ) × (0,309 × pH – 0,469)] = 40 ± 2 mEq l–1
- SIG = SIDa – SIDe = 2 ± 2 mEq l–1
- SID urinaire = (Na urinaire + K urinaire) – Cl urinaire

TA : trou anionique plasmatique ; SIDa : différence apparente en ions forts (apparent Strong Ion Difference) ; SIDe : différence effective en ions forts (effective Strong Ion
Difference) ; SIG : Strong Ion Gap.

EMC - Anesthésie-Réanimation 5
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

Cations Anions Cations Anions Figure 3. Représentation des charges positives


et négatives dans le plasma permettant le calcul
du trou anionique plasmatique (TA), du « Strong
Ion Difference » apparent (SIDa), du « Strong Ion
Difference » effectif (SIDe) et du « Strong Ion
Gap » (SIG). Les cations indosés comprennent le
Cl– Cl– Ca++ et Mg++ ; Le SID est toujours positif, nor-
105 105 malement égal à 40 meq l–1 . La différence entre
SIDe et SIDa est normalement égale à 0 sauf s’il y
Na+ Na+ accumulation d’anions indosés dont la présence
140 140 sera attestée par la présence d’un SIG. Le trou
anionique est constitué aussi d’anions indosés
HCO3– 25 HCO3– 25 mais aussi d’acides organiques faibles, c’est-à-dire
SIDe albuminate et phosphate. Ce TA est normalement
Albuminate Albuminate SIDa égal à 12 meq l–1 ; il est normalement aug-
TA
Phosphate K ++ Phosphate menté en cas d’accumulation plasmatique acides
Ca++ Anions indosés organiques (lactate, corps cétoniques). Alb : albu-
Cations indosés Anions indosés SIG
Mg++ (XA-,lactate) minate ; Ph : phosphate.

Cations Anions Cations Anions Cations Anions Figure 4. Représentation schématique des
deux grandes catégories d’acidoses métabo-
liques selon Henderson–Hasselbalch.
A. Normalement : le trou anionique plasma-
tique (TA) correspond à la différence entre la
somme des indosés anioniques et des indosés
Cl– Cl– Cl– cationiques.
+ 105 + 115 105 B. Dans les acidoses métaboliques minérales,
Na Na Na+ chaque HCl en excès libère un ion H+ tam-
140 140 140 ponné par un ion HCO3 – et un Cl– ; le TA est
donc normal.
HCO3– C. Dans les acidoses métaboliques organiques,
15 chaque acide organique en excès libère un
HCO3–
HCO3– Acides ion H+ tamponné par un ion HCO3 – et un sel
25
25 organiques TA = 20
d’acide+ qui est un anion ; le TA est donc élevé
TA = 10 TA = 10 supérieur à 12 mmol l–1 .
Cations Anions Cations Anions Cations Anions
indosés indosés indosés indosés indosés indosés

A B C

Leur dosage, bien que non routinier, doit toujours être réalisé positives (cations) est égale à la somme des charges négatives
(au même titre que l’albumine) chez des malades complexes de (anions). Le TA n’est qu’un artifice de calcul, car le dosage usuel
réanimation avec des TAB sévères. de Na+ , K+ , Cl– et HCO3 – méconnaît les autres ions qui assurent
eux aussi l’électroneutralité : cations indosés tels que Ca++ , Mg++ et
anions indosés tels que protéinates, sulfates, phosphates et autres
Paramètres urinaires acides organiques (Fig. 3). Le TA, reflet des anions indosés, est
Ce sont : calculé au lit du patient selon la formule [2] :
• le pH urinaire : il reflète le degré d’acidification des urines TA (mEq l−1 ) = Na+ – (Cl− + HCO3 − ) = 12 ± 2 mEq l−1
en l’absence de problèmes infectieux. C’est essentiellement Ce paramètre est largement utilisé dans l’approche classique
un outil du diagnostic étiologique de certaines acidoses méta- d’Henderson–Hasselbalch comme marqueur des acidoses méta-
boliques, et un paramètre de surveillance de l’efficacité du boliques. On distingue ainsi les acidoses métaboliques à TA élevé
traitement de certaines alcaloses métaboliques ; (ou organiques) des acidoses métaboliques à TA normal hyper-
• les électrolytes urinaires : la mesure de la concentration urinaire chlorémiques (minérales) (Fig. 4). Le TA connaît cependant des
de sodium, potassium et chlore est le principal élément utile limites d’interprétation [2, 15] . L’hypoalbuminémie, présente chez
à l’évaluation de la réponse rénale à un TAB déterminé. Elle 50 % des patients de réanimation, est la cause la plus fréquente de
oriente le diagnostic étiologique. Toutes ces mesures peuvent diminution du TA [16] . Ainsi, pour un pH constant, une baisse de
se faire sur un échantillon d’urine. Néanmoins, l’interprétation 10 g l−1 d’albumine induit une baisse du TA d’environ 2,5 mEq l−1 .
des résultats doit être prudente surtout en cas de traitement Pour s’affranchir de cette erreur, il est possible de corriger la valeur
préalable par diurétique ou d’apports hydrosodés. Dans tous du TA en tenant compte de l’albuminémie selon la formule :
les cas, il est nécessaire de le réaliser avant d’introduire un trai- TA corrigé (mEq l−1 ) = TA calculé + 0, 25 × (albumine
tement qui peut modifier les résultats. normale − albumine mesurée [g l−1 ]) = TA calculé + 0,25
(40 − albumine mesurée)
Néanmoins, cette correction ne suffit pas toujours à s’affranchir
Paramètres calculés des limites diagnostiques du TA [16–18] .
Toute variation de natrémie qui n’est pas associée à une varia-
TA plasmatique tion de chlorémie de même amplitude peut également modifier
Le calcul du TA plasmatique est basé sur le principe de le TA indépendamment des variations de concentrations d’acides
l’électroneutralité du plasma selon lequel la somme des charges organiques.

6 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

Tableau 4.
Caractéristiques des réponses théoriques prévisibles aux troubles acidobasiques (TAB) primitifs.
TAB primitif Degré de réponse Délai Limites
Troubles métaboliques
- Acidose (↓ HCO3 – ) ↓ PaCO2 = ↓ 1,3 × HCO3 – 12 à 24 heures PaCO2 = 10 mmHg
- Alcalose (↑ HCO3 – ) ↑ PaCO2 = ↑ 0,6 × HCO3 – 24 à 36 heures PaCO2 = 55 mmHg
Troubles respiratoires
Acidose (↑ PaCO2 )
- Aiguë ↑ 10 mmHg PaCO2 = ↑ 1 mEq l–1 HCO3 – 5 à 10 minutes HCO3 – = 30 mEq l–1
- Chronique ↑ 10 mmHg PaCO2 = ↑ 3,5 mEq l–1 HCO3 – 72 à 96 heures HCO3 – = 45 mEq l–1
Alcalose (↓ PaCO2 )
- Aiguë ↓ 10 mmHg PaCO2 = ↓2 mEq l–1 HCO3 – 5 à 10 minutes HCO3 – = 18 mEq l–1
- Chronique ↓ 10 mmHg PaCO2 = ↓5 mEq l–1 HCO3 – 48 à 72 heures HCO3 – = 14 mEq l–1

« Base excess », « Standard base excess » [2]


 Identification et classification
Il se calcule en prenant en considération le bicarbonate, tampon
principal du secteur extracellulaire, et de l’hémoglobine, tampon
des troubles acidobasiques
des globules rouges (Tableau 3). Il est le plus souvent donné avec L’identification d’un TAB repose sur une analyse méthodique
les gaz du sang grâce à la formule : de la gazométrie artérielle.
BE = [(HCO3 − ) − 24,4 + (2,3 × Hb + 7,7) × (pH − 7,4)] × 1 − 0,023 × Hb
(mEq l−1 ), Hb exprimée en mmol l−1 .
Le SBE s’affranchit de l’hémoglobine du patient selon la for- Validation de la gazométrie
mule :
SBE (mEq l−1 ) = 0,9287 × (HCO3 − − 24 + 14,83 × [pH − 7,4]) Elle ne peut être interprétée que si les bicarbonates calculés
(HCO3 – c ) à partir de la gazométrie ne diffèrent pas de plus de 2
à 3 mmol l−1 des bicarbonates mesurés (CO2 T) sur l’ionogramme
sanguin [1] . Une discordance entre ces deux valeurs traduit le plus
[2]
« Strong Ion Difference » souvent une erreur technique et impose de répéter les mesures.
Il peut être calculé de deux façons. En tenant compte du respect
de l’électroneutralité, le SID effectif (SIDe) correspond à la somme Identification du trouble acidobasique
des ions bicarbonates et des deux principaux anions faibles plas-
matiques que sont l’albuminate et le phosphate (Fig. 3) : primaire
SIDe (mEq l−1 ) = HCO3 – + albuminate + phosphate L’acidémie se définit par une valeur de pH inférieure à 7,38 et
La concentration en HCO3 – est calculée dans les gaz du sang à l’alcalémie par une valeur de pH supérieure à 7,42 [1] . L’acidose
partir de l’équation d’Henderson–Hasselbalch. La concentration se définit comme un processus physiopathologique aboutissant
en albuminate et en phosphate (Atot) peut se calculer à partir de à une augmentation de la concentration en protons plasma-
leur pH et leur pK respectifs. Au final, la formule de calcul du SIDe tiques et inversement. Cette dernière traduit un processus causal
est : et n’implique pas obligatoirement une modification de pH
SIDe (mEq l−1 ) = (HCO3 − ) + albumine (g l−1 ) × (0,123 × dans le même sens. Néanmoins, en pratique courante, acidé-
pH − 0,631) + phosphore (mEq l−1 ) × (0,309 × pH − 0,469) = 40 ± mie (alcalémie) et acidose (alcalose) sont confondues. Un trouble
2 mEq l−1 métabolique primaire se traduit par une variation des bicarbonates
L’utilisation pratique de cette formule reste limitée et le calcul plasmatiques, alors qu’un trouble respiratoire est induit par une
du SID apparent (SIDa) semble plus facile et accessible au lit du variation première de la PaCO2 .
patient :
SIDa (mEq l−1 ) = (Na+ + K+ + Ca++ + Mg++ ) − (Cl− + lactate− ) = 40
± 2 mEq l−1 Évaluation de la réponse prévisible au trouble
Cependant, les valeurs normales chez un sujet sain ont des four-
chettes assez larges qui peuvent conduire à des extrêmes du SID de
primaire
35 à 54 mEq l−1 [19] . Une diminution du SID traduit une acidose en Tout TAB primaire déclenche des mécanismes de régulation
rapport avec la présence d’acides forts en excès ou la diminution capables d’atténuer les modifications du pH, sans jamais pouvoir
de cations normalement présents (Na+ ) et inversement [18–20] . totalement les normaliser. Cette réponse est hautement reproduc-
tible à partir de modèles statistiques qui sont déterminés selon une
droite de régression [21] . En cas de trouble métabolique primitif, la
réponse prévisible est une réponse respiratoire rapide qui se tra-
« Strong Ion Gap » (SIG) duit par une variation de la PaCO2 . Face à un trouble respiratoire
Les anions forts indosés appelés XA– peuvent être quantifiés par primitif, la réponse prévisible est une réponse rénale. Son délai
le calcul du SIG, différence entre tous les cations et anions indosés, de mise en route est plus lent (au minimum 12 h) et son impor-
selon la formule : SIG (mEq l−1 ) = SIDa – SIDe. Normalement, ce tance dépend de la rapidité d’installation du trouble respiratoire.
SIG devrait être égal à 0, mais les cations et anions forts présents On distingue ainsi les TAB respiratoires aigus des chroniques. Les
en faible concentration et qui ne sont pas pris en considération réponses théoriques prévisibles se caractérisent par leur nature,
dans le SIDa conduisent à retrouver un SIG légèrement positif leur délai de mise en route et leur limite [1, 2] (Tableau 4).
(Fig. 3).

Détermination du ou des troubles


SID urinaire Un trouble métabolique (respiratoire) simple se caractérise par
une variation des bicarbonates plasmatiques (variation de la
Il permet de distinguer les causes rénales et extrarénales des PaCO2 ) sans autre perturbation associée, c’est-à-dire avec une
acidoses métaboliques à SIG normal (cf. infra). Il se calcule selon réponse respiratoire (rénale) prévisible qui correspond à celle
la formule SID urinaire = (Na urinaire + K urinaire) – Cl urinaire. mesurée dans le sang du patient. Un trouble mixte correspond

EMC - Anesthésie-Réanimation 7
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

Tableau 5.
Classification des principaux troubles acidobasiques (TAB) primaires selon les concepts d’Henderson–Hasselbalch et de Stewart.
TAB métaboliques TAB respiratoires
Concept d’Henderson–Hasselbalch
pH HCO3 PaCO2
Acidose ↓ ↓ ↑
Trou anionique élevé
Hyperchlorémie
Alcalose ↑ ↑ ↓
Concept de Stewart
SID Atot PaCO2
Acidose ↓ ↑ ↑
Hyperchlorémie ↑ Albuminate
Hyponatrémie ↑ Phosphate
↑ XA– (± ↑SIG)
Alcalose ↑ ↓ ↓
Hypochlorémie ↓ Albuminate
Hypernatrémie

SID : Strong Ion Difference ; Atot : acides faibles totaux ; XA– : acides forts indosés ; SIG : Strong Ion Gap.

à l’association d’une perturbation métabolique et respiratoire ventilation contrôlée, elle peut induire une désadaptation du
allant dans le même sens. Un trouble complexe correspond à patient du respirateur. L’acidose peut également entraîner une
l’association de deux ou trois troubles simples qui ne vont pas vasoconstriction pulmonaire. Elle dévie la courbe de dissocia-
tous dans le même sens. Comme il ne peut y avoir qu’un seul tion de l’hémoglobine vers la droite, ce qui favorise la délivrance
trouble respiratoire à la fois, les TAB les plus complexes ne peuvent d’O2 aux tissus. Les acidoses métaboliques chroniques (comme
associer au maximum que trois perturbations : acidose et alcalose dans l’insuffisance rénale chronique) ont aussi des conséquen-
métaboliques associées à un seul trouble respiratoire (acidose ou ces métaboliques : augmentation du catabolisme protéique,
alcalose). Le diagnostic de trouble métabolique complexe repose insulinorésistance, modifications du métabolisme du calcium,
sur la comparaison de variation du bicarbonate à celle du chlore hyperparathyroïdie avec ostéodystrophie, anomalies de sécrétion
et du TA ou du SID (cf. infra) [2] . l’hormone thyroïdienne et hormone de croissance.

 Principaux troubles Signes biologiques


Dans tous les cas, le diagnostic d’acidose métabolique repose
acidobasiques sur l’association baisse du pH, des bicarbonates plasmatiques (et
du SBE) et de la PaCO2 qui correspond à la réponse respiratoire
Acidoses métaboliques [1, 2] prévisible et qui tend à ramener le pH vers les valeurs normales.
Selon l’approche classique d’Henderson–Hasselbalch, c’est la Cependant, pour les acidoses métaboliques graves, l’ampleur de
baisse des bicarbonates plasmatiques induite par l’accumulation la réponse respiratoire a des limites : en deçà d’un pH à 6,90, la
d’ions H+ qui génère la baisse du pH. Ces modifications peuvent PaCO2 ne s’abaisse plus mais a tendance à remonter. L’acidose
résulter d’une accumulation d’acides organiques (lactate, corps métabolique est simple (ou pure) si la PaCO2 mesurée est égale à
cétoniques) ou de chlore (acidose minérale) ou d’une perte de celle prévisible et qu’il n’existe pas d’alcalose métabolique asso-
bicarbonates (digestive ou rénale) [1, 2, 5, 21] . Dans le concept de Ste- ciée.
wart, l’acidose métabolique résulte d’un déplacement du degré de
dissociation de l’eau plasmatique vers la droite, ce qui entraîne
une augmentation de concentration d’ions H+ dans le sang. Ce Diagnostic étiologique
mouvement peut être généré par une baisse du SID ou une aug- Il est toujours classique de distinguer les acidoses métaboliques
mentation de concentration des acides faibles (Atot). La baisse en fonction de la valeur du trou anionique plasmatique (TA) et
du SID peut être la résultante d’une accumulation d’anions forts, de la chlorémie. On distingue ainsi les acidoses métaboliques à
hyperchlorémie ou lactate, corps cétoniques ou autres anions TA élevé de celles à TA normal (Fig. 4). C’est la présence d’anions
indosés XA– , ou d’une diminution des cations forts (surtout le indosés (acides organiques) dans le plasma qui est responsable
Na+ ). de l’élévation du TA associée dans le même temps à la baisse des
bicarbonates et du pH plasmatique. Lorsque l’acidose métabolique
est en rapport avec une hyperchlorémie (classique acidose miné-
Interrogatoire - Signes cliniques rale) ou une perte des bicarbonates (de sodium), la baisse du pH
L’interrogatoire doit faire préciser le contexte, la prise éven- et des bicarbonates ne s’accompagnent pas de modification du
tuelle de toxiques ou de médicaments pouvant orienter le TA. Cependant, la fiabilité du TA reste médiocre, surtout chez les
diagnostic. Les signes cliniques de l’acidose métabolique sont peu patients de réanimation qui présentent souvent une hypoalbumi-
spécifiques et ne s’observent généralement qu’en cas d’acidose némie sévère. Dans ce cas il est préférable de calculer le TA corrigé
sévère [1, 2, 22, 23] . Les manifestations cardiovasculaires incluent (cf. supra). Néanmoins, cette correction ne suffit pas toujours à
troubles du rythme, collapsus ou état de choc. Les signes neu- éviter les écueils de calcul car des variations de cations forts (Na+ )
rologiques peuvent aller de la céphalée, à la simple obnubilation, non proportionnelles à celles des anions forts (Cl– ) peuvent aussi
confusion, épilepsie jusqu’au coma. Il peut aussi exister une baisse modifier la valeur du TA [16, 18] . L’approche physiopathologique
de la contractilité des muscles squelettiques, conséquence d’une plus précise de Stewart permet de distinguer les acidoses métabo-
diminution du calcium ionisé intracytoplasmique. L’acidose liques induites par une baisse du SID de celles en rapport avec une
peut se manifester par des signes digestifs tels que nausées- augmentation des acides faibles (Tableau 5). La diminution du SID
vomissements et diarrhées. L’hyperventilation en réponse à peut être la conséquence de trois anomalies :
l’acidose métabolique se manifeste sous forme de cycles res- • une diminution du principal cation (Na+ ) et/ou une aug-
piratoires amples, réguliers et profonds. Chez les patients en mentation du principal anion fort (Cl– ) extracellulaires non

8 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

organiques. L’impact des autres cations non organiques tels que fameuse polypnée de Küssmaul. L’efficacité du traitement repose
Mg++ , Ca++ et K+ reste négligeable et ne peut pas entraîner de sur la décroissance glycémique et la disparition des corps céto-
variation notable du SID et du pH plasmatique ; niques surveillée par la cétonurie. Il est important de savoir
• une augmentation d’anions forts organiques (lactate, corps que le dosage urinaire des corps cétoniques par bandelette
cétoniques) ; fait appel à une réaction par nitroprusside qui détecte l’acéto-
• la présence anormale d’anions forts d’origine exogène prove- acétate exclusivement. Lorsque la quantité des corps cétoniques
nant de médicaments ou de toxiques. est importante, la réaction est thermodynamiquement orientée
La présence d’anions forts organiques (endogènes ou exogènes) préférentiellement de l’acéto-acétate vers le ␤-hydroxybutyrate
sera décelée par le calcul du « Strong Ion Gap » ou SIG selon la et inversement. Ainsi, lorsque le patient s’améliore et que la
formule : SIG (meq l−1 ) = SID apparent – SID effectif. Il n’est pas cétonémie diminue, le piège classique est d’observer une réaug-
rare en pratique que ces anomalies s’associent entre elles. La seule mentation paradoxale de la cétonurie qui témoigne simplement
augmentation d’anions faibles (sulfate, phosphate) ne peut réelle- de la reconversion préférentielle du ␤-hydroxybutyrate en acéto-
ment modifier à elle seule le pH car elle est négligeable sur le plan acétate.
quantitatif par rapport aux autres paramètres. Le jeûne prolongé qui s’accompagne physiologiquement d’une
insulinopénie et d’une hyperglucagonémie peut également stimu-
Acidoses métaboliques à SIG augmenté ler la production de corps cétoniques aboutissant à l’acidocétose
de jeûne avec les mêmes caractéristiques acidobasiques que celles
(organiques) du diabétique.
Acidose métabolique par hyperlactatémie
C’est une des causes les plus fréquentes d’acidose métabolique Acidose métabolique par ingestion de toxiques
en réanimation, présente chez deux tiers des patients [2] . L’acidose Du fait de l’accumulation d’anions forts, ces acidoses se carac-
lactique se définit comme une acidose associée à une hyperlacta- térisent par un TA élevé ou mieux encore par une baisse du
témie supérieure ou égale à 5 mmol l–1 . L’hyperlactatémie n’est SID avec SIG augmenté. Les anions forts généralement issus du
pas forcément associée à une acidose [24] . Le lactate est un anion métabolisme de médicaments ou de toxiques, incluent surtout
organique fort et fait partie des acidoses métaboliques à TA et TAc le salicylate, pyroglutamate, formate, oxalate et glycolate [25, 26] .
élevés. Selon le principe de Stewart, l’acidose avec hyperlactaté- L’intoxication à l’acétylsalicylate a la particularité d’associer
mie se caractérise par une baisse du SID avec augmentation du acidose métabolique et alcalose respiratoire prédominante par sti-
SIG. En 1976, Cohen et Wood classent les acidoses métaboliques mulation des centres respiratoires induite par le salicylate. Ainsi,
avec hyperlactatémie en deux groupes selon l’existence ou non le pH est le plus souvent alcalin, tout au moins au début et dans
d’un défaut d’oxygénation tissulaire. Néanmoins, cette distinc- les formes les moins sévères. Dans un contexte d’intoxication,
tion s’avère le plus souvent inexacte, l’hyperlactatémie relevant l’association troubles de conscience et acidose métabolique à TA
le plus souvent de mécanismes multiples associant métabolisme élevé ou SIG élevé doit orienter vers la prise de méthanol ou
aérobie et anaérobie comme dans le sepsis. Dans ces situations, d’éthylène-glycol. Le diagnostic est fortement suspecté devant
seule l’élévation du rapport lactate/pyruvate permet d’affirmer l’existence d’un trou osmotique élevé (osmolarité plasmatique
l’existence d’un métabolisme anaérobie. Mais en pratique cou- mesurée – osmolarité plasmatique calculée > 10 mosm l–1 ). Le
rante, le dosage de pyruvate reste difficile car long et le pyruvate dosage plasmatique de ces deux toxiques peut conforter le diag-
est particulièrement labile. nostic. L’oxydation du méthylène en formate et formaldéhyde
Acidose métabolique par acidocétose peut entraîner une cécité par toxicité directe sur le nerf optique.
L’intoxication à l’éthylène-glycol peut aussi se manifester par
C’est une des complications métaboliques aiguës du diabète.
des troubles neurologiques, un collapsus cardiovasculaire, une
Depuis plus de 15 ans, grâce à une prise en charge optimisée,
insuffisance hépatique et une insuffisance rénale aiguë. Son méta-
elle se complique de décès dans moins de 5 % des cas [25, 26] .
bolisme en oxalate et formate est responsable de la baisse du
Elle est liée à l’accumulation anormale de corps cétoniques
SID avec élévation du SIG. Chez les patients de réanimation, le
(acétone, acéto-acétate, ␤-hydroxybutyrate), anions organiques
SIG est fréquemment retrouvé élevé, indépendamment de la pré-
forts qui proviennent de la ␤-oxydation accrue des acides gras
sence anormale d’anions tels que lactate, corps cétoniques ou
libres en rapport avec l’insulinopénie et l’augmentation des
toxiques. Le calcul du SIG met en évidence des anions forts indo-
hormones de contre-régulation. Classiquement dans sa forme
sés inconnus qui pour certains sont des intermédiaires du cycle
pure, l’acidocétose diabétique est décrite comme une acidose
de Krebs [26, 27] .
métabolique à TA élevé associée à une hyperglycémie. Mais il
est préférable de la caractériser par une diminution du SID et
une augmentation du SIG témoin de la présence d’anions forts Acidoses métaboliques à SIG normal (minérales)
organiques. Le dosage des corps cétoniques plasmatiques (céto-
némie) est long, justifiant leur détection indirecte mais rapide Acidoses tubulaires rénales
dans les urines (cétonurie). Le plus souvent, la polyurie induite Elles sont en rapport avec des anomalies de la fonction tubulaire
par l’hyperglycémie induit une insuffisance rénale aiguë respon- alors que la filtration glomérulaire n’est pas altérée [28, 29] . Quel
sable d’une accumulation d’acides faibles (sulfate, phosphate) qui que soit le type d’acidose tubulaire, il s’agit d’une acidose méta-
aggravent l’acidose métabolique. Au départ, la rétention rénale bolique hyperchlorémique avec baisse du SID, mais SIG normal,
de corps cétoniques s’accompagne d’une élimination rénale associée à un SID urinaire positif. Toutes les acidoses tubulaires
concomitante de chlore pour maintenir l’électroneutralité. Ce se caractérisent par des anomalies des canaux ou transporteurs
phénomène peut donc entraîner une discrète alcalose métabo- d’électrolytes qui induisent in fine une réabsorption rénale accrue
lique hypochlorémique contemporaine de l’acidose métabolique, de chlore et une augmentation d’excrétion rénale de sodium,
souvent aggravée par de fréquents vomissements. Ainsi, les TAB aboutissant à une augmentation du SID urinaire et donc une
de l’acidocétose diabétique ne sont que rarement résumés à baisse du SID et du pH plasmatiques. Dans l’acidose tubulaire dis-
une simple acidose métabolique organique pure. Au cours du tale (type 1), les anomalies touchent essentiellement les cellules
traitement, il est fréquent d’observer le développement d’une intercalaires alpha du tube collecteur, alors que dans la proxi-
hyperchlorémie qui est induite par deux phénomènes : l’apport male (type 2), les anomalies se situent sur les cellules du tube
important de chlore par les solutés de remplissage vasculaire (cris- contourné proximal. L’acidose tubulaire type 4 ou pseudohypoal-
talloïdes) et la récupération de la fonction rénale qui permet dostéronisme type II induit des anomalies métaboliques diverses
l’élimination de corps cétoniques dans les urines en échange de la caractérisées par une acidose métabolique hyperchlorémique avec
réabsorption de chlore. Il est donc normal lors de l’amélioration de hypertension artérielle et hyperkaliémie. Elle est due à des anoma-
l’acidocétose diabétique de voir l’acidose métabolique organique lies des canaux situés sur les cellules du tube contourné distal et
de départ devenir progressivement une acidose métabolique du tube collecteur et qui sont impliqués dans les mouvements de
hyperchlorémique. Le diagnostic d’acidocétose diabétique est en Na+ , K+ , et Cl– et dans le fonctionnement des transporteurs par
général simple, orienté par les antécédents, le contexte et la des kinases.

EMC - Anesthésie-Réanimation 9
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

Acidoses métaboliques par pertes digestives d’une insuffisance rénale ou de recours à l’épuration extrarénale
Les pertes intestinales par diarrhée ou drainage pancréatique dans le groupe dit libéral [41] . Ces données n’ont cependant pas
ou du grêle provoquent des acidoses métaboliques car le tube été confirmées par une étude randomisée ayant inclus plus de
digestif réabsorbe le sodium et le chlore en quantité égale ce qui 2000 patients [42] . Cependant, celle-ci faisait état d’un remplis-
diminue le SID plasmatique. Il s’agit donc d’une acidose métabo- sage limité sur une population présentant une mortalité basse
lique hyperchlorémique avec SID plasmatique bas, SIG normal, ne représentant pas la population traditionnellement rencontrée
mais le SID urinaire est négatif, témoin d’une réponse adaptée en réanimation. Des résultats plus pertinents semblent venir de
du rein. Les patients porteurs d’une néovessie digestive déve- deux études récentes, l’une en réanimation et l’autre chez des
loppent le même type d’acidose car les urines qui s’accumulent patients non réanimatoires, retrouvant un effet significativement
dans le côlon subissent une réabsorption égale de Na+ et de positif, en faveur des solutés équilibrés, sur des critères composites
Cl– . associant mortalité, insuffisance rénale et recours à l’épuration
extrarénale [34, 35] . Ceci semble particulièrement vérifiable pour
Acidoses métaboliques par solutés de remplissage vasculaire les patients nécessitant un remplissage massif au décours de leur
L’administration de volumes importants de liquides de rem- hospitalisation [34] .
plissage peut induire des TAB complexes et variables selon Voir Annexe B concernant les TAB et solutés de remplissage.
leur composition. Un des TAB le plus fréquemment observé
est l’acidose métabolique hyperchlorémique. Classiquement, ces
acidoses ont été attribuées à la dilution des bicarbonates plas- Acidose métabolique de causes mixtes
matiques, d’où leur nom d’acidose de dilution. Selon le concept par insuffisance rénale
de Stewart, cette acidose résulte d’une baisse du SID par deux
mécanismes. La perfusion de solutés hypotoniques va induire L’acidose observée au cours de l’insuffisance rénale a été clas-
une diminution de Na+ proportionnellement plus importante siquement attribuée à des problèmes d’élimination des protons
que celle de Cl– : la classique acidose de dilution est donc une et/ou de réabsorption de bicarbonates. Mais cette vision physio-
acidose par hyponatrémie. Mais la cause la plus importante est pathologique ignore totalement la dépendance des bicarbonates
l’hyperchlorémie, en rapport avec la perfusion de solutés riches en et des protons vis-à-vis des autres facteurs plasmatiques impli-
chlore, appelés solutés non équilibrés [2, 30–32] . Tous les cristalloïdes qués dans l’équilibre acidobasique. Le rein joue un rôle majeur
type sérum salé (iso- ou hypertoniques) ont un SID à zéro (concen- dans l’équilibre acidobasique grâce à son implication dans les
tration de Na = concentration de chlore) et peuvent induire de échanges plasma-urine d’électrolytes, c’est-à-dire en modulant le
fait une acidose métabolique hyperchlorémique. Dans le même SID urinaire et donc le SID plasmatique [43] . Les trois ions forts
temps, ils sont dépourvus d’albumine et ont aussi un effet alcali- principalement impliqués dans ces phénomènes sont le cation
nisant. La résultante des deux est quand même un effet acidifiant Na+ (et plus accessoirement le K+ ) et l’anion Cl– . Ainsi, si la perte
en rapport avec l’hyperchlorémie. Les solutés équilibrés doivent urinaire de Na+ est plus importante que celle de Cl– , le SID et le
contenir une quantité d’anions forts (lactate, acétate, malate, glu- pH urinaires vont augmenter alors que le SID et le pH plasma-
conate ou citrate) qui permet une égalité entre la somme des tiques vont diminuer. L’élimination de Cl– serait le mécanisme
anions et des cations. L’effet des colloïdes type hydroxyéthyla- principal de régulation rénale du pH plasmatique. Pour acidifier
midon ou dextran sur l’équilibre acidobasique dépend du SID du les urines (et donc alcaliniser le pH plasmatique), le rein doit excré-
solvant. S’il s’agit de NaCl 0,9 %, ils peuvent induire une aci- ter des anions chlore sans excrétion concomitante de Na+ ou de
dose hyperchlorémique [33] . Les gélatines et albumine sont des K+ . Pour des raisons d’électroneutralité, le cation qui accompagne
protéines et ont donc une activité d’acides faibles. Elles peuvent l’excrétion de Cl– dans les urines est l’ammoniaque NH4 + qui est
donc avoir un effet acidifiant par ce biais-là. Mais les charges néga- issue du métabolisme azoté.
tives de ces protéines impliquent d’augmenter le SID du solvant, Les mécanismes de l’acidose métabolique au cours de
ce qui atténue l’effet acidifiant. l’insuffisance rénale sont complexes, multiples et dépendent de
Le rôle iatrogène des solutés non équilibrés dans la surve- l’ancienneté de la maladie [22, 23, 44] . À la phase initiale d’une insuf-
nue d’une acidose métabolique hyperchlorémique est largement fisance rénale, l’hyperchlorémie est la cause majeure de la baisse
démontré en périopératoire comme en réanimation [34–36] . La sévé- du SID donc de l’acidose. C’est donc une acidose métabolique
rité de l’acidose est corrélée à la richesse du soluté en chlore, avec baisse du SID mais avec un SIG normal (et TA normal).
au volume, à la rapidité de perfusion et à la fonction rénale. Si Lorsque l’insuffisance rénale évolue, elle est responsable d’une
la fonction rénale est normale, l’acidose hyperchlorémique est altération d’excrétion d’anions organiques forts qui peuvent par-
souvent transitoire. La littérature rapporte une incidence de ces ticiper à plus de 50 % de l’acidose métabolique avec baisse du
acidoses allant de 10 à 60 % des patients de réanimation [10, 36] . SID et augmentation du SIG (et du TA). Dans l’insuffisance rénale
Sur des modèles animaux de choc septique et hémorragique, il a aiguë, l’accumulation de sulfate et phosphate plasmatiques asso-
été montré que le remplissage vasculaire par du sérum salé iso- ciée à une hypocalcémie peut participer au développement d’une
tonique induisait une acidose métabolique en rapport pour au acidose métabolique à SIG augmenté. Mais, tous ces paramètres
moins un tiers avec une hyperchlorémie. Chez les patients en acidifiants sont souvent contrebalancés par l’hypoalbuminémie
sepsis sévère ou choc septique, l’acidose hyperchlorémique est la et l’hyperkaliémie qui ont des effets alcalinisants, de sorte que
cause la plus fréquente d’acidose métabolique dans les cinq pre- l’acidose métabolique de l’insuffisance rénale est souvent peu
miers jours d’hospitalisation et est associée à une augmentation sévère.
de morbi-mortalité. Plusieurs études cliniques confirment le lien
entre perfusion de solutés non équilibrés et acidose hyperchloré-
mique, anomalie prévenue par la perfusion de solutés équilibrés. Acidoses métaboliques par accumulation
Dans une étude récente, il a été montré que l’application d’une de citrate
politique de perfusion de solutés équilibrés chez des patients de
réanimation avait permis de diminuer le taux d’hyperchlorémie L’épuration extrarénale par citrate est devenue une technique
sévère (> 114 mmol l–1 ) de 6,2 à 2,3 % et le taux d’acidose (pH < 7,3) de choix de suppléance rénale, du fait de la qualité d’épuration
de 6 à 4,9 % [36, 37] . L’intérêt des solutés équilibrés dans la préven- induite par une anticoagulation régionale du circuit permettant
tion de l’acidose hyperchlorémique a aussi été démontré au cours des temps d’épuration plus prolongés qu’en épuration sous hépa-
des acidocétoses diabétiques, dans le choc hémorragique et chez rine. Le citrate va chélater le calcium inhibant ainsi les cascades de
le traumatisé crânien [38–40] . coagulation médiées par celui-ci. Le citrate étant un acide faible [45]
L’utilisation de solutés équilibrés en réanimation est actuelle- va être métabolisé essentiellement par le foie pour être transformé
ment source de débat. en CO2 et H2 O. Lorsque la métabolisation de ce citrate n’est pas
Les premiers travaux menés dans ce domaine, comparant une optimale (insuffisance hépatique, état de choc sévère, etc.), celui-
stratégie utilisant des solutés « chlorés » par rapport à une stratégie ci va s’accumuler dans l’organisme induisant la présence d’une
limitant les apports en chlore, n’ont pas montré de différence en acidose à TA élevé du fait de l’accumulation de ce métabolite mais
termes de mortalité mais un effet sur le risque de développement à SID normal (Fig. 5).

10 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

Effet acidifiant Effet acidifiant

39 meq l–1
SID SID

40 mmHg 40 mmHg

PaCO2 PaCO2
–1
40 g l
40 g l–1
Alb
Alb

Citrate
Citrate
0,8 mmol l–1 0,8 mmol l–1
Phosph Phosph

HCO3– Alb- HCO3– Alb-


pH Phosph- pH Phosph-
A B
Effet Figure 5. Explications fondées sur le principe de Stewart des troubles métaboliques induits par
alcalinisant l’utilisation de l’anticoagulation régionale par citrate en épuration extrarénale.
A. Acidose métabolique induite par accumulation de citrate. Lorsque le citrate ne peut pas être
Hypernatrémie métabolisé (insuffisance hépatique, etc.), il va s’accumuler. Celui-ci étant un acide faible, il vient
s’ajouter à ceux déjà pris en compte dans l’évaluation des TAB par le principe de Stewart (albu-
minate, phosphate) majorant les forces acidifiantes. L’hypercitratémie (accumulation de citrate)
provoque donc une acidose métabolique (faible pH et valeurs de bicarbonate) à condition qu’il
40 mmHg Augmentation n’y ait pas de changement dans d’autres acides faibles, le PaCO2 ou la différence d’ions forts (SID)
SID B. Acidose métabolique induite par hyperlactatémie. Comme le lactate est un acide faiblement
métabolisable, l’hyperlactatémie provoque une acidose métabolique en diminuant le SID à condi-
PaCO2
tion qu’il n’y ait pas de changement dans les acides faibles ou le PaCO2 .
C. Acidose métabolique induite par un apport excessif en citrate. Le citrate trisodique, utilisé en
40 g l–1 épuration extrarénale, va pouvoir chélater les molécules de calcium, pour anticoaguler le circuit,
en se dissociant en citrate et Na+ . Une molécule de citrate va libérer trois molécules de Na+ . En
Alb condition normale le citrate va être métabolisé, essentiellement au niveau du foie, en CO2 et
H2 O. Si l’apport en citrate trisodique est important (charge en citrate élevée, débit sanguin trop
élevé, etc.), la charge cationique induite par l’accumulation du sodium libéré va conduire à une
augmentation du SID et donc par voie de conséquence à une alcalose métabolique à condition
0,8 mmol l–1 qu’il n’y ait aucune modification des acides faibles ou du PaCO2 .
Phosph

HCO3– Alb-
pH Phosph-
C

Traitement de l’acidose métabolique ou animaux en dehors de toute pathologie et dans des conditions
d’oxygénation tissulaire normales. Ainsi, dans d’autres conditions
L’acidose métabolique aiguë a été rendue responsable de nom- avec des pH plus élevés, la dépression myocardique n’a pas été
breux effets délétères. Les altérations cardiovasculaires sont les confirmée. Au cours du choc hémorragique, l’acidose métabolique
plus importantes et la dépression myocardique est la plus décrite est classiquement considérée comme un trouble aggravant le choc
sur des modèles expérimentaux de cœur isolé ou sur ani- et les anomalies de coagulation en diminuant le fibrinogène et
mal entier [46] . Ces effets sont reversés par l’administration de les plaquettes. Cependant, l’alcalinisation par BS ne permet pas
bicarbonate de sodium (BS). D’autres travaux rapportent une de rétablir une coagulation normale [48] . Les acidoses chroniques
augmentation des troubles du rythme, un effet vasodilatateur peuvent induire des anomalies hormonales, une ostéodystrophie
contrebalancé par une stimulation du système sympathique, avec hypocalcémie ionisée, ou une fatigue musculaire.
et une diminution de la réponse aux catécholamines [47] . À l’inverse, la littérature rapporte des effets bénéfiques de
L’interprétation de ces données doit être prudente du fait de biais l’acidose. Elle freine la glycolyse en inhibant la phosphofruc-
méthodologiques dont l’absence de groupe contrôle, et des condi- tokinase et dévie la courbe de dissociation de l’hémoglobine,
tions expérimentales avec acidose sévère (pH < 7) sur des cellules facilitant le relargage d’O2 à partir de l’hémoglobine pour les

EMC - Anesthésie-Réanimation 11
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

tissus. Il est licite de voir une finalité adaptative à ces modifica- Dans l’acidocétose diabétique, même en cas de pH très bas,
tions destinée à faciliter le fonctionnement cellulaire en situation l’administration de BS n’a pas montré un quelconque bénéfice
de faillite énergétique. Ainsi, l’acidose facilite l’apport d’oxygène en termes de mortalité malgré la correction de l’acidose [58] .
aux cellules hypoxiques et en freinant la glycolyse, elle permet L’utilisation de bicarbonate est associée à une augmentation du
de lutter contre l’épuisement prématuré des réserves énergé- risque d’œdème cérébral dans ce contexte en particulier dans
tiques. Les effets bénéfiques de l’acidose en condition d’hypoxie la population pédiatrique du fait de son action sur les pompes
ou d’ischémie/reperfusion sont très largement rapportés. Sur Na+ /H+ cérébrales [59, 60] . Aucun bénéfice de l’administration de
des modèles d’ischémie/reperfusion, l’application d’un milieu BS n’a pu être montré non plus dans l’arrêt cardiorespiratoire,
acide lors de la reperfusion améliore la reprise de la fonction sauf s’il est prolongé au-delà de dix minutes [61] . Ce résultat n’est
myocardique, de la fonction endothéliale, et la fonction céré- pas surprenant puisque l’acidose observée au début de l’arrêt
brale [49, 50] . Dans les mêmes conditions, l’acidose protège les cardiorespiratoire est principalement d’origine respiratoire et le
cellules de la mort cellulaire et de l’apoptose qu’il s’agisse de cel- meilleur traitement est d’optimiser la ventilation et d’induire
lules myocardiques, d’hépatocytes ou de neurones. Le mécanisme la reprise de la circulation spontanée. Aucune étude clinique
le plus vraisemblable de ces effets protecteurs serait l’acidification randomisée n’a évalué l’efficacité du BS dans les acidoses méta-
intracellulaire (pHi) qui déclencherait un processus de précondi- boliques hyperchlorémiques. Le traitement de ces acidoses, si
tionnement [49] ou de postconditionnement [50] . elles sont chroniques comme dans les insuffisances rénales chro-
Le traitement étiologique des acidoses métaboliques, non niques, semble licite pour lutter contre les effets indésirables
détaillé dans ce chapitre, est indispensable et bien souvent suffi- tels que la fatigue musculaire, l’ostéodystrophie et les anoma-
sant. Le traitement symptomatique généralisé qui a pour objectif lies hormonales. Dans ce cas, c’est l’épuration extrarénale qui
l’alcalinisation du pH plasmatique est encore débattu du fait de permet de traiter au mieux ce trouble. L’alcalinisation par BS
données contradictoires. des acidoses métaboliques hyperchlorémiques aiguës d’origine
L’impact pronostique d’un pH bas dépend clairement plus de digestive reste affaire de convictions face à l’absence de don-
la cause du trouble que de la profondeur de l’acidose. Masevi- nées cliniques objectives. L’approche du trouble par le concept
cius et al. [51] ont montré que chez les patients de réanimation, la d’Henderson–Hasselbalch selon lequel l’acidose est secondaire à
mortalité hospitalière était plus élevée dans l’acidose par hyper- une perte de bicarbonates renforce l’idée de remplacer ce pool par
lactatémie que dans celles dues à d’autres anions forts ou à un apport exogène. Si l’on se réfère au concept de Stewart, le traite-
une hyperchlorémie. L’hyperphosphorémie et l’hyperlactatémie ment de l’acidose doit tendre à normaliser le SID plasmatique. Le
étaient des paramètres indépendants de mauvais pronostic, alors BS peut atteindre cet objectif grâce à l’apport de Na+ sans Cl– . Mais
que le pH ne l’était pas. Ces données montrent clairement les autres solutés équilibrés pauvres en chlore tels que le lactate de
qu’alcaliniser un patient pour seulement normaliser un pH bas, sodium ou le citrate de sodium auront les mêmes effets alcalini-
quel que soit le contexte, n’a pas de sens. Cependant, des tra- sants [62] . Un nombre croissant de données expérimentales montre
vaux récents [52] dans le domaine de la réanimation ont montré que l’hyperchlorémie aurait des effets délétères indépendamment
que sur une population de patients présentant une insuffisance de l’acidose, ce qui peut représenter un argument en faveur du
rénale, l’utilisation de solutés alcalinisants tels que le bicarbonate traitement préventif et curatif de l’hyperchlorémie. Si l’on consi-
de sodium était associée à un impact positif sur le pronostic. Cette dère les effets potentiellement délétères de l’hyperchlorémie, sa
question est donc toujours au cœur du débat. prévention semble justifiée grâce à l’administration préférentielle
de solutés équilibrés pauvres en chlore. Néanmoins, le bénéfice
réel de cette stratégie reste à démontrer en pratique clinique.
Moyens d’alcalinisation À côté d’éventuels effets bénéfiques, l’administration de BS
est accusée d’avoir des conséquences délétères. Parmi ceux-ci,
Bicarbonate de sodium (BS) l’acidose avec hypercapnie intracellulaire est largement soulignée
Du fait de sa réaction NaHCO3 – + H+ ⇔ Na+ + H2 O + CO2 , dans de nombreuses études. Du fait de sa forte solubilité, le CO2
le BS est éliminé in fine sous forme de CO2 , ne laissant dans issu du BS va rapidement pénétrer dans la cellule et entraîner une
le plasma que le cation fort Na+ . Il s’ensuit une augmentation acidose dite paradoxale. En fait, ce phénomène retrouvé expéri-
du SID qui induit l’élévation du pH plasmatique. Ainsi, le BS est mentalement in vitro [63] dépend des conditions dans lesquelles
réellement une solution alcalinisante efficace [53, 54] . Dans de nom- les cellules se situent : l’acidose intracellulaire ne se développe pas
breuses études expérimentales ou cliniques observationnelles, cet si le système est ouvert, c’est-à-dire s’il y a élimination pulmonaire
effet s’accompagne d’effets hémodynamiques bénéfiques. Cepen- du CO2 ou si le milieu contient des tampons [64] . En pratique les
dant, le lien de causalité entre bénéfice et correction de l’acidose effets indésirables les plus gênants du BS sont la baisse du calcium
est loin d’être établi et cette amélioration pourrait être le fait ionisé, l’hypernatrémie, l’hyperosmolarité, la surcharge hydroso-
exclusif de l’apport de sodium (lié au bicarbonate). dée et l’hypokaliémie. Ces complications peuvent être prévenues
L’utilisation de bicarbonate est très discutée dans la littérature. ou minimisées par l’utilisation de solutions iso- ou hypotoniques
Une étude récente a souligné l’absence d’amélioration en termes en perfusion lente et en évitant les bolus.
de survie de l’utilisation systématique de bicarbonate de sodium
4,2 % chez des patients de réanimation présentant une acidose Épuration extrarénale
métabolique sévère (pH < 7,20 et [HCO3 – ] < 20 mmol l–1 ), cepen- L’épuration extrarénale avec tampon bicarbonate reste le traite-
dant l’effet devenait positif sur la sous-population de patients ment le plus élégant de l’acidose métabolique en cas d’insuffisance
présentant une insuffisance rénale KDIGO (Kidney Disease Impro- rénale. Elle permet d’augmenter le pH plasmatique en aug-
ving Global Outcomes) 2-3 [52] . La moitié de la population étudiée mentant le SID par plusieurs mécanismes : épuration d’anions
dans cette étude était une population avec un sepsis sous-jacent organiques (sulfate, phosphate) et inorganiques, augmentation de
et l’analyse de ce sous-groupe ne montrait pas de différence signi- la concentration plasmatique de Na+ apporté par le BS des liquides
ficative en faveur de l’utilisation de bicarbonate, bien qu’une de dialyse ou hémofiltration [44, 65] .
tendance était observable. Ceci renforce le débat dans ce contexte.
Dans une étude rétrospective non contrôlée, El Sohl et al. [55] Autres moyens
ont montré que l’administration de BS (0,2 mmol kg–1 h–1 ) chez Le Carbicarb® est un mélange équimolaire de bicarbonate et de
72 patients en choc septique avec un pH inférieur à 7,3 diminuait carbonate de sodium qui réagit avec l’eau et le CO2 de la façon
le délai de sevrage ventilatoire et la durée d’hospitalisation en suivante : Na2 HCO3 – + H2 O + CO2 ⇔ 2HCO3 – + 2Na+ . Il produit
réanimation. Néanmoins, ce traitement n’apportait aucun béné- ainsi moins de CO2 que le BS. Cependant cet avantage par rapport
fice en termes de résolution de l’état de choc et de mortalité. La au BS n’est pas démontré ni expérimentalement, ni en clinique.
Surviving Sepsis Campaign ne recommande l’alcalinisation par BS Ce produit n’est pas commercialisé en France.
qu’en cas d’acidose sévère avec un pH inférieur à 7,15 ; pour les Le Tham® (Tris-hydroxymethyl-Aminomethane) est
chocs septiques avec pH inférieur ou égal à 7,15, le BS n’est pas aussi un tampon synthétique qui permet l’alcalinisation
recommandé [56] . D’autres auteurs ne préconisent l’alcalinisation avec une production moindre de CO2 selon la réaction :
par BS que pour des pH encore plus bas, inférieur à 7 [57] . Tham + H2 O + CO2 ⇔ HCO3 – + Tham-Na+ . Il a aussi l’avantage

12 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

théorique de traverser la membrane cellulaire facilement et donc de vasoconstriction et d’aggravation des effets shunts, en parti-
de se comporter comme un tampon intracellulaire. En revanche, culier au niveau de la circulation pulmonaire. Ces effets semblent
il peut produire des effets secondaires tels que vasodilatation, néanmoins transitoires après 6 à 8 heures d’alcalémie du fait d’une
hyperkaliémie, hypoglycémie et nécrose vasculaire. Comme le baisse du taux de 2-3 DPG érythrocytaire. Les variations électro-
Carbicarb® , sa supériorité sur le BS comme agent alcalinisant n’est lytiques plasmatiques dépendent essentiellement de la cause de
pas démontrée et l’expérience clinique de ce produit reste limitée. l’alcalose métabolique. L’hypochlorémie est constamment pré-
sente dans les alcaloses métaboliques à déplétion chlorée [2, 72] . Elle
est généralement associée à une déplétion du pool sodé avec ou
 Alcalose métabolique [1] sans hyponatrémie. L’hypokaliémie est fréquente, liée soit à une
pénétration intracellulaire de K+ , soit à des fuites urinaires [72–74] .
L’hypophosphorémie, l’hypomagnésémie et la baisse du calcium
Symptômes cliniques ionisé peuvent aussi se retrouver.
L’alcalose métabolique n’est symptomatique que lorsque celle-
ci est profonde (pH > 7,55). Les symptômes essentiellement Diagnostic étiologique
neurologiques sont le fait d’une modification du débit sanguin
cérébral et de la consommation cérébrale en (CMR) en glucose. La recherche étiologique repose essentiellement sur l’histoire,
Il peut s’agir de troubles du système nerveux central à type l’examen clinique et les données de l’ionogramme sanguin et uri-
d’apathie, de confusion, d’asthénie, de crises convulsives ou plus naire incluant chlorurèse qui est l’élément essentiel du diagnostic
rarement de véritable encéphalopathie avec coma surtout chez étiologique et le pH urinaire [1, 2, 75] . La démarche étiologique est
l’insuffisant hépatique [1, 66] . Parfois le tableau est celui d’une résumée sur la Figure 6. La physiopathologie de l’alcalose méta-
véritable psychose et pose des problèmes de diagnostic différen- bolique est plus complexe que celle de l’acidose métabolique [73]
tiel [67] . Les signes neuromusculaires sont attribués à une baisse (Annexe C). En effet, face à une élévation importante des bicar-
de concentration plasmatique en calcium ionisé et à une hypoka- bonates plasmatiques (quelle que soit son origine exogène ou
liémie. Ceci se traduit par une irritabilité neuromusculaire avec endogène), un rein normal est capable d’excréter de grandes quan-
crampes, tétanie, beaucoup plus rarement un signe de Trous- tités de bicarbonates, de sorte qu’une alcalose métabolique ne
seau ou de Chvostek. Cette alcalose métabolique est associée à devrait théoriquement pas pouvoir persister. L’apparition et la per-
une réponse respiratoire qui peut être responsable d’hypercapnie sistance d’une alcalose métabolique nécessite donc à la fois des
mais également d’hypoxie qui s’expliquerait à la fois par un effet mécanismes de développement et d’entretien du processus. Ainsi
Bohr et par une aggravation des anomalies du rapport ventila- contrairement aux autres TAB, l’alcalose métabolique peut per-
tion/perfusion. Cet effet est d’autant plus marqué qu’il existe sister alors même que les mécanismes qui l’ont initié ont disparu.
une insuffisance respiratoire chronique préexistante. L’association On distingue trois phases d’évolution [1, 66, 68, 73] : genèse, entretien,
de cette hypoxie avec l’hypophosphorémie, l’hypokaliémie et correction (Fig. 7).
la baisse du débit sanguin coronaire [66, 68] peut conduire à des
manifestations cardiovasculaires qui peuvent se manifester par Phase de genèse
une insuffisance cardiaque, une hypotension artérielle et surtout
des troubles du rythme et de conduction : fibrillation auricu- C’est la période pendant laquelle la cause première de l’alcalose
laire, fibrillation ventriculaire ou même torsades de pointes. Ces métabolique est seule présente. Classiquement les mécanismes
troubles sont généralement résistants aux traitements habituels d’apparition sont soit une perte de protons non volatils, soit une
et ne régressent qu’avec la normalisation du pH [66] . L’alcalose surcharge en bicarbonates. Selon le concept de Stewart, l’alcalose
serait aussi responsable d’une augmentation des arythmies chez métabolique peut être induite :
les patients traités par digitalique. • par une augmentation du SID, qui peut elle-même résulter
d’une baisse plus importante du chlore que du sodium (alca-
loses hypochlorémiques) ;
Signes biologiques • une augmentation de sodium (alcaloses normochlorémiques) ;
• une diminution des acides faibles. La mise en évidence récente
Dans tous les cas, l’alcalose métabolique se caractérise par une du rôle majeur des canaux ioniques rénaux dans le dévelop-
élévation du pH, des bicarbonates plasmatiques et de la PaCO2 qui pement et l’entretien des alcaloses métaboliques supportent les
correspond à la réponse respiratoire prévisible et tend à ramener nouveaux mécanismes physiopathologiques de ces troubles [73] .
le pH vers les valeurs normales [1, 2, 66] . La réponse ventilatoire est
cependant autolimitée par l’hypoxémie qu’elle induit. Le trouble
est pur si la réponse ventilatoire mesurée est proche de celle pré- Alcaloses métaboliques hypochlorémiques
visible, c’est-à-dire qu’une augmentation d’environ 1 mmol l–1
Il s’agit des alcaloses métaboliques à déplétion chlorée dites
de bicarbonates entraîne une augmentation d’environ 0,7 à
« chlorosensibles ». Ce sont les plus fréquemment observées en
0,8 mmHg de la PaCO2 (Tableau 4). Des alcaloses métaboliques
réanimation.
pures très sévères non mortelles ont été décrites avec des pH attei-
gnant 7,87, des bicarbonates plasmatiques à 87 mmol l–1 et une
PaCO2 à 76 mmHg [69] . Dans ces situations, l’hypercapnie limite
Alcaloses chlorosensibles d’origine digestive
l’augmentation du pH, mais pérennise l’excrétion rénale d’ions Des travaux anciens en ont fait le trouble le plus fréquent
H+ et donc la réabsorption d’ions bicarbonates. Le TA plasmatique avec une incidence de l’ordre de 50 à 60 % chez des patients en
est classiquement normal dans les alcaloses métaboliques pures, postopératoire de chirurgie digestive, en rapport avec des pertes
l’élévation des bicarbonates étant contrebalancée par la baisse du massives d’HCl du liquide gastrique [41, 73, 76] . L’évolution des pra-
chlore. Il peut néanmoins être élevé dans trois circonstances [70] : tiques dans ce domaine avec la réalimentation précoce explique
hyperlactatémie modérée secondaire à l’activation de la glyco- probablement une incidence actuelle bien moindre de ce trouble
lyse (stimulation de la phosphofructokinase par l’alcalose) [71] ; dans cette population. La perte de chlore toujours objectivée par
association à une acidose métabolique ou excès d’alcalinisation une hypochlorémie augmente le SID et donc le pH et les bicar-
d’une acidose métabolique sévère ; augmentation de la charge bonates plasmatiques. Les pertes en Na+ et K+ sont généralement
négative de l’albumine secondaire à l’alcalémie et la contraction faibles car leur concentration dans le liquide gastrique est faible.
volémique. L’hypokaliémie, souvent associée à cette phase, résulte des pertes
L’hypoxie tissulaire est corrélée à l’hypoventilation alvéolaire. urinaires de K+ dues aux pertes obligatoires avec les ions bicar-
Son mécanisme n’est pas univoque. Le premier facteur en cause bonates dans les urines et à un éventuel hyperaldostéronisme
est la déviation vers la gauche de la courbe de dissociation secondaire en cas d’hypovolémie efficace associée. Au niveau des
de l’hémoglobine (effet Bohr), c’est-à-dire une augmentation urines, la natriurèse et la kaliurèse sont élevées (> 20 mmol l–1 ), la
de l’affinité de l’hémoglobine pour l’O2 induite par l’alcalose. chlorurèse nulle (< 10 mmol l–1 ) ; il existe une bicarbonaturie et
L’apport d’O2 aux tissus est également altéré par des phénomènes un pH supérieur à 6. La déplétion chlorée entraîne une excrétion

EMC - Anesthésie-Réanimation 13
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

Interrogatoire
Vomissements, aspiration gastrique,
diurétiques

Alcaloses par
Pas d'HTA HTA
hypoalbuminémie

Chlorémie

Basse Normale > 10–20 mmol l–1

Alcaloses chlorosensibles Alcaloses chlororésistantes

Chlorurèse basse Chlorurèse normale ou élevée


< 10–20 mmol l–1 > 10–20 mmol l–1

Pertes rénales : diurétiques Réninémie


Pertes extrarénales : chlorurétiques, syndrome de
vomissements, Bartter et Gitelman,
aspiration gastrique, régime pauvre en chlore
chloridorrhée, + apport d'alcalins et
adénome villeux, insuffisance rénale Basse Élevée ou normale
fistule iléale, fibrose Déplétion potassique
cystique sévère
Aldostéronémie élevée : Aldostéronémie basse : HTA
Aldostéronémie
hyperaldostéronismes rénovasculaire, HTA maligne,
élevée :
primaires, tumeur à syndrome de Liddle, déficit
GRA,
rénine, hyperplasie en 11ß-hydroxystéroïde
syndrome de
surrénalienne déshydrogénase, intoxication
Cushing
congénitale à la réglisse

Figure 6. Arbre décisionnel. Conduite diagnostique étiologique face à une alcalose métabolique. La présence d’une hypertension artérielle (HTA) et la
chlorurèse sont les éléments indispensables, permettant de distinguer les alcaloses métaboliques chlorosensibles caractérisées par une hypochlorémie, des
alcaloses métaboliques chlororésistantes caractérisées par une chlorémie normale. GRA : glucocorticoid remediable aldosteronism.

45 Figure 7. Évolution en fonction du temps du taux de HCO3 –


et Cl– dans le cadre d’une alcalose métabolique. On définit
trois temps : une phase de genèse secondaire à un facteur
HCO3– 35 déclenchant (aspiration gastrique, diurétiques, etc.) condui-
mmol l–1 sant à une diminution du Cl– et à une augmentation du taux
de HCO3 – . Cette phase est suivie par une phase d’entretien,
Genèse Entretien ou le taux de chlore reste bas et le taux de bicarbonate élevé
25
indépendamment du facteur déclenchant. La troisième phase
Aspiration gastrique
120 (non représentée) correspond à la phase de correction où l’on
Diurétiques observe une réascension progressive du taux de Cl– et une
diminution du taux de HCO3 – , témoins de la résolution de
CI– 100 l’alcalose.
mmol l–1

80
1 2 3 4 5 6 7 8 jours

de bicarbonates par le tube contourné distal dès la 90e minute sui- [41]
Alcaloses chlorosensibles d’origine rénale
vant la déplétion chlorée [77] . L’adénome villeux est responsable Elles sont en rapport avec une perte de chlore dans les
dans 15 à 20 % des cas d’une alcalose métabolique en rapport avec urines, le plus souvent d’origine iatrogène en rapport avec
des pertes chlorées considérables. La diarrhée chlorée congénitale l’administration de diurétiques chlorurétiques tels que furosémide
est une maladie autosomale récessive caractérisée par un défaut (Lasilix® ), bumétanide (Burinex® ) et thiazidiques (Esidrex® ) [73, 78] .
d’échange chlorure/bicarbonate normalement présent au niveau Ainsi le furosémide peut générer une alcalose métabolique chez
des membranes apicales de l’épithélium colique et iléal. l’homme en deux jours. Les urines sont alors riches en Na+ ,

14 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

K+ et Cl– (> 20 mmol l–1 ), mais pauvres en bicarbonates avec ◦ les syndromes adrénogénitaux (déficit en 11␤-hydroxylase
un pH inférieur à 6. Une autre cause est l’alcalose métabolique ou en 17-␣-hydroxylase) ;
post-hypercapnique. Elle s’observe chez l’insuffisant respiratoire • une déplétion potassique sévère (plus qu’une hypokaliémie)
chronique chez qui l’on corrige brutalement une acidose respi- peut générer et maintenir une alcalose métabolique à elle seule ;
ratoire (ventilation mécanique). L’acidose respiratoire induit en • une augmentation de la charge négative dans la lumière
quelques heures une déplétion chlorée par excrétion urinaire tubulaire en rapport avec une surcharge en anions non réab-
de chlore, associée à une réabsorption de bicarbonates : c’est la sorbables ;
réponse rénale au trouble respiratoire chronique. Quand la PaCO2 • une tubulopathie congénitale de découverte tardive comme le
baisse brutalement, la réabsorption de bicarbonates persiste tant syndrome de Bartter et le syndrome de Gitelman [82] .
que la déplétion chlorée n’est pas corrigée [66, 73] . L’alcalose méta-
bolique est aggravée chez ces patients par l’administration de
diurétiques qui augmentent la déplétion chlorée et peut engen- Alcaloses par hypoalbuminémie
drer une déplétion potassique, facteur supplémentaire d’entretien Leur fréquence en réanimation est élevée, variant de 50 à
de l’alcalose métabolique. 95 % [1, 23, 69] . L’approche de Stewart permet de comprendre cette
alcalose par diminution de la charge acide induite par l’albumine.
L’impact de cette alcalose en termes pronostique n’est pas connu.
Alcaloses chlorosensibles par surcharge en sodium
En revanche, il est important d’en faire le diagnostic car l’alcalose
Elles sont d’origine iatrogène en rapport avec un apport exo- métabolique peut facilement masquer une acidose métabolique
gène de solutés riches en sodium et en anions métabolisables associée avec un pH et un TA souvent normaux ou peu perturbés.
tels que bicarbonates (BS), lactate (Ringer-Lactate), citrate ou acé-
tate [45, 79–81] . L’élévation du SID en rapport avec l’augmentation
de sodium et la disparition des anions métabolisables, est respon- Phase d’entretien
sable de l’alcalose métabolique. Le développement des techniques
La phase d’entretien d’une alcalose métabolique est toujours
d’anticoagulation par citrate en épuration extrarénale continue a
d’origine rénale, due à une réabsorption tubulaire des bicar-
conduit à un accroissement du nombre d’alcaloses métaboliques
bonates associée à une excrétion de cations forts : c’est ce
chez ces patients. Une incidence de plus de 50 % a été rapportée,
que l’on appelle « l’acidurie paradoxale ». Ce phénomène est
mais ces chiffres diminuent au cours du temps et avec la maî-
caractéristique de la phase d’entretien et explique que l’alcalose
trise de la technique pour rejoindre les 5 % [45] . L’incidence la
métabolique peut perdurer malgré la disparition du facteur ini-
plus importante a été rapportée lors d’utilisation de citrate à forte
tial responsable de l’apparition du trouble. Dans les alcaloses
concentration. Les études plus récentes montrent une incidence
métaboliques avec déplétion chlorée, cette acidurie paradoxale
faible en raison de l’asservissement de l’administration de citrate
est considérée par certains non pas comme une réponse « inadap-
au débit sanguin, de l’utilisation de faibles concentrations et d’une
tée », mais bien au contraire comme « adaptée ». En effet, malgré
surveillance mieux codifiée. De manière plus anecdotique dans le
l’alcalose métabolique, une excrétion rénale de bicarbonates
syndrome des buveurs de lait, l’alcalose métabolique est multi-
s’accompagnerait obligatoirement d’une perte équimolaire de Na+
factorielle : vomissements, hypercalcémie, baisse de la filtration
et de K+ pour maintenir l’électroneutralité. Ceci pourrait induire
glomérulaire en rapport avec l’insuffisance rénale toujours pré-
une contraction du volume extracellulaire et une hypokaliémie
sente, absorption de bicarbonates (sous forme de bicarbonates de
sévère. Ainsi, l’acidurie paradoxale des alcaloses métaboliques
calcium). À l’hypercalcémie s’associe une hyperphosphorémie et chlorosensibles devrait être considérée plutôt comme une réponse
une hypermagnésémie. Les alcaloses dites de « contraction » font rénale attendue, témoin d’un mécanisme de prévention d’une
partie de ces alcaloses secondaires à une élévation du SID par aug- hypovolémie et d’une hypokaliémie.
mentation plus importante du sodium que du chlore, comme on Plusieurs facteurs peuvent être responsables du maintien d’une
l’observe en cas de déshydratation intracellulaire avec hyperna- alcalose métabolique, à part entière ou en association [73] . Leur
trémie. mécanisme d’action est l’augmentation de réabsorption rénale
des bicarbonates. Parmi ces facteurs, les plus importants sont la
baisse de la filtration glomérulaire secondaire à l’hypovolémie
Alcaloses normochlorémiques ou à une insuffisance rénale, l’hypokaliémie, l’hypochlorémie et
ou chlororésistantes l’hyperaldostéronisme.

Il s’agit des alcaloses métaboliques à pool chloré conservé dites


alcaloses métaboliques « cholororésistantes ». Plus rares que les Phase de correction
chlorosensibles, ces alcaloses sont dues à une rétention rénale de Dans les alcaloses métaboliques chlorosensibles, la correction
sodium responsable d’une augmentation du SID. L’élimination apparaîtra avec la normalisation du pool chloré : la chloré-
urinaire concomitante de potassium favorise en plus l’excrétion mie remonte, alors que les bicarbonates plasmatiques diminuent
rénale de chlore au niveau du tubule distal, ce qui pérenise pour se normaliser (évolution en miroir), de sorte que le pH se
l’alcalose. Le tableau biologique se caractérise par une alcalose normalise ; la bicarbonaturie réapparaît et donc le pH urinaire
métabolique normo- ou discrètement hypochlorémique et hypo- redevient supérieur à 6. Cette élévation du pH urinaire après la
kaliémique. Ce phénomène peut être initié par : phase d’acidurie paradoxale témoigne de la correction des facteurs
• un excès primitif ou secondaire de minéralocorticoïdes qui peut d’entretien de l’alcalose. Ainsi, le pH urinaire est le marqueur pra-
être en rapport avec : tique de surveillance de l’efficacité du traitement. La correction
◦ un hyperaldostéronisme primaire ou syndrome de Conn par des alcaloses métaboliques chlororésistantes repose avant tout sur
adénome ou carcinome de la surrénale ou par hyperplasie sur- la normalisation du pool potassique et des concentrations plasma-
rénalienne [1, 73] . L’aldostérone plasmatique est élevée, mais la tiques des minéralocorticoïdes.
réninémie est basse,
◦ un syndrome de Cushing (adénome, carcinome ou hyper-
plasie surrénalienne) qui se caractérise par un taux de
cortisolémie élevé,
 Traitement
◦ un hyperaldostéronisme secondaire. Ce syndrome se ren-
contre au cours des hypertensions artérielles malignes par
Principes du traitement
sténose de l’artère rénale ou sur tumeur sécrétant de la rénine Le traitement des alcaloses métaboliques repose sur la correc-
(réninémie élevée), des pseudohyperaldostéronismes secon- tion à la fois des causes du désordre primitif et de ses mécanismes
daires à l’absorption en grande quantité de réglisse (acide d’entretien. La seule correction de la cause est insuffisante si l’on
glycyrrhinique), et plus rarement dans le syndrome de Liddle ne traite pas les facteurs d’entretien du trouble [68, 73] . La cor-
(anomalie des transports ioniques tubulaires), rection des alcaloses métaboliques chlorosensibles passe par la

EMC - Anesthésie-Réanimation 15
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

restauration du pool chloré. La nécessité absolue d’apporter en sont celles à 0,15 ou 0,2 molaire. Au contact du plasma, l’acide
association avec le chlore du Na (NaCl) et/ou du K (KCl) est encore chlorhydrique se transforme : HCl + HCO3 – ↔ CO2 + H2 O + Cl– .
débattue [72, 73] . Les concepts physiopathologiques modernes de L’eau ainsi formée diffuse de manière homogène dans tous les
l’alcalose métabolique montrent qu’il est sûrement inexact de ne secteurs sans risque de surcharge intra- ou extracellulaire. Ainsi,
raisonner que sur les anomalies du secteur extracellulaire (SEC), contrairement aux autres agents acidifiants, il est intéressant
sans tenir compte des modifications concomitantes du secteur et peut être utilisé en toute sécurité chez l’insuffisant rénal
intracellulaire. Il devient donc illusoire de vouloir séparer les varia- et hépatique ou même dans les états œdémateux où l’apport
tions de chlore de celles du sodium et du potassium [83, 84] . Ainsi, de NaCl est contre-indiqué. Son utilisation pratique nécessite
l’apport de NaCl dans les alcaloses métaboliques chlorosensibles un abord par voie veineuse centrale (toxicité directe de l’HCl).
est un traitement indispensable à la fois pour corriger la déplétion Dans tous les cas, le débit de perfusion ne doit pas excéder
chlorée et l’hypovolémie efficace. Cependant, son administration 0,2 mmol kg–1 par heure avec des doses de 100 à 300 mmol
exclusive semble insuffisante et les travaux récents suggèrent de par jour [85] . La durée de la perfusion est généralement de
plus en plus l’association systématique de KCl, car le seul apport de 24 à 48 heures et nécessite un contrôle biologique (gaz du
NaCl peut corriger l’hyperbicarbonatémie, mais ne peut en aucun sang, ionogramme) toutes les six heures. L’HCl peut provoquer
cas corriger l’hypokaliémie et l’acidose intracellulaire toujours une phlébite sclérotique des veines (mauvais positionnement
associées. Le traitement des alcaloses métaboliques chlororésis- ou détérioration du cathéter dont la fréquence est largement
tantes repose essentiellement sur l’apport de KCl nécessaire au atténuée par l’utilisation de solutions faiblement concen-
rétablissement de la déplétion potassique. trées [0,1 molaire] ou mélangées à des lipides ou des acides
aminés).

Moyens thérapeutiques Acétazolamide (Diamox® )


Chlorures C’est un diurétique inhibiteur de l’anhydrase carbonique. Il
Le NaCl permet de corriger la déplétion chlorée, de restaurer agit donc en inhibant la réabsorption des bicarbonates, respon-
le volume extracellulaire et d’améliorer la filtration glomérulaire. sable d’une bicarbonaturie, mais aussi d’une perte urinaire de Na,
Administré par voie orale ou plutôt par voie veineuse, le choix d’eau et de potassium qui peut aggraver une déplétion préexis-
porte habituellement sur le NaCl isotonique (0,9 %). La perfusion tante. Il est donc inefficace chez les patients hypovolémiques. Il
de petits volumes de NaCl hypertonique (3,6 ou 7,2 %) a été pro- peut en revanche être utile chez les patients œdémateux avec flux
posée et semble aussi efficace que le traitement classique et sans glomérulaire normal. Il est contre-indiqué chez l’insuffisant hépa-
danger. Le KCl permet de corriger la déplétion potassique. Ce défi- tique et rénal. Son indication de choix est l’alcalose métabolique
cit varie de 200 à 500 mmol pour une bicarbonatémie comprise post-hypercapnique. La posologie requise reste controversée : de
entre 30 et 40 mmol l–1 et de 600 à 1000 mmol pour une bicarbo- façon courante 250 à 500 mg × 3 à 4 par jour ou une seule admi-
natémie comprise entre 40 et 50 mmol l–1 . La kaliurèse n’est pas nistration dont les effets seraient équivalents [86] . L’efficacité de
un bon reflet du pool potassique. Elle est généralement élevée en l’acétazolamide chez l’insuffisant respiratoire chronique en venti-
cas d’alcalose métabolique persistante ou insuffisamment traitée lation spontanée est bien démontrée, permettant de diminuer la
et ne traduit pas obligatoirement une restauration du pool potas- PaCO2 et la bicarbonatémie. En revanche, chez le patient ventilé,
sique. L’administration de KCl ne doit pas dépasser 40 mmol h–1 l’intérêt de l’acétazolamide reste controversé : pour certains aucun
et nécessite un monitorage étroit de l’ECG et de la kaliémie. effet sur la PaCO2 ni sur la durée de sevrage ventilatoire [87] , pour
d’autres baisse des bicarbonates à condition d’utiliser des doses
plus importantes de 500 mg plusieurs fois par jour [88] .
Agents acidifiants
L’administration par voie veineuse d’un acide ou d’un sel de
cation métabolisable permet, par la charge d’ions H+ qu’elle
Épuration extrarénale
induit, une baisse rapide du pH sanguin. Le volume de distri- C’est un moyen de traitement efficace des alcaloses métabo-
bution des bicarbonates dans l’organisme est évalué à environ liques, surtout quand la fonction rénale est altérée [89] . Différentes
50 % du poids corporel. Il est donc possible d’évaluer la quan- techniques peuvent être utilisées : la dialyse péritonéale, mais
tité d’H+ nécessaire pour corriger l’alcalose métabolique à partir surtout l’hémodialyse ou l’hémofiltration continue. Quelle que
de la formule : quantité d’H+ (mmol l–1 ) = (bicarbonates mesu- soit la technique choisie (hémodialyse intermittente ou hémo-
rés × 25) × poids (kg) × 0,5. Il est cependant important de filtration continue), le principe de base est d’utiliser des bains
souligner que cette estimation reste imprécise puisque le volume contenant peu ou pas de bicarbonates ou, mieux, des bains de
de distribution peut varier de 20 à 60 % du poids corporel. dialyse acides.
Ce moyen thérapeutique ne doit être réservé qu’aux alcaloses
métaboliques menaçant le pronostic vital (pH ≥ 7,55) ou symp-
tomatiques (troubles du rythme, coma), lorsque l’on ne peut pas Traitement en fonction de la cause
traiter autrement les facteurs en cause (états œdémateux, insuffi-
sances rénales ou respiratoires). Dans tous les cas, il est inutile Alcaloses métaboliques par pertes digestives hautes : le trai-
et même dangereux de normaliser trop rapidement le taux de tement symptomatique repose avant tout sur l’administration
bicarbonates au risque de créer une acidose mixte, du fait de la simultanée de chlore et de potassium sous forme de NaCl et KCl
normalisation plus lente du pH du liquide cérébrospinal (LCS) par pour rétablir les pools chloré, potassique et la volémie. La preuve
rapport à celui du sang. Plusieurs agents sont proposés, chacun de la correction du trouble est apportée par la disparition de
ayant des avantages et des inconvénients : l’acidurie paradoxale dont témoigne l’élévation du pH urinaire
• chlorydrates d’ammonium, d’arginine et de lysine : ils sont (> 6).
métabolisés en urée et sont donc contre-indiqués en cas Alcaloses métaboliques par pertes rénales : lorsqu’elles sont
d’insuffisance hépatique ou rénale préexistante. Le chlor- secondaires à la prise de diurétiques de l’anse (furosémide), le
hydrate d’ammonium peut induire une encéphalopathie ; traitement préventif passe par la prescription systématique d’un
son administration nécessite une voie veineuse centrale. Le diurétique épargneur de potassium (spironolactone, amiloride).
chlorhydrate d’arginine peut être administré par voie vei- Le traitement curatif repose sur l’apport de KCl qu’il s’agisse d’une
neuse périphérique, mais comme le cation arginine déplace cause iatrogène par diurétique ou d’une maladie héréditaire due
le K intracellulaire indépendamment des variations du pH, à des mutations génétiques des cotransporteurs Na/Cl (syndrome
il peut entraîner des hyperkaliémies graves surtout en cas de Bartter et de Gitelman).
d’insuffisance rénale. Le chlorhydrate de lysine peut être admi- Alcaloses métaboliques par hyperminéralocorticisme : le traite-
nistré par voie orale ; ment est avant tout curatif et étiologique : ablation d’une tumeur
• acide chlorhydrique : il doit être préparé par la pharmacie des des surrénales, antagonistes type anti-aldostérone dans les hyper-
hôpitaux. Les concentrations des solutions les plus utilisées aldostéronismes primaires.

16 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

Tableau 6.
Principales causes des acidoses et alcaloses respiratoires.
Acidoses respiratoires aiguës Acidoses respiratoires chroniques
Obstruction des voies aériennes
Inhalation, laryngospasme, bronchospasme sévère, obstacle des voies aériennes supérieures Bronchopneumopathie chronique
obstructive (BPCO)
Dépression des centres respiratoires
Anesthésie générale, sédatifs, traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral Surdosage chronique en sédatifs, syndrome
de Pickwick, tumeur cérébrale
Défaillances cardiovasculaires
Arrêt cardiaque, œdème pulmonaire grave
Déficits neuromusculaires
Botulisme, tétanos, hypokaliémie, syndrome de Guillain-Barré, crise de myasthénie, toxiques Poliomyélite, sclérose latérale
(curares, organophosphorés) amyotrophique, sclérose en plaques,
myopathies, paralysie diaphragmatique,
myxœdème
Atteintes thoracopulmonaires
Pneumothorax, hémothorax, pneumonie sévère, syndrome de détresse respiratoire aiguë Cyphoscoliose, fibrose pulmonaire, obésité,
hydrothorax, ascite, altération de la
fonction diaphragmatique
Ventilation artificielle
Hypoventilation accidentelle, hypercapnie permissive
Alcaloses respiratoires
Hyperventilation alvéolaire d’origine centrale
Volontaire : anxiété, douleur
Involontaire : neurologique (traumatisme crânien, encéphalopathies, méningite, tumeur
cérébrale, accident vasculaire cérébral), toxique (salicylés, aminophylline, catécholamines),
fièvre, encéphalopathies métaboliques, grossesse
Hyperventilation alvéolaire par hypoxie tissulaire
Baisse de la fraction inspirée en oxygène, intoxication au monoxyde de carbone, anémie
intense, insuffisance circulatoire, shunt droit-gauche, trouble du rapport
ventilation/perfusion, fibrose pulmonaire
Autres
Hémodialyse, ventilation mécanique trop importante

 Troubles acidobasiques monaire n’entraîne une acidose respiratoire aiguë qu’à un stade
très évolué. En peranesthésie, une acidose respiratoire est possible
respiratoires purs lors d’une ventilation/minute insuffisante, d’une obstruction des
voies aériennes, d’un pneumothorax ou d’une anomalie dans le
Acidose respiratoire circuit machine. Une mention particulière doit être faite pour
[1] l’hypercapnie permissive observée et respectée lors de la prise en
Interrogatoire - Signes cliniques charge de certains syndromes de détresse respiratoire aiguë de
L’hypercapnie aiguë entraîne une hypertension artérielle péri- l’adulte (SDRA), et qui n’entraîne pas d’effet délétère tant qu’elle
phérique avec augmentation du débit cardiaque et du débit ne dépasse pas un niveau de PaCO2 de 60 mmHg.
sanguin cérébral. L’acidose respiratoire aiguë s’accompagne d’une Acidoses respiratoires chroniques : elles se voient essentiel-
hypersécrétion de catécholamines, de glucocorticoïdes, de rénine, lement chez les patients porteurs de maladies pulmonaires
d’aldostérone et d’ADH plasmatiques avec rétention hydrosodée. obstructives ou plus rarement restrictives (Tableau 6). En pratique,
Plus l’hypercapnie est d’installation rapide, plus les signes neu- il est parfois difficile de faire la part entre acidose respiratoire aiguë
rologiques centraux sont importants : nausées, vomissements, ou chronique. Seule l’histoire clinique permet d’avancer dans le
céphalées, flapping tremor, voire astérixis, agitation, confusion, diagnostic.
obnubilation, coma, crises comitiales. L’hypercapnie chronique s’accompagne des signes de cœur pul-
monaire chronique avec hypertension artérielle pulmonaire. Les
Signes biologiques [1, 2] troubles du rythme ventriculaires et supraventriculaires sont plus
liés à l’hypoxie et aux troubles ioniques associés qu’à une myocar-
L’hypercapnie est responsable de la baisse du pH. La réponse diopathie. Sauf aggravation aiguë, l’acidose respiratoire chronique
métabolique est variable en fonction du caractère aigu ou chro- entraîne peu de troubles neurologiques centraux.
nique de cette hypercapnie (Tableau 4). L’hypoxémie est en
rapport avec l’hypoventilation alvéolaire. Dans l’acidose respira-
toire aiguë, il n’existe pas de modification des concentrations en Traitement
Na+ , K+ et du TA, sauf en cas de trouble surajouté en particulier une
acidose métabolique. Dans l’acidose respiratoire chronique, les Les conséquences de l’acidose respiratoire aiguë restent débat-
concentrations de Na+ , K+ et le TA sont normaux : l’augmentation tues, en particulier lors de l’hypercapnie permissive : diminution
de HCO3 – est contrebalancée par une baisse identique de Cl– de la contractilité diaphragmatique [90] , aggravation ou dimi-
(HCO3 – = Cl– ). nution des lésions pulmonaires [91, 92] , diminution des lésions
d’infarcissement myocardique [38] , effet anti-inflammatoire, anti-
[1, 2] oxydant [92] . Au cours du sepsis, il semble que l’impact de l’acidose
Diagnostic étiologique hypercapnique dépende du site infectieux et du temps d’évolution
Acidoses respiratoires aiguës : les causes les plus souvent du sepsis (effet protecteur sur les pneumopathies en phase précoce
rencontrées en anesthésie-réanimation sont la décompensation et effet aggravant sur les pneumopathies d’évolution prolon-
d’une atteinte pulmonaire antérieure, une obstruction des voies gées) [92] . Le traitement des acidoses respiratoires passe avant tout
aériennes ou un bronchospasme sévère (Tableau 6). L’œdème pul- par un traitement étiologique de l’hypoventilation alvéolaire :

EMC - Anesthésie-Réanimation 17
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

désobstruction, drainage, élimination de substances dépressives. Traitement


La correction de l’hypercapnie aiguë doit se faire avec précaution
de façon non brutale pour éviter le collapsus de reventilation. Les Il est rare qu’une alcalose respiratoire nécessite un traitement.
acidoses respiratoires aiguës ne justifient pas d’un apport exogène L’utilisation de dépresseurs respiratoires doit rester exception-
de BS surtout si la ventilation et/ou la circulation sont compro- nelle. L’augmentation de l’espace mort ou la diminution de la
mises. Dans ce cas, le BS n’aboutirait qu’à l’aggravation de la ventilation/minute chez les patients intubés et ventilés restent les
production et l’accumulation de CO2 dans les tissus et dans le moyens thérapeutiques essentiels. Chez les patients en ventila-
sang. Néanmoins, certaines études rapportent que l’apport de tion spontanée, il faut s’assurer avant tout qu’il ne s’agit pas d’une
BS au cours de l’acidose par hypercapnie permissive diminue hypocapnie symptomatique d’une hypoxémie dont le traitement
les lésions alvéolaires et améliore les circulations systémiques et passe alors par l’oxygénothérapie.
régionales. En pratique, le seuil généralement toléré d’acidose par
hypercapnie permissive est de 7,15 à 7,20, pH en deçà duquel
l’apport de BS pourrait se justifier. L’acidose respiratoire chro-
nique ne se traduit généralement pas par une acidose sévère du  Troubles acidobasiques mixtes
fait de la réponse rénale qui conduit à augmenter le bicarbonate et complexes
plasmatique (alcalose métabolique). L’administration de BS dans
ce contexte n’est pas justifiée. En cas de ventilation artificielle, Il s’agit d’anomalies où coexistent deux, voire trois TAB. Leur
l’acétazolamide peut faciliter la baisse des bicarbonates plasma- diagnostic est important du fait de leur fréquence chez les patients
tiques et le sevrage ventilatoire. hospitalisés et de leur gravité potentielle lorsque les effets sur le
pH s’additionnent [1, 2] . De plus, leur analyse fournit une aide
précieuse au diagnostic étiologique et conditionne certaines théra-
 Alcalose respiratoire peutiques. Ils doivent être évoqués lors de pathologies complexes
comme chez les patients de réanimation et devant certaines don-
Interrogatoire - Signes cliniques [1, 2] nées biologiques :
• divergence nette entre les valeurs mesurées et prévisibles qui
L’alcalose respiratoire aiguë peut se manifester par des signes témoignent de l’association d’un TAB métabolique et respira-
neurologiques à type de céphalées, confusion mentale, voire crises toire ;
comitiales. Elles sont en rapport avec une baisse du débit san- • en cas de troubles aigus, quelle que soit la valeur du pH, si
guin cérébral (une PaCO2 comprise entre 2 et 2,7 kPa entraîne les valeurs mesurées dépassent les capacités de compensation :
une baisse du débit sanguin cérébral de 45 %). Il existe donc HCO3 – en dessous de 15 mmol l–1 signe toujours une acidose
une baisse des pressions intracrânienne et intraoculaire. D’autres métabolique ; HCO3 – au-dessus de 32 mmol l–1 signe toujours
manifestations neurologiques sont possibles (fourmillements des une alcalose métabolique ; PaCO2 au-dessus de 50 mmHg signe
extrémités, signe de Chvostek) en rapport avec les perturba- toujours une acidose respiratoire ;
tions biologiques associées : baisse de la fraction ionisée du • l’association d’un pH normal avec des valeurs de bicarbonaté-
calcium, hypophosphorémie. Chez les patients sous anesthésie mie et de PaCO2 normales, car les mécanismes de compensation
générale et en ventilation artificielle, l’hypocapnie aiguë entraîne ne normalisent jamais totalement un pH ;
une baisse du débit cardiaque et de la pression artérielle systé- • l’association acidose et alcalose métabolique doit être évoqué
mique, malgré une augmentation des résistances périphériques. devant la présence d’une hyperlactatémie avec hypochlorémie
Plusieurs mécanismes seraient responsables de ces signes car- ou hypoalbuminémie. Dans ces cas, le pH et les bicarbonates
diovasculaires : augmentation des pressions intrathoraciques, sont peu perturbés.
inhibition de la tachycardie réflexe en réponse à l’hypocapnie, C’est ainsi que dans des cas complexes et particulièrement dans
baisse du débit coronarien et de la délivrance d’oxygène au le domaine de la réanimation le concept de Stewart s’est imposé
myocarde. comme la technique de référence d’interprétation d’un TAB au
L’alcalose respiratoire chronique est le plus souvent asympto- lit du malade. Son interprétation prenant en compte l’ensemble
matique, les perturbations initiales rentrant progressivement dans des paramètres acides et basiques du plasma permet de rétablir un
l’ordre au bout de quelques jours à quelques semaines. diagnostic dans plus de 30 % des cas par rapport à une analyse
traditionnelle du TAB. Une des raisons principales est probable-
ment la présence quasi systématique d’une hypoalbuminémie
Signes biologiques chez les patients les plus graves conduisant à la présence d’une
alcalose métabolique associée qui n’est pas toujours décrite par
À la baisse de la PaCO2 , responsable d’une augmentation du pH, l’approche traditionnelle si on ne tient pas compte de facteurs
s’associe une diminution des bicarbonates d’intensité variable. correctifs (TA corrigé). Même si l’on tient compte de ces ajuste-
Approximativement, dans les alcaloses respiratoires aiguës, toute ments lors de l’approche traditionnelle, il semble que l’approche
diminution de la PaCO2 de 10 mmHg entraîne une diminution de électrochimique permette de détecter au mieux les TAB lorsqu’ils
bicarbonates de 2 mmol l–1 (Tableau 4). La chlorémie est élevée, sont complexes [5, 93] .
la kaliémie est normale ou le plus souvent diminuée, de même
que la fraction ionisée du calcium. Enfin, une hypophosphoré-
mie est décrite lors d’alcaloses respiratoires majeures par transfert
de phosphates inorganiques vers les cellules. Cette hypophospho-  Conclusion
rémie serait asymptomatique et ne nécessiterait pas de traitement.
Une augmentation de lactatémie est classique, responsable d’une De nombreux concepts physiologiques et physiopatholo-
faible augmentation du trou anionique plasmatique. À la phase giques qui semblaient acquis sont largement remis en question
initiale de la constitution de l’hypocapnie, le pH urinaire est le et ouvrent de nouveaux horizons diagnostiques et thérapeu-
plus souvent supérieur à 7. Dans l’hypocapnie en phase stable, le tiques pour les troubles acidobasiques. Bien que reposant sur
pH urinaire est en général inférieur ou égal à 6. des notions physiopathologiques inexactes, l’approche classique
d’Henderson–Hasselbalch permet le plus souvent le diagnostic
des troubles acidobasiques et reste donc toujours la plus utilisée.
Diagnostic étiologique Néanmoins, le concept de Stewart permet une compréhension
plus précise de ces troubles. Son application en pratique courante,
En anesthésie-réanimation, les causes les plus fréquentes même si elle apparaît plus compliquée, mérite d’être développée
d’alcaloses respiratoires sont l’hyperventilation iatrogène (res- de façon à ne pas méconnaître certains diagnostics et à adapter
pirateur mal réglé) en particulier peropératoire, l’hypoxie et les thérapeutiques les plus appropriées surtout chez les patients
les œdèmes cérébraux (post-traumatiques, encéphalopathies) de réanimation ou en périopératoire qui présentent des troubles
(Tableau 6). complexes.

18 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens deux cotransporteurs sodium/chlore est altérée en cas de déplé-
d’intérêts en relation avec cet article. tion potassique. Le cotransporteur Pendrin est un échangeur Cl–
(réabsorption)/HCO3 – (excrétion) localisé sur la membrane api-
cale du tube collecteur [100] . Il est stimulé par la déplétion chlorée
 Annexe A. Définitions et l’hyperminéralocorticisme. Le canal sodium épithélial (ENaC)
situé dans la membrane apicale des cellules principales du tube
d’un acide et d’une base collecteur est responsable d’une réabsorption de sodium [101–103] .
L’élévation du gradient électrochimique qui résulte de l’activation
Les définitions d’un acide (base) varient selon le contexte : en de ce cotransporteur, favorise l’excrétion rénale concomitante de
cuisine, un acide définit un goût ; pour un chimiste, l’acide est lié K+ et H+ , ce qui pérennise l’alcalose et l’hypokaliémie. Son activité
à des mouvements d’électrons, alors que le physiologiste prend est stimulée directement par l’aldostérone et indirectement par
en compte la production de protons H+ [94–96] . En 1887, Arrhenius l’augmentation du débit urinaire, de la quantité de sodium dans
définit un acide comme une substance qui produit des ions H+ le tubule et de l’alcalose. L’activation de ENaC stimule indirecte-
en se dissolvant dans l’eau. Une base est au contraire une sub- ment deux transporteurs pour rétablir le gradient électrochimique
stance qui se dissocie dans l’eau en donnant des ions hydroxyls tubulaire :
OH– . Applicable que pour les solutions aqueuses, cette définition • le canal épithélial potassique « renal outer medullary potas-
exclut les acides (ou alcalins) non aqueux tels que le CO2 . Plus sium » ou ROMK, présent au niveau de l’anse de Henlé et du
tard, Bronsted et Lowry définissent une substance acide comme tube collecteur, induit une excrétion rénale de K+ ;
étant une substance donneuse de protons et inversement. En se • la pompe H+ -ATPase du tube collecteur entraîne une excrétion
dissociant dans une solution, un acide HA va produire un H+ rénale d’H+ . Enfin, la pompe excrétrice H+ /K+ -ATPase est stimu-
et son anion A– conjugué. Lewis apporte une vision totalement lée par la déplétion potassique.
chimique, permettant d’inclure le CO2 , en définissant un acide Il existe des données expérimentales qui montrent clairement
comme un accepteur d’électrons et inversement pour une base. que la pérennisation de l’alcalose métabolique, quelle que soit
Ces définitions sont adaptées au plasma qui est capable à partir sa cause, se produit principalement au niveau distal du néphron,
de l’eau plasmatique de générer des protons et des hydroxyls selon lieu où se localisent tous ces transporteurs. En résumé, l’inhibition
la réaction : H2 O ↔ H+ + OH– , mais aucune d’entre elles ne donne des cotransporteurs Na+ /K+ /2Cl– , Na+ /Cl– , Cl– /HCO3 – de l’anse de
une vision physiologique. C’est Van Slyke qui souligne le rôle des Henlé et l’activation de ENaC du tube collecteur stimulent in fine
électrolytes dans l’équilibre du pH [97] : un acide est un donneur l’excrétion rénale de H+ et K+ dans le tube collecteur. Ainsi, en se
de cations ou un accepteur d’anions, et inversement pour une basant sur les modifications d’activité de ces transporteurs, il est
base. C’est cette notion qui sera reprise dans les années 1980 par possible de proposer une nouvelle classification physiopatholo-
P. Stewart pour interpréter un pH [8] . gique des alcaloses métaboliques comme suit.

 Annexe B. Troubles Alcaloses métaboliques secondaires


acidobasiques et solutés à la stimulation indirecte des canaux
de remplissage et transporteurs du tube collecteur ENaC
Les pertes extrarénales de chlore : en induisant une déplétion
Selon le principe de Stewart, l’impact des solutés sur chlorée, elles stimulent ENaC ce qui aggrave l’alcalose (excrétion
l’équilibre acidobasique est variable, dépendant à la fois de d’ions H+ ) et la perte rénale de potassium. La correction de ce
la différence en ions forts (« Strong Ion Difference » ou trouble nécessite l’apport obligatoire de chlore et la seule sup-
« SID » = [Na+ + K+ + Ca++ + Mg++ ] – [Cl– ] = 40 meq l–1 ) et plémentation en potassium est insuffisante. Les causes digestives
de la variation en acides faibles représentés principalement par les plus fréquentes de ce trouble sont les aspirations gastriques et
l’albuminate [8] . Ainsi, on définit les solutions dites « balancées » les vomissements abondants. Plus rarement, ces alcaloses méta-
ou « équilibrées » par leur concentration en électrolytes qui est boliques peuvent compliquer une fibrose cystique, des fistules
la plus proche possible de celle du plasma, en particulier pour les iléales à haut volume, des adénomes villeux ou encore le syn-
cations et anions forts que sont le sodium et le chlore [7, 98] . À drome de la chloridorrhée congénitale. Cette dernière est due à
l’inverse, les solutés non balancés sont ceux dont la concentra- une mutation génétique héréditaire responsable d’une disparition
tion en chlore est élevée. La composition en cations et anions des de l’échangeur Cl– /HCO3 – de la membrane apicale de l’iléon distal
principaux solutés est représentée dans le Tableau B.1. et du côlon.
Les pertes rénales de chlore : les plus fréquentes sont celles
induites par les diurétiques chlorurétiques : le furosémide bloque
 Annexe C. Physiopathologie le cotransporteur Na+ /K+ /2Cl– de l’anse de Henlé et les thiazi-
diques bloquent le cotransporteur Na+ /Cl– de la partie proximale
des alcaloses métaboliques du tube distal. L’un comme l’autre, en diminuant la concentration
de sodium délivrée au niveau du tube collecteur, stimulent ENaC.
Des données récentes mettent en exergue le rôle du trans- L’alcalose métabolique qui en résulte, se développe rapidement (1
port rénal des ions via leurs transporteurs et leurs canaux dans à 2 jours), même si la déplétion potassique et l’hypovolémie sont
la physiopathologie des alcaloses métaboliques [73] . Les princi- peu sévères. La correction de cette alcalose métabolique nécessite
paux transporteurs impliqués concernent le sodium (Na+ ), le là encore la normalisation du pool chloré. Plusieurs anomalies
chlore (Cl– ), le potassium (K+ ) et les protons (H+ ), ce qui souligne génétiques peuvent entraîner les mêmes anomalies. Le syndrome
l’interrelation de ces ions dans la constitution de ce trouble. Il de Bartter se caractérise par une inactivation du cotransporteur
existe différents transporteurs et canaux dont les caractéristiques Na+ /K+ /2Cl– entraînant les mêmes conséquences physiopatholo-
et la localisation varient au niveau du tubule rénal. Le cotrans- giques que le furosémide. Ce syndrome s’observe dès l’enfance et
porteur Na+ /K+ /2Cl– , localisé sur la membrane apicale des cellules associe alcalose métabolique avec hypochlorkaliémie et chloru-
de l’anse de Henlé, induit la réabsorption de 1 Na+ , 1 K+ et 2 Cl– . rèse élevée. Le syndrome de Gitelman, observé chez l’adulte jeune,
C’est le site d’action des diurétiques de l’anse ainsi que le lieu est secondaire à la mutation génétique du cotransporteur Na+ /Cl– .
de mutations génétiques comme celles observées dans le syn- Le mécanisme physiopathologique de l’alcalose métabolique est
drome de Bartter [73, 99] . Le cotransporteur Na+ /Cl– , situé au niveau comparable à celui induit par les thiazidiques. La déplétion
de la membrane apicale de la partie proximale du tubule distal, potassique sévère entraîne rapidement une alcalose métabolique
entraîne une réabsorption de 1 Na+ , et 1 Cl– . Il est bloqué par les peu sévère si le pool chloré est normal, mais plus sévère s’il
diurétiques thiazidiques, mais aussi lors de mutations génétiques existe en même temps une restriction chlorée. Cette situation est
comme dans le syndrome de Gitelman [73, 99] . L’activité de ces l’illustration parfaite de l’interrelation étroite qu’il existe entre

EMC - Anesthésie-Réanimation 19
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

Tableau B.1.
Composition électrolytique, Strong Ion Difference (SID) et osmolarité des principaux solutés de remplissage.
Na+ meq l–1 Cl– meq l–1 Anions– métabolisable meq l–1 SID meq l–1 Osmolarité mOsm l–1
Cristalloïdes
Non balancés
- NaCl 0,9 % 154 154 0 0 308
- NaCl 3 % 510 510 0 0 1026
- NaCl 7,5 % 1275 1275 0 0 2395
Balancés
- Ringer-lactate 130 108 Lactate 27,6 27 253
- Ringer-acétate-gluconate (Plasmalyte® ) 140 98 Acétate 27 + gluconate 23 50 278
- Ringer-acétate-malate (Isofundine® ) 140 127 Acétate 24 + Malate 27 27 275
- Ethylpuruvate 137 112 Pyruvate 28 50 286
- Lactate de sodium (Totilac® ) 504 0 Lactate 504 0 1020
Colloïdes
Hydroxyéthylamidons
Non balancés
- 130/0,4/6 % (Voluven® ) 154 154 0 0 308
- 130/0,42/6 % (Héafusine® ) 154 154 0 0 308
Balancés
- 130/0,42/6 % (Isovol® ) 143 118 Acétate 24 + malate 25 27 278
- 130/0,4/6 % (Hextend® ) 143 124 Lactate 28 30 296
Gélatines fluides modifiées
Balancés
- 4 % (Gélofusine® ) 154 120 27
- 3 % (Plasmion® ) 150 100 Lactate 30 40

potassium et chlore dans ce trouble. Les mécanismes physiopa- de ENaC, mais sans modification de concentration plasmatique
thologiques responsables de l’alcalose métabolique secondaire à d’aldostérone.
la déplétion potassique sont multiples : excrétion rénale d’ions H+
(liés à du K+ ou sous forme d’ammonium) secondaire à l’activation
des pompes H+ -ATPase et H+ /K+ -ATPase du tube collecteur, inac- Alcaloses métaboliques par apport de
tivation des cotransporteurs Na+ /K+ /2Cl– de l’anse de Henlé et bicarbonates
Na+ /Cl– du tube distal. Enfin, l’hypercapnie chronique induit une
alcalose métabolique en stimulant l’excrétion rénale d’ions H+ . L’apport de bicarbonate de sodium ou d’un de ses précurseurs
peut induire une alcalose métabolique persistante à condition
qu’existe aussi une déplétion chlorée ou potassique préexistante,
un régime pauvre en chlore ou en cas d’insuffisance rénale.
Alcaloses métaboliques par stimulation
directe des canaux et transporteurs du tube
collecteur ENaC  Références
Les hyperminéralocorticismes : ils se caractérisent cliniquement [1] Ichai C, Quintard H, Orban J-C. Désordres métaboliques et réanimation :
par une hypertension artérielle avec alcalose métabolique, normo- de la physiopathologie au traitement. Paris: Springer-Verlag; 2011.
chlorémie et discrète hypo- ou normokaliémie. Ces alcaloses sont [2] Quintard H, Hubert S, Ichai C. What is the contribution of Ste-
plus sévères en cas de régime riche en sodium. Dans tous les cas, wart’s concept in acid-base disorders analysis? Ann Fr Anesth Reanim
c’est encore l’augmentation de réabsorption de sodium dans le 2007;26:423–33.
tubule rénal qui stimule ENaC, phénomène encore aggravé par la [3] Bench-to-bedside review: Fundamental principles of acid-base physio-
logy. - PubMed - NCBI [Internet]. [cité 6 mai 2020]. Disponible sur :
déplétion potassique qui inhibe les cotransporteurs Na+ /K+ /2Cl–
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15774076.
et Na+ /Cl– . Les principales causes de ces hyperminéralocorti-
[4] Leblanc M, Kellum J. Biochemical and biophysical principles of hydro-
cismes sont l’hyperaldostéronisme primaire (syndrome de Conn), gen ion regulation. In: Critical Care Nephrology. Dordrecht: Kluwer
l’hyperplasie congénitale des surrénales, les tumeurs à rénine Academic Publisher; 1998. p. 61–77.
(réninémie élevée), les causes iatrogènes en rapport avec la prise [5] Moviat M, van Haren F, van der Hoeven H. Conventional or physicoche-
de fludrocortisone et de 9 alpha-fludrocortisone. mical approach in intensive care unit patients with metabolic acidosis.
Les mutations génétiques avec activation de ENaC : elles Crit Care 2003;7:R41–5.
s’accompagnent toutes d’hypertension artérielle. Le « glucocorti- [6] Corey HE. Bench-to-bedside review: fundamental principles of acid-base
coid remediable aldosteronism », ou GRA, est dû à une mutation physiology. Crit Care 2005;9:184–92.
génétique qui entraîne la stimulation anormale de sécrétion [7] Morgan TJ. The Stewart approach–one clinician’s perspective. Clin Bio-
d’aldostérone par l’ACTH au lieu de l’angiotensine. Le syn- chem Rev 2009;30:41–54.
drome de Liddle est une mutation génétique responsable d’un [8] Stewart PA. Independent and dependent variables of acid-base control.
blocage d’élimination des ENaC comme dans les hyperminéra- Respir Physiol 1978;33:9–26.
[9] Kaplan LJ, Frangos S. Clinical review: acid-base abnormalities in the
locorticismes, mais dans ce cas l’aldostéronémie est basse. Les
intensive care unit – part II. Crit Care 2005;9:198–203.
anomalies en 11␤-hydroxystéroide déshydrogénase, enzyme qui [10] Funk G-C, Doberer D, Heinze G, Madl C, Holzinger U, Schneeweiss
permet la métabolisation du cortisol, peuvent être dues à une B. Changes of serum chloride and metabolic acid-base state in critical
mutation génétique responsable d’un déficit ou à une inhibition illness. Anaesthesia 2004;59:1111–5.
de fonctionnement en cas de prise excessive d’acide glycyrrhi- [11] Durward A, Skellett S, Mayer A, Taylor D, Tibby SM, Murdoch IA.
nique (réglisse). L’effet résultant sera un tableau comparable à The value of the chloride: sodium ratio in differentiating the aetiology of
celui de l’hyperaldostéronisme avec une stimulation anormale metabolic acidosis. Intensive Care Med 2001;27:828–35.

20 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles acidobasiques chez l’adulte  36-860-A-50

[12] Wiseman AC, Linas S. Disorders of potassium and acid-base balance. [42] Young P, Bailey M, Beasley R, Henderson S, Mackle D, McArthur C,
Am J Kidney Dis 2005;45:941–9. et al. Effect of a buffered crystalloid solution vs saline on acute kidney
[13] Magner PO, Robinson L, Halperin RM, Zettle R, Halperin ML. The injury among patients in the intensive care unit: The SPLIT Randomized
plasma potassium concentration in metabolic acidosis: a re-evaluation. Clinical Trial. JAMA 2015;314:1701–10.
Am J Kidney Dis 1988;11:220–4. [43] Laing CM, Unwin RJ. Renal tubular acidosis. J Nephrol
[14] Story DA, Morimatsu H, Bellomo R. Strong ions, weak acids and base 2006;19(Suppl. 9):S46–52.
excess: a simplified Fencl-Stewart approach to clinical acid-base disor- [44] Rocktaeschel J, Morimatsu H, Uchino S, Goldsmith D, Poustie S, Story
ders. Br J Anaesth 2004;92:54–60. D, et al. Acid-base status of critically ill patients with acute renal failure:
[15] Moe OW, Fuster D. Clinical acid-base pathophysiology: disor- analysis based on Stewart-Figge methodology. Crit Care 2003;7:R60.
ders of plasma anion gap. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab [45] Ichai C, Quintard H, Velly L. Acid-base disorders and regional citrate
2003;17:559–74. anticoagulation with continuous renal replacement therapy. In: Annual
[16] Dinh CH, Ng R, Grandinetti A, Joffe A, Chow DC. Correcting the anion update in intensive care and emergency medicine. Berlin: Springer; 2019.
gap for hypoalbuminaemia does not improve detection of hyperlactatae- [46] Orchard CH, Cingolani HE. Acidosis and arrhythmias in cardiac muscle.
mia. Emerg Med J 2006;23:627–9. Cardiovasc Res 1994;28:1312–9.
[17] Emmett M. Anion-gap interpretation: the old and the new. Nat Clin Pract [47] Huang YG, Wong KC, Yip WH, McJames SW, Pace NL. Cardiovascu-
Nephrol 2006;2:4–5. lar responses to graded doses of three catecholamines during lactic and
[18] Kraut JA, Madias NE. Serum anion gap: its uses and limitations in clinical hydrochloric acidosis in dogs. Br J Anaesth 1995;74:583–90.
medicine. Clin J Am Soc Nephrol 2007;2:162–74. [48] Martini WZ. Coagulopathy by hypothermia and acidosis: mechanisms of
[19] Gunnerson KJ. Clinical review: the meaning of acid-base abnormalities thrombin generation and fibrinogen availability. J Trauma 2009;67:202–8
in the intensive care unit part I - epidemiology. Crit Care 2005;9:508–16. [discussion 208-9].
[20] Gunnerson KJ, Kellum JA. Acid-base and electrolyte analysis in critically [49] Flacke J-P, Kumar S, Kostin S, Reusch HP, Ladilov Y. Acidic precon-
ill patients: are we ready for the new millennium? Curr Opin Crit Care ditioning protects endothelial cells against apoptosis through p38- and
2003;9:468–73. Akt-dependent Bcl-xL overexpression. Apoptosis. Int J Program Cell
[21] Kraut JA, Madias NE. Approach to patients with acid-base disorders. Death 2009;14:90–6.
Respir Care 2001;46:392–403. [50] Cohen MV, Yang X-M, Downey JM. The pH hypothesis of postcon-
[22] Kraut JA, Madias NE. Metabolic acidosis: pathophysiology, diagnosis ditioning: staccato reperfusion reintroduces oxygen and perpetuates
and management. Nat Rev Nephrol 2010;6:274–85. myocardial acidosis. Circulation 2007;115:1895–903.
[23] Fencl V, Jabor A, Kazda A, Figge J. Diagnosis of metabolic acid- [51] Masevicius FD, Rubatto Birri PN, Risso Vazquez A, Zechner FE, Motta
base disturbances in critically ill patients. Am J Respir Crit Care Med MF, Valenzuela Espinoza ED, et al. Relationship of at admission lactate,
2000;162:2246–51. unmeasured anions, and chloride to the outcome of critically ill patients.
[24] Levraut J, Bounatirou T, Ichai C, Ciais JF, Jambou P, Hechema R, et al. Crit Care Med 2017;45:e1233–9.
Reliability of anion gap as an indicator of blood lactate in critically ill [52] Jaber S, Paugam C, Futier E, Lefrant J-Y, Lasocki S, Lescot T, et al.
patients. Intensive Care Med 1997;23:417–22. Sodium bicarbonate therapy for patients with severe metabolic acidae-
[25] Forni LG, McKinnon W, Hilton PJ. Unmeasured anions in metabolic mia in the intensive care unit (BICAR-ICU): a multicentre, open-label,
acidosis: unravelling the mystery. Crit Care 2006;10:220. randomised controlled, phase 3 trial. Lancet 2018;392:31–40.
[26] Venkatesh B, Morgan TJ. Unmeasured anions: the unknown unknowns. [53] Gehlbach BK, Schmidt GA. Bench-to-bedside review: treating acid-base
Crit Care 2008;12:113. abnormalities in the intensive care unit - the role of buffers. Crit Care
[27] Kellum JA, Kramer DJ, Pinsky MR. Strong ion gap: a methodology for 2004;8:259–65.
[54] Cooper DJ, Walley KR, Wiggs BR, Russell JA. Bicarbonate does not
exploring unexplained anions. J Crit Care 1995;10:51–5.
improve hemodynamics in critically ill patients who have lactic acidosis.
[28] Karet FE. Mechanisms in hyperkalemic renal tubular acidosis. J Am Soc
A prospective, controlled clinical study. Ann Intern Med 1990;112:492–8.
Nephrol 2009;20:251–4.
[55] El-Solh AA, Abou Jaoude P, Porhomayon J. Bicarbonate therapy in
[29] Alexander RT, Bitzan M. Renal tubular acidosis. Pediatr Clin North Am
the treatment of septic shock: a second look. Intern Emerg Med
2019;66:135–57.
2010;5:341–7.
[30] Kellum JA, Bellomo R, Kramer DJ, Pinsky MR. Etiology of metabolic
[56] The Surviving Sepsis Campaign: International guidelines for mana-
acidosis during saline resuscitation in endotoxemia. Shock 1998;9:364–8.
gement of severe sepsis and septic shock: 2008. - PubMed - NCBI
[31] Bellomo R, Morimatsu H, French C, Cole L, Story D, Uchino S, et al. The [Internet]. [cité 11 mai 2020]. Disponible sur : https://www.ncbi.nlm.
effects of saline or albumin resuscitation on acid-base status and serum nih.gov/pubmed/18304010.
electrolytes. Crit Care Med 2006;34:2891–7. [57] Boyd JH, Walley KR. Is there a role for sodium bicarbonate in treating
[32] Gunnerson KJ, Saul M, He S, Kellum JA. Lactate versus non-lactate lactic acidosis from shock? Curr Opin Crit Care 2008;14:379–83.
metabolic acidosis: a retrospective outcome evaluation of critically ill [58] Duhon B, Attridge RL, Franco-Martinez AC, Maxwell PR, Hughes DW.
patients. Crit Care 2006;10:R22. Intravenous sodium bicarbonate therapy in severely acidotic diabetic
[33] Waters JH, Gottlieb A, Schoenwald P, Popovich MJ, Sprung J, Nelson DR. ketoacidosis. Ann Pharmacother 2013;47:970–5.
Normal saline versus lactated Ringer’s solution for intraoperative fluid [59] Glaser N, Barnett P, McCaslin I, Nelson D, Trainor J, Louie J, et al. Risk
management in patients undergoing abdominal aortic aneurysm repair: factors for cerebral edema in children with diabetic ketoacidosis. The
an outcome study. Anesth Analg 2001;93:817–22. Pediatric Emergency Medicine Collaborative Research Committee of the
[34] Semler MW, Janz DR, Lentz RJ, Matthews DT, Norman BC, Assad TR, American Academy of Pediatrics. N Engl J Med 2001;344:264–9.
et al. Randomized trial of apneic oxygenation during endotracheal intu- [60] Kamel KS, Halperin ML. Acid-base problems in diabetic ketoacidosis.
bation of the critically ill. Am J Respir Crit Care Med 2016;193:273–80. N Engl J Med 2015;372:546–54.
[35] Self WH, Semler MW, Wanderer JP, Wang L, Byrne DW, Collins SP, et [61] Vukmir RB, Katz L, Sodium Bicarbonate Study Group. Sodium bicar-
al. Balanced crystalloids versus saline in noncritically ill adults. N Engl bonate improves outcome in prolonged prehospital cardiac arrest. Am J
J Med 2018;378:819–28. Emerg Med 2006;24:156–61.
[36] Yunos NM, Bellomo R, Story D, Kellum J. Bench-to-bedside review: [62] Leverve XM, Boon C, Hakim T, Anwar M, Siregar E, Mustafa I. Half-
chloride in critical illness. Crit Care 2010;14:226. molar sodium-lactate solution has a beneficial effect in patients after
[37] Aksu U, Bezemer R, Yavuz B, Kandil A, Demirci C, Ince C. Balanced coronary artery bypass grafting. Intensive Care Med 2008;34:1796–803.
vs unbalanced crystalloid resuscitation in a near-fatal model of hemor- [63] Ritter JM, Doktor HS, Benjamin N. Paradoxical effect of bicarbonate on
rhagic shock and the effects on renal oxygenation, oxidative stress, and cytoplasmic pH. Lancet 1990;335:1243–6.
inflammation. Resuscitation 2012;83:767–73. [64] Levraut J, Giunti C, Ciebiera JP, de Sousa G, Ramhani R, Payan P,
[38] Mahler SA, Conrad SA, Wang H, Arnold TC. Resuscitation with balan- et al. Initial effect of sodium bicarbonate on intracellular pH depends
ced electrolyte solution prevents hyperchloremic metabolic acidosis in on the extracellular nonbicarbonate buffering capacity. Crit Care Med
patients with diabetic ketoacidosis. Am J Emerg Med 2011;29:670–4. 2001;29:1033–9.
[39] Chua H-R, Venkatesh B, Stachowski E, Schneider AG, Perkins K, Lada- [65] Naka T, Bellomo R. Bench-to-bedside review: treating acid-base abnor-
nyi S, et al. Plasma-Lyte 148 vs 0.9% saline for fluid resuscitation in malities in the intensive care unit–the role of renal replacement therapy.
diabetic ketoacidosis. J Crit Care 2012;27:138–45. Crit Care 2004;8:108–14.
[40] McCague A, Dermendjieva M, Hutchinson R, Wong DT, Dao N. Sodium [66] Galla JH. Metabolic alkalosis. J Am Soc Nephrol 2000;11:369–75.
acetate infusion in critically ill trauma patients for hyperchloremic aci- [67] Howard JS. The psychosis of metabolic alkalosis. Integr Physiol Behav
dosis. Scand J Trauma Resusc Emerg Med 2011;19:24. Sci 1993;28:353–7.
[41] Yunos NM, Bellomo R, Hegarty C, Story D, Ho L, Bailey M. Associa- [68] Sabatini S. The cellular basis of metabolic alkalosis. Kidney Int
tion between a chloride-liberal vs chloride-restrictive intravenous fluid 1996;49:906–17.
administration strategy and kidney injury in critically ill adults. JAMA [69] Anderson LE, Henrich WL. Alkalemia-associated morbidity and morta-
2012;308:1566–72. lity in medical and surgical patients. South Med J 1987;80:729–33.

EMC - Anesthésie-Réanimation 21
© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
36-860-A-50  Troubles acidobasiques chez l’adulte

[70] Neary RH, Edwards JD. Metabolic alkalosis and hyperlactataemia. Br [86] Mazur JE, Devlin JW, Peters MJ, Jankowski MA, Iannuzzi MC, Zarowitz
Med J 1987;294:1462. BJ. Single versus multiple doses of acetazolamide for metabolic alkalosis
[71] Hollidge-Horvat MG, Parolin ML, Wong D, Jones NL, Heigenhauser GJ. in critically ill medical patients: a randomized, double-blind trial. Crit
Effect of induced metabolic alkalosis on human skeletal muscle metabo- Care Med 1999;27:1257–61.
lism during exercise. Am J Physiol Endocrinol Metab 2000;278:E316–29. [87] Faisy C, Mokline A, Sanchez O, Tadié J-M, Fagon J-Y. Effective-
[72] Hernandez RE, Schambelan M, Cogan MG, Colman J, Morris RC, Sebas- ness of acetazolamide for reversal of metabolic alkalosis in weaning
tian A. Dietary NaCl determines severity of potassium depletion-induced COPD patients from mechanical ventilation. Intensive Care Med
metabolic alkalosis. Kidney Int 1987;31:1356–67. 2010;36:859–63.
[73] Gennari FJ. Pathophysiology of metabolic alkalosis: a new classification [88] Heming N, Faisy C, Urien S. Population pharmacodynamic model of
based on the centrality of stimulated collecting duct ion transport. Am J bicarbonate response to acetazolamide in mechanically ventilated chronic
Kidney Dis 2011;58:626–36. obstructive pulmonary disease patients. Crit Care 2011;15:R213.
[74] Jones JW, Sebastian A, Hulter HN, Schambelan M, Sutton JM, Biglieri [89] Gerhardt RE, Koethe JD, Glickman JD, Ntoso KA, Hugo JP, Wolf CJ.
EG. Systemic and renal acid-base effects of chronic dietary potassium Acid dialysate correction of metabolic alkalosis in renal failure. Am J
depletion in humans. Kidney Int 1982;21:402–10. Kidney Dis 1995;25:343–5.
[75] Mersin SS, Ramelli GP, Laux-End R, Bianchetti MG. Urinary chloride [90] Jaber S, Jung B, Sebbane M, Ramonatxo M, Capdevila X, Mercier J, et
excretion distinguishes between renal and extrarenal metabolic alkalosis. al. Alteration of the piglet diaphragm contractility in vivo and its recovery
Eur J Pediatr 1995;154:979–82. after acute hypercapnia. Anesthesiology 2008;108:651–8.
[76] Perez GO, Oster JR, Rogers A. Acid-base disturbances in gastrointestinal [91] Caples SM, Rasmussen DL, Lee WY, Wolfert MZ, Hubmayr RD. Impact
disease. Dig Dis Sci 1987;32:1033–43. of buffering hypercapnic acidosis on cell wounding in ventilator-injured
[77] Galla JH, Bonduris DN, Luke RG. Effects of chloride and extracellular rat lungs. Am J Physiol Lung Cell Mol Physiol 2009;296:L140–4.
fluid volume on bicarbonate reabsorption along the nephron in metabo- [92] Curley G, Contreras MM, Nichol AD, Higgins BD, Laffey JG. Hyper-
lic alkalosis in the rat. Reassessment of the classical hypothesis of the capnia and acidosis in sepsis: a double-edged sword? Anesthesiology
pathogenesis of metabolic alkalosis. J Clin Invest 1987;80:41–50. 2010;112:462–72.
[78] Hropot M, Fowler N, Karlmark B, Giebisch G. Tubular action of diure- [93] Dubin A, Menises MM, Masevicius FD, Moseinco MC, Kutscherauer
tics: distal effects on electrolyte transport and acidification. Kidney Int DO, Ventrice E, et al. Comparison of three different methods of evaluation
1985;28:477–89. of metabolic acid-base disorders. Crit Care Med 2007;35:1264–70.
[79] Morgera S, Scholle C, Voss G, Haase M, Vargas-Hein O, Krausch D, [94] Hasan A. Handbook of blood gas/acid-base interpretation. London:
et al. Metabolic complications during regional citrate anticoagulation in Springer-Verlag; 2011.
continuous venovenous hemodialysis: single-center experience. Nephron [95] Kellum J, Elbers PW. Stewart’s textbook of acid-base. USA: Lulu.com;
Clin Pract 2004;97:c131–6. 2009.
[80] Morgera S, Schneider M, Slowinski T, Vargas-Hein O, Zuckermann- [96] Story DA. Bench-to-bedside review: a brief history of clinical acid-base.
Becker H, Peters H, et al. A safe citrate anticoagulation protocol with Crit Care 2004;8:253–8.
variable treatment efficacy and excellent control of the acid-base status. [97] Siggaard-Andersen O. The Van Slyke equation. Scand J Clin Lab Invest
Crit Care Med 2009;37:2018–24. 1977;37(Suppl.):15–20.
[81] Aman J, Nurmohamed SA, Vervloet MG, Groeneveld ABJ. Metabolic [98] Morgan TJ, Venkatesh B. Designing “balanced” crystalloids. Crit Care
effects of citrate vs bicarbonate-based substitution fluid in continuous 2003;5:284–91.
venovenous hemofiltration: a prospective sequential cohort study. J Crit [99] Favre G, Orban JC, Ichai C. Syndrome de Gitelman et syndrome de
Care 2010;25:120–7. Bartter classique. In: Leone M, editor. Maladies rares en réanimation.
[82] Favre G, Ichai C. Syndrome de Gitelman et syndrome de Bartter classique. Paris: Spinger-Verlag; 2009. p. 277–80.
In: Maladies rares en réanimation. Paris: Springer; 2000. [100] Kim YH, Verlander JW, Matthews SW, Kurtz I, Shin W, Weiner ID, et al.
[83] Scheich A, Donnelly S, Cheema-Dhadli S, Schweigert M, Vasuvattakul Intercalated cell H/OH transporter expression is reduced in Slc26a4 null
S, Halperin ML. Does saline “correct” the abnormal mass balance in mice. Am J Renal Physiol 2005;289:F1262–72.
metabolic alkalosis associated with chloride depletion in the rat? Clin [101] Bhalla V, Hallows KR. Mechanisms of ENaC regulation and clinical
Investig Med 1994;17:448–60. implications. J Am Soc Nephrol 2008;19:1845–54.
[84] Wesson DE. Combined K+ and Cl– repletion corrects augmented [102] Satlin LM, Carattino MD, Liu W, Kleyman TR. Regulation of cation
H+ secretion by distal tubules in chronic alkalosis. Am J Physiol transport in the distal nephron by mechanical forces. Am J Renal Physiol
1994;266(4Pt2):F592–603. 2006;291:F923–31.
[85] Brimioulle S, Berre J, Dufaye P, Vincent JL, Degaute JP, Kahn RJ. Hydro- [103] Morimoto T, Liu W, Woda C, Carattino MD, Wei Y, Hughey RP, et
chloric acid infusion for treatment of metabolic alkalosis associated with al. Mechanism underlying flow stimulation of sodium absorption in the
respiratory acidosis. Crit Care Med 1989;17:232–6. mammalian collecting duct. Am J Renal Physiol 2006;291:F663–9.

H. Quintard, MD, PhD Hôpitaux Universitaires de Genève (Suisse) (quintardherve@gmail.com).


C. Ichai, Professeur d’anesthésie-réanimation, chef du service de réanimation médicochirurgicale, PhD.
Faculté de médecine de Nice, Hôpital Pasteur 2, CHU de Nice, 30, voie romaine, 06006 Nice cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Quintard H, Ichai C. Troubles acidobasiques chez l’adulte. EMC - Anesthésie-Réanimation 2021;41(2):1-20
[Article 36-860-A-50].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

22 EMC - Anesthésie-Réanimation

© 2024 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/04/2024 par Universite Saint-Esprit de Kaslik (USEK) (584573). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.

Vous aimerez peut-être aussi