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Résumé : Au sein de l’organisme, le pH qui exprime une concentration de protons, est très variable
d’un organe à l’autre mais aussi au sein même des différentes structures cellulaires. En pathologie, seul
l’équilibre acidobasique du plasma est analysé. Le pH de l’organisme est étroitement régulé par les
systèmes tampons, le poumon et le rein principalement. La classique interprétation d’un trouble aci-
dobasique d’Henderson-Hasselbalch attribue les variations du pH à des modifications de PaCO2 ou des
bicarbonates plasmatiques. Bien que très pratique, ce concept s’avère inexact en cas de trouble complexe.
Le concept de Stewart considère que les variations de pH plasmatique peuvent résulter de modifications
de trois variables indépendantes que sont la différence en ions forts, ou Strong Ion Difference (SID), la
quantité d’acides faibles (albuminate, phosphate) et la PaCO2 . Les acidoses métaboliques caractérisées
par une baisse du pH et des bicarbonates plasmatiques s’observent en cas d’accumulation d’anions forts
métabolisables (lactate, corps cétoniques, toxiques) ou non métabolisables (hyperchlorémie, hyperphos-
phatémie, hypersulfatémie). L’acidose métabolique au cours de l’insuffisance rénale est souvent de cause
mixte. L’indication d’alcalinisation des acidoses métaboliques par du bicarbonate de sodium reste contro-
versée, préconisée en cas d’acidose métabolique organique persistante et sévère (pH < 7) ou d’acidose
métabolique hyperchlorémique si le pH est inférieur à 7,20. Les alcaloses métaboliques caractérisées par
une élévation du pH et des bicarbonates plasmatiques se distinguent selon la chlorémie en alcaloses
métaboliques chlorosensibles (par pertes digestives ou rénales) et chlororésistantes (hyperminéralocor-
ticismes). Leur traitement symptomatique passe par la restauration du pool chloré et potassique avec
du NaCl et du KCl. Les troubles acidobasiques respiratoires se caractérisent par des modifications du
pH, associées à des variations de PaCO2 qui sera élevée en cas d’acidose respiratoire et diminuée en
cas d’alcalose respiratoire. L’association de plusieurs troubles acidobasiques (mixtes et complexes) est
fréquente en réanimation.
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EMC - Anesthésie-Réanimation 1
Volume 41 > n◦ 2 > avril 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0289(20)42116-4
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36-860-A-50 Troubles acidobasiques chez l’adulte
2 EMC - Anesthésie-Réanimation
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Troubles acidobasiques chez l’adulte 36-860-A-50
Tableau 2.
Équilibre acide–base et composition électrolytique des principaux secteurs de l’organisme.
Secteur extracellulaire Globules rouges Secteur intracellulaire
Plasma artériel Secteur interstitiel
pH 7,40 7,40 7,20 7
H+ (nEq l–1 ) 41 42 64 100
OH– (Eq l–1 ) 1,1 1,1 0,69 0,43
PCO2 (mmHg) 40 50 40 50
HCO3 – (mEq l–1 ) 25 31 15 46
Na+ (mEq l–1 ) 143 137 19 10
K+ (mEq l–1 ) 4 3 9,5 155
Mg++ (mEq l–1 ) 2 2 5 10
Ca++ (mEq l–1 ) 1 1 – –
Cl– (mEq l–1 ) 107 111 10 10
Atot (mEq l–1 ) 20 – 60 200
SID (mEq l–1 ) 42 31 57 130
Atot : masse totale des acides faibles plasmatiques ; SID : Strong Ion Difference.
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36-860-A-50 Troubles acidobasiques chez l’adulte
CO2 H2O
Na+, K+,
Cl– 23 l
Poumons CO2
Secteur
intracellulaire
le BE présente également des limites [2] . Il reste une mesure in vitro Dans ce concept, les variations de pH plasmatique ne peuvent
qui ne tient pas compte : être induites que par une variation de l’une (ou plusieurs) des trois
• des modifications de PaCO2 induites physiologiquement par un variables indépendantes suivantes [2, 7–9] :
TAB métabolique ; • la différence de charge entre tous les cations et anions forts plas-
• de la continuité entre le secteur vasculaire et interstitiel dont matiques classiquement appelée différence en ions forts (DIF)
le pouvoir tampon est moindre, ce qui surestime le BE. Pour ou Strong Ion Difference (SID) ;
s’affranchir de ce problème, il est possible de calculer le stan- • la PaCO2 , variable capitale puisqu’il s’agit du seul système tam-
dard BE (SBE) qui prend en compte une concentration en pon ouvert via la ventilation ;
hémoglobine de 5 g dl−1 , concentration théorique qu’aurait • la masse totale des acides faibles appelée Atot.
l’hémoglobine si elle se distribuait dans le même volume que Du fait de leur dépendance mathématique, les variations de
le bicarbonate. Malgré ces ajustements, le SBE reste une mesure bicarbonates ne sont pas une cause possible de modification du
globale qui ne permet pas de distinguer les variations des acides pH, mais une simple conséquence de modifications d’une (ou
forts de celles des acides faibles. Il procure une idée globale de plusieurs) des trois variables indépendantes précédemment citées.
l’acidité (ou alcalinité) du sang sans discriminer la cause initiale L’interprétation du TAB repose donc sur l’intégration de trois
du trouble et de sa compensation. facteurs : le SID, les acides faibles et la PaCO2 . Chacun de ces
paramètres va exercer une force alcaline ou acide sur le plasma et
l’équilibre de ces forces conduit à la détermination du pH (Fig. 2).
Concept de Stewart
À la fin des années 1970, Stewart revient sur une approche phy-
sicochimique proche de celle d’Arrhenius et de Van Slyke. Dans Outils du diagnostic
ce concept, les variations de pH plasmatique sont la conséquence
des variations du degré de dissociation de l’eau plasmatique. Ainsi, Le diagnostic d’un TAB ne peut pas se passer d’un interrogatoire
une substance est acide car elle augmente la dissociation de l’eau pour reconstituer l’histoire du patient et de son examen clinique.
(en augmentant la production d’H+ ou sa liaison aux ions OH– ) et Mais les données biologiques sont indispensables et doivent être
inversement pour une base [2, 7, 8] . issues de la mesure des gaz du sang et de l’ionogramme sanguin
Ce degré de dissociation de l’eau plasmatique obéit au respect réalisés simultanément au niveau artériel. Certains paramètres
simultané de trois principes physicochimiques : seront mesurés, d’autres calculés selon le concept d’interprétation
• le principe de l’électroneutralité selon lequel l’ensemble des utilisé (Tableau 3).
charges positives est égal à celui des charges négatives ;
• la loi de conservation de masse selon laquelle toute substance
en solution aqueuse reste constante. Ainsi, pour un acide faible
Gaz du sang [2]
[HA] + [A− ] = [Atot] ; La gazométrie artérielle n’est nécessaire qu’en présence de
• l’équilibre de dissociation électrochimique qui dépend de la signes cliniques ou biologiques d’appel. Le prélèvement doit évi-
constante de dissociation K. Pour les ions forts, le pK est éloi- ter douleur et anxiété qui peuvent être cause d’hyperventilation.
gné du pH, de sorte que l’ion est quasi complètement dissocié. Il faut éliminer les bulles d’air et réaliser la mesure le plus rapide-
Ainsi, le lactate anion fort contenu dans le plasma se trouve ment possible (mise dans de la glace en cas de délai pour diminuer
donc presque exclusivement sous forme dissociée et la forme le métabolisme des cellules sanguines). La mesure du pH sanguin
acide lactique est quasi virtuelle. Les ions faibles dont le pK est est faite de façon fiable par une électrode de verre, alors que celle
proche du pH voient leur degré de dissociation variable selon de la PaCO2 , réalisée par microélectrode, peut comporter jusqu’à
le pH : plus le pH s’éloigne du pK, plus la forme dissociée est 10 % de marge d’erreur en pratique quotidienne. Sa valeur nor-
importante. Dans tous les cas, le pH est calculé selon l’équation : male se situe entre 38 et 42 mmHg (4,7–6 kPa). La gazométrie
pH = pKa + log10 ([A− ] / ([Atot] – [A− ])). donne aussi accès aux bicarbonates calculés (HCO3 – c ) à partir de
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l’équation d’Henderson–Hasselbalch, c’est-à-dire du pH et de la • le CO2 total artériel (CO2 T) : la mesure exclusive d’HCO3 – dans
PaCO2 mesurés par les appareils d’analyse des gaz du sang. Sa le sang est techniquement impossible du fait de sa labilité et sa
valeur normale est de 24 ± 2 mmHg. Le BE et le SBE sont aussi transformation permanente en acide carbonique ou CO2 . Ainsi,
fournis par calcul à partir des autres paramètres. la mesure des « bicarbonates » dans le sang est celle du CO2
total qui est la somme des concentrations en bicarbonates réels
(HCO3 – ), en acide carbonique (H2 CO3 ) et en CO2 dissous. Sa
Ionogramme sanguin [2] valeur normale est légèrement supérieure à celle calculée avec
les gaz du sang à 26 ± 2 mmHg ;
Il doit être pratiqué sur sang artériel prélevé au même moment • la chlorémie : le chlore, principal anion fort plasmatique, est
que celui de la gazométrie. Il fournit les paramètres suivants : un élément essentiel du diagnostic étiologique des TAB. Cepen-
dant, la chlorémie peut varier de façon indépendante d’un TAB
dans certaines dysnatrémies [10, 11] . Dans cette dernière situa-
tion, les variations de chlorémie sont proportionnelles à celles
Effet acidifiant Effet alcalinisant
de la natrémie et sont mises en évidence par le calcul du rapport
Cl/Na normalement = 0,75 ou celui de la chlorémie corrigée par
la formule : Cl corr = Cl mesurée × 140/Na = 105 mEq1−1 ;
SID 39 mEq l–1 • la kaliémie : ce n’est pas à proprement parler un élément du
diagnostic des TAB, mais il est utile pour établir la cause du
40 torr PaCO2 trouble [12] . La kaliémie n’évolue pas toujours de façon inverse
au pH [13] . Les acidoses induites par l’accumulation d’acides
organiques n’entraînent pas d’hyperkaliémie, car la libre péné-
40 g l–1 Album tration intracellulaire de l’anion organique s’accompagne d’une
entrée concomitante de protons, ce qui permet le maintien
de l’électroneutralité indépendamment des mouvements trans-
0,8 mmol l–1 Phosph membranaires de K+ . La présence d’une hyperkaliémie dans ces
situations doit faire rechercher une autre cause que l’acidose :
insulinopénie, insuffisance rénale ou hyperglycémie. Dans les
acidoses hyperchlorémiques, la non-pénétration de chlore dans
les cellules impose une sortie de potassium du secteur intra-
vers le secteur extracellulaire pour respecter l’électroneutralité.
Alb- 14 mEq l–1 Les acidoses respiratoires n’induisent pas de modifications de
HCO3- 24 mEq l–1 Phosph- 1,8 mEq l–1 kaliémie. Enfin, l’hypokaliémie est souvent associée à l’alcalose
pH 7,40 hypochlorémique ;
• la natrémie : le sodium, cation fort majoritaire du secteur plas-
matique, est un paramètre nécessaire au diagnostic d’un TAB.
Figure 2. Représentation schématique de l’interprétation d’un trouble Il est indispensable au calcul du SID et du trou anionique (TA)
acidobasique par le principe de Stewart. Le pH d’une solution est défini plasmatique (cf. infra) ;
par un équilibre de forces acidifiantes et alcalinisantes. Les variables ayant • l’albumine et le phosphate : principaux acides faibles plasma-
un caractère acidifiant sont essentiellement représentées par la PaCO2 , les tiques, ils représentent respectivement environ 78 et 20 % de
acides faibles tels de l’albuminate et le phosphate. La principale variable ces charges négatives. Selon le modèle de Stewart, une éléva-
alcalinisante est définie par la différence en ions forts (DIF, SID). Plus la tion d’un de ces paramètres (troisième variable indépendante)
charge cationique va augmenter, ou la charge anionique diminuer, plus entraîne une acidose métabolique et inversement [2, 14] . Pour un
l’effet alcalinisant sur le plasma sera présent. À l’inverse, lorsque la charge pH = 7,40, les protéinates représentent une charge négative de
cationique baisse ou que la charge anionique augmente, le SID va dimi- 12 mEq l−1 ;
nuer induisant une diminution de la force alcalinisante. L’équilibre entre • les autres paramètres : le calcium, le magnésium, ainsi que le
les forces opposées conduit à la détermination du pH de la solution. lactate sont des ions forts qui entrent dans le calcul du SID.
Tableau 3.
Les outils du diagnostic d’un trouble acidobasique (valeurs normales).
Paramètres mesurés
Outils de base Outils complémentaires
Gaz du sang artériels
- pH (7,40 ± 2)
- PaCO2 (40 ± 4 mmHg)
- HCO3 – calculés (24 ± 2 mmol l–1 )
Ionogramme sanguin Phosphore (0,8–1,2 mmol l–1 )
- CO2 total (26 ± 2 mmol l–1 ) Albumine (40 g l–1 )
- Na+ (140 ± 2 mmol l–1 ) ; K+
(3,5 ± 0,5 mmol l–1 )
- Cl– (105 ± 2 mmol l–1 )
pH urinaire, osmolarité urinaire
Ionogramme urinaire (Na+ , K+ , Cl– )
Paramètres calculés
TA = Na+ – (Cl– + HCO3 – ) = 12 ± 2 mEq l–1 - Base Excess (0 mEq l–1 )
- Standard Base Excess (0 mEq l–1 ) = 0,9287 × [HCO3 – – 24,4 + 14,83 × (pH – 7,4)] = 0 mEq l–1
TA corrigé = TA - SIDa = (Na+ + K+ + Ca++ + Mg++ ) – (Cl– + lactate– ) = 40 ± 2 mEq l–1
calculé + 0,25 × (40 – albumine mesurée - SIDe = [HCO3 – ] + [albumine (g l–1 ) × (0,123 × pH – 0,631) + phosphore
[g l–1 ]) (mEq l–1 ) × (0,309 × pH – 0,469)] = 40 ± 2 mEq l–1
- SIG = SIDa – SIDe = 2 ± 2 mEq l–1
- SID urinaire = (Na urinaire + K urinaire) – Cl urinaire
TA : trou anionique plasmatique ; SIDa : différence apparente en ions forts (apparent Strong Ion Difference) ; SIDe : différence effective en ions forts (effective Strong Ion
Difference) ; SIG : Strong Ion Gap.
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Cations Anions Cations Anions Cations Anions Figure 4. Représentation schématique des
deux grandes catégories d’acidoses métabo-
liques selon Henderson–Hasselbalch.
A. Normalement : le trou anionique plasma-
tique (TA) correspond à la différence entre la
somme des indosés anioniques et des indosés
Cl– Cl– Cl– cationiques.
+ 105 + 115 105 B. Dans les acidoses métaboliques minérales,
Na Na Na+ chaque HCl en excès libère un ion H+ tam-
140 140 140 ponné par un ion HCO3 – et un Cl– ; le TA est
donc normal.
HCO3– C. Dans les acidoses métaboliques organiques,
15 chaque acide organique en excès libère un
HCO3–
HCO3– Acides ion H+ tamponné par un ion HCO3 – et un sel
25
25 organiques TA = 20
d’acide+ qui est un anion ; le TA est donc élevé
TA = 10 TA = 10 supérieur à 12 mmol l–1 .
Cations Anions Cations Anions Cations Anions
indosés indosés indosés indosés indosés indosés
A B C
Leur dosage, bien que non routinier, doit toujours être réalisé positives (cations) est égale à la somme des charges négatives
(au même titre que l’albumine) chez des malades complexes de (anions). Le TA n’est qu’un artifice de calcul, car le dosage usuel
réanimation avec des TAB sévères. de Na+ , K+ , Cl– et HCO3 – méconnaît les autres ions qui assurent
eux aussi l’électroneutralité : cations indosés tels que Ca++ , Mg++ et
anions indosés tels que protéinates, sulfates, phosphates et autres
Paramètres urinaires acides organiques (Fig. 3). Le TA, reflet des anions indosés, est
Ce sont : calculé au lit du patient selon la formule [2] :
• le pH urinaire : il reflète le degré d’acidification des urines TA (mEq l−1 ) = Na+ – (Cl− + HCO3 − ) = 12 ± 2 mEq l−1
en l’absence de problèmes infectieux. C’est essentiellement Ce paramètre est largement utilisé dans l’approche classique
un outil du diagnostic étiologique de certaines acidoses méta- d’Henderson–Hasselbalch comme marqueur des acidoses méta-
boliques, et un paramètre de surveillance de l’efficacité du boliques. On distingue ainsi les acidoses métaboliques à TA élevé
traitement de certaines alcaloses métaboliques ; (ou organiques) des acidoses métaboliques à TA normal hyper-
• les électrolytes urinaires : la mesure de la concentration urinaire chlorémiques (minérales) (Fig. 4). Le TA connaît cependant des
de sodium, potassium et chlore est le principal élément utile limites d’interprétation [2, 15] . L’hypoalbuminémie, présente chez
à l’évaluation de la réponse rénale à un TAB déterminé. Elle 50 % des patients de réanimation, est la cause la plus fréquente de
oriente le diagnostic étiologique. Toutes ces mesures peuvent diminution du TA [16] . Ainsi, pour un pH constant, une baisse de
se faire sur un échantillon d’urine. Néanmoins, l’interprétation 10 g l−1 d’albumine induit une baisse du TA d’environ 2,5 mEq l−1 .
des résultats doit être prudente surtout en cas de traitement Pour s’affranchir de cette erreur, il est possible de corriger la valeur
préalable par diurétique ou d’apports hydrosodés. Dans tous du TA en tenant compte de l’albuminémie selon la formule :
les cas, il est nécessaire de le réaliser avant d’introduire un trai- TA corrigé (mEq l−1 ) = TA calculé + 0, 25 × (albumine
tement qui peut modifier les résultats. normale − albumine mesurée [g l−1 ]) = TA calculé + 0,25
(40 − albumine mesurée)
Néanmoins, cette correction ne suffit pas toujours à s’affranchir
Paramètres calculés des limites diagnostiques du TA [16–18] .
Toute variation de natrémie qui n’est pas associée à une varia-
TA plasmatique tion de chlorémie de même amplitude peut également modifier
Le calcul du TA plasmatique est basé sur le principe de le TA indépendamment des variations de concentrations d’acides
l’électroneutralité du plasma selon lequel la somme des charges organiques.
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Tableau 4.
Caractéristiques des réponses théoriques prévisibles aux troubles acidobasiques (TAB) primitifs.
TAB primitif Degré de réponse Délai Limites
Troubles métaboliques
- Acidose (↓ HCO3 – ) ↓ PaCO2 = ↓ 1,3 × HCO3 – 12 à 24 heures PaCO2 = 10 mmHg
- Alcalose (↑ HCO3 – ) ↑ PaCO2 = ↑ 0,6 × HCO3 – 24 à 36 heures PaCO2 = 55 mmHg
Troubles respiratoires
Acidose (↑ PaCO2 )
- Aiguë ↑ 10 mmHg PaCO2 = ↑ 1 mEq l–1 HCO3 – 5 à 10 minutes HCO3 – = 30 mEq l–1
- Chronique ↑ 10 mmHg PaCO2 = ↑ 3,5 mEq l–1 HCO3 – 72 à 96 heures HCO3 – = 45 mEq l–1
Alcalose (↓ PaCO2 )
- Aiguë ↓ 10 mmHg PaCO2 = ↓2 mEq l–1 HCO3 – 5 à 10 minutes HCO3 – = 18 mEq l–1
- Chronique ↓ 10 mmHg PaCO2 = ↓5 mEq l–1 HCO3 – 48 à 72 heures HCO3 – = 14 mEq l–1
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Tableau 5.
Classification des principaux troubles acidobasiques (TAB) primaires selon les concepts d’Henderson–Hasselbalch et de Stewart.
TAB métaboliques TAB respiratoires
Concept d’Henderson–Hasselbalch
pH HCO3 PaCO2
Acidose ↓ ↓ ↑
Trou anionique élevé
Hyperchlorémie
Alcalose ↑ ↑ ↓
Concept de Stewart
SID Atot PaCO2
Acidose ↓ ↑ ↑
Hyperchlorémie ↑ Albuminate
Hyponatrémie ↑ Phosphate
↑ XA– (± ↑SIG)
Alcalose ↑ ↓ ↓
Hypochlorémie ↓ Albuminate
Hypernatrémie
SID : Strong Ion Difference ; Atot : acides faibles totaux ; XA– : acides forts indosés ; SIG : Strong Ion Gap.
à l’association d’une perturbation métabolique et respiratoire ventilation contrôlée, elle peut induire une désadaptation du
allant dans le même sens. Un trouble complexe correspond à patient du respirateur. L’acidose peut également entraîner une
l’association de deux ou trois troubles simples qui ne vont pas vasoconstriction pulmonaire. Elle dévie la courbe de dissocia-
tous dans le même sens. Comme il ne peut y avoir qu’un seul tion de l’hémoglobine vers la droite, ce qui favorise la délivrance
trouble respiratoire à la fois, les TAB les plus complexes ne peuvent d’O2 aux tissus. Les acidoses métaboliques chroniques (comme
associer au maximum que trois perturbations : acidose et alcalose dans l’insuffisance rénale chronique) ont aussi des conséquen-
métaboliques associées à un seul trouble respiratoire (acidose ou ces métaboliques : augmentation du catabolisme protéique,
alcalose). Le diagnostic de trouble métabolique complexe repose insulinorésistance, modifications du métabolisme du calcium,
sur la comparaison de variation du bicarbonate à celle du chlore hyperparathyroïdie avec ostéodystrophie, anomalies de sécrétion
et du TA ou du SID (cf. infra) [2] . l’hormone thyroïdienne et hormone de croissance.
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organiques. L’impact des autres cations non organiques tels que fameuse polypnée de Küssmaul. L’efficacité du traitement repose
Mg++ , Ca++ et K+ reste négligeable et ne peut pas entraîner de sur la décroissance glycémique et la disparition des corps céto-
variation notable du SID et du pH plasmatique ; niques surveillée par la cétonurie. Il est important de savoir
• une augmentation d’anions forts organiques (lactate, corps que le dosage urinaire des corps cétoniques par bandelette
cétoniques) ; fait appel à une réaction par nitroprusside qui détecte l’acéto-
• la présence anormale d’anions forts d’origine exogène prove- acétate exclusivement. Lorsque la quantité des corps cétoniques
nant de médicaments ou de toxiques. est importante, la réaction est thermodynamiquement orientée
La présence d’anions forts organiques (endogènes ou exogènes) préférentiellement de l’acéto-acétate vers le -hydroxybutyrate
sera décelée par le calcul du « Strong Ion Gap » ou SIG selon la et inversement. Ainsi, lorsque le patient s’améliore et que la
formule : SIG (meq l−1 ) = SID apparent – SID effectif. Il n’est pas cétonémie diminue, le piège classique est d’observer une réaug-
rare en pratique que ces anomalies s’associent entre elles. La seule mentation paradoxale de la cétonurie qui témoigne simplement
augmentation d’anions faibles (sulfate, phosphate) ne peut réelle- de la reconversion préférentielle du -hydroxybutyrate en acéto-
ment modifier à elle seule le pH car elle est négligeable sur le plan acétate.
quantitatif par rapport aux autres paramètres. Le jeûne prolongé qui s’accompagne physiologiquement d’une
insulinopénie et d’une hyperglucagonémie peut également stimu-
Acidoses métaboliques à SIG augmenté ler la production de corps cétoniques aboutissant à l’acidocétose
de jeûne avec les mêmes caractéristiques acidobasiques que celles
(organiques) du diabétique.
Acidose métabolique par hyperlactatémie
C’est une des causes les plus fréquentes d’acidose métabolique Acidose métabolique par ingestion de toxiques
en réanimation, présente chez deux tiers des patients [2] . L’acidose Du fait de l’accumulation d’anions forts, ces acidoses se carac-
lactique se définit comme une acidose associée à une hyperlacta- térisent par un TA élevé ou mieux encore par une baisse du
témie supérieure ou égale à 5 mmol l–1 . L’hyperlactatémie n’est SID avec SIG augmenté. Les anions forts généralement issus du
pas forcément associée à une acidose [24] . Le lactate est un anion métabolisme de médicaments ou de toxiques, incluent surtout
organique fort et fait partie des acidoses métaboliques à TA et TAc le salicylate, pyroglutamate, formate, oxalate et glycolate [25, 26] .
élevés. Selon le principe de Stewart, l’acidose avec hyperlactaté- L’intoxication à l’acétylsalicylate a la particularité d’associer
mie se caractérise par une baisse du SID avec augmentation du acidose métabolique et alcalose respiratoire prédominante par sti-
SIG. En 1976, Cohen et Wood classent les acidoses métaboliques mulation des centres respiratoires induite par le salicylate. Ainsi,
avec hyperlactatémie en deux groupes selon l’existence ou non le pH est le plus souvent alcalin, tout au moins au début et dans
d’un défaut d’oxygénation tissulaire. Néanmoins, cette distinc- les formes les moins sévères. Dans un contexte d’intoxication,
tion s’avère le plus souvent inexacte, l’hyperlactatémie relevant l’association troubles de conscience et acidose métabolique à TA
le plus souvent de mécanismes multiples associant métabolisme élevé ou SIG élevé doit orienter vers la prise de méthanol ou
aérobie et anaérobie comme dans le sepsis. Dans ces situations, d’éthylène-glycol. Le diagnostic est fortement suspecté devant
seule l’élévation du rapport lactate/pyruvate permet d’affirmer l’existence d’un trou osmotique élevé (osmolarité plasmatique
l’existence d’un métabolisme anaérobie. Mais en pratique cou- mesurée – osmolarité plasmatique calculée > 10 mosm l–1 ). Le
rante, le dosage de pyruvate reste difficile car long et le pyruvate dosage plasmatique de ces deux toxiques peut conforter le diag-
est particulièrement labile. nostic. L’oxydation du méthylène en formate et formaldéhyde
Acidose métabolique par acidocétose peut entraîner une cécité par toxicité directe sur le nerf optique.
L’intoxication à l’éthylène-glycol peut aussi se manifester par
C’est une des complications métaboliques aiguës du diabète.
des troubles neurologiques, un collapsus cardiovasculaire, une
Depuis plus de 15 ans, grâce à une prise en charge optimisée,
insuffisance hépatique et une insuffisance rénale aiguë. Son méta-
elle se complique de décès dans moins de 5 % des cas [25, 26] .
bolisme en oxalate et formate est responsable de la baisse du
Elle est liée à l’accumulation anormale de corps cétoniques
SID avec élévation du SIG. Chez les patients de réanimation, le
(acétone, acéto-acétate, -hydroxybutyrate), anions organiques
SIG est fréquemment retrouvé élevé, indépendamment de la pré-
forts qui proviennent de la -oxydation accrue des acides gras
sence anormale d’anions tels que lactate, corps cétoniques ou
libres en rapport avec l’insulinopénie et l’augmentation des
toxiques. Le calcul du SIG met en évidence des anions forts indo-
hormones de contre-régulation. Classiquement dans sa forme
sés inconnus qui pour certains sont des intermédiaires du cycle
pure, l’acidocétose diabétique est décrite comme une acidose
de Krebs [26, 27] .
métabolique à TA élevé associée à une hyperglycémie. Mais il
est préférable de la caractériser par une diminution du SID et
une augmentation du SIG témoin de la présence d’anions forts Acidoses métaboliques à SIG normal (minérales)
organiques. Le dosage des corps cétoniques plasmatiques (céto-
némie) est long, justifiant leur détection indirecte mais rapide Acidoses tubulaires rénales
dans les urines (cétonurie). Le plus souvent, la polyurie induite Elles sont en rapport avec des anomalies de la fonction tubulaire
par l’hyperglycémie induit une insuffisance rénale aiguë respon- alors que la filtration glomérulaire n’est pas altérée [28, 29] . Quel
sable d’une accumulation d’acides faibles (sulfate, phosphate) qui que soit le type d’acidose tubulaire, il s’agit d’une acidose méta-
aggravent l’acidose métabolique. Au départ, la rétention rénale bolique hyperchlorémique avec baisse du SID, mais SIG normal,
de corps cétoniques s’accompagne d’une élimination rénale associée à un SID urinaire positif. Toutes les acidoses tubulaires
concomitante de chlore pour maintenir l’électroneutralité. Ce se caractérisent par des anomalies des canaux ou transporteurs
phénomène peut donc entraîner une discrète alcalose métabo- d’électrolytes qui induisent in fine une réabsorption rénale accrue
lique hypochlorémique contemporaine de l’acidose métabolique, de chlore et une augmentation d’excrétion rénale de sodium,
souvent aggravée par de fréquents vomissements. Ainsi, les TAB aboutissant à une augmentation du SID urinaire et donc une
de l’acidocétose diabétique ne sont que rarement résumés à baisse du SID et du pH plasmatiques. Dans l’acidose tubulaire dis-
une simple acidose métabolique organique pure. Au cours du tale (type 1), les anomalies touchent essentiellement les cellules
traitement, il est fréquent d’observer le développement d’une intercalaires alpha du tube collecteur, alors que dans la proxi-
hyperchlorémie qui est induite par deux phénomènes : l’apport male (type 2), les anomalies se situent sur les cellules du tube
important de chlore par les solutés de remplissage vasculaire (cris- contourné proximal. L’acidose tubulaire type 4 ou pseudohypoal-
talloïdes) et la récupération de la fonction rénale qui permet dostéronisme type II induit des anomalies métaboliques diverses
l’élimination de corps cétoniques dans les urines en échange de la caractérisées par une acidose métabolique hyperchlorémique avec
réabsorption de chlore. Il est donc normal lors de l’amélioration de hypertension artérielle et hyperkaliémie. Elle est due à des anoma-
l’acidocétose diabétique de voir l’acidose métabolique organique lies des canaux situés sur les cellules du tube contourné distal et
de départ devenir progressivement une acidose métabolique du tube collecteur et qui sont impliqués dans les mouvements de
hyperchlorémique. Le diagnostic d’acidocétose diabétique est en Na+ , K+ , et Cl– et dans le fonctionnement des transporteurs par
général simple, orienté par les antécédents, le contexte et la des kinases.
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36-860-A-50 Troubles acidobasiques chez l’adulte
Acidoses métaboliques par pertes digestives d’une insuffisance rénale ou de recours à l’épuration extrarénale
Les pertes intestinales par diarrhée ou drainage pancréatique dans le groupe dit libéral [41] . Ces données n’ont cependant pas
ou du grêle provoquent des acidoses métaboliques car le tube été confirmées par une étude randomisée ayant inclus plus de
digestif réabsorbe le sodium et le chlore en quantité égale ce qui 2000 patients [42] . Cependant, celle-ci faisait état d’un remplis-
diminue le SID plasmatique. Il s’agit donc d’une acidose métabo- sage limité sur une population présentant une mortalité basse
lique hyperchlorémique avec SID plasmatique bas, SIG normal, ne représentant pas la population traditionnellement rencontrée
mais le SID urinaire est négatif, témoin d’une réponse adaptée en réanimation. Des résultats plus pertinents semblent venir de
du rein. Les patients porteurs d’une néovessie digestive déve- deux études récentes, l’une en réanimation et l’autre chez des
loppent le même type d’acidose car les urines qui s’accumulent patients non réanimatoires, retrouvant un effet significativement
dans le côlon subissent une réabsorption égale de Na+ et de positif, en faveur des solutés équilibrés, sur des critères composites
Cl– . associant mortalité, insuffisance rénale et recours à l’épuration
extrarénale [34, 35] . Ceci semble particulièrement vérifiable pour
Acidoses métaboliques par solutés de remplissage vasculaire les patients nécessitant un remplissage massif au décours de leur
L’administration de volumes importants de liquides de rem- hospitalisation [34] .
plissage peut induire des TAB complexes et variables selon Voir Annexe B concernant les TAB et solutés de remplissage.
leur composition. Un des TAB le plus fréquemment observé
est l’acidose métabolique hyperchlorémique. Classiquement, ces
acidoses ont été attribuées à la dilution des bicarbonates plas- Acidose métabolique de causes mixtes
matiques, d’où leur nom d’acidose de dilution. Selon le concept par insuffisance rénale
de Stewart, cette acidose résulte d’une baisse du SID par deux
mécanismes. La perfusion de solutés hypotoniques va induire L’acidose observée au cours de l’insuffisance rénale a été clas-
une diminution de Na+ proportionnellement plus importante siquement attribuée à des problèmes d’élimination des protons
que celle de Cl– : la classique acidose de dilution est donc une et/ou de réabsorption de bicarbonates. Mais cette vision physio-
acidose par hyponatrémie. Mais la cause la plus importante est pathologique ignore totalement la dépendance des bicarbonates
l’hyperchlorémie, en rapport avec la perfusion de solutés riches en et des protons vis-à-vis des autres facteurs plasmatiques impli-
chlore, appelés solutés non équilibrés [2, 30–32] . Tous les cristalloïdes qués dans l’équilibre acidobasique. Le rein joue un rôle majeur
type sérum salé (iso- ou hypertoniques) ont un SID à zéro (concen- dans l’équilibre acidobasique grâce à son implication dans les
tration de Na = concentration de chlore) et peuvent induire de échanges plasma-urine d’électrolytes, c’est-à-dire en modulant le
fait une acidose métabolique hyperchlorémique. Dans le même SID urinaire et donc le SID plasmatique [43] . Les trois ions forts
temps, ils sont dépourvus d’albumine et ont aussi un effet alcali- principalement impliqués dans ces phénomènes sont le cation
nisant. La résultante des deux est quand même un effet acidifiant Na+ (et plus accessoirement le K+ ) et l’anion Cl– . Ainsi, si la perte
en rapport avec l’hyperchlorémie. Les solutés équilibrés doivent urinaire de Na+ est plus importante que celle de Cl– , le SID et le
contenir une quantité d’anions forts (lactate, acétate, malate, glu- pH urinaires vont augmenter alors que le SID et le pH plasma-
conate ou citrate) qui permet une égalité entre la somme des tiques vont diminuer. L’élimination de Cl– serait le mécanisme
anions et des cations. L’effet des colloïdes type hydroxyéthyla- principal de régulation rénale du pH plasmatique. Pour acidifier
midon ou dextran sur l’équilibre acidobasique dépend du SID du les urines (et donc alcaliniser le pH plasmatique), le rein doit excré-
solvant. S’il s’agit de NaCl 0,9 %, ils peuvent induire une aci- ter des anions chlore sans excrétion concomitante de Na+ ou de
dose hyperchlorémique [33] . Les gélatines et albumine sont des K+ . Pour des raisons d’électroneutralité, le cation qui accompagne
protéines et ont donc une activité d’acides faibles. Elles peuvent l’excrétion de Cl– dans les urines est l’ammoniaque NH4 + qui est
donc avoir un effet acidifiant par ce biais-là. Mais les charges néga- issue du métabolisme azoté.
tives de ces protéines impliquent d’augmenter le SID du solvant, Les mécanismes de l’acidose métabolique au cours de
ce qui atténue l’effet acidifiant. l’insuffisance rénale sont complexes, multiples et dépendent de
Le rôle iatrogène des solutés non équilibrés dans la surve- l’ancienneté de la maladie [22, 23, 44] . À la phase initiale d’une insuf-
nue d’une acidose métabolique hyperchlorémique est largement fisance rénale, l’hyperchlorémie est la cause majeure de la baisse
démontré en périopératoire comme en réanimation [34–36] . La sévé- du SID donc de l’acidose. C’est donc une acidose métabolique
rité de l’acidose est corrélée à la richesse du soluté en chlore, avec baisse du SID mais avec un SIG normal (et TA normal).
au volume, à la rapidité de perfusion et à la fonction rénale. Si Lorsque l’insuffisance rénale évolue, elle est responsable d’une
la fonction rénale est normale, l’acidose hyperchlorémique est altération d’excrétion d’anions organiques forts qui peuvent par-
souvent transitoire. La littérature rapporte une incidence de ces ticiper à plus de 50 % de l’acidose métabolique avec baisse du
acidoses allant de 10 à 60 % des patients de réanimation [10, 36] . SID et augmentation du SIG (et du TA). Dans l’insuffisance rénale
Sur des modèles animaux de choc septique et hémorragique, il a aiguë, l’accumulation de sulfate et phosphate plasmatiques asso-
été montré que le remplissage vasculaire par du sérum salé iso- ciée à une hypocalcémie peut participer au développement d’une
tonique induisait une acidose métabolique en rapport pour au acidose métabolique à SIG augmenté. Mais, tous ces paramètres
moins un tiers avec une hyperchlorémie. Chez les patients en acidifiants sont souvent contrebalancés par l’hypoalbuminémie
sepsis sévère ou choc septique, l’acidose hyperchlorémique est la et l’hyperkaliémie qui ont des effets alcalinisants, de sorte que
cause la plus fréquente d’acidose métabolique dans les cinq pre- l’acidose métabolique de l’insuffisance rénale est souvent peu
miers jours d’hospitalisation et est associée à une augmentation sévère.
de morbi-mortalité. Plusieurs études cliniques confirment le lien
entre perfusion de solutés non équilibrés et acidose hyperchloré-
mique, anomalie prévenue par la perfusion de solutés équilibrés. Acidoses métaboliques par accumulation
Dans une étude récente, il a été montré que l’application d’une de citrate
politique de perfusion de solutés équilibrés chez des patients de
réanimation avait permis de diminuer le taux d’hyperchlorémie L’épuration extrarénale par citrate est devenue une technique
sévère (> 114 mmol l–1 ) de 6,2 à 2,3 % et le taux d’acidose (pH < 7,3) de choix de suppléance rénale, du fait de la qualité d’épuration
de 6 à 4,9 % [36, 37] . L’intérêt des solutés équilibrés dans la préven- induite par une anticoagulation régionale du circuit permettant
tion de l’acidose hyperchlorémique a aussi été démontré au cours des temps d’épuration plus prolongés qu’en épuration sous hépa-
des acidocétoses diabétiques, dans le choc hémorragique et chez rine. Le citrate va chélater le calcium inhibant ainsi les cascades de
le traumatisé crânien [38–40] . coagulation médiées par celui-ci. Le citrate étant un acide faible [45]
L’utilisation de solutés équilibrés en réanimation est actuelle- va être métabolisé essentiellement par le foie pour être transformé
ment source de débat. en CO2 et H2 O. Lorsque la métabolisation de ce citrate n’est pas
Les premiers travaux menés dans ce domaine, comparant une optimale (insuffisance hépatique, état de choc sévère, etc.), celui-
stratégie utilisant des solutés « chlorés » par rapport à une stratégie ci va s’accumuler dans l’organisme induisant la présence d’une
limitant les apports en chlore, n’ont pas montré de différence en acidose à TA élevé du fait de l’accumulation de ce métabolite mais
termes de mortalité mais un effet sur le risque de développement à SID normal (Fig. 5).
10 EMC - Anesthésie-Réanimation
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Troubles acidobasiques chez l’adulte 36-860-A-50
39 meq l–1
SID SID
40 mmHg 40 mmHg
PaCO2 PaCO2
–1
40 g l
40 g l–1
Alb
Alb
Citrate
Citrate
0,8 mmol l–1 0,8 mmol l–1
Phosph Phosph
HCO3– Alb-
pH Phosph-
C
Traitement de l’acidose métabolique ou animaux en dehors de toute pathologie et dans des conditions
d’oxygénation tissulaire normales. Ainsi, dans d’autres conditions
L’acidose métabolique aiguë a été rendue responsable de nom- avec des pH plus élevés, la dépression myocardique n’a pas été
breux effets délétères. Les altérations cardiovasculaires sont les confirmée. Au cours du choc hémorragique, l’acidose métabolique
plus importantes et la dépression myocardique est la plus décrite est classiquement considérée comme un trouble aggravant le choc
sur des modèles expérimentaux de cœur isolé ou sur ani- et les anomalies de coagulation en diminuant le fibrinogène et
mal entier [46] . Ces effets sont reversés par l’administration de les plaquettes. Cependant, l’alcalinisation par BS ne permet pas
bicarbonate de sodium (BS). D’autres travaux rapportent une de rétablir une coagulation normale [48] . Les acidoses chroniques
augmentation des troubles du rythme, un effet vasodilatateur peuvent induire des anomalies hormonales, une ostéodystrophie
contrebalancé par une stimulation du système sympathique, avec hypocalcémie ionisée, ou une fatigue musculaire.
et une diminution de la réponse aux catécholamines [47] . À l’inverse, la littérature rapporte des effets bénéfiques de
L’interprétation de ces données doit être prudente du fait de biais l’acidose. Elle freine la glycolyse en inhibant la phosphofruc-
méthodologiques dont l’absence de groupe contrôle, et des condi- tokinase et dévie la courbe de dissociation de l’hémoglobine,
tions expérimentales avec acidose sévère (pH < 7) sur des cellules facilitant le relargage d’O2 à partir de l’hémoglobine pour les
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36-860-A-50 Troubles acidobasiques chez l’adulte
tissus. Il est licite de voir une finalité adaptative à ces modifica- Dans l’acidocétose diabétique, même en cas de pH très bas,
tions destinée à faciliter le fonctionnement cellulaire en situation l’administration de BS n’a pas montré un quelconque bénéfice
de faillite énergétique. Ainsi, l’acidose facilite l’apport d’oxygène en termes de mortalité malgré la correction de l’acidose [58] .
aux cellules hypoxiques et en freinant la glycolyse, elle permet L’utilisation de bicarbonate est associée à une augmentation du
de lutter contre l’épuisement prématuré des réserves énergé- risque d’œdème cérébral dans ce contexte en particulier dans
tiques. Les effets bénéfiques de l’acidose en condition d’hypoxie la population pédiatrique du fait de son action sur les pompes
ou d’ischémie/reperfusion sont très largement rapportés. Sur Na+ /H+ cérébrales [59, 60] . Aucun bénéfice de l’administration de
des modèles d’ischémie/reperfusion, l’application d’un milieu BS n’a pu être montré non plus dans l’arrêt cardiorespiratoire,
acide lors de la reperfusion améliore la reprise de la fonction sauf s’il est prolongé au-delà de dix minutes [61] . Ce résultat n’est
myocardique, de la fonction endothéliale, et la fonction céré- pas surprenant puisque l’acidose observée au début de l’arrêt
brale [49, 50] . Dans les mêmes conditions, l’acidose protège les cardiorespiratoire est principalement d’origine respiratoire et le
cellules de la mort cellulaire et de l’apoptose qu’il s’agisse de cel- meilleur traitement est d’optimiser la ventilation et d’induire
lules myocardiques, d’hépatocytes ou de neurones. Le mécanisme la reprise de la circulation spontanée. Aucune étude clinique
le plus vraisemblable de ces effets protecteurs serait l’acidification randomisée n’a évalué l’efficacité du BS dans les acidoses méta-
intracellulaire (pHi) qui déclencherait un processus de précondi- boliques hyperchlorémiques. Le traitement de ces acidoses, si
tionnement [49] ou de postconditionnement [50] . elles sont chroniques comme dans les insuffisances rénales chro-
Le traitement étiologique des acidoses métaboliques, non niques, semble licite pour lutter contre les effets indésirables
détaillé dans ce chapitre, est indispensable et bien souvent suffi- tels que la fatigue musculaire, l’ostéodystrophie et les anoma-
sant. Le traitement symptomatique généralisé qui a pour objectif lies hormonales. Dans ce cas, c’est l’épuration extrarénale qui
l’alcalinisation du pH plasmatique est encore débattu du fait de permet de traiter au mieux ce trouble. L’alcalinisation par BS
données contradictoires. des acidoses métaboliques hyperchlorémiques aiguës d’origine
L’impact pronostique d’un pH bas dépend clairement plus de digestive reste affaire de convictions face à l’absence de don-
la cause du trouble que de la profondeur de l’acidose. Masevi- nées cliniques objectives. L’approche du trouble par le concept
cius et al. [51] ont montré que chez les patients de réanimation, la d’Henderson–Hasselbalch selon lequel l’acidose est secondaire à
mortalité hospitalière était plus élevée dans l’acidose par hyper- une perte de bicarbonates renforce l’idée de remplacer ce pool par
lactatémie que dans celles dues à d’autres anions forts ou à un apport exogène. Si l’on se réfère au concept de Stewart, le traite-
une hyperchlorémie. L’hyperphosphorémie et l’hyperlactatémie ment de l’acidose doit tendre à normaliser le SID plasmatique. Le
étaient des paramètres indépendants de mauvais pronostic, alors BS peut atteindre cet objectif grâce à l’apport de Na+ sans Cl– . Mais
que le pH ne l’était pas. Ces données montrent clairement les autres solutés équilibrés pauvres en chlore tels que le lactate de
qu’alcaliniser un patient pour seulement normaliser un pH bas, sodium ou le citrate de sodium auront les mêmes effets alcalini-
quel que soit le contexte, n’a pas de sens. Cependant, des tra- sants [62] . Un nombre croissant de données expérimentales montre
vaux récents [52] dans le domaine de la réanimation ont montré que l’hyperchlorémie aurait des effets délétères indépendamment
que sur une population de patients présentant une insuffisance de l’acidose, ce qui peut représenter un argument en faveur du
rénale, l’utilisation de solutés alcalinisants tels que le bicarbonate traitement préventif et curatif de l’hyperchlorémie. Si l’on consi-
de sodium était associée à un impact positif sur le pronostic. Cette dère les effets potentiellement délétères de l’hyperchlorémie, sa
question est donc toujours au cœur du débat. prévention semble justifiée grâce à l’administration préférentielle
de solutés équilibrés pauvres en chlore. Néanmoins, le bénéfice
réel de cette stratégie reste à démontrer en pratique clinique.
Moyens d’alcalinisation À côté d’éventuels effets bénéfiques, l’administration de BS
est accusée d’avoir des conséquences délétères. Parmi ceux-ci,
Bicarbonate de sodium (BS) l’acidose avec hypercapnie intracellulaire est largement soulignée
Du fait de sa réaction NaHCO3 – + H+ ⇔ Na+ + H2 O + CO2 , dans de nombreuses études. Du fait de sa forte solubilité, le CO2
le BS est éliminé in fine sous forme de CO2 , ne laissant dans issu du BS va rapidement pénétrer dans la cellule et entraîner une
le plasma que le cation fort Na+ . Il s’ensuit une augmentation acidose dite paradoxale. En fait, ce phénomène retrouvé expéri-
du SID qui induit l’élévation du pH plasmatique. Ainsi, le BS est mentalement in vitro [63] dépend des conditions dans lesquelles
réellement une solution alcalinisante efficace [53, 54] . Dans de nom- les cellules se situent : l’acidose intracellulaire ne se développe pas
breuses études expérimentales ou cliniques observationnelles, cet si le système est ouvert, c’est-à-dire s’il y a élimination pulmonaire
effet s’accompagne d’effets hémodynamiques bénéfiques. Cepen- du CO2 ou si le milieu contient des tampons [64] . En pratique les
dant, le lien de causalité entre bénéfice et correction de l’acidose effets indésirables les plus gênants du BS sont la baisse du calcium
est loin d’être établi et cette amélioration pourrait être le fait ionisé, l’hypernatrémie, l’hyperosmolarité, la surcharge hydroso-
exclusif de l’apport de sodium (lié au bicarbonate). dée et l’hypokaliémie. Ces complications peuvent être prévenues
L’utilisation de bicarbonate est très discutée dans la littérature. ou minimisées par l’utilisation de solutions iso- ou hypotoniques
Une étude récente a souligné l’absence d’amélioration en termes en perfusion lente et en évitant les bolus.
de survie de l’utilisation systématique de bicarbonate de sodium
4,2 % chez des patients de réanimation présentant une acidose Épuration extrarénale
métabolique sévère (pH < 7,20 et [HCO3 – ] < 20 mmol l–1 ), cepen- L’épuration extrarénale avec tampon bicarbonate reste le traite-
dant l’effet devenait positif sur la sous-population de patients ment le plus élégant de l’acidose métabolique en cas d’insuffisance
présentant une insuffisance rénale KDIGO (Kidney Disease Impro- rénale. Elle permet d’augmenter le pH plasmatique en aug-
ving Global Outcomes) 2-3 [52] . La moitié de la population étudiée mentant le SID par plusieurs mécanismes : épuration d’anions
dans cette étude était une population avec un sepsis sous-jacent organiques (sulfate, phosphate) et inorganiques, augmentation de
et l’analyse de ce sous-groupe ne montrait pas de différence signi- la concentration plasmatique de Na+ apporté par le BS des liquides
ficative en faveur de l’utilisation de bicarbonate, bien qu’une de dialyse ou hémofiltration [44, 65] .
tendance était observable. Ceci renforce le débat dans ce contexte.
Dans une étude rétrospective non contrôlée, El Sohl et al. [55] Autres moyens
ont montré que l’administration de BS (0,2 mmol kg–1 h–1 ) chez Le Carbicarb® est un mélange équimolaire de bicarbonate et de
72 patients en choc septique avec un pH inférieur à 7,3 diminuait carbonate de sodium qui réagit avec l’eau et le CO2 de la façon
le délai de sevrage ventilatoire et la durée d’hospitalisation en suivante : Na2 HCO3 – + H2 O + CO2 ⇔ 2HCO3 – + 2Na+ . Il produit
réanimation. Néanmoins, ce traitement n’apportait aucun béné- ainsi moins de CO2 que le BS. Cependant cet avantage par rapport
fice en termes de résolution de l’état de choc et de mortalité. La au BS n’est pas démontré ni expérimentalement, ni en clinique.
Surviving Sepsis Campaign ne recommande l’alcalinisation par BS Ce produit n’est pas commercialisé en France.
qu’en cas d’acidose sévère avec un pH inférieur à 7,15 ; pour les Le Tham® (Tris-hydroxymethyl-Aminomethane) est
chocs septiques avec pH inférieur ou égal à 7,15, le BS n’est pas aussi un tampon synthétique qui permet l’alcalinisation
recommandé [56] . D’autres auteurs ne préconisent l’alcalinisation avec une production moindre de CO2 selon la réaction :
par BS que pour des pH encore plus bas, inférieur à 7 [57] . Tham + H2 O + CO2 ⇔ HCO3 – + Tham-Na+ . Il a aussi l’avantage
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Troubles acidobasiques chez l’adulte 36-860-A-50
théorique de traverser la membrane cellulaire facilement et donc de vasoconstriction et d’aggravation des effets shunts, en parti-
de se comporter comme un tampon intracellulaire. En revanche, culier au niveau de la circulation pulmonaire. Ces effets semblent
il peut produire des effets secondaires tels que vasodilatation, néanmoins transitoires après 6 à 8 heures d’alcalémie du fait d’une
hyperkaliémie, hypoglycémie et nécrose vasculaire. Comme le baisse du taux de 2-3 DPG érythrocytaire. Les variations électro-
Carbicarb® , sa supériorité sur le BS comme agent alcalinisant n’est lytiques plasmatiques dépendent essentiellement de la cause de
pas démontrée et l’expérience clinique de ce produit reste limitée. l’alcalose métabolique. L’hypochlorémie est constamment pré-
sente dans les alcaloses métaboliques à déplétion chlorée [2, 72] . Elle
est généralement associée à une déplétion du pool sodé avec ou
Alcalose métabolique [1] sans hyponatrémie. L’hypokaliémie est fréquente, liée soit à une
pénétration intracellulaire de K+ , soit à des fuites urinaires [72–74] .
L’hypophosphorémie, l’hypomagnésémie et la baisse du calcium
Symptômes cliniques ionisé peuvent aussi se retrouver.
L’alcalose métabolique n’est symptomatique que lorsque celle-
ci est profonde (pH > 7,55). Les symptômes essentiellement Diagnostic étiologique
neurologiques sont le fait d’une modification du débit sanguin
cérébral et de la consommation cérébrale en (CMR) en glucose. La recherche étiologique repose essentiellement sur l’histoire,
Il peut s’agir de troubles du système nerveux central à type l’examen clinique et les données de l’ionogramme sanguin et uri-
d’apathie, de confusion, d’asthénie, de crises convulsives ou plus naire incluant chlorurèse qui est l’élément essentiel du diagnostic
rarement de véritable encéphalopathie avec coma surtout chez étiologique et le pH urinaire [1, 2, 75] . La démarche étiologique est
l’insuffisant hépatique [1, 66] . Parfois le tableau est celui d’une résumée sur la Figure 6. La physiopathologie de l’alcalose méta-
véritable psychose et pose des problèmes de diagnostic différen- bolique est plus complexe que celle de l’acidose métabolique [73]
tiel [67] . Les signes neuromusculaires sont attribués à une baisse (Annexe C). En effet, face à une élévation importante des bicar-
de concentration plasmatique en calcium ionisé et à une hypoka- bonates plasmatiques (quelle que soit son origine exogène ou
liémie. Ceci se traduit par une irritabilité neuromusculaire avec endogène), un rein normal est capable d’excréter de grandes quan-
crampes, tétanie, beaucoup plus rarement un signe de Trous- tités de bicarbonates, de sorte qu’une alcalose métabolique ne
seau ou de Chvostek. Cette alcalose métabolique est associée à devrait théoriquement pas pouvoir persister. L’apparition et la per-
une réponse respiratoire qui peut être responsable d’hypercapnie sistance d’une alcalose métabolique nécessite donc à la fois des
mais également d’hypoxie qui s’expliquerait à la fois par un effet mécanismes de développement et d’entretien du processus. Ainsi
Bohr et par une aggravation des anomalies du rapport ventila- contrairement aux autres TAB, l’alcalose métabolique peut per-
tion/perfusion. Cet effet est d’autant plus marqué qu’il existe sister alors même que les mécanismes qui l’ont initié ont disparu.
une insuffisance respiratoire chronique préexistante. L’association On distingue trois phases d’évolution [1, 66, 68, 73] : genèse, entretien,
de cette hypoxie avec l’hypophosphorémie, l’hypokaliémie et correction (Fig. 7).
la baisse du débit sanguin coronaire [66, 68] peut conduire à des
manifestations cardiovasculaires qui peuvent se manifester par Phase de genèse
une insuffisance cardiaque, une hypotension artérielle et surtout
des troubles du rythme et de conduction : fibrillation auricu- C’est la période pendant laquelle la cause première de l’alcalose
laire, fibrillation ventriculaire ou même torsades de pointes. Ces métabolique est seule présente. Classiquement les mécanismes
troubles sont généralement résistants aux traitements habituels d’apparition sont soit une perte de protons non volatils, soit une
et ne régressent qu’avec la normalisation du pH [66] . L’alcalose surcharge en bicarbonates. Selon le concept de Stewart, l’alcalose
serait aussi responsable d’une augmentation des arythmies chez métabolique peut être induite :
les patients traités par digitalique. • par une augmentation du SID, qui peut elle-même résulter
d’une baisse plus importante du chlore que du sodium (alca-
loses hypochlorémiques) ;
Signes biologiques • une augmentation de sodium (alcaloses normochlorémiques) ;
• une diminution des acides faibles. La mise en évidence récente
Dans tous les cas, l’alcalose métabolique se caractérise par une du rôle majeur des canaux ioniques rénaux dans le dévelop-
élévation du pH, des bicarbonates plasmatiques et de la PaCO2 qui pement et l’entretien des alcaloses métaboliques supportent les
correspond à la réponse respiratoire prévisible et tend à ramener nouveaux mécanismes physiopathologiques de ces troubles [73] .
le pH vers les valeurs normales [1, 2, 66] . La réponse ventilatoire est
cependant autolimitée par l’hypoxémie qu’elle induit. Le trouble
est pur si la réponse ventilatoire mesurée est proche de celle pré- Alcaloses métaboliques hypochlorémiques
visible, c’est-à-dire qu’une augmentation d’environ 1 mmol l–1
Il s’agit des alcaloses métaboliques à déplétion chlorée dites
de bicarbonates entraîne une augmentation d’environ 0,7 à
« chlorosensibles ». Ce sont les plus fréquemment observées en
0,8 mmHg de la PaCO2 (Tableau 4). Des alcaloses métaboliques
réanimation.
pures très sévères non mortelles ont été décrites avec des pH attei-
gnant 7,87, des bicarbonates plasmatiques à 87 mmol l–1 et une
PaCO2 à 76 mmHg [69] . Dans ces situations, l’hypercapnie limite
Alcaloses chlorosensibles d’origine digestive
l’augmentation du pH, mais pérennise l’excrétion rénale d’ions Des travaux anciens en ont fait le trouble le plus fréquent
H+ et donc la réabsorption d’ions bicarbonates. Le TA plasmatique avec une incidence de l’ordre de 50 à 60 % chez des patients en
est classiquement normal dans les alcaloses métaboliques pures, postopératoire de chirurgie digestive, en rapport avec des pertes
l’élévation des bicarbonates étant contrebalancée par la baisse du massives d’HCl du liquide gastrique [41, 73, 76] . L’évolution des pra-
chlore. Il peut néanmoins être élevé dans trois circonstances [70] : tiques dans ce domaine avec la réalimentation précoce explique
hyperlactatémie modérée secondaire à l’activation de la glyco- probablement une incidence actuelle bien moindre de ce trouble
lyse (stimulation de la phosphofructokinase par l’alcalose) [71] ; dans cette population. La perte de chlore toujours objectivée par
association à une acidose métabolique ou excès d’alcalinisation une hypochlorémie augmente le SID et donc le pH et les bicar-
d’une acidose métabolique sévère ; augmentation de la charge bonates plasmatiques. Les pertes en Na+ et K+ sont généralement
négative de l’albumine secondaire à l’alcalémie et la contraction faibles car leur concentration dans le liquide gastrique est faible.
volémique. L’hypokaliémie, souvent associée à cette phase, résulte des pertes
L’hypoxie tissulaire est corrélée à l’hypoventilation alvéolaire. urinaires de K+ dues aux pertes obligatoires avec les ions bicar-
Son mécanisme n’est pas univoque. Le premier facteur en cause bonates dans les urines et à un éventuel hyperaldostéronisme
est la déviation vers la gauche de la courbe de dissociation secondaire en cas d’hypovolémie efficace associée. Au niveau des
de l’hémoglobine (effet Bohr), c’est-à-dire une augmentation urines, la natriurèse et la kaliurèse sont élevées (> 20 mmol l–1 ), la
de l’affinité de l’hémoglobine pour l’O2 induite par l’alcalose. chlorurèse nulle (< 10 mmol l–1 ) ; il existe une bicarbonaturie et
L’apport d’O2 aux tissus est également altéré par des phénomènes un pH supérieur à 6. La déplétion chlorée entraîne une excrétion
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36-860-A-50 Troubles acidobasiques chez l’adulte
Interrogatoire
Vomissements, aspiration gastrique,
diurétiques
Alcaloses par
Pas d'HTA HTA
hypoalbuminémie
Chlorémie
Figure 6. Arbre décisionnel. Conduite diagnostique étiologique face à une alcalose métabolique. La présence d’une hypertension artérielle (HTA) et la
chlorurèse sont les éléments indispensables, permettant de distinguer les alcaloses métaboliques chlorosensibles caractérisées par une hypochlorémie, des
alcaloses métaboliques chlororésistantes caractérisées par une chlorémie normale. GRA : glucocorticoid remediable aldosteronism.
80
1 2 3 4 5 6 7 8 jours
de bicarbonates par le tube contourné distal dès la 90e minute sui- [41]
Alcaloses chlorosensibles d’origine rénale
vant la déplétion chlorée [77] . L’adénome villeux est responsable Elles sont en rapport avec une perte de chlore dans les
dans 15 à 20 % des cas d’une alcalose métabolique en rapport avec urines, le plus souvent d’origine iatrogène en rapport avec
des pertes chlorées considérables. La diarrhée chlorée congénitale l’administration de diurétiques chlorurétiques tels que furosémide
est une maladie autosomale récessive caractérisée par un défaut (Lasilix® ), bumétanide (Burinex® ) et thiazidiques (Esidrex® ) [73, 78] .
d’échange chlorure/bicarbonate normalement présent au niveau Ainsi le furosémide peut générer une alcalose métabolique chez
des membranes apicales de l’épithélium colique et iléal. l’homme en deux jours. Les urines sont alors riches en Na+ ,
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Troubles acidobasiques chez l’adulte 36-860-A-50
K+ et Cl– (> 20 mmol l–1 ), mais pauvres en bicarbonates avec ◦ les syndromes adrénogénitaux (déficit en 11-hydroxylase
un pH inférieur à 6. Une autre cause est l’alcalose métabolique ou en 17-␣-hydroxylase) ;
post-hypercapnique. Elle s’observe chez l’insuffisant respiratoire • une déplétion potassique sévère (plus qu’une hypokaliémie)
chronique chez qui l’on corrige brutalement une acidose respi- peut générer et maintenir une alcalose métabolique à elle seule ;
ratoire (ventilation mécanique). L’acidose respiratoire induit en • une augmentation de la charge négative dans la lumière
quelques heures une déplétion chlorée par excrétion urinaire tubulaire en rapport avec une surcharge en anions non réab-
de chlore, associée à une réabsorption de bicarbonates : c’est la sorbables ;
réponse rénale au trouble respiratoire chronique. Quand la PaCO2 • une tubulopathie congénitale de découverte tardive comme le
baisse brutalement, la réabsorption de bicarbonates persiste tant syndrome de Bartter et le syndrome de Gitelman [82] .
que la déplétion chlorée n’est pas corrigée [66, 73] . L’alcalose méta-
bolique est aggravée chez ces patients par l’administration de
diurétiques qui augmentent la déplétion chlorée et peut engen- Alcaloses par hypoalbuminémie
drer une déplétion potassique, facteur supplémentaire d’entretien Leur fréquence en réanimation est élevée, variant de 50 à
de l’alcalose métabolique. 95 % [1, 23, 69] . L’approche de Stewart permet de comprendre cette
alcalose par diminution de la charge acide induite par l’albumine.
L’impact de cette alcalose en termes pronostique n’est pas connu.
Alcaloses chlorosensibles par surcharge en sodium
En revanche, il est important d’en faire le diagnostic car l’alcalose
Elles sont d’origine iatrogène en rapport avec un apport exo- métabolique peut facilement masquer une acidose métabolique
gène de solutés riches en sodium et en anions métabolisables associée avec un pH et un TA souvent normaux ou peu perturbés.
tels que bicarbonates (BS), lactate (Ringer-Lactate), citrate ou acé-
tate [45, 79–81] . L’élévation du SID en rapport avec l’augmentation
de sodium et la disparition des anions métabolisables, est respon- Phase d’entretien
sable de l’alcalose métabolique. Le développement des techniques
La phase d’entretien d’une alcalose métabolique est toujours
d’anticoagulation par citrate en épuration extrarénale continue a
d’origine rénale, due à une réabsorption tubulaire des bicar-
conduit à un accroissement du nombre d’alcaloses métaboliques
bonates associée à une excrétion de cations forts : c’est ce
chez ces patients. Une incidence de plus de 50 % a été rapportée,
que l’on appelle « l’acidurie paradoxale ». Ce phénomène est
mais ces chiffres diminuent au cours du temps et avec la maî-
caractéristique de la phase d’entretien et explique que l’alcalose
trise de la technique pour rejoindre les 5 % [45] . L’incidence la
métabolique peut perdurer malgré la disparition du facteur ini-
plus importante a été rapportée lors d’utilisation de citrate à forte
tial responsable de l’apparition du trouble. Dans les alcaloses
concentration. Les études plus récentes montrent une incidence
métaboliques avec déplétion chlorée, cette acidurie paradoxale
faible en raison de l’asservissement de l’administration de citrate
est considérée par certains non pas comme une réponse « inadap-
au débit sanguin, de l’utilisation de faibles concentrations et d’une
tée », mais bien au contraire comme « adaptée ». En effet, malgré
surveillance mieux codifiée. De manière plus anecdotique dans le
l’alcalose métabolique, une excrétion rénale de bicarbonates
syndrome des buveurs de lait, l’alcalose métabolique est multi-
s’accompagnerait obligatoirement d’une perte équimolaire de Na+
factorielle : vomissements, hypercalcémie, baisse de la filtration
et de K+ pour maintenir l’électroneutralité. Ceci pourrait induire
glomérulaire en rapport avec l’insuffisance rénale toujours pré-
une contraction du volume extracellulaire et une hypokaliémie
sente, absorption de bicarbonates (sous forme de bicarbonates de
sévère. Ainsi, l’acidurie paradoxale des alcaloses métaboliques
calcium). À l’hypercalcémie s’associe une hyperphosphorémie et chlorosensibles devrait être considérée plutôt comme une réponse
une hypermagnésémie. Les alcaloses dites de « contraction » font rénale attendue, témoin d’un mécanisme de prévention d’une
partie de ces alcaloses secondaires à une élévation du SID par aug- hypovolémie et d’une hypokaliémie.
mentation plus importante du sodium que du chlore, comme on Plusieurs facteurs peuvent être responsables du maintien d’une
l’observe en cas de déshydratation intracellulaire avec hyperna- alcalose métabolique, à part entière ou en association [73] . Leur
trémie. mécanisme d’action est l’augmentation de réabsorption rénale
des bicarbonates. Parmi ces facteurs, les plus importants sont la
baisse de la filtration glomérulaire secondaire à l’hypovolémie
Alcaloses normochlorémiques ou à une insuffisance rénale, l’hypokaliémie, l’hypochlorémie et
ou chlororésistantes l’hyperaldostéronisme.
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36-860-A-50 Troubles acidobasiques chez l’adulte
restauration du pool chloré. La nécessité absolue d’apporter en sont celles à 0,15 ou 0,2 molaire. Au contact du plasma, l’acide
association avec le chlore du Na (NaCl) et/ou du K (KCl) est encore chlorhydrique se transforme : HCl + HCO3 – ↔ CO2 + H2 O + Cl– .
débattue [72, 73] . Les concepts physiopathologiques modernes de L’eau ainsi formée diffuse de manière homogène dans tous les
l’alcalose métabolique montrent qu’il est sûrement inexact de ne secteurs sans risque de surcharge intra- ou extracellulaire. Ainsi,
raisonner que sur les anomalies du secteur extracellulaire (SEC), contrairement aux autres agents acidifiants, il est intéressant
sans tenir compte des modifications concomitantes du secteur et peut être utilisé en toute sécurité chez l’insuffisant rénal
intracellulaire. Il devient donc illusoire de vouloir séparer les varia- et hépatique ou même dans les états œdémateux où l’apport
tions de chlore de celles du sodium et du potassium [83, 84] . Ainsi, de NaCl est contre-indiqué. Son utilisation pratique nécessite
l’apport de NaCl dans les alcaloses métaboliques chlorosensibles un abord par voie veineuse centrale (toxicité directe de l’HCl).
est un traitement indispensable à la fois pour corriger la déplétion Dans tous les cas, le débit de perfusion ne doit pas excéder
chlorée et l’hypovolémie efficace. Cependant, son administration 0,2 mmol kg–1 par heure avec des doses de 100 à 300 mmol
exclusive semble insuffisante et les travaux récents suggèrent de par jour [85] . La durée de la perfusion est généralement de
plus en plus l’association systématique de KCl, car le seul apport de 24 à 48 heures et nécessite un contrôle biologique (gaz du
NaCl peut corriger l’hyperbicarbonatémie, mais ne peut en aucun sang, ionogramme) toutes les six heures. L’HCl peut provoquer
cas corriger l’hypokaliémie et l’acidose intracellulaire toujours une phlébite sclérotique des veines (mauvais positionnement
associées. Le traitement des alcaloses métaboliques chlororésis- ou détérioration du cathéter dont la fréquence est largement
tantes repose essentiellement sur l’apport de KCl nécessaire au atténuée par l’utilisation de solutions faiblement concen-
rétablissement de la déplétion potassique. trées [0,1 molaire] ou mélangées à des lipides ou des acides
aminés).
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Troubles acidobasiques chez l’adulte 36-860-A-50
Tableau 6.
Principales causes des acidoses et alcaloses respiratoires.
Acidoses respiratoires aiguës Acidoses respiratoires chroniques
Obstruction des voies aériennes
Inhalation, laryngospasme, bronchospasme sévère, obstacle des voies aériennes supérieures Bronchopneumopathie chronique
obstructive (BPCO)
Dépression des centres respiratoires
Anesthésie générale, sédatifs, traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral Surdosage chronique en sédatifs, syndrome
de Pickwick, tumeur cérébrale
Défaillances cardiovasculaires
Arrêt cardiaque, œdème pulmonaire grave
Déficits neuromusculaires
Botulisme, tétanos, hypokaliémie, syndrome de Guillain-Barré, crise de myasthénie, toxiques Poliomyélite, sclérose latérale
(curares, organophosphorés) amyotrophique, sclérose en plaques,
myopathies, paralysie diaphragmatique,
myxœdème
Atteintes thoracopulmonaires
Pneumothorax, hémothorax, pneumonie sévère, syndrome de détresse respiratoire aiguë Cyphoscoliose, fibrose pulmonaire, obésité,
hydrothorax, ascite, altération de la
fonction diaphragmatique
Ventilation artificielle
Hypoventilation accidentelle, hypercapnie permissive
Alcaloses respiratoires
Hyperventilation alvéolaire d’origine centrale
Volontaire : anxiété, douleur
Involontaire : neurologique (traumatisme crânien, encéphalopathies, méningite, tumeur
cérébrale, accident vasculaire cérébral), toxique (salicylés, aminophylline, catécholamines),
fièvre, encéphalopathies métaboliques, grossesse
Hyperventilation alvéolaire par hypoxie tissulaire
Baisse de la fraction inspirée en oxygène, intoxication au monoxyde de carbone, anémie
intense, insuffisance circulatoire, shunt droit-gauche, trouble du rapport
ventilation/perfusion, fibrose pulmonaire
Autres
Hémodialyse, ventilation mécanique trop importante
Troubles acidobasiques monaire n’entraîne une acidose respiratoire aiguë qu’à un stade
très évolué. En peranesthésie, une acidose respiratoire est possible
respiratoires purs lors d’une ventilation/minute insuffisante, d’une obstruction des
voies aériennes, d’un pneumothorax ou d’une anomalie dans le
Acidose respiratoire circuit machine. Une mention particulière doit être faite pour
[1] l’hypercapnie permissive observée et respectée lors de la prise en
Interrogatoire - Signes cliniques charge de certains syndromes de détresse respiratoire aiguë de
L’hypercapnie aiguë entraîne une hypertension artérielle péri- l’adulte (SDRA), et qui n’entraîne pas d’effet délétère tant qu’elle
phérique avec augmentation du débit cardiaque et du débit ne dépasse pas un niveau de PaCO2 de 60 mmHg.
sanguin cérébral. L’acidose respiratoire aiguë s’accompagne d’une Acidoses respiratoires chroniques : elles se voient essentiel-
hypersécrétion de catécholamines, de glucocorticoïdes, de rénine, lement chez les patients porteurs de maladies pulmonaires
d’aldostérone et d’ADH plasmatiques avec rétention hydrosodée. obstructives ou plus rarement restrictives (Tableau 6). En pratique,
Plus l’hypercapnie est d’installation rapide, plus les signes neu- il est parfois difficile de faire la part entre acidose respiratoire aiguë
rologiques centraux sont importants : nausées, vomissements, ou chronique. Seule l’histoire clinique permet d’avancer dans le
céphalées, flapping tremor, voire astérixis, agitation, confusion, diagnostic.
obnubilation, coma, crises comitiales. L’hypercapnie chronique s’accompagne des signes de cœur pul-
monaire chronique avec hypertension artérielle pulmonaire. Les
Signes biologiques [1, 2] troubles du rythme ventriculaires et supraventriculaires sont plus
liés à l’hypoxie et aux troubles ioniques associés qu’à une myocar-
L’hypercapnie est responsable de la baisse du pH. La réponse diopathie. Sauf aggravation aiguë, l’acidose respiratoire chronique
métabolique est variable en fonction du caractère aigu ou chro- entraîne peu de troubles neurologiques centraux.
nique de cette hypercapnie (Tableau 4). L’hypoxémie est en
rapport avec l’hypoventilation alvéolaire. Dans l’acidose respira-
toire aiguë, il n’existe pas de modification des concentrations en Traitement
Na+ , K+ et du TA, sauf en cas de trouble surajouté en particulier une
acidose métabolique. Dans l’acidose respiratoire chronique, les Les conséquences de l’acidose respiratoire aiguë restent débat-
concentrations de Na+ , K+ et le TA sont normaux : l’augmentation tues, en particulier lors de l’hypercapnie permissive : diminution
de HCO3 – est contrebalancée par une baisse identique de Cl– de la contractilité diaphragmatique [90] , aggravation ou dimi-
(HCO3 – = Cl– ). nution des lésions pulmonaires [91, 92] , diminution des lésions
d’infarcissement myocardique [38] , effet anti-inflammatoire, anti-
[1, 2] oxydant [92] . Au cours du sepsis, il semble que l’impact de l’acidose
Diagnostic étiologique hypercapnique dépende du site infectieux et du temps d’évolution
Acidoses respiratoires aiguës : les causes les plus souvent du sepsis (effet protecteur sur les pneumopathies en phase précoce
rencontrées en anesthésie-réanimation sont la décompensation et effet aggravant sur les pneumopathies d’évolution prolon-
d’une atteinte pulmonaire antérieure, une obstruction des voies gées) [92] . Le traitement des acidoses respiratoires passe avant tout
aériennes ou un bronchospasme sévère (Tableau 6). L’œdème pul- par un traitement étiologique de l’hypoventilation alvéolaire :
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Troubles acidobasiques chez l’adulte 36-860-A-50
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens deux cotransporteurs sodium/chlore est altérée en cas de déplé-
d’intérêts en relation avec cet article. tion potassique. Le cotransporteur Pendrin est un échangeur Cl–
(réabsorption)/HCO3 – (excrétion) localisé sur la membrane api-
cale du tube collecteur [100] . Il est stimulé par la déplétion chlorée
Annexe A. Définitions et l’hyperminéralocorticisme. Le canal sodium épithélial (ENaC)
situé dans la membrane apicale des cellules principales du tube
d’un acide et d’une base collecteur est responsable d’une réabsorption de sodium [101–103] .
L’élévation du gradient électrochimique qui résulte de l’activation
Les définitions d’un acide (base) varient selon le contexte : en de ce cotransporteur, favorise l’excrétion rénale concomitante de
cuisine, un acide définit un goût ; pour un chimiste, l’acide est lié K+ et H+ , ce qui pérennise l’alcalose et l’hypokaliémie. Son activité
à des mouvements d’électrons, alors que le physiologiste prend est stimulée directement par l’aldostérone et indirectement par
en compte la production de protons H+ [94–96] . En 1887, Arrhenius l’augmentation du débit urinaire, de la quantité de sodium dans
définit un acide comme une substance qui produit des ions H+ le tubule et de l’alcalose. L’activation de ENaC stimule indirecte-
en se dissolvant dans l’eau. Une base est au contraire une sub- ment deux transporteurs pour rétablir le gradient électrochimique
stance qui se dissocie dans l’eau en donnant des ions hydroxyls tubulaire :
OH– . Applicable que pour les solutions aqueuses, cette définition • le canal épithélial potassique « renal outer medullary potas-
exclut les acides (ou alcalins) non aqueux tels que le CO2 . Plus sium » ou ROMK, présent au niveau de l’anse de Henlé et du
tard, Bronsted et Lowry définissent une substance acide comme tube collecteur, induit une excrétion rénale de K+ ;
étant une substance donneuse de protons et inversement. En se • la pompe H+ -ATPase du tube collecteur entraîne une excrétion
dissociant dans une solution, un acide HA va produire un H+ rénale d’H+ . Enfin, la pompe excrétrice H+ /K+ -ATPase est stimu-
et son anion A– conjugué. Lewis apporte une vision totalement lée par la déplétion potassique.
chimique, permettant d’inclure le CO2 , en définissant un acide Il existe des données expérimentales qui montrent clairement
comme un accepteur d’électrons et inversement pour une base. que la pérennisation de l’alcalose métabolique, quelle que soit
Ces définitions sont adaptées au plasma qui est capable à partir sa cause, se produit principalement au niveau distal du néphron,
de l’eau plasmatique de générer des protons et des hydroxyls selon lieu où se localisent tous ces transporteurs. En résumé, l’inhibition
la réaction : H2 O ↔ H+ + OH– , mais aucune d’entre elles ne donne des cotransporteurs Na+ /K+ /2Cl– , Na+ /Cl– , Cl– /HCO3 – de l’anse de
une vision physiologique. C’est Van Slyke qui souligne le rôle des Henlé et l’activation de ENaC du tube collecteur stimulent in fine
électrolytes dans l’équilibre du pH [97] : un acide est un donneur l’excrétion rénale de H+ et K+ dans le tube collecteur. Ainsi, en se
de cations ou un accepteur d’anions, et inversement pour une basant sur les modifications d’activité de ces transporteurs, il est
base. C’est cette notion qui sera reprise dans les années 1980 par possible de proposer une nouvelle classification physiopatholo-
P. Stewart pour interpréter un pH [8] . gique des alcaloses métaboliques comme suit.
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36-860-A-50 Troubles acidobasiques chez l’adulte
Tableau B.1.
Composition électrolytique, Strong Ion Difference (SID) et osmolarité des principaux solutés de remplissage.
Na+ meq l–1 Cl– meq l–1 Anions– métabolisable meq l–1 SID meq l–1 Osmolarité mOsm l–1
Cristalloïdes
Non balancés
- NaCl 0,9 % 154 154 0 0 308
- NaCl 3 % 510 510 0 0 1026
- NaCl 7,5 % 1275 1275 0 0 2395
Balancés
- Ringer-lactate 130 108 Lactate 27,6 27 253
- Ringer-acétate-gluconate (Plasmalyte® ) 140 98 Acétate 27 + gluconate 23 50 278
- Ringer-acétate-malate (Isofundine® ) 140 127 Acétate 24 + Malate 27 27 275
- Ethylpuruvate 137 112 Pyruvate 28 50 286
- Lactate de sodium (Totilac® ) 504 0 Lactate 504 0 1020
Colloïdes
Hydroxyéthylamidons
Non balancés
- 130/0,4/6 % (Voluven® ) 154 154 0 0 308
- 130/0,42/6 % (Héafusine® ) 154 154 0 0 308
Balancés
- 130/0,42/6 % (Isovol® ) 143 118 Acétate 24 + malate 25 27 278
- 130/0,4/6 % (Hextend® ) 143 124 Lactate 28 30 296
Gélatines fluides modifiées
Balancés
- 4 % (Gélofusine® ) 154 120 27
- 3 % (Plasmion® ) 150 100 Lactate 30 40
potassium et chlore dans ce trouble. Les mécanismes physiopa- de ENaC, mais sans modification de concentration plasmatique
thologiques responsables de l’alcalose métabolique secondaire à d’aldostérone.
la déplétion potassique sont multiples : excrétion rénale d’ions H+
(liés à du K+ ou sous forme d’ammonium) secondaire à l’activation
des pompes H+ -ATPase et H+ /K+ -ATPase du tube collecteur, inac- Alcaloses métaboliques par apport de
tivation des cotransporteurs Na+ /K+ /2Cl– de l’anse de Henlé et bicarbonates
Na+ /Cl– du tube distal. Enfin, l’hypercapnie chronique induit une
alcalose métabolique en stimulant l’excrétion rénale d’ions H+ . L’apport de bicarbonate de sodium ou d’un de ses précurseurs
peut induire une alcalose métabolique persistante à condition
qu’existe aussi une déplétion chlorée ou potassique préexistante,
un régime pauvre en chlore ou en cas d’insuffisance rénale.
Alcaloses métaboliques par stimulation
directe des canaux et transporteurs du tube
collecteur ENaC Références
Les hyperminéralocorticismes : ils se caractérisent cliniquement [1] Ichai C, Quintard H, Orban J-C. Désordres métaboliques et réanimation :
par une hypertension artérielle avec alcalose métabolique, normo- de la physiopathologie au traitement. Paris: Springer-Verlag; 2011.
chlorémie et discrète hypo- ou normokaliémie. Ces alcaloses sont [2] Quintard H, Hubert S, Ichai C. What is the contribution of Ste-
plus sévères en cas de régime riche en sodium. Dans tous les cas, wart’s concept in acid-base disorders analysis? Ann Fr Anesth Reanim
c’est encore l’augmentation de réabsorption de sodium dans le 2007;26:423–33.
tubule rénal qui stimule ENaC, phénomène encore aggravé par la [3] Bench-to-bedside review: Fundamental principles of acid-base physio-
logy. - PubMed - NCBI [Internet]. [cité 6 mai 2020]. Disponible sur :
déplétion potassique qui inhibe les cotransporteurs Na+ /K+ /2Cl–
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15774076.
et Na+ /Cl– . Les principales causes de ces hyperminéralocorti-
[4] Leblanc M, Kellum J. Biochemical and biophysical principles of hydro-
cismes sont l’hyperaldostéronisme primaire (syndrome de Conn), gen ion regulation. In: Critical Care Nephrology. Dordrecht: Kluwer
l’hyperplasie congénitale des surrénales, les tumeurs à rénine Academic Publisher; 1998. p. 61–77.
(réninémie élevée), les causes iatrogènes en rapport avec la prise [5] Moviat M, van Haren F, van der Hoeven H. Conventional or physicoche-
de fludrocortisone et de 9 alpha-fludrocortisone. mical approach in intensive care unit patients with metabolic acidosis.
Les mutations génétiques avec activation de ENaC : elles Crit Care 2003;7:R41–5.
s’accompagnent toutes d’hypertension artérielle. Le « glucocorti- [6] Corey HE. Bench-to-bedside review: fundamental principles of acid-base
coid remediable aldosteronism », ou GRA, est dû à une mutation physiology. Crit Care 2005;9:184–92.
génétique qui entraîne la stimulation anormale de sécrétion [7] Morgan TJ. The Stewart approach–one clinician’s perspective. Clin Bio-
d’aldostérone par l’ACTH au lieu de l’angiotensine. Le syn- chem Rev 2009;30:41–54.
drome de Liddle est une mutation génétique responsable d’un [8] Stewart PA. Independent and dependent variables of acid-base control.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Quintard H, Ichai C. Troubles acidobasiques chez l’adulte. EMC - Anesthésie-Réanimation 2021;41(2):1-20
[Article 36-860-A-50].
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