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Physiologie de l’équilibre

Acido-basique

Conférence 1ere année Anesthésie-réanimation

Pr MA BENHAMED

Quelques rappels

Tout sur l'équilibre acido-basique

L’équilibre acido-basique de l’organisme est défini par la concentration en ions hydrogène (H+)
des cellules. Il est essentiellement régulé par deux organes : le poumon assure l’élimination du
C02 et le rein régule la concentration en bicarbonates. Toutefois, le foie et les muscles jouent
également un rôle secondaire de soutien, notamment en faveur du rein pour préserver des
bicarbonates.
L’oxygène existe sous 2 formes dans l’organisme :

 dissoute (Pa02) ;

 combinée à l’hémoglobine (Hb02 ou Oxyhémoglobine).

Le C02 existe sous trois formes dans l’organisme :

 dissous : environ 10% éliminé par les poumons ;

 bicarbonates : Ils représentent 90% du sang artériel et 60% du sang veineux régulés par le
rein. Les bicarbonates sont aussi appelés - composés carbaminés : Forme combinée aux
protéines sanguines, présente notamment dans le sang veineux (environ 30%) et éliminée par
les poumons.

Le pH (potentiel hydrogène) permet de définir si un milieu est acide, basique ou neutre. A savoir
que le pH est différent d’un milieu à un autre, d’une solution à une autre. Ainsi le pH du sang
artériel est environ de 7.4 alors que celui des urines varie de 5.2 à 6.4 et que celui de la salive est
environ de 6. Le pH varie également entre le sang artériel et le sang veineux. Une valeur de pH
artériel inférieure à 6.9 ou supérieure à 7.9 sont généralement considérées comme incompatibles
avec la survie.

C’est l’activité métabolique des cellules, nécessaire au fonctionnement du corps humain


(production d’énergie : ATP grâce au glucose oxydé et dégradé par l’oxygène) qui produit des
composés acides (ions hydrogène, H+ ou protons) qui sont ensuite éliminés par deux voies :
pulmonaire et rénale (et dans une moindre mesure par le foie et les muscles).

Lors d’une hypoxie, le métabolisme se fait par voie anaérobie provoquant une accumulation de
produits non complètement dégradés qui sont des acides faibles : acide lactique (lactates), acide
pyruvique Etc. dont l’élimination est, dans une certaine limite, assurée par les reins (mais pas de
manière immédiate comme on le verra plus tard).

Le pH est régulé de manière immédiate par le système tampon : un tampon est une base faible
(bicarbonates, protéines, phosphates) qui accepte des ions hydrogène (acide fort) présents dans
une solution pour donner un acide faible (acide carbonique), ainsi le pH de la solution est
maintenu neutre tant que le tampon est présent en quantité suffisante pour capter tous les ions
H+. L’acide carbonique (H2C03) est instable et tend à se séparer en H20 + C02.

L’intérêt essentiel de cette équation est de transformer un produit dangereux (H+ ou ions
hydrogène) en C02 (dioxyde de carbone), gaz qui se diffuse très bien et facilement éliminé par
les poumons, et en eau, facilement éliminée par les reins. La voie pulmonaire est majoritaire car
plus puissante, via le cycle de Krebs et la chaîne respiratoire mitochondriale, pour éliminer
rapidement des acides (oxydation des anions organiques et élimination du C02 produit pour cette
oxydation).

L’examen de base pour apprécier l’équilibre acido-basique de l’organisme sont les gaz du sang
artériel (GDS).

Les normes (en sang artériel) :

 pH : 7.38 à 7.42

 Pa02 : 90 à 100 mm Hg (ou 12 à 13.3 kPa)

 PaC02 : 38 à 42 mm Hg (ou 5 à 5.6 kPa)

 Bicarbonates (HC03-) : 22 à 26 mmol/L

 C02 total : 23 à 27 mmol/L

 Hb02 : 95 à 100% (véritable saturation en oxygène du patient)

 Contenu en 02 : 16 à 22 ml/dL (volume d’O2 contenu dans 100 ml de sang).


Astuce : Pour s’assurer que le prélèvement soit bien artériel, outre la pulsatilité de celui-ci et la
couleur du sang évidemment, il faut que l’équation suivante soit vérifiée : C02 total =
bicarbonates +/- 2 mmol (ou C02 total – bicarbonates < 2 mmol).

Vocabulaire médical associé :

 Acidose < pH : 7.35 - 7.45 > Alcalose

 Hypoxémie < Pa02 : 60 – 100 mm Hg > Hyperoxie

 Hypocapnie < PaC02 : 35 – 45 mm Hg > Hypercapnie


Rappel : L’hypoxémie est une diminution de la quantité d’oxygène circulant dans le sang,
l’hypoxie est une diminution de la quantité d’oxygène délivrée aux tissus, une hypoxémie entraîne
donc une hypoxie.

Acidose et alcaloses
On détermine deux types d’acidose et deux types d’alcalose.

Acidose respiratoire
L’acidose respiratoire est consécutive à une diminution d’élimination du C02 par les poumons,
elle entraîne ainsi une augmentation de la PC02 appelée hypercapnie. Elle est généralement
secondaire à une hypoventilation (intoxication médicamenteuse ou atteinte neuromusculaire type
Guillain-barré par exemple) ou à une augmentation de l’espace mort alvéolaire (hypovolémie ou
insuffisance cardiaque). Il existe des mécanismes compensateurs (système tampon) qui vont
alors chercher à augmenter les bicarbonates pour limiter la baisse du pH : on parle alors
d’acidose respiratoire compensée mais en situation aiguë, la compensation est quasi nulle (vous
comprendrez pourquoi plus bas). L’hypercapnie entraîne une vasodilatation voire un œdème
cérébrale en situation aiguë puis, provoque une perte progressive de la réponse ventilatoire au
C02 (hypercapnie) en situation chronique. L’hypoxie provoque un état de choc par hypoxie
tissulaire avec acidose métabolique en situation aiguë et provoque une hypertension pulmonaire
et une élévation de l’hémoglobine de manière chronique.

Alcalose respiratoire
L’alcalose respiratoire est consécutive à augmentation d’élimination du C02 par les poumons
entraînant ainsi une diminution de la PC02 appelée hypocapnie. Elle est généralement
secondaire à une hyperventilation, dont les causes peuvent être multiples (peur, hystérie, sepsis,
crise d’asthme, altitude, grossesse). Pour compenser, il y a une augmentation de l’excrétion des
bicarbonates au niveau rénal (mais avec une hyperchlorémie).

Acidose métabolique
L’acidose métabolique est consécutive à une diminution des bicarbonates dans le plasma. Elle
est généralement secondaire à une augmentation de l’acidité de l’organisme (acidocétose
diabétique ou hypoxie/hyperlactatémie sur un état de choc septique par exemple) ou à une fuite
de bicarbonates (diarrhées, insuffisance rénale). Ainsi pour compenser, l’organisme fera diminuer
la Pc02 par hyperventilation (d’où la nécessité de contrôler la fréquence respiratoire lors de la
prise des paramètres vitaux). Dans cette situation, si le trou anionique est < 12 mmol, l’acidose
est provoquée par une fuite de bicarbonates, si il est supérieur à 16 mmol, elle est provoquée par
une accumulation d’acides fixes ou radicaux libres (état de choc, acidocétose, intoxication …)

Alcalose métabolique
L’alcalose métabolique est consécutive à une augmentation des bicarbonates. Elle est
généralement secondaire à une perte d’acides tels les vomissements ou diarrhées et/ou
l’ingestion de bases (bicarbonates de soude). La compensation est limitée dans cette situation
car une il faudrait provoquer une hypercapnie par hypoventilation.

Il est évident qu’en situation réelle, des causes multiples peuvent interagir et donc créer des
situations mixtes ou complexes.

On distingue donc différentes situations :

 simples ou pures : Réponse respiratoire ou rénale isolée par systèmes tampons, il n’y a
jamais de compensation complète ;

 mixtes : Association de deux troubles « similaires » (acidose respiratoire et métabolique par


exemple) ;
 complexes : Association de deux troubles opposés (acidose métabolique et alcalose
respiratoire par exemple).

Lors de ces troubles acido-basique, les systèmes de régulation sont de plusieurs ordres :

 immédiats par systèmes tampons (bicarbonates et protéines sanguines) ;

 rapides : de l’ordre de quelques minutes pour les troubles métaboliques avec régulation
pulmonaire de l’élimination du C02 :

 retardés : de 12 à 24h pour les troubles respiratoires avec régulation rénale qui ajuste la
réserve en base : Réabsorption rénale de bicarbonates dans le cas d’une acidose respiratoire
et fuite rénale de bicarbonates dans le cas d’une alcalose respiratoire.

Les caractéristiques des systèmes de régulation/ compensation


 Le stimulus de toute compensation est une altération du pH artériel, le but est la correction de
ce pH.

 Un trouble métabolique déclenchera une compensation respiratoire rapide et un trouble


respiratoire déclenchera une compensation rénale lente.

 Les mécanismes de compensation ne parviennent quasiment jamais à ramener le pH artériel


à 7.4 et donc il n’existe pas de surcompensation.

 Ces systèmes de compensation nécessitent un poumon/rein sain et libre de répondre au


stimulus.

Relation pH, kaliémie, chlorémie


 Au niveau cellulaire, Le pH et la kaliémie ont une relation forte : Ions H+ et K+ se disputent les
mêmes places dans nos cellules, c’est pourquoi l’alcalose (diminution de H+ dans la cellule et
donc K+ prend sa place) est souvent hypokaliémique et à l’inverse l’acidose hyperkaliémique.

 Au niveau l’anse de Henlé, le rein réabsorbe le potassium en échange d’ions H+. En cas
d’acidose, le rein doit retenir plus de potassium pour excréter plus d’ions H+. A l’inverse en
cas d’hypokaliémie, il doit excréter des ions H+ pour récupérer des ions K+. c’est pourquoi
l’acidose est souvent hyperkaliémique et l’alcalose hypokaliémique.

 Il y a également une relation entre chlore et bicarbonate, on a donc souvent une alcalose
hypochlorémique et une acidose hyperchlorémique, c’est surtout important en cas d’alcalose,
le manque de chlore entraîne une réabsorption de bicarbonates à l’origine de l’alcalose.
A noter que les β2-mimétiques (Bricanyl®, Ventoline®) à fortes doses peuvent parfois provoquer
une hyperlactatémie, elle-même responsable d’une acidose (souvent métabolique).
Traitement d’un trouble acido-basique
 Le traitement principal est souvent celui de la cause (choc septique, acidocétose,
néphropathie, hypo ou hyperventilation...)

 Adaptation de la ventilation selon la situation : Hyperventilation (intubation ?) si acidose et


contrôle ventilation/sédation si alcalose : Le poumon est le principal régulateur de l’équilibre
acido-basique.

 Administration de bicarbonates lors d’une fuite de bicarbonates et non pour corriger un pH, il
faut traiter la cause et non la conséquence

 Soutien cardio-vasculaire dans tous les cas : Débit cardiaque = vecteur du transport de
l’02/C02 dans l’organisme.

Attention : Il y a souvent des troubles hydro-électrolytiques associés qu’il faudra corriger


(dyskaliémie, dyschlorémie, déshydratation...)

La lecture et l’interprétation des gaz du sang peuvent également être facilitées par le diagramme
de Davenport.
Ce diagramme reprend reprend en abscisse les concentrations en bicarbonates et en ordonnées
le taux de pH, en haut il y a également la PC02. Par la confrontation de ces trois variables, le
diagramme propose des grandes orientations diagnostiques, desquelles dépendra le traitement
associé.

La surveillance de l'EtC02 (C02 expiré) ou capnographie, permet d'être renseigné sur un des
aspects les plus importants du système de compensation de l'équilibre acido-basique (comme
nous l'avons vu plus haut). Utilisable chez le patient en ventilation spontanée, cette mesure n'est
pertinente que chez le patient intubé et doit être mise en perspective avec les autres paramètres
vitaux du patient.

Bibliographie
 Ventilation artificielle, Jérôme Liotier, 3ème édition, 2011, Maloine.

 Diagnostic d’un déséquilibre acide base aux urgences, J.Levraut, CHU de Nice, COPACAMU,
2010.

 Évaluation de l’équilibre acido-basique en réanimation, H.Quintard, JC.Orban, C.Ichai, CHU


Nice, 51ème congrès de la SFAR, 2009.

 Transport des gaz dans le sang, L. Baud, PCEM2, Faculté Saint Antoine, Paris.
 L’équilibre acide-base, P.Baele, UCL St Luc, 1996.

 Bases physiopathologiques du traitement des acidoses métaboliques : Place du bicarbonate,


X.Leverve, D.Barnoud, M.Guignier, CHU Grenoble, Conférences d’actualisation SFAR, 1996.

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