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EPU DE BIOCHIMIE

2021-2022

DÉSORDRES ACIDOBASIQUES

Pr . Chahed Henda
Dr . Nada Yousfi
INTRODUCTION

❑ Les désordres de l’équilibre acidobasique sont fréquents en


médecine d’urgence et en soins intensifs.
❑ Ils sont associés à de nombreuses situations pathologies.
❑Les troubles acidobasiques intéressent plusieurs systèmes
et organes :système respiratoire ,reins, système digestif …
❑Les conséquences cliniques et métaboliques et la gravitédes
TAB imposent un diagnostic précoce par une interprétation
minutieuse des différentes données cliniques et biologiques
(Gaz de sang; ionogramme sanguin et urinaire; fonction
rénale...) .
Rappels sur l’équilibre acidobasique

❑Le pH sanguin est maintenu dans une fourchette très


étroite de7,35 à 7,45. ([H+]: 40 nmol/L )

❑Trois lignes de défense :


➢ la ligne de défense physicochimique, d’action instantanée :
les systèmes tampons plasmatiques( bicarbonate, phosphate,
protéinate) et globulaires.
✓ Le système tampon (HCO3-/H2CO3) est le principal tampon
(80%) extracellulaire de l’organisme, il est le seul système
ouvert sur l’extérieur (CO2)
Rappels sur l’équilibre acidobasique

➢ ligne de défense respiratoire, d’action rapide :


Les poumons éliminent la charge acide sous forme de
CO2, c’est une des ouvertures du système tampon des
bicarbonates. La ventilation est contrôlée par les
chémorécepteurs du tronc cérébral sensibles à la diminution
du pH. Si le pH diminue, les chémorécepteurs vont
générer une hyperventilation (l’inverse est vrai).
Rappels sur l’équilibre acidobasique

➢ la ligne de défense rénale, d’action lente


Interprétation d’un trouble acidobasique (TAB)
Trois approches :
❑Approche classique d’Henderson Hasselbalch , centrée sur
l’analyse du pH, de la PaCO2 , des bicarbonates et du trou
anionique. Elle permet la caractérisation des TAB simples
❑Méthode du Base Excess (BE)
❑Approche moderne physicochimique de Stewart qui
considère le bicarbonate comme une variable dépendante et le
pH résulte d’un équilibre plasmatique entre acides faibles et
forts, bases fortes et CO2. Elle identifie les TAB complexes
fréquents chez les malades de réanimation.
Approche classique d’Henderson-Hasselbalch
❑Relation entre PH , HCO 3
- et CO2 et ceci se traduit par
l’équation d’Henderson-Hasselbalch

❑ Classification des anomalies acidobasiques en acidoses ou


alcaloses, métaboliques ou respiratoires consécutives à une
variation primaire des bicarbonates plasmatiques ou de la
PaCO2
❑Évaluation de la réponse prévisible (compensation)
❑ La compensation rénale ou respiratoire se fait dans le même
sens que le trouble primaire.
Approche classique d’Henderson-Hasselbalch
Tableau 1 – Caractéristiques des réponses théoriques prévisibles aux
différents troubles acido-basiques
Approche classique d’Henderson-Hasselbalch
❑Calcul du Trou Anionique

TA = anioniques organiques non dosés

= (Na+ + K + ) – ( Cl–+ HCO3–)= 16±2mmol/l

➢ Marqueur des acidoses métaboliques qui distingue les


acidoses métaboliques à TA élevé (ou organiques) de celles à
TA normal hyperchlorémiques (minérales).

➢L’hypoalbuminémie conduit à une sous-estimation du TA; ainsi


il faut calculer le TA corrigé

TA corrigé = TA calculé + 0,25×(40 –albuminémie mesurée [g/l]).


Outils du diagnostic des TAB

❑ Les gaz du sang (GDS) : Après avoir éliminé les bulles, la


mesure doit être faite le plus rapidement possible
➢le pH , la pCO2 la pO2 , [HCO3-] , CO2 ,SaO2, Hb, hématocrite
, excès de base (BE), lactate
❑Ionogramme sanguin
➢ Na+, K+, Cl- ;HCO3-; Calcul du Trou Anionique (TA)
❑Autre paramètres: albumine, phosphate, calcium,
magnésium..
❑Ionogramme urinaire (évaluer la réponse rénale à un TAB et
donc orienter le diagnostic )
Identification d’un TAB
Cas clinique 1
 Un homme âgé de 35 ans sans antécédents médicaux se présente aux
urgences en raison d’une fièvre depuis 2 jours, d’une toux productive et
d’une dyspnée. A l’examen, il est fiévreux (39,4°C) et présente une
cyanose . À l’auscultation pulmonaire, Il y a un souffle bronchique et des
crépitements importants à gauche dans la zone postérieure basse. Sa
fréquence respiratoire est de 45/min et sa tension artérielle est de 9,5/6
cm Hg.
 Le bilan biologique montre

pH : 7,50 Glycémie : 5,3 mmol/l

paCO2 : 28,2 mmHg Urée sg : 4,6 mmol/l

paO2 : 56,9 mmHg Na+ : 139 mmol/l, K+ : 3,8mmol/l

HCO3 : 23,9 mmol/l Cl- : 100 mmol/l

Sa O2 : 89 % Hb : 14,8 g/dl
1. Commenter le bilan biologique et décrire l’équilibre acido-

basique et les échanges gazeux

2. Quels sont les mécanismes responsables ce TAB?

3. Le patient doit- il recevoir une oxygéno-thérapie ?

4. L’oxymétrie de pouls est-elle une alternative pour le suivi de

l’équilibre AB dans ce cas?


Réponse cas n°1
1. Interprétation

Analyse Valeurs usuelles Résultats interprétation

pH 7,35-7,45 7,50 alcalose

pCO2 35-45 28,2 hypocapnie

pO2 75-100 56,9 hypoxémie

HCO3 22-28 23,9 normale

Sa O2 94-98 89 hypoxie

▪Alcalose ( pH ↑ ) respiratoire ( PaCO2 ↓ par hyperventilation)


aigue car la [HCO3-] est normale.
▪Signes cliniques de hyperventilation: dyspnée
▪Hypocapnie associée à une hypoxémie PaO2 ↓
Le reste de la biologie est sans particularité
2. Quels sont les mécanismes responsable de ce TAB?
L’alcalose respiratoire par hyperventilation (baisse de la
PaCO2) est secondaire à l’ hypoxémie et à la fièvre
✓ Il s’agit d’une insuffisance respiratoire modérée type 1
secondaire à une infection pulmonaire (pneumonie)
✓ Signes cliniques en faveur d’une pneumonie: début brutal,
syndrome infectieux (fièvre), toux, souffle bronchique et
râles crépitants.
✓ Signes de gravité: Polypnée à 45/min, état de choc
(hypotension à 9,5/60 mmHg chez un hypertendu)
▪ L’ insuffisance respiratoire IRA de type 1 est définie par
une baisse de la PaO2 par atteinte du parenchyme
pulmonaire lui-même (pneumopathies infectieuses,
hématomes pulmonaires traumatiques, SDRA (syndrome
défaillance respiratoire aiguë) entraînant une respiration
plus rapide et plus forte avec par conséquent une baisse
de la PaCO2
▪La sévérité de l’IRA type1 est appréciée selon le degré de
l’hypoxémie et de l’hypoxie
3. Le patient doit il recevoir une oxygéno-thérapie ?
Oui : l’hyperventilation est une réponse appropriée à
l’hypoxémie et la sensation de dyspnée. La prise en charge
est donc une supplémentation en O2 pour corriger
l’hypoxémie, ainsi qu’une antibiothérapie pour traiter
l’infection.
4. L’oxymétrie de pouls est-elle une alternative pour le suivi
de l’équilibre AB dans ce cas?
Oui : s’agissant d’une hypoxémie modérée sans insuffisance
ventilatoire importante, le suivi pour oxymétrie de pouls est
plus appropriée que la répétition des GDS.
Cas clinique 2

Une femme âgée de 77 ans est admise aux urgences pour


une douleur abdominale. Comme antécédents médicaux
,elle a une fibrillation auriculaire pour laquelle elle prend de
la digoxine et de l’aspirine. A l’examen, la patiente est stable
sur le plan hémodynamique et l’examen abdominal est
normal. On ne retrouve aucune hernie à la palpation et
l’examen rectal est sans particularité. La Radio abdominale
est normale. Durant son séjour aux urgences, son état se
dégrade et elle est transférée en réanimation.
Le bilan biologique a montré

• Glycémie : 3,9 mmol/l


• Urée : 4,8 mmol/l
• Na+ : 136 mmol/l
• K+ : 4,6mmol/l
• Cl- : 97 mmol/l
• Hb : 12 g/dl
• Lactate : 8,4 mmol/l (VU<2,5mmol/l)
• pH : 7,27
• paCO2 : 29 mmHg
• paO2 : 210 mmHg
• HCO3- : 16,3 mmole/l
• SaO2 : 98 %
1. Commenter le bilan

2. Décrire les échanges gazeux et l’équilibre AB

3. Quel est le diagnostic le plus probable.


REPONSE CAS N°2

1. Interprétation du bilan
Valeurs usuelles interprétations

pH = 7,27 7,35-7,45 Acidose

PaCO2 = 29 mm Hg 33-45 Hypocapnie

PaO2 = 210 mm Hg 75-105 Augmentée

Bicarbonates = 16,3 mmol/l 22-28 Très diminués

Natrémie = 136 mmol/l 136-145 Normale

Chlorémie = 97 mmol/l 95-105 Normale

Kaliémie = 4,6 mmol/l 3,5-4,6 normale

Glycémie = 3,9 mmol/l 3,9-6,1 Normale

Urémie = 4,8 mmol/l 2,5 – 7,5 Normale

Acidose métabolique avec une réponse respiratoire adaptée(paCO2 ) .


Acidose métabolique
❑Définie par l’association d’un pH sanguin acide (inférieur
ou égal à 7,35) à une diminution de la réserve alcaline
(inférieure ou égale à 22 mmol/L).

❑Par surcharge acide ou perte de bicarbonates

❑Clinique

- Hyperventilation de compensation = dyspnée lente, ample


(dyspnée de Küssmaul) une compensation respiratoire
normale est une ↓ de la pCO2 = 1,3 * ↓°HCO3-

- Formes sévères : troubles neurologiques (confusion, coma)


Acidose métabolique
❑Calculer le trou anionique (diagnostic étiologique)
Trou anionique = (Na+ + K +) – (Cl- + HCO3- ) ;
intervalle de référence = 16±4 mmol/l

➢TA ↑ = Acidoses normo ou hypochlorémiques : acides


endogènes ou exogènes .
➢ TA normal = Acidoses hyperchlorémiques : Le TA reste
normal car les HCO3- sont remplacés par des Cl-

❑ Dans notre cas clinique le TA = 27,3 mmol/l


Diagnostic étiologique des acidose métaboliques
Intérêt du Trou anionique urinaire
✓Il faut calculer le trou anionique urinaire devant toute
acidose métabolique hyperchlorémique, pour savoir si la
réponse rénale est adaptée ou pas.
✓ L’excrétion rénale de la charge acide se fait
essentiellement sous forme NH4+. Cette excrétion est évaluée
indirectement par l’analyse du TA urinaire car NH4+ est éliminé
avec du Cl-
TA urinaire= (Na + K) – Cl- > 0
✓En cas d’acidose avec réponse rénale adaptée,
l’augmentation du NH4Cl inverse le trou anionique urinaire
qui devient négatif.
✓En cas d’acidose avec réponse rénale inadaptée (Acidose
tubulaire rénale ), le trou anionique urinaire reste positif.
Acidose métabolique et kaliémie

➢Acidose aigue minérale (surcharge en H+ et Cl- par

exemple, la diarrhée) : hyperkaliémie par transfert

cellulaire

➢Acidose aigue par apport d’acide organique (acidose

lactique); kaliémie reste normale

➢Acidose chronique: hypokaliémie par augmentation

de l’excrétion rénale de K+
Réponse cas 2
Les GDS orientent vers une acidose métabolique à trou
anionique élevé avec une hyperlactacidemie, ce qui oriente
vers une acidose lactique

Etiologies des acidoses lactiques


▪hypoxie tissulaire ( carence en O2) : état de choc, efforts
musculaires, convulsion, anémie sévère…
▪hypothermie…
▪insuffisance hépatocellulaire
▪Maladies métaboliques(glycogénoses, déficit en PDH…)
▪intoxication : biguanides, éthanol (intox aiguë),
amphétamines, cocaïne
Réponse cas 2
3. Diagnostic le plus probable

❑ L’acide lactique est produit par les tissus périphérique en hypoxie,

❑ Dans ce cas, la source d’acide lactique est une ischemie tissulaire

spécifique au niveau intestinal : La patiente présente une ischémie

mésentérique qui induit une altération de l’apport sanguin à la paroi

intestinale, en raison de l’occlusion d’une artère par un thrombus ou

un embole (effet indésirable de la digoxine). En l’absence d’un apport

sanguin suffisant, le tissu intestinal devient hypoxique et le

métabolisme anaérobie prend le relais.


Cas clinique 3

Mr B.A âgé de 70 ans suit un régime pauvre en sel à cause

d’une hypertension artérielle et d’une légère insuffisance

cardiaque. Il reçoit une antibiothérapie pour une

pneumopathie, mais ce traitement a entraîné une intolérance

digestive et de vomissements quotidiens répétés. Il a été

admis en médecine interne pour corriger ces troubles. La

tension artériel est de 10/7 cmHg.


 Le bilan biologique a montré

Sanguin

Urée : 19 mmol/l , Créatinine : 170 µmol/l, Glycémie: 6mmol/l


Protides : 84 g/l, Hématocrite: 53%

Na+ : 137 mmol/l

K+ : 2,8 mmol/l

Cl- : 83 mmol/l Urinaire :

HCO3- : 38 mmol/l pH : 6,5

pH : 7,50 K+ : 102 mmol/24H

paCO2 : 50 mmHg Na+ : 10 mmol/24H

paO2 : 60 mmHg Cl- : 2 mmol/24H


1-Interpréter le bilan biologique

2- Quel est le mécanisme de l’altération de la fonction

rénale?

3- Quel est le traitement proposé?


1. Interprétation du bilan biologique
❑ Bilan sanguin
Paramètres Valeurs usuelles Interprétation

Na+ (mmol/l) 137-145 Normale

K+(mmol/l) 3,5-4,6 Hypokaliémie

Cl- (mmol/l) 95-105 Hypochlorémie

Protide (g/l) 65-75 protide+  hématocrite  DEC

Hématocrite (%) 40 – 45
pH 7,35-7,45 Alcalose métabolique
partiellement compensée
HCO3-(mmol/l) 22-28
(hypoventilation)
pCo2 (mmHg) 33-45
pO2 (mmHg) 75-105 Hypoxémie secondaire à
l’hypoventilation

Créatinine (µmol/l) 65 – 120


Syndrome de rétention azotée
Urée (mmol/l) 2,5 – 7,5
Glycémie (mmol/l) 3,9-6,1 Normale
❑Bilan urinaire

• Natriurèse et la chlorurèse sont effondrées (<10mmol/l)

hypochlorémie est extrarénale (perte digestive par

vomissement)

• Kaliurèse est élevée(>20mmol/l) qui est associée à

hyperaldostéronisme secondaire à la DEC

• pH=6,3 légèrement acide


❑Les vomissements ont entrainé une déplétion en suc gastrique
riche en HCl  perte de H+ avec hypochlorémie  Alcalose
métabolique
❑Conséquences de l’hypochlorémie : augmentation de HCO3-
(entretenir l’alcalose métabolique) et une hypokaliémie
(hypochlorémie impose une entrée de potassium dans le secteur
intracellulaire pour respecter l’électroneutralité)
❑Causes de l’ hypokaliémie au cours des vomissements
✓ Légère perte de K+ au cours des vomissements
✓Alcalose métabolique: transfert intracellulaire  sortie H+ du
milieu intra-¢ et entrée du K+ extra-¢
✓Hyperaldostéronisme secondaire à la DEC
2- Évaluation de la Fonction rénale
✓Le patient présente une déshydratation extra-cellulaire DEC
pure dont témoigne l’hémoconcentration ( PT↑ + HT↑) avec
Na+ normale et osmolarité normale

❑DEC diminue le DFG avec  rétention d’urée plus importante


que celle de la créatinine
• Urée : 19 mmol/l  , Créatinine : 170 µmol/l 
• Rapport urée/créatinine >100

Insuffisance rénale fonctionnelle conséquence de la DEC

❑Hyperaldostéronisme secondaire à la DEC


Na+urinaire/K+urinaire < 1 Insuffisance rénale fonctionnelle
3. Traitement

❑ Dans les alcaloses métaboliques avec déshydratation

extra- cellulaire , la perfusion de NaCl 0,9% et de KCl

permet de corriger toutes les anomalies.


Alcalose métabolique :
démarche diagnostique

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