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Prise de note séance 1

Yves Lacoste, en 1976 La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre


Histoire : vient du grec historia, enquête. L’histoire est avant tout une enquête sur le passé,
visant à le décrypter avec des mots, à saisir des corrélations entre les faits.
La géopolitique comprend des relations de pouvoir sur un espace donnée, c’est une branche de
la géographie.
Les relations internationales s’intéressent aux relations interétatiques, c’est une branche des
sciences politiques à mi-chemin entre la philosophie et l’histoire. Elle cherche à comprendre
par des concepts les grandes lois, mécanismes, des relations entre Etats. Thucydide, historien
grec du Ve siècle av. J.C. en est le « père » avec son Histoire de la guerre du Péloponnèse : il
cherche à comprendre les causes profondes de cette guerre dans une méthode scientifique.

La géopolitique a été une « science » qui présentait de grandes théories sur les liens entre le
pouvoir et la géographie. Le père de la géopolitique est l’allemand Ratzel, dans les années 1880-
1890. Il publie une série d’ouvrages influencé par la pensée de Darwin. Provenant de la
biologie, Ratzel s’inspire de Darwin pour modéliser les relations entre Etats : les Etats sont
comparés à des organismes vivants en compétition. C’est la survie du plus fort. Ces Etats ont
besoin d’un espace vital selon Ratzel (Lebensraum). Ratzel cherche à justifier et améliorer la
politique de l’Empire allemand (Deutsches Reich) né en 1871, territoire central sans colonies
hors d’Europe en rivalité avec France et Royaume-Uni. L’Allemagne aurait pour espace vital
l’Europe centrale et orientale. Ces théories seront plus tard reprises par Karl Haushofer,
géopoliticien allemand inspirateur de la politique nazie. Idées comparables : Doctrine Monroe
des Etats-Unis (L’Amérique du Nord est leur espace vital), « étranger proche » des Russes.
L’école anglo-américaine
Aux Etats-Unis l’amiral Alfred Mahan théorise la suprématie maritime. Pour lui, c’est la
domination des mers qui doit permettre la domination finale pour une puissance. C’est à sa suite
que les Etats-Unis ont progressivement développé la 1re flotte militaire mondiale, présente sur
tous les continents. Au XIXe, il se plaçait dans la rivalité avec les puissances européennes dans
le cadre d’une 1er mondialisation des échanges : on comprend que les espaces fluides
(maritimes) sont centraux pour capter les flux. Se placer comme nœud au sein d’un réseau
mondial est vital pour le pouvoir (cf. Londres 1re ville monde, capitale de l’Empire britannique).
Halford Mackinder, homme politique britannique conservateur et géographe, est un des pères
de la géopolitique. Il a vécu entre 2e moitié XIXe et 1947. Pour lui, avec sa théorie du Heartland,
il existe une île-monde (continent eurasien et Afrique) et des îles périphériques (Amérique,
Océanie). Pour dominer le monde selon lui il faut tenir le Heartland, notamment son centre :
une plaine allant de l’Europe centrale à l’ouest de la Chine. Il s’inspire des grandes invasions
mongoles depuis le centre du continent vers ses périphéries. Pour tenir le Heartland il faudrait
tenir l’Europe orientale, puis la suite.
Nicholas Spykman, américain, théorise le Rimland : pour lui il faut tenir non pas le Heartland
mais le Rimland, c’est-à-dire la bordure du continent eurasien. C’est cela qui permet de
contrôler le Heartland, le cœur du continent. Il est inspiré à la fois par Mackinder et par Mahan :
il privilégie le contrôle des pays ayant un lien avec les mers, car plus liés aux échanges
mondiaux. Mackinder, britannique, avait en tête sa rivalité avec l’Empire allemand, continental,
tandis que l’Empire britannique est maritime.
Samuel Huntington (fin XXe siècle) a produit un essai très polémique, Le choc des civilisations,
dans lequel il théorise que du fait de la mondialisation, les civilisations entrent en contact et que
les conflits du XXIe siècle seront façonnés par des solidarités identitaires entre civilisations.
Cette 1re géopolitique était celle des grandes lois par lesquelles la géographie façonne la
conduite des puissances dans l’Histoire.
L’école française de géopolitique
Par un article qu'il publie dans Le Monde, 8 juin 1972, ayant trait à la guerre du Vietnam, Yves
Lacoste propulse le concept de géopolitique sur le devant de la scène. Ce géographe dénonce
l’utilisation de la géographie par les états-majors : ce serait une discipline stratégique
instrumentalisée par le politique. En 1976 il publie l’essai La géographie, ça sert d’abord à
faire la guerre. Yves Lacoste réhabilite ainsi la géopolitique qui redevient une branche du savoir
étudiée à l’université, il fonde l’Institut Français de Géopolitique à Paris VIII et la revue
Hérodote. Cette nouvelle discipline définit la géopolitique comme l’étude des rivalités de
pouvoir sur un territoire. 3 éléments sont étudiés :
-la diachronie : évolution dans le temps
- la diatopie : évolution d’un territoire dans l’espace (évolution des frontières, des moyens de
transport, etc..)
- les représentations : il s’agit de la vision des acteurs géopolitiques, dans toutes ses dimensions
(idéologie, intérêts). Cela permet de sortir du déterminisme géographique et de prendre en
compte la subjectivité des acteurs : sur un même territoire, des acteurs aux visions, cultures,
religions, différentes agiront différemment. De même, les acteurs n’ont jamais accès à toutes
les informations.
Les relations internationales
Branche des sciences politiques, à mi-chemin entre histoire, droit international et philosophie.
Elle cherche à comprendre les relations entre Etats par des concepts.
La théorie réaliste considère que les Etats recherchent avant tout le pouvoir et leur sécurité.
Penseurs : Hans Morgenthau, Raymond Aron, Stephen Waltz.. L’historien Thucydide l’a
notamment inspirée. Pour lui, il y a des causes profondes et des causes immédiates à un conflit.
Les causes profondes rendent le conflit plus probable sur la durée, les causes immédiates le
provoquent (incident diplomatique..) voire le justifient. La théorie du piège de Thucydide
(Graham Allison) considère que lorsqu’une puissance hégémonique voit une puissance
nouvelle s’affirmer elle souhaitera lui faire la guerre par méfiance. Ainsi Athènes a vu l’essor
de Sparte d’un mauvais œil. La rivalité entre USA et Chine y est souvent comparée.
La théorie libérale des relations internationales considère d’autres interactions (commerce, liens
culturels) prennent l’ascendant. Les relations entre Etats ne sont plus un jeu à somme nulle où
chacun ne voit qu’un intérêt au détriment de l’autre. Cette théorie met en valeur
l’interdépendance : de plus en plus de canaux d’échange transnationaux, un déclin de l’usage
de la force progressif. Les libéraux mettent en avant l’importance des opinions publiques et
veulent limiter le pouvoir des Etats. Les deux penseurs Joseph Nye et Robert Keohane ont créé
le concept de soft power dans les années 1990. Il décrit la capacité d’un acteur politique à
influencer d’autres acteurs ou ses représentations par des moyens non coercitifs : culturels,
économiques. Exemple : américanisation culturelle du monde, diffusion de codes sociaux
censés entrainer plus de sympathie pour les Etats-Unis.
La théorie transnationale : elle considère que les échanges transnationaux (ONG, commerce,
culture) deviennent dominants au détriment du rôle historique des Etats.
Séance II La puissance au XXIe siècle

Pour Raymond Aron (XXe siècle) la puissance est la « capacité d’une unité politique d’imposer
sa volonté aux autres unités »

Pour le juriste Serge Sur : capacité positive (celle de faire ou de faire faire à d’autres) et négative
(refuser de faire ou empêcher de faire).

La puissance est une interaction avec autrui : pour le néo-réaliste Kenneth Waltz, « un agent
est d’autant plus puissant qu’il affecte les autres plus que ceux-ci ne l’affectent ».

La puissance, pour les réalistes, est un objectif en soi.

Hégémonie : un pouvoir hégémonique ne peut pas être contesté (ex : Empire français à son
début, Etats-Unis après 1991, l’Allemagne nazie en Europe de l’Ouest en 1941, Empire romain
à son sommet). Du grec « hegemon » (chef militaire)

Hard power : puissance militaire, capacité à imposer par la force physique.

Soft power : « puissance douce », capacité à influer autrui par la conviction (influence
culturelle, diplomatique, économique..), capacité à attirer la sympathie

Balance of power (équilibre des puissances) : état d’un système international où aucun Etat ne
peut prendre le dessus sur les autres. La théorie prédit que si un Etat essaie de dominer les
autres, les autres formeront une coalition défensive contre lui. Pour certains réalistes un système
d’équilibre des puissances est plus stable qu’un système avec un pouvoir dominant.

L’exemple du Congrès de Vienne (1814-1815) dans l’équilibre des puissances. Entre septembre
1814 et juin 1815 les représentants des puissances européennes se réunissent à Vienne. Ce sont
les vainqueurs de Napoléon Ier et d’autres Etats invités. Y sont discutés l’avenir de l’Europe,
les conditions d’une paix stable mais aussi l’abolition de la « traite négrière). Il rassemble des
centaines de personnes (familles régnantes, diplomates, militaires..). La France est représentée
par son diplomate Talleyrand. Chaque pouvoir tente d’obtenir les meilleurs frontières pour
défendre ses intérêts. On crée des « Etats tampons », Etats artificiels faits pour tenir à l’écart
deux pays pouvant entrer en conflit : la Suisse et la Savoie sont neutres, la Belgique est rattachée
aux Pays-Bas, pour isoler la France. Le royaume de Prusse est le grand rival de l’Autriche pour
unifier les pays germaniques : l’Autriche cherche à empêcher l’hégémonie prussienne en lui
refusant la Saxe. En échange, la Prusse obtient la Rhénanie tout près de la France.
L’Europe du Congrès de Vienne

Le soft power : un instrument du XXIe siècle

Prise de note : la guerre des universités (Dessous des cartes). La compétition universitaire est
un enjeu d’influence pour les Etats et de prestige. Cela permet de créer des liens et une
sympathie auprès des étudiants. La Chine exerce une influence par les financements, en
contrôlant ce qui peut être dit dans des universités à l’étranger. Paraître dans le classement de
Shanghaï est ainsi un enjeu de pouvoir.

Prise de note : Centrafrique, le soft power russe (Arte). La Russie envoie ses mercenaires
Wagner pour accroître son influence en Afrique. Elle s’appuie sur un sentiment antifrançais et
s’attire à la fois par la force et par la guerre de l’information une sympathie dans la population
pour pouvoir parvenir à ses fins (lutte contre la France, exploitation des minerais centrafricains).
La lutte contre les rebelles est instrumentalisée par une guerre de l’information (films, médias,
manifestations publiques) pour donner un bon rôle à la Russie.

 Le soft power repose aussi sur une puissance plus brute, qui permet de dominer
l’information et orienter l’influence, afin d’obtenir la sympathie.

Le soft power (ou puissance douce) représente les critères non coercitifs de la puissance. Il fut
défini par le géopolitologue Joseph Nye en 1990 comme « l’habileté à séduire et à attirer ». Il
peut y avoir relation asymétrique entre un influencé et un influant. Par le prestige, en créant des
liens, par l’attraction culturelle, l’influant a la capacité d’obtenir des résultats stratégiques en sa
faveur, définir un agenda politique d’autrui.

Intelligence artificielle et géopolitique : prise de note vidéo


La compétition technologique et scientifique est centrale pour la puissance au XXIe siècle. Elle
est structurée par la rivalité Chine/Etats-Unis. L’Europe est retard dans cette compétition
stratégique. L’IA permet de créer des fake news (vidéo en deep fake) et donc entre dans la
guerre de l’information. Elle permet au régime chinois de surveiller sa population mais aussi
les utilisateurs de ses produits à l’étrangers (portables Huawei, bâtiment de l’Union Africaine à
Addis-Abeba en Ethiopie).
Séance 3 : Empires et nations, l’exemple du conflit russo-ukrainien

Prise de note Questions d’histoire sur la Rus de Kiev


La Rus’ de Kiev est la première entité politique slave orientale, dont sont héritiers la
Russie, la Biélorussie et l’Ukraine. Son héritage est instrumentalisé dans le cadre du conflit
russo-ukrainien. Aussi bien russes qu’ukrainiens la considèrent comme berceau. Dans le cadre
du logiciel impérial russe actuel il faut unifier les descendants de la Rus’ de Kiev pour la
reconstituer.
Elle est née à la fin du IXe siècle quand des Varègues (des vikings venus de Scandinavie
par les voies fluviales) prennent la cité slave de Kiev en 864. Au XIe siècle, la Rus’ de Kiev est
l’Etat européen le plus étendu. Son territoire est composé de plaines à perte de vue où vivent
des tribus slaves. Il est structuré par un axe fluvial et commercial nord-sud le long du puissant
fleuve Dniepr qui permet de relier la mer Noire et donc Constantinople et la Scandinavie. Le
christianisme orthodoxe devient religion officielle en 988. La grande capitale de Constantinople
de l’Empire romain d’Orient a constitué un modèle admiré pour la Rus’ et ses héritiers russes
ultérieurs.
Les querelles dynastiques et l’immensité du territoire ont empêché son unification
durable. Au XIIe siècle est créée la principauté de Vladimir-Souzdal qui crée la ville de
Moskova (future Moscou), au nord-est de la Rus’. Les Mongols de la Horde d’Or en 1239
conquièrent tout cet espace et mettent fin à toute unité slave orientale. Seule la République de
Novgorod tout au nord reste indépendante. Avec les siècles, les langues slaves orientales
héritières de la Rus’ divergent jusqu’à aboutir au russe, à l’ukrainien et au biélorusse.

La Russie, un Empire continental


1) qu’est-ce qu’un Empire ?
Le terme provient du latin imperium, qui désigne la structure politique de l’Empire romain
fondé en 31 avant J.-C. Pendant plusieurs siècles, le terme d'Empire ne s'appliqua qu'aux États
qui se considéraient comme héritiers de l’Empire romain : l’Empire byzantin, le Saint-Empire
romain germanique et l’Empire russe.
Définition : Le terme d’Empire pourrait désigner aujourd’hui une structure politique plus ou
moins centralisée qui coiffe plusieurs Etats, réunit plusieurs peuples, ethnies et/ou régions sous
une seule et même autorité politique et militaire (à l’origine, le mot imperium signifie «
commandement »).
L’Empire est donc par définition multiethnique et multiconfessionnel. Au sens premier, il est
caractérisé par la continuité territoriale. Les Empires coloniaux, par opposition, sont
caractérisés par la discontinuité territoriale et marquent, d’une certaine manière, l’entrée dans
l’histoire moderne et l’économie mondiale.
D’une manière classique, on oppose les notions d’Empire et de nation.
La notion d’imperium renvoie à la volonté d’exercer une même autorité et un même principe
politique sur un territoire non délimité a priori selon des frontières territoriales précises, sans
considération pour l’identité des populations, mais en vertu de l’idée que le pouvoir politique
devait réaliser sur Terre une harmonie cosmique (principe romain). L’Etat existe donc en dehors
de toute légitimité émanant de la société (pour des sociétés), qu’il n’a pas pour vocation de
représenter, mais de gouverner. L’imperium renvoie à la notion romaine d’auctoritas (puissance
de l’Etat comme légitimité politique).
On lui oppose la notion de natio – principe de légitimité hérité des royautés européennes en
vertu duquel il convient de réaliser une unité entre auctoritas et potestas : celui qui exerce le
pouvoir l’exerce au nom d’un principe d’identité par rapport au territoire et aux populations
qu’il administre. La nation procède des royautés européennes, qui se sont émancipées
progressivement de l’Empire, l’Etat-nation est le berceau de la démocratie, car il est le berceau
de la démocratie représentative.
En latin, la natio désigne les enfants d’une même origine. Cela vient du verbe nascere (qui a
donné naissance en français). Cela désigne un peuple.

La constitution de l’Empire russe (1552-1917)


En Russie, la construction d’un Etat moderne coïncide avec la formation d’un Empire. Après
la période du « rassemblement des terres » (собрание земель), qui succède au joug tataro-
mongol, un embryon d’Etat russe moderne, formé autour de la Grand-Principauté de Moscou.
Cet Etat russe moderne se concrétise sous le règne du Grand-Prince de Moscou Ivan IV (1533-
1584), couronné Tsar (du latin César) de Russie (il est le premier à recevoir ce titre) sous le
nom d’Ivan le Terrible en 1547. Ce titre a pour but d’imiter l’Empire romain, un modèle.

Sous le règne d'Ivan IV s'accomplit une modernisation de l'Etat, qui est inséparable de la
constitution de l'Empire. La modernisation de l'Etat passe par l'organisation et la rationalisation
de la noblesse de service, qui sert à conquérir de nouveaux territoires et à consolider l'Empire.
En retour, la conquête de nouveaux territoires consolide la noblesse de service.

Prise de note vidéo Questions d’histoire Ivan le Terrible

Traditionnellement, la conquête territoriale est le moyen privilégié des dirigeants impériaux


pour maintenir la cohésion politique interne de l’Empire, toujours problématique et sans cesse
remise en cause. L’historien Jean-Baptiste Duroselle a signé un célèbre ouvrage au titre
évocateur, Tout Empire périra, dans lequel il souligne ainsi la fragilité des constructions
impériales (p. 89) : « la conquête de nouveaux territoires permet aux dirigeants des Empires de
maintenir leur autorité en faisant taire les revendications d’autonomie des différentes
composantes en les mobilisant sans cesse dans des campagnes militaires contre les ennemis
extérieurs ».
La conquête du Khanat de Kazan (musulman), en 1552, par les troupes conduites par le Tsar,
marque la première étape d’un Empire continental qui s’étendre tout au long des trois siècles
suivants. La mobilisation pour la conquête de nouveaux territoires et contre d’éventuels
ennemis extérieurs permet aussi de sélectionner et de former une élite (les boyards), puis de la
consolider. Ainsi, dans le cas de la Russie, la noblesse de service, sans cesse agrandie par le
mécanisme de la cooptation de certaines élites locales en son sein au fur et à mesure des
conquêtes territoriales, a formé une élite assujettie au Souverain et favorable à l’Empire.

Les quatre étapes de la constitution d’un Empire continental en Russie


a) La première pierre de l’Empire continental russe est posée en 1552, avec la conquête du
khanat de Kazan. La Russie absorbe un autre Etat constitué, peuplé de Tataro-Mongols
musulmans. La conquête se poursuit en 1556 (conquête du khanat d’Astrakhan). L’enjeu
géopolitique de ces conquêtes était de liquider les derniers vestiges de la Horde d’Or et du joug
tataro-mongol, mais également de contrôler la Volga et d’accéder ainsi à la mer Caspienne et à
la steppe. La conquête vers l’Est se termine en 1740. Dans cette conquête de la Sibérie, l’Empire
russe alterne les politiques de cooptation et de christianisation forcée des élites autochtones
(turco-mongoles, kalmoukes, etc.), les combinant parfois avec une politique de colonisation (au
sens littéral : mise en valeur du territoire) en suscitant l’émigration vers la Sibérie de paysans
russes libres (non assujettis au servage).

b) L'expansion vers l'ouest débute en 1558, sous le règne d’Ivan le Terrible, avec la « guerre de
Livonie », première des trois « guerres du Nord » menées contre la Suède et la Pologne-
Lituanie, qui se solderont par la conquête de la Lituanie, de la Biélorussie, de la Courlande, de
la Livonie et de l’Estonie. En 1703, l’inauguration d’une nouvelle capitale de l’Empire russe à
Saint-Pétersbourg constitue le symbole de l’expansion vers l’ouest et de la volonté politique de
la Russie de devenir une puissance européenne. Saint-Pétersbourg est évoquée par Pierre le
Grand comme « la fenêtre sur l’Europe ». L'expansion vers l'ouest se poursuit avec la conquête
de l'Ukraine. Depuis le XIVème siècle, ce vaste « territoire extérieur » (окраина) à l'ouest de
l'Empire russe est placé sous la souveraineté de l'Etat polono-lituanien.

La conquête de l’Ukraine s’opère en trois temps, et marque simultanément le


démantèlement de la Pologne-Lituanie. En 1654, la convention de Pereïaslavl entérine le
rattachement de l’hetmanat (Etat) des Cosaques du Dniepr (situé à l’est du Dniepr, actuelle
région de Kharkiv). En 1775, à la faveur de la première guerre russo-turque (1768-1774), la
Russie conquiert le sitch des Zaporogues, Etat cosaque qui avait obtenu le soutien de l’Empire
ottoman.

L’expansion de l’Empire russe vers l’Ouest s’achève par les quatre partages de la Pologne à la
fin du XVIIIe – début du XIXe siècles. La Pologne disparaît totalement en tant qu’Etat
indépendant en 1815, écartelé entre la Prusse, l’Autriche-Hongrie et l’Empire russe. En 1793,
l’Ukraine occidentale (région de Lviv) passe sous souveraineté russe, et en 1815, le royaume
de Pologne (Varsovie) est rattaché à l’Empire russe après le Congrès de Vienne. D’autre part,
la Finlande est rattachée à la Russie en 1809, la Bessarabie (actuelle Moldavie) en 1812.

c) La conquête du Caucase et de la Transcaucasie débute avec le rattachement de la Géorgie à


l’Empire russe en 1801, qui s’opère dans le cadre de conflits russo-turcs et russo-perses plus ou
moins latents depuis le milieu du XVIIIe siècle. En 1803- 1804, les autres principautés
géorgiennes (Mingrélie, Imérétie) se placent à leur tour sous la protection russe, fuyant la
domination ottomane. La guerre russo-perse (1804-1813) conduit à l’incorporation à l’Empire
russe des khanats de l’Azerbaïdjan. Une autre guerre contre la Perse permet le rattachement des
khanats qui forment le territoire de l’actuelle Arménie. La conquête du Caucase – c’est-à-dire
de la Montagne du Caucase (aujourd’hui Caucase Nord) – intervient ensuite, dans les années
1825-1864, pour consolider les conquêtes territoriales en Transcaucasie et achever de contrôler
tout l’isthme caucasien. La conquête du Caucase (proprement dit) occasionne de nombreuses
campagnes militaires et suscite une résistance armée organisée de la part des « Montagnards du
Caucase » dont le chef légendaire, l’imam Chamil, deviendra l’emblème.

d) La conquête de l’Asie centrale se déroule au cours de la seconde moitié du XIXème siècle.


Dès le 17ème siècle, l’Empire russe avait pris possession de la steppe dominée par les Tataro-
Mongols, dans la foulée de la conquête de la Sibérie. Ainsi, ce qui correspond à la partie nord
du Kazakhstan actuel ne fait pas, historiquement, partie de l’Asie centrale russe. La conquête
de l’Asie centrale au XIXème siècle correspond à la conquête, par l’Empire russe, des khanats
(émirats) de Boukhara, de Khiva et du Kokand, qui font suite à la soumission des tribus
nomades de Kazakhs. En 1867, les territoires conquis furent regroupés dans un ensemble
administratif appelé gouvernement général du Turkestan, dont Tachkent (aujourd’hui capitale
de l’Ouzbékistan) devient le chef-lieu.

L’eurasisme, idéologie géopolitique de la continentalité russe


L'eurasisme est né dans les années 1920 dans l'émigration russe. Il a compté en son sein
certains des plus éminents intellectuels de l'époque, dont le linguiste Troubetzkoï, le géographe
Savitski et le linguiste Jakobson. En tant que mouvement, l’eurasisme cesse d’exister vers le
milieu des années 1930. Contrairement à la majorité des exilés russes, ils reconnaissent
l'importance et l'irréversibilité des révolutions russes de 1917, soulignant le côté positif de la
"table rase" bolchevique qui a mis fin à un régime niant la véritable identité – eurasiatique – de
la Russie. L’Empire russe se trouve refondé par une nouvelle interprétation géographique de
l’histoire qui définit la Russie comme un « être géographique », c’est-à-dire l’Eurasie. Pour les
eurasistes, l'Eurasie n'est pas la réunion de l'espace euro-asiatique, mais bel et bien un espace
médian. L’eurasisme définit l’Etat russe et l’impérialisme russe comme nécessaire à
l’accomplissement du destin politique de l’Eurasie, qui n’est ni l’Europe, ni l’Asie, mais « un
continent en soi ». Les néoeurasistes (comme les eurasistes) voient l’Eurasie comme une
civilisation en soi et conçoivent le monde comme une série d'aires culturelles supranationales,
car la nation et l'Etat-nation ne sont que des constructions artificielles occidentales, qu’il
convient de rejeter comme étrangères à l’identité eurasiatique de la Russie. La Russie doit
d'abord pour eux se désoccidentaliser.
La pensée géopolitique eurasiste a été profondément influencée par Mackinder en reprenant
opposition entre tellurocratie (pouvoir terrestre) et thalassocratie (pouvoir maritime). Cette
dualité du monde réapparaît dans la pensée eurasiste par l'existence de deux modèles d'empire
que théorise Savitski : le premier est continental, soudé essentiellement par des relations
politiques et donneur de civilisation, sur le modèle de l'Empire romain ; le second est maritime,
principalement économique, et niveleur des cultures qu'il domine, sur le modèle britannique.
Seul le premier, auquel se réfère bien évidemment la Russie, est jugé sain par les eurasistes :
apte à créer une culture supranationale, à servir au progrès de l'humanité, c'est un type
particulier de macro-Etat qui élargit sa culture nationale au-delà de ses frontières géo-ethniques.

13/02/2024 Prise de note vidéo Le Monde

Dans les représentations impérialistes russes, l’Ukraine fait partie de la Russie car les deux sont
héritières de la Rus’ de Kiev. La création d’un Etat ukrainien moderne n’eut lieu qu’à partir de
1917 et la chute de l’Empire russe. Certains Russes attribuent donc la création de l’Ukraine à
l’URSS et donc à la Russie, et considèrent que cela leur donne un droit d’intervention. Avant
la révolution bolchevique il n’y a pas eu en effet d’Etat ukrainien, hormis au XVIIe siècle
l’Hetmanat cosaque, de langue ukrainienne, qui ne recoupe pas les frontières actuelles. Cette
entité politique a conclu le Traité de Pereïaslav en 1654 avec l’Empire russe, ce qui facilita la
conquête russe du territoire au XVIIIe siècle sous Catherine II puis la colonisation russe.

Séance 4 La guerre de Trente ans et l’idée impériale en Europe


Prise de note vidéo Traité de Westphalie, 1648
Séance IV Guerre de Trente Ans et la fin de l’idée impériale médiévale

La guerre de Trente ans dure de 1618 à 1648. Elle se termine par le traité de Westphalie qui
inaugure l’ordre international « westphalien » jusqu’en 1945. L’ordre onusien (régi par l’ONU)
lui succède après la Seconde guerre mondiale. Dans l’ordre westphalien, les Etats-nations « se
reconnaissent mutuellement comme seuls interlocuteurs légitimes ». Il repose sur des relations
interétatiques. Ses principes sont : l’équilibre des puissances, l’inviolabilité de la souveraineté
nationale, la non-ingérence. Cette guerre oppose la maison des Habsbourg (catholiques, ils
possèdent le Saint-empire romain germanique et le Royaume d’Espagne) à une coalition d’Etats
protestants contenant aussi la France catholique. Elle fit 4 à 7 millions de morts, est parfois
qualifiée de guerre civile européenne, et tua 30% de la population allemande.

La défenestration de Prague est l’élément déclencheur, le 23 mai 1618 au château de Prague.


Elle constitue le paroxysme des tensions entre nobles de Bohême protestants et monarchie
catholique des Habsbourg qui s’était placée à la tête du royaume de Bohême.

Cette guerre implique tous les Etats européens sauf l’Angleterre et la Russie. Si l’étincelle de
départ est religieuse le conflit est aussi politique. Contre la dynastie des Habsbourg, la France
entre dans le camp protestant aux côtés de la Suède. Le Saint-Empire romain germanique existe
depuis le Xe siècle et rassemble un territoire allant de la mer du Nord (nord de l’Allemagne
actuel) à la Vénétie en Méditerranée. Il est toutefois très morcelé politiquement. La guerre de
Trente Ans voit le triomphe de l’absolutisme et la fin de l’idée d’empire en Europe. En effet, le
Saint-Empire romain germanique finit très affaibli par la guerre. Les traités de Westphalie en
1648 renforcent les Etats au détriment de l’Empire : tout souverain est pleinement souverain
sur son propre territoire et peut imposer la religion de son choix (cuius regio eius religio). Tous
les Etats du Saint-Empire siègent désormais à la diète (assemblée) et ont droit de regard sur la
conduite de la guerre.

Ces traités de Westphalie inaugurent « l’ordre westphalien » qui a perduré jusqu’en 1945 avant
la création de l’ONU : un ordre international centré sur des Etats souverains sans entité
supérieure.
Séance 5 Où s’arrête l’Europe ?

Il s’agit de comprendre le concept d’Europe, réutilisé dans des discours politiques et


intellectuels. L’Europe désigne aujourd’hui par métonymie l’Union européenne (qui ne contient
pas tous les pays considérés comme européens), mais aussi une civilisation et un espace
géographique. Ses contours ont fluctué dans le temps au gré des représentations. L’étymologie
provient de la princesse mythique Europe enlevée par Zeus déguisé en taureau. Le terme
désignait pour les Grecs classiques la Grèce continentale. L’Asie, par opposition, désignait pour
eux l’Asie mineure (Anatolie actuelle). Ses limites géographiques ont fluctué. Pour les Grecs
elle allait jusqu’aux rives de la mer Noire et jusqu’à l’actuelle Istanbul. Lors de la Renaissance
au XVe siècle, le terme finit par désigner l’ensemble du continent, sans limite orientale précise.
Les géographes la font s’arrêter au fleuve Don (grand fleuve à la limite entre l’est de l’Ukraine
et l’ouest de la Russie, près de la Volga). C’est le tsar Pierre le Grand qui régna entre la fin du
XVIIe et le début du XVIIIe siècle qui chargea son géographe Vassili Tatichtchev de déplacer
à l’est la frontière européenne afin de s’inclure dans le continent. La nouvelle frontière, acceptée
jusqu’à aujourd’hui, se situe sur l’Oural, chaîne de montagne nord-sud de l’ouest de la Sibérie.
En effet, l’Oural est la seule limite naturelle à un vaste espace de plaines allant jusqu’à
l’Allemagne. Le but du tsar était politique : en fondant Saint-Pétersbourg au bord de la Baltique
il souhaitait ancrer son empire à l’ouest. La Russie devait se considérer comme européenne.

L’Europe n’est pas à proprement parler un continent, mais une péninsule du continent
eurasien, limitée au sud arbitrairement par la mer Méditerranée et par la chaîne du Caucase et
enfin la rive nord de la mer Caspienne.

C’est en 1458, 5 ans après la Chute de Constantinople aux mains des Turcs musulmans,
qu’un intellectuel italien, Enea Silvio Piccolomini (devenu pape Pie II), écrit un essai, le De
Europa. Dans ce texte, il tente de définir ce qu’est l’Europe et inclut pour la première fois des
critères géographiques, historiques mais aussi culturels, dans un contexte d’urgence. Infatigable
voyageur, italien de Sienne travaillant en Allemagne, Enea Piccolomini est un lettré cultivé et
connaisseur du continent. Il utilise le terme latin « europeus » pour désigner les Européens. Les
non-Européens sont assimilés aux Turcs et des peuples d’Asie. L’Asie sert de figure opposée :
les peuples d’Asie sont décrits comme nomades, ont des mœurs parfois jugées très
négativement. L’Europe se définit par l’héritage chrétien pour lui et par l’héritage humaniste
latin, ainsi que par un espace géographique s’étendant jusqu’au détroit du Bosphore
(Constantinople/Istanbul) marqué par la sédentarité. Cette définition nouvelle de l’Europe va
s’imposer dans tous les cercles intellectuels. L’Europe, à la fois géographique et intellectuelle
est « notre patrie, notre propre maison » pour Pie II.

Quelles autres potentielles définitions ? Sur le plan linguistique l’Europe se définit par
la prédominance des langues indo-européennes à l’exception du basque (pré-indo-européen) et
des langues finno-ougriennes (hongrois, finnois, estonien, same..). L’expansion des peuples
indo-européens depuis la steppe pontique à partir de -3500 av. J.C. environ a unifié
linguistiquement le continent, mais ces peuples ont aussi migré ailleurs : vers le Xinjiang pour
les Tokhariens, vers l’Anatolie pour les Arméniens, Hittites, Louvites, Phrygiens, Asie du Sud
et Asie centrale pour les peuples indo-iraniens. Dans l’Antiquité, les peuples iraniens sont
étendus depuis la Moldavie actuelle jusqu’à l’ouest de la Chine, et même la Mongolie. De plus,
l’Anatolie (aujourd’hui considérée comme non-européenne) a été dans l’Antiquité très
majoritairement de langue indo-européenne. La philosophie grecque est née sur les rives de
l’actuelle Turquie à Milet notamment. La reconstruction par les linguistes de l’origine
commune des langues européennes a émergé à partir du XVIIe siècle dans des cercles
humanistes. Leur parenté avec le sanskrit (langue sacrée de l’Inde) fut démontrée à la fin du
XVIIIe siècle. C’est au milieu du XIXe siècle qu’est reconstruit par August Schleicher le proto-
indo-européen, hypothétique langue originelle. Ces spéculations de mythologie et de
linguistique comparée ont participé à créer l’idée d’une civilisation européenne distincte,
incluant non seulement l’héritage gréco-latin revisité par les humanistes de la Renaissance mais
aussi celte, germain, slave, iranien dans un tout plus large. Elles ont aussi permis aux Européens
de décentrer leur regard de l’héritage gréco-latin, traditionnellement plus prestigieux depuis la
Renaissance. Cette question des origines de l’Europe fait la spécificité de cette civilisation (si
elle existe) : son point de départ trouve son origine dans des peuples nomades de la fin du
Néolithique qui ne possédaient pas l’écriture et ont donc largement divergé avec les millénaires
avant de subir des influences communes qui ont recréé une forme d’unité (christianisation,
héritage culturel pré-chrétien polythéiste, héritage gréco-latin architectural et intellectuel,
Renaissance, Lumières, sécularisation, etc..). C’est donc un espace très pluriel malgré une
certaine unité. En comparaison, la Chine, le monde arabo-musulman, l’Egypte antique, l’Inde,
l’Amérique latine, forment des civilisations plus unies autour d’une langue, un système
d’écriture, une religion. La définition de l’Europe contient une part d’arbitraire : à l’ouest de
l’Oural, des peuples turcs et mongols se sont installés en migrant vers l’ouest sans barrière
géographique dans les plaines d’Asie centrale. Définir l’Europe nécessite de faire des va et vient
entre son actualité et ses origines les plus anciennes, dans une reconstruction a posteriori.

La prise de conscience d’une certaine unité européenne tient aussi à la chute de l’Empire
romain, à l’émergence de l’Islam en Méditerranée et à la reconstitution d’un tissu urbain
intracontinental après la chute de Rome, sur des logiques géographiques différentes. Jusqu’à la
chute de l’Empire romain en 476 c’est depuis des siècles que la partie urbanisée, alphabétisée
et développée de l’Europe se trouve exclusivement en Méditerranée. En Europe, l’horizon de
la « civilisation » est donc les rives de la Méditerranée, unifiée progressivement par la
romanisation comme « Mare Nostrum ». Si l’ouest parlait latin, l’est parlait le grec. L’historien
Paul Veyne parle d’ « empire gréco-romain ». L’imaginaire de l’Empire romain était centré sur
la Méditerranée, pas sur l’Europe. Les populations de l’intérieur du continent (Celtes,
Germains) étaient méprisées et perçues comme « barbares », il n’y avait donc pas de
« conscience européenne » ni d’idée de civilisation commune avec eux de manière
préférentielle plutôt qu’avec l’Afrique du Nord romanisée. C’est plus tard, après la conquête
islamique au VIIIe siècle ap. J.C., que l’Islam occupe progressivement toute la rive sud et la
rive orientale de la Méditerranée et introduit une rupture civilisationnelle. La Méditerranée n’est
alors plus le centre d’une civilisation chrétienne gréco-latine mais un espace de séparation entre
deux civilisations antinomiques. La conversion progressive de toute l’Europe au christianisme
(achevée au début du XVe siècle pour les Baltes) et l’urbanisation et le développement de
l’écriture, notamment au sein de la « dorsale européenne » (un espace se structurant en plein
Moyen âge et toujours très développé allant de Londres à l’Italie du Nord en passant par l’ouest
de l’Allemagne) unifient sur les plans religieux et culturel l’intérieur du continent, et a créer de
nouveaux pôles au-delà de l’espace méditerranéen.
Séance VI Métropoles et mondialisation
On peut définir la métropolisation comme le phénomène d’organisation territoriale
renforçant la puissance des métropoles. Les métropoles sont des villes rassemblant des
fonctions de commandement. Depuis plusieurs décennies la métropolisation va de pair avec la
mondialisation. Celle-ci en effet par le commerce mondial renforce les métropoles qui sont les
nœuds d’une vaste toile (« l’archipel métropolitain mondial »).
I/ La métropolisation, un processus planétaire
Quels sont les liens entre urbanisation et métropolisation ?
A) Une planète urbaine
En 2018, 55% de la population mondiale est citadine, soit 4,2 milliards de personnes. En 2007,
la population urbaine est devenue plus nombreuse que la population rurale. Plus que jamais, les
villes sont des centres qui structurent l’espace à différentes échelles.
L’urbanisation a d’abord profité aux plus grandes villes : les villes de plus de 5 millions
d’habitants concentrent 21% de la population urbaine mondiale en 2018, contre 7% en 1950,
les mégapoles à elles seules en rassemblent 13% (3% en 1950).
Dans certains pays, l’urbanisation profite surtout à une seule grande ville, capitale politique
et/ou économique, entraînant une macrocéphalie urbaine (développement disproportionné de la
ville la plus peuplée d’un territoire au détriment des autres villes). Tunis concentre ainsi plus de
50% des citadins tunisiens.
B) La métropolisation, « fille » de la mondialisation
Parallèlement à l’urbanisation, surtout à partir des années 1980, la mondialisation a entraîné
l’apparition d’un nouveau processus : la métropolisation. La Nouvelle Division Internationale
du Travail (NDIT) a permis de délocaliser les fonctions de production dans des pays en
développement où la main-d’œuvre est moins chère pour concentrer dans certaines grandes
villes, appelées « métropoles », les fonctions de commandement.
L’attractivité internationale de ces métropoles repose sur l’avantage métropolitain, c’est-à-dire
sur les possibilités de synergie (interaction entre plusieurs secteurs, qui augmente leur potentiel)
entre les fonctions de commandement (recherche-innovation et économie par exemple). Aussi
concentrent-elles places boursières, sièges sociaux, institutions internationales, équipements
culturels de premier plan. Leur accessibilité aérienne, portuaire ou numérique leur permet une
inscription optimale dans les échanges.
C) Un processus sélectif et évolutif
La métropolisation est un processus sélectif. Elle privilégie les villes qui sont déjà les mieux
dotées et disposent depuis longtemps d’un rayonnement international, comme Londres, Paris
ou New York. La métropolisation entraîne la marginalisation des villes mal articulées aux flux
d’échanges mondiaux.
Dépendant de l’intensité de l’intégration du pays à la mondialisation, la métropolisation est un
processus évolutif. Le nombre de métropoles augmente à mesure que les pays s’ouvrent à la
mondialisation et se développent. C’est pourquoi des métropoles sont apparues récemment dans
les pays émergents (Mumbai, Rio ou Sao Paulo), parallèlement à leur développement qui repose
sur leur intégration à la mondialisation. La métropole joue alors un rôle majeur dans
l’articulation du pays aux flux mondiaux.
Les métropoles polarisent (polarisation : attraction qu’exerce un centre su l’espace plus ou
moins étendu qui l’entoure et qui place la périphérie dans une situation de dépendance) de vastes
régions métropolitaines polycentriques où s’opère un desserrement des activités et de la
population. Les mégalopoles (région urbaine qui s’étend de manière continue sur plusieurs
centaines de kilomètres et qui comprend plusieurs métropoles) américaine, japonaise et
européenne sont des chapelets de métropoles exceptionnels.
Les Etats-Unis et la frontière, un mythe et sa
géopolitique
Festival de Géopolitique de Grenoble
Frédéric Munier

Annie De Nicola | 19 Mar 2018 | Festival de Géopolitique de Grenoble 2018 | 0 |

La frontière – Borderline ou Frontier – est constitutive de l’imaginaire américain, elle a


animé les hommes et participé à la constitution de l’identité nationale au point d’être un
déterminant fondamental de la géopolitique des Etats-Unis.

Intervenant : Frédéric Munier est professeur agrégé d’histoire, spécialiste de


géopolitique et enseignant au lycée Saint-Louis à Paris.

Pourquoi la frontière ?
Frédéric Munier commence son accroche par une anecdote personnelle en évoquant un thème
qui depuis son enfance l’a toujours interrogé depuis qu’il avait regardé une série «Star Trek»
américaine à la télévision, un épisode particulier intitulé « final frontier » et il trouvait étrange
et mystérieux le titre de cet épisode évoquant beaucoup la frontière, un espace indéfini. Le
géographe a pris cet exemple du titre de cet épisode sorti en 1967, pour montrer que le terme
est difficile à traduire, ici pour désigner un espace ultime, « frontier » où nul homme n’a jamais
habité. Cette ultime frontière américaine a un sens multiple, il est polysémique.
Aux États-Unis, pour traduire le mot frontière, il existe deux mots, le mot « border » et
« frontier ». Frédéric Munier propose de réfléchir à partir de l’analyse sémantique des deux
vocables à la fois sur leur signification historique et géopolitique. Le premier vocable analysé,
« border » est un mot difficile à traduire. En anglais, border possède plusieurs significations à
la fois cela peut signifier la frontière administrative ou une démarcation matérielle ou bien une
signification politique.

Le second terme de « frontier » en anglais peut être traduit en français par « front pionner ». Le
conférencier fait référence à une définition de Jacques Lévy dans son dictionnaire géographique
pour lequel la frontière est perçue « comme un espace mobile marquant la limite provisoire de
l’expansion d’une société, ici frontière vue comme un espace plus vaste mis en valeur ». Donc,
ici, la définition ne se limite plus à un espace fixé et définitif mais à un espace transitoire et
mobile qui est lié à la valorisation de l’espace conquis. Cette polysémie en anglais, « border »
et « frontier », qui fait dire à Jacques Levy, que la seule frontière incontestablement
fonctionnelle fut la frontière Nord américaine, c’est-à-dire un front pionnier colossal dynamique
parce que résultant d’un rapport de force très déséquilibré entre les défenseurs, les Indiens et
les assaillants, les Américains. La frontière cesse alors d’être pour un temps une chimère
destructrice, et devient vu du côté des gagnants, des Anglais, des anglo-américains, l’emblème
de l’aventure.

Frédéric Munier présente ensuite un tableau célèbre évoquant cette vision mythique d’une
frontière repoussée au-delà des confins et ouverte à la conquête. C’est un tableau connu de 1872
représentant Colombia, une allégorie féminine évoquant l’Amérique, le nom rappelant
Christophe Colomb. Colombia est représentée en mouvement en direction vers l’ouest en train
d’accompagner les colons américains le long de cette frontière au-delà d’espaces inconnus.
Cette belle représentation montre tout le mythe de la frontière, un espace de conquête, avec des
colons, des fermiers, des trappeurs, des bucherons, des paysans, accompagnés de leurs familles,
des femmes, des enfants venant de l’est.

L’idée était de représenter à travers cette peinture surtout que ces colons étaient avant tout des
« farmers ». Cette représentation fait partie d’un imaginaire, une idée qui remonte aux premiers
temps de l’histoire américaine avec le troisième président américain, Thomas Jefferson, celui
qui a acheté entre autre le Mississippi, qui se faisait représenter en fermier avec des valeurs de
rudesse, de courage, de travail. Ce tableau illustre donc parfaitement l’idée de la conquête.

Les États-Unis disposent donc d’une double conception de la frontière, « border » et


« frontier », pour désigner une extension de territoire mais aussi pour justifier une expansion
géopolitique. « Frontier », la frontière tient lieu à la fois du mythe fondateur, mythe qui explique
au sens grec du terme l’origine de la constitution du territoire et mythe qui justifie l’expansion
américaine. Le plan de son objet d’étude se concentre sur les trois points suivants : 1) une
lecture historique de la frontière, 2) la frontière perçue comme un mythe et 3) la frontière
devenue un outil de puissance, une lecture géopolitique de la frontière.

LA FRONTIERE AMERICAINE UNE DIALECTIQUE


ENTRE «BORDER» ET «FRONTIER», UNE LECTURE
HISTORIQUE DE LA FRONTIÈRE
La frontière, une approche théorique
Après une rapide présentation des ouvrages de référence pour aborder son sujet d’étude, Michel
Foucher « éloge des frontières », et Régis Debray « critique de la frontière », Frédéric Munier
s’appuie sur la définition de la frontière d’après Jacques Lévy pour tenter de la définir. Jacques
Levy distingue la frontière à trois types d’effets spatiaux. La frontière peut être à la fois une
barrière, une interface, les deux aussi (exemple la barrière entre les Etats-Unis et le Mexique
mais aussi une interface) et peut être également un territoire en soi. Au XIXe siècle la frontière,
la « frontier », est un territoire, entre la civilisation, celle des Américains et la barbarie, de
l’inconnu.

La frontière, la constitution d’un territoire

Quant à Michel Foucher, il rappelle que les frontières possèdent trois fonctions principales, une
fonction légale (elle définit le droit des délits nationaux), une fonction de contrôle (lien avec les
nationalités, contrôle de ceux qui sortent ou qui entrent sur le territoire) et une fonction fiscale
(par exemple la douane). La frontière est ainsi indispensable de la notion de territoire. La
frontière transforme un espace, une notion proche du milieu car pas encore une notion de limite
et c’est la frontière qui fait passer de l’espace au territoire, une zone appropriée, bornée. Ainsi,
les grands espaces américains, le Far West, avec la mention de frontière sont devenus des
territoires.

La fin de la « frontier », la fin du « front pionnier »

Frédéric Munier s’appuie sur un autre ouvrage, celui de Régis Debray « Critique de la
frontière » sorti à un période où la notion de la frontière était très à la mode, pour montrer que
la frontière n’a pas toujours été perçue comme une limite acceptée mais plutôt une « border »
critiquée voire même diabolisée. D’un point de vue étymologique, la frontière vient du latin
sancire qui signifie délimiter, entourer, interdire. Les Etats ont besoin de ces espaces qui soient
fixes au contraire de l’Antiquité c’étaient des eschatia, des espaces aux limites floues, aux
marges des cités grecques antiques les délimitant ainsi entre elles sans que ces territoires à la
marge ne soient revendiqués. La frontière associée à un espace qui délimite, qui étanchéifie
peut-être mais qui permet des échanges. Pour Régis Debray « le mur interdit le passage, la
frontière le régule », la frontière est donc un espace de régulation.

Les EU et la frontière

La conquête américaine, c’est l’histoire d’une relation entre « frontier » le front qui se dérobe,
« border » à la « frontier » qui recule sans cesse et une fois l’espace valorisé, elle laisse place à
la « border ». C’est une histoire très ancienne. Rappel de l’histoire du Mayflower quittant le
Royaume Uni en 1620 dans lequel s’étaient embarqués des Puritains en fait surtout des
sécessionnistes de l’église anglicane et ils avaient décidé de conquérir le Nouvel Israël. Ils se
voyaient comme de nouveaux juifs auxquels Dieu offrait à ces anglicans, à ces puritains un
nouvel Israël en Amérique, une terre qui était donnée à la valorisation et ces gens sur le
Mayflower, le bateau qui les amenait sur le Nouveau Monde, ont signé un pacte, le 11 novembre
1620, le « Mayflower Compact ».

Ce document est perdu depuis mais on a conservé une transcription sur laquelle les Anglais
écrivaient ceci « ayant entrepris pour la gloire de Dieu, pour la propagation de la foi et en
l’honneur de notre roi, un voyage voit implanter une première colonie dans les régions
septentrionales de Virginie …». Pour Frédéric Munier on a une définition qui s’apparente à la
notion de « frontier » c’est-à-dire le désir de s’implanter, de prospérer, se développer, de
s’étendre. Tout démarre en quelque sorte avec cette histoire originelle des premiers pionniers
anglo-saxons.

De la frontière à la border un territoire de conquête

Après l’indépendance américaine en 1783, les colons devenus des Américains depuis 1776, les
colonies anglaises devenues des colonies américaines avec le traité de Paris; rapidement les
nouveaux Américains décidèrent en 1785 de valoriser l’espace et d’étendre la frontière. Ils ont
institué un système original qu’on appelle le système du Township, c’est un système de division
des espaces disponibles, rapidement conquis, le Mississipi servant de frontière à l’ouest. Ces
espaces conquis sont divisés par le cadastre.

Des lots ensuite sont définis et donnés aux colons, 40 acres en moyenne de superficie permettant
à une famille de quatre à cinq personnes de vivre. C’est ainsi que l’on passe de la frontière,
« frontier » le front que l’on conquiert à un espace délimité, avec des « borderline », des limites
administratives dans lesquels les colons se sont installés avec un espace à valoriser.

Une carte de 1803 montre l’extension du territoire américain vers l’ouest. Elle montre
l’extension qui passe par exemple par des achats, exemple de Napoléon 1er qui a vendu la
Louisiane en 1803 à Thomas Jefferson. La frontière se déplace vers l’ouest, période de l’apogée
de la conquête de l’ouest. Deux explorateurs américains Lewis et Clark passent du centre des
Etats-Unis à l’ouest vers le pacifique en traversant les Rocheuses et ils inaugurent le chemin
qui va permettre aux nouveaux colons de passer d’est en ouest.

La découverte des mines d’or en 1848 a accéléré la conquête vers l’ouest, vers la Californie
enchaînant la ruée vers l’or des populations venues de l’est traversant de bout en bout le pays
tout entier. Les Américains ont constitué de fait leurs frontières de plusieurs manières soit par
la conquête, de espaces vierges ou peu habités, les Indiens ont été pour cela déportés vers
l’ouest, soit par l’achat de terre (achat de la Louisiane en 1803, une partie du Nouveau Mexique
en 1853, l’Alaska à la Russie en 1876) ou soit par l’occupation ou l’annexion comme le Texas
en 1845, soit parfois par les conquêtes comme la guerre avec le Mexique qui a permis aux
Américains d’annexer une grande partie du Mexique, soit un tiers du territoire mexicain,
devenue l’Etat du Nouveau Mexique en 1848.

En 1890, la totalité du territoire a été conquise. Tout le territoire a été ensuite rapidement
cadastré. C’est la fin de la « frontier », il n’y a plus de frontière. Tout l’espace est devenu un
territoire. Est-ce que cela veut dire, fin de la « frontier », que c’est la fin des frontières ? Non,
mais par contre il y a beaucoup de « borders » avec la création des Etats américains. Les Etats
avaient été bornés dans les années 1850 mais ils n’étaient devenus des Etats américains qu’à
partir de 1890.

Pour devenir un Etat, il fallait qu’il y ait au moins 60 000 colons. En dessous de 60 000 colons,
un « border » délimite un espace quasi vide ; à partir de 60 000, cette zone pouvait acter,
demander au congrès américain de devenir un Etat. Le Wyoming, le Montana, l’Oregon étaient
des espaces quasi vides jusqu’à la fin du XIXe siècle et ne sont devenus des Etats qu’à la fin du
siècle, à l’inverse de la Californie, qui dès 1850, avec la ruée vers l’or, est devenue rapidement
un Etat.

La fin de la « frontier » comme espace pionnier ne signifie pas la fin des frontières, au contraire,
les frontières ont été enracinées, elles deviennent des « borders ». D’autres frontières
s’imposent comme les grandes frontières officielles, les Etats-Unis sont divisés en grands
espaces comme les espaces Est-Ouest, Centre-Ouest, Midwest, etc. Il existe d’autres types de
frontières moins administratives comme les belts, les ceintures, qui constituent des frontières
de différents types, comme la corn belt, la ceinture du maïs, la wheat belt, la ceinture du blé, la
Bible Belt, la ceinture de la bible au sud-est des Etats-Unis.

On constate que Les Etats-Unis sont ainsi organisés avec une multitude de frontières. Ces
frontières-là sont définies bien après la « frontier ». L’Alaska, par exemple, dans le discours
des gens qui habitent Anchorage aujourd’hui s’imaginent être de nouveaux colons, de nouveaux
trappeurs et donc s’imaginent l’Alaska comme une nouvelle frontière terrestre.

LA FRONTIERE PERÇUE COMME UN MYTHE, UNE


LECTURE IDÉOLOGIQUE
La « destinée manifeste », justification de l’expansion

La frontière est devenue le creuset des valeurs américaines, une thèse développée vers 1893 au
moment de la fin de la « frontier ». John O’Sullivan, journaliste américain, pose pour la
première fois dans un article publié en 1845 dans un magazine, l’idée de destinée manifeste :
« c’est notre destinée manifeste de nous déployer sur le continent conquis par la Providence
pour le libre développement de notre grandissante multitude ». Il justifie l’expansion par la
volonté divine, la « Providence », c’est Dieu qui a donné cet espace à conquérir aux Américains
pour qu’ils le valorisent.

Cette thèse en 1845 va servir aux présidents américains qui vont se succéder au cours du XIXe
siècle pour justifier la poursuite de la conquête avec l’annexion de l’Oregon jusqu’à Georges
Bush qui a emprunté cette même thèse pour légitimer sa politique.

Autre personnage important pour justifier la frontière dans l’espace et l’histoire des Etats-Unis,
c’est Frederick Jackson Turner dans son livre publié en 1893 « la frontière américaine» dans
lequel il explique que les valeurs américaines ont été forgées par la frontière et en particulier
dans le Far West. La force, l’acuité, le sens pratique des Américains, leur énergie,
l’individualisme, toutes ces valeurs relevées par Jackson seraient attribuées à la frontière. Il va
jusqu’à dire que c’est la frontière qui aurait démocratisé les Etats-Unis.

Il explique également que les treize provinces originaires ont été développées rapidement et de
grands propriétaires assez riches, pas tout à fait démocrates, aux côtés des gens du peuple assez
pauvres ont servi d’agents démocratiques et ils auraient donc démocratisé les Etats-Unis. C’est
une thèse très discutée aujourd’hui parmi les historiens. Ce que ne savait par Turner, c’est que
les Etats-Unis avaient conquis plus de terre entre 1845 et 1890, puis Turner ne parle que
d’hommes, comme si la frontière n’avait polarisé que des individus arrivés en masse mais isolés
alors que beaucoup de communautés religieuses ou des communautés nationales comme les
Italiens, les Irlandais, sont partis nombreux.

La théorie de Turner se résume au fait que la frontière n’aurait forgé que des individus et non
pas des groupes. Turner invente donc le mythe de la frontière forgée par des hommes courageux,
les cowboys, les trappeurs, tout cet ensemble a forgé dans l’imaginaire américain le mythe de
la « frontier ».
Le mythe de la frontière et le soft power

La littérature et le cinéma se sont emparés à leur tour du mythe de la frontière assez rapidement
à la fin du XIXe siècle en développant le genre du western incarnant des individus courageux,
une frontière qui marque la limite entre la civilisation et la barbarie (les Indiens), la lutte contre
la nature sauvage bien évoquée dans le film de Jeremiah Johnson qui illustre le mythe du
cowboy solitaire.

Parmi la multitude de films hollywoodiens reprenant ce mythe de la frontière, quelques


exemples sont pris par le conférencier pour illustrer ce propos comme le film avec John Wayne
en 1939 « The New Frontier » (1935) mettant en avant les nouveaux horizons, l’utilisation des
armes à feu, le dépassement de soi; un autre exemple un film produit par Walt Disney, Davy
Crockett dans « king of wine frontier » qui raconte l’histoire du célèbre trappeur qui a participé
au siège de Fort Alamo en 1836 au cours duquel il trouva la mort, une mort héroïque, mort sur
la frontière ; un autre exemple « the last frontier » avec Victor Mature, jouant le rôle d’un
trappeur américain qui vit sur la frontière pas perçue comme un barrage et non plus comme un
espace d’interface mais un espace en soi dans lequel vivent les Indiens.

Toute l’histoire du film repose sur cet antagonisme entre le trappeur, les Indiens et un colonel
qui a pour objectif de casser cette frontière et de se battre contre les Indiens. Le trappeur, le
héros du film, cherche à maintenir cette frontière et se range du coup du côté des Indiens car
cette frontière est perçue comme un espace de liberté et vouloir la briser, c’est briser cet élan
américain. Autre figure assez connue, la publicité pour une marque de cigarettes entre 1860 à
1973, Malboro, montrant sur une affiche un homme, un cowboy fumant sa cigarette,
instrumentalise la frontière évoquant la liberté.

Mythe de la frontière et le discours politique

La frontière devenue un mythe constitutif des Etats-Unis est entrée dans le discours politique
jusqu’à nos jours. Deux exemples pour montrer que la frontière est aussi un objet politique avec
le célèbre discours de John F. Kennedy et celui tenue par Georges W. Bush en 1990. Le thème
de campagne pour les élections présidentielles au début des années soixante de J.F.Kennedy a
été « la nouvelle frontière ».

Plusieurs discours portent ce thème mais c’est dans celui prononcé le jour de la convention des
démocrates au moment de son investiture que J. F. Kennedy reprend toute la sémantique sur la
frontière, sur l’idée d’être des pionniers et des espaces à conquérir lorsqu’il dit « je vous
demande à tous d’être les pionniers de cette nouvelle frontière… ». Il pense à la conquête de
l’espace, à conquérir les questions qui sont celles de la pauvreté, de la guerre froide, et de rester
la première puissance mondiale.

La notion de frontière se retrouve aussi dans le discours de Georges H. Bush prononcé le 11


septembre 1990 au moment de la fin de la guerre froide dans lequel il évoque les soldats
américains qui se sont battus en Irak en tant que « vaillants américains » et qui ont été prêts à
quitter leurs familles, leur patrie, pour servir leur pays et que « l’expansion américaine va servir
un nouvel ordre mondial… ». L’ancien président américain dit clairement que le but de la
frontière qui a servi à la justification de l’expansion à l’échelle nationale sert désormais à la
justification de l’impérialisme américain dans le monde.
LA « FRONTIER » UN OUTIL DE PUISSANCE, UNE
LECTURE GEOPOLITIQUE
Projeter et défendre la frontière

1823-1947 la doctrine Monroe, « l’Amérique aux Américains », une doctrine isolationniste


marque la fin des liens politiques avec la vieille Europe. Mais ce discours isolationniste s’arrête
en 1947 mais avant 1947 l’expansion américaine se fait avec l’Europe mais avec d’autres
espaces. En 1898, la guerre avec l’Espagne au sujet de Cuba est un premier impérialisme
américain puisqu’à la suite de la guerre de 1898, les Etats-Unis annexent l’île de Guam, Porto
Rico, les Philippines et posent un quasi-protectorat sur Cuba.

Puis, c’est l’extension de la « frontier » vers le Pacifique, vers Amérique latine et l’espace
caraïbe. Les Etats-Unis dans cet espace caribéen n’ont cessé par ailleurs d’intervenir à la suite
des mesures prises par Theodore Roosevelt avec la doctrine du « Big Stick », une politique
étrangère visant à faire assumer aux Etats-Unis dans cette zone une place de véritable police
internationale. Plus tard, au cours du XXe siècle, les Etats-Unis ont défendu et étendu leur
« frontier » pour défendre « le monde libre » durant la guerre froide.

En finir avec les frontières

Dans les années quatre-vingt-dix, les Etats-Unis ont tenu un discours un peu différent.
Puisqu’ils ont gagné la guerre froide, le discours désormais s’oriente vers l’idée de la fin de la
frontière. Kenichi Ohmae parle ainsi de la fin de l’histoire puisqu’il y a plus de guerre froide
donc plus de frontière pour les Etats-Unis. La « frontier » en fait devient mondiale dans un
monde globalisé selon les Etats-Unis.

Se développe ainsi l’idée que les frontières disparaissent, que l’on casse les frontières par la
globalisation. La « frontier » devient mondiale et se dilate dans l’espace mondial. Sur le plan
géopolitique, cela se traduit pour les Etats-Unis par l’affirmation de leur hyperpuissance. Dans
les années 2000, on est passé du discours de la « frontier » perdue aux Etats-Unis, de dire que
la frontière s’est dilatée à l’espace mondial à la fois économiquement, le commerce mondial,
les Etats-Unis sont le moteur durant cette période et puis géopolitiquement.

Revenir sur la frontière

Assiste-t-on à un retournement avec l’actuel président des Etats-Unis, Donald Trump, qui prône
le retour de la « border », à la Frontière physique ? Le retour à la « border » se manifeste par le
projet de réaliser plus de 3300 km de murs entre Mexique et EU. Dans la réalité, lorsqu’on
observe les statistiques, il y a de moins en moins de sans-papiers qui sont arrêtés et par contre
plus de Mexicains qui retournent chez eux au Mexique que de Mexicains qui viennent aux
Etats-Unis. La réalité aujourd’hui, ce n’est pas une immigration massive de Mexicains, c’est
plutôt le contraire, les flux se sont inversés.

La fin de la frontière aux Etats-Unis est une rétraction géopolitique et géoéconomique. Le


président Trump n’a pas voulu signer les accords transpacifiques, le TPP (Trans-Pacific
Partnership Agreement » et le Tafta (traité de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union
Européenne) non plus, donc on assiste bien à une rétractation des Etats-Unis sur la frontière à
la fois politique et économique. Le slogan de campagne de Donald Trump, « America First »
(« l’Amérique d’abord ») correspond à une angoisse américaine sur le déclin qui rompt avec un
certain optimisme chez Obama.

Revenant sur les frontières nationales, le président Trump est en train d’ouvrir une porte
significative à la Chine, acquise au libre-échange et donc il n’est pas sûr que son retour à la
puissance de l’ « America First » ne favorise pas assez paradoxalement la puissance américaine.
C’est sur cette dernière réflexion que se termine cette conférence efficace et rigoureuse,
fortement applaudie, qui ravira autant les étudiants préparant les concours de l’enseignement
supérieur que le public curieux de connaître les grandes lignes de force de la géopolitique
américaine.
Séance IX :
Idéologies et géopolitique : l’itinéraire d’un courant
de pensée, les néo-conservateurs étatsuniens
Les néo-conservateurs sont un courant de pensée politique étatsunien très controversé
qui est passé sous les feux des projecteurs du monde entier lors de la guerre en Irak en 2003.
Le président républicain George W. Bush était en effet entouré de proches conseillers
néoconservateurs et reprenait leurs concepts. Ce courant est devenu synonyme
d’interventionnisme, de politique étrangère impérialiste, et des objectifs de promotion de la
démocratie à l’étranger peu importe le coût humain. Toutefois, on situe sa naissance en 1965
avec la genèse de la revue The Public Interest, et ce courant n’a pas toujours promu une
politique étrangère musclée ni la défense d’Israël. Comment en est-il venu là ? D’abord
constitué comme un club d’intellectuels au sein du Parti démocrate en conflit avec ses éléments
les plus à gauche, ils se sont tournés à partir des années 1970 vers le Parti républicain et se sont
fondus dans le mouvement conservateur sous Ronald Reagan qui leur fait un large accueil dans
son administration.

Quelques mois avant l’invasion de l’Irak le 26 février 2003 George W. Bush disait lors
d’un discours « Ici, à l’American Enterprise Institute, se trouvent certains des plus brillants
cerveaux de notre pays. C’est parce que vous faites un si bon travail que mon administration a
recruté vingt d’entre vous. », s’exprimant devant des experts de l’AEI, un centre de recherche
néoconservateur de Washington où ont travaillé Irving Kristol, Richard Perle, Jeane
Kirkpatrick, Paul Wolfowitz et autres figures du mouvement. Le discours de Bush, largement
destiné à justifier l’intervention imminente en Irak, est empreint de références au
néoconservatisme. L’exagération de la menace, de son urgence comme de sa gravité, est un
leitmotiv des néoconservateurs depuis les années 1970, tout comme l’analogie implicite avec
la politique « d’apaisement » d’Adolf Hitler par les démocraties dans l’entre-deux-guerres,
soulignée par une mention de Winston Churchill un peu plus loin dans le discours. La leçon du
Vietnam pour eux n’a jamais remplacé celle de Munich. Plus tôt on combat les dictatures plus
on démontre sa force, plus on garantit la sécurité de l’Amérique et la paix du monde. Dans son
discours il espérait des « dominos démocratiques » : rendre le monde sûr par l’extension de la
démocratie. Tout ceci fut un échec : Saddam Hussein ne finançait pas le terrorisme, n’avait pas
d’armes de destruction massive et la destruction de son régime mena au chaos et réveilla les
divisions ethniques et religieuses de l’Irak. Si ce courant fut donc voué aux gémonies à partir
de la guerre en Irak, à ses débuts il ne s’intéressait pas à la politique étrangère et son grand
fondateur, Irving Kristol, était lui-même contre l’interventionnisme.
I/ Les débuts du néoconservatisme
Né à gauche dans les années 1960 parmi des étudiants juifs du City College of New
York, il est passé d’un courant d’intellectuels et de sociologues à un courant mêlé aux jeux de
pouvoir centré à Washington D.C. et classé à droite. Trois grandes périodes se dégagent, de
1965 à 1972, puis jusqu’à la fin de la guerre froide, et enfin une période marquée par le
« moment unipolaire » des Etats-Unis à partir de 1992 lorsque leur ennemi soviétique est mort
et que les Etats-Unis se retrouvent seule hyperpuissance capable de remodeler le monde.
Les premiers se sont rencontrés au sein de l’alcôve n°1, espace de débat au sein du City
College of New York, occupé par les marxistes antistaliniens (parmi eux Irving Kristol
l’inspirateur du courant, Nathan Glazer, Daniel Bell, Seymour Martin Lipset..). Dans ce terreau
va prendre racine l’anticommunisme virulent de ces précurseurs du néoconservatisme. L’anti-
stalinisme des débuts va en faire de farouches opposants aux dictatures et au communisme
qu’ils considèrent connaître mieux que d’autres. Certains se rassemblent au sein de l’ADA créée
en 1947 (Americans for Democratic Action), une gauche anticommuniste. L’historien influent
Arthur Schlesinger écrit en 1949 un livre, Le Centre vital, où il fait l’éloge de la société libérale
et démocratique sur des bases religieuses au nom de la faiblesse de l’homme, limité par le pêché
originel. Les néo-conservateurs font alors partie des « libéraux de guerre froide », une étiquette
large qui rassemble la gauche anticommuniste.
Deux phénomènes intellectuels vont faire passer progressivement ces personnalités à
droite. Tout d’abord, la naissance en 1955 d’un courant conservateur structuré autour de la revue
National Review offre une future maison pour ces intellectuels. D’autre part, la naissance à
Berkeley (université californienne) du Free Speech Movement en 1964 effraye ces
personnalités qui considèrent que ce mouvement créant la New Left porte en lui un danger pour
la démocratie et l’autorité des institutions. Le FSM s’est battue en plusieurs années
successivement pour les droits civiques des Afro-américains, mais aussi contre la guerre au
Vietnam, contre l’autorité de l’université.. Les futurs néo-conservateurs comme Nathan Glazer
ne pensaient pas la liberté de parole menacée sur le campus. Ils sont accusés d’être des
« nouveaux conservateurs » en 1965 dans le cadre de la création de leur revue The Public
Interest créée par Irving Kristol. Le leitmotiv de leur revue laisse poindre les futures orientations
de politique étrangère. L’avant-propos de Daniel Bell et Irving Kristol prône comme principe
le rejet de toute idéologie, ce qui doit se comprendre dans le cadre à la fois de la Guerre froide
mais aussi de la lutte contre les totalitarismes et les ambitions de la New Left. L’idéologie
mènerait tout droit au régime autoritaire voire totalitaire (à l’époque le communisme,
aujourd’hui islamisme, wokisme..). C’est aussi en réponse au programme de Great Society,
ensemble de programmes sociaux lancés par le président Lyndon B. Johnson en 1964 puis en
1965 faisant de l’Etat fédéral un transformateur de la société vers plus de justice sociale,
« raciale », à la sortie de la ségrégation, via l’expertise d’agences gouvernementales.
II/ Le néo-conservatisme et la politique étrangère
Si on voit dès le départ les principales obsessions des néo-conservateurs (lutte
anticommuniste, suprématie de la démocratie et du libéralisme, lutte contre les idéologies..), les
premiers s’intéressent peu à la politique étrangère. Toutefois, la guerre des six jours en Israël
en 1967 fait basculer la revue Commentary (revue intellectuelle juive) vers le conservatisme et
le Parti républicain. Son rédacteur en chef, Norman Podhoretz, est l’un des principaux chefs de
file du courant, Irving Kristol en est aussi issu.
Une nouvelle étape a lieu en 1980 après un déjeuner avec le président sortant
(démocrate) Jimmy Carter, jugé trop conciliant avec l’URSS. Ils vont rejoindre le président
Reagan à Washington entrant en poste début 1981. Sa vision rejoint la leur sur tous leurs
fondamentaux en politique étrangère : défense de la démocratie, droits de l’homme, affirmation
de la puissance militaire américaine, soutien à Israël et distance avec le système multilatéral de
l’ONU. Plusieurs d’entre eux sont ainsi crédités d’avoir impulsé la politique des deux
administrations Reagan (1981 à 1989) qui, par une concurrence agressive sur le plan militaire
et technologique et le soutien aux adversaires de l’URSS en Afghanistan, aurait poussé l’URSS
à la banqueroute, avec la chute du mur de Berlin en 1989. Jeane Kirkpatrick, Richard Perle,
Elliott Abrams, Max Kampelman sont crédités par ce propre courant d’avoir abouti à cette
réussite.
Après la chute de l’URSS en 1991, c’est le « moment unipolaire » américain : les Etats-
Unis sont la seule hyperpuissance au monde, et les néo-conservateurs considèrent que c’est le
moment ou jamais pour elle de façonner le monde. C’est le projet du think tank Project for the
New American Century (PNAC). En 2001 ils ont une place très importante dans la politique
étrangère du nouveau président républicain George W. Bush, malgré leur statut minoritaire dans
l’ensemble à Washington D.C. Pour eux, les attentats du 11 septembre marquent la « quatrième
guerre mondiale » (en comptant la Guerre froide), comme l’expliquent Elliott Cohen, James
Woolsey et Norman Podhoretz, celle-ci ayant pour ennemi l’islamisme voire « l’islamo-
fascisme » tel qu’ils le nomment.
Séance 10 Guerres d’hier et d’aujourd’hui : la guerre hybride et la guerre
informationnelle
La guerre hybride repose sur la combinaison ou la fusion d’instruments de puissance
conventionnels (armée régulière) et non conventionnels et de méthodes subversives. L’objectif
est d’exploiter les vulnérabilités de l’adversaire et de réaliser des synergies en employant ces
outils de façon coordonnée.
« La notion de guerre hybride aide à définir des conflits actuels qui combinent intimidation
stratégique de la part d’Etats disposant d’armes de destruction massive, des opérations
interarmées impliquant aussi des unités spéciales et des mercenaires, et des manœuvres de
désinformation à grande échelle », écrit Thomas Gomart, le directeur de l’Institut français des
relations internationales (IFRI), dans Guerres invisibles (Tallandier, 2021).

Après le renversement à Kiev du régime prorusse sous la pression de la rue, Moscou


avait annexé la Crimée au printemps 2014, avec une opération menée par des forces spéciales
sans écusson – surnommées alors « les petits hommes verts » –, puis manipulé une rébellion
prorusse renforcée par des militaires sans uniforme dans l’est de l’Ukraine.

La guerre hybride n’est pas nécessairement armée. La présidente de la Commission


européenne, Ursula von der Leyen, avait ainsi qualifié d’« attaque hybride » l’envoi,
à l’automne 2021, de milliers de migrants acheminés par le régime biélorusse depuis le Moyen-
Orient vers les frontières polonaises et lituaniennes pour faire pression sur les Vingt-Sept. La
désinformation, les cyberattaques, la prédation économique font aussi partie de cette nouvelle
forme d’affrontement où l’on ne fait plus vraiment de différence entre les technologies civiles
et les technologies militaires, entre les soldats de métier et les combattants occasionnels, et où
tous les rouages de l’Etat sont mobilisés.

Le débat stratégique autour de la guerre hybride

Le débat stratégique autour de la guerre hybride est le dernier en date mettant l'accent
sur la porosité des modes de guerre. L'expression hybrid warfare est apparue pour la première
fois aux États-Unis en 1998 et fut popularisée par Frank G. Hoffman à partir de 2005 dans une
série d'articles, pour faire contrepoids au déterminisme technologique qui marqua à l'époque les
débats autour de la Quadrennial Defense Review. Le concept acquit un certain écho au sein de
la communauté spécialisée, notamment à la suite de la guerre du Liban en 2006, confirmant,
selon Hoffman, qu'un acteur non étatique puisse combiner la létalité d'une force régulière avec
le fanatisme et la longévité d'une force irrégulière. Pour Joseph Henrotin, « à ce stade, le
concept est encore perçu comme devant montrer l'accroissement de la puissance de feu des
combattants irréguliers ». Le débat sur la guerre hybride resta cependant essentiellement
confiné au cercle restreint des experts militaires et perdit fortement en importance à partir de
2011, à la suite de la fin de l'engagement des États-Unis en Irak et du début du retrait des troupes
d'Afghanistan.

Cependant, après l'agression militaire russe en Ukraine en 2014, le concept connut, tout
spécialement outre-Atlantique, une renaissance, dépassant cette fois largement le cercle fermé
des milieux militaires. Depuis, le terme sert à caractériser un certain nombre de pratiques
militaires et non militaires, considérées comme coordonnées et centralisées, cherchant à
déstabiliser une société adverse dans son ensemble.
Le débat stratégique sur la guerre hybride en Allemagne

À la suite de l'intervention militaire russe en Ukraine, la « guerre hybride » devint


synonyme d'une supposée stratégie intégrale russe contre les sociétés (pro-)occidentales. Cela
fut très concrètement perceptible en Allemagne, où la remise en cause de l'architecture
européenne de sécurité par la Russie a ravivé les peurs d'une nouvelle confrontation Est-Ouest.

Dès juin 2014, des responsables politiques allemands ont recours à ce terme pour
qualifier l'approche militaire russe en Ukraine. Au sein du gouvernement fédéral, c'est le
ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier qui l'emploie pour la première fois
dans un rapport gouvernemental. La ministre de la Défense Ursula von der Leyen en fera un
argument de poids dans diverses allocutions publiques, notamment lors de débats
parlementaires sur le budget des armées ou lors de la conférence de Munich sur la sécurité de
2015. Le concept acquerra par ailleurs une place prépondérante au sein du nouveau Livre blanc
sur la politique de sécurité et l'avenir de la Bundeswehr de juillet 2016.

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