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4- L’utilitarisme anglais 

: de Locke à Bentham

Le libéralisme anglais est une doctrine cohérente sur tous les niveaux
(économiques, politiques, démographiques, humanitaires) .

C’est Bentham qui a plus formulé la doctrine de l’utilitarisme, et a systématisé


l’idéologie d’une Angleterre plus soucieuse d’efficacité et de bien être que de
spéculation politique.

A- David Hume ( 1711-1776)

Sa philosophie procède de l’empirisme et il soumet le principe de causalité à


une critique serrée. Sa morale est inspirée par la notion d’utilité, et en
politique il est foncièrement conservateur.

Hume ne croit ni au droit divin ni à des lois naturelles, éternelles,


indépendantes de l’état de la société. Les prétendues lois naturelles ne sont
que des conventions utiles ; stabilité des possessions, respect des
engagements pris. Le véritable fondement du gouvernement est l’habitude.

Il se soucie fort peu de l’origine des gouvernements ; l’utilité est à ses yeux
la pierre de touche des institutions.

«  Un gouvernement établi a un avantage infini, par cela même qu’il est


établi ». Dans sa république parfaite, sorte d’utopie, il présente un projet de
constitution, avec un système censitaire et décentralisé. «  le seul moyen de
rendre le peuple avisé, c’est de l’empêcher de se joindre pour former de
grandes assemblées ».

Hume n’a pas le sens de l’évolution historique, sa philosophie politique est


purement statique.

Il est proche de Hobbes, agnostique plutôt que sceptique, il se veut près des
réalités, attentif aux intérêts, soucieux de sécurité et de stabilité.

b- libéralisme économique

Sur le plan économique, Hume n’est pas mercantiliste. Il est partisan du libre
commerce, et il préconise un gouvernement modéré, qui doit favoriser l’essor
de la classe commerciale et ne recourir à l’impôt qu’avec modération.
Adam Smith dans son œuvre célèbre « l’essai sur la nature et les causes de la
richesse des nations » 1776, soutient la thèse de l’harmonie fondamentale
entre l’intérêt particulier et l’intérêt général.

Il croit au progrès économique constant et estime que la vraie richesse est le


travail national. Il vante les bienfaits de la concurrence et de l’épargne ; il est
contre les réglementations. Son œuvre correspond à une époque de révolution
commerciale, mais conçoit mal l’âge de l’industrie.

Le libéralisme économique d’Adam Smith assigne à l’Etat des fonctions


précises : faciliter la production, faire régner l’ordre, faire respecter la justice,
protéger la propriété.

L’essai sur le principe de la population de Malthus (1766-1834) marque


d’une profonde empreinte le libéralisme anglais. Sauvegarder le bonheur et le
bien être en limitant le nombre des bénéficiaires : une telle idée fut adoptée
par des hommes qui se réclament du libéralisme le plus orthodoxe.

En effet, Malthus ne cesse de répéter que « les pauvres n’ont aucun droit à
être entretenus…il n’est pas en la puissance des riches de fournir aux pauvres
de l’occupation et du pain, et en conséquence les pauvres, par la nature même
des choses, n’ont nul droit à leur en demander »

Cette conclusion divise le monde en deux classes : les riches qui peuvent se
marier jeunes et les pauvres qui ne peuvent se marier que vieux.

c- Bentham (1748-1832)

L’utilitarisme est la doctrine d’une époque, d’un pays, d’une classe. Il


procède du désir d’expliquer par un principe unique l’ensemble des
phénomènes sociaux. Etranger à toute forme de romantisme, l’utilitarisme est
une philosophie marchande, une mécanique, une comptabilité.

Pour Bentham, morale et comptabilité, bonheur et utilité sont étroitement


liés. Il est préoccupé de réformes sociales (réformes des prisons, de la
procédure légale et de l’organisation judiciaire) et la politique pour lui n’est
qu’un moyen d’assurer l’ordre et de faire aboutir les réformes sociales qui les
tiennent à cœur.

Il définit l’économie politique à la façon d’Adam Smith : «  la connaissance


des moyens propres à produire le maximum de bonheur, dans la mesure où
cette fin plus générale a pour cause la production du maximum de richesses
et du maximum de population ».

Il se prononce pour la liberté économique « l’Etat n’a pas pour fonction


d’accroitre la richesse ou de créer des capitaux, mais d’assurer la sécurité
dans la possession de la richesse une fois acquise. L’Etat a une fonction
judiciaire à remplir, mais sa fonction économique doit être réduite au
minimum ».

Concernant le gouvernement, Bentham considère que sa base n’est pas le


contrat mais le besoin humain ; l’intérêt des sujets est d’obéir au souverain
aussi longtemps qu’il favorise leur bonheur.

C’est sous l’influence de James Mill (1773-1836) que Bentham évolue vers
le radicalisme démocratique. Il est partisan d’un pouvoir fort, bien armé pour
l’action (l’Angleterre est en guerre contre napoléon), et il soutient la théorie
de la démocratie pure représentative : suffrage universel, souveraineté du
peuple, stricte subordination des gouvernants aux gouvernés, absence de
contrepoids et de corps intermédiaires, système fortement centralisé.

5- Le despotisme éclairé

L’expression de « despotisme éclairé » parait avoir été inventée par les


historiens allemands au XIX siècle. Elle désigne un fait historique qui est
propre à une certaine époque ( la seconde moitié du XVIII siècle) et à
certains pays ( pour la plupart situés en Europe centrale et orientale) .

Le despotisme éclairé est la rencontre d’une politique et d’une philosophie.


Les philosophes flattent les monarques, qui flattent les philosophes.

Joseph II déclare « j’ai fait de la philosophie la législatrice de mon empire ».

Aucune définition du despotisme éclairé n’est pleinement satisfaisante. «  le


despotisme éclairé est la rationalisation de l’Etat- tout pour le peuple, rien par
le peuple.

En fait, le despotisme éclairé a des aspects divers et il est nécessaire de faire


deux distinctions :

- Entre la théorie et la pratique


- Entre différents styles de despotisme éclairé
a- Théorie et pratique
Certaines philosophes inclinent vers le despotisme éclairé, mais sans
présenter une théorie complète.
Dans le Dictionnaire philosophique (article : tyrannie), voltaire écrit
« sous quelle tyrannie aimeriez-vous mieux vivre ? Sous aucune ; mais
s’il fallait choisir, je détesterais moins la tyrannie d’un seul que celles de
plusieurs. Un despote a toujours quelques bons moments ; une assemblée
de despotes n’en a jamais ».
Cependant, despotisme légal et despotisme éclairé procèdent de principes
différents, les droits des individus dans le premier cas, le pouvoir de l’Etat
dans le second. Les physiocrates n’ont aucune confiance dans l’Etat, leur
formule est «  le roi règne, et la loi gouverne ».
Pour Frederic II «  peut être que la loi règne, mais c’est au roi qu’il
incombe de gouverner ».
Donc, c’est chez les monarques qu’il faut chercher une théorie du
despotisme.

B- Deux formes de despotisme éclairé

Frederic II ( 1712-1786) a exprimé ses idées politiques dans de nombreuses


œuvres. sa politique est avant tout une théorie de l’Etat. Il distingue
nettement le souverain de l’Etat ; le souverain est le premier serviteur de
l’Etat. L’autorité royale n’est pas de droit divin.

« elle est d’origine humaine et repose sur un contrat formel.. les hommes ont
choisi celui d’entre eux qu’ils ont cru le plus juste pour les gouverner, le
meilleur pour leur servir de père ».

Ainsi, le souverain ^peut tout, mais il ne veut que le bien de l’Etat. S’il est
maitre absolu, c’est pour mieux prendre soin des intérêts de tous.

Le souverain est donc le chef d’une famille, le père de son peuple. Pour lui le
principal objet des princes est la justice…instruire l’humanité est plus doux
que de la détruire, il préconise la tolérance en matière religieuse.

En matière économique , il est mercantiliste, il se préoccupe d’améliorer la


production sans porter atteinte aux situations acquises ( impérialiste et
européen)
- Le joséphisme :
- L’empereur joseph II ( 1741-1790) n’a pas du tout la même conception de
l’Etat que Frederic II. « l’Etat signifie le plus grand bien pour le plus
grand nombre…mon chagrin est de ne pas pouvoir rendre tout le monde
heureux…mes gardes sont mes sujets, ma sécurité et leur amour ».
- Joseph s’engagea dans une entreprise d’unification et s’efforça de réaliser
un programme complet de réformes qui devaient faire de l’église
autrichienne une église nationale : liberté de la presse, tolérance pour
toutes les sectes, dissolution des ordres mendiants, interdiction du
costume religieux, nomination des évêques par l’empereur.

On peut dégager quelques traits communs au despotisme éclairé de Frédéric


II et à celui de Joseph II : l’absolutisme centralisateur, la hiérarchie des
fonctionnaires, la fureur de gouverner, intervention de l’Etat en matière
économique, pédagogique, religieuse, les conceptions humanitaires.

Il s’agit d’abord de construire un Etat fort, entreprise éminemment


rationnelle.

Section trois : Révoltes et utopies

Les idées démocratiques et égalitaires ne sont soutenues que par des penseurs
isolés qui se révoltent contre l’utilitarisme triomphant ou qui construisent des
cités d’utopie.

Rousseau est le plus grand de ces solitaires.

1 Jean Jacques Rousseau (1712-1778)

Il a choisi la démocratie à une époque où la démocratie n’existait ni dans les


faits ni dans les idées. Les conditions historiques de la démocratie n’étant pas
réunies. Rousseau se trouvait contraint soit d’accepter l’idéologie du
libéralisme bourgeois qui était alors l’idéologie dominante (liberté, inégalité,
propriété), soit de construire une cité d’utopie. Utopie, mais rationnelle.

La politique dans les discours :

- Les discours sont une autobiographie indirecte, on y trouve le conflit,


fondamental chez Rousseau, de la pauvreté et de la société. Le thème qui
domine les discours c’est l’injustice de la société ; la bonté de la nature est
un thème second.
- Un thème second mais qui n’est pas particulier à Rousseau. Lorsqu’il
parle l’homme naturel, il ne songe nullement à la préhistoire. Il pense à
lui-même et aux bons sauvages d’Amérique et d’ailleurs, décrits dans les
récits de voyages qu’il lisait avec passion.
- Enfin l’analyse de Rousseau a une portée sociologique. Il montre
l’emprise de la société sur les individus, le réseau de contraintes qu’elle
établit, le poids sont elle pèse sur la vie de chacun.
- Il lie la naissance de la société à l’apparition de la propriété, l’autorité à la
sauvegarde des intérêts. Le pouvoir ne lui apparait ni comme une essence
théologique, ni comme une construction juridique, ni comme une
conquête militaire, mais comme une somme d’intérêts.
- Rousseau n’a jamais songé à abolir la propriété ou à renoncer au
progrès… «  si l’homme est malheureux, c’est pour des raisons sociales et
politiques qui ne doivent rien à la nature des choses. Il est possible et
nécessaire de jeter les bases d’une politique nouvelle ; ce sera l’objet du
contrat social.
- L’état de nature pour Rousseau n’est ni une guerre générale ni une vie
sociable, mais un état de dispersion et d’isolement.

Le contrat social

Le contrat social est inspiré par la passion de l’unité. Unité du corps social,
subordination des intérêts particuliers à la volonté générale, souveraineté
absolue et indissoluble de la volonté générale, règne de la vertu dans une
nation de citoyens.

Le contrat social de Rousseau n’est ni un contrat entre individus (Hobbes) ni


un contrat entre les individus et le souverain. Par le pacte social selon
Rousseau, chacun s’unit à tous. Le contrat est passé avec la communauté : « 
chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la
suprême direction de la volonté générale, et nous recevons en corps chaque
membre comme partie indivisible du tout. Chaque associé s’unit à tous et ne
s’unit à personne en particulier ; il n’obéit qu’à lui-même et reste aussi libre
qu’auparavant ».

Le souverain n’est lié par rien, mais d’après la théorie de Rousseau il ne peut
avoir d’intérêt contraire aux particuliers qui les composent.

Le souverain est donc cette volonté générale qui est va volonté de la


communauté et non des membres qui constituent cette communauté. Il existe
une différence de nature entre la volonté générale et la volonté des
particuliers.

Le contrat social garantit à la fois l’égalité, puisque tous les associés sont des
droits égaux au sein de la communauté, et la liberté qui, selon Rousseau,
dépend étroitement de l’égalité. L’individu n’est libre que dans et par la cité,
la liberté c’est l’obéissance aux lois.

C’est en obéissant aux lois que l’homme accomplit sa liberté : « un peuple
libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs, et non pas des maitres ; il obéit
aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois ; et c’est par la force des lois qu’il n’obéit
pas aux hommes ».

Le souverain

Le souverain est donc la volonté générale dont la loi est l’expression : « la
volonté du souverain est le souverain lui-même. Le souverain veut l’intérêt
général, et, par définition, ne peut vouloir que l’intérêt général ».

La souveraineté a quatre caractères :

- Elle est inaliénable : la souveraineté ne se délègue pas. Il condamne le


gouvernement représentatif et la monarchie anglaise : «  les députés du
peuple ne sont ni ne peuvent être ses représentants ; ils ne sont que ses
commissaires ».
- Elle est indivisible : il est hostile à la séparation des pouvoirs, aux corps
intermédiaires, aux factions dans l’Etat. Un corps représente
nécessairement des intérêts particuliers ; il ne faut pas compter sur lui
pour faire prévaloir l’intérêt général.
- Elle est infaillible : la volonté générale est toujours droite et tend toujours
à l’utilité publique.
- Elle est absolue : le pacte social sonne au corps politique un pouvoir
absolu sur tous les siens.

Le gouvernement :

Dans le système de Rousseau, le gouvernement ne joue qu’un rôle subordonné.


Ainsi, il distingue le souverain, peuple en corps qui établit les lois, et le
gouvernement, groupe d’hommes particuliers qui les exécutent.
La principale fonction du souverain est de faire les lois, qui ont une valeur
religieuse et qui sont le reflet d’un ordre transcendant.

Les lois doivent être peu nombreuses, leur objet doit être général : «  toute
fonction qui se rapporte à un objet individuel n’appartient point à la puissance
législative ».

Quant au gouvernement, c’est un simple agent d’exécution ( les lois). Le


gouvernement n’est que le ministre du souverain, les gouvernants sont les
dépositaires du pouvoir, mais ils n’ont par eux-mêmes aucun pouvoir.

Rousseau passe en revue trois types de gouvernement

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