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Maladies trophoblastiques

Classification :
Les maladies trophoblastiques gestationnelles comprennent un large spectre de pathologies :

Lésions bénignes : Môle hydatiforme partielle ou complète.

Lésions malignes, regroupées sous le terme de tumeur trophoblastique gestationnelle (TTG) :


- Certaines moles invasives ;
- Choriocarcinomes
(les plus graves) ;
- Tumeurs trophoblastiques du site d'implantation ;
- Tumeurs trophoblastiques épithélioïdes.
Les TTG sont des cancers rares avec un fort potentiel métastatique, leur traitement doit être précoce et adapté.

Histologie
L'unité fonctionnelle du placenta est Ia villosité choriale. Chacune est constituée d'un axe mésenchymateux contenant
des capillaires provenant des vaisseaux sanguins fœtaux baignant dans du tissu conjonctif lâche. Tapissée par une
couche de cellules syncitiotrophoblastiques recouvrant une couche de cellules cytotrophoblastiques. Cette double
couche cellulaire sépare la circulation fœtale sanguine du sang maternel répandu dans les lacunes situées entre
l'endomètre et la plaque choriale placentaire.

L'endothélium qui borde les vaisseaux sanguins maternels n'envahit jamais les lacunes du trophoblaste, mais reste
confiné aux bords.

Les villosités «mères» (tertiaires) sont à I'origine de nombreuses villosités «filles». Ces villosités restent libres et
flottent dans la chambre intervilleuse (villosités libres), ou au contraire, s'ancrent sur la plaque basale atteignant la face
maternelle (villosités crampons).

I. Grossesse molaire :
Epidémiologie :
Fréquence : Grandes variations régionales. Rare en Algérie 1/700 ; Plus fréquente en Asie.

Incidence : USA-Australie-Europe : 0.57 - 1.1 pour 1000 grossesses / Sud est asiatique - Japon : 2.0 pour 1000
grossesses.

Facteurs de risque :
Âge extrême de la grossesse :

> 35 ans et < 21 ans : Risque 1.9


> 40 ans :
Risque 7.5

Antécédents de môle hydatiforme : Risque 1 % après une môle, soit 10-20 fois le risque de la population générale.

Antécédents d'avortements spontanés : Avortement VS Non avortement Risque x(2-3)

Groupage sanguin parental : Groupes sanguins maternels A ou AB associés aux groupes sanguins paternels A ou O
(Môle O x O / Choriocarcinome A x O / Chimiorésistance AB).

Facteurs environnementaux : Alcool & Tabac ; Utilisation de bombes atomiques (Japon).

Ethnie : Asiatique +++

Contraceptifs oraux : Le risque augmente avec la durée d’utilisation et n’est pas liée à un type de contraceptif en
particulier.

Nutrition : Carence en vitamine A, en protéines animales et en carotène.

Maladies trophoblastiques 1
Pathogénie :
Technique d’étude : Analyse cytogénétique des cellules trophoblastiques + Techniques de polymorphisme de bandes
fait de marquage spécifique des chromosomes à l'aide de sondes ciblant certaines séquences d'ADN (technique
d'hybridation in situ fluorescente [FISH], développée dans les années 1985/1990).

Môle complète : Le matériel de l’ovocyte et du spermatozoïde ne vont pas fusionner. L’analyse génétique des cellules
trophoblastiques montre qu’elles contiennent 23 paires de chromosomes (2n), ce qui correspond au nombre normal
de chromosomes d'un être humain mais les 2n chromosomes correspondent en fait à la duplication du génome
haploïde (n) du spermatozoïde. Les chromosomes maternels ont donc disparu et la duplication du génome paternel
a rétabli le nombre normal de chromosomes 2n : 46XX. On parle de génome diploïde par diandrie androgénétique
d'origine paternelle exclusive.

→ 80% résultent de la fertilisation monospermique d'un ovule anucléé (duplication génome haploïde paternel) et le
caryotype est alors toujours XX (les YY ne sont pas viables).
→ 20% résultent de la fertilisation dispermique d'un ovule anucléé (deux génomes haploïdes paternels) - 46,XX ou
46,XY.

→ Dans de rares cas, ces môles peuvent aussi être diploïdes biparentales ou triploïdes diandriques dispermiques. En
fait, de nombreuses combinaisons chromosomiques ont pu être observées. La présence de deux populations
cellulaires de caryotype différent a également été rapportée, on parle alors de môle complète mosaïque.

Môle partielle : Elle correspond à un produit de conception triploïde avec un lot chromosomique supplémentaire
d'origine paternelle secondaire à :
→ Fécondation d'un ovocyte par deux spermatozoïdes (dispermie) le plus souvent ;

→ Ou à la duplication d'un spermatozoïde après fécondation (forme diantérique).


Triploïdie, androgénétique (2 sets haploïdes paternels, 1 set haploïde maternel) : 69,XXY (70%) ou 69,XXX (27%) ou
69,XYY (3%). Cette configuration aboutira à une grossesse avec embryon anormal et non viable qui finira par être
expulsé.

A. Môle hydatiforme (ou môle complète) :


- Pour le clinicien, elle se présente comme une masse de vésicules translucides de taille variable, dont le danger immédiat
est le risque hémorragique et à distance le potentiel évolutif.
- Pour les biologistes : c'est une tumeur productrice de gonadotrophines chorioniques en plus ou moins grande quantité
dont la recherche et le titrage éventuel représentent d'ailleurs la "pierre angulaire" du diagnostic.
- Avec l'anatomopathologiste, il est classique de définir la môle hydatiforme comme une dégénérescence kystique des
villosités choriale.

Clinique :
Signes fonctionnels :

1. Ménométrorragies au cours du T1 de la grossesse, constantes, spontanées, faites de sang noirâtre, d’abondance


variable croissante jusqu’à l’expulsion des vésicules molaires

2. Douleurs pelviennes inconstantes à type de colique expulsive ;

3. Vomissements incoercibles et exagération des signes sympathiques ;

4. Signes généraux : Anémie, subictère, dénutrition, amaigrissement, asthénie, signes d’hyperthyroïdie.

Signes physiques :

1. Utérus volumineux par rapport à l’âge gestationnel : Ce volume peut se différencier d'un jour à l'autre sous l'effet
de la constitution et de l'évacuation de la collection sanguine, on parlera d'utérus accordéon de Jeannin ;

2. Utérus exagérément mou avec par endroit des plaques de blindage “Signe d’Andérodias“ ;

3. Aucun ballotement fœtale n’est retrouvé ;

4. Col d’aspect gravide ;

5. Saignement endo-utérin avec évacuation par le vagin de vésicules en grappe de raisin ;

6. Syndrome toxémique gravidique précoce ;

7. Perception de kystes ovariens bilatéraux (Gros ovaires kystiques).

Maladies trophoblastiques 2
Biologie :
L’hyperplasie de l’épithélium est responsable d’une sécrétion excessive d’HCG.

Taux de BHCG élevé par rapport à l’âge gestationnel (10 à 200 fois la normale) : Il reste un élément d’orientation.

Hyperthyroïdie : BHCG est une TSH-like (tachycardie, tremblement, thermophobie).

Echographie :
La cavité utérine est occupée en totalité par des images en nid
d'abeille ou tempête de neige.

Présence de kystes lutéiniques.

Absence d’embryon et de sac gestationnel.

Masse multi vésiculaire


typique SANS foetus

Anatomie pathologique :
Permet de poser le diagnostic de certitude.

Macroscopie : Le placenta se présente sous forme d'une masse hémorragique constituée de


multiples vésicules à paroi translucide remplies de liquide atteignant 1 à 2 cm de diamètre :
Grappes de raisin ou frais de grenouilles. II s'associe des caillots et de plages tissulaires
nécrosées. Il n'y a pas de structure ovulaire ou de structures embryonnaires.

Microscopie : Histologie (coloration hématoxyline-éosine HE x100)

Villosités polyploïdes ,à bords festonnés (L môle précoce, premier trimestre) Macroscopie

Classiquement : œdème villositaire généralisé (hydrops pas toujours généralisé,


augmente avec l'âge gestationnel)

Formation de citernes et de pseudo-inclusions trophoblastiques

Hyperplasie trophoblastique circonférentielle d'érythroblastes nucléés

Classiquement : Villosités à axe AVASCULAIRES.


Microscopie
Débris caryorrhectiques dans le stroma des villosités.

Site d'implantation avec invasion floride du trophoblaste intermédiaire extravilleux


Immunohistochimie (p57KIP2, 200 x).

Absence de marquage du cytotrophoblaste et des cellules stromales des villosités ;

Contrôle interne positif représenté par cellules déciduales.

Diagnostic différentiel :
1. Devant des hémorragies du T1 : 2. Devant un gros utérus :

Menace d’avortement spontané Grossesse gémellaire

Grossesse extra-utérine Hydramnios

Hématome décidual Fibrome et grossesse

Lésions cervico-vaginales

Evolution :
L’évolution naturelle se fait vers l’Avortement Molaire, lent, fragmentaire, très hémorragique, et incomplet. Sous traitement,
l’évolution est souvent favorable (Guérison), rarement défavorable (Mole invasive ; Choriocarcinome).

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Complications :
Immédiates : Les complications sont assez fréquentes. Tardives :

Hémorragies +++ ; Récidive ;

Toxémie ; Mole invasive ;

Embolie pulmonaire trophoblastique. Choriocarcinome.

Conduite à tenir :
Évacuation utérine (Traitement de référence) : Aspiration sous contrôle échographique pour s'assurer de la vacuité
et diminuer le risque de perforation.
🚫Évacuation par curette mousse non recommandée.
🚫Pas d'intervention sur les kystes lutéiniques en l'absence de complications.
Injection d’immunoglobuline anti D chez les femmes RH négatifs.

Hystérectomie inter annexielle évoquée si projet parental accompli.

Suivi :
Une surveillance est nécessaire pour détecter les séquelles : Une mole invasive ou un choriocarcinome apparaissent
dans 15 % des moles hydatiformes complètes (MHC) et 1 à 5 % des MFIP.

1. Suivi échographique :

Échographie pelvienne endovaginale : 15 jours après l'évacuation initiale

But : éliminer une rétention.


→ Seconde évacuation si rétention avérée à l'échographie (diamètre antéropostérieur >17 mm).
→ Troisième aspiration NON recommandée ✘(risque augmenté de synéchies).

Échographies pelviennes endovaginales supplémentaires si reprise des saignements et/ou évolution anormale de
l'hCG.

2. Suivi biologique :

Dosage hebdomadaire de l'hCG totale sérique : jusqu'à négativation confirmée sur 3 dosages successifs.

Dosage mensuel de l'hCG : après négativation.


→ Pendant 6 mois si durée négativation < 8 semaines.
→ Pendant 12 mois si durée négativation > 8 semaines.

B. Mole partielle :
Clinique :
Signes d'avortement spontané (80-90 %)

Métrorragies (75 %)

Biologie :
hCG > 100 000 ml U/ml (10 %)

Echographie :
Masse placentaire multi lacunaire.

Un embryon, souvent malformé, peut être retrouvé.

Pas d'hyperplasie trophoblastique anormale.

Site d'implantation d'aspect normal.

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Anatomie pathologique :
Macroscopie : Matériel le plus souvent NORMAL.

Microscopie : Peut être vésiculaire. (coloration hématoxyline-éosine ou HE, x100)

Villosités de taille relativement harmonieuse, peu volumineuses.

Contours lisses ou par endroits irréguliers.


Microscopie
Vascularisation présente avec hématies nucléées.

Stroma : Changements hydropiques en alternance avec fibrose.

Formation occasionnelle de pseudo-inclusions trophoblastiques.

Conduite à tenir : Suivi :


Superposable à celle de la grossesse molaire complète. Le suivi des HCG après négativation est de 6 mois.

II. Tumeurs trophoblastiques gestationnelles :


Signes cliniques en rapport avec l’invasion du myomètre et les métastases : Altération de l’état général ; Métrorragies
abondantes ; Saignement abdominal (en cas de perforation du myomètre), masse pelvienne en rapport avec des
métastases.

A. Môle invasive :
Caractérise par hyperplasie trophoblasique périvillositaire avec pénétration dans le myomètre, elle ne se complique pas
de choriocarcinome.
C'est une complication de la môle hydatiforme complète et plus rarement de la môle partielle.

Clinique : Métrorragies persistante au décours de l'évacuation d'une mole.

Biologie : Stagnation ou augmentation des bêta hCG.

Echographie : Zones hyperéchogènes dans le myomètre.

Anatomie pathologique : Le diagnostic est posé sur pièce d'hystérectomie, le myomètre est dissocié par des
villosités molaires qui peuvent être de siège intravasculaire. Le trophoblaste est hyperplasique. Il s'associe
d'abondantes plages de nécrose et d'hémorragie. Des emboles sont souvent observés.

Evolution : Une extension aux organes adjacents est possible, ainsi que des métastases à distance en particulier
pulmonaire.

Pronostic : Favorable dans la majorité des cas.

B. Choriocarcinome :
C'est une tumeur hautement maligne & purement trophoblastique.
Le choriocarcinome fait plus souvent suite à une grossesse molaire ou à une maladie trophoblastique gestationnelle
persistante (50% des cas), mais peut survenir après une fausse couche spontanée ou une GEU (25 % des cas) ou une
grossesse normale menée à terme (22,5 % des cas). Le délai de survenue varie de quelques semaines à plusieurs
années.

Épidémiologie :
Difficultés à établir en raison de la rareté. USA - Australie - Europe : I cas pour 40 000 grossesses ; 1 cas pour 40 môles
hydatiformes Japon : 3.3 pour 40 000 grossesses ; Sud est asiatique : 9.2 pour 40 000 grossesses.

Clinique :
L’HÉMORRAGIE UTÉRINE est le signe le plus fréquent.

Les symptômes dus à une localisation métastatique (en général pulmonaire) peuvent être les premiers signes
révélant la tumeur utérine.

Maladies trophoblastiques 5
Anatomie pathologique :
Macroscopie : Il s'agit en général d'un nodule bien limité intra-myométrial, massivement hémorragique et nécrotique
en son centre, avec un fin liseré de tissu vivace périphérique, à l’interface avec le myomètre.

Microscopie : La tumeur comporte des cordons cellulaires centrés par des éléments cytotrophoblastiques présentant
des irrégularités nucléaires et des mitoses entourées par des syncitiotrophoblastes au cytoplasme vacuolisé.Les
remaniements nécrotico-hémorragiques sont majeurs.L'envahissement des parois vasculaires est fréquent.Il
n'existe pas de villosités placentaires associées à cette prolifération.

Pronostic : La chimiothérapie a considérablement amélioré le pronostic de ces tumeurs avec plus de 90 % de survie,
surtout pour les tumeurs de stade I. Cependant, les métastases sont fréquentes, au niveau pulmonaire, vaginal, mais
également cérébral et hépatique. La survie globale est de 71 % en cas de maladie métastatique.

C. Tumeur trophoblastique du site d'implantation placentaire (TTSI) :


Elle représente environ 1 % des maladies trophoblastiques gestationnelles.

Âge de survenue : âge moyen de 30 ans avec des extrêmes allant de 20 à 60 ans.

Les cellules de la zone de nidation sont programmées pour infiltrer sans détruire. La tumeur du site d'implantation
placentaire obéit à cette loi, elle envahie les tissus sans les détruire, donnant un aspect microscopique
pathognomonique.

Clinique & Biologie : Métrorragies ; Taux élevés de HCG ; Métastases.

Anatomie pathologique :

Macroscopie : La tumeur a un développement exophytique, bourgeonnant dans la cavité utérine et endophytique,


infiltrant l'épaisseur du myomètre. Elle est plus ou moins bien limitée, de couleur beige, avec foyers
d'hémorragie et de nécrose.

Microscopie : Le diagnostic est aisé sur la pièce d'hystérectomie mais peut être problématique sur un matériel de
curetage. La tumeur est composée de cellules trophoblastiques intermédiaires, infiltrant en cordons, éléments
isolés ou petits amas. Il s'agit de cellules polygonales à cytoplasme abondant, éosinophile ou clair, à noyau
modérément atypique et fortement nucléolé. Quelques cellules bi ou multinucléées peuvent être observées, ainsi
que de très rares syncytiotrophoblastes. L'index mitotique est variable allant de moins de 1 mitose à 30 mitoses
pour 10 champs au fort grossissement. Les cellules ont la capacité de disséquer les faisceaux musculaires lisses
du myomètre, sans engendrer de stroma-réaction, ni de destruction tissulaire. Ce mode d'infiltration est la
signature des PSTT et permet de porter le diagnostic.

Evolution : Tumeur à potentiel malin. Les métastases sont parfois très tardives après la tumeur initiale, dans la cavité
péritonéale, le foie, le tube digestif, le poumon et le cerveau.

Pronostic : Le stade au moment du diagnostic est le meilleur facteur pronostique.

Une surveillance prolongée est nécessaire.

D. Tumeur trophoblastique épithélioïde (TTE) :


Comporte des cellules moins atypiques, plus petites qu'une PSTT.

La nécrose et la hyalinose sont abondantes.

Elle croît de façon nodulaire, sans le caractère infiltrant de la PSTT.

Prise en charge des TTG :


1. Etablir le diagnostic positif.

2. Faire un bilan d'extension.

3. Etablir classification pronostic de la FIGO 2000 : TTG à bas risque et TTG à haut risque.

4. Choix du traitement :
Traitement TTG bas risque : Monochimiothérapie.
Traitement TTG à haut risque : Polychimiothérapie.

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