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Dossier scientifique

Toxi-infections alimentaires collectives


et microbiologie de l’alimentation
Lysiane Omhover-Fougya, Bernard Hezarda,*
a Aerial, 250 rue Laurent-Fries, 67400 Illkirch, France
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : b.hezard@aerial-crt.com (B. Hezard).

© SCIENCE SOURCE / BSIP


RÉSUMÉ
Les toxi-infections alimentaires collectives (Tiac) ont toujours suscité des réactions
épidermiques de peur dans les populations, avec parfois des conséquences socié-
tales importantes comme dans le cas de l’ergotisme (mal des ardents, sorcières
de Salem).
De ce fait, la lutte contre l’apparition de Tiac est un enjeu croissant de santé
publique. En effet l’émergence de certains pathogènes, du fait de nouvelles habitudes
alimentaires et de l’hypermédiatisation des cas, oblige à une surveillance accrue de la
MOTS CLÉS part des autorités mais aussi des professionnels de l’agroalimentaire. Les méthodes
◗ diagnostic de diagnostic ont ainsi fortement évolué depuis deux décennies, permettant des
◗ infection alimentaire réponses rapides en adéquation avec les contraintes de durée de vie des produits.
◗ intoxination alimentaire
◗ micro-organisme
pathogène
◗ recherche et détection ABSTRACT
Outbreaks and food microbiology
KEYWORDS Outbreaks of food-borne diseases have always aroused epidermal reactions of
◗ diagnosis fear in populations, sometimes with important societal consequences as in the
◗ food-borne diseases case of ergotism (mal des ardents, sorcières de Salem).
◗ food infection Therefore, the fight against the emergence of these outbreaks is a growing
◗ pathogenic public health issue. Indeed, the emergence of some pathogens, due to new food
microorganism habits and the hypermediatization of cases, requires an increased surveillance
◗ research and detection
from the authorities but also from the food industry professionals. Diagnostic
methods have evolved significantly over the last two decades, allowing for rapid
© 2023 – Elsevier Masson SAS responses in line with the constraints of product shelf life.
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Microbiologie de l’environnement

Épidémiologie en France de la consommation hors domicile et du nombre de


consommateurs qui les déclarent (figure 1) [1].
Définition
Répartition géographique
Les toxi-infections alimentaires sont des maladies cau-
sées par la consommation d’aliments ou d’eau contaminés
des Tiac déclarées en France
microbiologiquement. Les toxi-infections alimentaires En 2020, le nombre de Tiac déclarées pour 100 000 habi-
sont séparées en deux catégories : tants était compris entre 0 et 1 pour cinq régions, 1 et 2
◗ les intoxinations alimentaires qui sont liées à la pour neuf régions, 2 et 3 pour trois régions et entre 3
consommation de produits dont une ou des toxines et 4 pour une région (figure 2). La région avec le plus
microbiennes ont été préformées dans l’aliment de Tiac déclarées pour 100 000 habitants en 2020 était
contaminé ; la Guadeloupe [1].
◗ les infections alimentaires dans le cas où
l’agent pathogène va se multiplier in vitro après Figure 1. Nombre de Tiac déclarées en France
consommation de l’aliment contaminé. aux ARS et/ou aux DD(CS)PP entre 1987 et 2020.
La notion de Tiac (Toxi-infections alimentaires
collectives) est aussi définie par l’apparition
d’au moins deux cas d’une symptomato-
logie similaire, en majorité gastro-intesti-
nale, mais parfois neurotoxique, dont on peut
rapporter la cause à une même origine
alimentaire. En France, les Tiac sont à décla-
ration obligatoire (DO) depuis 1987.
La déclaration d’une Tiac auprès de l’admi-
nistration (Agence régionale de Santé
[ARS] et/ou Direction départementale (de
la Cohésion Sociale) de la protection des
populations [DD(CS)PP]) est obligatoire
pour les médecins et les responsables
d’établissements de restauration collec-
tive ou à caractère social. Cette décla- La courbe bleue représente l’évolution croissante du nombre de Tiac déclarées
ration peut également être faite par des en France entre 1987 et 2020. [1].
consommateurs qui ont connaissance d’un
épisode pouvant être une Tiac. Figure 2. Distribution du nombre de Tiac
déclarées aux ARS et/ou aux DD(CS)PP
Les chiffres clés pour 100 000 habitants par région - France 2020.
des Tiac en France
En 2020, 1 010 Tiac ont été déclarées en
France, affectant 6 814 personnes, dont 396
(6 %) se sont présentées à l’hôpital (hospi-
talisation ou passage aux urgences) et 9
(0,13 %) sont décédées [1,2]. Par rapport
à 2019, une très nette diminution est
observée (- 43 %), liée à la pandémie
de Covid-19 et aux mesures de distan-
ciation sociale mises en place (confine-
ment, ferme-ture des lieux de restaura-
tion commerciale et collective, télétravail,
etc.). Ceci est confirmé par une diminu-
tion de 61 % pour les Tiac en restauration
d’entreprise, de 49 % pour la restau-
ration commerciale, de 46 % pour la
restauration en milieu scolaire. Cepen- La distribution du nombre de Tiac selon les régions de France est représentée par un code
dant, depuis 2010, une augmentation couleur. Jaune : de 0 à 0,9 cas de Tiac pour 100 000 habitants ; orange : de 1 à 1,9 cas
de Tiac pour 100 000 habitants ; orange foncé : de 2 à 2,9 cas de Tiac pour 100 000 habitants ;
constante des cas de Tiac est observée, rouge : de 3 à 3,9 cas de Tiac pour 100 000 habitants. [1].
en corrélation avec l’augmentation

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Figure 3. Nombre de Tiac déclarées aux ARS et/ou DD(CS)PP selon le lieu du repas
France, 2006-2020.

En bleu est représenté le nombre de Tiac lié à de la restauration commerciale ; en jaune celui lié à la restauration familiale ; en violet,
la restauration en institut médico-social ; en rose, la restauration scolaire ; en bleu clair, la restauration d’entreprises ; en vert,
la restauration dans les autres collectivités. [1].

Lieux de survenue de l’ensemble des Tiac en 2019, associé à un épisode


des Tiac en France de contamination de coquillages.
Enfin, durant cette période, les Clostridium perfringens
On observe en restauration commerciale et en restau- oscillent entre 5 et 11 %, tandis que les Tiac à histamine
ration familiale une augmentation progressive du sont relativement stables entre 2 % à 5 % de l’ensemble
nombre des Tiac entre 2006 et 2019, a contrario des des Tiac [1,2].
autres types de restauration où le nombre de cas
n’évolue pas (figure 3) [1]. Saisonnalité des Tiac
déclarées en France
Agents pathogènes, confirmés
ou suspectés, impliqués Comme chaque année en 2020, une augmentation
dans les Tiac en France hivernale des Tiac est observée, provoquées par des
virus entériques (norovirus principalement), la princi-
L’agent pathogène le plus fréquemment confirmé en pale source d’infection suspectée est la consommation
2020 était Salmonella avec 120 Tiac (43 % des Tiac à agent de coquillages, notamment les huîtres. Puis, sans sur-
confirmé, contre 36 % en 2019). Parmi les agents patho- prise, un pic durant les périodes estivales des trois prin-
gènes suspectés mais non confirmés, les plus fréquents cipaux pathogènes : Staphylococcus aureus, Bacillus cereus
étaient les agents d’intoxinations : Staphylococcus aureus,
et Salmonella (figure 5).
Clostridium perfringens et Bacillus cereus (74 % des Tiac à
agent suspecté en 2020 versus 69 % en 2019).
Depuis 2011, la répartition des agents pathogènes est Catalogue bactérien
très similaire d’une année à l’autre. Staphylococcus aureus
est depuis 2006 le pathogène le plus fréquemment sus- et diagnostics
pecté ou confirmé. Depuis 2011, Bacillus cereus est le
deuxième pathogène le plus fréquemment suspecté ou Lorsqu’une Tiac est déclarée, une enquête doit être
confirmé, suivi par Salmonella (figure 4). menée pour déterminer si un agent pathogène est en
La part des Tiac à norovirus est très variable depuis 2006 cause et, si oui, lequel. Une bactérie peut ensuite être
et oscille entre 5 et 19 %. On note ainsi un pic à 19 % suspectée, mais sans obligatoirement pouvoir être

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Microbiologie de l’environnement

Figure 4. Pourcentage de Tiac selon l’agent pathogène suspecté ou confirmé,


Tiac déclarées aux ARS et/ou DD(CS)PP - France, 2006-2020.

L’évolution du pourcentage de Tiac selon le micro-organisme incriminé et l’année de survenue de la Tiac est représentée par un code
couleur. La courbe en bleu clair représente le pourcentage de Tiac associées à Salmonella ; en jaune, le pourcentage de Tiac associées
à Bacillus cereus ; en bleu, les Tiac associées à Clostridium perfringens, en bleu moyen, les Tiac associées à la présence d’histamine ;
en orange, les Tiac associées à Staphylococcus aureus ; en rouge, les Tiac associées aux virus ; en vert, les Tiac associées à d’autres
agents pathogènes. [1].

Figure 5. Tiac déclarées aux ARS et/ou DD(CS)PP en fonction du mois de survenue, pour les
principaux agents en cause, confirmés ou suspectés – France, 2020.

L’évolution du nombre de Tiac en fonction du micro-organisme incriminé est représentée par un code couleur. La courbe en jaune
représente le nombre de Tiac associées à Bacillus cereus ; en rose, les Tiac associées à Salmonella ; en bleu, les Tiac associées à Clostri-
dium perfringens ; en vert, les Tiac associées aux virus entériques ; en orange, les Tiac associées à Staphylococcus aureus. [1].

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confirmée sur le plan microbiologique dans l’aliment hémorragiques, affections intestinales accompagnées
incriminé ou chez au moins une des personnes malades. de crampes et de douleurs abdominales, des diarrhées
Comme cité précédemment, divers agents patho- liquides d’abord et sanguinolentes ensuite, accompa-
gènes peuvent être en cause dans le cas d’une Tiac. gnées ou non de faibles fièvres. L’apparition des
Ces bactéries sont d’abord suspectées en fonction symptômes peut prendre de 2 à 12 jours et durent
de la durée d’incubation, du type de symptômes et 5 à 12 jours. De 5 à 10 % des sujets atteints de colite
des aliments incriminés. Nous décrivons ci-dessous hémorragique peuvent développer un syndrome
les principaux agents et leurs symptômes. hémolytique et urémique (SHU), principalement chez
les jeunes. En cas de micro-angiopathie thrombotique
Les bactéries à action invasive (MAT), la létalité chez les personnes âgées atteint 50 %
engendrant des infections et provoque des insuffisances rénales chroniques chez
50 % des survivants du SHU. Les principaux aliments
Salmonella mis en cause sont la viande hachée de bœuf insuffi-
Les Salmonella [3] sont des entérobactéries, bacilles samment cuite, les produits laitiers non pasteurisés, les
Gram négatif, anaérobie facultatif, mobiles. Le genre végétaux crus (salade, jeunes pousses de radis blancs,
Salmonella comporte deux espèces (S. enterica et S. bon- graines germées) ou les produits d’origine végétale non
gori), l’espèce S. enterica étant elle-même divisée en pasteurisés (jus de pomme), l’eau de boisson. On note
six sous-espèces (enterica, salamae, arizonae, diarizonae, une recrudescence des Tiac liée à la consommation de
houtenae et indica) sur la base de critères phénotypiques. végétaux et d’eau ces dernières années.
Les Tiac se transmettent à 95 % par voie digestive.
Les symptômes sont des vomissements et diarrhées
Campylobacter jejuni ou coli
importantes, accompagnés de fièvre pouvant appa-
Campylobacter [6] est une bactérie microaérophile,
raître de 48 heures à trois jours après la contami-
asporulée et à Gram négatif appartenant à la famille
nation. L’évolution est le plus souvent favorable en une
des Campylobacteraceae. Il s’agit d’un bacille mobile
huitaine de jours, sauf pour des personnes de santé
de forme spiralée, présentant des résistances aux
fragile, et ne nécessite majoritairement pas de traite-
antibiotiques, particulièrement aux fluoroquinolones,
ments antibiotiques.
aux macrolides, au triméthoprime, aux bêta-lactamines,
Les aliments associés au risque le plus élevé sont la
ainsi qu’à la tétracycline, aux quinolones et à la
viande, la volaille, les produits laitiers et les produits à
kanamycine.
base d’œufs.
La campylobactériose entraine la gastro-entérite
(apparition entre un et huit jours), dont le symptôme
Listeria le plus courant est une diarrhée (parfois sanglante)
Listeria monocytogenes [4] est un coccobacille à Gram d’une durée de deux à dix jours. On observe égale-
positif, aéro-anaérobie facultatif, mobile (immobile ment des douleurs abdominales modérées à graves, de
à 37 °C) et psychrotrophe. La listériose se présente la fièvre, des malaises, des nausées et des vomissements.
sous deux formes : invasive et non invasive. Les formes
Les symptômes disparaissent généralement après une
non-invasives sont rares : ce sont essentiellement des
semaine environ, mais entre 5 et 10 % des patients
gastroentérites fébriles. Dans les formes invasives on
non traités subiront une rechute et 0,1 % d'entre eux
distingue deux types, les formes materno-néonatales
développeront un syndrome de Guillain-Barré avec des
avec apparition des symptômes entre 14 et 88 jours
risques de séquelles neurologiques (15 à 22 % des cas).
(médiane : 28 jours) et les formes neuro-méningées
Du fait de l’existence de réservoirs animaux et des
avec apparition entre 2 et 19 jours (médiane : 10 jours)
transferts de contamination, beaucoup de catégories
Dans les cas de listérioses invasives, les taux de
d’aliments (y compris l’eau) peuvent être contaminées,
mortalité varient entre 20 et 30 %.
toutefois les viandes (volaille et porc) ainsi que le lait
La transmission par voie alimentaire est de loin
restent les principaux aliments mis en cause.
la transmission la plus importante (99 % des cas).
La bactérie étant ubiquitaire, les aliments à risque de
contenir cette bactérie sont nombreux : produits laitiers,
Les bactéries toxinogènes
carnés ou végétaux avec une certaine prédominance Bacillus cereus
pour les fromages, charcuteries et produits de saurisserie. Les souches de B. cereus [7] sont des bacilles à Gram
positif, anaérobie facultatif, mobiles et capables de former
Escherichia coli entérohémorragique (EHEC) des endospores. Le bacille peut produire six types de
Les escherichia coli (E. coli) [5] sont des bacilles à toxines, à savoir cinq entérotoxines et une toxine émé-
Gram négatif, mobile, aéro-anaérobie produisant une tique, qui peuvent être thermostables (émétique) ou
vérotoxine (VT) et/ toxine de Shiga (VT/STx) de thermolabiles (entérotoxines), selon les souches.
deux types (VT1/Stx1 et VT2/Stx2). Les Tiac déclenchées B. cereus est responsable d’intoxications alimentaires
par cette bactérie peuvent provoquer des colites spontanément résolutives (24 heures) de deux types

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Microbiologie de l’environnement
(syndrome diarrhéique et syndrome émétique) ainsi sept types de toxines botuliniques (A à F). Les Tiac
que d’infections opportunistes. La forme diarrhéique apparaissent sous deux formes : l’intoxination botulique
de l’intoxination à B. cereus, qui apparaît entre huit et la toxi-infection botulique (botulisme infantile de
et seize heures, est caractérisée par la présence de zéro à douze mois). Dans le cas de l’intoxination, cette
crampes abdominales, d’une diarrhée aqueuse profuse. neurotoxine bloque la transmission synaptique entraî-
La forme émétique de l’intoxination alimentaire à nant une paralysie (flasque) et parfois une insuffisance
B. cereus, qui apparaît entre trente minutes et six heures, respiratoire fatale. La durée varie de quelques jours à
est quant à elle caractérisée par la présence de nausées, huit mois, la létalité est de 5 à 25 % suivant la rapidité
de vomissements et d’une sensation de malaise, parfois de prise en charge médicale. La toxine botulinique est
associés à une diarrhée. la toxine la plus puissante connue ; la dose létale orale
Le syndrome émétique est souvent associé à la consom- ou injectée (sérotype A) est évaluée à 0,001 μg/kg de
mation de riz et de pâtes alimentaires, tandis que le poids corporel.
syndrome diarrhéique est principalement attribuable Les aliments le plus souvent impliqués dans les foyers
à la consommation de produits laitiers, de légumes et de botulisme sont des conserves familiales ou des
de viande. produits de fabrication artisanale à pH supérieur à
4,5 et Aw (activité de l’eau) supérieure à 0,95 tels
Staphylococcus aureus que les charcuteries, conserves de végétaux ou
Staphylococcus aureus [8] est un coque à encore les saurisseries emballées sous vide.
Gram positif disposé en grappes, immo- Le miel contaminé est le seul aliment
bile, asporulé et aéro-anaérobie. De connu pour la transmission du botu-
nombreuses souches produisent lisme infantile.
des entérotoxines staphylococ- Les principaux
ciques thermostables, la toxine agents responsables Clostridium perfringens
super-antigénique du syndrome Clostridium perfringens [10] est un
de choc toxique (TSST-1) et des Tiac sont les bacille large, immobile, sporulé, à
des toxines exfoliatives. De toxines bactériennes, Gram positif, à métabolisme anaé-
nombreuses souches de Staphy- robie strict mais aérotolérant.
lococcus aureus sont de plus les Salmonelles, et les C. perfringens sporule rarement
en plus résistantes à de nom- virus entériques dans les milieux usuels de culture,
breuses classes d’antibiotiques uniquement dans des milieux
(S. aureus résistant à la méthicilline spéciaux de sporulation. Il existe
[Sarm], S. aureus sensible à la méthi- cinq sérotypes toxigènes (de A à E),
cilline [Sasm], S. aureus à sensibilité inter- seules 6 à 8 % des souches produisent, lors
médiaire à la vancomycine [Saiv], S. aureus à de la sporulation, des entérotoxines à l’origine
sensibilité intermédiaire hétérorésistant à la vanco- des intoxinations.
mycine [hSaiv], S. aureus résistant à la vancomycine Les symptômes principaux de l’intoxination à
[Sarv]). C. perfringens, qui apparaissent entre six et 24 heures
L’intoxination alimentaire se caractérise par des comprennent la nausée, et surtout les douleurs abdo-
apparitions concomitantes et brutales de nausées, de minales violentes et la diarrhée. L’atteinte est habi-
vomissements, de douleurs abdominales, de crampes tuellement bénigne et spontanément résolutive en
et de diarrhées. Les symptômes après ingestion 24 heures chez les patients sans facteur de comorbidité.
apparaissent entre trente minutes et huit heures Les principaux aliments incriminés dans les Tiac sont les
(trois heures en moyenne) et disparaissent habituel- plats cuisinés (37 % des foyers). Le plus souvent, il s’agit
lement après 24 heures. de préparations de viandes en sauce, insuffisamment
S. aureus peut être isolé d’aliments très variés, les refroidies, ainsi que les préparations à forte teneur en
aliments les plus « à risque » sont ceux qui ont été amidon, comme les haricots.
remanipulés après un traitement thermique (salades
composées, plats cuisinés, etc.), les produits fer- Recherche des pathogènes
mentés à acidification lente (fromages, salaisons
fermentées, etc.) et enfin les produits séchés ou à dans les aliments
teneur en eau réduite (lait en poudre, pâtes, poissons
séchés, etc.). Un des enjeux prioritaires dans l’agroalimentaire
est donc de comprendre et d’expliquer les contami-
Clostridium botulinum nations microbiennes, notamment liées aux Tiac. Cela
Clostridium botulinum [9] est un bacille à Gram positif, passe par la mise en place d’autocontrôles de l’environ-
anaérobie strict et sporulé. La neurotoxine botulinique nement de production, des matières premières,
est produite lors de la germination des spores. Il existe produits intermédiaires ou encore des produits finis.

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Ces contaminations peuvent évidemment être ponc- L’amplification isotherme partage avec la PCR/qPCR
tuelles ou persistantes, très localisées ou bien large- l’amplification spécifique d’un ou plusieurs marqueurs
ment dispersées dans les outils de production. Des moléculaires de l’ADN de la bactérie ciblée. Cependant
outils rapides et performants sont donc nécessaires cette technique s’effectue à température constante et
pour identifier précisément le contaminant ainsi que ne nécessite pas de thermocycleur. Ainsi, elle présente
la source de contamination. un fort potentiel pour le développement de dispositifs
portables de terrain, dans le cadre de diagnostics molé-
Milieux chromogéniques culaires d’agents pathogènes.
La PFGE (Pulsed-field gel electrophoresis) est une
Les milieux chromogéniques sont utilisés pour la mise technique basée sur l’extraction de l’ADN total
en évidence d’activités enzymatiques par l’apparition de la bactérie pathogène ciblée et le fait de la faire
d’une coloration spécifique, avec un délai de réponse digérer par une enzyme dite de macro-restriction.
de 48 heures à 72 heures. La coupure par l’enzyme Après cela, l’ADN extrait et digéré subit une électro-
(qui doit être présente chez la bactérie à identifier) phorèse en champ pulsé pour conduire à une empreinte
d’un substrat spécifique dit chromogène, produit une génétique ressemblant visuellement à un code-
molécule colorée, le chromophore. De nom- barres. Cette technique permet de compa-
breux milieux chromogènes existent, rer des souches microbiennes de la même
mais le nom des activités enzyma- espèce sur la base de leurs empreintes
tiques n’est pas toujours indiqué par Les techniques génétiques. Cette technique
le fabricant. Les milieux chromo- peut être utilisée pour suivre des
géniques sont composés pour de diagnostic problématiques de contamina-
assurer la culture et une sélection, moléculaire sont de tions bactériennes en industrie,
aussi importante que possible, plus en plus utilisées pour évaluer la persistance ou
des micro-organismes cibles. non d’une souche dans les pro-
Plusieurs micro-organismes dans le cadre de l’analyse duits et/ou l’environnement de
peuvent être ainsi identifiés, microbiologique production.
dont ceux impliqués dans les Tiac : L’approche WGS (Whole genome
Salmonella (où l’enzyme recher- des aliments sequencing), en dévelop-pement
chée est l’estérase), Listeria (phospho- pour l’industrie agro-alimentaire,
lipase C), E. coli (β-Glucuronidase), consiste à déterminer la séquence
Bacillus cereus et Clostridium perfringens d’ADN du génome de l’organisme ciblé
(β-glucosidase), Staphylococcus aureus à partir d’un isolat. À l’aide d’outils d’analyse
(α-Glucosidase). informatique, il est possible de comparer les
séquences bactériennes et d’identifier les diffé-
Biologie moléculaire rences. Cette identification permet d’établir un lien
(ou non) entre des bactéries isolées dans les produits
Les techniques de diagnostic moléculaire basées sur la et/ou l’environnement de production.
détection des acides nucléiques bactériens sont de plus
en plus utilisées dans le cadre de l’analyse microbio-
logique des aliments.
Tests immunologiques
Une des méthodes rapides (détection de 18 heures à Présents sur le marché de l’analyse depuis de nom-
28 heures) de détection est la réaction de polymé- breuses années, les tests immunologiques n’ont cessé de
risation en chaîne (PCR). Cette technique met en progresser tant au niveau des limites de détection que
œuvre des étapes d’amplification (grâce à des sondes de la praticité d’utilisation. Dans le cadre de la détection
nucléiques spécifiques) et de détection, à de très de pathogènes ou de toxines dans les domaines des
faibles quantités, d’un fragment d’ADN spécifique au industries alimentaires, de nombreux kits et techniques
micro-organisme recherché. Les pathogènes peuvent sont désormais disponibles, dont voici un bref aperçu :
être détectés par PCR selon des méthodes validées ◗ Les kits Elisa ou Elfa permettent la détection de nom-
par l’Afnor ou l’AOAC (Association of official agricultural breux pathogènes et toxines en moins de 48 heures
chemists) pour différentes matrices alimentaires. et sont déclinés sous différents supports permettant
Dérivée de la PCR, la PCR quantitative (qPCR) permet les grandes séries comme les petites ;
de détecter, caractériser, mais également quantifier les ◗ L’immunocapture magnétique (IMS pour immunomagnetic
acides nucléiques d’un pathogène ciblé par l’utilisation separation) permet de concentrer de très faibles taux
d’un système de marquage fluorescent. Ce système de pathogènes post-enrichissement et a été déve-
permet de suivre la progression d’amplification en loppée et normalisée en particulier dans le cadre de
temps réel et de quantifier précisément le taux du la recherche de pathogènes plus difficiles à détecter
micro-organisme ciblé. comme E. coli O157:H7 ;

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Microbiologie de l’environnement
◗ L’immunochromatographie dans le domaine encore au stade de recherche, devrait permettre
de la microbiologie s’est fortement développée d’abaisser de façon significative les seuils de détection,
depuis quelques années du fait de sa facilité d’emploi en particulier des toxines, et ouvrir ainsi de nouvelles
et de la non nécessité d’investissement de matériel. perspectives de recherches rapides et précises aux
Elle est donc particulièrement appréciée des industriels de l’industrie agro-alimentaire. QQ
petits laboratoires d’autocontrôle, dans les PME
par exemple. Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne
pas avoir de liens d'intérêts.
Conclusion et perspectives
La microbiologie dans le domaine alimentaire a su
rapidement s’adapter à l’évolution des critères légis- Points à retenir
latifs et à la demande d’analyses libératoires de plus
◗tUne Tiac est définie comme l’apparition d’au moins
en plus courtes tout en gardant une grande sensi-
bilité permettant une sécurité maximum pour le deux cas similaires d’une symptomatologie, dont
consommateur. on peut rapporter la cause à une même origine
À l’avenir, très développée dans le domaine du médical alimentaire.
et de la pharmacie, la cytométrie en flux par l’utilisa- ◗tLes principaux agents responsables des Tiac sont
tion de marquages spécifiques immunologiques ou par les toxines bactériennes, les Salmonelles, et les virus
sonde Fish (Hybridation fluorescente in situ) pourrait entériques.
également être utilisée pour la détection de patho- ◗tLes techniques de détection de pathogènes sont en
gène, en particulier dans les domaines nécessitant des plein essor et s’orientent vers des applications de
techniques fermentaires s’adaptant ainsi à un contrôle types « nomade ».
« online ». ◗tUne Tiac est généralement liée à des défauts
Enfin, l’immuno-PCR qui combine les techniques de d’hygiène.
biologie moléculaire et d’immunologie, bien qu’étant

Références
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aliments : E. coli entérohémorragiques (EHEC). Mise à jour : Mai 2019. aliments : Clostridium perfringens. Mise à jour : Mai 2017. https://www.
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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES • N° 550 • MARS 2023 73

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