Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 5

LECTURE LINÉAIRE

Acte 1, Scène 2

Marivaux est l'un des plus grands dramaturges français du XVIII siècle. Il écrit Les
Fausses Confidences, une comédie en prose et en trois actes où Dorante est un jeune
bourgeois, mais ruiné est engagé comme intendant par la riche Araminte, qu'il aime en
secret. Son ancien valet Dubois orchestre leur union amoureuse par une série de
fausses confidences. C’est de cette pièce qu’est extrait le texte à étudier où Dubois met
en place un stratagème pour rapprocher les deux jeunes gens. Comment cette scène
d'exposition présente-t-elle d'emblée Dubois comme le maître du jeu ?

- La scène d’exposition
- Dubois, le maître du jeu et le mentor

1ère partie : La scène d’exposition

La première réplique est celle de Dorante, une phrase interrogative « dis-moi,


monsieur Rémy n’est donc pas encore venu » qui suggère une inquiétude légère que
Monsieur Rémy attendu de Dorante n’ai pas encore fait acte de présence.

La didascalie « il cherche et regarde » montre qu’il souhaite s’assurer de l’absence de


témoins. Le subjonctif « qui nous voie ensemble » renforce cette idée de prudence car
il exprime un souhait, l’absence de spectateurs.

Dubois, en tant que valet doit être prudent pour ne pas que ses collègues en le voyant
en compagnie de cet homme aient des soupçons qui pourraient nuire à sa réputation
raison pour laquelle il dit « il est essentiel que les domestiques ici ne sachent pas que
je vous connaisse. »

Le rythme des répliques est plutôt rapide, ce qui reflète l’urgence et la prudence de
leur entreprise. Jusqu’ici Dorante répond de manière simple : « je ne vois personne »

« Vous n’avez rien dit de notre projet à Monsieur Rémy votre parent ? » est une
interrogation directe, qui montre que Dubois recherche une forme d’assurance,
l’emploi du possessif, « votre » établi, une relation de proximité entre Monsieur Rémy
et Dorante. En effet, Monsieur Rémy est l’oncle de Dorante, ce qui pourrait augmenter
le risque de fuite de l’information en raison des liens qui les unit. L’utilisation du mot,
« rien » insiste sur l’attente de la confidentialité totale concernant le projet .

La réplique suivante est celle de Dorante, nous avons affaire à une tirade. La négation
« Pas le moindre mot » souligne la discrétion totale, aucune n’information n’a été
révélée. L’hyperbole "de la meilleure foi du monde" exagère l'honnêteté avec laquelle
Dorante a été présenté

Nous avons affaire, dans la réplique suivante à une accumulation, qui souligne les
qualités de Dorante « Laissons cela, Monsieur ; tenez, en un mot, je suis content de
vous ; vous m'avez toujours plu ; vous êtes un excellent homme, un homme que j'aime
; et si j'avais bien de l'argent, il serait encore à votre service ». La répétition du pronom
personnel « vous» traduit une forme de entente entre le Dorante et Dubois . C'est une
manière d'insister sur la relation personnelle et directe qu'il entretient avec Dorante.

Ensuite, on note l'emploi d’expressions positives comme « excellent homme » et


« homme que j'aime », « je suis content de vous » ; « vous m'avez toujours plu », qui
renforcent l'idée d'une estime profonde et sincère. C'est un éloge direct, qui met en
valeur les qualités de Dorante.

L'expression "si j'avais bien de l'argent" est une proposition subordonnée


circonstancielle de condition qui suggère une limitation actuelle, il n’a pas d’argent.
Mais qui est suivie d'une promesse de générosité sans borne "il serait encore à votre
service".

Le terme "reconnaître" est utilisé dans son sens ancien de "récompenser", indiquant
que Dorante souhaite offrir quelque chose en retour des services rendus de Dubois. «
Ma fortune serait la tienne » est une hyperbole qui souligne l’ampleur de sa gratitude
pour son ancien valet

« Mais je n'attends rien de notre entreprise, que la honte d'être renvoyé demain. »
révèle le pessimisme de Dorante quant à l'issue de leur plan. L'utilisation du mot
"honte" montre la gravité de ce que ressent Dorante face à la possibilité d'un échec.

Nous avons un double portrait, celui d’Araminte et de Dubois. Araminte n’est pas
nommée, elle est désignée par le terme « femme » et les démonstratifs « cette » et
« ci » qui l’excluent du groupe des femmes ordinaires et traduisent sa spécificité.

Dorante fait de cette dame un portrait fondé sur le rang social, et non sur la morale,
puisqu'il précise qu'elle « a un rang dans le monde ». Les tournures vagues et
hyperboliques (« tout ce qu'il y a de mieux », « une grande charge dans les finances »
) soulignent que cette haute société est étrangère à Dorante. On apprend également
que cette dame est « veuve » d'un financier et dispose donc d'une grande fortune.

À ce portrait élogieux de la dame convoitée, succède un autoportrait antithétique de


Dorante : « moi qui ne suis rien, moi qui n'ai point de bien »; dans lequel on retrouves
des négations syntaxiques.
L’emploi du verbe épouser donne des informations aux téléspectateurs, il est ici car il
veut épouser Araminte. La question de Dorante à la fin « moi qui n'ai point de bien »
souligne sa certitude de ne pas pouvoir être aimé d’Araminte qui ne pourrait guerre
s’intéresser à un homme aussi éloignée financièrement d’elle.

Conclusion partielle : Dans la première partie, nous avons exploré la mise en place de
l'intrigue, les relations entre les personnages et les obstacles qu'ils rencontrent. Dans
la suite, nous verrons comment Dubois prend le contrôle de la situation et guide
Dorante à travers leur stratagème, le rassurant sur le chemin à suivre.

2ème partie : Dubois, maître du jeu et mentor

Dans la seconde partie nous allons comprendre comment Dubois conduit le


stratagème et va surtout rassurer Dorante.

Il reprend la question de Dorante par une phrase exclamative « Point de bien ! » qui
souligne son étonnement et son désaccord car pour lui Dorante possède un bien
précieux, son physique. On peut le voir à travers la phrase déclarative « Votre bonne
mine est un Pérou » où on y trouve un jeu de mot comique dans la polysémie du mot
mine, puisqu’il fait en même temps référence au visage de Dorante et aux mines de
cuivre du Pérou. Dubois souhaite alors signifier que le visage de Dorante est un réel
trésor.

On retrouve une didascalie interne « Tournez-vous un peu, que je vous considère


encore » qui indique bien que Dubois fait tourner Dorante afin de l’observer en faisant
l’éloge de son physique. On peut aussi penser que Dubois lui donne un ordre, les rôles
sont alors. Dubois qui était censé être le valet, devient le maître.

Dubois évoque ensuite un stratagème dans la phrase déclarative « notre affaire est
infaillible, absolument infaillible ». Le déterminant possessif « notre » indique aux
spectateurs que le stratagème est mené par les deux hommes. La répétition de
l’adjectif « infaillible » renforcé par l’adverbe « absolument » traduit la certitude de
Dubois en ce qui concerne leur stratagème.

Il projette déjà Dorante dans un avenir radieux, il dit « il me semble que je vous vois
déjà en déshabillé dans l'appartement de Madame. ». Ironiquement, il imagine
Dorante en tenue d’intérieur auprès d’Araminte, signe qu’il est sûr que Dorante va y
parvenir.

On a maintenant une accélération du rythme de la scène, perceptibles par les répliques


plus courtes. On peut voir que Dorante est hésitant par rapport à la vision de Dubois
comme le témoigne le mot « chimère », pour Dorante cela est inimaginable.
Mais Dubois insiste quand même en disant : « Vous êtes actuellement dans votre salle.
» Le terme « salle » renvoie à l'appartement de Madame Araminte. On pourrait
remarquer qu’à partir de cet instant même si Dorante n’est plus le maître de Dubois,
cet échange révèle la relation entre un maître et son valet. En effet le valet
conformément à son statut est un peu comme un confident qui va rassurer son maître
et qui ne cessera pas de contrer ses objections.

Si on regarde la première réplique de Dorante, la première objection est d’ordre


financier « Elle a plus de cinquante mille livres de rente » Dorante rappelle à Dubois la
fortune immense de la jeune veuve en l’inscrivant dans une réalité sociale et donc cette
objection énonce le premier obstacle majeur.

Cependant Dubois face à cela semble plutôt amusé. Il prend un ton rassurant, moqueur
et minimise le premier obstacle en jouant sur les nombres, opposant les chiffres avec
« soixante pour le moins »

La deuxième objection de Dorante mise en exergue par l’adverbe d’intensité


« extrêmement » dans « extrêmement raisonnable ». Il fait tout de suite de cet
obstacle un avantage Dubois, confiant, annonce ses stratagèmes à venir en jouant sur
la double énonciation : « vous m'en direz des nouvelles. » Cette remarque s'adresse à
Dorante, certes, mais elle capte surtout l'attention du spectateur qui souhaite
connaître la suite de l'intrigue.

Dorante confie alors son amour : « Je l'aime avec passion ; et c'est ce qui fait que je
tremble ». Les termes « passion » et « tremble » font signe vers la tragédie où la passion
est synonyme de souffrance. Cette réplique laisse transparaître un amour sincère qui
justifie, auprès du public, les fausses confidences à venir.

La gravité de cette confidence amoureuse est contrebalancé par la légèreté et la


familiarité de la réplique suivante de Dubois, avec les interjections « oh ! » et « eh! »
dans « Oh ! vous m'impatientez avec vos terreurs. Eh ! que diantre !» dans un mélange
des registres propre aux comédies Marivaux.

Le passage au futur de l'indicatif « vous réussirez«, ainsi que la parataxe « vous


réussirez, vous dis-je. Je m’en charge, je le veux, je l'ai mis là » témoignent de la
certitude du valet »

L'anaphore « je » montre que le valet est le personnage central, le metteur en scène


de cette comédie. Il est celui qui décide du destin des personnages : « je connais
l'humeur de ma maîtresse; je sais votre mérite, je sais mes talents, je vous conduis »

Conclusion générale
Cette scène d'exposition inverse l'ordre social de l'époque : un bourgeois qui manque
d'assurance est dirigé par un valet éloquent et ingénieux.
Dubois est le stratège derrière le placement de Dorante comme intendant, agissant en
coulisse pour arranger les rencontres et les présentations. Il est celui qui, avec une
discrétion astucieuse, prévient Dorante des étapes à suivre, lui indiquant quand et où
se présenter, et même comment se comporter en l'absence de l'homme qui doit
l'introduire.

Vous aimerez peut-être aussi