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DAVID
MATEOS
ESCOBAR
2
DAVID
MATEOS
ESCOBAR
Mémoire
de
Master
2,
Habitat
et
Renouvellement
urbain
Institut
d’Urbanisme
et
d’Aménagement
Régional
Aix-‐Marseille
Université
Sous
la
direction
de
Philippe
Méjean,
Maître
de
conférences,
Octobre
2012
Soutenu
le
24
Octobre
Note
obtenue
:
3
Introduction
..........................................................................................................................
12
Partie
1
....................................................................................................................................
18
THÈME
DE
RECHERCHE
......................................................................................................
18
1.1.
Définir
la
gentrification
..................................................................................................................
19
1.2
Expliquer
la
gentrification
.............................................................................................................
27
1.3
Interpréter
les
variations
de
la
gentrification
:
vers
une
posture
inclusive
et
critique
du
processus
...............................................................................................................................
38
Partie
2
....................................................................................................................................
60
ÉTUDE
DE
CAS
.......................................................................................................................
60
2.1
De
la
démarche
de
connaissance
.................................................................................................
62
2.2
Logiques
démographiques
de
la
recomposition
sociale
...................................................
70
2.3
L´attraction
des
classes
moyennes
et
supérieures
..............................................................
92
2.4
Le
déplacement
des
ménages
de
moindre
statut
..............................................................
116
Conclusion
...........................................................................................................................
137
Bibliographie
......................................................................................................................
142
Corpus
d´analyse
...........................................................................................................................
142
Bibliographie
générale
...............................................................................................................
147
Annexes
...............................................................................................................................
151
4
Introduction
..........................................................................................................................
12
Partie
1
....................................................................................................................................
18
THÈME
DE
RECHERCHE
......................................................................................................
18
1.1.
Définir
la
gentrification
..................................................................................................................
19
1.1.1.
De
l´acte
de
définition
comme
acte
de
pouvoir
....................................................................................
20
1.1.2
Généalogie
du
néologisme
..........................................................................................................................
21
1.1.3
C´est
le
monde
qui
change
ou
le
regard
que
nous
posons
sur
lui
?
.................................................
24
1.2
Expliquer
la
gentrification
.............................................................................................................
27
1.2.1
La
pensée
écologique
:
un
processus
naturel
voué
à
rester
marginal
...........................................
28
1.2.2
Économie
urbaine
néo-‐classique
:
souveraineté
du
consommateur
et
pratique
émancipatrice
.......................................................................................................................................................................................
29
1.2.3
La
dichotomie
production-‐consommation,
offre-‐demande,
structure-‐agence
..........................
31
1.2.4
Un
faux
conflit
interprétatif
........................................................................................................................
36
1.3
Interpréter
les
variations
de
la
gentrification
:
vers
une
posture
inclusive
et
critique
du
processus
...............................................................................................................................
38
1.3.1
Une
notion
chaotique
qu´il
faudrait
abandonner?
...............................................................................
39
1.3.2
Le
rôle
croissant
de
l´action
publique
:
¨vagues¨
de
gentrification
..................................................
41
1.3.3
Vers
une
nouvelle
géographie
des
processus
de
renouvellement
urbain,
ou
de
la
gentrification
?
..........................................................................................................................................................
45
1.3.4
Penser
la
gentrification
dans
un
continuum
de
recompositions
urbaines
et
sociales
..............
47
1.3.5
L´évaluation
des
effets
:
l´étude
du
déplacement-‐exclusion,
une
priorité
pour
la
recherche
sur
la
gentrification
.........................................................................................................................................................
51
5
6
Résumé
Depuis
quelques
années,
un
certain
nombre
d´idées
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens
circulent
dans
les
cercles
politiques,
d´experts
de
l´urbanisme
et
de
l´aménagement,
ainsi
que
dans
l´opinion
publique.
À
en
croire
ces
voix,
Marseille
attirerait
des
nouveaux
habitants,
tout
particulièrement
des
classes
moyennes
et
supérieures,
mais
ne
parviendrait
pas
à
les
retenir
durablement.
En
conséquence,
les
classes
populaires
ne
seraient
pas
déplacées
du
centre-‐ville
comme
dans
de
nombreuses
villes
autour
du
monde.
Ainsi,
le
processus
désormais
devenu
global
de
gentrification
ne
marcherait
pas
à
Marseille,
ou
du
moins,
il
peinerait
à
se
consolider.
Or,
si
tout
le
monde
convient
que
le
centre
de
cette
cité
ne
cesse
de
se
transformer,
une
zone
d´ombre
s´installe
sur
l´interprétation
des
recompositions
sociales
qui
accompagnent
le
changement
urbain.
Doit-‐on
se
résigner
à
comprendre
les
recompositions
sociales
des
quartiers
phocéens
sous
le
regard
facile
du
mythe
de
l´¨exception
marseillaise¨
?
Qu´en
est-‐il
vraiment
de
ces
idées
issues
du
sens
commun?
Les
données
de
connaissance
sont-‐
elles
suffisantes
et
suffisamment
fiables
pour
valider
ces
affirmations
?
Pour
les
réfuter
?
Quel
bilan
peut-‐on
tirer
de
l´état
des
connaissances?
Dans
ce
mémoire
il
s´agira
d´une
part
de
discuter
la
pertinence
de
la
gentrification
comme
analyseur
des
recompositions
sociales,
et
de
l´autre,
de
mettre
en
évidence
et
d´examiner
quelques
unes
des
idées
reçues
sur
les
recompositions
sociales
des
quartiers
centraux
phocéens
au
regard
des
faits
documentés.
L´identification
d´un
certain
nombre
de
¨zones
d´ombre¨
permettra
d´argumenter
l´importance
pour
la
recherche
urbaine
phocéenne
de
renforcer
sans
attente
les
efforts
pour
une
recherche
empirique
de
la
gentrification
du
centre-‐ville.
Les
pistes
de
recherche
identifiées
pourront
être
développées
dans
le
cadre
d´une
thèse.
7
8
Remerciements
Volontairement
ou
pas,
deux
personnes
ont
suscité
en
moi
un
intérêt
particulier
pour
la
question
de
la
gentrification,
il
s´agit
du
directeur
du
cabinet
immobilier
qui
gérait
mon
logement
au
11
rue
de
la
Rotonde
dans
le
quartier
du
Chapitre
et
qui
m´a
annoncé
en
2008,
date
du
renouvellement
du
bail,
que
mon
loyer
allait
augmenter
de
250
euros
prétextant
du
ravalement
des
façades
des
immeubles
concomitants.
Deuxièmement,
il
s´agit
de
Jeronimo
Diaz,
géographe
et
ami,
qui
m´a
expliqué
que
cela
était
une
facette
du
processus
de
gentrification,
et
qui
par
la
suite
m´a
largement
partagé
son
engagement
pour
la
production
de
villes
plus
égalitaires.
Ce
travail
n´aurait
pas
été
possible
sans
le
concours
d´un
grand
nombre
de
personnes
qui
m´ont
partagé
un
peu
de
leur
temps,
de
leur
savoir-‐faire
ou
de
leur
expérience.
Je
remercie
Philippe
Méjean
qui
depuis
près
de
deux
ans
m´a
suivi
avec
beaucoup
de
patience
dans
la
réalisation
de
ce
travail
et
qui
m´a
accompagné
de
près
dans
la
précision
de
mon
propos.
Dans
ce
sens,
son
regard
informé
et
critique
ainsi
que
son
expérience
dans
le
monde
de
l´habitat
et
du
logement
ont
été
de
grande
valeur
tout
au
long
de
cette
expérience.
J´éprouve
une
profonde
satisfaction
au
regard
de
son
engagement
en
tant
que
directeur
de
mémoire.
Les
membres
du
jury
ont
très
vite
et
très
aimablement
répondu
à
mon
invitation.
Je
leur
en
suis
très
reconnaissant.
Maria-‐Alexis
Milbach,
Laurence
Pillant
et
Noé
Guiraud
m´ont
accordé
beaucoup
de
leur
temps.
Merci
pour
leurs
relectures
attentives,
leurs
observations
et
leurs
soutiens
tous-‐azimuts
le
long
du
travail
de
rédaction
et
de
conception.
Grâce
à
eux,
les
heures
sont
passées
plus
vite
et
m´ont
été
plus
légères.
De
nombreuses
personnes
m´ont
énormément
apporté,
sans
doute
plus
qu´elles
ne
l´imaginent.
Chacun
des
membres
du
CA
de
l´association
Centre
Ville
Pour
Tous,
ont
contribué
à
me
forger
une
idée
du
processus
de
réinvestissement
des
quartiers
centraux
phocéens.
Je
les
remercie
notamment
pour
m´avoir
fait
comprendre
une
chose
très
simple
qu´un
militantisme
facile
aurait
pu
négliger
:
“réhabiliter
ce
n´est
pas
gentrifier.
L´enjeu
est
de
faire
en
sorte
que
les
habitants
sur
place
puissent
tirer
profit
de
la
réhabilitation.”
Dans
le
même
sens,
les
rencontres
de
militants
et
de
journalistes
faites
à
Istanbul,
dont
certaines
se
sont
avérées
des
vraies
amitiés,
m´ont
aidé
à
mieux
vivre
la
posture
schizophrénique
d´observateur
critique
de
la
gentrification
et
de
gentrifieur
potentiel.
9
Sans
le
soutien
de
ma
famille,
Mateos,
Escobar
et
désormais
Milbach
et
Scigliano,
je
n´aurais
jamais
pu
parvenir
au
bout
de
cette
démarche.
Une
pensée
particulière
pour
ma
mère
qui,
tout
en
ayant
une
vision
libérale
de
la
société,
m´a
inculqué
l´aspiration
à
plus
de
justice
sociale
et
qui
sans
le
vouloir
m´a
conduit
vers
les
thématiques
de
l´habitat
et
du
logement
qui
lui
sont
aussi
chères.
Une
pensée
tendre
pour
ma
femme,
qui
après
cette
expérience
ne
souhaite
plus
que
je
m´engage
dans
une
thèse.
Ce
mémoire
est
dédicacé
au
Dr.
Alfonso
Escobar
Izquierdo.
10
«
La
mémoire
d’une
ville
se
marque
généralement
par
des
monuments
dont
la
double
fin
est
de
rappeler
les
grandes
étapes,
les
grands
événements,
les
caractères
profonds
de
la
cité
et,
aussi,
de
l’embellir.
[…]
Marseille
a
connu
quelques
difficultés
avec
cette
conception
du
monument.
[…]
Manque
d’édifices
ou
un
excès
de
destruction
?
[…]
Marseille
est
elle-‐même
le
monument
sans
cesse
reconstruit,
recommencé,
qu’elle
se
dédie
chaque
jour
depuis
vingt-‐cinq
siècles.
»
«
La
question
n’est
pas
de
négliger
le
monument,
mais
la
mémoire
de
Marseille
est
moins
gravée
dans
la
pierre
qu’elle
n’est
exprimée
dans
les
pratiques
:
ce
qui
n’interdit
pas
les
longues
séquences
de
temps,
mais
accroît
les
risques
quand
les
pratiques
s’effritent.
»
Marcel
Roncayolo,
1996,
Marseille
:
Les
territoires
du
temps,
Editions
Locales
de
France,
140p.
11
Introduction
Ce
mémoire
s´inscrit
dans
la
continuité
d´une
première
réflexion
sur
les
liens
entre
politiques
urbaines
et
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens1.
À
l´occasion
il
était
question
de
montrer
que
les
transformations
urbaines
du
centre-‐ville
phocéen,
au
moins
depuis
la
moitié
du
XIXe
siècle,
ont
souvent
eu
comme
objectif
(avoué
ou
pas)
de
remplacer
les
masses
d´habitants
pauvres
par
des
ménages
plus
solvables,
autrement
dit,
de
recomposer
le
peuplement
des
quartiers
centraux
au
profit
d´une
classe
moyenne
émergeante
et
d´une
élite
locale.
Ce
travail
proposait
de
appréhender
sous
l´angle
du
processus
de
gentrification,
compris
comme
:
«
la
restructuration
élitiste
de
la
ville
(SMITH
1996),
qui
implique
la
revalorisation
et
la
production
de
l´espace
urbain
pour
des
usagers
plus
nantis
(HACKWORTH
2002:815)
et
qui
requiert
du
déplacement,
ou
de
l´exclusion,
des
habitants,
des
commerces
et
des
usages,
de
moindre
statut…[elle]
est
mise
en
œuvre
par
l´action
combinée
d´acteurs
publics
et
privés
»
(PORTER,
SHAW,
2009
:),
un
fait
assez
bien
documenté
par
la
recherche
urbaine
phocéenne
(TARRIUS,
MAROTEL,
PERALDI,
1989
;
PERALDI,
2001,
2002
;
FOURNIER,
MAZZELLA,
2004
;
PERALDI,
SAMSON,
2006
;
BERRY,
DEBOULET,
2007
;
BORJA,
DERAIN,
MANRY,
2010),
à
savoir
que
:
depuis
près
d´un
siècle,
le
mythe
de
la
¨reconquête
du
centre-‐ville¨2
serait
pleinement
inscrit
dans
les
agendas
politiques
de
toutes
les
municipalités
qui
se
sont
succédées
au
point
de
constituer
une
sorte
d´utopie
constamment
renouvelée
et
qui,
pour
paraphraser
M.
Peraldi,
ne
cesse
de
construire
l´imaginaire
de
la
société
locale
urbaine
marseillaise
(PERALDI,
2002:19).
Dans
cette
première
réflexion,
la
notion
de
gentrification
s´est
avérée
pertinente
pour
analyser
la
¨reconquête
du
centre-‐ville¨,
en
tant
qu´expression
contemporaine
d´une
volonté
politique
historique
de
provoquer,
par
la
transformation
de
la
forme
urbaine,
une
recomposition
élitiste
du
centre
de
la
cité
phocéenne.
Ce
prisme
d´analyse,
comme
il
sera
argumenté
(Chap.
1),
est
un
outil
théorico-‐conceptuel
incontournable
pour
approcher
différents
aspects
de
la
production-‐
reproduction
de
l´espace
urbain
(LEFEBVRE,
1968
;
HARVEY,
1985,
2001),
des
processus
de
1
MATEOS
ESCOBAR
D.
(sous
dir.
BERTONCELLO
B.
et
GRESILLON
B.),
2010,
Les
transformations
urbaines
du
centre-‐ville
marseillais
:
la
gentrification
en
question,
mémoire
de
Master
1,
mention
Géographie,
Université
de
Provence,
152p.
2
L´expression
est
issue
de
la
sémantique
guerrière
et
fait
allusion
à
la
¨Reconquista¨
de
la
péninsule
Ibérique
des
rois
catholiques
sur
les
maures
(718-‐1492).
À
Marseille,
elle
serait
apparue
dès
les
années
1920
dans
la
bouche
du
maire
Henri
Tasso,
industriel
et
politique
de
gauche,
maire
de
Marseille
de
mai
1935
à
mars
1939,
lorsque
la
ville
est
mise
sous
tutelle
et
dotée
d´un
administrateur
extraordinaire.
M.
Peraldi
a
montré
dans
plusieurs
articles
parus
entre
2001
et
2002,
que
la
¨reconquête
du
centre¨
repose
sur
deux
éléments
principaux
:
le
mythe
d´une
dépossession
de
cet
espace,
produisant
ainsi
des
marseillais
légitimes
et
des
marseillais
illégitimes.
Mais
aussi
et
surtout,
sur
le
choc
entre
deux
conceptions
hétérogènes
de
l´économie
urbaine,
au
sens
donné
par
S.
Sassen
(1991)
c´est
à
dire,
de
l´articulation
d´une
ville
aux
dynamiques
économiques
mondiales.
Ainsi,
le
choc
entre
économie
de
rente
et
économie
de
bazar,
entre
internationalisation
¨par
le
haut¨
et
¨par
le
bas¨,
serait
à
l´origine
d´une
¨concurrence
territoriale¨
dont
le
centre
et
la
valeur
de
centralité
sont
l´enjeu..
12
dévalorisation-‐revalorisation
des
quartiers
(SMITH
N.,
1983,
1987)
et
de
façon
plus
large
des
logiques
de
ségrégation
(JAILLET,
PERRIN,
MENARD,
2008).
Il
s´agira
ici
de
proposer
une
analyse
plus
fine
de
l´état
des
connaissances
des
liens
entre
action
publique,
transformations
urbaines
et
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
au
cours
de
la
dernière
décennie
sous
l´angle
du
processus
de
gentrification.
Selon
M.
Peraldi
(2001),
au
cours
des
années
1980-‐1990,
le
centre-‐ville
de
Marseille
est
devenu
un
vrai
laboratoire
social,
«
c´est
à
dire
tout
à
la
fois
le
lieu
de
validation
et
de
concrétisation
d´une
¨posture
de
recherche¨.
»
(:13)3.
La
démarche
qui
s´est
constitué
«
presque
discrètement
et
sans
qu´il
y
ait
eu
un
processus
concerté
ou
encore
moins
un
¨effet
d´école
»
(Idem),
a
renouvelé
une
recherche
urbaine,
jusque
là
encore
enfermée
dans
l´alternative
entre
un
point
de
vue
par
trop
généraliste,
qui
«
écrase
les
échelles
»,
et
des
monographies
qui
«
présupposent
plus
qu´elles
ne
démontrent,
la
cohérence
de
l´objet
local
».
L´entreprise
commune
de
cet
ensemble
de
productions
aurait
tenu
à
la
volonté
affichée
et
assumée
de
déconstruire
une
représentation
figée
de
l´objet
local.
Or,
de
nos
jours,
la
sensation
d´une
panne
de
la
recherche
urbaine
phocéenne
concernant
le
centre-‐ville
s´installe
dans
les
constats
de
nombreux
commentateurs.
Si
on
considère
ce
qui
vient
d´être
exposé
et
qu´on
jette
un
regard
sur
la
recherche
urbaine
phocéenne
au
cours
de
la
dernière
décennie,
on
constate
le
glissement
d´une
recherche
innovante
et
assez
critique
vis-‐à-‐vis
des
enjeux
politiques
locaux,
à
une
recherche
dépourvue
d´une
position
claire
vis-‐à-‐vis
des
phénomènes
urbains
et
de
l´objet
local.
On
a
l´impression
de
voir
une
recherche
devenue
progressivement
tributaire
des
besoins
politiques,
absorbée
dans
la
technostructure4.
Ce
constat
est
certainement
maladroit
et
profondément
injuste
au
regard
de
nombreux
travaux
qui
ne
peuvent
pas
être
jugés
ainsi.
Mais
le
sentiment
partagé
d´une
¨panne¨
n´est
pas
anodin
ni
exclusivement
personnel.
En
effet,
si
l´on
considère
les
données
de
connaissance
relatives
aux
transformations
urbaines,
et
à
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens
en
particulier,
il
semble
que
depuis
le
début
des
années
deux
mille,
ces
données
soient
majoritairement
produites
et
souvent
confinées
aux
différentes
sphères
de
la
technostructure,
que
ce
soit
sous
forme
de
littérature
grise5
plus
ou
moins
sous
contrôle
3
Selon
M.
Peraldi
(2001)
les
travaux
les
plus
représentatifs
de
cette
¨posture
de
recherche¨
seraient
à
trouver
dans
TEMIME,
1989
;
TARRIUS,
1995
et
ASCARIDE,
CONDRO,
2001.
D´autres
contributions
à
la
documentation
sur
le
centre-‐ville
phocéen
méritent
d´être
mentionnées
:
RONCAYOLO
1990,
1996
;
BONILLO
&
BORRUEY,
1992;
MOREL,
1999
;
ZALIO,
1999
;
DONZEL,
2001
;
et
un
peu
plus
récemment,
même
si
dans
un
registre
plus
journalistique,
DELL´UMBRIA,
2006.
4
Technostructure
:
théorie
économique
de
l'économiste
étasunien
John
Kenneth
Galbraith,
exposée
dans
son
ouvrage
Le
Nouvel
État
industriel
(1967).
La
notion
décrit
l´ensemble
des
cadres
dirigeants
ou
subalternes,
des
techniciens
et
des
spécialistes
qui
participent
à
la
prise
de
décision
dans
les
grandes
entreprises
et
dans
les
institutions.
5
Littérature
grise
:
selon
l'AFNOR
(L’Association
française
de
normalisation),
tout
«
document
dactylographié
ou imprimé [ou numérique], produit à l'intention d'un public restreint, en dehors des circuits commerciaux de
13
politique
ou d´études
commanditées
par
des
instituions
et
par
les
pouvoirs
publics.
Heureusement
qu´il
y
a
des
exemples
qui
remettent
en
question
notre
argument
(ASCARIDE,
CONDRO,
2001
;
PERALDI
2001,
2002
;
SAMSON,
PERALDI,
2005
;
DELL´UMBRIA
2006
;
BERRY,
DEBOULET,
2007
;
BORJA,
DERAIN,
MANRY,
2009)
et
j´en
oublie
surement.
Mais,
de
façon
générale,
c´est
un
fait
avéré.
D´autant
plus
que
parmi
les
exceptions
énumérées,
aucune
ne
se
consacre
pleinement
à
la
question
des
recompositions
sociales
qui
nous
intéresse
plus
particulièrement.
Demeure
donc
grande
ouverte
la
question
de
savoir
qu´est
ce
qu´il
en
est
de
cette
recherche
innovante,
critique
et
capable
de
se
détacher
des
catégories
descriptives
imposées,
des
représentations
figées
de
l´objet
local,
des
impératifs
opérationnels,
politiques
et
financiers.
Et,
puisque
ce
serait
s´éloigner
de
mon
objet
que
de
tenter
une
argumentation
plus
longue6,
rajoutons
juste
une
considération
partagée
avec
M.
Peraldi,
«
si
le
phénomène
n´est
pas
propre
à
Marseille,
il
participe
ici
d´une
volonté
diffuse
de
revalorisation
de
la
réputation
de
la
ville
qui
sert
assez
directement
un
projet
de
requalification,
économique
et
sociale,
des
espaces
centraux.
»
(2001:13).
7
Dans
le
contexte
scientifique
qui
vient
d´être
décrit,
la
¨panne¨
de
la
recherche
urbaine
phocéenne
concernant
la
documentation
des
transformations
urbaines
du
centre-‐ville
aurait
parmi
ses
principales
conséquences
l´apparition
et
la
diffusion,
comme
une
trainée
de
poudre,
d´un
certain
nombre
de
considérations
teintées
d´idéologie
et
fondées
sur
des
données
l'édition
et
de
la
diffusion
et
en
marge
des
dispositifs
de
contrôle
bibliographiques
».
Exemples
de
littérature
grise
:
diagnostics
opérationnels,
rapports
politiques,
d'études
ou
de
recherches,
actes
de
congrès,
thèses,
brevets,
etc.
6
À
ce
sujet,
il
serait
très
intéressant
d´actualiser
le
bilan
bibliographique
réalisé
par
S.
Mazzella
et
P.P
Zalio
en
contemporains
des
postures
critiques
dans
la
recherche
urbaine
internationale
cf.
BRENNER
N.,
MARCUSE
P.,
MAYER
M.,
ed.,
2012,
Cities
for
people
not
for
profit
:
Critical
urban
theory
and
the
right
to
the
city.
Routledge
(:1-‐41),
pour
une
version
française
de
l´introduction
de
cet
ouvrage,
BRENNER
N.,
MARCUSE
P.,
MAYER
M.,
traduit
par
Juliette
Lemerle,
La
critique
urbaine,
une
discipline
fondamentale,
le
13/05/2011,
Métropolitiques,
http://www.metropolitiques.eu/La-‐critique-‐urbaine-‐une-‐discipline.html
(dernière
consultation
le
15
sept.
2012).
Pour
une
note
complémentaire
sur
le
renouvellement
de
la
théorique
critique
en
français,
Luca
Pattaroni,
Julie-‐Anne
Boudreau,
Ville,
capitalisme
et
souffrances:
quelques
repères
sur
le
renouvellement
de
la
théorie
critique,
Métropolitiques,
25
mai
2011.
http://www.metropolitiques.eu/Ville-‐capitalisme-‐et-‐
souffrances.html
(dernière
consultation
le
15
sept.
2012).
14
produites
sans
aucun
soucis
de
rigueur
méthodologique,
autrement
dit
d´idées
issues
du
sens
commun.
Toutefois,
celles-‐ci
proviendraient
notamment
d´acteurs
très
bien
informés,
ce
qui
justifie
le
détour.
Des
chercheurs,
techniciens,
politiques
et
autres
meneurs
d´opinion,
valideraient
ces
idées
par
le
simple
prestige
de
leur
statut,
contribuant
ainsi
à
les
établir
comme
des
éléments
de
diagnostic
sur
lesquels
s´élaborent
par
la
suite
des
politiques
urbaines.
Or,
en
accord
avec
N.
Brenner
et
M.
Mayer
(2012),
n´est-‐il
pas
du
devoir
d´une
recherche
sociale
et
critique,
que
de
dévoiler
les
fausses
représentations
dans
l’intérêt
des
plus
fragiles
?
Voici
quelques
illustrations
des
déclarations
sur
lesquelles
repose
ce
constat.
L´urbaniste
et
homme
politique
J.
Dubois
déclarait
récemment
dans
un
média
national
:
«
[…]
La
population
en
place
reste
en
place
et
la
mutation
socio-‐économique
appelée
de
ses
vœux
par
une
partie
de
la
classe
politique
marseillaise
ne
prend
pas
;
la
greffe
ne
prend
pas
parce
que
peu
nombreuses
sont
les
classes
aisées
à
faire
le
pari
de
venir
s´installer
sur
Marseille
[…]
Par
delà
l´affichage
ce
n´est
pas
réellement
ce
qui
se
passe.
»8.
Par
ailleurs,
dans
un
autre
média,
Jean
Viard,
sociologue
et
homme
politique,
confirmait
l´idée
d´une
recomposition
sociale
inachevée
tout
en
proposant
une
autre
explication
:
«
Certes,
Marseille
est
à
la
mode
à
Paris,
mais
un
nouvel
arrivant
sur
deux
finit
par
repartir
!
La
ville
n´a
pas
encore
accompli
sa
mutation.
»9.
L´homme
politique
P.
Mennucci,
s´est
aussi
saisi
de
ces
constats
pour
proposer
une
explication
associant
les
deux
précédentes
:
«
En
raison
de
réhabilitations
souvent
bâclées
et
surtout
de
l´état
général
du
quartier
[sans
précision],
les
¨bobos¨
et
autres
¨cadres
supérieurs
ne
sont
pas
venus
!
Ou
quand
ils
sont
venus,
ils
sont
souvent
repartis,
lassés
par
le
délabrement
des
équipements
publics
ainsi
que
par
les
problèmes
récurrents
de
saleté
ou
d´insécurité.
»10.
Ces
constats
ont
aussi
été
relayés
par
des
représentants
de
la
société
civile,
N.
Abouakil
porte
parole
de
l´association
Centre
Ville
Pour
Tous
déclarait,
chiffres
à
l´appui,
dans
un
média
national
:
«
Aujourd´hui,
15%
des
arrivants
repartent
au
bout
de
six
mois
faute
d´équipements
comme
des
parkings,
des
crèches
ou
des
écoles.
»11.
À
partir
de
ces
déclarations
il
est
possible
de
formuler
les
hypothèses
suivantes.
Celles-‐ci,
disons-‐
le
tout
de
suite,
constitueront
la
trame
par
laquelle
seront
confrontées
les
idées
reçues
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens
aux
données
de
connaissance
8
Jérôme
Dubois,
directeur
de
l´Institut
d´Urbanisme
et
d´aménagement
régional
d´Aix-‐en-‐Provence
et
maire
(apparenté
PS)
de
la
commune
de
Volx.
Propos
issus
du
reportage
:
Inventaire
avant
élections
à
Marseille
:
Les
villes
appartiennent-‐elles
aux
riches
?
Florence
Pacaud,
France
Culture,
16
janvier,
consultable
sur
:
www.franceculture.fr,
dernière
consultation
(15
septembre
2012).
9
Jean
Viard,
chercheur
CNRS,
Conseiller
Municipal
apparenté
PS
et
Vice-‐Président
de
la
Communauté
urbaine
Marseille
Provence
Métropole,
chargé
de
l'évaluation
des
politiques
publiques
communautaires.
Propos
issus
de
l´article
:
Le
centre
de
Marseille
est
en
danger,
recueillis
par
Nathania
Cahen,
L´Express,
avril
2010,
nº3068,
II-‐IV
p.
10
P.
Mennucci
pour
le
groupe
Faire
Gagner
Marseille,
maire
du
1e
et
7e,
élu
PS,
propos
retranscrits
dans
le
cadre
de
la
Mission
d´évaluation
des
PRI
(Périmètre
de
Restauration
Immobilière),
février
2010.
11
N.
Abouakil,
Marseille
reconquiert
son
centre
à
marche
forcée,
propos
recueillis
par
Alexandre
Nasri,
Le
15
disponibles
(Chap.2).
Elles
peuvent
être
comprises
donc
comme
des
hypothèses
de
travail.
Les
voici
:
Le
centre-‐ville
de
Marseille
attire
des
nouveaux
habitants,
notamment
des
classes
moyennes
et
supérieures,
mais
ne
les
retient
pas.
En
conséquence,
les
classes
populaires
ne
sont
pas
déplacées
comme
dans
de
nombreux
centres
autour
du
monde.
De
telle
sorte
le
processus
désormais
global
de
gentrification
peine
à
se
consolider
et
reste
dans
une
phase
marginale,
voire
n´a
pas
lieu.
Qu´en
est-‐il
réellement
?
Si
M.
Peraldi
déclarait
en
2002
que
«
Marseille,
seule
et
dernière
avec
Naples
sur
cette
rive
nord
de
la
Méditerranée,
est
une
ville
où
les
cultures
populaires
urbaines
sont
ancrées,
déployées,
épanouies,
tanquées
comme
on
dit
ici.
[Une
ville]
à
n´avoir
toujours
pas
complètement
conformé
son
centre
au
modèle
passe-‐partout
de
la
semi-‐piétonisation
et
du
parcours
touristique.
Elle
est
même
la
seule
qui
garde
encore
pour
quelques
temps
ses
étrangers
et
ses
pauvres
au
cœur
de
la
ville,
la
seule
encore
à
n´avoir
pas
subi
les
effets
concomitants
du
ravalement
complet
des
façades
et
de
la
gentrification
et
finalement,
au
grand
dam
de
nombre
d´aménageurs,
d´élus,
d´ingénieurs,
la
seule
dont
le
centre
est
pluriel,
disparate,
rassemblement
hétéroclite
de
goûts
et
de
passions
»
(2002
:13-‐14).
Dix
ans
après,
ceci
reste-‐t-‐il
entièrement
vrai?
Afin
de
proposer
des
éléments
de
réponse
à
ces
interrogations,
ce
mémoire
sera
organisé
en
deux
parties.
La
première
partie
de
cette
étude
sera
consacrée
à
la
construction
d´un
modèle
d´analyse
de
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
à
partir
de
la
notion
de
gentrification.
Après
une
courte
introduction
du
contexte
de
naissance
de
la
notion,
seront
passés
en
revue
les
principaux
débats
interprétatifs
qui
animent
depuis,
bientôt,
cinq
décennies
les
débats
dans
la
littérature
scientifique.
Un
zoom
particulier
sera
consacré
aux
débats
récents
sur
l´interprétation
des
variations
que
le
processus
connait.
De
cette
discussion,
on
fera
ressortir
la
posture
interprétative
qui
nous
parait
la
plus
pertinente
au
regard
des
enjeux
débattus,
mais
aussi
de
l´étude
de
cas.
La
deuxième
partie
de
ce
mémoire
relève
de
l´étude
de
cas
proposé
pour
tester
les
considérations
théorico-‐conceptuelles
présentées
avant.
Elle
sera
introduite
par
une
série
de
réflexions
méthodologiques
sur
la
démarche
de
connaissance
qui
sera
empruntée.
Une
fois
ce
cadre
posé,
il
sera
question
de
la
mise
en
examen
des
idées
reçues
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens.
De
telle
manière,
pourront
être
clarifiées
ces
idées
issues
du
sens
commun
au
regard
des
faits
documentés.
Ceci
devra
permettre
de
tirer
un
bilan
critique
des
données
de
connaissance
disponibles
et
notamment
de
pointer
les
principales
lacunes,
qui,
on
l´espère,
pourront
servir
de
pistes
pour
une
recherche
empirique
et
critique
à
poursuivre
dans
le
cadre
d´une
recherche
doctorale.
16
17
Partie
1
THÈME
DE
RECHERCHE
LE
PROCESSUS
DE
GENTRIFICATION
COMME
ANALYSEUR
DE
LA
RECOMPOSITION
SOCIALE
DES
QUARTIERS
CENTRAUX
La
première
partie
de
cette
étude
introduit
et
discute
le
thème
de
cette
recherche,
à
savoir,
l´analyse
de
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
de
Marseille
à
la
lumière
du
processus
de
gentrification
et
de
ses
effets.
De
façon
générale
il
s´agira
d´
expliciter
et
de
justifier
la
pertinence
de
la
posture
interprétative
postulée
dans
ce
mémoire
au
regard
des
principaux
débats
interprétatifs
sur
la
notion
de
gentrification.
Ce
prisme
d´analyse,
comme
il
sera
argumenté,
est
un
outil
théorico-‐conceptuel
incontournable
pour
approcher
différents
aspects
de
la
production-‐reproduction
de
l´espace
urbain
(LEFEBVRE,
1968
;
HARVEY,
1985,
2001),
des
processus
de
dévalorisation-‐revalorisation
des
quartiers
(SMITH
N.,
1983,
1987)
et
de
façon
plus
large
des
logiques
de
ségrégation
(JAILLET,
PERRIN,
MENARD,
2008).
Les
débats
interprétatifs
sur
la
gentrification
font
couler
de
l´encre
depuis
bientôt
cinq
décennies.
Ceci
n´est
pas
sans
importance
puisqu´ils
témoignent
à
la
fois
d´une
notion
qui
ne
cesse
d´intéresser
la
recherche
et
de
susciter
la
polémique.
D´autre
part,
la
notion
témoigne
en
elle
même
de
l´évolution
des
théories
sur
le
changement
urbain
et
social
et
de
façon
plus
large,
des
tendances
interprétatives
en
sciences
humaines
et
sociales
(SHAW,
2010).
De
telle
sorte,
la
discussion
qui
suit
ne
fait
que
synthétiser
les
principaux
conflits
et
postures
interprétatives.
Plus
précisément,
elle
concerne
la
définition
de
la
notion
(1.1),
l´explication
du
processus
(1.2),
mais
aussi
des
débats
sur
l´évaluation,
le
sens
et
la
valeur
de
maintenir
la
notion
face
aux
mutations
contemporaines
du
processus
(1.3),
en
particulier,
face
à
la
diffusion
de
la
gentrification
au
niveau
international
et
sa
généralisation
en
tant
que
stratégie
urbaine
(SMITH,
2002).
Dans
cette
dernière
sous-‐partie
on
aura
l´occasion
de
préciser
le
modèle
d´analyse
de
la
gentrification
qui
sera
ensuite
mobilisé
dans
l´étude
de
cas,
faisant
ainsi
ressortir
plus
clairement
notre
positionnement
interprétatif.
18
1.1.
Définir
la
gentrification
Fig.1
¨Ça
veut
dire
koi
gentrification¨,
tag
sur
un
mur
de
l´angle
de
la
rue
des
Abeilles
et
le
cours
Joseph
Thierry,
premier
arrondissement,
de
Marseille,
cliché
:
David
Mateos
Escobar,
janvier
2010.
Depuis
la
première
mention
du
néologisme
¨gentrification¨
au
cours
des
années
1960,
beaucoup
d´encre
a
coulé
autour
du
bien-‐fondé
de
telle
ou
telle
définition,
trop
souple
et
chaotique
ou
trop
rigide
et
peut
inclusive
des
mutations
du
processus,
au
point
d´interroger
sérieusement
la
viabilité
de
la
notion.
Définie,
parfois,
de
façon
très
réductrice
(discours
médiatiques,
politiques,
sens
commun),
la
gentrification
est
un
phénomène
complexe.
Dans
la
discussion
qui
suit,
trois
aspects
de
cette
complexité
seront
développés
:
premièrement,
il
s´agit
de
quelques
précautions
relatives
à
l´acte
même
de
définition.
En
effet,
la
définition
est
un
processus
en
perpétuel
réajustement
qui
ne
peut
être
conçu
indépendamment
de
l´explication
du
phénomène
observé.
De
telle
sorte,
l´acte
de
définition
est
un
acte
sélectif
et
partiel,
ce
qui
en
fait
un
acte
de
pouvoir
à
part
entière.
Face
à
ces
considérations,
il
s´agira
donc
d´avancer
quelques
éléments
de
justification
de
la
définition
qui
sera
employée
au
cours
de
ce
mémoire.
Deuxièmement,
afin
de
saisir
les
points
communs
et
les
spécificités
du
processus
de
gentrification,
il
paraît
important
de
rappeler
quelques
éléments
de
sa
généalogie
au
regard
des
mutations
que
le
processus
a
pu
connaitre
au
cours
des
dernières
décennies.
Ce
sera
aussi
l´occasion
de
faire
une
réflexion
sur
la
notion
d´embourgeoisement
qui
lui
est
souvent
préférée
dans
l´hexagone.
Enfin,
dans
un
troisième
temps,
il
sera
argumenté
que
si
les
définitions
du
processus
ont
tendance
à
s´ouvrir
à
une
multiplicité
de
formes
et
acteurs,
c´est
que
le
processus
lui
même
a
évolué,
certes,
mais
au
moins
tout
autant
que
les
regards
qui
l´interprètent
et
qui
changent
au
rythme
des
théories
sur
le
changement
urbain
et
social,
et
des
modes
interprétatives
propres
aux
sciences
sociales.
19
1.1.1.
De
l´acte
de
définition
comme
acte
de
pouvoir
Si
l´on
accepte
qu´aucun
phénomène
n´est
parfaitement
fixe
et
immuable
dans
le
temps
et
l´espace,
mais
qu´au
contraire
il
s´agit
de
processus
toujours
en
constant
réajustement.
Toute
définition
suit
le
même
parcours
perpétuel.
Dans
ce
sens,
il
est
largement
admis
que
c´est,
à
la
fois,
le
processus
de
gentrification
qui
a
beaucoup
changé
depuis
cinq
décennies
(LEES
et.
al.
2008,
2010;
SLATER
2007;
SHAW
2010),
mais
aussi
le
regard
que
les
commentateurs
portent
sur
lui.
Dans
ce
sens
il
est
pertinent
de
considérer,
à
la
fois,
la
gentrification
et
la
définition
du
phénomène,
comme
des
processus
en
perpétuel
réajustement.
En
1986,
R.
Beauregard
a
montré
comment
des
définitions
différentes
conduisaient
à
des
explications
différentes
de
la
gentrification.
Ainsi
il
a
mis
en
évidence
que
définir
c´est
aussi
expliquer,
et
que
les
deux
faisaient
indissociablement
partie
de
l´acte
plus
large
d´interprétation.
D´où
l´importance
de
considérer
que
la
gentrification
peut
avoir
une
multiplicité
de
sens
selon
le
point
de
vue
adopté
par
le
commentateur
(BEAUREGARD,
1986).
Il
va
de
soi
que
la
gentrification
ne
signifie
pas
la
même
chose
que
l´on
soit
ancien
ou
nouvel
habitant,
que
l´on
soit
commerçant,
locataire,
propriétaire,
promoteur
ou
investisseur,
que
l´on
soit
militant
de
quartier
ou
maire
de
secteur.
À
l´instar
de
L.
Lees
(et.
al.
2010)
«
la
gentrification
ne
veut
pas
dire
la
même
chose
qu´on
y
gagne
ou
qu´on
y
perde
»
(
:4).
Ainsi,
l´acte
de
définition
est
un
acte
sélectif
et
partiel.
Comme
l´exprime
bien
L.
Lees
(et.
al.,
2010)
:
«
La
définition
c’est
moins
ce
qui
apparait
que
ce
qui
n’apparait
pas,
ce
qui
est
cachée,
ignorée
ou
omis
»
(
:4).
Si
on
prend
en
compte
ces
considérations,
il
peut
être
conclu
que
l´acte
de
définition
est
un
«
acte
de
pouvoir
»
(idem),
dès
lors
qu´il
fait
prévaloir
une
vision
sur
une
autre.
En
ce
qui
concerne
la
notion
de
gentrification,
elle
est
d´autant
plus
un
acte
de
pouvoir
qu´au-‐delà
de
la
catégorie
d´analyse
scientifique,
la
notion
est
de
plus
en
plus
intégrée
au
vocabulaire
courant12
et
employée
par
des
groupes
avec
des
intérêts
très
différents.
Ainsi
des
groupes
militants
peuvent
vouloir
«
arrêter
la
gentrification
»,
la
¨combattre¨,
etc.,
tandis
que
d´autres
peuvent
voir
dans
celle-‐ci
une
panacée.
À
titre
d´exemple,
l´homme
politique
marseillais
P.
Mennucci
déclarait
en
voulant
témoigner
de
l´échec
des
opérations
de
restauration
immobilière
12
On
pourra
nous
reprocher
que
cela
est
plus
vrai
dans
les
pays
anglo-‐saxons
qu´en
France.
Certes.
Mais
la
notion
se
diffuse
rapidement,
en
particulier
dans
les
grandes
villes
de
l´hexagone,
parfois
les
médias
jouant
le
rôle
de
passeurs.
Pour
preuve
il
suffit
de
faire
une
requête
¨Google¨
dans
les
sites
français,
en
frappant
¨gentrification¨.
Cf.
Fig.
1
pour
un
exemple
à
Marseille.
20
(PRI)
dans
le
centre-‐ville
phocéen
:
«
Je
lance
un
appel
de
gentrification
à
Belsunce,
à
Noailles,
ça
me
dérangerait
pas
du
tout.
Si
on
pouvait
améliorer
les
choses.
»13.
Conscients
de
ces
précautions,
il
est
important
pour
mieux
communiquer
par
la
suite,
de
justifier
le
choix
de
la
définition
qui
sera
employée
tout
le
long
de
ce
mémoire14.
Cette
définition,
socle
du
modèle
d´analyse
qui
sera
précisé
plus
tard
(partie
1.3),
est
celle
dont
le
sens
correspond
le
plus
avec
l´idée
que
l´auteur
se
fait
du
processus
de
part
ses
lectures,
son
expérience,
mais
aussi
de
sa
sensibilité
intellectuelle
et
politique.
Parmi
les
aspects
qu´elle
met
en
avant
c´est
notamment
le
fait
qu´elle
soit
synthétique,
inclusive
et
critique.
Synthétique
en
ce
qu´elle
articule
les
contributions
de
plusieurs
auteurs,
mais
aussi
en
ce
qu´elle
décrit
le
phénomène
de
façon
suffisamment
générale
-‐mais
précise-‐
pour
ne
pas
exclure
des
formes
locales
ou
spécifiques.
Dans
ce
sens
elle
est
aussi
inclusive.
Enfin,
elle
est
critique
en
ce
qu´elle
souligne
le
rôle
des
politiques
urbaines
dans
sa
mise
en
œuvre,
parce
qu´elle
met
en
avant
la
dimension
de
¨classe¨,
facteur
qui
réactualise
la
généalogie
de
la
notion,
tout
autant
que
la
critique
des
conséquences
qui
sont
associées
au
processus.
Puisque
cette
définition,
de
part
son
caractère
général,
a
l´avantage
de
permettre
la
comparaison
avec
d´autres
formes
de
recomposition
urbaine
et
sociale
dans
le
temps,
il
parait
important
de
faire
un
détour
par
la
généalogie
de
la
notion
pour
comprendre
mieux
les
points
communs
et
les
spécificités
de
ce
processus.
«
L’un
après
l’autre,
beaucoup
de
quartiers
populaires
de
Londres
ont
été
envahis
par
les
classes
moyennes
–
supérieures
et
inférieures.
Des
petites
maisons
modestes
et
en
piteux
état
–
deux
pièces
au
rez-‐de-‐chaussée,
deux
pièces
à
l’étage
–
ont
été
reprises
en
fin
de
bail
et
sont
devenues
des
résidences
chères
et
élégantes.
Des
maisons
victoriennes
plus
grandes,
dégradées
depuis
plus
ou
moins
longtemps
et
qui
avaient
été
divisées
en
appartements
ou
transformées
en
meublés,
ont
retrouvé
leur
lustre.
Quand
ce
processus
de
‘gentrification’
commence
dans
un
quartier,
il
se
13
Peut-‐on
miser
sur
2013
?
Débat
public
organisé
par
le
mensuel
le
Ravi,
le
4
octobre
2010,
au
cinéma
production
de
l´espace
urbain
pour
des
usagers
plus
nantis
(Hackworth
2002:815)
et
qui
requiert
du
déplacement,
ou
de
l´exclusion,
des
habitants,
des
commerces
et
des
usages,
de
moindre
statut…[elle]
est
mise
en
œuvre
par
l´agence
combinée
d´acteurs
publics
et
privés
»
(PORTER,
SHAW,
2009
:)
21
poursuit
rapidement
jusqu’à
ce
que
la
plupart
des
habitants
ouvriers
d’origine
aient
été
évincés
et
que
l’ensemble
du
profil
social
du
quartier
ait
été
changé.
»
(GLASS,
1964
:
xiii–xlii
)15
Il
n´est
pas
inutile
de
préciser
tout
de
suite
que
la
notion
de
gentry
qui
désignait
traditionnellement
la
petite
noblesse
non-‐titrée
dans
la
structure
de
classe
rurale
anglaise
des
18e
et
19e
siècles,
n´avait
chez
R.
Glass
qu´une
valeur
de
métaphore,
en
accord
avec
M.
Van
Criekingen
(2008)
qui
saisit
bien
l´image
:
«
comme
si
une
petite
noblesse
–la
gentry
britannique-‐
s’appropriait
une
portion
de
la
ville
laissée
jusque-‐là,
comme
en
dépôt,
à
des
ouvriers,
des
familles
immigrées,
des
petits
pensionnés…au
prix
de
l’éviction
de
ces
derniers.
»
(:72).
En
France,
un
certain
nombre
de
chercheurs
ont
dénoncé
l´importation
de
la
notion
en
faisant
(volontairement
?)
abstraction
de
l´usage
métaphorique
de
la
¨petite
noblesse¨
dans
la
notion
anglaise
et
en
argumentant
l´erreur
sociologique
qu´induisait
ce
prisme
d´analyse.
En
effet,
comme
l´a
montré
E.
Preteceille
(2007),
«
le
processus
par
lequel
les
quartiers
ouvriers
ont
été
réinvestis
par
des
classes
moyennes
et
supérieures
pour
faire
leurs
lieux
de
résidence
était
jusque
là
décrit
sous
le
terme
d’embourgeoisement
»
(:10)
en
France.
On
comprendra
donc
que
la
notion
de
gentrification
n´ai
pas
trouvé
un
accueil
très
rapide
dans
l´hexagone
et
que
la
notion
d´embourgeoisement
lui
soi
couramment
préférée
(LEVY,
LUSSAULT,
2003).
Or,
l´étymologie
de
gentry
nous
apprend
que
celle-‐ci
est
un
emprunt
de
la
langue
anglaise
à
la
langue
française
!
«
Gentry
c.1300,
from
O.Fr.
[old
french]
genterise,
variant
of
gentilise
"noble
birth,
gentleness,"
from
gentil
»16.
Exit
les
frilosités
linguistiques.
En
revanche,
si
la
notion
d´embourgeoisement
ne
doit
plus
se
remplacer
à
celle
de
gentrification,
c´est
que
le
processus
qui
est
décrit
n´est
pas
tout
à
fait
le
même
et
l´amalgame
peut
induire
en
erreur
grave.
Si
la
notion
de
gentrification
suggère
un
processus
de
déplacement-‐exclusion
sociale,
celui
d´embourgeoisement
décrit
à
son
tour
le
processus
par
lequel,
la
transformation
des
modes
d’habiter,
de
consommer
et
de
sociabiliser
des
ouvriers
les
conduisaient
à
perdre
tout
sentiment
d´agrégation
à
la
classe
ouvrière.
C´est
à
dire
que
l´un
implique
le
déplacement
spatial
et
symbolique,
tandis
que
l´autre
implique
un
processus
de
mobilité
sociale
et
culturelle.
C´est
dans
tous
les
cas
le
sens
de
l´embourgeoisement
qui
se
dégage
des
travaux
du
sociologue
Henri
Coing,
précurseur
dans
les
années
1960-‐1970
des
études
sur
la
notion,
lorsqu´il
décrit
comment
la
rénovation
urbaine
accélérait
les
transformations
de
la
ville,
mais
surtout,
l´érosion
d´une
classe
ouvrière
par
ailleurs
en
perte
de
repères.
Henri
Coing
rappel
que
les
ouvriers
qui
étaient
relogés
dans
les
logements
modernes
construits
sur
d´anciens
bidonvilles
et
quartiers
anciens,
15
Traduction
de
Anais
Collet,
2010,
Générations
de
classes
moyennes
et
travail
de
gentrification.
Changement
social
et
changement
urbain
dans
le
Bas
Montreuil
et
à
la
Croix-‐Rousse,
1975-‐2005,
Thèse
doctorale,
Groupe
de
Recherche
sur
la
Socialisation,
Université
Lumière
Lyon
2,
p.28-‐29.
16
http://www.etymonline.com
(consulté
le
16
Juin
2010)
22
se
demandaient
:
«
est-‐ce
que
je
ne
suis
pas
entrain
de
devenir
un
bourgeois
?
»17
et
les
ménages
exclus
du
relogement
à
propos
de
leurs
anciens
voisins
:
«
ça
y
est
!
Ils
se
sont
embourgeoisés
»18.
Il
n´est
pas
vain
non
plus
de
rappeler
que
lorsque
en
1964
R.
Glass
emploie
pour
la
première
fois
le
terme
de
gentrification,
celle-‐ci
cherchait
avant
tout
à
décrire
le
processus
de
changement
social
et
urbain
qu’elle
observait
dans
les
quartiers
populaires
et
ouvriers
du
centre
de
Londres
de
façon
critique.
Le
Oxford
Dictionary
of
National
Biography
nous
apprend
que
la
conceptualisation
du
phénomène
n´a
jamais
vraiment
intéressé
R.
Glass,
qui
en
revanche
cherchait
à
formuler
une
critique
de
la
recomposition
sociale
élitiste
qu´elle
observait
et
qui
devait
servir
à
influencer
les
politiques
publiques
dans
l’intérêt
des
classes
opprimées.
Bien
que
la
recherche
sur
la
gentrification
semble
avoir
perdu
de
vue
pendant
quelques
décennies
cette
objectif
(SLATER,
2006),
il
semblerait
que
la
critique
du
processus
et
de
ses
effets
soient
de
retour
dans
les
travaux
d´un
certain
nombre
de
chercheurs,
aussi
bien
dans
la
littérature
anglo-‐
saxonne
(ATKINSON,
2001
;
ATKINSON,
BRIDGE,
2005
;
ATKINSON
et.
al.
2011,
LEES,
2004,
LEES
et.
al.,
2009,
2010
;
SHAW,
2008
;
SLATER
2006,
2009,
2010)
que
française
(CLERVAL,
2008
;
FIJALKOW,
2011).
Enfin,
il
paraît
important
de
distinguer
l’invention
d´un
néologisme
et
l’origine
d´un
phénomène.
À
l´instar
de
Neil
Smith,
«
bien
que
Ruth
Glass
ait
formulé
le
terme
en
1964
pour
la
première
fois,
il
parait
peu
prudent
de
présumer
qu’on
ai
là
l’origine
du
phénomène
»
(SMITH,
1996
:34).
Dans
cette
perspective,
certains
commentateurs
voient
dans
l’hausmannisation
de
Paris
et
des
grandes
villes
française,
d´une
part,
et
dans
la
rénovation
urbaine
(et
urban
renewal)
des
années
1950-‐1970,
de
l´autre,
les
précurseurs
du
processus
décrit
par
la
notion
de
gentrification.
Ces
vagues
de
«
destruction
créative
» 19
laissant
croire
à
une
«
gentrification
avant
l’heure
»
(HARVEY,
1991
:17).
Comme
a
montré
le
géographe
marxiste
anglo-‐américain,
David
Harvey,
un
bon
historien
de
la
ville
pourrait
facilement
retrouver
les
notions
par
lesquelles
se
sont
exprimées
dans
le
temps
les
processus
précurseurs
de
la
gentrification20.
Dans
le
fond,
si
«
chaque
terme
à
sa
petite
histoire
»
(LEES,
et.
al.,
2008
:6)
et
donc
ses
spécificités,
le
fil
d´Ariane
demeure
la
production
de
la
ville
en
faveur
des
classes
moyennes
et
supérieures
impliquant
l´exclusion
des
anciens
habitants
de
moindre
statut.
La
question
n´étant
pas
de
négliger
les
spécificités
de
chaque
période
et
de
chaque
processus.
Ce
rappel
veut
juste
pointer
l´importance
de
distinguer
¨la
notion¨
du
¨phénomène¨
et
ainsi
interroger
la
pertinence
de
définitions
par
trop
étroites
et
rigides.
17
Henri
Coing,
Retour
dans
l’ilôt
4
»
un
film
de
Catherine
Tissier,
d’après
une
idée
de
Yankel
Fijalkow,
2008
:
6
min
30sec
18
Ibid
:
20
min
27
sec
19
dixit
Joseph
A.
Schumpeter
(1942),
cité
par
Harvey,
1991
:17
20
in
(CLARK,
2005
:258)
23
1.1.3
C´est
le
monde
qui
change
ou
le
regard
que
nous
posons
sur
lui
?
Comme
nous
venons
de
voir,
la
conceptualisation
de
la
notion
est
le
fruit
de
travaux
postérieurs
au
travail
fondateur
par
R.
Glass,
qui
ne
proposa
qu´une
description
mais
sans
poursuite
du
travail
de
conceptualisation
qui
aurait
nécessité
d´une
définition.
Ainsi,
les
premières
définitions
du
processus
ont
été
très
précises
et
plus
ou
moins
fidèles
à
la
description
de
R.
Glass.
En
témoigne
la
définition
qu´a
proposé
Neil
Smith
en
1982
:
«
par
gentrification
j’entends
le
processus
par
lequel
les
quartiers
résidentiels
des
classes
ouvrières
sont
réhabilités
par
des
classes
moyennes
accédant
à
la
propriété,
des
propriétaires
privés
et
des
promoteurs.
Je
fais
la
distinction
théorique
entre
gentrification
et
redéveloppement.
Le
redéveloppement
n’implique
pas
forcement
la
réhabilitation
de
vieilles
structures
par
la
construction
de
nouveaux
immeubles
dans
des
espaces
construits
auparavant
»
(SMITH,
1982
:139).
Deux
décennies
après,
dans
les
années
2000,
la
gentrification
est
souvent
comprise
comme
un
processus
beaucoup
plus
large,
«
impliquant
la
restructuration
généralisée
des
lieux
centraux
pour
les
clases
moyennes
et
supérieures
»
(SHAW,
2008
:1698),
avec
des
nouveaux
acteurs
dont
l´action
publique
et
le
capital
financier
(HACKWORTH,
SMITH,
2007).
Aussi
elle
présente
de
nouvelles
formes
que
la
simple
réhabilitation
de
l´ancien
(LEES,
2000),
par
exemple,
la
construction
neuve
ou
new
built-‐gentrification,
ou
encore
des
phases
de
super-‐gentrification21,
dans
lesquels
le
processus
de
ségrégation
¨par
le
haut¨
atteint
des
sommets
bien
au-‐delà
des
premières
phases
de
la
gentrification
désormais
dite
¨classique¨
(LEES,
2003).
De
nos
jours,
il
est
largement
admis
que
la
gentrification
est
devenu
en
quelques
années
de
phénomène
marginal
à
stratégie
urbaine
globale,
expression
urbaine
de
la
mondialisation
économique
et
culturelle
néolibérale.
Pour
reprendre
la
description
de
R.
Atkinson
et
G.
Bridge,
la
gentrification
«
n´est
plus
exclusive
des
villes
occidentales.
Désormais,
les
processus
de
transformation
et
de
colonisation
des
quartiers
liés
à
la
concentration
croissante
de
nouvelles
classes
moyennes
sont
observables
à
Shanghai
comme
à
Sydney
ou
Seattle.
Le
centre
des
débats
sur
la
gentrification
ne
porte
plus
exclusivement
sur
les
villes
¨globales¨.
Le
phénomène
est
maintenant
observé
dans
des
nouveaux
centres
métropolitains
régionaux
comme
Leeds
(R.U)
ou
Barcelone
(ESP),
ainsi
que
dans
une
bonne
partie
des
villes
capitales
jusque
là
étrangères
au
phénomène
:
Moscow,
Bruxelles
et
Berlin.
Parallèlement,
à
San
Francisco,
Londres,
New
York
et
Melbourne,
foyers
¨traditionnels¨
de
la
gentrification,
on
observe
désormais
la
radicalisation
du
processus.
Enfin,
pour
certains,
la
gentrification
n´est
même
plus
un
phénomène
propre
à
l´urbain,
en
21
«
Lorsque
l´avancement
de
la
gentrification
implique
que
les
nouveaux
habitants
dépassent
une
tranche
de
revenus
déjà
élevées,
par
exemple,
lorsque
des
cadres
supérieures
¨déplacent¨
des
professeurs
universitaires.
»
(Shaw
2008,
1705);
vision
simpliste,
peut
être,
mais
tout
aussi
éclairante.
24
invoquant
des
exemples
de
gentrification
¨rurale¨
au
Royaume-‐Uni
et
dans
l´Etat
de
New
York
(Philips
1993,
D.
Smith
2003)
»
(2005
:1).
Ainsi,
de
1964
à
nos
jours,
la
gentrification
semble
être
passée
d´anomalie
locale
à
stratégie
urbaine
globale,
au
rythme
de
deux
mouvements
concomitants
:
la
diffusion
du
processus
suivant
un
«
effet
de
cascade
»
(LEES,
et.
al.,
2008
:171)
du
haut
vers
le
bas
des
hiérarchies
urbaine
et
le
passage
de
processus
marginal
à
stratégie
urbaine
de
développement
(SMITH,
2002
;
LEES,
et.
al.,
2008
;
BIDOU,
2003).
Il
est
de
plus
en
plus
admis
que
la
généralisation
de
la
gentrification
en
tant
que
stratégie
urbaine
de
développement
repose
sur
plusieurs
mouvements
:
de
plus
en
plus
de
villes
mettent
en
place
des
stratégies
de
¨reconquête¨
de
leurs
centralités
;
elles
sont
fondamentalement
basées
sur
l´attraction
de
firmes,
capitaux
et
ressources
humaines
positionnés
sur
des
marchés
internationaux
;
leur
objectif
est
de
repositionner
les
villes
dans
la
concurrence
urbaine
régionale
et
internationale
pour
la
captation
et
la
concentration
des
flux
matériels
et
immatériels
de
la
mondialisation22.
En
tant
que
nouvelle
orthodoxie
urbaine,
la
gentrification
est
aussi
vue
comme
un
processus
d’homogénéisation
de
la
production
urbaine
et
de
l´urbanité.
Ce
qui
au
regard
de
certains,
constitue
l´expression
spatiale
d´une
forme
de
néocolonialisme
(ATKINSON,
BRIDGE,
2005).
Bien
loin
du
phénomène
marginal
et
local
décrit
presque
cinquante
ans
auparavant,
la
gentrification
est
devenue
aux
yeux
de
nombreux
commentateurs
une
expression
et
un
analyseur
incontournable
des
transformations
urbaines
et
des
processus
d´exclusion
liés
à
la
mondialisation
économique
et
des
sociétés.
La
gentrification
est
désormais
une
caractéristique
essentielle
des
transformations
urbaines
contemporaines
qui
témoigne
d´une
grande
variété
d´expressions.
Or,
comme
le
rappel
K.
Shaw
(2008),
«
parmi
la
diversité
de
ses
expressions,
il
y
a
toutefois
un
point
commun:
ceux
qui
ne
peuvent
pas
consommer
ne
sont
pas
les
bienvenus
»
(:1698).
La
façon
d´aborder
les
effets,
notamment
négatifs,
constitue
un
élément
essentiel
qui
permet
de
mieux
comprendre
les
variations
des
définitions
du
processus.
Comme
il
a
été
dit,
dans
l´usage
du
néologisme
par
R.
Glass,
la
dimension
critique
des
effets
de
la
gentrification
était
centrale.
En
fait,
la
question
du
déplacement-‐exclusion
des
classes
de
moindre
statut
a
occupé
un
rôle
prépondérant
dans
les
premières
études
empiriques
du
phénomène
dans
les
années
1970-‐1980
22
Nous
avons
vu
dans
l´introduction
que
toutes
les
interprétations
de
la
¨reconquête¨
du
centre-‐ville
de
Marseille
vont
aussi
dans
le
sens
d´une
restructuration
de
l´économie
urbaine.
Pour
une
lecture
de
la
gentrification
à
Marseille
comme
une
caractéristique
du
processus
d´internationalisation
et
de
métropolisation
de
la
ville,
Jourdan
S.,
2006,
Un
cas
aporétique
de
gentrification
:
le
cas
de
Marseille,
Mémoire
DEA
de
Géographie,
dirigé
par
Brigitte
Bertoncello,
Université
de
Provence,
175
p.
25
(LEES,
et.
al.,
2010
;
SLATER,
2006)23.
Or,
comme
le
montre
L.
Lees
(et.
al.,
2009,
2010),
la
recherche
sur
la
gentrification
s´est
éloignée
de
la
recherche
empirique
sur
les
effets
du
processus,
emportée
pendant
près
de
deux
décennies
dans
des
débats
théorico-‐conceptuels
sur
la
définition
et
l´explication
du
processus
et
puis
sur
les
modes
de
vie
et
les
logiques
d´action
des
nouvelles
classes
moyennes.
Ainsi
le
centre
focal
de
la
recherche
sur
la
gentrification
s’est
progressivement
déplacé
vers
d´autres
questions
conduisant
à,
ce
que
T.
Slater
(2006)
a
décrit
comme,
«
l´éviction
des
perspectives
critiques
»
de
la
recherche
sur
la
gentrification.
Ne
voulant
pas
accélérer
la
démonstration,
on
reviendra
sur
cette
question
plus
tard
à
l´occasion
de
la
justification
du
modèle
d´analyse
qui
sera
proposé
(partie
1.3.4).
Pour
l´instant,
suite
à
cette
discussion
sur
les
variations
des
définitions
de
la
gentrification,
il
paraît
important
de
discuter
sur
l´évolution
des
principales
postures
explicatives
du
processus.
23
Pour
la
discussion
la
plus
complète
et
actualisée
sur
les
effets
négatifs
de
la
gentrification,
Atkinson
,
R.
et
al.
(2011)
Gentrification
and
displacement:
the
household
impacts
of
neighbourhood
change,
AHURI
Final
Report,
No.160.
Melbourne:
Australian
Housing
and
Urban
Research
Institute.
26
1.2
Expliquer
la
gentrification
Fig.2,
«
Le
plan
».
Une
explication
simpliste
toutefois
intéressante
de
la
gentrification
comme
le
résultat
d´un
complot
des
¨blancs¨
fuyant
les
¨minorités
raciales¨.
Elle
expliquerait
de
passage
le
phénomène
de
suburbanisation.
Tom
Toles,
publié
dans
le
journal
Buffalo
News,
1998.
Consulté
sur
:
http://thinkprogress.org,
16
septembre
2012.
Depuis
près
de
cinq
décennies
les
postures
interprétatives
évoluent
au
même
rythme
que
les
théories
sur
le
changement
urbain
et
social
et
de
leur
explication
en
sciences
sociales.
Comment
en
rendre
compte
?
Comme
K.
Shaw
(2008)
on
pense
qu´il
peut
être
pertinent
de
les
placer
dans
un
spectre
traduisant
le
degré
d´inévitabilité
dans
lequel
les
postures
interprétatives
situent
la
gentrification.
Ainsi,
elles
vont
de
l´écologie
sociale,
selon
laquelle
la
gentrification
est
inévitable,
à
la
théorie
néoclassique
de
la
consommation
selon
laquelle
rien
n´est
inévitable,
en
passant
par
l´économie
politique
et
les
analyses
postmodernes
de
la
culture
et
la
consommation.
Cette
lecture
semble
pertinente
en
ce
qu´elle
permet
de
dépasser
une
approche
diachronique
des
27
tendances
explicatives
et
de
mettre
en
avant
les
points
communs
de
certaines
postures
interprétatives,
pourtant
éloignées
dans
le
temps.
Enfin,
si
pendant
près
de
trois
décennies
s´est
installé
ce
qui
s´apparentait
à
un
clivage
explicatif
indépassable
entre
tenants
des
explications
«
par
le
haut
»
et
«
par
le
bas
»,
on
verra
que
de
nos
jours
la
complémentarité
des
deux
approches
est
largement
admise,
ce
qui
semblerait
avoir
conduit
les
débats
sur
d´autres
plans
tels
que
la
prise
en
compte
des
mutations
de
la
gentrification
et
l´évaluation
de
ses
effets
(partie
1.3).
1.2.1
La
pensée
écologique
:
un
processus
naturel
voué
à
rester
marginal
La
pensée
écologique
explique
l’organisation
des
villes
comme
le
résultat
de
l´ajustement
¨organique¨
des
structures
physiques,
sociales
et
technologiques.
Selon
cette
lecture
assez
déterministe,
villes
et
quartiers
traverseraient
des
cycles
successifs
de
déclin
et
de
renouveau
tout
le
long
de
leur
¨vie¨.
Dans
cette
perspective,
les
conditions
urbaines
existantes
ou
en
cours
sont
vues
comme
inéluctables.
Au
cours
des
années
1970
et
sur
fond
de
crise
socioéconomique
mondiale,
la
gentrification
dans
les
grandes
villes
britanniques
et
surtout
étasuniennes
a
été
interprétée
comme
un
ajustement
naturel
des
structures
résidentielles,
sociales
et
foncières
de
la
ville
en
période
de
récession.
La
crise
pétrolière
du
début
des
années
1970
aurait
tellement
impacté
les
prix
des
combustibles
et
donc
le
budget
¨transport¨
des
ménages
classe
moyenne,
qu´après
des
décennies
de
¨fuite
vers
le
périurbain¨,
le
¨retour
en
ville¨
aurait
alors
représenté
une
solution
contextuelle
et
«
contre-‐
cyclique
».
De
cette
manière
la
gentrification
défiait
les
principales
théories
de
la
localisation
résidentielle
et
des
structures
sociales
urbaines
de
la
pensée
écologique
(HAMNETT,
1984
;
SHAW,
2008).
Ainsi,
au
regard
du
modèle
en
¨anneaux
concentriques¨
de
E.
Burges
(1925),
de
la
¨théorie
des
secteurs¨
ou
de
celle
de
¨noyaux
multiples¨
de
Harris
&
Ullman
(1939
et
1945)
(AUTHIER,
BIDOU,2008),
la
gentrification
serait
une
anomalie,
un
processus
marginal
censé
disparaitre
après
la
récession.
Or,
B.
Berry
(1985)
a
montré
que
la
gentrification
allait
dans
le
sens
du
cycle
du
marché
immobilier
des
grandes
villes
étasuniennes,
démentant
ainsi
l´idée
d´un
phénomène
contre-‐cyclique.
Sans
aller
toutefois,
jusqu´a
contredire
l´idée
d´une
exception
historique,
il
a
décrit
de
façon
métaphorique
les
centres
comme
des
«
mers
de
déclin
»
dans
lesquels
la
gentrification
pouvait
produire
des
«
archipels
de
renouvèllement
»,
à
condition
que
l´économie
des
services,
les
centres
de
direction
et
autres
activité
qui
tirent
profit
de
la
centralité
soient
développées.
K.
Shaw
(2008)
voit
ces
argumentations
comme
étant
«
très
courantes
chez
les
tenants
du
réinvestissement,
ceux
qui
tirent
profit
et
qui
contribuent
au
changement,
souvent
avec
le
soutien,
dit
¨neutre¨,
des
politiques
urbaines
publiques
et
de
l´aval
des
médias
(Rose
1984).
Ces
analyses
ne
manquent
pas
seulement
de
substance
car
déterministes
et
trop
réductrices),
mais
elles
sont
aussi
28
insidieuses
parce
qu´elles
ne
prennent
pas
en
considération
le
rôle
des
différents
systèmes
d´action
dans
la
production
de
la
ville
(Deutsche
1996),
réduisant
ainsi
les
individus
et
leur
agence
à
de
simples
engrenages
de
la
machine
¨organique¨
qu´est
la
ville.
Les
tenants
de
ces
analyses
militent
assez
activement
contre
toute
forme
d´intervention
pour
changer
le
sens
des
conditions
urbaines
existantes
(Castells
1983;
Sandercock
1998;
K.
Shaw
2005b)
»
(
:1714).
C´est
à
partir
de
cette
idée,
socle
de
la
théorie
culturelle
de
la
consommation
néo-‐classique,
que
J.
Caulfield
(1994)
a
tenté
d´expliquer
pourquoi
les
centres
anciens
devenaient
attractifs
pour
les
classes
moyennes
et
supérieures
alors
que
pour
la
génération
précédente,
ces
espaces
représentaient
la
concentration
de
tous
les
maux
de
la
ville.
Sous
cet
angle,
la
gentrification
est
alors
le
produit
de
la
transformation
des
valeurs
morales
et
des
styles
de
vie
des
classes
moyennes.
J.
Caulfield
va
plus
loin
dans
l´interprétation
de
l´émergence
de
nouveaux
choix
de
consommation
en
postulant
que
les
¨pionniers¨
de
la
gentrification
sont
les
agents
de
la
subversion
de
la
domination
culturelle
«
suburbaine
».
Vue
ainsi,
la
gentrification
serait
une
pratique
émancipatrice
pour
les
nouvelles
classes
moyennes
face
aux
modes
de
vie
¨traditionnels¨
et
¨conformistes¨
des
zones
pavillonnaires
périurbaines.
Pour
J.
Caulfield,
la
clef
de
compréhension
du
processus
est
donc
à
trouver
dans
l´investigation
de
ce
qui
est
à
l’origine
de
ce
bouleversement
de
valeurs
et
du
changement
des
choix
de
consommation.
Dans
cette
perspective
la
gentrification
n´est
absolument
pas
inévitable,
car
subordonnée
à
la
constitution-‐
reproduction
d’une
nouvelle
classe
moyenne
«
marginale
»
et
«
contre-‐culturelle
»
en
quête
d’un
univers
propre
et
dont
les
stratégies
de
distinction
et
de
reproduction
sociale
s´expriment
spatialement
dans
la
recherche
d´une
certaine
localisation
résidentielle.
24
G.
Boulay,
2011,
p.63
conseil
pour
un
commentaire
de
ces
hypothèses
cf.
DERYCKEP.H.,
1996,
"Equilibre
spatial
urbain",
in
P.H.
DERYCKE,
J.M.
HURIOT,
PUMAIN
D.
(dirs.),
1996,
Penser
la
ville,
théories
et
modèles,
Anthropos,
p.
53-‐90
29
Au
regard
de
ce
qui
vient
d´être
dit,
on
ne
peut
pas
faire
l'économie
de
commenter
le
premier
modèle
de
la
gentrification,
réalisé
par
P.
L.
Clay
en
1979,
qui
explique
le
développement
du
processus
selon
des
étapes
bien
définies
(Fig.3).
Étape
0.
Des
quartiers
en
position
centrale
se
dévalorisent
et
sont
stigmatisés.
Étape
1.
Des
acteurs
individuels
souvent
appartenant
à
des
secteurs
contre-‐culturels
de
la
société
et
défiant
les
attentes
et
valeurs
suburbaines,
jouent
le
rôle
de
pionniers
en
assumant
le
risque
de
s’installer
dans
des
quartiers
dévalorisés
et
stigmatisés.
Ces
pionniers
deviennent
les
déclencheurs
d’un
phénomène
de
réinvestissement
immobilier
qualifié
de
spontané.
Étape
3.
Le
processus
se
consolide
avec
l’aide
des
medias
qui
portent
un
nouvel
intérêt
pour
les
quartiers
en
«
transformation
»
ou
en
«
renaissance
».
L’intérêt
des
médias
valide
le
risque
entreprit
par
les
pionniers
et
fournit
la
confiance
nécessaire
pour
attirer
des
ménages
de
professionnels
appartenant
aux
classes
moyennes
et
supérieures
plus
prudents
et
stables
dans
leurs
investissements
et
modes
de
vie.
Le
déplacement
des
anciens
habitants
de
moindre
statut
se
généralise.
Étape
4.
Les
pionniers
et
les
petites
classes
moyennes
subissent
les
effets
de
la
pression
immobilière
issue
de
la
forte
demande
des
élites
et
des
cadres
supérieurs
sur
ces
quartiers.
Ceux
qui
furent
à
l’origine
les
gentrifieurs
deviennent
les
gentrifiés.
Le
quartier
auparavant
dévalorisé
et
stigmatisé
accède
au
top
de
la
hiérarchie
des
quartiers
de
la
ville.
La
recomposition
sociale
élitiste
des
quartiers
s´achève.
Fig.3
Principales
étapes
du
modèle
de
la
gentrification
dite
¨classique¨
réalisé
par
Phillip
L.
Clay
en
1979,
selon
L.
Lees
et.
al.,
2008;
(traduction
personnelle)
Bien
que
ce
premier
modèle
ait
donné
lieu
à
de
nombreuses
critiques
et
réajustements
-‐trop
simpliste
dans
l’explication
du
processus,
trop
rigide
concernant
la
direction,
la
vitesse
et
le
sens
du
processus-‐
la
métaphore
des
étapes
est
depuis
largement
intégrée
à
la
pensée
de
la
gentrification.
En
accord
avec
Lees
(et
al.,
2010),
“même
si
la
simplicité
des
premiers
modèles
cède
le
pas
à
une
pluralité
des
configurations
contemporaines,
l’essence
fondamentale
–l’idée
selon
laquelle
il
y
a
des
étapes
discernables,
des
phases,
voire
l’alignement
de
certaines
causes
et
effets
à
des
trajectoires
particulières-‐
est
largement
partagée.
Certes,
il
y
a
des
variations
dans
le
détail
des
propos
sur
les
spécificités
de
chaque
quartier.
Mais
pratiquement
tout
le
monde
est
d’accord
avec
30
les
suppositions
et
la
métaphore
des
étapes:
direction,
vitesse,
sens
du
processus
et
l’existence
d’un
momentum
»
(
:34).
Le
modèle
en
étapes
de
P.
L.
Clay
demeure
l´expression
stéréotype
de
la
gentrification
(CRIEKINGEN,
DECROLY,
2003
:2452).
Si
on
fait
un
retour
à
la
vision
très
libérale
de
la
théorie
culturelle
de
l´économie
néoclassique,
l´idée
de
l´harmonisation
des
choix
de
consommation
dans
un
lieu
et
à
un
temps
précis
reste
t-‐
elle
viable
face
à
l´internationalisation
du
processus
?
Si
on
partage
le
raisonnement
de
K.
Shaw,
la
réponse
est
«
non
».
Elle
explique
que
«
le
principal
problème
pour
les
tenants
de
l´explication
culturelle
des
choix
de
consommation
est
que
celle-‐ci
implique
un
changement
à
l´unisson,
non
seulement
national,
mais
international
»
(SHAW,
2008
:1715).
D´autant
plus
que
l´idée
selon
laquelle
les
centres
anciens
dégageraient
un
¨charme
existentiel¨
qui
répondrait
aux
désirs
et
autoreprésentation
des
nouvelles
classes
moyennes
(CAULFIELD,
1994)
interroge
alors
le
rôle
même
du
¨choix¨.
S´agirait-‐il
toujours
de
¨choix¨
libre
?
Ou
bien,
certaines
conditions
(à
la
fois
économiques
et
culturelles)
produiraient-‐elles
des
réponses
similaires,
sans
importance
du
contexte
historique
et
spatial
?
Autrement
dit,
«
pourquoi
des
masses
d´individus
appartenant
à
des
cultures
différentes
du
monde
du
capitalisme
avancé,
éprouveraient-‐elles
simultanément
le
besoin
d´accéder
à
la
propriété
dans
le
pavillonnaire
et,
cinquante
ans
après,
d´acheter
un
loft
en
ville
avec
du
parquet
au
sol
:
à
moins
qu´une
très
puissante
logique
internationale
en
cours
ne
permette
de
l´expliquer
?
»
(SHAW,
2008
:1715).
K.
Shaw
a
montré
qu´il
y
avait
suffisamment
d´éléments
qui
poussaient
à
croire
que
la
gentrification,
à
l´image
de
la
périurbanisation
dans
les
années
1950-‐1970,
était
le
résultat
de
restructurations
économiques
globales
qui
influençaient
en
retour
les
choix
culturels.
La
liberté
de
choisir
ce
que
l´on
consomme
étant
plus
contrainte
par
les
¨options
disponibles¨,
qu´une
lecture
libérale
ne
le
supposerait
:
«
Tout
comme
les
nouvelles
maisons
des
suburbs
il
y
a
50
ans,
les
lofts
en
centre-‐ville
ou
les
appartements
de
standing
en
front
d’eau,
sont
désormais
-‐non
seulement
disponibles-‐
mais
fortement
promotionnés
dans
les
magazines
people
et
par
les
promoteurs
immobiliers»
(idem).
Les
choix
de
consommation
ne
sont
pas
totalement
libres,
puisque
structurés
par
l´offre
?
Qui
structure
quoi
?
L´offre
fait
la
demande
ou
c´est
l´inverse
?
31
les
points
communs
entre
les
multiples
expressions
du
processus
de
gentrification
dans
des
contextes
géographiques
différents.
Selon
K.
Shaw
(2008),
le
pouvoir
interprétatif
de
ces
deux
postures
est
d´autant
plus
fort
par
l´opposition
de
l´une
à
l´autre
(SHAW,
2008
:1715).
La
première
posture
de
sensibilité
néo-‐marxiste,
explique
la
production
de
quartiers
¨gentrifiables¨
comme
l´articulation
des
restructurations
économiques
et
urbaines.
La
deuxième,
explique
l´émergence
et
les
choix
des
¨gentrifieurs25
au
regard
d´une
théorie
¨post-‐industrielle¨
des
restructurations
urbaines
et
sociales26.
Néanmoins,
les
deux
postures
sont
fortement
ancrées
dans
des
dynamiques
globales
et
sont
aussi
liées
étroitement
l´une
à
l´autre
(SHAW,
2008
:1715).
L´explication
de
N.
Smith
s´enracine
autour
de
l´idée
d´un
¨développement
inégal
dans
les
sociétés
capitalistes¨
et
autour
du
concept
de
¨rent
gap¨27,
comme
une
condition
préalable
de
la
gentrification.
À
son
tour,
la
thèse
de
N.
Smith
repose
sur
les
travaux
de
David
Harvey
concernant
les
crises
du
capitalisme,
les
obstacles
pour
l´accumulation
et
les
circuits
du
capital28.
Dans
un
effort
pour
articuler
les
restructurations
urbaines
à
des
processus
plus
larges
de
restructuration
économique,
D.
Harvey
a
élaboré
une
théorie
de
la
production
de
l´espace
urbain
liée
à
l´analyse
de
la
restructuration
des
«
circuits
du
capital
»29.
Sans
rentrer
dans
le
détail,
l´idée
de
départ
est
que,
pour
se
développer
le
capital
doit
circuler.
Lorsque
l´investissement
trouve
25
Le
terme
gentrifieur
désignerait
dans
le
sens
¨classique¨
les
nouveaux
habitants
appartenant
aux
nouvelles
classes
moyennes
et
parfois
aux
classes
supérieures,
mais
aussi
–même
si
en
moindre
degré-‐
des
acteurs
privés
dont
investisseurs,
sociétés
immobilières
et
médias.
L´idéal
type
du
gentrifieurs
est
à
trouver
dans
la
figure
du
¨pionnier¨.
Avec
la
prise
en
compte
croissante
du
rôle
moteur,
voir
déclencheur
de
l´action
publique,
le
terme
s´élargi.
26
Cf.
Lees
1994;
Smith
and
Williams
1986;
Warde
1991.
27
G.
Boulay
recense
plusieurs
traductions
du
terme
:
Jean-‐Pierre
Lévy
a
proposé
“différentiel
de
loyer”
(in
SEGAUD
et
al.
2003),
Anne
Clerval
l´expression
un
peu
moins
digeste
mais
bien
plus
juste
de
¨différentiel
de
rentabilité
foncière¨(Clerval,
2008).
En
effet
la
«
rent
gap
hypothésis
»
fait
d´abord
référence
au
prix
du
sol,
et
le
terme
de
¨loyer¨
utilisé
par
J.-‐P-‐
Lévy
est
à
ce
titre
malvenu,
même
si
le
terme
anglais
rent
signifie
aussi
(en
plus
de
son
sens
¨rente¨)
¨loyer¨.
Enfin,
si
la
traduction
d´A.
Clerval
est
exacte,
elle
limite
cependant
la
théorie
de
N.
Smith
à
son
domaine
de
réflexion
originel
(le
marché
foncier,
et
pas
immobilier).”
(:381)
À
l´instar
de
Boulay,
nous
utiliserons
l´expression
anglaise
sans
la
traduire.
28
Plusieurs
traductions
des
travaux
de
D.
Harvey
sont
désormais
disponibles
en
français
:
D.
Harvey,
2008,
Géographie
de
la
domination,
Paris,
Les
Prairies
ordinaires,
123
p.;
D.
Harvey,
2010,
Géographie
et
Capital,
Paris,
Syllepse,
280p;
D.
Harvey,
2010,
Le
nouvel
impérialisme,
Paris,
Les
Prairies
ordinaires,
256p.
voir
le
compte-‐rendu
thématique,
Clerval
Anne,
«
David
Harvey
et
le
matérialisme
historico-‐géographique
»,
Espaces
et
sociétés,
2011/4
n°
147,
p.
173-‐185.
DOI
:
10.3917/esp.147.0173.
29
cf.
Schéma
dans,
Harvey,
Le
Nouvel
impérialisme,
Paris,
Les
Prairies
ordinaires,
p.137
32
des
obstacles
ou
un
ralentissement
dans
un
secteur
donné
de
l´économie
(crises,
récession,
guerres,
mouvements
sociaux,
etc.),
il
se
transfert
dans
un
autre
secteur
plus
profitable
que
le
premier.
Ainsi,
l´espace
urbain
et
l´environnement
bâti
représenteraient
un
circuit
d´investissement
de
capital
plus
ou
moins
stable
et
dont
la
dévalorisation
se
ferait
a
priori
à
long
terme.
Faute
de
réinvestissements
cycliques,
le
processus
de
dépréciation
engagé
se
systématiserait.
Le
départ
du
capital
en
quête
de
revalorisation
vers
d´autres
bien
ou
dans
d´autres
secteurs
économiques,
creuserait
le
processus
de
dévalorisation
du
premier
bien,
progressivement
laissé
à
l´abandon.
La
thèse
de
N.
Smith
repose
ainsi
sur
l´idée
que
le
terreau
de
départ
de
la
gentrification
est
à
trouver
dans
l´idée
de
cycles
de
désinvestissement-‐réinvestissement. Les
situations
de
désinvestissements
chroniques
constituent,
à
leur
tour,
le
point
d´entrée
de
l´idée
de
¨rent
gap¨.
N.
Smith
le
définit
comme
l’écart
entre
la
valeur
foncière
réelle
d´une
structure
avec
un
usage
donné
et
la
valeur
foncière
potentielle
en
effectuant
un
changement
d´usage
(SMITH,
LEFAIVRE
1984
:
50).
La
gentrification
d´un
quartier
est
déclenchée
lorsque
le
¨rent
gap¨
devient
suffisamment
ample
¨pour
que
l´investisseur
puisse
acheter
le
bien
dégradé,
le
réhabiliter,
payer
ses
emprunts
et
les
intérêts,
tout
en
tirant
un
profit
par
la
location
ou
la
vente
de
l´immeuble
réhabilité
(idem)30.
»
La
logique
derrière
l´articulation
du
¨rent
gap¨
au
¨développement
inégal¨
repose
sur
le
fait
que
la
valorisation
d´un
espace
(i.e
un
quartier)
a
des
limites.
Ce
qui
représente
un
obstacle
pour
le
capital
dans
sa
quête
perpétuelle
de
développement
et
qui
doit
trouver
un
nouveau
circuit
(i.e
un
autre
quartier)
moins
valorisé,
perpétuant
ainsi
les
cycles
de
dévalorisation-‐valorisation.
N.
Smith
interprète
sous
cet
angle
le
déplacement
du
capital,
des
centres
vers
les
périphéries,
puis
son
retour
progressif.
Toutefois,
il
argumente
que
ces
mouvements
de
capitaux
n´auraient
pas
été
possibles
sans
le
soutien
de
l´action
publique
urbaine.
Dans
cette
perspective,
des
acteurs
aussi
multiples
que
variés
(collectivités
territoriales,
promoteurs,
petits
investisseurs
privés,
agences
immobilières,
banques,
médias)
sont
les
principaux
acteurs
des
cycles
de
désinvestissement-‐réinvestissement
et
donc
du
processus
de
gentrification.
Ces
considérations
sont
fort
intéressantes
au
regard
du
cas
marseillais.
En
effet,
il
semblerait
que
l´étalement
urbain
et
¨l´abandon
du
centre-‐ville¨,
ont
été
deux
mouvements
simultanés
et
étroitement
liés
(cf.
2.2).
D´autre
part,
depuis
une
décennie
on
assiste
à
un
processus
de
réinvestissement
qui
se
traduit
non
seulement
par
l´inversion
de
la
tendance
démographique
30
Idem.
Pour
des
théories
dérivées
du
¨rent
gap¨
voir
Lees
et
al.
2008
:
‘value
gap’
(Hamnett
and
Randolph
1986),
qui
explique
les
logiques
du
changement
de
statut
d´occupation,
¨funcional
gap¨
(Sykora,
1993),
qui
explique
les
dynamiques
de
changement
d´usage,
d´un
usage
obsolète
à
un
usage
optimal
de
la
propriété
immobilière
ou
foncière.
33
(idem),
mais
aussi
par
la
recentralisation
progressive
de
la
valeur
foncière
et
immobilière
(BOULAY,
2011).
A
partir
des
analyses
récentes
de
G.
Boulay,
ce
mouvement
se
caractérise
par
un
¨rattrapage¨
des
valeurs
¨par
le
bas¨,
ce
qui
veut
dire
que
le
mouvement
de
hausse
concerne
de
manière
plus
particulière
le
segment
le
plus
dévalorisé
du
parc.
Enfin,
ce
processus
de
¨tassement
des
valeurs
basses
vers
le
haut¨
est
particulièrement
important
dans
des
secteurs
de
la
ville
qui
concentrent
l´action
publique
urbaine
de
renouvellement
urbain
(i.e
EPAEM,
OPAH,
PRI)
et
se
traduit
par
le
bouleversement
de
la
structure
des
valeurs
de
ces
quartiers
au
regard
de
la
hiérarchie
urbaine
des
valeurs
immobilières.
Le
¨déclin¨
des
villes
industrielles
-‐dont
Marseille
ne
ferait
qu´en
sortir33-‐
est
venu
renforcer
l´hémorragie
démographique
des
centres
en
direction
des
zones
périurbaines,
laissant
derrière
des
quartiers
sinistrés
et
peuplés
par
les
¨laissés
pour
compte¨
d´une
structure
de
production
devenue
obsolète
pour
le
capital
et
d´un
monde
ouvrier
en
perte
de
force
et
d´identité34.
Or,
la
désindustrialisation
plus
ou
moins
programmé
d´un
certain
nombre
de
villes
du
monde
capitaliste
avancé
semble
s´être
accompagné
d´une
de
l´émergence
d´une
nouvelle
conception
31
Voir
schéma
et
extrait
explicatif
Les
circuits
du
capital,
annexe
nº1
32
«
dans
une
société
capitaliste
donnée,
par
rapport
aux
limites
de
la
somme
totale
de
plus-‐value
ou
de
profit,
qu'il
est
possible
d'obtenir
pour
valoriser
ce
capital.
Le
but
de
l'accumulation
du
capital
est
la
mise
en
valeur
et
la
recherche
du
profit.
Dans
le
cas
extrême
de
suraccumulation
absolue
à
l'emploi
d'une
quantité
additionnelle
de
capital
ne
correspond
aucun
profit
additionnel
ou
un
profit
si
faible
que
tout
motif
d'accumulation
disparaît
en
principe.
Dans
la
réalité,
l'accumulation,
en
se
poursuivant,
accroît
le
capital
en
excès.
Il
est
donc
nécessaire
qu'une
partie
du
capital
accumulé
ne
se
mette
plus
en
valeur
ou
qu'elle
soit
détruite
ou
encore
dépréciée.
On
assiste
alors
à
une
rupture
du
processus
d'accumulation
à
partir
d'un
certain
degré
de
baisse
du
montant
du
profit
additionnel
correspondant
au
capital
additionnel.”,
http://cocowikipedia.org,
entré
¨suraccumulation
du
capital¨,
consulté
le
13
juin
2012.
33
Pour
une
histoire
sociale
et
économique
de
la
¨crise
marseillaise¨
cf.
P.P.
Zalio,
1999,
Grandes
familles
de
Marseille
au
XXe
siècle,
Enquête
sur
l'identité
économique
d'un
territoire
portuaire,
Bélin,
320p
;
Morel,
Bernard
(1999)
Marseille.
Naissance
d’une
métropole.
Paris,
L’Harmattan
(Coll.
«
Géographies
en
liberté
»,
série
«
Métropoles
2000
»),
221
p.
Pour
une
histoire
¨populaire¨,
cf.
Alèssi
Dell’Umbria,
«
Le
paysage
contemporain
de
la
ville
de
Marseille
»,
revue
Agone,
38-‐39
|
2008,
[En
ligne],
mis
en
ligne
le
23
mai
2010.
URL
:
http://revueagone.revues.org/197.
Consulté
le
25
mai
2012.
DOI
:
10.4000/revueagone.197
34
cf.
Henri
Coing,
1966,
Rénovation
Urbaine
et
Changement
Social,
Ed.
Ouvrières,
Paris
34
de
l´usage
du
sol
urbain
(SHAW,
2010,
p.1717),
favorisant
la
consolidation
d´un
certain
nombre
de
¨nouvelles
industries¨
orientées
vers
l´économie
des
services,
du
tourisme,
de
la
production
culturelle
et
du
loisir
mais
aussi,
tout
simplement
de
l´immobilier.
La
spécificité
de
la
¨crise
marseillaise¨,
en
accord
avec
M.
Peraldi,
serait
qu´à
la
désindustrialisation
forcée
s´est
ajoutée
une
¨métropolisation¨
ratée,
laissant
en
suspens
pendant
près
de
trois
décennies
la
transition
de
son
économie
urbaine.
Dans
la
perspective
de
la
théorie
post-‐industrielle,
qui
part
de
l´idée
d´une
restructuration
socio-‐
économique
internationale
majeure,
la
transition
que
connaissent
les
centres,
la
gentrification,
est
le
produit
de
l´évolution
–dans
des
conditions
particulières-‐
des
valeurs
culturelles
et
donc
des
choix
de
consommation.
K.
Shaw
énumère
quelques
unes
de
ces
conditions
:
«
l´explosion
des
prix
de
l´essence
au
début
des
années
1970s
(Knox
1993),
le
passage
à
l’âge
adulte
des
baby-‐
bommers,
l´
apparente
monotonie
du
mode
de
vie
suburbain
(Caulfield,
1994),
l´impact
du
féminisme
et
l´indépendance
économique
des
femmes
(Rose,
1984),
la
restructuration
des
marchés
de
l´emploi,
l´existence
d´un
parc
bon
marché
et
en
situation
centrale
à
proximité
des
bureaux
et
des
lieux
de
consommation
culturelle
:
ces
facteurs
combinés
donnent
lieu
à
une
nouvelle
demande
de
localisation
résidentielles
dans
les
quartiers
centraux
(Ley,
1994)
»
(idem).
L´idée
serait
que
cette
nouvelle
demande
s´exprime
chez
une
¨nouvelle
classe
moyenne¨,
composée
par
des
ménages
relativement
aisés,
jeunes,
de
couples
sans
enfants
et
enfin,
de
professionnels,
qui
occupent
des
postes
de
création
et
de
direction
dans
le
secteur
tertiaire
avancé35.
Enfin,
que
l´élargissement
de
cette
nouvelle
classe
moyenne,
de
ses
goûts,
valeurs
et
esthétiques,
a
fini
par
influencer
toutes
les
politiques
urbaines.
Parfois
proche
des
théories
néo-‐classiques
de
la
souveraineté
des
consommateurs,
cette
posture
de
recherche
met
l´accent
sur
l´explication
de
la
constitution-‐
reproduction
des
nouvelles
classes
moyennes,
de
leurs
choix
résidentiels
et
culturels,
le
tout,
sous
l´angle
des
stratégies
de
distinction36.
35
Caulfield,
D.
Ley,
en
faisant
preuve
d´une
certaine
posture
critique
vis
à
vis
du
phénomène,
a
insisté
sur
le
fait
que
les
nouvelles
classes
moyennes,
à
travers
leurs
modes
de
vie
alternatifs,
critiques
et
soucieux
du
maintien
de
la
diversité
sociale
dans
les
quartiers,
étaient
–malgré
eux-‐
vecteurs
d´une
valorisation
qui
attirait
des
nouveaux
habitants
moins
en
accord
avec
leurs
valeurs
progressistes,
finissant
par
faire
basculer
l´équilibre
social
souvent
mis
en
avant
à
propos
des
phases
¨marginales¨
de
la
gentrification.
Il
est
de
plus
en
plus
admis
alors,
que
le
vrai
point
de
désaccord
entre
les
deux
camps
interprétatifs
a
concerné
le
rôle
et
la
capacité
d´action
attribués
aux
acteurs
individuels,
en
particulier
aux
¨gentrifieurs
marginaux¨
comme
acteurs
clef
du
déclenchement
de
la
première
phase
de
réinvestissement.
En
revanche,
les
deux
perspectives
se
retrouvent
dans
la
lecture
de
la
deuxième
phase
de
réinvestissement,
au
cours
de
laquelle
les
investisseurs
et
les
promoteurs
capitalisent
leurs
investissements
en
revendant
à
des
acheteurs
plus
solvables
et
moins
réticents
à
investir
dans
un
bien
dans
le
centre
(SHAW,
2008,
1719).
Alors,
peut-‐on
parler
vraiment
d´un
conflit
interprétatif,
ou
plutôt
aller
dans
le
sens
de
ce
qui
y
voient
deux
logiques
complémentaires
dont
la
dichotomie
renforce
leur
force
interprétative?
Bien
que
la
thèse
du
¨rent
gap¨
n’ai
jamais
eu
l’intention
d’expliquer
ni
la
formation,
ni
le
système
des
valeurs
des
gentrifieurs
(LEES,
et.
al.,
2010),
en
1987
N.
Smith
a
toutefois
reconnu
la
principale
critique
de
sa
thèse,
à
savoir,
de
n'accorder
aux
acteurs
individuels
qui
s´installent
37
cf.
S.
Zukin
1982,
1995
sur
comment
les
gentrifieurs
¨marginaux¨,
tels
les
artistes,
attirent
et
puis
finissent
par être déplacés par des gentrifieurs plus nantis, voire par des formes de gentrification commerciale.
36
dans
les
quartiers
gentrifiés
qu´un
rôle
de
«
serviteurs
passifs
des
besoins
du
capital
»
(HAMNETT,
1997
:8).
Ce
faisant,
N.
Smith
acceptait
que
la
gentrification
dépende
aussi
de
l´existence
d´un
«
stock
»
potentiel
de
gentrifieurs.
Cette
question
est
essentielle
au
regard
des
idées
reçues
qui
seront
mises
en
examen
dans
la
partie
2
de
ce
mémoire,
à
savoir
que,
au-‐delà
des
volontés
politiques,
la
gentrification
à
Marseille
ne
marcherait
pas
en
raison
d´une
faible
attraction
et
de
son
incapacité
à
retenir
les
habitants
de
classe
moyenne
et
supérieur,
qui
constitueraient
un
¨stock¨
insuffisant
de
gentrifieurs.
Cet
argument
est
central
pour
comprendre
comment
s´explique
couramment
l´échec
du
processus
de
gentrification
à
Marseille
:
un
¨stock¨
insuffisant
faute
d´une
attractivité
suffisante.
Au-‐delà
des
différences
interprétatives,
depuis
quelques
années,
la
communauté
de
chercheurs
qui
s´intéressent
à
la
gentrification
a
largement
admis
que
les
explications
économiques
et
culturelles
ont
toutes
deux
un
rôle
à
jouer
(ATKINSON,
BRIDGE
2005
;
CLARK
2005
;
LEES
2000
;
LEES
et.
al.
2008).
Comme
E.
Clark
(2005),
«
aucune
des
deux
postures
interprétatives
n´apporte
une
explication
globale
sans
l´autre
»
(:261).
D´ailleurs
on
pourrait
même
se
demander
comme
C.
Hamnett
(1997),
si
le
conflit
n´a
pas
porté
sur
deux
interprétations
de
la
production
:
«
la
production
des
gentrifieurs
et
la
production
de
l'environnement
bâti.
»
(
:16)
?
37
1.3
Interpréter
les
variations
de
la
gentrification
:
vers
une
posture
inclusive
et
critique
du
processus
Comme
on
vient
de
le
voir
le
principal
clivage
explicatif
semble
progressivement
s´effacer
pour
laisser
place
à
l´idée
que
la
gentrification
a
lieu
par
la
conjonction
d´une
série
de
facteurs
liés
à
la
production
de
l´offre
et
la
demande.
Or
la
généralisation
du
processus
au
niveau
mondial
a
introduit
une
nouvelle
donne
:
ces
facteurs
ne
s´expriment
pas
de
la
même
façon
qu´on
soit
à
Marseille,
à
Istanbul
ou
à
Zadar.
Autrement
dit,
aux
facteurs
macro-‐sociaux
et
macro
économiques
s´articulent
des
facteurs
contextuels.
Ainsi
selon
la
position
qu´occupe
la
ville,
le
quartier,
la
rue
ou
l´ilot
en
question,
dans
l´armature
urbaine
–que
ce
soit
à
échelle
nationale,
inter-‐urbaine
ou
intra-‐urbaine-‐
les
enjeux
et
les
facteurs
qui
créent
les
conditions
de
la
gentrification
ne
se
manifestent
pas
dans
les
mêmes
configurations,
intensité,
formes,
temporalités,
acteurs,
ni
ne
produisent
les
mêmes
effets.
Toutefois,
comme
on
le
verra
dans
un
premier
temps,
l´ouverture
de
la
notion
ne
fait
pas
totalement
consensus,
ce
qui
conduit
un
certain
nombre
de
chercheurs
à
vouloir
laisser
la
notion
se
désagréger
sous
le
poids
de
la
complexité
et
du
chaos38
qu´elle
introduit
dans
l´analyse
du
changement
urbain
et
social.
Cependant,
on
le
verra
dans
un
deuxième
temps,
J.
Hackworth
et
N.
Smith
(2001),
tenants
du
maintien
de
la
notion,
ont
montré
l´importance
de
considérer
les
variations
du
processus
de
gentrification
en
lien
avec
l´évolution
du
rôle
(croissant)
de
l´action
publique.
Dans
un
troisième
temps,
on
notera
que
M.
Van
Criekingen
et
J.-‐M.
Decroly
(2003),
insatisfaits
de
la
capacité
de
ce
modèle
à
inclure
différents
processus
de
changement
urbain
et
social,
ont
plaidé
pour
la
construction
d´une
nouvelle
géographie
des
processus
de
renouvellement
urbain,
dont
la
gentrification
serait
un
processus
parmi
d´autres.
Enfin,
K.
Shaw
(2008)
a
montré
les
fragilités
d´une
telle
désagrégation
de
la
notion,
ce
qui
l´a
conduit
à
défendre
l´idée
qu´une
nouvelle
géographie
du
processus
gentrification
(et
non
pas
du
renouvellement
urbain)
serait
nécessaire
pour
maintenir
l´unité
de
la
notion,
tout
en
embrassant
les
variations
du
processus.
Cette
argumentation
constitue
le
lit
de
la
formulation
d´un
modèle
qui
postule
l´intérêt
de
considérer
la
gentrification
dans
un
continuum
de
recompositions
urbaines
et
sociales.
C´est
ce
modèle
que
l´on
retiendra
comme
la
perspective
la
plus
aboutie
jusqu´a
ce
jour
pour
maintenir
l´unité
de
la
notion
dans
la
diversité
de
ses
expressions
et
dans
toute
sa
dimension
critique
vis
à
vis
des
effets
du
processus.
Cette
sous-‐partie
conclura
donc
par
une
discussion
sur
l´éclairage
et
les
implications
qu´introduit
l´idée
de
continuum.
38
Beauregard
R.,
1986,
The
chaos
and
complexity
of
gentrification,
in
N.
Smith
and
P.
Wiliams
(eds)
38
39
Etats-‐Unis,
validant
ainsi
la
thèse
qui
voyait
dans
la
gentrification
un
processus
marginal,
une
anomalie,
vouée
à
disparaitre
(BERRY,
1985,
BOURNE,
1993).
Or,
la
période
de
post-‐récession
semble
avoir
donné
raison
aux
opposants
à
l´idée
d´une
fin
de
la
gentrification.
Bien
que
R.
Beauregard
(1986,
1990)
ait
critiqué
le
¨chaos¨
et
la
¨complexité¨
de
la
gentrification
comme
analyseur,
il
a
toutefois
défendu
l´importance
pour
la
notion
de
considérer
la
diversité
des
trajectoires
de
changement
des
quartiers.
Pour
sa
part,
E.
Clark
(2005)
a
dénoncé
une
mauvaise
interprétation
de
la
nature
¨chaotique¨
de
la
notion.
Il
a
montré
que
celle-‐ci
était
moins
le
fait
du
regroupement
de
formes
contextuelles
et
spécifiques,
que
celle
de
«
contingences
et
de
relations
»
(:256)
nécessaires
à
l´amorce
et
à
la
consolidation
du
processus.
Cet
argument,
comme
le
signale
K.
Shaw
(2008
:1708),
met
en
exergue
l´idée
que
l´analyse
d´une
gamme
large
de
situations
contextuelles
et
différentes
les
unes
des
autres,
loin
de
rendre
un
concept
chaotique,
permet
d´identifier
des
«
vérités
plus
profondes
et
universelles
»
(CLARK
2005
:256).
Ainsi,
en
faisant
appel
à
plus
d´«
ordre
et
simplicité
»
dans
la
notion
de
gentrification,
E.
Clark
a
montré
l´importance
de
rapprocher
différentes
sensibilités
et
de
prendre
en
considération
les
spécificités
d´expressions
contextuelles
du
processus
«
sans
avoir
à
se
résigner
face
à
la
complexité
»
(idem).
Dans
le
fond,
cet
argument
met
en
avant
l´idée
que
la
valeur
de
la
notion
de
gentrification
repose
sur
sa
capacité
heuristique,
c´est
à
dire,
sur
le
potentiel
qu´elle
offre
d´articulation
de
processus
autrement
-‐et
apriori-‐
indépendants
les
uns
des
autres.
Bien
que
la
valeur
heuristique
de
la
notion
soit
un
argument
fort
de
l´argumentation
de
son
maintien
et
sa
pertinence
en
tant
qu´analyseur.
En
accord
avec
N.
Smith,
son
actualité
repose
aussi
sur
le
fait
que
:
«
la
gentrification
n´est
plus
une
sorte
d´
odyssée
quichottesque
en
rapport
avec
les
marchés
immobiliers,
elle
est
devenue
le
fer
de
lance
d´une
entreprise
plus
large
qui
est
la
recomposition
élitiste
des
paysages
urbains
centraux
»
(SMITH,
1996
:39).
L´intérêt
de
la
notion,
nous
en
convenons
avec
Lees
(et.
al.,
2008),
repose
donc
surtout
sur
le
fait
que
c´est
un
des
termes
doté
d´une
puissante
charge
politique,
peut
être
un
des
plus
chargés
de
toute
la
recherche
urbaine
contemporaine.
Comme
on
a
pu
le
voir,
R.
Glass
cherchait
-‐avant
tout-‐
à
décrire
de
manière
critique
les
effets
négatifs
du
processus
qu´elle
observait
à
Londres.
Ainsi,
perdre
le
terme
voudrait
dire
perdre
sa
charge
politique 39 .
Or,
dans
un
contexte
où
la
conceptualisation
du
processus
semble
poser
moins
de
problèmes,
il
semble
nécessaire
que
la
recherche
urbaine
contribue
davantage
à
formuler
un
projet
politique
qui
mette
en
cause
les
39
Pour
M.
Van
Criekingen
(2008)
“le
vocabulaire
employé
aujourd’hui
ad
nauseam
pour
désigner
les
transformations
des
quartiers
populaires
[…]
partage
la
caractéristique
d’être
socialement
lisse
et
porteur
de
leur
propre
légitimation
»
;
pour
N.
Smith
(2002:
445),
«
parce
que
le
langage
de
la
gentrification
dévoile
la
réalité
de
la
recomposition
sociale
provoquée
par
la
«
régénération
»
de
la
ville,
elle
est
devenu
un
mot
sale
pour
les
promoteurs,
les
politiciens
et
les
investisseurs
».
40
inégalités
de
la
société
urbaine
sur
lesquelles
se
base,
entre
autres,
la
gentrification
:
la
question
du
maintien
de
la
notion
doit-‐elle
encore
se
poser
?
1.3.2
Le
rôle
croissant
de
l´action
publique
:
¨vagues¨
de
gentrification
Afin
de
rendre
compte
des
variations
du
processus
de
gentrification,
J.
Hackworth
et
N.
Smith
ont
proposé
en
2001
un
modèle
qui
identifie
trois
¨vagues¨
du
processus.
Celles-‐ci
se
distinguent,
d´une
part,
par
le
renforcement
progressif
de
l´implication
de
l´action
publique,
que
ce
soit
au
niveau
local
ou
national
et,
de
l´autre,
par
des
périodes
de
transition
rythmées
par
les
crises
et
les
récessions
économiques
mondiales.
Ce
modèle
témoigne
de
la
durabilité
de
la
pensée
¨en
étapes¨
introduite
par
P.
Clay
en
1979
et
dont
il
a
été
question
plus
haut.
Fig.
5
Modèle
des
différentes
vagues
de
gentrification
depuis
les
années
1960
:
une
économie
politique
de
la
gentrification,
J.
Hackworth
et
N.
Smith,
2001,
dans
LEES
et.
al.,
2008);
traduction
personnelle.
La
première
vague
décrit
le
phénomène
qui
a
vu
le
jour
entre
la
moitié
des
années
1960
et
le
début
des
années
1970
dans
les
grandes
villes
d´Europe
occidentale,
du
nord-‐est
étasunien
et
du
41
sud-‐est
de
l´Australie40.
Plutôt
sporadique
et
très
localisée
dans
certains
quartiers,
elle
est
antérieure
à
la
récession
économique
de
la
fin
de
l´année
1973.
Concernant
l´action
publique,
bien
que
timide,
elle
a
accompagné
le
processus
par
le
biais
d´un
discours
de
lutte
contre
le
déclin
des
centres
(HACKWORTH,
SMITH,
2001
:
466)41,
mais
aussi
sous
forme
d´incitations
à
acheter
et
à
améliorer
des
biens
immobiliers
centraux
anciens
et
dégradés.
Par
exemple,
en
facilitant
les
formalités
administratives
d´accession
à
la
propriété
(SHAW,
2005a)
mais
aussi
en
subventionnant
la
restauration
immobilière
(BEAUREGARD,
1990).
Si
cette
première
vague
a
souvent
été
associée
à
l´étape
de
¨gentrification
marginale¨
considérée
plutôt
comme
¨bénigne¨
(CARPENTER,
LEES,
1995;
LEY,
1996;
SHAW,
2005a),
les
auteurs
nous
rappellent
que
les
interventions
de
l´action
publique
à
cette
période
ont
été
déjà
«
profondément
spécifiques
au
soutien
des
classes
moyennes
et
supérieures
»
(SMITH,
2001,
466).
La
deuxième
vague
de
gentrification
est
apparue
après
la
récession,
vers
la
fin
des
années
1970,
en
parallèle
à
la
redynamisation
des
marchés
immobiliers.
Pour
J.
Hackworth
et
N.
Smith
cette
vague
«
d´ancrage
»
du
processus
s´est
traduite
par
une
plus
ample
diffusion
spatiale.
Ainsi,
des
quartiers
qui
ignoraient
jusque-‐là
le
processus,
sont
devenus
les
nouvelles
¨frontières
urbaines¨42
du
processus
de
réinvestissement,
plus
spécialement
pour
les
acteurs
des
marchés
immobiliers
-‐
mais
aussi
par
la
consolidation
du
processus
dans
les
quartiers
qui
avaient
connu
une
phase
de
¨gentrification
marginale¨.
Cette
deuxième
vague
se
distinguant
plus
particulièrement
par
le
renforcement
de
l´«intégration
de
la
gentrification
dans
une
série
de
logiques
économiques
et
culturelles
nationales
et
mondiales
»
(HACKWORTH,
SMITH,
2001
:
468).
L´accélération
des
processus
dans
certaines
localités
n´a
pas
eu
le
même
impact
sur
d´autres
cas
locaux,
ce
qui
a
provoqué
un
début
de
différenciation
et
d´intérêt
pour
les
variations
du
processus.
Comme
il
a
été
dit
plus
haut,
cette
deuxième
vague
se
caractérise
aussi
par
l´implication
croissante
des
acteurs
du
marché
immobilier,
dont
l´action
a
souvent
bénéficié
du
soutien
des
pouvoirs
publics
là
où
le
processus
était
en
cours.
Une
dernière
caractéristique
de
cette
vague
est
l´existence
de
mouvements
de
résistance,
très
touchés
par
les
évictions,
par
l´augmentation
du
nombre
de
sans-‐logis
et
par
le
creusement
des
situations
de
précarité
(HACKWORTH,
SMITH,
2001
:
468).
40
On
pourrait
rajouter
Paris.
Pour
une
analyse
de
la
progression
du
front
de
gentrification
à
Paris
depuis
les
années
1960,
CLERVAL
A.,
2008,
La
gentrification
à
Paris
intra-‐muros
:
dynamiques
spatiales,
rapports
sociaux
et
politiques
publiques,
Thèse
de
doctorat
sous
la
direction
de
P.Petsimeris
et
C.
Rhein,
Université
Paris
I
Panthéon-‐Sorbonne,
602
f.
41
Dans
Voices
of
Decline
(1993)
Robert
Beauregard
creuse
le
fond
idéologique
des
narratives
sur
le
déclin
des
centres
des
villes
étasuniennes.
Il
conclut
que
:
“le
discours
du
déclin
urbain
précède
la
dégradation
de
la
ville
[et]
s’emploie
pour
situer
le
déclin
quelque
part
dans
la
ville.
Il
fournit
une
imbrication
spatiale
où
verser
nos
insécurités
les
plus
récurrentes
ainsi
que
nos
plaintes,
de
façon
à
prévenir
leur
transformation
en
une
critique
plus
radicale
de
ce
qu’est
la
société
étasunienne.
»
(:6)
42
La
notion
de
¨frontière
urbaine”
vient
du
titre
d´un
ouvrage
important
de
N.
Smith
“The
New
urban
Frontier”
(1996).
Appartenant
à
la
sémantique
¨guerrière¨
comme
l´idée
de
¨reconquista¨,
elle
fait
allusion
au
¨front
pionnier¨
de
la
conquête
de
l´est
des
États-‐Unis.
42
Avec
le
crack
boursier
-‐¨lundi
noir¨-‐
d´octobre
1987,
les
marchés
immobiliers
résidentiels
de
certains
quartiers
centraux
se
sont
effondrés,
contribuant
à
mettre
fin
à
la
deuxième
vague
de
gentrification.
La
récession
qui
s´en
est
suivie
a
conduit
certains
chercheurs
à
annoncer
la
fin
de
la
gentrification
dès
le
début
des
années
1990.
Toutefois,
vers
la
fin
de
la
décennie,
la
fin
de
la
récession
a
encouragé
le
réinvestissement
dans
les
quartiers
centraux,
annonçant
une
troisième
vague
de
gentrification
encore
plus
importante.
En
effet,
pour
les
auteurs,
cette
vague
a
été
-‐plus
que
jamais-‐
articulée
aux
capitaux
financiers
mondiaux
et
à
l´initiative
publique.
Pour
preuve,
depuis
deux
décennies,
on
assiste
à
la
multiplication
de
grands
projets
de
¨recyclage¨
du
tissu
urbain
de
quartiers
entiers,
projets
mis
en
œuvre
par
l´action
concertée
d´acteurs
publics
et
privés.
K.
Shaw
(2008)
identifie
quatre
grandes
différences
avec
les
deux
vagues
précédentes
:
la
gentrification
s´est
consolidée
dans
les
quartiers
déjà
partiellement
gentrifiés
et
s´est
diffusée
largement
au-‐delà
des
noyaux
initiaux
;
des
promoteurs
immobiliers
d´envergure
–positionnés
dans
des
marchés
au
niveau
mondial-‐
ont
acquis
un
rôle
plus
important,
tandis
que
les
mouvements
de
résistances
ont
décliné
avec
l´avancement
de
la
recomposition
sociale
(en
particulier
le
départ
des
classes
de
moindre
statut)
;
enfin,
les
acteurs
publics
se
sont
progressivement
impliqués,
en
passant
du
rôle
de
support
à
celui
de
moteur,
et
enfin
de
déclencheur.
43
centraux
gentrifiés
dans
des
villes
autour
du
globe,
deviendrait
une
stratégie
imbattable
d´accumulation
du
capital
pour
des
économies
urbaines
en
concurrence
»
(idem).
L.
Lees
et
al.
(2008)
ont
accepté
le
modèle
et
puis
proposé
de
rajouter
une
quatrième
vague
qui
émergerait
progressivement
dans
certaines
villes
étasuniennes
et
qui
se
caractérise
par
«
l´intensification
de
la
financiarisation
du
logement
et
combinée
avec
la
consolidation
de
discours
pro-‐gentrification
et
de
politiques
urbaines
qui
accentuent
les
inégalités
socio-‐spatiales
»
(:179).
Cette
quatrième
étape
se
distinguerait
de
la
précédente
par
la
consolidation
de
politiques
publiques
déjà
existantes
en
faveur
des
ménages
nantis
et
impliquant
la
fin
du
démantèlement
«
de
ce
qui
reste
des
programmes
sociaux
des
années
1960
»
(LEES,
et
al.,
2008
:183).
La
principale
critique
qui
a
été
opposée
au
modèle
des
¨vagues
de
la
gentrification¨
pointait
sa
défaillance
à
intégrer
les
spécificités
locales
:
toutes
les
villes,
en
effet,
ne
traversent
pas
par
les
mêmes
vagues
et
dans
les
mêmes
périodes
historiques.
Si
la
remarque
est
pertinente,
il
serait
dommage
d´évacuer
le
modèle
pour
cette
seule
raison.
En
effet,
le
modèle
porte
un
éclairage
assez
précieux
sur
la
diversité
des
expressions
du
processus,
sur
le
rôle
changeant
des
acteurs
organisés
(pouvoirs
politiques,
économiques,
sociaux),
sur
l´importance
de
considérer
les
facteurs
macro-‐économiques.
Toutefois,
à
l´instar
de
K.
Shaw
(2008),
il
parait
important
de
considérer
que
des
lieux
sont
traversés
simultanément
par
des
vagues
de
gentrification
différentes.
Ainsi,
comme
l´a
montré
Islam
Tolga
(2005),
plusieurs
quartiers
du
centre
d´Istanbul
connaissent
depuis
une
dizaine
d´années
des
processus
de
gentrification
différents
les
uns
des
autres
selon
les
degrés
d´intervention
plutôt
publique,
plutôt
privé
ou
mixte.
44
de
réinvestissement,
et
notamment
la
gentrification
des
quartiers
centraux
de
Marseille
reste
¨inachevée¨,
voir
dans
une
phase
encore
¨très
marginale¨.
43
Par
¨élitisation¨
on
entend
une
forme
de
ségrégation.
45
Origine
Transformations
Résultat
Gentrification
X
X
X
X
O
marginale
Revitalisation
O
X
X
X
X
Restauration
X
X
O
O
O
autonome
Fig.6
Typologie
des
processus
de
renouvellement
des
quartiers
(X=critère
compris,
O=critère
exclu),
Van
Criekingen,
Decroly,
2003
;
traduction
personnelle.
Cette
typologie
a
été
élaborée
à
partir
d´observations
réalisées
à
Bruxelles
et
à
Montréal.
Au-‐delà
de
la
description,
dans
une
tentative
pour
expliquer
pourquoi
dans
ces
villes
la
gentrification
semble
rester
dans
la
phase
¨marginale¨,
M.
Van
Criekingen
et
J.-‐M.
Decroly
ont
mis
en
avant
trois
facteurs
principaux.
Le
premier
facteur,
lié
à
la
position
plutôt
¨modeste¨
des
deux
villes
dans
la
hiérarchie
urbaine
consiste
en
une
offre
relativement
limitée
d´emplois
bien
payés
dans
le
secteur
tertiaire
avancé.
Le
résultat
:
une
attraction
modérée
de
¨gentrifieurs
potentiels¨.
Le
deuxième
facteur
identifié
revient
à
la
flexibilité
croissante
des
marchés
de
l´emploi,
qui
pousse
davantage
vers
la
précarisation
que
dans
le
sens
contraire.
Parmi
les
catégories
socio-‐
professionnelles
les
plus
affectés
par
les
¨nouvelles
formes
de
précarités¨,
celles
couramment
associées
aux
pionnier
de
la
gentrification,
dits
les
gentrifieurs
marginaux
(étudiants,
artistes,
jeunes
diplômés,
mères
célibataires,
etc.).
Enfin,
le
troisième
facteur
repose
sur
les
évolutions
sociodémographiques
entrainées
par
la
modification
des
cycles
de
vie.
Les
auteurs
donnent
comme
exemple
d´expression
de
ces
tendances
le
retardement
du
mariage
et
des
enfants,
élément
qu´ils
observent
chez
les
gentrifieurs
marginaux.
Au
regard
de
ces
facteurs,
ils
concluent,
l´offre
en
logements
relativement
bon
marché,
ainsi
que
les
styles
de
vie
possibles
dans
les
localisations
centrales,
sont
une
réponse
particulièrement
bien
adaptée
aux
besoins,
capacités
et
aspirations
des
jeunes
ménages
appartenant
aux
nouvelles
classes
moyennes.
Mais,
qu´avec
l´âge
-‐voici
le
cœur
de
leur
thèse-‐
ceux-‐ci
abandonnent
leurs
styles
de
vie
et
finissent
par
déménager
en
laissant
la
place
libre
pour
des
nouveaux
gentrifieurs
marginaux.
De
telle
sorte,
on
l´aura
compris,
le
processus
de
gentrification
se
maintient
dans
une
phase
de
gentrification
¨marginale¨.
Dans
la
perspective
défendue
par
les
auteurs,
la
gentrification
marginale
serait
donc
46
située
en
dehors
du
modèle
en
étapes
classique
(fig.3).
Plutôt,
elle
pourrait
être
pensée
comme
«
un
processus
spécifique
du
renouvellement
des
quartiers,
différent
de
la
gentrification
»
(VAN
CRIEKINGEN,
DECROLY,
2003
:
2455–2456).
Bien
que
leur
explication
soit
intéressante,
P.
Watt
(2005),
comme
le
rappel
K.
Shaw
(2008),
a
toutefois
montré
qu´il
y
avait
des
preuves
empiriques
qui
contredisaient
les
présomptions
de
M.
Van
Criekingen
et
J.-‐M.
Decroly
sur
l´abandon
des
centres
par
les
classes
moyennes
lors
du
passage
à
l´âge
adulte.
Pour
K.
Shaw,
outre
la
question
du
passage
à
l´âge
adulte
dans
le
maintien
de
la
phase
marginale
de
gentrification,
les
limites
de
la
proposition
de
M.
Van
Criekingen
et
J.-‐M.
Decroly
reposent
sur
le
manque
de
continuité
entre
une
étape
et
une
autre
du
processus,
ce
qui
trouble
directement
la
compréhension
du
processus
dans
sa
globalité.
Ainsi,
elle
propose
:
«
d´effacer
les
limites
entre
chacune
des
étapes
:
par
delà
les
transitions
originales
trop
mécaniques
et
trop
précises
»
(2008
:1712).
Ces
considérations
sont
essentielles
pour
formuler
un
modèle
d´analyse
qui
permette
d´embrasser
toutes
les
expressions
de
la
gentrification
ainsi
que
de
mettre
en
avant
la
tendance
intrinsèque
de
l´urbain
au
changement.
Penser
la
gentrification
dans
un
continuum
de
processus
de
changement
urbain
et
social
n´implique
pas
seulement
d´accepter
la
dimension
dynamique
du
processus,
mais
aussi
que
le
sens
de
son
évolution
ne
soit
pas
linéaire
et
n´interdit
pas
des
¨allers-‐retours¨
entre
deux
phases
du
réinvestissement.
D´où
l´importance
de
considérer
les
différentes
phases
du
processus
de
réinvestissement
comme
faisant
partie
d´un
continuum,
plutôt
que
de
les
séparer
pour
en
faire
des
processus
de
changement
urbain
et
social
à
part
entière.
Pour
conclure,
a-‐t-‐on
besoin
d´une
nouvelle
géographie
des
processus
de
renouvellement
urbain
?
À
l´instar
d´une
réflexion
de
Sayer
(1992)
:
il
n´est
pas
toujours
possible,
ni
souhaitable,
de
décomposer
un
objet
afin
qu´il
soit
moins
chaotique.
Parfois
tout
son
intérêt
provient
de
sa
totalité.
Ainsi,
au
lieu
d´une
nouvelle
géographie
des
processus
de
renouvellement
urbain,
il
parait
qu´on
a
plutôt
besoin
d´une
nouvelle
géographie
de
la
gentrification
:
une
qui
mette
en
avant
les
moments
de
transition
d´une
phase
à
une
autre,
une
qui
permette
de
comprendre
les
variations
contextuelles
du
processus
tout
en
préservant
l´unité
de
la
notion,
plus
particulièrement,
sa
dimension
critique
vis-‐à-‐vis
des
effets
du
processus.
En
quelle
mesure
l´idée
de
continuum
aide
ces
enjeux
interprétatifs?
47
Si
l´on
part
de
l´idée
selon
laquelle
les
logiques
culturelles
et
économiques
qui
sous-‐tendent
la
gentrification
sont
compatibles.
Alors,
une
myriade
d´expressions
du
processus
peut
être
accommodée
dans
un
continuum
de
recompositions
urbaines,
économiques
et
sociales.
Considérons
un
tel
continuum,
avec
dans
une
extrémité,
un
processus
de
désinvestissement
maximum,
marqué
par
la
dégradation
du
cadre
bâti
et
économique,
par
une
paupérisation
du
tissus
social
résultant
d´un
filtrage
social
¨vers
le
bas¨
qui
aboutit
à
la
spécialisation
sociale
de
l´occupation
des
lieux
;
et
dans
l´autre
extrémité,
un
processus
de
¨super-‐gentrification¨
caractérisé
par
la
consolidation
de
l´élitisation
et,
par
la
poursuite
de
la
valorisation
du
cadre
bâti
et
économique,
au
sein
de
laquelle
peut
avoir
lieu
un
¨deuxième¨
rent-‐gap,
cette
fois-‐ci
non
pas
basée
sur
le
désinvestissement,
mais
sur
le
sous-‐investissement
des
lieux
au
regard
d´une
valeur
potentielle.
Le
processus
de
valorisation
ne
s´arrêtant
que
lorsque
le
réinvestissement
est
maximal
(aucun
profit
ne
pouvant
être
dégagé
du
rent-‐gap),
uniquement
poursuivie
par
l´expansion
spatiale
de
la
dynamique
ou
par
sa
relocalisation,
donnant
lieu
à
un
nouveau
cycle
de
dévalorisation-‐revalorisation.
Considérons
aussi
qu´entre
les
deux
extrémités
du
continuum,
la
phase
de
régénération
et
celle
de
gentrification
ne
sont
pas
équivalentes,
même
si
toutes
deux
sont
des
processus
de
réinvestissement
:
la
régénération
repose
sur
le
réinvestissement
d´un
lieu
dévalorisé
jusque
là,
et
peut
être
considérée
comme
gentrification
selon
qu´il
provoque
le
déplacement
ou
l´exclusion44
des
habitants,
des
commerces
et
des
usages,
de
moindre
statut
(Fig.7)45.
On
notera
que,
dans
cette
optique,
la
pièce
angulaire
de
la
différenciation
des
phases
du
processus
repose
sur
les
effets
de
la
valorisation,
plus
spécialement
les
effets
négatifs
tendant
à
réduire
la
diversité
sociale
et
à
accroitre
la
ségrégation.
Marcuse
(1985)
:
«
il
faut
considérer
comme
gentrification,
au
moins
tout
autant
que
le
déplacement
direct,
l´exclusion
d´habitants
d´un
lieu
où
ils
auraient
put
vivre,
travailler
ou
simplement
être
présents,
faute
de
¨régénération.»
45
Vu
ainsi,
la
proposition
de
définition
de
la
gentrification
défendue
auparavant,
prend
tout
son
sens
:
«
la
restructuration
élitiste
de
la
ville
(Smith
1996),
qui
implique
la
revalorisation
et
la
production
de
l´espace
urbain
pour
des
usagers
plus
nantis
(Hackworth
2002:815)
et
qui
requiert
du
déplacement
ou
de
l´exclusion
des
habitants,
des
commerces
et
des
usages,
de
moindre
statut…[elle]
est
mise
en
œuvre
par
l´action
combinée
d´acteurs
publics
et
privés
»
(PORTER,
SHAW,
2009
:).
48
recherche
urbaine
à
s´inscrire
dans
une
perspective
politique,
dont
l´objectif
est
de
contribuer
à
formuler
des
interventions
publiques
plus
nuancées
qui
permettent
aux
villes
et
quartiers
de
tirer
les
bénéfices
du
réinvestissement
sans
payer
les
conséquences
de
la
gentrification.
Or,
ceci
sera
difficile
tant
qu´il
n´y
aura
pas
de
consensus
chez
les
commentateurs
sur
l´évaluation
des
effets,
notamment
négatifs
(SHAW,
2005a
:168).
49
Facteurs
qui
créent
les
Phases
du
Changements
urbains
et
sociaux
conditions
(ou
pas)
du
processus
réinvestissement
Désinvestissement
-‐
Cycle
de
désinvestissement
-‐
Dégradation
du
cadre
bâti
et
du
maximum
-‐
Opportunité
de
revalorisation
tissu
économique
(rent-‐gap
+
action
publique)
-‐
Paupérisation
-‐
Nouvel
ordre
social
¨post-‐ -‐
Filtrage
social
¨vers
le
bas¨
industriel¨
(demande)
-‐
Diminution
de
diversité
sociale
Régénération
-‐
Logement
accessible
dans
-‐
Amélioration
ponctuelle
du
cadre
localisation
centrale
ou
bâti
et
tissus
économique
attractive
-‐
Faible
degré
de
recomposition
-‐
Opportunité
de
revalorisation
sociale
et
économique
(rent-‐gap
+
action
publique)
-‐
Amorce
de
dynamique
qui
accroit
-‐
Nouvel
ordre
social
¨post-‐ la
demande
pour
la
localisation
industriel¨
(demande)
-‐
Pas
d´effets
négatifs
(déplacement-‐exclusion)
Gentrification
-‐
Logement
accessible
dans
-‐
Amélioration
ponctuelle
du
cadre
marginale
localisation
centrale
ou
bâti
et
tissus
économique
attractive
-‐
Accroissement
de
la
demande
-‐
Nouvel
ordre
social
¨post-‐ pour
la
localisation
industriel¨
(demande)
-‐
Faible
degré
de
recomposition
-‐
Opportunité
de
revalorisation
sociale
et
économique
(rent-‐gap
+
action
publique)
-‐
Effets
négatifs
ponctuels
-‐
Plus
de
diversité
sociale
Gentrification
-‐
Caractéristiques
du
parc
-‐
Nette
amélioration
du
cadre
bâti
immobilier,
et
du
tissu
économique
-‐
rapports
locatifs
(droit
au
-‐
Renfermement
du
rent-‐
gap
logement),
-‐
Systématisation
des
effets
négatifs
-‐
forces
sociales
d´opposition
-‐
Diminution
de
diversité
sociale
-‐
intervention
publique
¨Super-‐ -‐
Évolution
dans
hiérarchie
-‐
Possibilité
de
deuxième
vague
de
gentrification¨
urbaine
(locale,
régionale,
valorisation
(rent-‐gap)
basée
non-‐
nationale,
mondiale)
:
pas
sur
désinvestissement,
mais
sur
-‐
dynamique
économique
locale
sous-‐investissement
(au
regard
-‐
nature
et
développement
du
d´une
valeur
potentielle
en
lien
aux
marché
local
de
l´emploi
évolutions)
-‐
Ségrégation
(élitisation)
Fig.7,
Principales
phases,
facteurs
et
conséquences
du
processus
de
réinvestissement.
Réalisation
personnelle,
basée
sur
l´idée
selon
laquelle
la
gentrification
peut
être
comprise
comme
faisant
partie
d´un
continuum
de
recompositions
urbaines
et
sociales,
K.
Shaw
(2008).
50
1.3.5
L´évaluation
des
effets
:
l´étude
du
déplacement-‐exclusion,
une
priorité
pour
la
recherche
sur
la
gentrification
Contrairement
au
consensus
qui
s´est
installé
autour
de
l´idée
d´une
complémentarité
entre
logiques
économiques
et
culturelles
dans
l´explication
du
processus
(cf.
1.2.4),
il
y
a
encore
beaucoup
de
chemin
à
faire
en
ce
qui
concerne
l´évaluation
de
ses
effets
(SHAW,
2005a
:168).
Depuis
le
début
des
années
1990,
on
constate
la
multiplication
des
stratégies
urbaines
de
régénération
urbaine,
en
Europe
et
au-‐delà
(SWYNGEDOUW,
2002).
Ceci
est
un
signe
clair
de
l´engouement
des
autorités
locales
pour
le
renforcement
de
¨l´attractivité¨
de
leurs
villes
et
plus
spécialement
des
centres.
Au-‐delà
des
spécificités
locales,
ces
stratégies
partagent
souvent
les
mêmes
modes
d´action,
basés
sur
la
stimulation
de
l´investissement
privé
par
l´investissement
public.
Elles
partagent
aussi
les
mêmes
objectifs.
Autrement
dit,
les
effets
poursuivis
sont
les
mêmes,
et
intègrent
une
sorte
de
nouvelle
orthodoxie
urbaine
(urbanistique).
Ils
s´agit
principalement
d´inverser
les
tendances
au
dépeuplement
et
la
dégradation
du
cadre
bâti
et
des
infrastructures,
d´augmenter
les
revenus
fiscaux
et
transformer
l´économie
urbaine
en
attirant
des
ménages
qualifiés
pouvant
occuper
et
générer
des
emplois
bien
payés
dans
le
secteur
tertiaire
avancé.
L´évaluation
de
la
¨réussite¨
des
stratégies
urbaines
de
régénération
qui
se
dégage
de
cette
doxa,
repose
ainsi
en
grande
mesure
sur
la
prise
en
compte
exclusive
du
panel
d´objectifs
recherchés,
et
faisant
abstraction
des
effets
négatifs
ou
collatéraux.
Ainsi,
la
croissance
démographique,
l´attraction
de
populations
aisées
et
l´augmentation
des
revenus
fonciers
ainsi
que
des
prix
immobiliers
et
fonciers
sont
des
arguments
incontournables
des
bilans
politico-‐institutionnels,
mais
aussi,
d´un
pan
de
travaux
scientifiques
subordonné
aux
besoins
de
la
technostructure.
Or,
si
on
regarde
bien,
le
¨succès¨
des
stratégies
urbaines
est
jugé
sur
la
mise
en
place
des
conditions
propices
pour
la
gentrification.
On
comprendra
alors
l´importance
de
rester
critiques
vis
à
vis
des
évaluations
rapides
qui
font
la
célébration
du
¨succès¨
des
stratégies
de
régénération
urbaine
:
¨réussite¨
rimant
souvent
avec
gentrification.
Ces
considérations
s´appliquent
intégralement
aux
idées
reçues
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens
qui
nous
occupent
ici.
À
Marseille,
depuis
près
de
vingt
ans
toutes
les
municipalités
ont
fait
de
l´inversion
de
la
tendance
au
déclin
démographique
un
objectif
politique
central46.
Pour
preuve
de
l´importance
accordée
au
sujet:
en
1999,
lorsque
l´INSEE
publia
les
données
du
recensement
qui
confirmaient
que
la
ville
avait
enfin
retrouvé
un
solde
démographique
positif,
les
déclarations
ne
se
sont
pas
46
Pour
un
échantillon
de
documents
dans
lequel
s´exprime
l´ensemble
de
ces
objectifs
(disponibles
à
l´Agam
Agence
d´Urbanisme
de
la
Ville
de
Marseille)
:
Plan
de
Référence
Centre
Ville,
Agam,
1993
;
Présentation
des
orientations
pour
la
politique
urbaine
de
la
ville
(C.
Valette,
26/02/1996)
;
Programme
Local
de
l´Habitat,
1997
;
Revitalisation
du
centre
ville
de
Marseille
(Marseille
Habitat,
déc
1992)
;
Contrat
de
Ville
1994-‐1998.
51
fait
attendre.
Aussitôt,
en
2001
et
depuis,
une
fois
par
an,
le
maire
convie
les
nouveaux
arrivants
de
l'année
à
une
soirée
d'accueil.
Toutefois,
en
2004
s´est
déclenchée
une
polémique
témoignant
de
l´enjeu
lorsque
l´INSEE
publia
les
résultats
préliminaires
du
recensement
de
la
population,
qui
annonçaient
la
stagnation
de
la
croissance
démographique
à
Marseille 47 .
Concernant
l´attraction
de
nouveaux
habitants
qualifiés
et
plus
nantis,
le
maire
J.C
Gaudin
formula
la,
désormais,
célèbre
déclaration
suivante
:
¨Le
centre
a
été
envahi
par
la
population
étrangère,
les
Marseillais
sont
partis.
Moi,
je
rénove,
je
lutte
contre
les
marchands
de
sommeil
et
je
fais
revenir
des
habitants
qui
payent
des
impôts.48
Plus
récemment,
l´agence
d´urbanisme
de
la
ville
a
annoncé
la
mise
en
place
d´un
Observatoire
de
l’attractivité
territoriale
dont
un
des
trois
axes
d´analyse
porterait
sur
«
l’attractivité
des
personnes
et
des
compétences
»49.
Enfin,
l´augmentation
des
prix
immobiliers
et
fonciers
est
aussi
un
argument
mis
en
avant
pour
argumenter
le
succès
des
interventions
publiques.
En
2010,
l´annonce
de
ce
¨rattrapage
nécessaire¨
a
été
mis
en
avant
par
C.
Boumendil,
directeur
de
Marseille
Aménagement
(SEM
d´aménagement
locale)
dans
le
cadre
de
l´évaluation
des
PRI
(Périmètre
de
Restauration
Immobilière)
:
«
l'évolution
des
prix
du
marché
et
qui
permet
de
mesurer
si
cela
a
fonctionné
ou
non,
parce
qu'au
fond,
le
meilleur
moyen
c'est
quand
même
de
savoir
à
combien
se
vendent
les
immeubles
dans
ces
opérations,
qui
permet
de
mesurer
si
effectivement
il
y
a
eu
des
travaux
de
réhabilitation
ou
pas,
et
par
rapport
à
l'évolution
générale
du
marché
de
Marseille,
c'est
un
bon
témoin.
»50.
En
effet,
si
entre
1999
et
2009,
au
niveau
de
la
ville
les
prix
de
vente
au
mètre
carré
se
multiplient
par
deux,
voir
trois,
dans
les
secteurs
PRI
c´est
par
quatre51
:
«
Je
pense
que
notre
travail
a
été
utile,
il
a
servi
à
ça.
»,
a
conclu
le
directeur
de
la
SEM.
Si
les
démarches
d´évaluation
concernent
souvent
que
les
effets
¨positifs¨,
en
revanche
le
¨succès¨
de
ces
formes
d´intervention
n´est
pas
inéluctable
(SHAW,
2005a:169).
Au
contraire,
parfois
47
Recensement
de
la
population
:
la
région
gagne
40
000
habitants,
Françoise
Verna,
18
janvier
2006,
La
Marseillaise
48
Jean
Claude
Gaudin,
maire
de
Marseille,
cité
dans
La
Tribune,
5
décembre
2001.
49
Les
cinq
variables
de
cet
axe
d´analyse
sont
:
-‐
L’importance
du
solde
migratoire
total
relativement
à
la
population
(et
son
évolution).
Variante
pour
la
population
active
;
-‐
L’importance
relative
du
solde
migratoire
des
cadres
(et
son
évolution);
-‐
La
part
des
étudiants
étrangers
parmi
les
inscrits
dans
l’académie
Aix-‐Marseille
ou
dans
Aix-‐Marseille
Université,
si
possible
(et
son
évolution).
Variante:
le
pourcentage
d’étudiants
dans
la
population
marseillaise
(et
son
évolution).
-‐
L’importance
relative
du
solde
migratoire
des
retraités
(et
son
évolution);
-‐
Le
taux
d’occupation
des
hôtels
classés
(2*
et
plus)
et/ou
le
nombre
de
chambres
d’hôtels
pour
1
000
habitants
(et
leur
évolution).
Source
:
Observatoire
de
l´attractivité,
Agam,
déc
2011,
document
disponible
sur
:
www.agam.org/,
dernière
consultation
:
18
Septembre
2012.
50
Mission
d´information
et
d´évaluation
sur
les
Périmètres
de
Restauration
Immobilière,
procès
verbal
de
la
session,
Marie
de
la
Ville
de
Marseille,
jeudi
22
avril
2010,
(:55).
51
Les
données
évoquées
sont
issues
de
l´Observatoire
des
Déclarations
d´Intention
d´Aliéner
(DIA)
mis
en
place
par
Marseille
Aménagement,
détenteur
d´un
droit
de
préemption
dans
les
périmètre
des
PRI
depuis
1999.
Les
DIA
sont
des
données
solides
même
si
elles
souffrent
de
deux
limites
:
1)
c'est
que
des
déclarations,
donc
les
transactions
peuvent
se
faire
à
des
montants
plus
importants
ou
moins
selon
les
cas,
2)
c'est
des
déclarations,
toujours,
donc
les
ventes
ne
se
font
pas
obligatoirement
(impossibilité
de
vendre).
52
elles
produisent
plus
de
problèmes
que
ceux
qu´elles
résolvent
(LEES,
2003a;
ZUKIN
1995).
D´ailleurs,
l´ironie
de
l´histoire
veut
que
la
gentrification
semble
se
développer
plus
aisément
dans
des
lieux
qui
ne
sont
pas
excessivement
désinvestis.
Inversement,
il
semblerai
qu´elle
ait
plus
de
mal
à
se
consolider
dans
les
quartiers,
villes
et
régions
d´Europe
et
d´Amérique,
les
plus
touchées
par
la
désindustrialisation
:
«
là
où
les
gouvernements
cherchent
activement
à
promouvoir
la
gentrification
à
partir
de
projets
de
régénérations
urbaine
censés
soulager
la
détérioration
des
infrastructures
et
la
misère.
»
(SHAW,
2008
:
1702).
À
croire
une
des
principales
conclusions
que
S.
Jourdan
(2006,
2008)
tire
de
son
étude
sur
la
gentrification
à
Marseille
:
des
quartiers
paupérisés,
stigmatisés
et
dégradés
du
centre-‐ville
phocéen
(par
exemple,
Belsunce
et
Noailles),
connaitraient
des
processus
de
gentrification
marginaux,
voir
imperceptibles,
à
différence
d´autres
quartiers
moins
dévalorisés
(Réformés,
Cours
Julien,
Camas),
ce
qui
conduirait
à
croire
que
la
gentrification
a
besoin
d´un
¨terreau
de
valeur
préexistante¨.
Si
on
accepte
que
les
stratégies
urbaines
d´attractivité
produisent
parfois
plus
de
problèmes
que
ceux
qu´elles
résolvent,
pourquoi
alors
leur
évaluation
ne
prendrait-‐elle
pas
en
compte
les
effets
négatifs
?
Au-‐delà
des
évaluations
politico-‐institutionnelles,
il
semblerait
que
les
effets
négatifs
des
processus
de
réinvestissement
ne
sont
pas
sujet
de
consensus
parmi
les
chercheurs
(SHAW,
2005a
;
LEES
et.
al.
2008,
2010,
SLATER,
2007).
Or,
même
une
lecture
très
simple
du
processus
permet
de
penser
que,
plus
on
avance
dans
les
étapes
et
moins
les
effets
sont
bénéfiques
pour
tous.
À
croire
K.
Shaw
(2005a),
il
y
aurait
plus
d´études
(monographies
croisant
des
méthodes
quantitatives
et
qualitatives)
qui
montrent
les
liens
entre
gentrification
et
déplacement52,
que
d´études
qui
montrent
le
contraire53.
Ces
dernières
seraient
en
revanche
plutôt
bien
reçues
par
les
médias
et
les
milieux
politico-‐institutionnels,
contribuant
à
la
légitimation
des
interventions
mises
en
œuvre
mais
aussi
justifiant
un
certain
¨laisser-‐faire¨
politique.
À
l´instar
de
R.
Atkinson
:
«
les
stratégies
urbaines
sont
plus
souvent
inspirées
par
des
postulats
idéologiques
et
par
des
idées
reçues
sur
les
effets
positifs,
que
par
les
résultats
de
recherches
systématiques
»
(ATKINSON,
2002
:15).
D´où
l´intérêt
de
confronter
les
idées
reçues
aux
faits
documentés,
et
dans
le
cadre
de
travaux
empiriques,
à
la
réalité.
Quels
sont
donc
les
principaux
effets,
positifs
et
négatifs,
de
la
gentrification
?
À
partir
d´un
corpus
international
de
travaux
empiriques,
R.
Atkinson
et
G.
Bridge
ont
proposé
la
lecture
suivante
(Fig.8).
Bien
que
ce
tableau
ne
soit
pas
exhaustif
et
considérant
que
tous
les
quartiers
ne
52
Pour
une
note
exhaustive
sur
l´état
des
savoirs
concernant
le
déplacement
des
classes
de
moindre
statut
en
lien
avec
la
gentrification,
ATKINSON
R.,
et
al.,
2011,
Gentrification
and
displacement:
the
household
impacts
of
neighbourhood
change,
AHURI
Final
Report,
No.160.
Melbourne:
Australian
Housing
and
Urban
Research
Institute.
Pour
un
recueil
de
travaux
empiriques,
ATKINSON
R.,
BRIDGE
G.,
(2005),
Gentrification
in
a
Global
Context:
the
new
urban
colonialism.
London:
Routledge.
53
Pour
un
des
articles
les
plus
relayés
par
les
médias
anglo-‐saxons
:
Freeman,
L
&
Braconi,
F
2004,
'Gentrification
and
displacement
–
New
York
City
in
the
1990s',
Journal
of
the
American
Planning
Association,
vol.
70,
no.
1,
pp.39–52.
53
connaissent
pas
les
mêmes
effets,
d´un
lieu
à
un
autre
et
d´une
phase
à
une
autre
du
processus,
il
a
toutefois
la
qualité
de
proposer
un
premier
regard
d´ensemble
à
partir
d´observations
empiriques
et
non
pas
exclusivement
théoriques
ou
idéologiques.
EFFETS
POSITIFS
EFFETS
NÉGATIFS
Déplacement-‐exclusion
lié(e)
à
l´augmentation
des
valeurs
immobilières
et
foncières
Impacts
psychologiques,
sociaux
et
économiques
liés
au
déplacement-‐exclusion
Stabilisation
du
déclin
démographique
Accroissement
des
tensions
sociales
au
niveau
et
physique
des
quartiers
des
quartiers
et
entre
habitants
Réduction
de
l´offre
de
logements
à
prix
Augmentation
des
valeurs
immobilières
et
accessibles,
que
ce
soit
dans
le
privé
comme
dans
foncières
le
public
Spéculation immobilière
Réduction
des
taux
de
vacance
Augmentation
du
nombre
de
SDF
Augmentation
des
revenus
fiscaux
Rapprochement
des
lobbys
et
des
sphères
de
la
locaux
(par
attraction
d´habitants
plus
décision.
nantis)
Remplacement
de
l´offre
commerciale
et
de
la
Moteur
de
réinvestissements
futurs
structure
de
l´emploi
Augmentation
générale
des
produits
de
consommation,
du
¨cout
de
la
vie¨
et
évolution
des
services
locaux
Réduction
de
l´étalement
urbain
Accroissement
de
la
tension
résidentielle
dans
les
(densification)
quartiers
voisins
Diversification sociale (mixité sociale) Réduction de la diversité sociale (ségrégation)
Action
concertée
entre
acteurs
publics
et
Sous-‐occupation
et
perte
de
population
dans
les
privés
zones
gentrifiés
Fig.8
Principaux
impacts
de
la
gentrification,
Rowland
Atkinson
et
G.
Bridge,
2005,
Gentrification
in
a
global
context
:
The
new
urban
colonialism
;
traduction
propre.
Note
:
en
gras
les
effets
qui
correspondent
davantage
aux
idées
reçues
qui
seront
examinés
dans
l´étude
de
cas.
Considérant
que
depuis
la
naissance
du
néologisme
la
question
du
déplacement-‐exclusion
des
classes
de
moindre
statut
constitue
le
point
névralgique
du
processus
de
gentrification,
que
la
54
recomposition
sociale
élitiste
est
la
conséquence
finale
de
ce
mouvement,
et
que
les
idées
perçues
que
nous
allons
analyser
dans
l´étude
de
cas
récusent
l´existence
d´un
tel
phénomène
:
il
convient
de
dire
un
mot
sur
les
raisons
qui
semblent
poser
problème
dans
les
débats
sur
l´évaluation
des
effets
du
processus.
54
SLATER
T.
(2006)
The
eviction
of
critical
perspectives
from
gentrification
research,
International
Journal
of
Urban
and
Regional
Research
30(4)
p.737-‐757.
Le
formidable
rayonnement
de
cet
article
est
à
trouver
dans
le
nombre
de
réponses
qu´il
a
généré,
ouvrant
ainsi
un
nouveau
débat
sur
le
sens
de
la
recherche
sur
la
gentrification,
et
plus
largement
sur
le
sens
de
la
recherche
urbaine
:
ALLEN,
C.,
2008.
Gentrification
'Research'
and
the
Academic
Nobility:
A
Different
Class?
International
Journal
of
Urban
and
Regional
Research,
32(1),
180-‐185.
Available
at:
http://
dx.doi.org/10.1111/j.1468-‐2427.2008.00770.x
[Accédé
Janvier
13,
2012].
FREEMAN,
L.,
2008.
Comment
on
'The
Eviction
of
Critical
Perspectives
from
Gentrification
Research'.
International
Journal
of
Urban
and
Regional
Research,
32(1),
186-‐191.
Available
at:
http://dx.doi.org/10.1111/j.1468-‐2427.2008.00771.x
[Accédé
Janvier
13,
2012].
SHAW,
K.,
2008.
A
Response
to
'The
Eviction
of
Critical
Perspectives
from
Gentrification
Research'.
International
Journal
of
Urban
and
Regional
Research,
32(1),
192-‐194.
Available
at:
http://dx.doi.org/10.1111/j.1468-‐2427.2008.00772.x
[Accédé
Janvier
13,
2012].
SLATER,
T.,
2008.
'A
Literal
Necessity
to
be
Re-‐Placed':
A
Rejoinder
to
the
Gentrification
Debate.
International
Journal
of
Urban
and
Regional
Research,
32(1),
212-‐223.
Available
at:
http://dx.doi.org/10.1111/j.1468-‐
2427.2008.00781.x
[Accédé
Janvier
13,
2012].
SMITH,
N.,
2008.
On
'The
Eviction
of
Critical
Perspectives'.
International
Journal
of
Urban
and
Regional
Research,
32(1),
195-‐197.
Available
at:
http://dx.doi.org/10.1111/j.1468-‐
2427.2008.00773.x
[Accédé
Janvier
13,
2012].
WACQUANT,
L.,
2008.
Relocating
Gentrification:
The
Working
Class,
Science
and
the
State
in
Recent
Urban
Research.
International
Journal
of
Urban
and
Regional
Research,
32(1),
198-‐
205.
Available
at:
http://dx.doi.org/10.1111/j.1468-‐2427.2008.00774.x
[Accédé
Janvier
13,
2012].
WATT,
P.,
2008.
The
Only
Class
in
Town?
Gentrification
and
the
Middle-‐Class
Colonization
of
the
City
and
the
Urban
Imagination.
International
Journal
of
Urban
and
Regional
Research,
32(1),
206-‐211.
Available
at:
http://dx.doi.org/10.1111/j.1468-‐2427.2008.00769.x
[Accédé
Janvier
13,
2012].
55
La
littérature
française
est
particulièrement
riche
sur
la
question
des
arbitrages
résidentiels,
même
si
un
peu
moins
sur
les
trajectoires
résidentielles
contraintes.
Pour
une
synthèse
récente
des
travaux,
voir
AUTHIER
J.Y
(dir.)
et.
al.,
2010,
Etat
des
lieux
sur
les
trajectoires
résidentielles,
Rapport
pour
le
PUCA
(Ministère
de
l’Ecologie,
de
l’Energie,
du
Développement
Durable
et
de
la
Mer
/
Groupe
de
recherche
sur
la
socialisation,
Université
Lyon
2).
Toutefois,
l´articulation
de
ces
approches
théoriques,
méthodologiques
et
empiriques
à
la
question
de
la
gentrification
reste
une
zone
d´ombre.
Selon
J.
Y.
Authier,
«
La
recherche
française
s´intéresserait
davantage
à
l’hébergement
institutionnel
avec
deux
entrées
thématiques:
¨la
question
des
sans-‐domicile,
investie
55
la
mesure
quantitative
de
¨l´invisible¨
(ATKINSON,
BRIDGE,
2005),
au
suivi
des
trajectoires
résidentielles
et
à
l´évaluation
des
impacts
psychologiques,
sociaux
et
économiques 56 .
Troisièmement,
les
politiques
urbaines
néolibérales
en
lien
avec
le
système
de
financement
de
la
recherche
ne
stimuleraient
pas
suffisamment
la
recherche
sur
ce
sujet,
décourageant
de
nombreux
chercheurs.
K.
Shaw
(2008)
ajoute
d´autres
raisons
parmi
lesquelles,
les
différences
de
point
de
vue
adoptés
par
les
chercheurs
:
«
[qui]
souvent
ne
voient
que
ce
qu´ils
veulent
voir
et
ceci
façonne
leurs
questionnements
»
(:1704).
Aussi,
que
différentes
expériences
du
processus
son
possibles
:
«
la
gentrification
n´affecte
pas
les
mêmes
gens
selon
qu´ils
gagnent
ou
qu´ils
perdent
»
(idem).
Bien
que
ce
débat
ne
fasse
que
commencer
dans
la
littérature
internationale
sur
la
gentrification57,
il
semblerait
que
depuis
la
publication
de
ces
échanges
les
travaux
sur
le
déplacement
et
l´exclusion
liés
à
la
gentrification
revoient
le
jour.
On
fait
le
souhait
que
ce
mémoire
participe,
au
moins
au
niveau
local,
au
renouvellement
de
ce
volet
de
la
recherche
sur
la
gentrification.
Enfin,
ces
débats
ouvrent
également
la
voie
à
des
discussions
très
intéressantes
sur
les
enjeux
pour
envisager
des
formes
d´intervention
qui
contribuent
à
anticiper
ou
à
freiner
le
processus
de
gentrification58.
Or,
s´arrêter
davantage
pour
discuter
ces
questions
nous
éloignera
trop
du
propos
annoncé.
Il
semble
plus
pertinent
de
dire
un
mot
final
afin
de
conclure
cette
première
partie
théorico-‐conceptuelle
dont
l´objectif
était,
rappelons
le,
de
discuter
la
pertinence
de
la
notion
de
gentrification
comme
analyseur
des
recompositions
sociales
des
quartiers
centraux.
al.
(2011)
Gentrification
and
displacement:
the
household
impacts
of
neighbourhood
change,
AHURI
Final
Report,
No.160.
Melbourne:
Australian
Housing
and
Urban
Research
Institute.
57
Sur
les
postures
critiques,
le
déplacement
et
la
gentrification,
T.
Slater
publia
un
article
qui,
une
fois
de
plus,
d´intervention.
56
hiérarchie
urbaine,
a
fait
de
la
gentrification
une
stratégie
urbaine
à
part
entière,
dans
la
quête
de
repositionnement
des
villes
dans
la
concurrence
inter-‐urbaine
régionale
et
mondiale.
Ainsi,
depuis
près
d´une
décennie,
la
multiplication
des
expressions
du
processus
qui
découlent
de
ce
mouvement
de
généralisation,
a
profondément
interrogé
la
viabilité
de
la
notion
ainsi
que
sa
capacité
heuristique
(c´est
à
dire,
sur
sa
capacité
à
éclairer
l´articulation
de
processus
autrement
-‐et
apriori-‐
indépendants
les
uns
des
autres).
Malgré
les
arguments
qui
ont
pu
appeler
à
l´abandon
de
la
notion,
il
semble
désormais
qu´en
considérant
la
gentrification
comme
faisant
partie
d´un
continuum
de
recompositions
urbaines,
économiques
et
sociales,
le
maintien
de
l´unité
de
la
notion
parait
indispensable
pour
que
la
recherche
avance
vers
une
posture
critique
de
l´évaluation
des
effets
du
processus,
ainsi
que
vers
une
posture
qui
prône
l´action
en
faveur
de
la
production
de
villes
plus
égalitaires.
Afin
de
poursuivre
notre
propos
et
d´engager
la
mise
en
examen
des
idées
reçues
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers,
il
faut
rappeler
quelques
considérations
qu´on
a
pu
faire
au
cours
de
cette
discussion
et
qui
sont
essentielles
pour
l´analyse
qui
suit.
On
a
pu
montrer
que
l´évaluation
du
processus
de
gentrification
repose
davantage
sur
des
idées
reçues
sur
les
effets
positifs
que
sur
des
recherches
systématiques
et
qui
prennent
en
compte
les
effets
négatifs,
notamment
le
déplacement-‐exclusion
des
ménages
de
moindre
statut.
Ce
constat
semble
trouver
confirmation
au
regard
du
cas
du
centre-‐ville
phocéen,
où
un
certain
nombre
d´idées
reçues
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
avancent
que
le
processus
n´aurait
pas
lieu,
en
raison
d´une
faible
attraction
de
ménages
de
classe
moyenne
et
supérieure
et
de
l´incapacité
de
les
retenir,
ce
qui
constitueraient
un
¨stock¨
insuffisant
de
gentrifieurs.
57
58
«Le
centre
n´est
en
rien
un
espace
délaissé
par
les
urbanismes
et
les
projets.
Il
est
une
sorte
de
chantier
permanent,
au
moins
depuis
un
siècle
où
les
destructions
et
les
ouvrages
se
succèdent
sans
pratiquement
aucune
interruption.
Un
chantier
permanent
qui
laisse
des
ruines
comme
la
trace
des
tensions
sociales
qui
les
portent
et
des
aménagements
qui
ne
sont
que
les
fragments
de
projets
réduits
ou
avortés
»
59
Partie
2
ÉTUDE
DE
CAS
LA
RECOMPOSITION
SOCIALE
DES
QUARTIERS
CENTRAUX
DE
MARSEILLE
Récemment,
lors
de
la
restitution
d´un
programme
de
recherche
dit
POPSU59
portant
sur
les
opérations
et
projets
urbains
à
Marseille,
une
géographe
déclarait
que
:
«
la
volonté
municipale
de
requalification
de
la
ville,
accélérée
par
les
opérations
de
renouvellement
urbain
d´Euroméditerranée,
est
effective
mais
n´est
pas
suffisante
pour
installer
un
processus
de
gentrification
durable
et
continu.
»60
Comme
cette
déclaration,
un
certain
nombre
d´idées
dont
les
fondements
ne
sont
pas
toujours
explicités,
mettent
en
avant
que
le
processus
de
gentrification
des
quartiers
centraux
de
Marseille
ne
dépasserait
pas
la
phase
marginale.
Comme
dans
ce
cas,
une
certaine
ambiguïté
dans
leur
formulation
ne
permet
pas
de
saisir
clairement
la
posture
de
celui
qui
dresse
le
constat.
:
faut-‐il
renforcer
les
politiques
urbaines
de
réinvestissement
et
d´attraction
qui
stimulent
la
gentrification
?
Ou
bien,
s´agit-‐il
d´un
plaidoyer
pour
une
recherche
urbaine
qui
contribue
à
la
mise
en
œuvre
de
politiques
urbaines
plus
inclusives
qui
permettent
aux
habitants
pauvres
de
profiter
du
réinvestissement
sans
avoir
à
payer
le
prix
par
leur
exclusion?
Comme
on
a
pu
le
voir
précédemment,
l´évaluation
du
processus
de
gentrification
repose
souvent
davantage
sur
des
idées
reçues
sur
les
effets
positifs,
que
sur
des
recherches
systématiques
qui
prennent
en
compte
les
effets
négatifs,
notamment
le
déplacement-‐exclusion
des
ménages
de
moindre
statut.
Dans
ce
sens,
en
accord
avec
Jean
Stéphane
Borja61,
il
parait
que
la
connaissance
du
processus
à
Marseille
soit
profondément
59
La
Plate-‐forme
d'observation
des
projets
et
stratégies,
est
un
programme
de
recherche
lancé
en
2004
et
clôturé
en
2010
(un
POPSU
2
est
en
cours
jusqu´en
2013)
:
“Dans
sept
grandes
agglomérations
françaises,
la
fabrique
de
la
ville
a
été
analysée
par
des
équipes
de
recherche
en
liens
avec
les
acteurs
locaux
de
l’urbanisme.
Cette
action
s’est
basée
sur
un
partenariat
entre
le
Plan
Urbanisme
Construction
et
Architecture
(PUCA),
à
travers
le
GIP
EPAU
devenu
GIP
AIGP,
et
les
principales
collectivités
territoriales
et
autres
acteurs
de
ces
agglomérations”.
Consultable
sur
:
http://www.popsu.archi.fr/POPSU1/valorisation/,
dernière
consultation
23
septembre
2012.
60
Brigitte
Bertoncello,
professeur
à
l´Université
de
Provence
Aix-‐Marseille
I,
lors
du
colloque
¨Marseille
Euroméditerranée¨,
restitution
de
la
recherche
POPSU,
le
18
juin
2010.
Retranscription
des
débats.
Disponible
en
ligne
:
http://www.popsu.archi.fr/POPSU1/valorisation/spip.php?article166,
consulté
le
15
juin
2012.
61
Jean-‐Stéphane
Borja,
doctorant
au
Laboratoire
Méditerranéen
de
Sociologie,
co-‐auteur
de
Attention
à
la
fermeture
des
portes.
Citoyens
et
habitants
au
cœur
des
transformations
urbaines:
l´expérience
de
la
rue
de
la
République
à
Marseille,
2010,
un
des
seuls
ouvrages
qui
analyse
les
transformations
urbaines
récentes
du
centre-‐ville
de
Marseille
sous
l´angle
de
la
gentrification.
Propos
issus
du
reportage
Inventaire
avant
élections
à
Marseille
:
Les
villes
appartiennent-‐elles
aux
riches
?
Florence
Pacaud,
France
Culture,
16
Janvier
2012,
consultable
sur
:
www.franceculture.fr
60
lacunaire
:
¨Je
pense
que
Paris
a
été
un
cas
qui
a
été
assez
bien
documenté
par
pas
mal
de
chercheurs.
On
peut
parler
aussi
de
Lyon.
D´une
manière
générale,
en
reparlant
pour
le
coup
de
Marseille,
Marseille
c´est
quand
même
un
cas
d´exception.¨
Il
paraît
donc
important
d´interroger
le
sens
à
donner
au
mythe
de
l´exception
marseillaise
en
ce
qui
concerne
la
gentrification
:
l´exception
repose
t-‐elle
davantage
sur
le
fait
que
la
gentrification
ne
marche
pas,
ou
bien,
c´est
la
recherche
urbaine
locale
qui
ne
s´est
pas
donnée
à
ce
jour
les
moyens
d´évaluer
le
processus
dans
toutes
ses
dimensions?
En
conséquence,
est-‐ce
que
la
documentation
du
processus
est-‐elle
suffisante
et
suffisamment
fiable
pour
valider
ou
réfuter
les
idées
reçues
qui
circulent
concernant
le
processus
?
Dans
la
discussion
qui
suit
(partie
2),
on
essayera
de
démontrer,
d´une
part,
que
les
faits
documentés
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens
sont
insuffisants
pour
valider
ou
réfuter
en
bloc
les
idées
reçues.
Mais
aussi,
et
plus
particulièrement
que
dans
la
dernière
décennie
la
recherche
urbaine
n´a
pas
produit
beaucoup
de
données
de
connaissance
empiriques
sur
le
sujet.
On
argumentera
que,
si
on
déplace
le
point
focal
de
l´évaluation
du
processus
des
effets
positifs
aux
effets
négatifs,
il
semble
que
ce
ne
soit
pas
parce
que
les
classes
moyennes
et
supérieures
ne
viennent
pas
s´installer
en
nombre
suffisant
qu´il
n´y
a
pas
de
déplacement-‐exclusion
des
ménages
de
moindre
statut.
Autrement
dit
que,
vue
depuis
le
centre
phocéen,
les
effets
négatifs
des
processus
de
réinvestissement
ont
lieu
de
façon
plus
ou
moins
indépendante
par
rapport
à
l´accroissement
du
stock
de
gentrifieurs,
laissant
croire
que
la
gentrification
est
un
processus
central
de
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux.
La
deuxième
partie
de
ce
mémoire
sera
organisée
en
deux
temps.
En
guise
de
prélude
on
précisera
un
certain
nombre
de
considérations
méthodologiques
sans
lesquelles
on
ne
saurait
rendre
compte
de
l´approche
d´analyse
qui
sera
emprunté
par
la
suite
(2.1).
Dans
un
deuxième
temps,
on
engagera
pleinement
la
mise
en
examen
des
idées
reçues
au
regard
des
faits
documentés
dont
on
dispose
(2.2
à
2.4).
L´analyse
sera
rythmé
par
les
trois
principales
hypothèses
qui
ressortent
de
la
mise
en
évidence
des
idées
reçues
sur
les
effets
de
la
gentrification,
à
savoir
que
:
le
centre
de
Marseille
attire
des
nouveaux
habitants
(2.2),
ce
qui
impliquera
de
s´intéresser
aux
logiques
démographiques.
Que
les
nouveaux
habitants
appartiennent
notamment
aux
classes
moyennes
et
supérieures,
mais
que
leur
attraction
est
insuffisante
car
la
ville
de
les
retient
pas
(2.3),
ce
qui
demandera
d´interroger
les
critères
qui
sont
mobilisés
pour
analyser
cette
catégorie
sociologique.
Et
enfin,
que
le
stock
de
gentrifieurs
serait
insuffisant
pour
provoquer
le
déplacement-‐exclusion
des
classes
de
moindre
statut
du
centre-‐ville
(2.4),
affirmation
qui
supposera
d´interroger
la
documentation
des
effets
négatifs.
Enfin,
on
conclura
ce
mémoire
en
dressant
un
bilan
critique
des
connaissances
qui
fera
ressortir
61
des
zones
d´ombre
dans
la
documentation
empiriques
du
processus.
Celles-‐ci
pourront
être
mobilisées
dans
le
futur
en
tant
que
pistes
d´une
recherche
empirique.
Cette
question
est
à
nos
yeux
fondamentale,
bien
sur,
au
regard
de
la
démonstration
qui
est
ici
poursuivie.
Mais
surtout,
comme
réaction
au
manque
de
clarté
méthodologique
et
de
rigueur
scientifique
qui
a
pu
être
constaté
dans
de
nombreux
mémoires
de
master,
lors
de
la
phase
de
recherche
bibliographique
de
ce
mémoire.
Ainsi,
en
accord
avec
R.
Quivy
et
L.
Van
Campenhoudt
(2006),
la
démarche
de
connaissance
scientifique
se
distingue
d´autres
démarches
en
ce
qu´elle
procède
de
façon
ordonnée,
transparente
et
rigoureuse.
Elle
repose
sur
trois
phases
clefs.
La
première
phase
est
celle
de
la
rupture
avec
les
connaissances
issues
du
sens
commun
(idées
préconçues,
idées
reçues,
lieux
communs).
Autrement
dit,
c´est
la
phase
de
prise
de
distance
par
rapport
à
des
idées
sur
un
sujet
donné,
dont
on
méconnait
les
fondements.
La
deuxième
phase
est
celle
de
la
construction
d´une
pensée
ordonnée
de
l´objet
de
recherche,
dont
la
problématisation
constitue
le
premier
mouvement
et,
la
construction
d´un
modèle
d´analyse
constitue
le
deuxième.
Enfin,
la
troisième
phase,
dite
de
constatation,
correspond
à
la
confrontation
du
modèle
d´analyse
au
réel.
Elle
implique
l´observation
du
réel
et
l´analyse
des
informations
trouvées.
Elle
conclut
par
la
formulation
d´un
bilan
critique,
dans
lequel
sont
identifiés
apports,
limites
et
pistes
de
recherche
(Fig.9).
62
Fig.
9,
Représentation
des
étapes
de
la
démarche
méthodologique
scientifique
(QUIVY,
VAN
CAPENHOUDT,
2006)
Puisque
la
démarche
d´approche
proposée
dans
ce
mémoire
concerne
la
mise
en
examen
d´un
certain
nombre
d´idées
reçues.
Dans
un
premier
temps
on
interrogera
plus
longuement
la
première
étape
de
la
démarche
scientifique
:
peut-‐on
vraiment
parler
d´une
«
rupture
»
entre
sens-‐commun
et
démarche
scientifique
(2.1.1)
?
Dans
un
deuxième
temps,
on
commentera
les
principaux
éléments
du
modèle
d´analyse
issu
du
travail
de
construction
théorico-‐conceptuel
de
la
première
partie
de
ce
mémoire
(2.1.2).
Enfin,
seront
mis
en
évidence
les
critères
mobilisés
pour
la
constitution
du
corpus
d´analyse
sur
lequel
reposera
le
travail
de
constatation.
Il
s´agira
notamment
d´un
commentaire
sur
la
nature
et
les
sources
des
données
de
connaissance
collectées
(2.1.3).
Une
représentation
graphique
permettra
de
conclure
en
synthétisant
l´essentiel
de
la
démarche
méthodologique
présentée
dans
ce
préambule.
2.1.1
Du
sens
commun
à
la
démarche
scientifique
:
rupture
ou
continuité
?
À
l´instar
de
Quivy
et
L.
Van
Campenhoudt
(2006)
:
«
Lorsque
nous
abordons
l´étude
d´un
sujet
quelconque,
notre
esprit
n´est
pas
vierge
;
il
est
chargé
d´un
amoncellement
d´images,
de
croyances,
d´aspirations,
de
schémas
d´explication
plus
ou
moins
inconscients
[…]
qui
préformatent
notre
63
approche
de
ce
sujet
»
(QUIVY,
VAN
CAPENHOUDT,
2006
:18).
En
effet,
le
regard
qu´on
peut
porter
la
recomposition
sociale
du
centre-‐ville
phocéen
n´est
absolument
pas
¨vierge¨,
notamment
en
raison
du
mémoire
de
master
1
réalisé
en
2010,
mais
aussi
de
part
notre
expérience
personnelle
des
transformations
que
connaît
le
centre
phocéen,
et
dans
lesquelles
on
bénéficie
d´une
position
privilégié,
appartenant
à
ces
nouveaux
habitants
qualifiés
et
porteurs
d´une
¨nouvelle
sociabilité¨
jugée
conforme
avec
l´image
du
centre
dynamique
et
attractif,
au
cœur
des
stratégies
urbaines
locales
de
revalorisation.
Enfin,
notre
regard
et
par
extension
notre
expérience
personnelle
est
fortement
influencée
par
notre
engagement
depuis
quelques
années
auprès
d´une
association
locale
de
défense
des
droits
des
habitants,
notamment
des
locataires
pauvres,
face
aux
opérations
et
projets
de
réinvestissement
dans
différents
quartiers
du
centre
ville
phocéen62.
Comment
¨rompre¨
avec
les
idées
issues
du
sens
commun?
En
accord
avec
R.
Quivy
et
L.
Van
Campenhoudt
qui
argumentent
que
:
«
c´est
pour
insister
énergiquement
sur
cette
nécessité
de
prendre
du
recul
avec
les
idées
préconçues
autant
qu´avec
les
catégories
de
pensées
du
sens
commun,
c´est
à
dire
qui
sont
généralement
admises
dans
une
collectivité
donnée
[…]
que
certains
auteurs
parlent
carrément
de
rupture
épistémologique,
soit
de
rupture
dans
l´acte
de
connaissance.
Pour
eux,
notamment
G.
Bachelard,
il
doit
y
avoir
rupture
radicale
entre
le
sens
commun
et
ses
préjugés
d´une
part
et
la
connaissance
scientifique
d´autre
part.
Pour
d´autres
comme
A.
Giddens
ou
J.
Habermas,
parler
de
rupture
épistémologique
présente
le
double
inconvénient
de
disqualifier
injustement
le
sens
commun
ou
les
savoirs
ordinaires
et
d´instaurer
une
séparation
trop
stricte
entre
la
¨non
science¨
et
la
¨science¨.
»
(2006:18-‐19).
postures
et
engagements,
voir
annexe
nº
4.
Pour
une
histoire
approfondie
de
sa
genèse,
sa
posture
et
ses
combats
:
Un
centre
ville
pour
tous,
mai
2007,
Petites
batailles,
grandes
victoires.
Tirage
épuisé.
Contacter
l´association
pour
un
exemplaire
:
http://www.centrevillepourtous.asso.fr/
64
disciplines
»
(2006:19).
En
effet,
précisent
les
auteurs
:
«
ce
qu´on
appelle
le
¨sens
commun¨
est
d´ailleurs
régulièrement
le
fait
de
personnes
et
de
groupes
très
bien
informés
sur
certaines
questions
et
souvent
très
instruites
»
(2006:19).
Ceci
se
vérifie
pleinement
dans
le
cas
phocéen.
Voici
quelques
déclarations
qui
complètent
le
panorama
décrit
dans
l´introduction
de
ce
mémoire
(p.13-‐14)
:
en
avril
2010,
Jean
Viard,
sociologue
et
élu
socialiste
à
la
communauté
urbaine
de
Marseille,
déclarait:
«
Souvent,
la
réalité
ne
correspond
pas
à
l'idée
que
les
nouveaux
arrivants
se
faisaient
de
Marseille
»
63.
Dans
le
même
article,
Jean
Picon,
responsable
du
pôle
ressources
et
données
urbaines
de
l'Agam,
déclarait
:
«
Beaucoup
[de
nouveaux
arrivants]
n'hésiteront
pas,
par
exemple,
à
s'installer
à
La
Joliette
ou
à
Noailles,
endroits
qui
n'ont
traditionnellement
pas
bonne
presse
[…]
Mais,
s'ils
ne
disposent
pas
d'équipements
adéquats,
ils
seront
vite
découragés.
Il
est
urgent
que
leurs
demandes
soient
intégrées
dans
les
projets
des
politiques
urbaines
».
Plus
que
«
rupture
»
entre
sens
commun
et
connaissance
scientifique,
la
démarche
qui
sera
proposée
postule
pour
une
certaine
continuité
entre
les
deux.
De
telle
sorte,
elle
implique
que
la
rupture
entre
démarche
de
connaissance
scientifique
et
sens-‐commun
consiste
davantage
en
une
rupture
méthodologique
qu´épistémologique.
En
accord
avec
Quivy
et
Van
Campenhoudt
:
«
Même
si
l´on
se
place
dans
l´optique
d´une
continuité
entre
le
sens
commun
et
les
connaissances
scientifiques,
il
n´en
reste
pas
moins
que,
pour
constituer
des
connaissances
valides
du
point
de
vue
des
sciences
sociales,
ces
connaissances
doivent
être
produites
selon
certaines
règles
et
certaines
procédures
rigoureuses
auxquelles
le
sens
commun
n´est
pas
tenu
[…]
C´est
pourquoi
certains
parleront
plutôt
de
rupture
méthodologique
[à
comprendre
comme]
l´exigence
d´une
construction
méthodologique
rigoureuse
de
la
démarche
de
connaissance.
»
(2006
:18-‐19).
Quid,
maintenant,
de
la
phase
de
construction
qui
repose
sur
la
construction
d´un
modèle
d´analyse
?
63
Les
nouveaux
marseillais,
bienvenus
dans
la
cité
phocéenne,
Anaïs
Borios,
Matthias
Julliand
et
Claire
Thibault,
23
avril
2010,
L´Express
65
compte
d´un
aspect
du
réel.
Ainsi,
le
concept
n’est
ni
innocent,
ni
neutre,
mais
il
traduirait
indéniablement
le
point
de
vue
d´un
ou
plusieurs
chercheurs
(cf.
Partie
1).
En
ce
qui
concerne
les
hypothèses,
ce
sont
des
postulats
qui
découlent
du
travail
de
conceptualisation
et
qui
seront
confrontées
à
la
réalité.
Dans
ce
sens,
elles
sont
des
critères
de
sélection
des
données
(indicateurs),
auxquelles
elles
se
confronteront
lors
de
la
vérification
empirique
afin
d´être
validées,
réfutées
ou
réajustées.
Elles
constituent
l´essence
de
l´approche
que
le
chercheur
adopte
pour
analyser
son
objet
d´étude.
Bien
que
le
questionnement
initial
de
ce
mémoire
provienne
de
l´observation
(diffusion
d´un
certain
nombre
d´idées
reçues),
notre
démarche
part
du
postulat
que
la
notion
de
gentrification
est
un
analyseur
pertinent
pour
comprendre
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux.
A
travers
le
travail
de
conceptualisation
on
a
été
amenés
à
proposer
d´interpréter
la
gentrification
comme
un
processus
de
recomposition
élitiste
de
la
ville
qu´il
faut
situer
au
sein
d´un
continuum
de
recompositions
sociales
et
économiques.
Cette
approche
de
la
gentrification
serait
pertinente
pour
analyser
de
façon
critique
les
effets
du
processus
en
termes
de
recomposition
sociale.
En
effet,
si
on
considère
que
les
évaluations
des
stratégies
urbaines
sont
plus
souvent
inspirées
par
des
postulats
idéologiques
et
par
des
idées
reçues
sur
les
effets
positifs,
que
par
les
résultats
de
recherches
systématiques.
Alors,
l´étude
de
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens
par
la
mise
en
examen
des
idées
reçues
semble
une
démarche
de
connaissance
pertinente
et
critique.
De
ce
point
de
vue
la
démarche
de
connaissance
qu´on
suggère,
s´apparente
à
une
démarche
hypothético-‐déductive64.
64
La
construction
part
d´un
postulat
ou
d´un
concept
postulé
comme
modèle
d´interprétation
du
phénomène
étudié.
Le
modèle
génère,
par
un
travail
logique,
des
hypothèses,
des
concepts
et
des
indicateurs
auxquels
il
faudra
rechercher
des
correspondantes
dans
les
faits
(QUIVY,
VAN
CAPENHOUDT,
2006).
66
Méthode
:
hypothético-‐déductive.
Principaux
concepts
et
hypothèses
:
La
gentrification
est
comprise
comme
un
processus
de
recomposition
élitiste
de
la
ville
et
qu´il
faut
interpréter
comme
faisant
partie
d´un
continuum
de
recompositions
sociales
et
économiques.
MODÈLE Cette
posture
semble
pertinente
pour
analyser
de
façon
critique
les
effets
du
D´ANALYSE
processus
en
termes
de
recomposition
sociale.
Considérant
que
les
évaluations
des
stratégies
urbaines
sont
plus
souvent
inspirées
par
des
postulats
idéologiques
et
par
des
idées
reçues
sur
les
effets
positifs,
que
par
les
résultats
de
recherches
systématiques.
L´étude
de
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens
par
la
mise
en
examen
des
idées
reçues,
semble
une
démarche
de
connaissance
pertinente
et
critique.
Enfin,
les
hypothèses
de
travail
qui
seront
mises
à
l´épreuve
au
regard
des
faits
documentés
recensés
sont
les
suivantes.
Le
solde
migratoire
a
un
rôle
prédominant
dans
la
croissance
démographique
récente
:
Marseille
attire
des
nouveaux
habitants.
Or,
le
stock
de
gentrifieurs
67
reste
insuffisant
:
le
centre
de
Marseille
n´attire
pas
suffisamment
ni
ne
retient
les
ménages
appartenant
aux
classes
moyennes
et
supérieures.
En
conséquence,
il
n´y
pas
de
déplacement-‐
exclusion
des
ménages
de
moindre
statut
inexistant)
:
les
ménages
sur
place
restent
sur
place
et
la
recomposition
sociale
appelée
de
ses
vœux
par
la
classe
politique
n´a
pas
lieu
(cf.
Fig.8
pour
une
synthèse
de
la
démarche
méthodologique).
Quels
sont
les
faits
documentés
recensés
au
regard
desquels
on
confrontera
les
hypothèses
posées
?
Tout
d´abord,
concernant
l´objectif
d´explorer
la
pertinence
de
la
notion
de
gentrification
comme
analyseur
de
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux,
il
a
été
fait
appel
à
un
certain
nombre
d´ouvrages
et
articles
scientifiques
spécialisés
(parus
dans
des
revues
à
comité
de
lecture),
ainsi
qu´à
des
thèses
et
mémoires
universitaires,
plutôt
anglophones
pour
les
premiers
(mais
pas
exclusivement)
et
francophones
pour
les
deuxièmes.
Concernant
la
littérature
sur
Marseille,
en
partant
de
l´idée
d´une
sorte
de
panne
de
la
recherche
urbaine
phocéenne
(cf.
introduction),
il
a
semblé
pertinent
de
restreindre
le
corpus
d´analyse
aux
données
de
connaissance
scientifiques
produites
au
cours
de
la
décennie
2000.
Ces
limites
ne
sont
toutefois
pas
de
rigueur,
notamment,
si
on
considère
que
le
dernier
bilan
de
la
recherche
urbaine
locale
date
de
1996
(MAZZELLA,
ZALIO,
1996).
Or,
entre
1996
et
2000,
un
certain
nombre
d´études
ont
vu
le
jour
et
dont
on
ne
saurait
faire
l´économie.
Ainsi,
le
corpus
comprend
environ
une
trentaine
d´ouvrages
et
articles
scientifiques
sur
les
transformations
urbaines
du
centre
phocéen,
ainsi
que
des
travaux
universitaires
(thèses
et
mémoires
de
master
2)66.
Les
critères
de
recherche
bibliographique
employés
:
¨Marseille¨,
¨gentrification¨,
¨dynamique
démographique¨,
¨rénovation¨,
¨réhabilitation¨,
¨renouvellement
urbain¨,
¨Belsunce¨,
¨Noailles¨,
¨Panier¨,
¨Euroméditerranée¨
ont
été
utilisés
dans
les
principaux
moteurs
de
recherche
scientifique
:
Cairn,
revues.org,
Sudoc,
mais
aussi
le
catalogue
de
la
BMVR
(Bibliothèque
Municipale
à
Vocation
Régionale),
le
centre
de
documentation
du
CRPV
(Centre
de
Ressources
pour
la
Politique
de
la
Ville,
PACA),
de
l´école
d´architecture
de
Marseille
et
enfin
de
l´Agam.
65
Pour
la
liste
des
documents
consultés,
voir
Bibliographie
:
Corpus
d´Analyse,
p.149-‐154
66
Les
transformations
urbaines
et
notamment
les
effets
en
termes
de
recomposition
sociale
sont
peu
analysés
à
travers
le
prisme
de
la
gentrification.
Parmi
les
quelques
contributions
:
(BORJA
J.S.,
et.
al.,
2010),
(DOUART
P.,
2008),
(JOURDAN
S.,
2006,
2008),
(MARGAAB
R.,
2010).
68
Ayant
constaté
un
certain
nombre
de
lacunes
dans
la
littérature
scientifique
sur
Marseille
au
cours
de
la
recherche
bibliographique,
il
a
paru
pertinent
de
se
tourner
vers
la
recherche
de
données
de
connaissance
¨non-‐scientifiques¨
(études
de
la
technostructure,
rapports
institutionnels
et
de
la
société
civile),
à
priori
moins
fiables,
mais
dont
l´exploration
n´est
pas
sans
intérêt.
D´une
part,
il
s´agit
parfois
de
sources
assez
bien
informées.
D´autre
part,
c´est
dans
certains
cas
les
seuls
indices
existants
(en
particulier
pour
l´analyse
du
profil
des
nouveaux
habitants
et
du
déplacement-‐exclusion
des
ménages
de
moindre
statut).
Enfin,
ces
données
sont
souvent
à
la
base
même
des
idées
reçues
qui
sont
à
l´origine
de
ce
mémoire
et
qu´on
a
pour
objectif
de
mettre
en
examen.
«
N´a
pas
fait
qui
commence
»,
engageons
sans
attendre
la
confrontation
des
idées
reçues
aux
données
de
connaissance
recensées
en
interrogeant
la
connaissance
des
logiques
démographiques
de
la
recomposition
sociale,
plus
spécialement,
le
rôle
de
l´attraction
de
nouveaux
habitants
dans
la
recomposition
sociale
du
centre
phocéen.
69
2.2
Logiques
démographiques
de
la
recomposition
sociale
Fig.
10,
La
Canebière,
(extrait),
Richard
Boigeol,
2009.
Source:
www.marseillemosaique.fr
«
Alors
que
les
pays
réellement
puissants
n´affichent
pas
de
fierté
particulière
quant
à
l´importance
numérique
de
leur
population,
ceux
qui
aspirent
à
cette
puissance
ont
tendance
à
mettre
en
avant
leur
dynamisme
démographique.
» 67 .
À
l´image
des
Etats,
la
stabilisation
du
déclin
démographique
constitue
un
lieu
commun
parmi
les
objectifs
poursuivis
par
les
stratégies
urbaines
(fig.8)
dans
de
nombreuses
villes
et
en
particulier
dans
les
centres.
À
Marseille,
le
retour
de
la
croissance
démographique
a
été
placé
au
cœur
des
enjeux
municipaux
depuis,
au
moins,
deux
décennies.
En
revanche,
selon
les
données
dont
on
dispose,
depuis
les
travaux
de
M.
Roncayolo
sur
les
logiques
démographiques
de
Marseille,
de
la
moitié
du
XIXe
siècle
au
début
des
années
1970
(RONCAYOLO,
1996),
la
recherche
urbaine
phocéenne
ne
s´est
plus
penchée
de
façon
systématique
sur
la
question
démographique.
Ainsi,
en
ce
qui
concerne
l´étude
de
la
¨crise
marseillaise¨,
S.
Mazzella
et
P.P.
Zalio
(1996)
ont
montré
que
la
recherche
locale
a
interrogé
les
causes
de
la
crise
à
travers
des
synthèses
historiques
(Marcel
Roncayolo,
Bernard,
Emile
Témime,
André
Donzel).
Ces
analyses
sont
attachées
à
l´identification
de
grandes
étapes
chronologiques
par
la
mise
en
évidence
des
facteurs
de
longue
période,
mais
sous
d´autres
approches
que
celle
de
l´analyse
démographique68.
En
ce
qui
concerne
la
période
du
retour
de
la
croissance
démographique,
les
recherches
sont
plus
conjoncturelles
(faute
de
recul
dans
le
temps
vis-‐à-‐vis
de
l´objet
décrit)
et
s´attèlent
à
la
narration,
parfois
critique,
des
stratégies
urbaines
mises
en
place
pour
replacer
la
67
(Ahmet
Insel,
L´obsession
nataliste
d´Erdogan,
Radikal
Istanbul,
le
Courrier
International
nº
1128
du
14
au
l´espace
urbain
celui
de
l´imaginaire
marseillais,
Emile
Temime
retrace
les
étapes
des
migrations
sociales
et
ethniques
qui
ont
fait
la
singularité
de
Marseille,
Bernard
Morel
et
Philippe
Sanmarco
conduisent
une
analyse
historique
de
la
crise
économique,
enfin,
André
Donzel
et
Jean-‐Claude
Garnier
privilégient
la
question
de
la
genèse
de
l´identité
des
quartiers
nord”
(:84)
70
ville
dans
les
réseaux
de
concurrence
interurbains
et
les
tensions
sociales
qui
émergent
de
ce
mouvement.
Cette
littérature
aborde
la
question
notamment
du
point
de
vue
des
processus
d´internationalisation
et
de
métropolisation
(BERTONCELLO,
DUBOIS,
2010
;
BERRY,
DEBOULET,
2007,
DONZEL,
2001
;
MOREL
1999).
La
crise
qu´a
connu
la
cité
phocéenne
sous
l´effet
de
l´ébranlement
de
l´empire
colonial,
d´une
désindustrialisation
à
marche
forcée
et
d´une
¨métropolisation
politique
manquée¨
(PERALDI,
2001),
s´est
traduite
par
une
hémorragie
démographique
qui
s´est
soldée
par
la
perte
d´un
peu
moins
de
100
000
habitants
entre
1975
et
1999,
dont
20%
de
la
population
du
centre
ville
(-‐60
000)69.
Le
système
économique,
social
et
urbain
totalement
ébranlé
depuis
la
fin
des
années
1960,
le
¨déclin¨
du
centre
a
été
interprété
à
l´image
des
villes
étasuniennes
(Fig.2)
à
ceci
prêt
que,
comme
le
note
M.
Roncayolo,
à
Marseille
la
désindustrialisation
a
précédé
l´urbanisation
de
la
périphérie
(la
suburbanisation).
Jusqu´à
nos
jours,
la
dégradation
du
cadre
bâti
et
la
paupérisation
du
tissus
économique
et
social
a
été
vu
comme
le
résultat
de
l´abandon
du
centre
par
les
classes
moyennes
et
supérieures,
phénomène
accentué
par
le
renforcement
de
la
fonction
d´accueil
des
populations
pauvres
et
immigrés.
Qu´en
est-‐il
réellement?
Que
veut
dire
abandonner?
L´idée
que
les
marseillais
auraient
été
dépossédés
de
cette
espace
et
qu´il
faudrait
le
reconquérir,
semble
bien
ancrée
dans
l´imaginaire
de
la
société
locale
(cf.
introduction).
Comment
interpréter
l´hémorragie
démographique
du
centre?
Peut-‐on
y
voir
un
phénomène
de
dépossession
et
d´abandon,
ou
bien
un
déplacement
stratégique
et
une
opportunité
foncière,
comme
l´a
suggéré
M.
Peraldi
(2002)?
En
1999,
les
chiffres
du
Recensement
Général
de
la
Population
ont
suggéré
que
la
démographie
phocéenne
se
stabilisait.
Cette
annonce
a
été
rapidement
interprétée
comme
un
signe
majeur
de
la
fin
de
l´hémorragie
et
par
extension
de
la
crise
économique,
sociale
et
urbaine.
Depuis,
l´argument
du
retour
de
la
croissance
est
constamment
avancé
comme
une
marque
indéniable
69
Source
:
élément
de
diagnostic
du
Projet
Centre
Ville,
coordonné
par
G.
Chenoz
en
1997
(consultable
à
l´Agam).
71
du
succès
des
stratégies
urbaines
mises
en
œuvre
depuis
près
de
deux
décennies
pour
renforcer
l´attractivité
de
la
ville.
Or,
les
faits
documentés
disponibles
sont
parfois
confus
:
selon
les
sources,
depuis
1999
la
croissance
démographique
se
ferait
à
un
rythme
entre
4500
à
6000
habitants
supplémentaires
par
an.
Cependant,
des
notions
telles
que
habitants
supplémentaires,
nouveaux
habitants,
nouveaux
arrivants
et
enfin
néo-‐marseillais
sont
parfois
employées
sans
distinction,
conduisant
à
des
interprétations
soit
erronées
soit
instrumentalisées70.
Bref,
la
croissance
démographique
que
connaît
la
ville
depuis
un
peu
plus
d´une
décennie
est-‐elle
imputable
aux
stratégies
urbaines
?
L´attraction
de
nouveaux
habitants
serait-‐elle
le
principal
moteur
de
la
croissance
démographique
marseillaise
et
par
la,
de
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux?
Quels
sont
les
enjeux
de
l´interprétation
de
ce
phénomène
et
en
quoi
il
est
important
au
regard
du
processus
de
gentrification
?
70
Ce
commentaire
repose
plus
particulièrement
sur
la
lecture
des
documents
suivants,
publié
tous
par
l´Agam,
Recensement
2008:
Tableau
de
bord
démographique,
Agam,
2011,
3p.
Observatoire
des
quartiers
CUCS
-‐
Actualisation
Juillet
2010
-‐
Volume
Centre-‐ville,
Agam
GIP
Politique
de
la
Ville,
46p.
Données
Urbaines
-‐
Nouveaux
Marseillais,
Agam
2010,
1p.
Observatoire
des
quartiers
CUCS
-‐
Etat
initial
-‐
volume
Centre-‐ville,
Agam
/
GIP
Politique
de
la
Ville,
mai
2009,
106p.
Carnet
du
recensement
-‐
Premiers
résultats
définitifs,
Agam,
janvier
2009,
4p.
Carnet
du
recensement
-‐
Mobilité́
résidentielle
-‐
Radioscopie
des
nouveaux
marseillais,
Agam,
décembre
2009,
4p.
Données
recensement
2006
:
volet
¨Les
habitants¨,
Agam,
2008,
1p.
72
population
depuis
1968
et
jusqu´en
2008,
mais
aussi
des
données,
plutôt
éparses
et
parfois
décousues,
que
l´on
retrouve
dans
la
littérature
grise
politico-‐institutionnelle
recensée.
L´approche
qui
sera
privilégiée
sera
celle
des
taux
de
croissance
annuelle
moyen
(TCAM)
de
la
population
dans
une
période
donnée71,
approche
largement
utilisée
et
appréciée
en
ce
qu´elle
permet
de
mettre
en
évidence
des
dynamiques
comparables,
à
condition
que
la
période
temporelle
d´analyse
soit
la
même.
Enfin,
l´analyse
qui
suivra
devra
montrer
l´intérêt
de
faire
varier
les
échelles
d´agrégation
de
données.
Au
niveau
national,
la
période
1945-‐1975
est
une
période
de
forte
croissance
démographique.
La
période
qui
suit,
1975-‐1999
est
elle
une
période
de
ralentissement
de
la
croissance.
Enfin,
depuis
1999
on
observe
le
retour
d´un
certain
dynamisme
démographique.
La
région
PACA,
toujours
attractive,
suit
la
tendance
avec
des
taux
légèrement
plus
élevés
que
la
moyenne
nationale,
même
si
des
chiffres
plus
récents
mettent
en
avant
un
certain
ralentissement.
Le
département
des
Bouches
du
Rhône
suit
aussi
la
tendance
nationale
avec
des
taux
un
peu
inférieurs
à
la
moyenne
régionale.
Toujours
attractif,
il
faut
toutefois
observer
un
ralentissement
plus
prononcé
au
cours
de
la
période
1982-‐1990,
qui
est
aussi,
par
ailleurs,
la
période
la
plus
critique
pour
Marseille,
mais
aussi
pour
d´autres
villes
de
la
région
avec
des
caractéristiques
économiques
et
sociales
comparables
(Fig.
16).
Fig.
12,
Taux
de
croissance
de
la
population
annuelle
moyen
:
un
regard
comparatif.
Source
:
INSEE,
réalisation
personnelle.
71
Méthode
de
calcul
des
TCAM:
[(V1/V0)^(1/r)]
-‐1,
où
V0
=
valeur
de
départ,
V1
=
valeur
d'arrivée,
r=nombre
d´années.
73
En
ce
qui
concerne
les
trois
plus
grandes
villes
de
l´hexagone,
la
tendance
générale
est
contraire
à
celle
observée
au
niveau
national.
Au
cours
de
la
période
1968-‐1999
ces
villes
ont
connu
un
déclin
démographique
plus
ou
moins
accentué
et
prolongé
selon
les
cas.
L´
hémorragie
est
particulièrement
forte
en
début
de
la
période
et
jusqu´en
1982.
À
partir
de
1990
on
constate
une
période
de
stabilisation,
marquée
par
une
reprise,
particulièrement
précoce
et
accélérée
à
Lyon.
Dans
la
dernière
décennie,
seul
Paris
continue
d´avoir
un
taux
de
croissance
largement
inférieur
à
la
moyenne
nationale,
tandis
que
Lyon
et
Marseille
sont
dans
la
moyenne.
Ce
qu´il
faut
retenir
pour
Marseille
c´est,
d´une
part,
l´idée
que
les
phénomènes
démographiques
observés
ne
sont
pas
spécifiques
à
la
ville.
Mais
aussi,
l´idée
que
Marseille,
tout
en
suivant
la
tendance
générale
des
autres
grandes
villes,
connait
un
retard
d´environ
une
décennie.
La
cité
phocéenne
continue
de
gagner
des
habitants
entre
1968
et
1975,
lorsque
le
déclin
bat
de
plein
fouet
à
Lyon
et
Paris.
Aussi,
même
lorsque
l´hémorragie
atteint
les
niveaux
plus
élevés
dans
la
cité
phocéenne,
elle
n´atteindra
jamais
des
niveaux
aussi
forts
(-‐1.1%
contre
-‐1,7%
Paris
et
2,1%
Lyon).
Enfin,
le
retour
de
la
croissance
arrive
à
Marseille
plus
d´une
décennie
après,
en
particulier
par
rapport
à
Lyon
qui
connaît
une
reprise
assez
spectaculaire
au
courant
de
la
période
1982-‐1999.
Ce
type
d´exercice
est
nécessaire
pour
relativiser
des
affirmations
passées,
présentes
et
futures.
Ainsi,
par
exemple
le
constat
dressé
dans
le
Rapport
Masson
(1993),
préfigurant
la
création
de
l´Etablissement
Public
Euroméditerranée
:
«Marseille
est
la
seule
ville
de
France
à
avoir
perdu
une
telle
part
de
sa
population
entre
les
deux
recensements
de
1982
et
1990
(-‐73
000
habitants)
[…]
Il
y
a
de
ce
fait
une
amplification
de
la
paupérisation
de
Marseille
par
un
exode
de
la
population
la
plus
aisée
et
des
emplois
les
plus
¨nobles¨.»
(in
MAZZELLA,
ZALIO,
1996,
:
111).
Au
plan
régional,
une
étude
récente
de
l´Insee
PACA72
a
montré
que
si
on
considère
les
douze
communes
de
plus
de
50
000
habitants
de
la
région,
pour
sept
d’entre
elles,
la
population
avait
diminué
ou
stagné
au
cours
des
années
1990.
C’était
le
cas
de
Marseille,
Nice,
Toulon,
Avignon,
Cannes,
La
Seyne-‐sur-‐Mer
et
Arles.
Or,
depuis
1999,
toutes
ces
communes
ont
renoué
avec
la
croissance
démographique,
à
l’exception
de
Nice
qui
continue
de
perdre
des
habitants
mais
à
un
rythme
très
modéré́
(-‐
200
par
an).
Parmi
les
grandes
communes
régionales,
Grasse
est
la
plus
dynamique,
sa
population
augmentant
de
1,7
%
par
an.
Puis
viennent
notamment
Fréjus
(+
1,1
%),
Cannes
(+
0,9
%),
Marseille
et
Hyères
(+
0,6
%),
Aix-‐en-‐Provence
et
Arles
(+
0,5
%).
Cette
étude
qualifiait
de
¨modérée¨
la
croissance
démographique
de
Marseille.
Ceci
rappel
l´épisode
de
2004
(cf.
p.53)
lorsque
l´INSEE
annonça
la
stagnation
de
la
croissance
démographique
phocéenne.
Sauf
que
cette
fois-‐ci
il
n´y
a
toujours
pas
eu
de
polémique.
Peut-‐être
doit-‐on
attendre
les
élections
municipales
de
2014
?
Dans
tous
les
cas,
selon
les
chiffres
les
plus
récents
dont
on
dispose,
le
taux
de
croissance
de
Marseille
reste
toujours
inférieur
aux
moyennes
72
Recensement
de
la
population
-‐
En
10
ans,
la
région
a
gagné
plus
de
380
000
habitants,
Synthèse
Flash
nº127,
janvier 2012, 2p. Consultable sur www.insee.fr, dernière consultation: 25 septembre 2012.
74
nationale,
régionale
et
départementale,
et
témoigne
un
certain
ralentissement
en
passant
de
0,75%
en
2009
à
0,63%
en
2012.
Bien
que
comparable
aux
taux
de
la
ville
de
Lyon,
il
reste
trop
faible
vis-‐à-‐vis
des
taux
de
croissance
des
trois
principales
capitales
régionales
du
sud
de
l´hexagone
:
Toulouse
et
Montpellier
(1,6%),
Bordeaux
(1,1%)73.
Il
serait
cependant
faux
de
penser
que
toute
la
ville
puisse
avoir
le
même
fonctionnement
démographique
depuis
près
d´un
demi
siècle.
Ainsi,
quelle
est
la
géographie
intra-‐urbaine
des
phénomènes
démographiques
?
Les
tendances
communales
ayant
fait
l´objet
d´un
commentaire,
l´analyse
suivante
sera
consacrée
aux
arrondissements
centraux.
Bien
que
la
tendance
décrite
corresponde
avec
la
tendance
communale,
les
valeurs
relatives
au
déclin
démographique
dans
le
centre
sont,
en
revanche,
beaucoup
plus
fortes.
D´ailleurs
les
valeurs
les
trois
périodes
dépassent
largement
le
taux
maximum
moyen
communal
(-‐1,61%,
-‐1,24%,
-‐1,58%,
contre
-‐1,1%).
L´hémorragie
démographique
du
centre-‐ville
semble
anticipée
par
rapport
à
la
moyenne
communale.
Lorsque
le
centre
perd
des
habitants,
le
solde
démographique
communal
reste
positif.
Comme
à
Lyon
ou
Paris
(cf.
Fig.,
12),
c´est
au
cours
de
la
période
1968-‐1975
que
l´hémorragie
atteint
les
niveaux
les
plus
élevés.
Comme
il
a
été
évoqué
avant,
pour
l´ensemble
de
la
période
de
déclin,
l´hémorragie
coutera
au
niveau
communal
10%
de
la
population
totale
(soit
autour
de
90
mil
habitants)
et
au
niveau
du
centre-‐ville
jusqu´à
20%
de
la
population
totale
(1/5
habitants,
soit
environ
70
mil
habitants).
73
Carnet
du
recensement
-‐
Premiers
résultats
définitifs,
Agam,
janvier
2009,
p3.
75
0,73%
0,66%
0,31%
-‐0,04% 0,00%
-‐0,55%
MARSEILLE
CV
-‐1,09%
-‐1,24%
-‐1,61%
-‐1,58%
Fig.
13,
Taux
de
croissance
de
la
population
annuelle
moyenne
à
Marseille
et
dans
les
arrondissements
du
centre-‐ville
(1e
au
7e).
Source
:
INSEE,
réalisation
personnelle.
Si
le
déclin
démographique
du
centre
ville
semble
anticipé
à
celui
observé
au
niveau
communal.
En
revanche,
la
stabilisation
de
la
croissance
est
simultanée,
assez
drastique
même
et
légèrement
plus
rapide
dans
les
arrondissements
centraux.
Enfin,
depuis
une
décennie
le
retour
à
la
croissance
est
un
phénomène
commun
à
tous
les
arrondissements
(sauf
le
7e)
y
compris
les
plus
touchés
du
centre-‐ville.
Toutefois,
il
est
intéressant
de
se
pencher
sur
l´analyse
détaillée
des
deux
phénomènes
démographiques
au
niveau
de
chaque
arrondissement
afin
de
prospecter
des
tendances
particulières
qui
pourraient
annoncer
des
liens
avec
des
phénomènes
de
restructurations
urbaines,
sociales
et
économiques
plus
larges
(Fig.
14).
Le
constat
est
fait
en
observant
les
taux
de
croissance
des
arrondissements
dans
la
période
de
déclin
démographique
avant
même
que
l´hémorragie
soit
presque
exclusivement
confinée
au
arrondissement
centraux
(1e
au
7e),
même
s´il
s´exprime
aussi
dans
les
arrondissements
du
nord,
de
façon
importante
dans
le
16e
et
beaucoup
plus
subtilement
dans
les
14e
et
15e.
En
revanche,
les
arrondissements
du
sud
et
de
l´est
connaissent
une
période
de
croissance
douce
pour
les
8e,
9e,
12e,
plus
accentuée
dans
le
13e
et
exponentielle
dans
le
11e.
Considérant
que
jusque
dans
les
années
1950
les
arrondissements
de
l´est
disposaient
d´une
réserve
foncière
abondante
et
que
la
période
1954-‐1960
s´est
caractérisée
par
une
reprise
de
la
croissance
urbaine
en
grande
partie
impulsée
par
des
politiques
volontaristes
de
construction,
on
peut
poser
l´hypothèse
de
l´abandon
du
centre
en
direction
des
périphéries
au
rythme
de
la
période,
pour
reprendre
l´expression
de
M.
Roncayolo,
de
“digestion
du
territoire
marseillais¨
(in
MAZZELLA,
ZALIO,
1996).
76
1,50%
1,00%
0,50%
0,00%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
-‐0,50%
-‐1,50%
Fig.
14,
Taux
de
croissance
de
la
population
annuelle
moyen
des
16
arrondissements
municipaux
de
Marseille,
source
:
INSEE,
réalisation
personnelle.
Bien
que
le
retour
à
la
croissance
soit
un
phénomène
commun
à
tous
les
arrondissements
(excepté
le
7e),
on
peut
identifier
plusieurs
logiques
spécifiques.
En
ce
qui
concerne
le
centre,
quatre
arrondissements
sur
six
présentent
des
taux
élevés
de
croissance
annuelle
moyen
(3e,
1e,
5e,
4e).
À
noter
que
le
deuxième
arrondissement
peine
à
regagner
sa
population
initiale.
Peut-‐on
imaginer
des
liens
avec
le
fait
que
l´opération
Euroméditerranée
se
déroule
en
bonne
partie
dans
cet
arrondissement
?
Ceci
voudrait
suggérer
des
liens
proches
entre
logiques
démographiques
et
recompositions
urbaines,
économiques
et
sociales.
Comment
expliquer
toutefois
que
la
population
de
l´arrondissement
dans
lequel
se
tienne
l´opération
phare
de
la
stratégie
urbaine
de
la
métropole
marseillaise,
Euroméditerranée,
ne
croît
pas
davantage
?
Trop
de
mètres
carrés
de
bureaux
et
trop
peu
de
logements?
Une
offre
de
logements
grands
en
surface
mais
sous-‐occupés
par
rapport
aux
taux
d´occupation
élevés
antérieurs
?
En
2010,
le
premier
rapport
diagnostic
de
l´Observatoire
des
Quartiers
de
la
Politique
de
la
Ville
(Agam)
faisait
le
constat
de
la
diminution
dans
le
secteur
Joliette
du
nombre
de
ménages
fiscaux
et
des
ménages
aux
revenus
les
plus
faibles.
De
ce
constat
s´est
inspirée
l´hypothèse
suivante,
et
qu´on
trouve
particulièrement
intéressante,
à
savoir
que
:
ces
deux
logiques
corrélées
pourraient
traduire,
plus
que
l´amélioration
de
la
situation
socio-‐économique
du
quartier,
le
déplacement
des
populations
pauvres.
77
De
retour
à
l´analyse,
les
arrondissements
sud
sont
devenus
plus
attractifs
qu´auparavant,
tandis
que
ceux
de
l´est
(en
particulier
le
11e)
connaissent
un
ralentissement
de
la
croissance.
Les
arrondissements
nord,
13e,
14e,
15e,
16e,
connaissent
une
croissante
supérieure
ou
comparable
à
celle
du
centre-‐ville.
Ceci
serait-‐il
imputable
à
la
poursuite
de
l´urbanisation
ainsi
qu´au
renouvellement
urbain
dans
des
espaces
riches
en
foncier
tombés
en
désuétude?
Or,
pour
pénétrer
plus
en
avant
dans
l´explication
des
phénomènes
décrits
jusqu´ici,
il
sera
nécessaire
de
mettre
en
évidence
les
mécanismes
démographiques
qui
les
sous-‐tendent
(2.2.2).
Mais
d´abord,
voici
un
aperçu
rapide
de
ce
que
l´analyse
des
taux
de
croissance
annuel
moyen
peut
apporter
en
termes
d´identification
des
logiques
démographiques
à
une
échelle
plus
fine,
ici
le
¨quartier¨
(Fig.
15).
78
Fig.
15,
Taux
de
croissance
de
la
population
annuel
moyen
des
quartiers
centraux
de
Marseille.
Source
:
INSEE,
réalisation
personnelle.
79
L´analyse
des
TCAM
à
des
échelles
plus
fines
peut
rendre
observables
des
disparités
spatiales
dans
l´expression
des
phénomènes
démographiques
imperceptibles
à
d´autres
échelles
d´agrégation
des
données.
Avant
de
rentrer
dans
l´analyse,
il
est
important
de
rappeler
que
l´agrégation
de
données
à
l´échelle
intra-‐urbaine
des
¨quartiers¨
n´existe
que
depuis
1982.
Ne
disposant
pas
des
données
antérieures
on
ne
pourra
réaliser
l´analyse
sur
l´ensemble
de
la
période
de
déclin
démographique
1968-‐2009.
La
première
chose
que
l´on
remarque
c´est
que
les
logiques
démographiques
se
complexifient.
Si
de
façon
générale
la
période
1982-‐1990
est
caractérisée
par
le
déclin
démographique
de
tous
les
quartiers
centraux,
le
phénomène
ne
touche
pas
les
quartiers
St.
Mauront
et
la
Villette
qui
se
situent
dans
la
couronne
péricentrale
nord.
Ces
deux
quartiers
connaitront
des
sorts
tout
à
fait
distinct
:
le
premier
connaitra
une
hémorragie
démographique
prononcée
entre
1990-‐1999
et
qui,
tout
en
se
stabilisant,
n´a
pas
cessé
de
nos
jours.
Le
deuxième
n´aura
jamais
connu
de
déclin.
Avec
un
taux
de
croissance
de
1,8%,
la
Villette
est
un
des
quatre
quartiers
les
plus
dynamiques
depuis
1999.
Enfin,
pas
tous
les
quartiers
n’auront
connu
une
hémorragie
aussi
forte
que
celle
de
Belsunce,
Opéra
et
Hôtel
de
Ville,
c´est
à
dire
des
quartiers
entourant
le
Vieux-‐Port.
Pour
ces
quartiers,
il
serait
d´ailleurs
intéressant
d´explorer
les
liens
entre
l´accentuation
de
l´hémorragie
et
l´action
publique
qui
a
été
très
tôt
mise
en
place74.
Dans
le
même
sens,
la
Villette
et
St.
Mauront
auraient-‐ils
joué
le
rôle
de
réceptacle
de
populations
déplacées
par
les
politiques
de
réhabilitation
de
l´hyper-‐centre75?
La
période
1990-‐1999
est
une
période
encore
plus
complexe,
certains
quartiers
connaissent
un
retour
de
la
croissance
précoce
au
regard
de
la
moyenne
communale
(Chapitre,
Noailles,
Opéra,
Thiers),
d´autres
se
stabilisent
(Belsunce,
Hôtel
de
Ville,
St.
Charles,
Grands
Carmes,
Camas,
Cinq
avenues,
N.D.
du
Mont),
tandis
que
d´autres
plongent
dans
le
déclin
(Belle
de
Mai,
St.
Mauront).
Dans
la
période
plus
récente
(1999-‐2009),
bien
que
le
retour
de
la
croissance
s´inscrit
comme
une
dynamique
générale,
près
d´un
tiers
des
quartiers
centraux
connaissent
une
croissance
plutôt
modérée,
un
tiers
connaissent
une
croissance
supérieure
à
1%,
dont
quatre
quartiers
très
dynamiques
(Noailles,
Villette,
Joliette,
Baille)
mais
aucune
structure
spatiale
permettant
d´expliquer
ceci
semble
se
détacher
actuellement,
et
enfin,
74
Cette
hypothèse
est
formulée
d´après
les
résultats
de
l´étude
empirique
réalisée
par
C.
Warren
(1992)
impact
de
la
réhabilitation
dans
Belsunce
entre
1982-‐1991
sur
la
population
de
locataires
du
parc
privé,
notamment
axée
sur
l´évolution
du
peuplement.
75
D´après
le
diagnostic
des
résultats
des
premières
actions
engagées
en
termes
d´attraction
de
nouveaux
arrivants
(1982-‐1990)
dréssé
dans
le
Schéma
de
référence
centre-‐ville,
1993,
Agam-‐Ville
de
Marseille
:
¨le
nombre
d´étrangers
a
diminué
de
façon
importante:
-‐45.2%
contre
31%
à
Marseille.
La
part
des
étrangers
a
fortement
baissé
également
de
11
points
:
de
33.1%
en
1982
à
22.4%
en
1990
[…]
La
plus
forte
baisse
de
population
étrangère
a
été
enregistré
dans
les
secteurs
Belsunce
et
Opéra
avec
une
diminution
du
nombre
d´étrangers
de
62%.
Dans
Belsunce
les
étrangers
représentaient
en
1982,
75%
de
la
population.
Ils
n´en
représentent
plus
que
50%.¨
Un
hypothèse
complémentaire
est
à
trouver
dans
C.
Garcia
(2004)
qui
a
montré
que
le
Contrat
de
Ville
(1994-‐1998)
concevait
la
couronne
péricentrale
nord
(St.
Lazare,
St.
Mauront,
Belle
de
Mai),
comme
lieu
de
réimplantation
des
populations
immigrés
de
Belsunce.
Cette
logique
de
report
de
populations
aurait-‐elle
commencée
avant
?
80
huit
quartiers
qui
perdent
toujours
de
la
population.
Parmi
ces
quartiers,
cinq
ne
sont
pas
sortis
du
cycle
de
déclin
depuis
1982
(Arenc,
Grands
Carmes,
Bompartd,
Endoume,
Roucas
Blanc),
St.
Mauront
qui
perd
toujours
des
habitants
depuis
1990,
mais
à
un
rythme
qui
tend
vers
la
stabilisation
et
le
Chapitre
et
St.
Lambert
qui,
après
avoir
connu
le
retour
de
la
croissance
entre
1990-‐1999,
rechutent
depuis
une
décennie.
L´analyse
des
taux
de
croissance
annuelle
moyen,
bien
qu´intéressante,
ne
permet
pas
en
soi
d´interpréter
les
différentes
trajectoires
démographiques
des
quartiers
centraux.
Pour
cela,
il
paraît
nécessaire
de
faire
varier
les
échelles
spatiales
d´analyse,
de
les
articuler
à
l´étude
des
mécanismes
qui
sous-‐tendent
les
principales
tendances,
mais
aussi
de
prendre
en
compte
des
phénomènes
plus
larges,
à
la
fois
globaux
et
spécifiques,
conjoncturels
ou
de
longues
durées,
comme
peuvent
être
l´action
publique
ou
les
migrations
intra-‐urbaines.
Seulement
ainsi,
l´analyse
des
phénomènes
démographiques
peut
apporter
un
éclairage
de
la
recomposition
sociale
des
espaces
urbains.
81
(Agam)
qui
expliquait
que
la
croissance
démographique
était
plus
liée
au
solde
naturel
(autour
de
2/3
de
la
croissance)
qu´au
solde
migratoire
(1/3).77
En
ce
qui
concerne
le
centre-‐ville,
il
était
dit
que
:
bien
que
celui-‐ci
connaisse
une
croissance
de
sa
population,
cette
situation
serait
imputable
à
un
solde
naturel
positif
mais
également
(notons
l´emphase)
«
à
un
¨retour¨
vers
ce
secteur
»
(idem
:
41).
Quelques
mois
auparavant,
en
entête
d´un
numéro
de
la
série
Carnets
du
recensement
publiée
par
l´Agam,
on
apprenait
que
sur
les
840
000
marseillais
̏recensés
̋
en
2006,
près
de
60
000
étaient
nés
entre
2001
et
2006
et
que
près
de
100
000
personnes
s´étaient
installées
à
Marseille
au
cours
de
cette
même
période78.
77
Observatoire
des
quartiers
CUCS
-‐
Etat
initial
-‐
volume
Centre-‐ville,
Agam
/
GIP
Politique
de
la
Ville,
mai
2009,
106p
78
Carnet
du
recensement
-‐
Mobilité́
résidentielle
-‐
Radioscopie
des
nouveaux
marseillais,
Agam,
décembre
2009,
p.1
79
Bien
qu´on
ne
connaisse
pas
l´origine
exacte
de
la
notion,
elle
sera
validée
en
tant
que
catégorie
descriptive
par
les
analystes
de
l´Agam
comme
équivalent
de
la
variable
Insee
¨ménage
ne
vivant
pas
5
ans
auparavant
dans
la
commune¨,
in
Carnet
du
recensement
-‐
Mobilité́
résidentielle
-‐
Radioscopie
des
nouveaux
marseillais,
Agam,
décembre
2009,
p.1
80
Si,
au
lieu
de
voir
une
attraction
insuffisante
de
nouveaux
habitants
les
techniciens
et
politiques
avaient
voulu
voir
le
rôle
du
solde
naturel,
au
lieu
d´insister
sur
la
programmation
de
politiques
d´¨attractivité¨,
n´auraient-‐ils
pas
pu
prévoir
les
besoins
qu´un
excèdent
démographique
génère?
Cela
aurait
pu
anticiper
l´actuelle
carence
en
crèches,
maternelles
et
autres
services
liés
à
la
petite
enfance?
82
Tout
d´abord
il
parait
important
de
faire
une
précision
de
méthode
en
explicitant
les
composantes
du
solde
naturel
et
du
solde
migratoire.
Selon
l´Insee,
le
solde
naturel
(ou
accroissement
naturel
ou
excédent
naturel
de
population),
est
la
différence
entre
le
nombre
de
naissances
et
le
nombre
de
décès
enregistrés
au
cours
d'une
période.
Les
mots
«
excédent
»
ou
«
accroissement
»
sont
justifiés
par
le
fait
qu'en
général
le
nombre
de
naissances
est
supérieur
à
celui
des
décès.
Mais
l'inverse
peut
se
produire,
et
le
solde
naturel
est
alors
négatif.
Le
solde
migratoire
est
la
différence
entre
le
nombre
de
personnes
qui
sont
entrées
sur
le
territoire
et
le
nombre
de
personnes
qui
en
sont
sorties
au
cours
d´une
période
donnée.
Mis
en
rapport,
ils
permettent
de
mieux
comprendre
la
variation
totale
d'une
population.
Une
étude
récente
commanditée
par
la
Région
PACA81
a
permis
de
revenir
sur
l´idée
que
les
phénomènes
démographiques
observés
à
Marseille
(déclin-‐retour
de
la
croissance)
n´étaient
pas
spécifiques
à
la
citée
phocéenne,
mais
communs
à
d´autres
communes
de
la
région,
54
pour
être
précis82.
En
se
basant
sur
l´analyse
de
l´évolution
des
disparités
socio-‐spatiales
dans
les
territoires
de
PACA
entre
1999
et
2008,
cette
étude
cherche
à
distinguer
des
territoires
avec
des
comportements
socio-‐économiques
similaires.
Ainsi,
l´étude
propose
une
typologie
des
territoires83.
Marseille
est
ainsi
classée
parmi
les
territoires
de
type
¨G¨,
caractérisés
par
une
forte
concentration
de
populations
défavorisées
et
un
fort
effort
fiscal.
On
y
retrouve
parmi
les
territoires
aux
niveaux
de
ressources
des
ménages
les
plus
faibles,
la
plus
forte
proportion
de
ménages
à
bas
revenus,
le
taux
d´effort
fiscal
y
est
élevé
et
les
écarts
de
revenus
entre
les
plus
riches
et
les
plus
pauvres
sont
assez
élevés.
Il
s´agit
de
territoires
d´emplois
avec
des
emplois
beaucoup
plus
nombreux
que
le
nombre
de
personnes
actives.
Parmi
les
54
communes
classées
ainsi
:
les
villes
de
Marseille,
Fréjus,
Hyères,
La
Garde,
Avignon,
Arles,
Toulon
et
Aubagne.
Au-‐delà
de
confirmer
les
spécificités
et
généralités
des
phénomènes
démographiques
déjà
commentés,
on
retrouve
dans
l´analyse
démographique
de
cette
étude
un
graphique
de
synthèse
(Fig.
16)
qui
décompose,
pour
les
territoires
¨G¨,
l´apport
de
chacun
des
deux
mécanismes
de
l´évolution
démographique
sur
un
période
longue
allant
de
1962
à
2008.
Cette
démarche
est
une
81
Etude
sur
les
disparités
socio-‐spatiales
des
territoires
en
région
PACA,
CRPACA-‐Le
compas-‐Agate,
mai
2012,
p.138
82
Au
niveau
de
la
France
métropolitaine,
depuis
la
fin
des
année
1970,
l´accroissement
naturel
est
le
moteur
de
la
croissance
démographique,
atteignant
des
rapports
de
4/5
contre
1/5
pour
le
solde
migratoire
en
2002,
par
exemple
(INED,
Population
et
Sociétés
n°
388,
mars
2003,
consultable
sur
:
www.ined.fr,
dernière
consultation
19
septembre
2012).
83
Territoires
(A)
les
plus
favorisés
Territoires
(B)
de
dynamisme
économique
–
populations
aisées
et
taux
de
pauvreté
significatif
Territoires
(C)
résidentiels
périurbains
(à
hauts
niveaux
de
revenus)
Territoires
(D)
ruraux
et
rurbains
–
Faible
pauvreté
Territoires
(E)
ruraux
en
mutation
–
sous
pression
démographique
Territoires
(F)
d´activité
à
population
très
modestes
Territoires
(G)
à
forte
concentration
de
populations
défavorisées
et
fort
effort
fiscal
83
première
manière
d´approcher
l´explication
des
phénomènes
de
déclin
et
de
retour
de
la
croissance
dans
des
territoires
partageant
des
caractéristiques
communes
à
celles
de
Marseille.
De
1962
à
1975,
environ
70%
de
la
croissance
démographique
des
territoires
¨G¨
est
imputable
au
solde
migratoire.
Les
effets
de
la
décolonisation
se
traduiront
par
le
ralentissement
des
flux
migratoires
conduisant
à
une
stagnation
de
la
croissance
démographique
au
cours
de
la
période
1975-‐1982.
Les
territoires
¨G¨
deviendront
¨répulsifs¨
au
cours
de
la
période
1982-‐1990,
la
force
moteur
du
déclin
démographique
étant
clairement
imputable
à
un
solde
migratoire
négatif.
L´hémorragie
stabilisée
entre
1990
et
1999,
la
période
qui
suivra
jusqu´en
2008
sera
celle
du
retour
à
la
croissance.
On
constate
avec
surprise
qu´à
ce
niveau
d´agrégation
des
données,
le
moteur
de
la
croissance
serait
le
solde
migratoire
(2/3)
et
non
pas
le
solde
naturel
(1/3),
rapport
inverse
à
celui
décrit
plus
haut
dans
le
cas
phocéen.
Comment
interpréter
cet
écart
avec
les
territoires
de
cette
classe,
pourtant
partageant
des
caractéristiques
et
des
dynamiques
socio-‐
économiques
?
À
partir
des
données
Insee
au
niveau
communal,
on
est
en
mesure
de
comparer
l´évolution
des
mécanismes
qui
sous-‐tendent
les
mouvements
démographiques
de
Marseille
à
ceux
décrits
pour
les
territoires
¨G¨.
Dit
de
façon
générale,
il
y
a
concordance
pour
les
périodes
allant
de
1962
à
1999.
En
revanche,
la
dernière
période
parait
signaler
une
spécificité
du
territoire
phocéen
puisque,
en
effet,
le
rapport
entre
solde
naturel
et
solde
migratoire
est
inversé
à
celui
de
la
classe
¨G¨,
à
savoir,
2/3
et
1/3.
De
cette
comparaison,
on
peut
avancer
l´idée
selon
laquelle
:
à
Marseille,
au
cours
de
la
dernière
décennie,
la
croissance
démographique
est
plus
imputable
au
solde
naturel
qu´au
solde
migratoire,
contrairement
à
de
territoires
régionaux
qui
connaissent
des
situations
socio-‐économiques
comparables.
Il
faut
donc
affirmer
plus
fortement
cette
réalité
au
regard
des
déclarations
à
demi-‐mot
qui,
dogmatiquement,
mettent
l´emphase
sur
l´attraction
de
nouveaux
habitants.
Cette
logique
est-‐elle
aussi
vraie
pour
le
centre-‐ville
phocéen?
84
Fig.
16,
Evolution
du
solde
naturel
et
du
solde
migratoire
intercensitaire,
moyennes
annuelles,
territoire
de
la
catégorie
¨G¨.
Source
:
Etude
sur
les
disparités
socio-‐spatiales
des
territoires
en
Région
PACA,
mai
2012,
p.40
2,50
2,00
1,50
1,00
0,50
0,00
1954
1962
1968
1975
1982
1990
1999
2008
-‐0,50
Fig.
17,
Mécanismes
du
l´évolution
démographique
(part
du
solde
migratoire
et
du
solde
naturel
dans
le
mouvement
démographique)
85
Selon
les
données
recueillies,
le
taux
de
natalité
du
territoire
CUCS
¨centre-‐nord¨
serait
le
plus
dynamique
parmi
les
territoires
communaux
de
la
Politique
de
la
Ville
(17
0/00,
contre
14
0/00
pour
le
reste
de
la
commune).84.
Selon
les
analyses
du
numéro
des
Carnets
du
Recensement
que
l´Agam
consacre
aux
¨néo-‐marseillais¨85,
le
centre-‐ville
serait
le
territoire
de
la
ville
le
plus
attractif
pour
les
nouveaux
arrivants86,
plus
spécialement
les
1e,
4e
et
5e
arrondissements,
dans
lesquels
plus
de
20%
de
la
population
totale
(1/5
habitants)
seraient
des
¨néo-‐marseillais¨
(12%
moyenne
communale).
En
dehors
de
ces
données
vagues
et
parmi
les
données
dont
on
dispose
actuellement,
aucune
analyse
des
mécanismes
démographiques
permet
à
ce
point
d´aller
plus
loin.
Ainsi,
il
vaut
mieux
rester
prudents
face
aux
analyses
qui
mettent
en
avant
le
rôle
du
solde
migratoire
dans
la
croissance
démographique.
Faute
d´analyses
systématiques
et
fiables,
le
recours
aux
données
Insee
aurait
pu
être
tentant.
Sauf
que,
au-‐delà
de
l´échelle
communale,
les
données
concernant
la
part
du
solde
naturel
et
du
solde
migratoire
dans
les
mouvements
de
population
ne
figurent
pas
(ou
plus
?)
dans
les
recensements
généraux
de
la
population.
On
aurait
voulu
approfondir
l´analyse
des
mécanismes
démographiques
à
des
échelles
plus
fines,
démarche
essentielle
dans
l´interprétation
des
phénomènes
démographiques,
or
les
délais
de
ce
travail
ne
permettaient
pas
la
mise
en
place
d´un
traitement
de
données
de
ce
type87.
Un
autre
aspect
qu´il
parait
important
de
traiter
au
regard
de
son
absence
(suspecte)
des
analyses
recensées,
est
la
part
et
les
logiques
des
départs,
autrement
dit,
des
mouvements
sortants.
Cette
donnée
est
de
toute
évidence
nécessaire
au
calcul
du
solde
migratoire,
mais
la
donnée
revêt
en
soi
une
importance
considérable
au
regard
de
l´idée
selon
laquelle
Marseille
et
son
centre
notamment,
ne
retiendrait
pas
les
nouveaux
habitants.
Qui
sont
les
ménages
qui
partent
de
Marseille
?
Des
¨néo-‐marseillais¨
déçus,
comme
le
suggèrent
un
certain
nombre
de
déclarations
déjà
mentionnées
(cf.
p.13,
p.67),
des
marseillais
exclus?
Bref,
toutes
les
hypothèses
sont
intéressantes
à
poser
tant
qu´on
ne
puisse
pas
voir
plus
84
Observatoire
des
quartiers
CUCS
-‐
Etat
initial
-‐
volume
Centre-‐ville,
Agam
/
GIP
Politique
de
la
Ville,
mai
2009,
p.41
85
Carnet
du
recensement
-‐
Mobilité
résidentielle
-‐
Radioscopie
des
nouveaux
marseillais,
Agam,
décembre
2009,
4p.
86
Ménages
ayant
déclaré
qu’ils
n’habitaient
pas
à
Marseille
cinq
ans
avant
l’année
où
ils
ont
été
recensés
(2006).
87
Plusieurs
données
INSEE
semblent
exister
pour
y
répondre,
mais
à
ce
jour
nous
n´avons
pas
pu
les
trouver.
Elles
devraient
exister
à
échelle
fine
(arrondissement,
quartier)
au
moins
pour
les
recensements
1990,
1999
et
2008.
Il
s´agit
des
données
:
TX
ANNUEL
DE
VAR
DE
POP
DU
MOUVEMENT
NATUREL
ref
:
RDxxTVMN
(xx
=
année
du
recensement)
TX
ANNUEL
DE
VAR
DE
POP
DU
MOUVEMENT
MIGRATOIRE
ref
:
RDxxTVMM
SOLDE
NATUREL
ENTRE
2
RP
ref
:
RDxxSNAT
SOLDE
MIGRATOIRE
ENTRE
2
RP
ref
:
RDxxSMIG
La
solution
sera
probablement
de
calculer
les
soldes
naturels
et
migratoires,
en
sachant
que
depuis
1999,
la
méthode
du
recensement
(RP)
a
changé
et
que
dans
les
villes
de
plus
de
10
000
habitants
le
RP
n´est
plus
exhaustif
mais
il
est
basé
sur
l´échantillonnage
annuel
de
8%
des
ménages,
ce
qui
imposera
des
contraintes
techniques.
Par
ailleurs,
certaines
données
nécessaires
au
calcul
(i.e
la
variable
¨nombre
de
naissances¨
n´est
pas
disponible
au
niveau
infra-‐communal,
à
l´échelle
dite
des
Iris,
qui
est
l´échelle
d´analyse
statistique
des
données
la
plus
fine
du
RP.
Ce
type
de
problème
contraindra
le
degré
de
précision
à
laquelle
on
pourra
prétendre
de
réaliser
l´analyse
quantitatif
des
mécanismes
de
l´évolution
démographique.
86
clair.
Toutefois,
ce
qui
interpelle
et
qui
doit
inciter
une
réaction
de
la
recherche
urbaine
locale,
c´est
qu´il
ne
s´agit
pas
d´un
phénomène
marginal,
puisqu´entre
1999
et
2008
on
estime
le
nombre
de
départs
à
77
000.
Il
est
d´autant
plus
urgent
de
mieux
connaître
les
profils
socio-‐
économiques
mais
aussi
les
logiques
qui
sous-‐tendent
ces
départs.88
M.
Peraldi
(2001)
a
montré
que
le
¨mythe
de
la
reconquête
du
centre-‐ville¨
aurait
été
un
moyen
de
politiser
les
symptômes
de
la
crise
sociale
et
économique
que
la
ville
a
connu
depuis
la
fin
des
88
Selon
des
données
disperses
que
l´on
a
pu
collecter
et
à
partir
de
quelques
calculs
rapides,
pour
la
période
1999-‐2008,
Marseille
attirerait
de
nombreux
ménages
(95
000),
mais
elle
en
perdrait
aussi
(77
000).
Ainsi,
pour
100
habitants
venant
s´installer
à
Marseille,
80
partiraient.
Les
20
restants
correspondant
au
solde
migratoire
gagné
de
ce
flux.
Voici
le
raisonnement
:
entre
1999
et
2008,
la
ville
enregistre
une
croissance
de
+
54
000
habitants.
Le
solde
naturel
contribuant
à
hauteur
de
36
000
habitants
(soit
2/3),
cela
voudrait
dire
que
dans
la
période
il
y
a
eu
60
000
naissances
et
24
000
décès.
Le
solde
migratoire
contribuant
à
hauteur
de
18
000
habitants
(soit
1/3),
cela
voudrait
dire
que
dans
la
période
il
y
a
eu
95
000
entrées
et
77
000
départs.
87
années
1960.
Ce
mythe,
nous
dit
le
sociologue,
reposerait
essentiellement
sur
un
autre
mythe
qui
est
celui
de
la
dépossession
du
centre-‐ville.
L´analyse
critique
de
ce
mythe
s´est
appuyé
notamment
sur
la
célèbre
déclaration
du
maire,
déjà
citée
avant,
dans
laquelle
il
déclarait
que
«
Le
centre
a
été
envahi
par
la
population
étrangère,
les
Marseillais
sont
partis.
Moi,
je
rénove,
je
lutte
contre
les
marchands
de
sommeil
et
je
fais
revenir
des
habitants
qui
payent
des
impôts.»89.
L´analyse
que
fait
Michel
Peraldi
de
cette
déclaration
révélatrice
(mais
certainement
pas
la
pire)90
vaut
d´être
rapportée
intégralement
:
«
Le
maire
veut
rendre
-‐
pas
donner,
conquérir-‐,
mais
rendre
comme
s´il
s´agissait
de
rétablir
des
personnes
dans
un
privilège
dont
on
les
aurait
spoliées.
Mais
qui,
quand?
De
quelle
guerre
cette
perte
résulte-‐t-‐elle?
Nous
avons
abandonné
Belsunce
et
le
centre
ville,
disait
voici
quelques
années,
comme
en
écho,
un
autre
homme
politique
local,
pourtant
d´un
autre
parti
politique
que
celui
du
maire,
héritier
de
ce
que
l´on
appelle
ici
une
¨vieille
famille,
témoin
archéologique
de
ce
monde
aujourd´hui
disparu
qui
accrochait
sa
puissance
économique
et
financière
au
négoce
et
à
l´industrie.
Est-‐ce
à
ceux-‐là
que
le
maire
veut
restituer
ce
centre
ville
perdu?
Ou
d´autres
qui
en
seraient
les
"héritiers"
dépossédés?
Un
autre
maire,
bien
avant
eux,
lorsque
furent
détruits
les
"quartiers
derrière
la
Bourse",
disait
vouloir
chasser
de
ce
centre
les
étrangers,
et,
ce
fut
dit,
les
Arabes.
Juste
après
la
Première
Guerre
mondiale.
Ainsi
depuis
un
bon
demi-‐siècle,
les
notables
locaux
n´ont
de
cesse
que
de
vouloir
de
cette
centralité
dite
perdue.
En
gardant
la
tête
froide,
on
ne
peut
cependant
se
demander
si,
depuis
tant
de
temps,
quelque
chose
de
ce
qui
fait
"centre"
et
"ville"
ici
a
bien
appartenu,
réellement,
foncièrement,
à
ceux
que
les
notabilités
désignent
ou
érigent
en
héritiers.
Non,
bien
sûr,
puisque
la
reconquista
dure
depuis
quasiment
le
début
du
siècle.
Ce
bord
de
la
ville
a
toujours
appartenu
aux
"autres".
Mais
qui
sont
les
autres?
Boîte
noire
que
ces
histoires
de
possession.
Qui
possède
une
ville?
Et
que
veut
dire
posséder?
Que
veut
dire
abandonner?
»
(PERALDI,
2002
:
89-‐90).
M.
Peraldi
s´est
ainsi
efforcé
de
montrer
que,
depuis
plus
d´un
siècle,
le
délaissement
du
centre
ville
au
profit
des
classes
laborieuses
et
immigrées
devait
être
interprété
plus
comme
un
déplacement
stratégique
qu´un
abandon
ou
un
repli,
et
toujours
liée
à
une
opportunité
foncière.
Ainsi,
lorsque
le
XIXe
siècle
industriel
déplace
le
port
au
nord
et
les
affaires
de
famille
au
sud,
les
bourgeoisies
négociantes
ont
abandonné
progressivement
ces
hôtels
privés
de
la
ville
pour
bâtir
des
bastides
dans
la
campagne
marseillaise,
loin
des
nuisances
du
port
et
de
la
proximité
des
classes
¨dangereuses¨.
Ce
mouvement
de
recomposition
socio-‐spatiale
s´accentue
dans
la
post-‐
guerre,
lorsque
la
petite
bourgeoise
et
les
classes
moyennes
commerçantes
et
fonctionnaires
deviennent
les
cibles
privilégiées
des
politiques
d´accession
à
la
propriété
et
de
la
politique
de
89
Jean
Claude
Gaudin,
maire
de
Marseille,
cité
dans
La
Tribune,
5
décembre
2001.
90
Pour
un
recueil
de
déclarations
révélatrices
et
rigoureusement
référencés,
cf.
Le
Dantec
B.,
2007,
La
ville
sans nom, Marseille dans la bouche de ceux qui l´assassinent, Le chien rouge, 106p.
88
construction
de
logements
collectifs
dans
les
périphéries.
Comme
le
note
M.
Peraldi,
«
les
propriétaires
ont
pris
le
pouvoir
dans
cette
ville,
en
creux,
subrepticement
et
par
défaut
au
fur
et
à
mesure
que
l´industrie
s´en
retirait.
Les
grandes
familles
ont
réinvesti
les
lambeaux
de
leur
fortune
dans
la
pierre,
les
petits
ont
bâti
sur
les
collines
au
fur
et
à
mesure
qu´y
pénétraient
les
autoroutes.
»
(2002
:89).
91
Si
la
périurbanisation
est
un
facteur
clé
de
l´urbanisation
rapide
de
ces
espaces,
les
apports
migratoires
liés
à
l´héliotropisme
doivent
être
aussi
pris
en
considération.
Pour
une
analyse
de
l´INSEE
plus
poussée
à
échelle
de
la
région
PACA
:
«
PACA
:
Héliotropisme
et
concurrence
exacerbée
entre
les
usages
des
sols
»,
disponible
sur
:
meridianes.org,
consulté
le
1e
octobre
2012.
Voir
carte
:
Equilibre
et
déséquilibre
des
parcs
de
logements
communaux
dans
la
région
urbaine
d´Aix-‐Marseille,
annexe
nº2
92
Voir
carte
:
Phases
de
la
croissance
démographique
de
la
région
urbaine
Aix-‐Marseille
depuis
1954,
annexe
nº3
89
L´explication
qui
voudrait
que
l´abandon
du
centre-‐ville
phocéen
par
les
classes
moyennes
et
supérieures
soit
la
conséquence
d´une
dépossession
de
cet
espace
par
les
classes
pauvres
et
immigrées,
ne
semble
pas
tenir
au
regard
des
faits
documentés
concernant
les
mécanismes
démographiques.
À
cet
égard,
il
parait
plus
plausible
de
croire
que
le
déclin
démographique
du
centre
et
la
dévalorisation
du
cadre
bâti
et
du
tissu
socio-‐économique
qui
s´en
est
suivi,
soient
le
résultat
d´une
série
de
déplacements
stratégiques
des
classes
nantis
vers
l´extérieur
de
la
ville,
stimulées
par
des
opportunités
foncières
en
lien
avec
les
politiques
urbaines
nationales,
à
l´évolution
du
contexte
économique
local
et
global,
mais
aussi
à
celle
des
modèles
culturels
mondiaux.
En
bref,
l´abandon
du
centre-‐ville
de
Marseille
a
été
plus
le
fait
du
mouvement
de
périurbanisation
et
de
mutation
de
l´économie
urbaine
que
d´une
¨spoliation¨
d´une
classe
sociale
sur
un
autre,
comme
l´ont
souvent
soutenu
les
discours
revanchards
qui
ont
réactualisé
le
mythe
de
la
¨reconquête
du
centre-‐ville¨.
Que
dire
du
mouvement
de
¨retour
en
ville¨
?
Comme
on
l´a
vu
précédemment
(p.31),
K.
Shaw
(2008)
a
montré
qu´il
y
a
suffisamment
d´éléments
qui
poussent
à
croire
que
la
gentrification,
à
l´image
de
la
périurbanisation
dans
les
années
1950-‐1970
(plutôt
1960-‐1980
à
Marseille),
soit
le
résultat
de
restructurations
économiques
et
culturelles
globales
plus
ou
moins
accompagnées
par
des
politiques
publiques.
Le
mouvement
de
¨retour
en
ville¨,
marqué
par
le
retour
de
la
croissance
démographique
dans
la
plupart
des
arrondissements
de
la
ville
est-‐il
appréhendable
à
la
lumière
du
processus
de
gentrification
?
Vu
ainsi,
la
retour
de
la
croissance
démographique
dans
le
centre-‐ville
phocéen
serait
le
résultat
du
déplacement
stratégique
de
¨nouveaux
habitants¨
de
classe
moyenne
et
supérieure,
stimulé
par
des
opportunités
foncières
et
immobilières
en
lien
avec
l´action
publique
(¨reconquête
du
centre-‐ville¨),
mais
aussi,
résultant
de
l´évolution
de
l´économie
urbaine
de
la
cité
(marché
de
l´emploi
qualifié
et
bien
rémunéré)
et
à
l´émergence-‐diffusion
de
nouveaux
styles
de
vie
urbaines
(image
urbaine,
cadre
de
vie,
offre
culturelle).
D´autre
part,
pour
valider
cette
hypothèse
il
faudrait
aussi
savoir
qui
sont
les
nouveaux
habitants
?
Appartiennent-‐ils
majoritairement
aux
classes
moyennes
et
supérieures
comme
90
semblent
argumenter
la
plupart
des
faits
documentés
?
Ou
bien
y
a
t-‐il
là
aussi
des
idées
reçues
qui
découlent
d´une
documentation
scientifique
lacunaire?
Sur
quelles
caractéristiques
reposent
les
catégorisations
qui
les
décrivent
ainsi?
Que
veut
dire
que
l´attraction
de
ces
classes
sociales
soit
¨insuffisante¨
?
Insuffisante
par
rapport
à
quels
standards
?
Enfin,
les
données
disponibles
permettent-‐elles
de
valider
l´idée
selon
laquelle
les
nouveaux
habitants
finissent
par
repartir
de
Marseille
et
du
centre
notamment
?
Ces
idées
reposent-‐elles
sur
une
évaluation
méthodologique
rigoureuse
ou
bien
sur
des
critères
et
arguments
lacunaires
et
idéologiques
?
Autant
de
questions
auxquelles
on
essayera
d´apporter
des
éléments
de
réponses
par
la
suite.
91
2.3
L´attraction
des
classes
moyennes
et
supérieures
Fig.18,
«Marseille
centre-‐ville
:
goutez
la
différence»,
affiche
de
communication
des
actions
en
faveur
de
la
redynamisation
des
commerces
du
centre-‐ville,
FISAC
(Fond
d'Intervention
pour
les
Services,
l'Artisanat
et
les
Commerces)
dispositif
porté
par
la
Ville
de
Marseille
et
l'Etat.
Cliché
:
David
Mateos
Escobar,
octobre
2011.
Depuis
près
de
deux
décennies,
l´attraction
dans
le
centre-‐ville
d´habitants
qualifiés
et
nantis
au
nom
de
la
¨mixité
sociale¨
constitue
une
objectif
central
de
la
politique
municipale.
De
façon
générale,
la
notion
de
¨mixité
sociale¨
se
réfère
à
l´état
d´homogénéité-‐hétérogénéité
du
peuplement
d´un
quartier
en
terme
socio-‐économique
(parfois
aussi
ethnique).
La
notion
renvoie
à
la
fois
au
processus
de
diversification
sociale,
qu´au
résultat.
Des
travaux
académiques
récents
sur
la
notion
(JAILLET
et.
al.,
2008
;
LEGARREC,
2010;
MENARD,
2011)
ont
montré
que
«
la
notion
résiste
à
l´établissement
d´une
identification
partagée,
à
l´élaboration
d´une
définition
positive
commune
et
donc
à
tout
travail
d´objectivation
»
(MENARD,
2011
:9)93.
En
conséquence,
les
politiques
menées
en
son
nom
dégagent,
explicitement
ou
implicitement,
au
moins
une
des
trois
conceptions
suivantes
:
«
la
mixité
sociale
(et
souvent
implicitement
ethnique)
comme
rééquilibrage
dans
la
composition
démographique
d´un
quartier
par
rapport
à
une
vision
de
ce
qu´est
la
normalité
urbaine,
rééquilibrage
toujours
conçut
comme
l´apport
de
populations
exogènes
93
Parmi
les
principales
interrogations
qui
alimentent
l´ambiguité
persistante
de
la
notion
:
l´échelle
d´analyse
(la
ville,
le
quartier,
l´ilot,
le
bâtiment
?),
les
espaces
concernés
(résidentiel,
espace
public,
services
publics,
école
?),
les
critères
(sociaux,
ethniques,
revenu,
qualification,
statut,
origine,
âge,
genre
?),
le
sens
(co-‐
présence
ou
relation
?).
À
ces
premières
difficultés
F.
Ménard
rajoute
les
ambiguités
relatives
aux
usages
de
la
notion
:
“combinées
au
malthusianisme
de
certains
élus,
les
politiques
de
mixité
différent-‐elles
des
processus
de
gentrification,
spontanés
ou
encadrés
par
des
opérations
d´urbanisme
?
Ne
sont-‐elles
pas
selon
les
cas
l´alibi
de
la
gentrification
ou
un
argument
opposable
au
logement
de
populations
jugées
indésirables
?
Autrement-‐dit,
la
mixité
ne
jouerait-‐elle
pas
contre
le
droit
au
logement
?
Faire
de
la
mixité
une
norme
ne
revient-‐il
pas
à
s´interdire
d´avoir
des
espaces
qui,
parce
qu´ils
sont
de
fait
¨spécialisés¨,
remplissent
une
fonction
sociale
spécifique
?
Redonner
une
capacité
de
mobilité
sociale
et
résidentielle
aux
ménages
modestes
n´est-‐il
pas
préférable
à
vouloir
les
mélanger
artificiellement
?”
(:9)
92
de
statut
social
supérieur
et,
dans
certains
cas,
du
départ
des
populations
jugées
¨à
risque¨
;
la
mixité
sociale
comme
principe
d´équité
territoriale,
c´est-‐à-‐dire
comme
moyen
d´étaler
la
charge
que
constitue,
pour
certaines
communes,
l´accueil
via
le
logement
social
(de
droit
ou
de
fait)
des
ménages
les
plus
modestes,
conception
qui
peut
s´accompagner
du
soucis
de
faire
échapper
la
population
résidente
du
stigmate
que
constitue
cette
concentration
;
la
mixité
sociale
(et,
dans
ce
cas,
également
fonctionnelle)
comme
alchimie
sociale
à
l´échelle
du
quartier,
supposée
entrainer
le
développement
d´échanges
favorables
à
chacun,
en
particulier
aux
plus
pauvres
et
bénéfiques
à
tous
;
conception
fondée
implicitement
sur
les
vertus
[du
transfert]
de
capital
social.
»
(MENARD,
2011
:13).
À
juger
par
les
déclarations
d´un
certain
nombre
d´hommes
politiques
marseillais
fortement
impliqués
dans
la
¨reconquête
du
centre-‐ville¨,
l´action
publique
urbaine
mise
en
place
au
nom
de
la
¨mixité
sociale¨
a
eu
comme
objectif
le
rééquilibrage
dans
la
composition
démographique
des
quartiers
centraux
par
rapport
à
une
vision
de
ce
qu´est
la
normalité
urbaine.
Ce
rééquilibrage
est
en
grande
partie
basé
sur
l´apport
de
populations
exogènes
de
statut
social
plus
élevé,
et
sur
le
départ
de
populations
jugées
indésirables.
Pour
ne
citer
que
quelques
exemples,
en
2010,
à
l´occasion
de
l´évaluation
politique
de
plus
de
dix
ans
de
la
mise
en
place
des
Périmètres
de
Restauration
Immobilière
(PRI)
dans
plusieurs
quartiers
du
centre-‐ville,
Yves
Moraine,
conseiller
municipal
UMP,
rappelait
que
la
délibération
du
30
avril
1996
précisait
clairement
l´objectif
municipal
:
«
attirer
une
population
plus
jeune,
des
ménages
salariés
dont
le
travail
se
situe
dans
le
centre
ville,
des
accédants
attirés
par
le
charme
du
quartier
[....]
Bref
rien
d´indécent,
rien
d´indicible,
pas
d´objectif
occulte,
notre
volonté
était
de
donner
du
sang
neuf
à
la
population
du
centre
ville,
d´offrir
des
logements
aux
nouveaux
arrivants,
d´aboutir
à
la
mixité
sociale
entre
la
population
traditionnelle
et
les
nouveaux
marseillais.
»94.
Quelques
années
avant
lui,
en
novembre
2003,
Claude
Valette,
adjoint
au
maire
et
délégué
à
l´urbanisme,
avait
décrit
les
objectifs
de
façon
moins
diplomatique
:
«On
a
besoin
de
gens
qui
créent
de
la
richesse.
Il
faut
nous
débarrasser
de
la
moitié
des
habitants
de
la
ville.
Le
cœur
de
la
ville
mérite
autre
chose.»95.
Enfin,
en
avril
2000,
Gérard
Chenoz,
adjoint
au
maire
de
Marseille
et
délégué
au
centre-‐ville
déclarait
sans
retenue
:
«Pour
que
les
gens
soient
mélangés,
il
faut
que
certains
partent.»96.
94
Conclusions
des
groupes
politiques
sur
l´Evaluation
des
PRI,
2010,
p.4.
Depuis
2010,
Y.
Moraine
est
délégué
du
maire
au
centre-‐ville,
il
est
par
ailleurs
le
président
de
la
Société
d´Economie
Mixte
d´Aménagement
dite
la
SOLEAM,
crée
ad-‐hoc
pour
la
mise
en
œuvre
de
l´Opération
Grand
Centre
Ville.
95
Cité
par
Éric
Zemmour
dans
Le
Figaro,
18
novembre
2003.
Claude
Valette,
conseillé
municipal,
a
été
administrateur
de
la
SEM
Marseille
Aménagement
(actuellement
sous
audit
de
la
Court
Régionale
des
Comptes
pour
sa
gestion
opaque
des
PRI
entre
1995-‐2009).
En
tant
que
directeur
de
l´Agam
(agence
d´urbanisme
marseillaise)
il
a
produit
en
novembre
1997,
le
Schéma
de
cohérence
de
Marseille
à
l’horizon
2015,
document
qui
formulait
les
choix
stratégiques
globaux
de
la
ville,
à
partir
duquel
a
été
construit
le
PLH
la
même
année.
96
Cité
par
Didier
Berneau
dans
L´Humanité,
21
avril
2000.
Gérard
Chenoz,
actuellement
vice-‐président
de
la
CU
Marseille
Provence
Métropole,
en
tant
qu´adjoint
au
maire
pour
le
centre-‐ville,
il
a
été
en
charge
de
la
conception
et
la
mise
en
œuvre
du
Projet
Centre
Ville
qui
s´est
déroulé
entre
1997
et
2009.
93
Dans
la
discussion
qui
suit,
il
ne
s´agira
pas
de
faire
l´histoire
de
l´action
publique
sur
le
centre-‐
ville.
Toutefois,
il
semble
important
de
passer
en
revue
un
certain
nombre
de
documents
officiels
qui
témoignent
de
l´approche
municipale
du
¨traitement¨
du
centre-‐ville,
afin
d´apporter
un
éclairage
sur
la
vision
qui
prédomine
depuis
près
de
deux
décennies
dans
l´action
publique
urbaine
portée
au
nom
de
la
¨mixité
sociale¨
(2.3.1).
Ensuite,
il
s´agira
d´interroger
les
résultats
de
ces
politiques
en
terme
d´attraction
de
nouveaux
habitants
à
travers
les
éléments
de
diagnostic
disponibles
(2.3.2).
On
pourra
constater
qu´il
y
a
sur
ce
point
une
vrai
zone
d´ombre.
Ajouté
à
une
documentation
disponible
relativement
réduite,
la
quasi
totalité
des
données
disponibles
appartiennent
à
des
analyses
très
récentes
réalisées
par
l´Agam
et
dont
la
forme
restituée
revêt
plus
la
forme
du
document
de
communication
que
de
l´étude
;
la
recherche
urbaine
locale
y
est
par
ailleurs
pratiquement
absente.
Enfin,
on
essayera
de
montrer
qu´il
y
a
dans
les
données
recensées,
notamment
dans
celles
issues
de
la
technostructure,
un
double
discours
contradictoire
sur
les
résultats
de
l´attraction
de
nouveaux
habitants
plus
nantis
dans
le
centre-‐ville.
D´une
part,
ils
avancent
l´idée
d´une
certaine
réussite
de
la
diversification
sociale
du
peuplement
du
centre-‐ville
et,
de
l´autre,
ils
argumentent
l´urgence
de
renforcer
les
politiques
d´attraction
de
populations
plus
nantis
comme
réponse
à
une
mixité
sociale
jugée
¨insuffisante¨
(2.3.3).
Au
travers
de
cette
démarche
d´analyse
on
devrait
pouvoir
porter
un
éclairage
sur
les
idées
reçues
qui
affirment
que
Marseille
n´attire
pas
suffisamment
de
classes
moyennes
et
supérieures,
voir
même
que
celles-‐ci
repartent
désenchantées.
94
2.3.1
La
diversification
sociale
des
quartiers
centraux
:
attirer
des
nouveaux
habitants
plus
nantis,
figure
clé
de
la
continuité
de
l´action
publique
Déjà
en
1794,
Louis
Fréron,
proconsul
envoyé
par
la
Convention
déclarait
solennellement
:
«Je
crois
que
Marseille
est
incurable
à
jamais,
à
moins
d´une
déportation
massive
de
tous
les
habitants
et
d´une
transfusion
d´hommes
du
Nord.
»97.
Pendant
la
deuxième
Guerre
Mondiale,
lorsque
le
bombardement
des
quartiers
du
Vieux
Port
survient,
la
concordance
avec
les
hypothèses
destructrices
du
plan
d’urbanisme
d’Eugène
Beaudoin
(1942)
alimente
les
rumeurs
d’une
concertation
entre
les
autorités
allemandes
et
les
représentants
du
gouvernement
de
Vichy.
À
l´instar
de
J.L.
Bonillo
et
R.
Borruey
(1991)
:
«
En
France
la
plupart
des
centres
reconstruits
le
furent
à
la
suite
de
bombardements.
L’opération
du
Vieux-‐Port
de
Marseille
se
fait
dans
un
contexte
différent.
Certes
elle
résulte
d’un
fait
militaire,
mais
qui
s’effectue
sous
contrôle
policier
–français
et
allemand-‐
et
selon
une
logique
technique
programmée
et
contrôlée,
le
dynamitage,
fort
différent
dans
ces
effets
d’un
bombardement.
Il
s’agit
donc
d’une
opération
urbanistique
de
nettoyage
du
sol
urbain,
comparable
aux
rénovations
classiques.
»
(
:24).
Ainsi,
comme
l´ont
montré
S.
Borja
(et.
al.,
2010)
:
«
"Reconquérir"
le
centre
sur
les
pauvres
et
les
étrangers,
"assainir"
les
quartiers
anciens,
y
faire
"revenir"
des
habitants
plus
riches
est
une
constante
depuis
près
d´un
siècle,
"l´une
des
figures
clefs
de
la
continuité
dans
les
politiques
urbaines
marseillaises."
(Peraldi,
Samson
2006,
p.177)
»
(:21).
Voyons
donc
comment
depuis
près
de
deux
décennies
un
certain
nombre
de
documents
officiels
formulent
les
objectifs
de
diversification
sociale
du
centre-‐ville.
Il
est
ainsi
possible
d’apporter
un
éclairage
sur
la
vision
qui
prédomine
dans
l´action
publique
urbaine
contemporaine
portée
au
nom
de
la
¨mixité
sociale¨.
En
faisant
un
bilan
critique
de
l´approche
municipale
de
la
problématique
des
hôtels
meublés
dégradés
et
plus
particulièrement
des
vieux
travailleurs
immigrés
qui
les
peuplaient,
G.
Ascaride
et
S.
Condro
(2001)
ont
déconstruit
une
catégorie
de
l´action
publique
et
dévoilé
une
série
de
préjugés
dans
la
traitement
municipal
du
centre-‐ville
phocéen.
De
telle
sorte,
les
auteurs
ont
montré
comment
l´action
publique
portée
au
nom
de
la
¨mixité
sociale¨
reposait
sur
l´abstraction
du
corps
social
existant
au
profit
d´un
peuplement,
d´une
sociabilité
et
d´une
urbanité
jugée
idéale.
Bien
que
G.
Ascaride,
S.
Condro
(2001),
M.
Peraldi
(2001,
2002)
ou
B.
Bertoncello
(2004)
se
soient
intéressés
à
cela,
il
n´existe
pas
à
ce
jour
une
histoire
intégrale
de
l´action
publique
urbaine
en
centre-‐ville
dans
la
période
contemporaine
depuis
la
fin
des
années
1980 98 .
97
Cité
dans
Paul
Gaffarel,
La
Terreur
à
Marseille,
extrait
des
Annales
de
Provence,
Niel,
1913.
98
Voir
à
ce
sujet
la
chronologie
proposée
par
C.
Deleusse,
2009,
Logement
indigne,
logement
social,
participation
des
habitants,
consultable
sur
www.centrevillepourtous.asso.fr/.
Pour
une
représentation
graphique
des
principales
politiques
urbaines
et
outils
de
la
politique
de
l´habitat
depuis
la
fin
des
années
95
Toutefois,
il
suffit
de
se
pencher
sur
la
littérature
grise
politico-‐institutionnelle
concernant
le
centre-‐ville
pour
confirmer
l´idée
d´un
traitement
abstrait
du
corps
social.
Vers
la
fin
de
la
décennie
1980,
l´Agam
a
fait
en
interne
un
récapitulatif
des
études
menées
entre
1984
et
1986
par
l´agence
sur
le
centre-‐ville.
Parmi
la
dizaine
d´études
recensées,
les
titres
montraient
clairement
que
le
centre
phocéen
était
abordé
sous
l´angle
de
la
prospective
urbaine,
c´est
à
dire,
que
les
études
étaient
plus
orientées
sur
le
devenir
des
espaces
urbains
que
sur
leur
présent.
Ainsi,
on
pouvait
lire
parmi
les
intitulés
des
études
:
projection
d´équipements
et
programmes
de
centralité
dans
les
quartier
Belsunce-‐Porte
d´Aix,
analyse
des
besoins
en
équipements
de
Belsunce
en
fonction
du
profil
de
la
population
future,
mais
aussi
une
étude-‐
diagnostic
plaidant
pour
une
stratégie
de
délocalisation
des
commerces
maghrébins.
À
la
même
époque,
en
1985,
la
municipalité
a
mis
en
place
une
Mission
Centre
Ville,
sorte
d´organisation
particulière
des
services
municipaux
en
faveur
d´une
politique
urbaine
pour
le
centre
ville,
qui
finit
par
produire
le
Rapport
d´orientations
sur
le
centre
ville,
adopté
par
le
Conseil
municipal
du
17
février
1986 99 .
Ce
rapport
annonçait
la
volonté
municipale
de
«
revitaliser
le
centre
ville
de
Marseille
en
lui
donnant
une
nouvelle
force
dynamique
et
attractive
et
en
favorisant
un
développement
harmonieux
des
activités
économiques,
sociales
et
culturelles
»,
comme
l´a
rappelé
le
Schéma
de
référence
centre-‐ville
(1993
:3),
fruit
du
deuxième
acte
de
la
Mission
Centre
Ville
relancé
en
1992.
Le
diagnostic
dressé
par
le
Schéma
de
référence
centre-‐ville
est
particulièrement
pessimiste.
Il
fait
état
de
l´inadéquation
flagrante
entre
l´évolution
du
peuplement
des
quartiers
centraux
et
les
objectifs
votés
en
février
1986.
Ainsi,
il
conclut
sur
l´idée
d´un
«
morcellement
sociologique
peu
compatible
avec
ce
qui
fait
la
spécificité
d´un
centre
ville
:
la
diversité
en
un
même
lieu.
»,
et
alerte
sur
le
fait
que
:
«
Cette
spécialisation
peut
entrainer
rapidement
une
adaptation
des
autres
fonctions
(commerces,
activités,
cultures)
à
la
spécificité
de
chaque
population,
et
diminuer
ainsi
l´identifié
du
centre.
»
(
:60).
Il
est
évident,
et
c´est
sur
ces
éléments
que
s’appuie
cette
analyse,
que
le
diagnostic
comme
les
préconisations
qui
sont
formulées
dans
ce
document
reposent
sur
une
vision
particulière
-‐pour
le
moins
subjective,
si
ce
n´est
idéologique
-‐
de
la
normalité
urbaine.
1960
voir
cartes
:
Géographie
de
l´action
publique
urbaine
dans
le
centre-‐ville
de
Marseille,
1950-‐1980,
et
Géographie
de
l´action
publique
urbaine
dans
le
centre
ville
de
Marseille,
1990-‐2009,
annexe
nº5
et
nº6.
99
Il
faut
rappeler
qu´en
1986
trois
OPAH
(Opérations
Programmées
d´Amélioration
de
l´Habitat)
avaient
été
mises
en
place
sur
des
périmètres
très
réduits
:
Panier
I
(1979-‐1981),
Panier
II
(1983-‐1985),
Belsunce-‐
Préssensé
(1983-‐1985),
avec
des
résultats
très
modestes.
Suite
à
l´adoption
du
Rapport
d´orientations
sur
le
centre-‐ville,
deux
OPAH
supplémentaires
ont
été
mises
en
oeuvre
:
Belsunce-‐National
(1987-‐1989)
et
Panier
III
(1988-‐1990)
cette
dernière
caractérisée
par
son
élargissement
à
l´ensemble
du
quartier.
Simultanément,
ont
été
mis
en
oeuvre
quatre
RHI
(périmètres
de
Résorption
de
l´Habitat
Insalubre)
dont
Relais-‐Baignoir
(1986-‐1996),
Velten-‐Cité
de
la
Musique
(1987-‐1988),
Bernard
Dubois
et
Rue
Longue
des
Capucins
(1989).
96
Ce
document
a
posé
les
principales
orientations
de
la
politique
urbaine
municipale,
orientation
que
l´on
retrouvera
un
peu
plus
tard,
dans
le
Projet
Centre
Ville
de
1997,
appelé
Projet
Chenoz
:
«
attirer
des
populations
nouvelles
susceptibles
d´apprécier
ces
quartiers
et
de
participer
à
leur
renouveau
comme,
par
exemple,
étudiants,
chercheurs,
professions
libérales,
cadres
supérieurs.
»
(:4)
et
«
conduire
a
un
rééquilibrage
du
Centre
autour
de
l´axe
Canebière-‐Vieux
Port,
à
une
attractivité
renforcée,
au
repeuplement
diversifié
du
centre-‐ville
»
(idem).
Il
est
important
de
signaler
que
dans
le
Schéma
de
référence
centre-‐ville,
l´habitat
apparait
comme
l´élément
clé
de
la
politique
de
changement
d´image
et
de
diversification
sociale
des
quartiers
centraux100.
Ce
choix
stratégique
est
à
mettre
en
perspective
avec
des
villes
comme
Naples
dans
lesquelles
la
valorisation
immobilière
semble
avoir
joué
un
rôle
moins
central
que
la
valorisation
du
patrimoine
(BERTONCELLO,
GIRARD,
2001).
Lorsqu´en
1995
Jean-‐Claude
Gaudin
arrive
au
pouvoir,
il
fait
de
la
¨reconquête
du
centre-‐ville¨
un
des
objectifs
centraux
de
sa
politique
:
«
Ma
politique
ne
plait
peut
être
pas
aux
nostalgiques
de
la
gauche
qui
a
laissé
pourrir
le
centre-‐ville
pendant
des
années.
Mais
elle
plaît
aux
Marseillais.
Le
Marseille
populaire,
ce
n´est
pas
le
Marseille
maghrébin,
ce
n´est
pas
le
Marseille
comorien.
Le
centre
a
été
envahi
par
la
population
étrangère,
les
Marseillais
sont
partis.
Mois
je
rénove,
je
lutte
contre
les
marchands
de
sommeil,
et
je
fais
revenir
les
habitants
qui
payent
des
impôts.
»101.
Toutefois,
il
serait
faux
de
penser
qu´entre
la
politique
de
la
municipalité
Vigouroux
et
celle
qui
a
pris
forme
dans
le
Projet
Centre
Ville
formulé
par
G.
Chenoz
en
1997,
il
y
avait
une
différence
radicale.
Il
est
largement
admis
que
sous
J.
C
Gaudin,
la
politique
d´amélioration
de
l´habitat
et
de
façon
plus
large
la
politique
du
logement
dans
le
centre-‐ville
s´est
libéralisée
davantage
(BERRY,
DEBOULET,
2006
;
BORJA
et.
al.,
2010).
Ainsi
par
exemple,
les
outils
comme
les
PRI
ont
été
agrémentés
de
garanties
de
vacance
et
de
rachat,
visant
à
attirer
les
investisseurs.
Bien
que
les
orientations
politiques
diffèrent,
le
traitement
du
centre-‐ville
demeure
identique,
à
savoir
qu´il
était
nécessaire
d´inverser
la
tendance
au
déclin
démographique
et
à
la
paupérisation
des
quartiers
centraux
en
«
faisant
revenir
du
monde
au
cœur
de
la
cité
».
Que
faut-‐il
comprendre
par
«
du
monde
»
?
La
stratégie
formulée
par
G.
Chenoz
est
claire
sur
ce
point
:
«
Les
efforts
engagés
par
la
municipalité
ont
pour
objectif
de
séduire
de
nouveau
les
trois
catégories
de
population
qui
fréquentent
le
centre-‐ville
:
1/
Les
résidents,
avec
un
effort
à
faire
pour
100
À
partir
de
1993,
les
premières
opérations
de
Restauration
Immobilière
(PRI)
voient
le
jour
:
PRI
Panier-‐
Charité
(1993-‐1997)
et
PRI
Thubaneau
(1994-‐1998).
L´utilisation
des
PRI
est
venu
compléter
le
panel
des
outils
d´intervention
mis
à
disposition
des
acteurs
locaux
par
l´Etat.
À
différence
des
OPAH,
basées
sur
l´incitation
des
propriétaires
occupants
et
bailleurs
par
le
biais
de
subventions
aux
travaux
d´amélioration,
les
PRI
eux
visent
certes
l´amélioration
de
l´offre
de
logements
en
contraignant
les
propriétaires
à
la
réalisation
des
travaux
sous
peine
d´expropriation
et
ouvrant
droit
à
des
subventions,
mais
surtout
à
la
redynamisation
des
marchés
immobiliers
locaux
stimulant
l´investissement
immobilier
en
permettant
aux
investisseurs
de
défiscaliser
sur
les
couts
des
travaux
d´amélioration.
101
Jean
Claude
Gaudin,
maire
de
Marseille,
cité
dans
La
Tribune,
5
décembre
2001.
97
attirer
une
population
nouvelle
;
2/
Les
semi-‐résidents,
constitués
essentiellement
par
une
population
étudiante
et
touristique
;
3/
Les
non-‐résidents,
c´est
à
dire,
la
population
qui
vient
chaque
jour
en
centre-‐ville
pour
y
travailler,
pour
y
acheter,
pour
y
distraire
ou
pour
effectuer
des
formalités
administratives
[…]
l´enjeu
est
de
redonner
éclat
et
charme
au
cœur
de
la
ville
de
Marseille,
en
embellissant
et
en
améliorant
l´existant,
en
créant
une
nouvelle
offre
de
logements,
commerces,
équipements
[…]
»
Pour
y
parvenir,
2,8
milliards
de
francs
d´investissements
publics
(soit
environ
430
M€)
devaient
servir
à
élaborer
une
série
d´actions
orientées
vers
six
thèmes
:
la
réhabilitation
de
l´habitat,
la
rénovation
des
espaces
publics,
la
création
d´équipements,
l´amélioration
de
la
vie
quotidienne,
la
protection
et
restauration
du
patrimoine
et
le
développement
de
l´activité
économique,
des
entreprises
et
commerces.
Ces
objectifs
ont
été
précisés
et
intégrés
à
la
stratégie
de
positionnement
métropolitain
élaborée
en
novembre
de
la
même
année
par
C.
Valette,
le
Schéma
de
cohérence
de
Marseille
à
l’horizon
2015,
document
qui
formulait
les
choix
stratégiques
globaux
de
la
ville
et
à
partir
duquel
a
été
construit
le
PLH
de
la
ville.
Le
PLH,
adopté
le
26
avril
1999
pour
cinq
ans
par
la
municipalité
dirigée
par
J.C
Gaudin,
sur
la
base
d´un
"Livre
Blanc
de
l´Habitat"
et
d´un
"Programme
d´actions",
précisait
clairement
l´objectif
de
fond
:
«
Donner
envie
de
revenir
à
Marseille
ne
se
décrète
pas;
cela
s´organise.
»
(GARCIA,
2004
:56).
Le
PLH
projetait
les
conditions
de
la
reprise
de
la
croissance
démographique,
et
de
l´émergence
d´un
marché
immobilier
privé
dans
les
secteurs
les
plus
touchés
par
la
crise
démographique
et
le
désinvestissement
:
le
centre
et
le
nord
de
la
ville102.
Comme
le
signalent
M.
Macario
et
F.
Zitouni
(2003),
l´accent
était
mis
sur
la
stimulation
du
marché
immobilier
privé,
et
plus
particulièrement
de
l´investissement
locatif
en
direction
d´une
population
de
nouveaux
arrivants
composée
d´étudiants
et
de
jeunes
ménages
actifs
(:46).
Si
l´habitat
est
vite
apparu
comme
une
priorité
pour
l´attraction
de
nouveaux
habitants,
la
stratégie
urbaine
marseillaise
impulsée
par
Euroméditerranée
depuis
1994
s´est
aussi
axée
sur
la
mutation
de
l´appareil
économique
local
par
le
développement
de
secteurs
économiques
¨porteurs
d´avenir¨,
notamment
les
services
aux
entreprises,
industries
culturelles
et
tourisme.
Récemment,
une
enquête
pilotée
par
Euroméditerranée
et
l´Agam103
montrait
que
50%
des
102
Depuis
l´arrivée
de
la
municipalité
Gaudin
en
1995,
les
périmètres
d´intervention
urbaine
se
sont
multipliés,
diversifiés
et
étendus.
Ainsi,
depuis
1995,
trois
PRI
ont
été
mis
en
œuvre
:
PRI
Belsunce-‐Nord
(1997-‐2009,
PRI
Belsunce-‐Sud
(1999-‐2009),
PRI
Centre-‐Ville
(2001-‐2009)
accompagnés
de
trois
DUP
(Déclarations
d´Utilité
Publique
respectives),
d´une
OPAH
reconduite
trois
fois
entre
1995
et
2009
dite
OPAH
Centre-‐ville
et
enfin
d´une
ZPPAUP
(Zone
de
Protection
du
Patrimoine
Architectural,
Urbain
et
Paysager)
Centre-‐ville.
Trois
OPAH
supplémentaires
ont
été
mises
en
œuvre,
OPAH
La
Plaine
(2001-‐2003),
OPAH
R.U
Euroméditerranée
(2001-‐2009)
et
OPAH
République
(2001-‐2006)
accompagné
d´une
ZPPAUP
République.
Le
PRI
Panier-‐Charité
a
été
reconduit
deux
fois,
faisant
le
plus
long
PRI
de
la
ville,
voir
de
France
?
(1993-‐2009).
103
Enquête
sur
le
peuplement
de
dix
résidences
livrées
depuis
2004
sur
le
périmètre
de
l´Opération
d´Intérêt
National.
98
résidents
arrivés
à
Marseille
depuis
moins
des
cinq
ans
s´étaient
installés
là
pour
cause
de
mutation
professionnelle.
Objectif
qui
va
dans
le
sens
de
ce
que
Serge
Botey,
adjoint
au
maire
chargé
de
la
culture,
déclarait
avec
conviction
en
juin
2002
:
«
La
culture
doit
attirer
à
Marseille
les
cadres
supérieurs
et
les
touristes.
»104.
Au-‐delà
des
volontés
politiques,
quel
diagnostic
peut-‐on
faire
du
succès
de
ces
politiques
d´attraction,
à
partir
de
la
documentation
disponible?
104
La
Provence,
20
juin
2002,
cité
dans
Histoire
universelle
de
Marseille,
Alessi
Dell´Umbria,
Agone
2006.
105
Pour
la
plus
célèbre
(et
critiquée)
de
ces
thèses,
FLORIDA
R.,
2002,
The
Rise
of
The
Creative
Class
And
How
it’s transforming work, leisure, community and everyday life. New York: Perseus Book Group, 434p.
99
Fig.
19,
Grands
évènements,
un
facteur
d´attraction
de
populations
de
statut
plus
élevé,
de
haut
en
bas
:
Med
Cup
Audi
2011,
Vieux-‐Port,
(cliché
:
Jérôme
Galinie,
juin
2011),
Pride
(Gay
Parade),
Castellane,
(cliché
:
Jeronimo
Diaz,
juillet
2008),
Forum
Mondial
de
l´Eau,
cliché
:
Jérôme
Galinie,
mars
2012).
100
«
Les
gens
qui
vont
y
vivre
ne
correspondent
pas
à
la
typologie
du
bourgeois
marseillais.
Ce
sont
des
gens
qui
ont
une
certaine
ouverture
d’esprit,
qui
sont
intéressés
par
la
conquête
urbaine
et
la
rénovation
de
Marseille.
»106
Qui
sont
ces
¨gens¨
tant
attendus
?
De
quoi
sont-‐ils
porteurs
au
point
d´être
ainsi
convoités?
D´où
viennent-‐ils
et
que
vont-‐ils
conquérir
?
Le
traitement
abstrait
du
corps
social
des
quartiers
centraux
phocéens
sur
lequel
repose
une
partie
du
¨mythe
de
la
reconquête¨,
s´articule
avec
une
forme
d´eugénisme
dont
la
figure
centrale
est
le
¨néo-‐marseillais¨.
Dans
cette
vision
à
la
limite
du
messianisme,
les
maux
de
la
cité
phocéenne
ne
seraient
imputables
ni
à
sa
forme,
ni
à
sa
matérialité,
mais
proviendrait
de
son
peuplement
par
trop
populaire
et
composé
d´éléments
trop
étrangers.
Le
¨néo-‐marseillais¨
lui,
serait
l´homme
(post)moderne
idéal,
porteur
d´une
nouvelle
sociabilité,
de
dynamisme
économique
et
de
prestige
:
la
source
même
d´une
urbanité
renouvelée,
ambitionnée
par
une
bonne
partie
de
la
classe
politique
et
des
élites
locales,
mais
tout
aussi
étrangère
à
ces
dernières.
Au-‐delà
des
volontés
politiques
et
de
leur
vision
idéologique
de
la
normalité
urbaine,
de
leur
conception
de
la
mixité
sociale
comme
un
rééquilibrage
basé
sur
l´apport
de
populations
exogènes
de
statut
social
supérieur,
que
sait-‐on
en
réalité
sur
les
nouveaux
habitants
de
la
ville,
et
plus
particulièrement
de
ceux
qui
s´installent
dans
son
centre
?
Commençons
par
la
littérature
scientifique
qui
apparaît
peu
riche
à
cet
égard.
Parmi
les
données
dont
on
dispose,
on
ne
trouvera
aucun
travail
académique,
ni
encore
universitaire,
qui
dresse
un
panorama
étendu
des
néo-‐marseillais,
encore
moins
qui
propose
une
sociologie,
une
anthropologie
ou
une
géographie
systématique
des
nouveaux
habitants
de
la
ville.
Et
pourtant,
ils
ne
sont
pas
peu
nombreux
si
on
considère
que,
selon
l´Agam,
12%
de
la
population
totale
en
106
Jean
Baptiste
Pietri,
architecte
et
concepteur
de
la
tour
H99
qui
sera
batie
sur
les
quais
d´Arenc
et
qui
deviendra
le
premier
immeuble
de
grande
hauteur
(IGH)
exclusivement
voué
au
logement
en
France.
Les
logements
proposé
atteindront
des
prix
entre
6000
et
10
000
€/m2.
Propos
recueillis
par
Benoît
Gilles,
La
Marseillaise,
mai
2012,
consultable
sur
:
http://www.lamarseillaise.fr/societe-‐quartiers/habitat-‐
vertical-‐version-‐luxe-‐26830.html,
dernière
consultation
20
septembre
2012.
101
2006
vivaient
dans
une
autre
commune
en
2001,
soit
autour
de
95
000
personnes107.
Si
dans
aucun
travail
académique
on
ne
trouvera
d´analyse
systématique
des
néo-‐marseillais,
c´est
parmi
les
travaux
universitaires
récents,
notamment
dans
les
travaux
de
P.
Douart
(2008)
ou
S.
Jourdan
(2006),
que
se
trouvent
les
deux
tentatives
les
plus
poussées
de
description
socio-‐
économique
des
nouveaux
habitants.
Or,
ces
analyses
n´apportent
pas
un
éclairage
particulier
sur
cette
population,
pas
plus
que
l´image
stéréotypée
des
jeunes
ménages
qualifiés
et
fortunés
qui
seraient
arrivés
de
Paris
et
Lyon
avec
le
TGV
attirés
et
contribuant
à
une
certaine
¨movida
marseillaise¨108
depuis
le
début
des
années
2000.
pas
à
Marseille
cinq
ans
avant
l’année
où
elles
ont
été
recensées,
dans
Carnet du recensement - Mobilité
résidentielle -‐
Radioscopie
des
nouveaux
marseillais,
Agam,
décembre
2009,
4p.
108
La
notion
fait
allusion
à
la
¨movida¨
barcelonaise
fin
des
années
1980
et
tout
le
long
de
la
décénie
1990.
Rappelons
que
Barcelone
est
souvent
évoquée
par
les
édiles
et
par
l´élite
économique
de
la
ville
comme
le
modèle
qui
doit
inspirer
le
développement
de
Marseille.
109
Comité
d´Intérêt
de
Quartier
110
Eloi
Rouyer,
auteur
de
S’installer
à
Marseille
Méditerranée,
Eloi
Rouyer,
Héliopoles.
168
pages,
cité
par
Julien
Vinzent, Le
néo-‐Marseillais
de
poche,
25
juillet
2011,
consultable
sur
:
www.marsactu.fr.
Il
est
par
ailleurs
intéressant
de
constater
la
multiplication
des
¨guides¨
d´installation
à
Marseille.
Bien
que
ce
ne
soit
pas
un
phénomène
exclusif
à
la
cité
phocéenne,
ces
guides
semblent
témoigner
d´une
certaine
demande.
D´autre
part,
au
regard
de
la
documentation
désertique
des
modes
de
vie
des
néo-‐marseillais,
ils
fournissent
des
pistes,
certes
caricaturales,
pour
une
recherche
sociologique
voir
anthropologique.
Voir
notamment
:
J.L.,
Cassely,
2011,
Marseille
manuel
de
survie,
Ed.
Les
Beaux
Jours,
160p.
et,
So!
Marseille:
guide
urbain
et
application
mobile:
les
tribus
marseillaises,
2012,
Editions
La
Géante,
Paris,
guide
papier
+
application
numérique.
102
des
transformations
urbaines
et
sociales
(façades,
espace
public,
commerces,
etc.)
au
travers
d´une
grille
d´observation
malheureusement
trop
floue
et
basée
sur
une
vision
subjective
de
ce
que
doit
ressembler,
ou
non,
un
paysage
gentrifié.
Il
conclut
son
étude
en
défendant
l´idée
que
le
stock
de
gentrifieurs
potentiels
serait
trop
faible
pour
qu´un
processus
de
gentrification
ait
lieu.
Pour
S.
Jourdan,
ceci
est
un
signe
de
l´importance
de
se
consacrer
à
l´identification
des
freins
de
l´attraction
des
classes
moyennes,
qui
défend
«
la
revitalisation
[comme]
condition
nécessaire
du
développement
»
(:129).
En
réalité,
les
apports
les
plus
intéressants
proviennent
d´une
recherche
urbaine
phocéenne
qui
ne
s´intéresse
qu´indirectement
aux
néo-‐marseillais
et
qui
porte
davantage
sur
les
réactions
citoyennes
liées
aux
transformations
urbaines
(BERRY-‐DEBOULET,
2006
;
PERALDI,
SAMSON,
2006
;
BORJA
et.
al.,
2010).
Plus
que
des
contributions
à
part
entière,
il
s´agit
de
commentaires
glissés
à
leur
égard
et
qui
apportent
un
regard
intéressant
sur
le
rapport
des
nouveaux
habitants
de
statut
social
supérieur
aux
transformations
urbaines
et
de
ses
impacts
sur
les
populations
plus
démunies.
Ces
commentaires
insistent
sur
l´émergence
d´une
sorte
de
société
civile
indépendante
et
alternative
des
formes
locales
préexistantes,
largement
institutionnalisées,
politiquement
contrôlées
et
qui
restent
assez
hermétiques,
dont
les
CIQ
(PERALDI,
SAMSON,
2006)111.
Ils
questionnent
le
préjugé
politique
et
élitiste
selon
lequel
pour
attirer
des
populations
de
statut
social
plus
élevé,
les
populations
sur
place
devraient
partir,
et
montrent
que
des
liens
d´empathie
et
de
solidarité
se
sont
parfois
tissés
entre
certains
secteurs
des
nouveaux
habitants
de
statut
social
plus
élevé
et
de
classes
populaires
exclues
des
transformations
en
cours
(BERRY,
DEBOULET
2006
;
BORJA
et.
al.
2010).
Enfin,
ils
révèlent
l´opposition
entre
une
demande
croissante
de
participation
et
de
prise
en
compte
des
besoins
des
habitants
(anciens
et
nouveaux,
mais
surtout
nouveaux)
qui
s´expriment
dans
des
questions
d´aménagement
des
espaces
publics
et
du
cadre
vie
notamment,
et
une
sorte
de
«
glacis
administratif»,
pour
reprendre
l´expression
de
A.
Tarrius
(1995),
qui
fige
l´évolution
de
la
ville
et
la
rend
tributaire
de
l´action
publique
et
de
sa
vision
politique.
En
somme,
les
recompositions
en
cours
sont
plus
complexes
que
ne
le
voudrait
un
humanisme
simple
opposant
les
riches
aux
pauvres.
Ce
serait
judicieux
à
cet
égard
de
mentionner
ce
qui
est
probablement
la
seule
étude
empirique
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
de
Marseille.
Toutefois,
cette
étude
date
de
1992
et
dans
ce
sens
elle
ne
pouvait
pas
rentrer
dans
le
corpus
d´analyse
qui,
rappelons
le,
est
volontairement
limité
à
la
dernière
décennie,
de
façon
large
des
années
2000
à
nos
jours.
Il
s´agit
d´une
étude
universitaire
réalisée
par
C.
Warren
en
1992
concernant
l´impact
de
la
111
Au
sujet
des
relations
clientélaires
et
les
CIQ,
voir
les
travaux
de
C.
Mattina,
dont
sa
thèse
doctorat
de
l’Université
Pierre
Mendès
France
:
"
La
régulation
clientélaire
;
relations
de
clientèle
et
gouvernement
urbain
à
Naples
et
à
Marseille
".
103
réhabilitation
du
parc
locatif
privé
sur
le
peuplement
de
Belsunce
entre
1982-‐1991112.
À
partir
de
l´analyse
de
l´évolution
des
types
de
ménages
qui
occupent
les
logements
réhabilités
(avant-‐
après),
C.
Warren
a
montré
que
la
réhabilitation
avait
des
effets
sur
l´offre
(structure
du
parc)
ce
qui
se
traduisait
par
une
certaine
recomposition
du
peuplement
en
particulier
de
la
population
locataire.
Elle
a
mit
aussi
en
évidence
que
les
propriétaires
bailleurs
ont
privilégié
une
logique
de
maximisation
de
la
rentabilité
de
l´espace,
qui
s´est
traduite
par
la
sous-‐division
des
logements,
donnant
beaucoup
de
logements
petits
en
termes
de
surface.
En
terme
de
peuplement,
cela
montre
que
si
à
l’époque
ce
parc
accueillait
des
familles
nombreuses
et
des
célibataires
d´origines
étrangères
et
modestes,
après
réhabilitation
le
parc
accueille
davantage
de
célibataires
et
de
couples,
les
familles
étant
le
type
de
ménage
qui
diminue
en
nombre
drastique.
C.
Warren
observe
la
part
des
célibataires
augmenter
et
leurs
profils
socio-‐économiques,
les
équilibres
homme/femme
et
les
origines
nationales
évoluer
radicalement.
Ainsi,
après
réhabilitation,
elle
décrit
une
augmentation
du
nombre
de
célibataires,
plutôt
femmes,
jeunes,
qualifiées
(étudiantes,
artistes,
employées)
et
de
nationalité
française
plutôt
qu´étrangère.
En
ce
qui
concerne
les
couples,
ils
seraient
en
majorité
constitués
de
ménages
jeunes
biactifs
de
nationalité
française.
Si
les
revenus
moyens
de
l’ensemble
des
ménages
restent
peu
élevés,
plus
on
gravit
l’échelle
des
revenus,
plus
les
nouveaux
locataires
sont
représentés.
Il
est
intéressant
de
constater
que,
si
le
Projet
Chenoz
de
1997
a
été
formulé
à
partir
d´un
diagnostic
qui
argumentait
l´inefficacité
des
OPAH
en
termes
d´amélioration
de
l´habitat
et
de
diversification
sociale
des
quartiers
centraux,
l´étude
de
C.
Warren
a
montré
le
contraire.
Comment
se
fait-‐il
que
le
Projet
Chenoz
et
d´autres
documents
stratégiques
aient
autant
insisté
sur
le
besoin
de
multiplier,
d´étendre
et
de
renforcer
les
outils
d´amélioration
de
l´habitat
en
les
agrémentant
d´outils
d´intervention
contraignants
comme
les
PRI
?
Cette
interrogation
trouve
tout
son
intérêt
au
regard
des
plaidoyers
politiques
actuels
qui
continuent
d´argumenter
le
besoin
de
renforcer
les
outils
de
diversification
sociale
et
d´attraction
de
nouveaux
habitants113.
Or,
comme
on
le
verra
immédiatement,
les
éléments
de
diagnostic
issus
des
analyses
de
la
technostructure
(de
l´Agam
en
particulier)
ont
tendance
à
aller
dans
le
sens
de
l´idée
selon
laquelle
l´action
publique
visant
à
diversifier
le
peuplement
des
quartiers
centraux
par
l´apport
de
populations
exogènes
de
statut
social
plus
élevé
produirait
des
résultats
ne
restant
pas
inaperçus.
112
Pour
rappel,
deux
OPAH
ont
lieu
dans
le
quartier
à
cette
époque
l´OPAH
Belsunce-‐Préssensé
(1983-‐1985)
et
Belsunce-‐National
(1987-‐1989).
113
cf.
Délibération
du
Conseil
Municipal
09/0028/DEVD
du
9
février
2009
portant
¨Engagement
municipal
renforcé
pour
le
centre
ville,
rapport
d´orientation
sur
la
politique
municipale
du
centre
ville¨
et
Délibération
du
Conseil
Communautaire
FCT
008
–
1029/02/CC
du
19
Février
2009,
¨Commune
de
Marseille
–
projet
Centre
Ville
Orientations
Générales¨.
104
En
2009,
puis
en
2010,
l´Observatoire
des
quartiers
CUCS
a
publié
un
diagnostic
socio-‐
économique
et
urbain
pour
le
secteur
opérationnel
¨centre-‐ville¨114
dont
une
série
d´analyses
concernant
l´évolution
du
peuplement.
Le
premier
point
sur
lequel
le
rapport
(2010)
insiste
est
le
fait
d´un
rajeunissement
considérable
de
la
population
du
périmètre
opérationnel.
Ainsi
en
2006,
la
part
des
moins
de
25
ans
serait
supérieure
à
la
moyenne
des
autres
périmètres
CUCS
au
niveau
communal
(34%
contre
32%),
et
25%
contre
21%
pour
la
part
des
25
à
39
ans.
Entre
1999
et
2006,
la
population
des
¨moins
de
25
ans¨
aurait
connu
une
progression
de
plus
de
12%,
et
celle
des
25
à
39
ans
de
10%.
Ce
rajeunissement
se
traduirait
aussi
par
la
diminution
du
nombre
des
plus
de
65
ans
(-‐8%),
la
part
de
cette
tranche
d’âge
étant
inférieure
par
rapport
à
la
moyenne
des
autres
secteurs
CUCS
au
niveau
communal
(13%
contre
18%).
Le
rapport
met
aussi
l´accent
sur
la
part
importante
des
habitants
qui
viennent
de
l’extérieur
de
la
commune
:
en
2006,
cette
catégorie
d´habitants
était
surreprésentée
dans
le
centre
avec
18%
des
résidents
du
secteur
qui
habitaient
hors
de
Marseille
cinq
ans
auparavant,
soit
10
300
habitants,
contre
une
moyenne
communale
de
12%.
Le
centre-‐ville
serait
donc
un
secteur
particulièrement
attractif
pour
les
nouveaux
habitants,
désormais
plus
jeunes,
plus
qualifiés
(16%
d´étudiants
et
24%
de
cadres
parmi
les
actifs),
dont
la
structure
serait
composée
de
petits
ménages
assez
mobiles
en
termes
résidentiels.
Il
est
intéressant
de
constater
comment
le
rapport
semble
faire
une
évaluation
ad-‐hoc
des
objectifs
politiques
en
terme
de
démographie.
Bien
que
le
rapport
décrit
l’état
d´une
«
réelle
mixité
sociale
»
dans
le
centre-‐ville,
il
préconise
de
soutenir
la
tendance
actuelle
d´attraction
d´habitants
jeunes,
actifs,
qualifiés
et
mobiles,
et
de
«
poursuivre
l´objectif
de
mixité
sociale
»
(:40),
traduisant
par
là
l´idée
d´un
rééquilibrage
du
peuplement
toujours
inadapté
à
une
vision
de
la
normalité
urbaine.
114
Le
périmètre
Centre
Ville
recouvre
quasiment
entièrement
le
Ier
arrondissement
et
la
partie
urbaine
du
IIe.
Il
comprend
également
une
petite
partie
des
IVe,
Ve
et
VIe
arrondissements.
Ce
secteur
se
compose
les
quartiers
du
Panier,
des
Grands
Carmes,
de
Belsunce,
de
Noailles,
de
l’Opéra,
du
Chapitre,
de
Thiers
et
de
Notre
Dame
du
Mont.
Pour
une
cartographie
du
périmètre
opérationnel
voir
Observatoire
des
quartiers
CUCS
-‐
Etat
initial
-‐
Centre-‐ville,
Agam
/
GIP
Politique
de
la
Ville,
mai
2009,
p.9
115
Carnet
du
recensement
-‐
Mobilité
résidentielle
-‐
Radioscopie
des
nouveaux
marseillais,
Agam,
décembre
2009,
4p.
116
cf.
note
de
pied
de
page
nº103
105
habitants
dans
les
Ie,
Ve
et
VIe
arrondissements
(Fig.
20).
Un
tiers
des
néo-‐marseillais
dans
ces
arrondissements
seraient
notamment
des
étudiants.
Dans
les
IIe,
IIIe,
IVe,
VIIe,
VIIIe,
IXe,
les
néo-‐
marseillais
représentent
plus
ou
moins
1/10
habitants
(moyenne
communale),
tandis
que
leur
présence
serait
plus
restreinte
du
Xe
au
XVIe
arrondissements,
en
part
de
la
population
totale,
mais
pas
en
nombre
(i.e
4400
dans
le
XIVe
contre
4300
dans
le
VIIe).
Il
reste
à
notifier
qu´au-‐delà
de
l´arrondissement,
ces
statistiques
n’apparaissent
pas.
Fig.
20,
Nombre
et
part
des
néo-‐marseillais
dans
la
population
selon
les
arrondissements
en
2006,
Agam,
2009.
D´où
viennent
les
néo-‐marseillais
?
44%
(42
500)
viennent
de
France
métropolitaine
hors
Provence,
dont
environ
un
tiers
sont
franciliens
et
deux
tiers
proviennent
des
plus
grandes
villes
au
niveau
national
:
Lyon,
Lille,
Toulouse,
Bordeaux
;
15%
résidaient
à
l´étranger
en
2001
(14
000),
dont
la
moitié
au
Maghreb
;
17%
viennent
de
Provence
(15
700),
dont
40%
du
Var
;
et
enfin
24%
viennent
de
l´aire
urbaine
Aix-‐Marseille
(22
500),
dont
près
de
40%
du
Pays
d´Aix,
26%
de
MPM
et
13%
du
Pays
d´Aubagne.
À
quelle
classe
socioprofessionnelle
appartiennent-‐
ils
majoritairement?
Le
message
de
cette
étude
est
clair
:
«
En
bref,
le
profil
le
plus
caractéristique
des
nouveaux
Marseillais
correspond
à
des
ménages
plutôt
jeunes
(moins
de
40
ans)
constitués
majoritairement
d’étudiants
et
d’actifs
̏CSP+
̋
(cadres
et
professions
intermédiaires).
»
(
:3).
106
Comme
il
a
été
dit
auparavant,
il
s´agit
surtout
de
ménages
jeunes
(<40
ans)
dont
16%
d´étudiants
(34%
dans
le
Ve
et
20%
du
Ie)
et
55%
d´actifs
(CSP+)
cadres
et
professions
intermédiaires.
Le
rapport
met
l´accent
sur
le
«
bonus
cadres
»
en
notant
que
parmi
la
population
active
ayant
un
emploi,
les
cadres
représentent
23,7%
parmi
les
néo-‐marseillais
contre
seulement
14,7%
parmi
les
Marseillais
(28,7%
chez
les
néo-‐marseillais
venant
du
reste
de
la
France).
Très
peu
de
retraités
(6%)
feraient
partie
des
nouveaux
arrivants.
En
ce
qui
concerne
la
structure
familiale,
les
ménages
seraient
plus
petits
et
avec
moins
d´enfants.
Enfin,
en
terme
de
statut
d´occupation,
un
sur
cinq
sont
devenus
propriétaires
tandis
que
un
sur
deux
sont
locataires
dans
le
parc
privé,
et
9%
dans
le
parc
locatif
social
(contre
20%
des
«
marseillais
de
souche
»)
L´étude
note
que
la
part
des
propriétaires
varie
du
simple
au
triple
entre
les
«
métropolitains
»
dont
un
tiers
est
propriétaire
de
leur
logement
contre
seulement
10%
parmi
les
personnes
en
provenance
de
l’étranger
et
que
ces
derniers
sont
plus
souvent
locataires
dans
le
parc
locatif
social
(15%
contre
9%).
L´étude
conclut
par
l´analyse
des
logiques
résidentielles
des
nouveaux
habitants.
Selon
l´origine
géographique,
les
habitants
s´installent
préférentiellement
dans
différents
secteurs
de
la
ville
(Fig.
21).
Les
franciliens
ont
une
préférence
pour
les
quartiers
sud,
puis
pour
le
VIe
et
Ie,
les
aubagnais
et
aixois
ont
une
logique
de
proximité
(quartiers
Est
et
centraux
respectivement).
On
notera
que
les
logiques
résidentielles
des
¨étrangers¨
ne
sont
pas
passées
en
revue.
D´autre
part,
l´analyse
des
logiques
résidentielles
par
CSP
montre
une
forte
corrélation
entre
«
¨cote¨
(et
décote)
»
des
arrondissements,
les
facteurs
revenus
et
le
prix
du
marché
immobilier.
Cette
analyse
confirme
la
structure
socio-‐spatiale
de
la
ville
avec
les
cadres
plutôt
localisés
au
sud
et
centre-‐sud,
les
professions
intermédiaires
au
centre,
mais
aussi
centre-‐sud
et
sud
et
les
ouvriers
au
centre,
et
centre-‐nord.
Fig. 21, Les logiques d´installation des néo-‐marseillais selon l´origine géographique, Agam 2009
107
Bien
que
les
analyses
de
l´Agam
soient
intéressantes,
ces
documents
ne
sont
pas
des
études
systématiques
des
nouveaux
habitants,
mais
plutôt,
et
c’est
notamment
le
cas
de
ce
dernier,
comme
une
synthèse
statistique
qui
met
en
avant
les
résultats
les
plus
en
adéquation
avec
les
objectifs
politiques
des
commanditaires.
Ainsi,
il
parait
nécessaire
de
multiplier
les
évaluations
en
privilégiant
d´autres
points
de
vue,
par
exemple,
quid
des
45%
de
non
actifs,
qui
sont-‐ils
?
D´où
viennent-‐ils
?
Où
s´installent-‐ils
et
quelles
sont
leurs
logiques
résidentielles
?
Idem
pour
les
¨étrangers¨.
Par
ailleurs,
des
évaluations
plus
précises
en
termes
d´échelle
spatiale
d´agrégation
des
données
et
moins
simplistes
en
termes
de
catégories
d´analyse
sociologique
seraient
bien
plus
révélatrice
des
dynamiques
à
l’œuvre.
Aussi,
ne
doit-‐on
pas
interroger
la
pertinence
de
la
notion
même
de
¨néo-‐marseillais¨
?
Comme
on
l´a
vu,
ce
néologisme
repose
sur
une
série
de
critères
plus
ou
moins
précis
qui
relève
d´une
certaine
vision
idéologique
de
la
normalité
urbaine
et
dont
les
enjeux
d´évaluation
reposent
à
la
fois
sur
des
enjeux
politiques
et
sur
la
pertinence
de
sa
mesure
à
travers
une
simple
variable
statistique.
En
d’autres
termes,
la
notion
permet-‐elle
d´appréhender
la
complexité
des
acteurs
concernés
:
leurs
profils
socio-‐
économiques,
leurs
modes
de
vie
et
de
consommation,
leurs
stratégies
d´action
et
notamment
de
mobilité
résidentielle,
mais
aussi
les
rapports
d´altérité
qu´ils
peuvent
avoir,
ainsi
que
leur
rapport
vis
à
vis
de
la
chose
publique
?
D´une
certaine
façon,
on
a
l´impression
que
l´
évaluation
qui
découle
des
études
de
l´Agam
dont
il
a
été
question
est,
à
la
fois
partielle,
car
fortement
axée
sur
les
points
d´intérêt
des
commanditaires,
et
auto-‐complaisante
dans
la
mesure
où
elle
met
en
avant
uniquement
les
résultats
¨positifs¨
dans
une
logique
de
communication
politique.
Cependant,
comme
on
l´a
suggéré
plus
haut,
les
résultats
des
études
de
la
technostructure
nourrissent
un
double
discours
contradictoire.
D´une
part,
il
y
a
une
insistance
particulière
sur
des
indicateurs
supposés
témoigner
de
la
réussite
de
la
diversification
sociale
des
quartiers
centraux
par
l´attraction
de
nouveaux
habitants
au
statut
social
plus
élevé.
Evidemment
ces
résultats
sont
bien
reçus
par
la
majorité
politique
locale
qui
espère
les
capitaliser
en
terme
d´électorat.
D´autre
part,
ces
évaluations
lacunaires
et
partielles
contribuent
à
alimenter
les
plaidoyers
sur
l´inefficacité
de
l´action
publique
de
diversification
sociale
et
sur
l´insuffisante
attraction
de
néo-‐marseillais,
et
qui
exigent
même
le
renforcement
de
l´action
publique.
On
s´intéressera
donc
à
ces
derniers
par
la
suite.
108
2.3.3
Une
attraction
¨insuffisante¨
?
Les
néo-‐marseillais
repartent
?
Pour
en
finir
avec
les
idées
reçues
À
l´image
du
Projet
Chenoz
de
1997
qui
prônait
le
besoin
de
renforcer
l´action
publique
comme
réponse
à
l´inefficacité
des
OPAH
mises
en
œuvre
depuis
1982,
en
termes
d´amélioration
de
l´habitat
et
de
diversification
sociale
des
quartiers
centraux
;
la
Délibération
du
Conseil
Municipal
09/0028/DEVD
du
9
février
2009
portant
Engagement
municipal
renforcé
pour
le
centre
ville,
rapport
d´orientation
sur
la
politique
municipale
du
centre
ville
précisait
le
suivant
:
Si
d´évidence
le
langage
est
moins
¨guerrier¨
que
celui
des
années
1995-‐2008
et
ce
discours
semble
montrer
le
passage
de
la
négation
de
la
réalité
sociale
locale
à
la
reconnaissance
des
fragilités
du
centre,
le
propos
reste
toutefois
le
même
:
la
précarité
sociale,
la
dégradation
matérielle
et
les
effets
d´une
politique
urbaine
menée
au
coup
par
coup
sans
projet
global,
font
toujours
obstacle
à
l´affirmation
de
l´attractivité
du
centre-‐ville,
du
moins
au
regard
des
visiteurs
et
des
marseillais
«
légitimes
».
Comme
si
la
résolution
de
ces
difficultés
n´avait
de
sens
que
dans
un
souci
d´attractivité
et
non
pas
par
leur
valeur
intrinsèque
ou
dans
un
souci
de
justice
sociale
vis-‐à-‐vis
des
plus
précaires
et
plus
pauvres.
À
l´instar
de
P.
Sanmarco117
qui
déclarait
au
sujet
de
la
nouvelle
stratégie
municipale
pour
le
centre-‐ville
:
«
la
volonté
de
cette
municipalité
est
très
117
Conseiller
municipal
apparenté
PS,
devenu
président
de
la
SEM
Marseille
Aménagement
au
lendemain
des
élections
municipales
de
2008
et
dans
un
contexte
de
vives
polémiques
liées
à
la
gestion
de
la
société
d´économique
mixte
en
particulier
concernant
la
mise
en
œuvre
des
PRI
dans
le
centre-‐ville.
Il
a
contribué
à
signaler
un
certain
nombre
de
dysfonctionnements
et
a
poussé
à
la
saisine
par
le
maire
d´un
audit
par
la
Chambre
Régional
des
Comptes,
avant
d´être
remercié
en
2009.
109
elliptique
...il
y
a
dix
ans
des
élus
parlaient
de
chasser
les
Arabes
du
centre-‐ville
pour
faire
venir
du
sang
neuf.
On
ne
l´entends
plus,
mais
peut-‐être
certains
en
rêvent-‐ils
encore
?
»118.
Pour
comprendre
le
sens
de
l´action
publique
concernant
le
rééquilibrage
du
peuplement
des
quartiers
centraux,
il
semble
pertinent
d´interroger
les
données
et
faits
documentés
sur
lesquels
repose
l´idée
d´une
attraction
insuffisante
de
nouveaux
habitants
de
statut
social
plus
élevé.
Comme
il
l’a
été
suggéré
plus
haut,
la
littérature
de
la
technostructure
fournit
une
part
importante
des
analyses
qui
pointent
ce
que
l´on
peut
désigner
comme
¨freins
à
l´attraction¨.
Rappelons
la
déclaration
de
J.
Picon,
responsable
du
pôle
ressources
et
données
urbaines
de
l'Agam,
qui
affirmait
avec
toute
la
légitimité
que
son
poste
lui
confère,
que
si
les
demandes
et
besoins
des
néo-‐marseillais,
notamment
en
terme
d´équipement,
ne
sont
pas
intégrés
rapidement
dans
les
projets
et
politiques
urbaines,
ils
seront
vite
découragés
(cf.
p.70).
Le
rapport
de
l´Observatoire
des
quartiers
(2009)
a
consacré
un
chapitre
entier
à
la
question
de
l’attractivité
des
territoires
(:44-‐48).
Le
secteur
opérationnel
CUCS
¨centre-‐ville¨
gagnerait
des
habitants
avec
un
rythme
plus
soutenu
que
la
moyenne
communale,
mais
il
y
a
une
«
spécialisation
sociale
des
flux
»
qui
induit
une
faible
mixité
sociale
à
une
échelle
plus
fine.
La
croissance
de
la
population
serait
particulièrement
problématique
au
regard
du
manque
d´adaptation
des
équipements
de
proximité,
notamment
les
établissements
scolaires,
qui
subissent
une
saturation
particulièrement
importante
en
ce
qui
concerne
la
petite
enfance.
Ce
facteur
serait
crucial
dans
le
choix
résidentiel
des
ménages,
notamment
de
ceux
qui
viennent
d´arriver,
et
qui
disposent
d´une
certaine
autonomie.
La
médiocrité
des
travaux
de
réhabilitation,
la
poursuite
des
situations
d´indignité
et
l´indécence
dans
une
partie
du
parc
de
logements,
ainsi
que
la
structure
de
l´offre
de
logements
caractérisée
par
des
petites
surfaces,
seraient
des
facteurs
qui
ne
favorisent
pas
le
maintien
des
ménages
en
capacité
de
mobilité
résidentielle,
notamment
des
familles
et
des
ménages
aspirant
à
accéder
à
la
propriété.
Rappelons,
que
la
sous-‐division
des
logements
en
centre-‐ville
a
été
fortement
stimulée
par
les
politiques
successives
de
réhabilitation
(WARREN,
1992)
et,
bien
que
la
lutte
contre
l´habitat
indigne
ait
apporté
ses
fruits,
le
parc
ancien
privé
reste
très
dégradé119.
La
mauvaise
qualité
d´un
certain
nombre
de
réhabilitations
a
été
dévoilée
par
les
audits
techniques
réalisés
par
l´Architecte
Expert
auprès
de
la
Cour
d'Appel
d'Aix-‐en-‐Provence
(1998,
PRI
Panier-‐Vieille
Charité)120.
118
Cité
par
Léa
Delpont,
Centre
ville,
l´impossible
réhabilitation,
avril
2010,
L´Express
nº3068,
X-‐XVI
p.
119
Plus
de
30
000
logements
potentiellement
indignes
en
2007,
source
:
Filocom
2007,
traitement
Agam,
PLH
MPM,
Etats
Généraux
du
Logement,
atelier
1,
25
Mai
2011,
p.12
120
Mémorandum
sur
les
concessions
des
PRI
du
centre-‐ville
de
Marseille
À
l’attention
du
Président
de
la
Chambre
Régionale des Comptes PACA, Un Centre Ville Pour Tous, novembre 2009, p.10-‐11 ; en particulier l´additif du
110
Enfin,
la
conjonction
de
plusieurs
facteurs,
comme
l´offre
en
équipements,
l´offre
commerciale,
l´offre
de
logements
et
la
qualité
du
cadre
de
vie,
permettraient
d´expliquer
les
niveaux
contrastés
d´attractivité
des
quartiers.
Certains
comme
les
quartiers
de
la
Plaine,
Notre
Dame
du
Mont,
Longchamp
et
les
Cinq
Avenues
sont
devenus
très
attractifs,
d´autres
tels
que
la
Porte
d´Aix,
Noailles
et
la
partie
haute
de
Belsunce,
ont
un
peuplement
plus
ou
moins
spécialisé
mais
ouverts
sur
le
reste
de
la
ville,
et
enfin
Belsunce,
quartier
refermé
sur
soi121.
Concernant
l´attractivité
économique,
le
centre-‐ville
présente
une
concentration
d’établissements
et
d’investissements
dont
le
seul
défaut,
selon
le
rapport,
repose
sur
le
manque
de
liaisons
entre
les
différents
pôles.
Par
ailleurs,
il
semble
avoir
une
diffusion
de
l´idée
selon
laquelle
les
faibles
niveaux
de
rémunération
jouent
sur
l´attractivité
de
l´offre
d´emplois
qualifiés
et
donc
sur
l´attraction
et
la
capacité
à
retenir
des
«
personnes
et
compétences
»,
pour
reprendre
la
notion
de
l´Observatoire
de
l´attractivité
(Agam)122.
quotidiennement
les
forains
de
tout
le
département
et
au-‐delà
et,
qui
s´inscrit
dans
des
circuits
internationaux
de
commerce
textile
dont
témoigne
la
montée
en
puissance
des
commerçants
chinois.
122
Bien
que
l´Observatoire
des
quartiers
2009
(:2)
mentionne
les
faibles
niveaux
des
salaires,
cette
idée
a
été
notamment
reprise
par
les
médias.
On
n´est
toutefois
pas
en
mesure
de
préciser
le
référence
exacte.
Il
s´agissait
d´un
dossier
spécial
sur
les
néo-‐marseillais
parut
dans
un
journal
comme
Le
Point
ou
L´Express
en
2010.
123
Radioscopie
des
"Euroméditerranéens":
Enquête
habitants
des
résidences
récentes
d'Euroméditerranée,
111
accélérer
le
processus
de
gentrification,
ou
bien
de
garantir
le
maintien
sur
place
et
l´accessibilité
pour
tous,
notamment
pour
les
plus
démunis
?
La
délibération
de
février
2009
précise
dans
une
certaine
rhétorique
politique
:
«
Une
offre
universitaire
de
savoirs
et
d´accompagnement
(logement,
restauration,
animation,
culture,
services)
doit
se
développer
bien
au-‐delà
du
niveau
actuel
[…]
Il
est
aujourd´hui
démontré
que
l´attractivité
d´un
territoire
pour
un
public
universitaire
dépend
de
plus
en
plus
de
la
prise
en
compte
de
la
dimension
"vie
étudiante".
Il
faut
donc
que
Marseille
conforte
son
statut
de
"ville
universitaire"
par
celui
de
"ville
étudiante"
avec
un
panier
de
services
touchant
les
transports,
les
déplacements,
la
restauration,
les
équipements
culturels
et
sportifs
capables
d´intégrer
l´université
à
la
Ville.
Le
Centre
Ville
se
doit
d´être
catalyseur
de
la
Vie
Étudiante
comme
lieu
de
rencontre
favorisant
la
présence
étudiante.
»
(
:2-‐6).
124
Observatoire
des
quartiers
-‐
Etat
initial
-‐
Centre-‐ville,
Agam
/
GIP
Politique
de
la
Ville,
mai
2009,
p.46
125
Le
Plan
Marseille
Attractive
a
été
adopté
lors
du
Conseil
Municipal
du
12
décembre
2011.
Ce
document
d'orientation
dresse
la
vision
de
ce
que
devrait
être
le
développement
de
la
ville
dans
la
prochaine
décennie.
La
stratégie
d´action
se
structure
autour
de
trois
plans
thématiques
:
"Marseille,
centre
d’affaires
et
plateforme
d’échanges
du
Sud
Européen",
"Marseille,
ville
de
la
connaissance
et
de
la
créativité",
"Marseille
ville
de
destination".
Consultable
sur
:
www.marseille.fr
126
Attractivité
socio-‐économique
:
Marseille
(document
provisoire),
Agam-‐Observatoire
de
l´Attractivité,
janvier
2012,
p.10.
Cet
observatoire
sera
créé
dans
le
cadre
de
la
mise
en
œuvre
du
Projet
stratégique
«
Marseille
Attractive
2012-‐2020».
Il
aura
pour
objet
principal
de
mesurer
la
performance
du
territoire
marseillais
en
terme
d'attractivité
et
de
la
comparer
aux
autres
métropoles
françaises.
En
tant
qu´outil
d'aide
à
la
décision,
il
devra
contribuer
à
cerner,
en
temps
réel,
l'impact
de
cette
politique
sur
le
potentiel
d'attractivité
de
Marseille.
La
gestion
de
cet
observatoire
sera
assurée
par
l'AGAM
dans
le
cadre
de
l'Observatoire
de
l'Emploi
et
du
Développement
Economique.
Les
paramètres
sélectionnés
à
dessein
sont
des
variables
d’évolution
(ou
de
flux),
qui
seront
établis
également
pour
quelques
grandes
agglomérations
françaises
de
façon
à
étalonner
la
situation
marseillaise
en
matière
d’attractivité.
Les
agglomérations
retenues
sont
au
nombre
de
6
:
Lyon,
Lille,
Toulouse,
Bordeaux,
Nantes
et
Nice
pour
la
dimension
méditerranéenne.
Le
tableau
de
bord
proposé
est
constitué
de
15
indicateurs
regroupés
en
trois
volets
de
taille
équivalente
ayant
trait:
dynamisme
économique,
attraction
des
personnes
et
des
compétences,
attraction
d´entreprises
et
d´investissements.
Consultable
sur
:
www.agam.org/
112
Les
deux
axes
d´action
prioritaires
de
l´action
publique
municipale
et
communautaire
(CU-‐MPM)
semblent
donc
s´attaquer
à
ce
qui
apparaît
comme
les
principaux
freins
à
l´attraction
de
la
population
étudiante
:
une
offre
immobilière
(logement
étudiant)
peu
développée
et
une
vie
étudiante
insuffisamment
accompagnée.
A
cet
effet,
il
faut
signaler
la
résurrection
du
projet
de
«
quartier
latin
phocéen
»,
projet
qui
date
des
années
1990.
Dans
le
cadre
du
Projet
Canebière
et
du
Projet
Centre-‐Ville,
la
présence
étudiante
est
avancée
comme
la
stratégie
de
requalification
prioritaire,
non
pas
du
secteur
Belsunce
comme
autrefois,
mais
du
secteur
la
Plaine,
les
¨pentes
de
la
Plaine¨
et
des
¨hauts
de
la
Canebière¨.
Enfin,
le
dernier
enjeu
est
celui
du
développement
de
l´offre
touristique.
Le
constat
est
le
suivant
:
«
Si
Marseille
est
aujourd´hui
une
ville
touristique,
il
lui
faut
devenir
une
¨destination
touristique
»
Cette
rhétorique
politique
justifie
la
poursuite
des
politiques
engagées
afin
de
continuer
d´accroitre
le
nombre
de
touristes
(3M
en
1999
à
4M
en
2008,
dont
1M
de
croisiéristes
supplémentaires
par
an).
Rappelons
que
depuis
1995
les
touristes
sont
considérés
comme
une
population
qu´il
faut
attirer,
alors
que
Marseille
à
un
taux
d´occupation
des
chambres
d´hôtel
très
performant127.
Alors
que
différents
facteurs
sont
identifiés
comme
des
freins
à
l´attraction
des
populations
au
statut
plus
élevé,
que
ce
soit
au
niveau
communal
ou
plus
particulièrement
au
niveau
du
centre-‐
ville,
les
faits
documentés
permettent-‐ils
de
valider
l´idée
selon
laquelle
la
ville
peine
à
les
retenir,
supposant
que
ceux-‐ci
finissent
par
repartir?
Cette
idée
repose
sur
des
déclarations,
dont
une
déjà
citée
dans
l´introduction
de
ce
mémoire,
mais
qu´il
vaut
la
peine
de
rappeler
ici.
N.
Abouakil,
porte
parole
de
l´association
Centre
Ville
Pour
Tous
déclarait
en
juin
2003
:
«
Aujourd’hui,
15%
des
arrivants
repartent
au
bout
de
six
mois
faute
d’équipements
comme
des
parkings,
des
crèches
ou
des
écoles
»128.
Interrogé,
il
admet
qu´il
s´agit
là
d´une
estimation
qu´il
a
réalisé
sur
la
base
d´une
observation
constante
sur
une
période
de
quelques
mois
dans
la
rue
Thubaneau
(rotation
des
nouveaux
habitants),
mais
qu´il
ne
prétendait
pas
revendiquer
comme
systématique
ni
rigoureuse.
Par
ailleurs,
J.
Viard,
sociologue
et
élu
socialiste
à
la
communauté
urbaine
de
Marseille,
affirmait
en
avril
2010
avec
toute
la
légitimité
de
ses
fonctions
d´universitaire
et
d´élu
:
«
Marseille
est
à
la
mode
à
Paris,
mais
un
nouvel
arrivant
sur
deux
finit
par
repartir
!
La
ville
n´a
pas
encore
accompli
sa
mutation
»129.
N´ayant
pas
répondu
à
notre
demande
d´éclairage,
n´ayant
trouvé
de
piste
dans
aucun
de
ses
travaux
scientifiques,
tout
porte
à
croire
qu´il
s´agit
plus
d´une
idée
issue
du
sens
127
Attractivité
socio-‐économique
:
Marseille
(document
provisoire),
Agam-‐Observatoire
de
l´Attractivité,
janvier
2012,
p.10
128
Cité
par
Alexandre
Nasri,
Marseille
reconquiert
son
centre
à
marche
forcée,
1
juin
2003,
Le
Figaro
129
Cité
par
Nathania
Cahen,
Jean
Viard,
le
centre
de
Marseille
est
en
danger,
avril
2010,
L´Express
nº3068
113
commun
que
d´un
fait
documenté
qui
reposerait
sur
une
évaluation
méthodologique
et
transparente
de
la
dynamique
démographique
phocéenne.
De
ce
fait,
parmi
les
données
de
notre
corpus,
la
seule
tentative
d´expliciter
cette
idée,
chiffres
à
l´appui,
se
trouve
dans
les
analyses
de
l´Observatoire
de
l´attractivité
(2012)
sur
«
l´attraction
de
personnes
et
compétences
»130.
Ce
document
de
travail
fait
état
des
résultats
moyens
de
la
métropole
marseillaise
au
regard
des
villes
auxquelles
elle
est
comparée.
Les
indicateurs
d´évolution
illustrent
une
situation
de
transition
dans
laquelle
:
«
le
dynamisme
économique
est
au
rendez-‐vous,
mais
il
ne
se
traduit
pas
encore
suffisamment
dans
l´attractivité
des
entreprises
et
dans
celle
des
personnes
et
compétences
»
(:21).
L´accent
est
mis
sur
une
série
d´indicateurs
défavorables,
interprétés
comme
signe
de
la
faible
capacité
de
la
ville
à
attirer
et
conserver
cadres
et
retraités
:
«
la
cité
phocéenne
a
tendance
à
voir
partir
les
populations
de
cadres
et
de
retraités
plutôt
que
de
les
attirer
(à
la
différence
de
Lille
et
Lyon).
»
(
:11).
Or,
cette
formulation
parait
excessive,
par
rapport
aux
données
mobilisées.
En
effet,
il
semble
qu´il
y
ai
une
erreur
d´interprétation
des
informations
analysées.
En
ce
qui
concerne
les
retraités,
le
document
indique
que
la
part
des
retraités
dans
le
solde
migratoire
de
2008
est
négatif
(-‐1.5%),
ce
qui
signifie
qu´il
y
a
plus
de
départs
que
d´arrivées
de
retraités.
Quel
sens
donner
à
ces
informations
sans
plus
de
connaissance
sur
leur
profil
socio-‐économique
?
Un
exemple
afin
d’illustrer
l´inconsistance
de
cette
donnée
isolée
:
s´agit-‐il
de
retraités
aisés,
de
retraités
modestes,
de
vieux
travailleurs
immigrés
?
D´autre
part,
le
document
avance
que
la
part
des
retraités
dans
la
population
entrante
diminue
fortement
entre
1999
et
2008
(-‐40.5%).
Cela
ne
veut
pas
non
plus
dire
que
la
ville
peine
à
retenir
les
retraités,
mais
tout
simplement
que,
parmi
les
nouveaux
arrivants
la
proportion
des
retraités
diminue.
C´est
peut
être
juste
le
fait
que
la
part
des
actifs
croît
dans
la
population
entrante,
ce
qui,
dans
la
vision
politique
qu´on
s´attèle
à
décrire
depuis
un
moment,
devrait
être
sujet
de
satisfaction.
D´autant
plus
que
cela
impliquerait
aussi
un
rajeunissement
de
la
population,
autre
évolution
jugée
aussi
positive.
En
ce
qui
concerne
les
cadres
et
professions
intellectuelles
supérieures,
le
document
avance
que
leur
part
dans
le
solde
migratoire
est
trop
modeste
en
2008
(+0,2%,
contre
+4%
Bordeaux,
mais
–
7%
Lille).
La
ville
ne
perd
donc
pas
des
ménages
appartenant
à
cette
catégorie
socio-‐
professionnelle,
elle
en
attire
au
contraire,
faiblement
certes,
mais
elle
attire.
Enfin,
le
document
insiste
fortement
sur
le
fait
que
l´évolution
de
la
part
des
cadres
et
professions
intellectuelles
est
négative
parmi
la
population
entrante
entre
1999-‐2008
(-‐11.9%
tandis
que
l´évolution
est
positive
partout
ailleurs).
Cela
ne
veut
pas
dire
non
plus
que
la
ville
ne
les
retienne
pas,
juste
130
Il
s´agit
là
d´une
vraie
question
d´actualité.
Ceci
se
traduit
dans
la
grille
d´analyse
développée
par
l´Observatoire
de
l´attractivité,
récemment
mis
en
marche.
Mais
aussi,
dans
des
déclarations
politiques
très
récentes
:
Marianne
Moukomel,
conseillère
municipale
apparentée
PS
Groupe
Faire
Gagner
Marseille,
a
déclaré
lors
de
la
votation
du
PLU
de
Marseille
en
Conseil
Municipal
(8
octobre
2012
-‐
Rapport
n°226)
:
«
Vous
annoncez
donc,
d’abord
:
+
60
000
habitants.
Quel
cadre
de
vie
proposez-‐vous
aux
Marseillaises
et
Marseillais,
et
à
ces
futurs
nouveaux
arrivants
qui
repartent
trop
souvent
au
terme
d'une
ou
deux
années.
»
(
:2)
114
qu´entre
1999
et
2008,
leur
part
dans
la
population
entrante
a
diminué.
Or,
quel
sens
donner
à
cette
tendance
sans
avoir
un
regard
sur
l´évolution
de
la
part
des
autres
catégories
socio-‐
professionnelles
parmi
les
nouveaux
arrivants?
L´Observatoire
des
quartiers
ainsi
que
la
Radioscopie
des
néo-‐marseillais
insistaient
notamment
sur
l´importance
de
la
catégorie
¨étudiant¨
parmi
les
nouveaux
arrivants,
pouvant
atteindre
entre
20%
et
35%
des
néo-‐marseillais
dans
les
Ve
et
VIe
arrondissements.
Par
ailleurs,
les
analyses
de
l´Observatoire
de
l´attraction
pêchent
de
leur
généralité
et
ne
permettent
pas
d´appréhender
la
complexité
des
dynamiques
migratoires
à
des
échelles
spatiales
d´agrégation
des
données
plus
fines.
En
conclusion,
rien
ne
montre
que
Marseille
ne
retient
pas
les
nouveaux
habitants
de
statut
social
plus
élevé.
Concernant
l´évolution
du
stock
de
gentrifieurs
potentiels,
il
semble
avéré
que
Marseille
attire
des
nouveaux
habitants
et
notamment
le
centre-‐ville.
Toutefois,
l´état
des
connaissances
reste
encore
trop
modeste
:
comment
évaluer
la
part
des
gentrifieurs
potentiels
parmi
la
population
exogène
?
Quels
critères
sociologiques
mobiliser
?
Par
ailleurs,
n´est-‐il
pas
une
erreur
que
de
réduire
le
stock
de
gentrifieurs
aux
néo-‐marseillais
:
quid
de
la
mobilité
intra
urbaine
des
classes
moyennes
et
supérieures
locales
?
Il
parait
donc
nécessaire
d´interroger
les
critères
d´évaluation
et
les
études
qui
les
mobilisent.
En
effet,
ceux-‐ci
sont
trop
approximatifs
et
ne
permettent
pas
de
conclure
l´idée
d´une
diversification
sociale
inaboutie.
Inaboutie
par
rapport
à
quelle
norme,
par
ailleurs
?
Ils
ne
peuvent
donc
pas
être
mis
au
service
de
la
formulation
des
objectifs
de
l´intervention
publique.
D´autant
plus
que
la
définition
et
la
mesure
de
la
mixité
sociale
ne
font
pas
l´unanimité,
il
est
nécessaire
de
continuer
à
interroger
le
fond
idéologique
des
plaidoyers
sur
lesquels
se
construit
constamment
l´action
publique.
Sensible
à
l´idée
selon
laquelle
le
processus
ne
signifie
pas
la
même
chose
qu´on
y
gagne
ou
qu´on
y
perde
(Lees
et.
al.
2010),
la
recherche
sur
la
gentrification
doit
prendre
en
considération
la
diversité
des
acteurs
et
des
points
de
vue
sur
le
processus.
Ceci
n´est
toutefois
pas
un
appel
à
ce
que
la
recherche
urbaine
locale
trouve
dans
les
gentrifieurs
un
thème
de
recherche
à
part
entière.
Comme
R.
Glass,
il
nous
semble
que
la
recherche
urbaine
sur
la
gentrification
doit
contribuer
à
forger
un
projet
politique
qui
mette
en
cause
les
inégalités
de
la
société
urbaine
sur
lesquelles
se
base,
entre
autres,
la
gentrification.
De
telle
sorte,
s´intéresser
aux
gentrifieurs
n´est
pas
une
fin
en
soi,
mais
une
démarche
nécessaire
à
la
mise
en
examen
des
idées
reçues
sur
lesquelles
se
fondent
un
certain
nombre
de
politiques
urbaines.
C´est
aussi
une
démarche
nécessaire
à
l´identification
des
facteurs
qui
génèrent
le
déplacement-‐exclusion
des
populations
pauvres
dans
les
quartiers
centraux
des
villes.
Dans
ce
sens,
si
on
revient
aux
idées
reçues
qui
nous
occupent
dans
ce
mémoire,
les
données
de
connaissance
recensées
permettent-‐elles
de
valider
l´idée
selon
laquelle,
le
stock
de
gentrifieurs
115
potentiels
serait
insuffisant
pour
provoquer
le
déplacement-‐exclusion
des
classes
de
moindre
statut
du
centre-‐ville
?
Cette
question
sera
débattue
par
la
suite.
Fig.22,
Démolition
en
2006
des
cabanes
et
immeubles
où
vivaient
depuis
des
années
plusieurs
dizaines
de
vieux
travailleurs
immigrés
maghrébins
au
Rouet,
dans
le
cadre
du
projet
de
rénovation
Marseille
Grand
Est,
(cliché
:
Kamar
Idir,
2006).
L´idée
selon
laquelle
la
diversification
sociale
des
quartiers
centraux
de
Marseille
resterait
inaboutie
suggère
qu´il
y
a
toute
une
série
de
circonstances
qui
nuisent
à
l´attractivité
du
centre,
à
l´égard
des
populations
de
statut
social
plus
élevé.
La
persistance
des
situations
de
précarité
dans
le
centre
constitue
un
des
signes
mis
en
avant
dans
une
partie
de
la
littérature
scientifique
et
de
la
littérature
politico-‐institutionnelle,
pour
expliquer
l´échec
du
processus
de
gentrification.
Dans
cette
logique,
les
ménages
pauvres
et
modestes
du
centre-‐ville
ne
seraient
pas
déplacés
ou
exclus
puisque
trop
peu
de
nouveaux
habitants
plus
aisés
feraient
le
pari
de
s´y
installer.
Ces
affirmations
interpellent.
Non
seulement
les
faits
documentés
dont
on
dispose
ne
semblent
pas
permettre
de
confirmer
que
le
stock
de
gentrifieurs
potentiels
soit
faible.
Mais
aussi,
comme
on
a
pu
argumenter
dans
la
partie
1.2.4
de
ce
mémoire,
il
est
désormais
largement
admis
que
la
gentrification
est
le
résultat
de
l´articulation
d´une
série
de
facteurs
économiques,
culturels
et
politiques.
Ainsi
n´est-‐il
pas
réducteur
d´imputer
le
déplacement
des
ménages
modestes
exclusivement
à
l´évolution
du
stock
de
gentrifieurs
potentiels
?
Si
le
déplacement
des
ménages
pauvres
dépendait
exclusivement
de
l´attraction
de
nouveaux
habitants
plus
fortunés,
mais
que
le
stock
de
gentrifieurs
potentiels
reste
¨insuffisant¨,
cela
voudrait
dire
qu´il
n´y
aurait
pas
eu
116
d´évictions
dans
le
centre-‐ville
de
Marseille.
Or,
comme
on
le
verra
par
la
suite,
il
y
a
un
certain
nombre
de
faits
documentés
qui
suggèrent
qu´il
y
en
a
eu,
et
même,
qu´il
y
en
a
toujours.
Avant
de
continuer,
il
paraît
important
de
préciser
le
sens
que
l´on
donnera
à
la
notion
de
déplacement-‐exclusion.
De
façon
large
et
en
accord
avec
C.
Hartman
(et.
al.,
1982)
«
le
terme
décrit
ce
qui
arrive
lorsque
des
forces
exogènes
rendent
impossible,
hasardeux
ou
inabordable
la
vie
d´un
ménage
dans
un
lieu
donné
»
(:3).
C´est
le
processus
par
lequel
les
habitants
d´un
lieu
sont
forcés
à
déguerpir,
que
ce
soit
en
raison
de
la
transformation
physique
de
leur
habitat
(du
niveau
de
dégradation
ou
de
réinvestissement-‐amélioration
de
leur
logement
ou
immeuble),
en
raison
de
l´augmentation
des
couts
liée
aux
logement
(taxes
d´habitation
et
taxe
foncière,
loyers)
mais
aussi
des
couts
de
la
consommation
quotidienne
(services,
etc.),
et
enfin,
du
fait
de
l´évolution
du
corps
social
de
proximité
(voisinage,
liens
d´affection
et
solidarité,
identité
collective
et
individuelle).
P.
Marcuse
(1985a)
a
proposé
une
typologie
des
processus
de
déplacement,
selon
que
les
facteurs
soient
directs
ou
indirects,
et
que
ceux-‐ci
laissent
plus
ou
moins
de
marge
à
l´arbitrage
des
ménages,
volontaire
ou
involontaire131
:
• Déplacement
direct
du
dernier
occupant
:
Le
maintien
sur
place
devient
intenable
du
fait
1)
de
la
détérioration
matérielle
du
logement
ou
de
l´immeuble,
2)
de
l´augmentation
des
couts
(taxes
foncière,
d´habitation,
loyer,
charges).
• Chaine
de
déplacements
directs
:
Au-‐delà
du
déplacement
du
dernier
occupant,
des
occupants
antérieurs
peuvent
avoir
aussi
été
forcés
à
déguerpir
dans
des
phases
antérieures
du
déclin
matériel
du
logement
ou
de
l´immeuble,
voir
d´augmentation
préalables
des
couts.
131
Pour
une
synthèse
des
principaux
débats
théorico-‐méthodologiques
voir,
Atkinson
,
R.
et
al.
(2011)
Gentrification
and
displacement:
the
household
impacts
of
neighbourhood
change,
AHURI
Final
Report,
No.160.
Melbourne:
Australian
Housing
and
Urban
Research
Institute,
p.4-‐13
117
d’autres
ouvrent
pour
une
autre
clientèle,
que
les
équipements
et
services
(notamment
sociaux)
changent,
la
pression
des
transformations
contribue
au
départ
volontaire
des
ménages.
Le
départ
volontaire
est
une
réaction
d´anticipation
face
à
la
menace
d´un
déplacement
direct.
Or,
puisque
notre
propos
ici
n´est
pas
celui
de
confronter
cette
grille
d´analyse
à
la
réalité,
il
nous
a
semblé
important
d´intégrer
cette
considération
terminologique
à
ce
propos
introductif.
Dans
les
pages
qui
suivent,
on
cherchera
dans
les
faits
documentés
des
éléments
qui
nous
permettent
de
mettre
en
examen
les
idées
reçues
concernant
la
relation
entre
stock
de
gentrifieurs
potentiels
et
déplacement
des
ménages
modestes.
Puisque
les
freins
à
l´attraction
de
gentrifieurs
ont
déjà
fait
l´objet
d´une
analyse,
dans
un
premier
temps
(2.4.1)
on
abordera
la
question
de
la
persistance
de
la
précarité
dans
le
centre.
Cet
élément
est
avancé
dans
les
discours
sur
la
recomposition
sociale
du
centre,
comme
signe
de
l´échec
de
la
diversification
sociale.
Cependant,
on
verra
que
les
dynamiques
socio-‐économiques
que
l´analyse
de
la
précarité
dévoile
peuvent
être
interprétées
de
sorte
à
contredire
cette
idée.
Notons
que
l´analyse
des
dynamiques
de
la
précarité
qui
semble
être
la
plus
approfondie
est
celle
de
l´Observatoire
des
quartiers
(2010).
Dans
un
deuxième
temps
(2.4.2),
il
s´agira
de
passer
en
revue
les
faits
documentés
qui
mettent
en
évidence
différents
aspects
des
évictions
qui
ont
eu
lieu
au
cours
de
la
dernière
décennie,
en
lien
avec
le
processus
de
réinvestissement
du
centre.
Parmi
les
faits
documentés,
on
verra
que
certains
indices
pointent
l´idée
d´un
boom
immobilier
caractérisé
par
une
augmentation
radicale
des
prix
des
transactions
et
une
inflation
des
loyers.
Cette
situation,
on
le
verra,
laisse
croire
que
le
déplacement
des
ménages
de
moindre
statut
se
poursuit
de
nos
jours,
mais
moins
sous
forme
d´évictions
forcées
que
d´exclusion
par
le
marché.
Sur
le
plan
de
la
documentation,
la
littérature
académique
fournit
une
partie
conséquente
des
éléments
d´analyse.
Toutefois,
on
verra
qu´une
partie
importante
des
informations
empiriques
proviennent
d´acteurs
de
la
société
civile,
en
particulier
de
l´association
Un
Centre
Ville
Pour
Tous132.
De
façon
générale,
les
informations
qui
contribuent
a
l´hypothèse
selon
laquelle,
même
quand
le
stock
de
gentrifieurs
potentiels
est
modeste
des
évictions
on
lieu,
apportent
des
éléments
de
réponse
aux
interrogations
suivantes
:
où
a
lieu
le
déplacement,
avec
quelle
ampleur
et
à
travers
quels
mécanismes
?
Qui
sont
les
victimes
et
comment
le
déplacement
les
impacte
?
Quels
sont
les
impacts
pour
les
quartiers
qui
les
accueillent?
Cette
discussion
se
conclura
en
signalant
les
pistes
d´analyse
qui
semblent
émerger
pour
une
recherche
empirique
future
sur
le
déplacement
des
ménages
modestes.
2.4.1
La
précarité
dans
le
centre-‐ville,
signe
de
l´échec
de
la
gentrification
?
132
Pour
un
portrait
synthètique
de
l´association,
cf.
annexe
nº4.
118
Rappelons
le
constat
qui
est
fait
dans
la
Délibération
du
9
février
2009,
portant
Engagement
renforcé
sur
le
centre-‐ville
:
«
le
paradoxe
du
Centre-‐Ville
perdure
:
le
cœur
de
la
grande
capitale
régionale
voit
se
confronter
des
fonctions
de
centralité
métropolitaine
et
des
situations
de
précarité
sociale,
de
chômage,
parmi
les
plus
fortes
au
point
de
justifier
son
classement
en
zone
urbaine
sensible.
»133.
Or,
si
la
précarité
apparaît
comme
une
caractéristique
des
quartiers
centraux,
l´analyse
des
dynamiques
socio-‐économiques
et
notamment
celle
de
l´évolution
des
revenus
des
ménages
peuvent
se
prêter
à
des
interprétations
ambivalentes
:
si
elles
peuvent
confirmer
les
idées
reçues
elles
peuvent
aussi
les
contredire.
L´actualisation
des
analyses
de
l´Observatoire
des
quartiers
en
2010,
semble
aller
dans
le
sens
du
constat
de
la
persistance
et
de
l´aggravation
de
la
précarité
dans
le
centre-‐ville.
Voici
les
principales
dynamiques
diagnostiquées
à
partir
de
l´analyse
de
différents
indicateurs
de
la
précarité134
dans
le
secteur
opérationnel
du
CUCS
centre-‐ville
:
«
Comme
établi
lors
de
l’état
initial,
en
2008-‐2009,
le
Centre
ville
demeure
l’un
des
secteurs
opérationnels
où
les
indicateurs
de
précarité
sont
les
plus
dégradés.
Les
faibles
revenus
de
ses
habitants
et
leur
forte
dépendance
aux
prestations
sociales
se
confirment.
Le
Centre
ville
est
également
le
territoire
du
CUCS
qui
regroupe
le
nombre
le
plus
important
de
personnes
couvertes
par
des
dispositifs
de
lutte
contre
la
précarité.
Il
se
distingue
du
reste
du
CUCS
par
le
profil
des
ménages
précaires.
En
effet,
ce
sont
pour
la
majorité
des
personnes
seules,
que
ce
soit
des
jeunes
ou
des
personnes
âgées.
La
situation
des
immigrés,
plus
représentés
qu'en
moyenne
dans
ce
territoire
d’accueil,
apparaît
également
déterminante.
Les
évolutions
récentes
témoignent
d’une
stabilisation
voire
d’une
baisse,
de
la
part
des
personnes
couvertes
par
un
dispositif
de
lutte
contre
la
pauvreté.
Toutefois,
l’effectif
des
habitants
concernés
poursuit
sa
progression
et
sa
concentration
dans
les
territoires
les
plus
précarisés.
»
(
:15).
L´étude
fait
état
de
fortes
différenciations
territoriales
parmi
les
secteurs
qui
concentrent
la
précarité
dans
le
périmètre
CUCS
centre-‐ville.
Le
constat
général
qui
est
fait
est
que
les
territoires
de
la
précarité
restent
toujours
les
mêmes
depuis
2008,
date
de
l´état
initial
de
l´étude,
mais
que
ceux-‐ci
connaissent
des
évolutions
propres
à
une
échelle
plus
fine.
Il
s´agit
plus
exactement
des
secteurs
Belsunce-‐Noailles,
Joliette,
Grands
Carmes,
Panier,
Chapitre-‐Thiers
et
Notre
Dame
du
Mont
(Fig.
23).
133
Délibération
du
Conseil
Municipal
09/0028/DEVD
du
9
février
2009
portant
Engagement
municipal
renforcé
pour
le
centre
ville,
rapport
d´orientation
sur
la
politique
municipale
du
centre
ville.
134
Les
sources
mobilisées
sont
notamment
:
Taux
de
demandeurs
d’emploi
(Pôle
Emploi-‐INSEE,
fichier
des
demandeurs
d’emploi
en
fin
d’année
2005
et
2008/population
active);
Recensement
de
la
Population
2006
à
l'IRIS;
données
sur
les
bénéficiaires
de
la
CMU
(CNAM/TS-‐INSEE
à
l'IRIS,
2006-‐2009);
Revenus
(DGI-‐INSEE);
Revenus
des
ménages
fiscaux
à
l’IRIS,
2005-‐2007;
Allocataires
de
minima
sociaux
(Fichier
FIC
2006-‐2007
à
l’IRIS,
sources
CAF
13
–
CNAM
-‐
INSEE,
données
2009).
119
L´analyse
qui
est
fait
du
secteur
Belsunce
montre
que
ce
secteur
est
celui
qui
concentre
le
plus
grand
effectif
de
précaires
du
centre-‐ville.
Ce
territoire,
avec
la
Joliette,
cumule
les
indicateurs
les
plus
dégradés,
en
particulier
Noailles.
Parmi
les
évolutions
constatées,
on
observe
notamment
le
creusement
des
écarts
entre
Noailles
et
Belsunce
entre
2007
et
2009.
Ce
quartier
présente
une
situation
de
précarité
plus
accentuée
que
Belsunce
et
plus
dégradée
que
la
plupart
des
autres
territoires
de
précarité
de
la
commune.
Belsunce
se
distingue
par
un
effectif
relativement
élevé
de
populations
couvertes
par
une
allocation
de
lutte
contre
la
pauvreté,
largement
supérieur
à
celui
constaté
à
Noailles.
Toutefois,
les
évolutions
de
ces
deux
quartiers
divergent
avec
une
augmentation
des
effectifs
de
population
précaire
à
Belsunce
et
une
situation
stable
à
Noailles.
Du
point
de
vue
des
revenus,
ces
quartiers
demeurent
ceux
où
les
revenus
des
ménages
sont
les
plus
bas
du
centre
ville,
¾
des
ménages
étant
non-‐imposables.
L´analyse
la
plus
intéressante
du
point
de
vue
de
notre
propos
est
toutefois
celle
qui
concerne
l´évolution
des
revenus
des
ménages.
À
Belsunce
et
Noailles,
si
le
revenu
médian
des
ménages
progresse
plus
vite
qu’en
moyenne
à
Marseille
entre
2005
et
2007
(hormis
dans
la
partie
nord
de
Noailles),
l’évolution
des
revenus
des
plus
modestes
est
plus
contrastée
:
à
Belsunce,
ils
augmentent
plus
vite
qu’en
moyenne,
ce
qui
permet
une
réduction
des
écarts
avec
le
reste
de
Marseille,
tandis
qu´à
Noailles,
ils
augmentent
moins
rapidement
qu’en
moyenne
à
Marseille
et
les
écarts
avec
la
situation
communale
se
creusent.
Cependant,
il
faut
insister,
ils
augmentent
aussi
à
Noailles.
En
outre,
à
Noailles
les
disparités
entre
habitants
s’accentuent
avec
une
augmentation
des
revenus
des
plus
aisés
plus
rapide
que
celle
des
plus
modestes.
Notons
aussi
que
le
secteur
Rome,
relativement
peu
peuplé,
connaît
une
très
forte
baisse
des
revenus
du
1er
120
Fig.
23,
Les
territoires
de
la
précarité,
Observatoire
des
quartiers,
Agam
juillet
2010.
Plusieurs
interrogations
émergent.
Comment
interpréter
le
fait
que
le
revenu
médian
augmente
plus
vite
que
la
moyenne
communale
?
Cela
veut-‐il
dire
que
la
part
des
ménages
des
revenus
élevés
augmente
plus
vite
que
celle
des
revenus
modestes
?
Comment
interpréter
qu´à
Belsunce
les
revenus
les
plus
modestes
progressent
plus
vite
que
la
moyenne
communale
?
Il
n´y
a
pas
beaucoup
d’explications
possibles
:
soit
les
ménages
modestes
gagnent
mieux
leur
vie
et
restent
sur
place,
soit
les
plus
pauvres
des
ménages
modestes
partent,
ce
qui
tire
la
classe
statistique
vers
le
haut.
Par
ailleurs,
la
notion
de
¨plus
modeste¨
n´est
pas
toujours
très
précise,
s´agit-‐il
du
1er
quartile
?
Quoi
qu´il
en
soit,
cette
classe
statistique
n´est
pas
vraiment
comparable
d´un
secteur
à
un
autre
:
la
classe
statistique
¨plus
modeste¨
de
Belsunce
ne
correspondant
pas
à
celle
du
Roucas
Blanc,
par
exemple.
Enfin,
comment
interpréter
qu´à
Noailles
les
revenus
des
plus
aisés
progressent
plus
vite
que
ceux
des
plus
modestes
?
Soit
les
plus
aisés
gagnent
plus,
soit
des
populations
encore
plus
aisées
s´y
installent,
soit
les
moins
aisés
de
la
classe
statistique
¨des
plus
aisés¨
s´appauvrissent
ou
partent.
Au-‐delà
du
constat
général
d´un
tassement
vers
le
haut
des
revenus,
sans
données
plus
explicites,
il
est
difficile
d´interpréter
davantage
les
dynamiques
121
décrites.
Toutefois,
il
faut
retenir
que
la
tendance
générale
va
dans
le
sens
de
la
stabilisation
des
indicateurs
de
précarité,
mais
aussi
du
creusement
des
inégalités.
Selon
l´Agam,
la
Joliette
est
le
secteur
qui
connaît
la
dégradation
des
indicateurs
de
précarité
la
plus
préocupante
du
centre-‐ville.
Au
sein
de
ce
territoire,
la
précarité
semble
se
resserrer
et
s’intensifier
autour
de
la
place
Marceau
ainsi
que
dans
sa
partie
ouest.
Tous
les
indicateurs
de
précarité
présentent
des
niveaux
de
dégradation
parmi
les
plus
élevés
de
la
commune.
Concernant
les
revenus
des
ménages,
l´étude
fait
état
d´une
évolution
contrastée.
Ainsi,
dans
la
partie
ouest
de
ce
territoire,
le
revenu
médian
des
ménages
a
augmenté
plus
vite
qu’en
moyenne
à
Marseille.
Ce
constat
se
traduit
par
une
forte
augmentation
des
revenus
des
plus
modestes
entre
2005
et
2007.
Ce
phénomène
semble
être
corrélé
à
une
diminution
du
nombre
de
ménages
fiscaux.
Comment
interpréter
ce
phénomène
?
L´hypothèse
qui
est
posée
à
cet
égard
est
très
intéressante
:
«
[ceci]
pourrait
traduire
un
départ
de
populations
plutôt
qu’une
amélioration
des
revenus
des
populations
en
place
»
(
:21).
L´hypothèse
du
déplacement
de
la
pauvreté
pourrait-‐elle
expliquer
ce
type
de
dynamiques
?
Dans
tous
les
cas,
il
faut
noter
que
c´est
le
seul
moment
dans
l´étude,
et
par
ailleurs
le
seul
document
produit
par
la
technostructure
et
dont
nous
disposons,
dans
lequel
apparaît
l´idée
que
la
diminution
de
certains
indicateurs
de
précarité
pourraient
être
dûs
au
déplacement
des
populations
précaires
et
non
pas
à
une
amélioration
de
leur
situation.
En
ce
qui
concerne
le
secteur
des
Grands
Carmes,
le
constat
est
similaire.
D´une
part
la
pauvreté
se
tasse
vers
le
bas,
comme
témoigne
le
faite
que
les
revenus
des
ménages
les
plus
modestes
(1er
quartile)
représentent
en
2007
moins
de
la
moitié
de
la
moyenne
communale.
D´autre
part,
c’est
le
fait
d´une
dégradation
particulièrement
importante
des
indicateurs
de
précarité
entre
2005
et
2007
dans
les
ilots
jouxtant
le
boulevard
des
Dames
(-‐12%
pour
le
1er
quartile
des
revenus).
Enfin,
l´étude
signale
que
les
disparités
entre
les
plus
aisés
et
les
plus
modestes
se
sont
également
accentuées,
mais
ne
précise
pas
si
c´est
exclusivement
à
cause
de
la
dégradation
des
revenus
des
plus
modestes
ou
bien
si
la
progression
des
revenus
des
plus
aisés
y
contribuent.
Dans
le
secteur
Panier,
les
indicateurs
de
précarité
apparaissent
moins
accentuées
qu’en
moyenne
dans
le
secteur
opérationnel
CUCS.
Toutefois,
de
forts
contrastes
apparaissent
à
une
échelle
fine,
notamment
entre
sud
et
nord.
Ce
territoire
connaît
une
forte
croissance
des
populations
couvertes
par
des
dispositifs
de
«
lutte
contre
la
pauvreté
et
l´exclusion
sociale
»,
en
particulier
sur
sa
partie
nord.
Concernant
l´évolution
des
revenus,
entre
2005
et
2007,
il
est
fait
état
d´une
hausse
générale
des
revenus
dans
le
secteur
et
plus
spécialement
des
revenus
des
plus
modestes.
Or,
cette
dynamique
ne
s´applique
pas
sur
l’ensemble
du
secteur,
mais
en
122
particulier
au
sud.
Le
nord
du
Panier
quant
à
lui
compte
un
nombre
croissant
de
ménages
modestes
aux
revenus
particulièrement
faibles,
à
savoir,
inférieurs
à
la
moitié
de
ceux
du
1er
quartile
de
la
commune.
Le
secteur
Chapitre-‐Thiers
présente
une
évolution
stable
et
intermédiaire
en
terme
de
précarité.
Les
indicateurs
apparaissent
moins
dégradés
que
la
moyenne
du
secteur
opérationnel
mais
équivalents
à
ceux
constatés
en
CUCS.
Les
effectifs
des
ménages
précaires
sont
relativement
limités
et
particulièrement
présents
sur
les
pentes
de
La
Plaine.
Ce
secteur
se
caractérise
par
de
forts
écarts
de
revenus
(rapport
inter-‐quartile
de
5),
le
1er
quartile
étant
inférieur
à
celui
constaté
en
moyenne
à
Marseille.
Les
écarts
de
revenus
tendent
à
se
réduire
du
fait
d’une
augmentation
plus
rapide
du
revenu
des
plus
modestes
par
rapport
à
celui
des
plus
aisés.
Enfin,
l’effectif
des
populations
couvertes
par
un
dispositif
de
lutte
contre
la
pauvreté
a
diminué
entre
2006
et
2009.
Enfin,
en
ce
qui
concerne
le
secteur
Notre
Dame
du
Mont,
les
situations
de
précarité
«
apparaissent
peu
lisibles
».
Depuis
1996
(date
de
mise
en
place
de
la
géographie
prioritaire)
la
situation
a
fortement
évolué.
Les
résultats
de
l´étude
questionnent
la
pertinence
de
considérer
ce
secteur
dans
la
géographie
prioritaire.
En
effet,
les
revenus
des
ménages,
y
compris
ceux
des
plus
modestes,
sont
supérieurs
à
ceux
constatés
au
niveau
communal.
Pour
conclure
ce
commentaire,
si
la
précarité
apparaît
comme
une
caractéristique
des
quartiers
centraux,
l´analyse
des
dynamiques
socio-‐économiques
et
notamment
celle
de
l´évolution
des
revenus
des
ménages,
peuvent
se
prêter
à
des
interprétations
ambivalentes.
Elles
peuvent
confirmer
les
idées
reçues,
mais
elles
peuvent
aussi
les
contredire.
Il
est
fait
état
d´une
tendance
générale
à
la
stabilisation
des
situations
de
précarité.
Du
point
de
vue
de
l´évolution
des
ressources
des
ménages,
cette
stabilisation
signifie
notamment
la
progression
rapide
des
ressources
des
ménages
plus
modestes.
Or,
on
l´a
vu,
l´interprétation
de
cette
dynamique
est
délicate
et
pourrait
révéler
des
processus
de
déplacement
de
la
pauvreté,
plutôt
que
de
l´amélioration
de
la
situation
économique
des
ménages.
D´autre
part,
la
tendance
à
la
stabilisation
des
indicateurs
de
précarité
est
doublée
de
leur
aggravation-‐concentration
à
une
échelle
plus
fine
et
dans
des
sous-‐secteurs
spécifiques.
La
diminution
générale
des
indicateurs
de
précarité
pourrait
contribuer
à
attiser
les
situations
de
précarité,
du
moins
à
les
rendre
plus
visibles
?
À
l´instar
de
B.
Bertoncello,
«
L´impact
de
ces
dynamiques
sectorisées
[action
municipale
123
et
euromediterranée]
est
partiel
et
contribue
à
alimenter
une
configuration
de
la
ville
par
archipels
qui
met
sans
doute
plus
violemment
en
exergue
des
disparités
de
niveau
de
vie.
»135.
Le
premier
cas
concerne
l´étude
de
l´impact
de
la
réhabilitation
du
parc
locatif
privé
sur
le
peuplement
de
Belsunce
entre
1982-‐1991
(WARREN,
1992).
Bien
que
ce
travail
universitaire
ne
remplisse
pas
les
critères
chronologiques
du
corpus
d´analyse,
on
a
justifié
précédemment
l´importance
de
le
prendre
en
compte,
notamment
du
fait
qu´il
constitue
le
seul
travail
empirique
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux.
Sa
méthodologie
est
basée
sur
des
données
de
première
main
et
sur
une
analyse
systématique
et
concluante.
C.
Warren
a
tenté
de
déterminer
si
dans
le
cadre
des
OPAH
Belsunce-‐Pressensé
(1983-‐1985)
et
Belsunce-‐National
(1987-‐1989)
il
y
avait
eu
une
mobilité
particulière
et,
dans
cette
éventualité,
quelle
en
était
sa
nature.
Autrement
dit,
qui
était
resté,
qui
était
parti,
quels
étaient
les
nouveaux
arrivants
en
terme
de
types
de
ménages,
de
nationalités,
de
catégories
socioprofessionnelles
et
de
revenus.
À
cet
effet,
l'enquête
a
été
effectuée
après
réhabilitation,
auprès
des
locataires
et
des
propriétaires
135
Brigitte
Bertoncello,
professeur
à
l´Université
de
Provence
Aix-‐Marseille
I,
lors
du
colloque
¨Marseille
Euroméditerranée¨,
restitution
de
la
recherche
POPSU,
le
18
juin
2010.
Retranscription
des
débats.
Disponible
en
ligne
:
http://www.popsu.archi.fr/POPSU1/valorisation/spip.php?article166,
consulté
le
15
juin
2012.
124
bailleurs
de
78
logements,
soit
1/3
des
logements
locatifs
privés
réhabilités
dans
le
cadre
des
deux
OPAH
(235
en
total).
Ces
logements
faisant
partie
d'immeubles
quasi
entièrement
réhabilités.
De
façon
générale
C.
Warren
a
montré
qu´après
la
réhabilitation
le
profil
socioéconomique
des
habitants
changeait.
Les
résultats
sur
les
nouveaux
habitants
ont
déjà
été
commentés
(p.114),
ils
nous
apprennent
que
parmi
les
ménages
qui
sont
partis,
les
familles
modestes,
nombreuses
et
souvent
d´origine
étrangère
ainsi
que
les
célibataires
et
ouvriers
d´origine
étrangère,
sont
surreprésentés.
C.
Warren
explique
le
changement
de
profil
socioéconomique
des
occupants
des
logements
réhabilités
comme
le
fait
de
la
restructuration
du
parc,
et
plus
particulièrement
comme
conséquence
de
la
diminution
des
superficies
des
logements.
S’agissant
des
mouvements
produits,
55
%
des
ménages
présents
avant
réhabilitation
sont
partis
(environ
60
personnes).
Par
ailleurs,
elle
précise
que
les
9
familles
qui
sont
restées
après
réhabilitation
ont
fait
le
souhait
de
partir
en
raison
de
l´insatisfaction
du
rapport
prix/surface,
les
loyers
ayant
été
multipliés
en
moyenne
par
2,5.
Le
travail
de
C.
Warren
a
cependant
des
limites.
Notamment
parce
qu´il
concerne
exclusivement
la
réhabilitation
aidée
du
parc
privé.
Or,
en
accord
avec
A.
Mollet
(1987),
qui
a
réalisé
une
étude
nationale
sur
les
bilans
sociaux
de
plus
de
cinquante
OPAH136,
c´est
dans
la
réhabilitation
sans
aide
que
les
mutations
de
la
population
sont
les
plus
radicales.
Il
serait
donc
intéressant
de
savoir
quelle
part
de
logements
ont
été
réhabilités
sans
aides,
afin
d´estimer
le
nombre
de
ménages
qui
ont
quitté
Belsunce
à
cause
des
effets-‐induits
de
l´OPAH.
D´autre
part,
considérant
que
la
réhabilitation
aidée
implique
le
conventionnement
des
loyers
pendant
une
période
de
plus
ou
moins
neuf
ans,
le
travail
de
C.
Warren
ne
pose
pas
le
problème
des
impacts
à
moyen-‐
long
termes,
liés
à
la
sortie
de
conventionnement.
Les
loyers
des
logements
sortis
de
conventionnement
et
revenant
au
marché
peuvent
créer
un
effet
d´exclusion
par
le
marché
souvent
sous-‐estimé.
Enfin,
qu´en
est
t-‐il
des
impacts
de
la
réhabilitation
en
termes
de
trajectoires
résidentielles
?
Les
ménages
déplacés
sont-‐ils
relogés
ou
bien
partent-‐ils
de
leur
propre
gré?
Où
s´installent-‐ils?
Comment
vivent-‐ils
cette
situation
?
Comment
évoluent
les
quartiers
qui
les
accueillent
?
Voici
des
interrogations
qui
pourraient
nourrir
une
recherche
empirique
future.
Le
deuxième
cas
concerne
le
relogement
dans
le
cadre
des
PRI
Panier-‐Charité
et
PRI
Centre
Ville
–
Thubaneau
entre
1994
et
2008.
Dans
le
cadre
d´un
mémoire
universitaire,
S.
Imbert
et
A.M.
136
MOLLET,
Albert.
1987.
¨OPAH
et
évolution
des
quartiers
anciens¨,
Observatoire
de
l'Habitat
Ancien,
147p.
125
Russo
(2001)
se
sont
intéressées
à
la
réhabilitation
du
quartier
du
Panier
à
travers
la
question
de
la
mobilité
résidentielle.
À
notre
connaissance
il
s´agit
de
la
seule
tentative
d´approcher
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
phocéens,
dans
la
littérature
universitaire,
et
ce
à
partir
des
flux
de
population
générés
de
façon
directe
ou
indirecte
par
une
opération
de
restauration
immobilière.
Le
travail
repose
sur
un
recueil
de
témoignages
d´habitants
interrogés
au
sujet
de
la
transformation
du
quartier.
La
grille
d´entretien
étant
large
et
l´échantillonnage
des
entretiens
imprécis137 ,
les
témoignages
font
ressortir
des
représentations
et
opinions
diverses
sur
la
recomposition
sociale
du
quartier.
La
mobilité
résidentielle
n´arrivant
qu´à
la
fin
du
travail,
le
traitement
du
sujet
repose
exclusivement
sur
la
reproduction
du
bilan
officiel
des
relogements
dans
le
cadre
du
PRI
Panier-‐Charité
et
PRI
Centre
Ville
-‐
Thubaneau
entre
1994
et
2001,
publié
par
l´opérateur
Marseille
Aménagement138.
Dans
le
cadre
de
l´Enquête
Publique
préalable
à
la
déclaration
d´Utilité
Publique
du
PRI
Centre
Ville
–
Noailles,
l´association
Un
Centre
Ville
Pour
Tous
(CVPT)
a
eu
accès
au
bilan
des
relogements
établis
par
l´opérateur
en
2001.
À
partir
des
deux
«
Récapitulatif
des
familles
relogées
»
établis
par
Marseille
Aménagement,
l´association
s´est
donnée
pour
objectif
d’éclairer
la
réalité
et
la
qualité
du
relogement
relevant
des
actions
conduites
dans
le
cadre
des
périmètres
de
restauration
immobilière
successifs
du
centre
ville,
en
confrontant
les
données
fournies
par
l´opérateur
aux
résultats
d’une
enquête-‐test
et
d’observations
réunies
par
l’association139.
Le
bilan
officiel
fait
état
du
relogement
de
297
ménages
et
2
associations.
Au
total
76
%
des
relogements
ont
été
effectués
dans
les
quartiers
centraux
du
1er
,
2ème
et
3ème
arrondissements
:
42,8
%
dans
le
1er
arrondissement,
23,6
%
dans
le
2ème
arrondissement
et
9,6
%
dans
le
3ème
arrondissement.
Enfin,
concernant
le
type
de
relogement,
274
ménages
ont
été
relogés
dans
des
logements
du
studio
au
T6
et
23
dans
des
hébergements
autres,
dont
des
logements
privés
conventionnés,
des
structures
d´hébergement
et
des
hôtels
meublés.
Concernant
les
données
fournies
par
l´opérateur,
CVPT
questionne
leur
fiabilité
en
signalant
un
usage
extensif
de
la
qualité́
de
«
relogé
».
Ainsi,
des
ménages
ont
été
comptabilisés
comme
relogés
en
dépit
de
différentes
mentions
telles
que
«
retour
au
pays
»,
«
relogé
par
lui
même
»,
«
expulsion
»,
«
garde
137
Parmi
les
témoignages,
des
nouveaux
et
anciens
habitants
restés
sur
place
après
réhabilitation
mais
aucun
Noailles
(2001-‐2009),
le
Préfet
a
exigé
à
l´opérateur
Marseille
Aménagement
de
fournir
un
bilan
des
relogements
dans
les
PRI
précédents.
Ce
bilan
a
donc
été
intégré
au
dossier
constitutif
de
l’arrêté́
d´Utilité
Publique
pris
par
le
Préfet
le
5/10/2001.
139
L´enquête-‐test
reposait
sur
l´envoi
par
voie
postale
d´un
questionnaire
(268
en
total)
aux
ménages
signalés
comme
relogés
par
Marseille
Aménagement.
Au
total
l’interprétation
des
résultats
de
cette
enquête-‐test
porte
sur
environ
20
%
des
destinataires
du
questionnaire
:
37
ménages
n’habitant
pas
à
l’adresse
indiquée
(retours
de
la
Poste
avec
mention
n'habite
pas
à
l'adresse
indiquée,
NPAI),
214
questionnaires
n´ayant
pas
eu
de
réponse
et
17
(6%)
questionnaires
complétés
et
retournés.
Mémorandum
:
Les
relogements
sur
le
périmètre
de
restauration
immobilière
du
centre
ville
/
Thubaneau
et
du
Panier,
Juin
2002,
CVPT,
8p.,
consultable
sur
www.centrevillepourtous.asso.fr/
126
meuble
»,
«
indemnité
d´éviction
». Il
est
mis
en
avant
que
l´utilisation
de
la
notion
de
«
ménage
»
ne
rend
pas
compte
de
l´effectif
des
ménages
affectés,
ni
de
leur
compositions
familiale,
ce
qui
est
un
problème
au
regard
de
l´évaluation
des
solutions
de
relogement
qui
leurs
sont
apportées.
Concernant
les
résultats
de
l´enquête-‐test
menée
par
CVPT,
le
retour
par
la
Poste
d´un
certain
nombre
de
courriers
avec
la
mention
NPAI
(n'habite
pas
à
l'adresse
indiquée)
est
vu
de
façon
suspecte
:
«
s’agit-‐il
de
raisons
accidentelles
ou
plus
profondes
ayant
trait
à
la
réalité ́
ou
à
la
qualité ́
du
relogement
?
»
Concernant
les
informations
collectées
par
les
retours
de
questionnaire,
les
ménages
participant
à
l´enquête
ont
majoritairement
des
baux
longues
durées,
mais
ils
évoquent
aussi
des
loyers
beaucoup
plus
chers,
ou
encore
des
relogements
dans
des
appartements
communs,
à
savoir
des
hôtels
meublés.
Autant
de
conditions
qui
font
que
les
ménages
souhaitent
repartir.
En
complément,
CVPT
apporte
quelques
observations
:
des
hôtels
meublés
frappés
d´arrêtés
de
fermeture
non
appliqués,
servant
aux
relogements
établis
par
le
concessionnaire.
L´association
rajoute
que
27
immeubles
fonctionnant
en
hôtels
meublés
ont
été
achetés
par
Marseille
Aménagement
et
revendus
par
la
suite
à
des
investisseurs,
or
aucune
des
adresses
de
ces
immeubles
ne
figurent
dans
le
bilan,
ce
qui
suggère
que
les
ménages
qui
habitaient
ces
immeubles
n´ont
pas
été
relogés.
L´association
CVPT
précise
en
conclusion
d´un
mémorandum
sur
les
concessions
des
PRI
publié
en
2009140,
que
la
demande
de
l'État
concernant
la
réalisation
d'un
bilan
social
des
premières
opérations
de
restauration
immobilière
proposait
que,
pour
chaque
immeuble
à
réhabiliter,
soit
établi
un
diagnostic
concernant
des
données
quantitatives
et
qualitatives
de
chaque
ménage
concerné
par
un
éventuel
relogement.
Or,
comme
on
vient
de
le
voir,
le
bilan
présenté
ne
porte
pas
sur
un
diagnostic
approfondi,
ni
sur
un
bilan
d´accompagnement.
À
l´instar
de
M.
Macario
et
F.
Zitouni
(2003),
l´absence
de
diagnostic
social
préalable
aux
Déclarations
d´Utilité
Publique
ont
conduit
à
une
méconnaissance
des
besoins
précis
de
relogement.
Selon
l´analyse
des
auteurs,
en
1994,
l´étude
pré-‐opérationnelle
pour
la
mise
en
place
de
l´OPAH
et
du
PRI
Centre
Ville
estimait
de
façon
tout
à
fait
théorique
le
nombre
de
ménages
à
reloger
sur
le
centre
à
hauteur
de
794,
et
à
499
pour
les
hôtels
meublés.
Enfin,
d´après
Marseille-‐Aménagement,
976
logements
ont
été
réhabilités
à
Belsunce
jusqu´à
fin
1999,
or
le
nombre
de
relogements
n´est
que
de
160
:
«
le
fait
que
la
réhabilitation
ait
porté
dans
un
premier
temps
sur
des
immeubles
vacants
appartenant
à
la
Ville
n´explique
pas
à
lui
seul
un
écart
de
cette
importante
»
(
:113).
Évictions
et
acquisitions
d´hôtels
meublés
dans
le
cadre
des
PRI
140
Mémorandum
sur
les
concessions
des
PRI
du
centre-‐ville
de
Marseille
À
l’attention
du
Président
de
la
Chambre
Régionale des Comptes PACA, Un Centre Ville Pour Tous, novembre 2009, 24p.
127
Le
troisième
cas
de
figure
concerne
une
pratique
observée
chez
le
concessionnaire
des
PRI,
Marseille
Aménagement,
décrite
par
I.
Berry
et
A.
Deboulet
(2007)
et
par
J.S
Borja
(et.
al.,
2010),
mais
également
identifiée
sur
le
terrain
par
l´association
CVPT,
qui
a
mené
un
long
combat
pour
la
dénoncer.
Celle-‐ci
consiste
en
l´acquisition
par
le
concessionnaire
d´hôtels
meublés,
provoquant
l´éviction
de
leurs
occupants
sans
solution
de
relogement.
En
mars
2010,
CVPT
a
été
auditionné
dans
le
cadre
de
la
Mission
d´information
et
d´évaluation
des
PRI,
à
cette
occasion,
Nouredine
Abouakil
a
expliqué
de
façon
simple
le
mécanisme
observé
:
«
On
a
un
propriétaire,
il
reçoit
une
injonction
à
faire
les
travaux.
Oralement,
sans
qu'il
n'y
ait
absolument
aucun
écrit,
on
lui
explique
que
le
cahier
des
charges
exige
des
travaux
de
qualité,
ce
sur
quoi
je
ne
suis
pas
contre,
et
on
chiffre
ceci
à
6
000
francs
[…]
Le
propriétaire
ne
pouvant
pas
réaliser
ces
travaux
ou
ne
voulant
pas
réaliser
ces
travaux,
[…]
à
ce
moment-‐là,
le
concessionnaire,
toujours
oralement,
propose
un
marché
très
simple
:
"Ou
vous
faites
les
travaux
ou
vous
nous
cédez
l'immeuble
à
l'amiable".
[…]
"Et
si
vous
nous
cédez
l'immeuble
vide,
la
rémunération
–je
donne
un
exemple–
est
de
400
000
Euros,
si
vous
nous
le
cédez
occupé,
elle
est
de
100
000
Euros."
Un
mois
après,
l'immeuble
est
vidé
par
des
méthodes
de
voyous
!
Et
cette
procédure
s'est
répétée
sur
plusieurs
immeubles.
Personnellement,
je
l'évalue
entre
300
et
500
personnes,
qui
ont
été
évincées.
Et
nous
avons
un
seul
écrit,
c'est
celui
qui
concerne
le
6,
rue
de
la
Fare
:
le
marchand
de
sommeil
et
la
Ville
de
Marseille
ont
été
en
procès,
et
l'avantage
de
la
procédure
écrite,
c'est
que
cela
nous
permet
d'accéder
au
dossier
et
aux
dires
des
uns
et
des
autres.
L'avocat
de
la
Ville
de
Marseille,
parlant
au
nom
de
l'intérêt
général,
dit
:
"Nous
vous
devons
une
indemnité
d'éviction
de
306
000
Francs
et
nous
vous
retenons
une
pénalité
de
1
%
par
jour
de
retard
de
non-‐libération
des
lieux."
C'est
le
seul
document
écrit
par
lequel
la
Ville
exigeait
que
les
lieux
soient
rendus
vacants
et
que
si
ceci
n'était
pas
respecté,
l'indemnité
d'éviction
était
diminuée
de
1
%.
Je
connais
cet
immeuble,
le
propriétaire
est
venu
menacer
physiquement,
a
cassé
les
portes,
a
coupé
l'électricité,
au
motif
que
chaque
jour
qui
passe
il
perdait
3
600
Francs.
»141
(
:31)
Interrogé
en
avril
2012
sur
les
sources
d´information
et
sur
la
méthode
d´estimation
du
nombre
de
personnes
évincés,
Nouredine
Abouakil
a
explicité
sa
méthode
:
En
1996
près
de
70
hôtels
meublés
devaient
faire
l´objet
de
travaux
dans
le
cadre
du
PRI
Centre
Ville.
Or,
des
70
immeubles,
27
n´apparaissent
ni
dans
le
bilan
des
relogements
fourni
sous
demande
du
Préfet
par
le
concessionnaire
en
2001,
ni
dans
celui
que
le
directeur
de
la
SEM
a
adressé
à
ces
administrateurs
en
2009142.
Donc
il
y
a
des
immeubles
où
les
gens
n´ont
pas
été
relogés.
Trois
hypothèses
sont
envisageables,
soit
ils
étaient
vacants,
soit
ils
ont
été
«
rendus
vacants
»,
soit
les
141
Rapport
d´évaluation
sur
les
Périmètres
de
Restauration
Immobilière,
Commission
d´évaluation,
Ville
de
128
occupants
n´ont
pas
souhaité
être
pris
en
charge.
À
cette
époque,
dans
le
cadre
de
l´enquête
sur
les
«
isolés
du
centre-‐ville»
(cf.
CONDRO,
1999,
ASCARIDE,
CONDRO,
2001),
le
cabinet
ADEUS
disposait
de
données
précises
sur
les
taux
d´occupation
dans
les
hôtels
meublés.
L´estimation
du
nombre
de
personnes
évincées
correspondrait
alors
au
produit
du
taux
d´occupation
moyen
et
du
nombre
d´immeubles
n´ayant
pas
fait
l´objet
de
relogement.
Soit
autour
de
500
personnes,
300
selon
les
estimations
basses,
600
selon
les
estimations
hautes.
Ainsi,
d´après
le
mémorandum
des
PRI
publié
par
CVPT
en
2009,
les
mécanismes
fonciers
et
fiscaux
mis
en
place
entrainent
mécaniquement
le
déplacement
des
ménages
modestes
sans
qu´aucune
disposition
ne
soit
prise
pour
organiser
les
relogements
:
«
Tout
est
fait
pour
ne
pas
en
arriver
là,
de
manière
dissuasive
»
(:22-‐23).
M.
Macario
et
F.
Zitouni
on
montré
qu´il
y
a
clairement
eu
une
gestion
à
minima
des
relogements
basée
sur
la
sous-‐traitance
à
des
agences
immobilières.
Pour
assumer
son
obligation
de
relogement,
Marseille-‐Aménagement
pouvait
faire
appel
aux
logeurs
sociaux
ou
au
parc
locatif
privé.
Or,
elle
a
principalement
adopté
la
deuxième
solution,
en
sous-‐traitant
le
relogement
des
occupants
à
des
agences
immobilières,
limitant
ainsi
leur
capacité
de
faire
respecter
l´application
du
droit
au
maintien
ou
du
droit
de
préférence
lorsque
la
situation
exigeait
qu´il
soit
mis
en
œuvre.
En
ce
qui
concerne
les
¨garde-‐
fous¨,
bien
qu´une
MOUS-‐relogement
(Maitrise
Urbaine
et
Sociale)
a
été
mise
en
place
pour
identifier
les
populations
les
plus
fragiles
(travailleurs
immigrés
âgés
isolés,
familles
issues
de
l´immigration,
familles
nombreuses),
d´autres
solutions
d´accompagnement
des
mutations
sociales
ont
été
écartées
par
la
municipalité143.
S.
Javaloyés
(2003)
a
fait
noter
l´importance
de
la
mise
au
point
«
d´instruments
de
surveillance
à
proprement
parler,
destinés
à
contrôler
l´action
des
aménageurs
urbaines¨.
Il
y
a
peu,
il
était
question
de
créer
à
Marseille
un
observatoire
des
mobilités
résidentielles,
mais
le
projet
a
avorté144.
»
(:24).
Par
ailleurs,
M.
Macario
et
F.
Zitouni
ont
montré
que
dans
le
cadre
du
Contrat
de
Ville
(2000-‐2006),
qui
était
le
seul
instrument
d´encadrement
juridique
qui
se
donnait
pour
objectif
d´accompagner
les
mutations
urbaines
dans
les
quartiers
centraux,
aucun
moyen
avait
été
mis
en
œuvre.
Pour
illustrer,
aucune
relation
n´a
jamais
existé
entre
l´équipe
DSU
et
l´équipe
chargée
de
la
mise
en
œuvre
des
PRI.
143
Les
auteurs
donnent
comme
exemple
:
PST-‐relogement,
ayant
pour
objet
de
remettre
sur
le
marché
des
logements
vacants
pour
reloger
les
ménages,
les
sous-‐locations
et
les
locations
assurées
par
des
associations,
mais
aussi
OPAH-‐logements
vacants.
144
À
deux
reprises,
en
juin
et
octobre
2001,
la
secrétaire
d’État
au
Logement,
Marie-‐Noëlle
Lienemann,
s´est
rendue
à
Marseille
annonçant
la
mise
en
place
d´un
observatoire
du
relogement
ainsi
que
d´un
comité
de
suivi
des
PRI,
présidé
par
un
Inspecteur
du
conseil
général
des
Ponts.
À
notre
connaissance
aucune
de
ces
deux
annonces
a
eu
de
suite.
129
Réhabilitation
de
la
rue
de
la
République
Le
quatrième
cas
de
figure
concerne
rue
de
la
République.
Tout
d´abord,
rappelons
rapidement
les
deux
phases
principales
de
l´histoire
immobilière
contemporaine
de
la
rue.
À
partir
de
1987,
lorsque
la
SIM
(Société
Immobilière
Marseillaise),
propriétaire
historique
des
immeubles
de
la
rue,
décide
de
vendre
la
moitié
de
son
patrimoine, une
première
vague
spéculative
se
déclenche.
Jusqu´en
2004,
deux
sociétés
d´investissement
vont
tirer
des
bénéfices
sans
réaliser
de
travaux
d´amélioration,
Danone-‐Cofinda
(1987-‐2000)
puis
P2C
Immobilier
(2000-‐2004).
Entre
temps,
la
réhabilitation
de
la
rue
est
devenue
un
projet
phare
du
projet
Euroméditerranée
(1995).
Ainsi,
lorsqu´en
2002
l’État
décide
d’accorder
une
aide
massive
à
la
ville
dans
le
cadre
de
l’EPAEM,
la
Ville
s’engage
à
réaliser
la
réhabilitation
de
500
immeubles
et
à
créer
des
logements
sociaux
en
mettant
en
place
une
OPAH.
Enfin,
en
2004,
le
chantier
du
tramway
annonce
un
investissement
lourd
censé
apporter
confiance
et
stimuler
l´investissement
des
deux
propriétaires
du
patrimoine
immobilier.
À
partir
de
2004,
une
deuxième
vague
spéculative
s´amorce,
avec
d´une
part
l´achat
par
le
fonds
d’investissement
étasunien
Lone
Star
du
patrimoine
de
P2C,
et,
de
l´autre,
avec
le
rachat
de
la
SIM,
devenue
Société
Rue
Impériale
en
1987,
par
l´ANF,
filiale
immobilière
du
fond
d’investissement
européen
Eurazéo.
Si
la
Lone
Star,
rebaptisée
Marseille-‐
République
a
une
stratégie
d´investissement
à
court
terme
basée
sur
la
réalisation
de
travaux
lourds,
justifiant
le
non-‐renouvèlement
des
baux
des
occupants
et
puis
la
vente
à
la
découpe.
L´ANF
a
quant
à
elle
une
stratégie
patrimoniale
basée
sur
la
réalisation
de
travaux
lourds
mais
ne
nécessitant
pas
de
donner
congé
aux
locataires,
et
reposant
sur
une
valorisation
à
long
terme
en
particulier
par
le
biais
de
l´activité
commerciale
en
rez-‐de-‐chaussée.
Comme
pour
les
cas
antérieurs,
les
principaux
mécanismes
d´éviction
identifiés
par
I.
Berry
et
A.
Deboulet
(2007)
ainsi
que
par
J.S.
Borja,
et.
al.
(2010)
ont
été
identifiés
par
l´association
CVPT.
Effectivement
cette
dernière
a
été
sollicitée
par
un
groupe
d´habitants
depuis
l´été
2004,
lorsque
les
locataires
de
Marseille-‐République
ont
reçu
de
leur
bailleur
des
lettres
leur
annonçant
la
non-‐
reconduction
de
leurs
baux
«
pour
motif
légitime
et
sérieux
en
raison
de
l´imminence
d´une
vaste
opération
de
réhabilitation
»
(BORJA,
2010
:36).
Les
deux
principaux
mécanismes
d´éviction
documentés
chez
les
locataires
de
Marseille-‐République
sont
d´une
part,
le
non-‐renouvèlement
des
baux
établis
sous
le
régime
de
la
loi
89
et
la
non-‐reconnaissance
des
baux
établis
sous
la
loi
48,
donnant
lieu
dans
certains
cas
à
des
assignations
au
tribunal
pour
occupation
illégale.
Et
de
l´autre,
une
large
gamme
d´incitations
au
déménagement
allant
du
non-‐renouvèlement
des
baux
aux
pressions
exercées
pour
un
départ
avant
la
date
légale,
avec
pour
certains
dévitalisation
et
clôture
des
logements
;
ces
mesures
étant
adressées
en
particulier
aux
personnes
dépourvues
de
titre
d´occupation
légal,
mais
pas
exclusivement.
130
En
ce
qui
concerne
les
locataires
d´ANF,
la
littérature
est
beaucoup
moins
abondante.
La
stratégie
d´ANF
est
certes
moins
polémique.
Ce
bailleur
renouvèle
les
baux
de
ses
locataires
mais
leur
impose
des
augmentations
des
loyers
allant
jusqu´à
300%
(J.S
Borja
(et.
al.,
2010
:265).
Selon
l´investisseur,
l´augmentation
est
justifiée,
le
quartier
s´est
embelli,
les
appartements
sont
mis
aux
normes.
Or,
comme
le
rappellent
aussi
bien
J.S
Borja
(et.
al.
2010)
que
CVPT
(2008),
dans
une
brochure
sur
la
rue
de
la
République,
ces
améliorations
sont
en
partie
le
fait
de
financements
publics,
que
ce
soit
en
termes
d´amélioration
du
cadre
de
vie
mais
surtout
du
fait
des
4.7
millions
d´euros
de
subventions
obtenues
dans
le
cadre
de
l´OPAH
République
entre
2004-‐2008.
Selon
Jean-‐Luc
Duriez,
responsable
de
la
section
¨logement¨
de
la
Confédération
Syndicale
des
Familles
(CSF),
les
locataires
ont
jusqu´à
présent
combattu
avec
succès
ces
augmentations
devant
la
Commission
Départementale
de
Conciliation.
Toutefois,
cela
ne
veut
pas
dire
que
des
augmentations
n´ont
pas
lieu.
Un
accord
est
trouvé
entre
les
parties,
et
l´augmentation
est
échelonnée
dans
le
temps,
entre
trois
et
six
ans,
selon
les
cas.
Au
même
titre
que
le
reste
des
secteurs
bénéficiant
des
subventions
de
l´ANAH,
se
pose
la
question
de
la
sortie
du
conventionnement.
Or,
aucune
étude
précise
n´a
été
réalisée
pour
établir
combien
de
logements
par
an
reviennent
aux
prix
de
marché
ni
ce
que
cela
représente
sur
la
réduction
de
l´offre
locative
abordable
dans
le
centre-‐ville.
Enfin,
les
locataires
d´ANF,
tout
comme
les
locataires
relogés
chez
l´un
des
bailleurs
sociaux
en
place,
connaissent
des
rappels
de
charges
exorbitants.
Comme
le
signale
J.
S.
Borja
(et.
al.,
2010
:266),
les
relogements
chez
les
bailleurs
sociaux
ont
été
souvent
faits
sans
prendre
en
compte
le
montant
des
charges,
trop
élevées
du
point
de
vue
de
la
solvabilité
des
locataires.
Combien
de
personnes
ont
du
quitter
leurs
logements
?
Combien
ont
été
relogées
?
Où
?
La
mobilisation
qui
s´est
mise
en
place
depuis
l´été
2004
a
permis
d´avoir
une
idée
plus
claire
de
ces
questions,
toutefois,
des
lacunes
persistent.
Selon
J.S
Borja
(et.
al.,
2010),
553
familles,
soit
environ
1300
personnes,
habitent
dans
les
1350
appartements
du
patrimoine
que
Marseille
République
acquiert
en
2004.
Lorsque
le
conflit
explose,
222
locataires
signent
une
pétition
à
l´appel
de
CVPT
servant
de
fil
d´Ariane.
Or,
cela
ne
représente
que
17%
de
l´ensemble
des
occupants.
Interrogé
en
février
2012
au
sujet
du
destin
des
signataires
de
la
pétition,
A.
Richard
militant
de
CVPT,
déclarait
que
la
plupart
des
locataires
signataires
de
la
pétitions
ont
été
relogés
dans
la
rue,
pour
une
bonne
partie
dans
le
tiers
de
logements
sociaux
imposé
en
2002
par
l´État.
Fin
2010,
60
familles
attendaient
encore
des
propositions
satisfaisantes
de
relogement
(BORJA
et.
al.).
Au-‐delà
de
ces
estimations
plus
ou
moins
précises,
certains
locataires,
dépassés
par
l´émotion
et
la
pression
du
conflit,
ont
accepté
d´être
relogés
sans
connaitre
l´emplacement
ou
le
montant
du
131
loyer.
D´autres
sont
partis
en
contrepartie
d´une
indemnisation
symbolique.
D´autres
encore
ont
tout
simplement
¨disparus¨.
À
croire
A.
Richard,
«
certains
sont
partis
aussi
au
cimetière
»,
faisant
allusion
aux
occupants
âgés
dont
la
santé
a
été
fortement
impactée
par
les
travaux
et
les
pressions
exercés
sur
eux
pour
qu´ils
déguerpissent,
(comme
l´histoire
tragique
de
cette
femme
ne
pouvant
plus
supporter
la
menace
d´éviction
qui
a
mis
fin
à
ses
jours
en
sautant
par
la
fenêtre
de
son
logement).
Concernant
les
locataires
d´ANF,
on
ne
dispose
pas
de
données,
si
ce
n´est
qu´au
printemps
dernier,
Eurazeo
a
manifesté
ses
intentions
de
céder
sa
filiale
immobilière,
susceptible
de
donner
lieu
à
un
changement
de
stratégie
qui
privilégie
la
vente
à
la
découpe.
Ainsi
à
l´instar
de
J.
S.
Borja
(et.
al.,
2010)
:
«
Rien
ne
semble
donc
véritablement
assuré
:
pas
plus
le
maintien
durable
des
habitants
actuels,
qui,
résistant,
ont
franchi
tant
d´épreuves,
que
l´installation
souhaitée
de
nouveaux
résidents
ou
le
redémarrage
commercial
espéré.
»
(:266).
Prendre
du
recul
Il
ne
s´agissait
pas
ici
de
rentrer
dans
le
détail
des
procédures
juridico-‐institutionnelles,
ni
dans
l´épaisseur
de
la
complexité
de
chacun
des
mécanismes
d´éviction,
mais
plutôt
de
montrer
la
multiplicité
des
formes
que
le
phénomène
peu
prendre.
Ainsi
on
a
pu
constater
différentes
formes
allant
des
plus
directes
et
plus
normées
comme
la
procédure
d´expulsion
ou
le
relogement,
jusqu´aux
formes
plus
indirectes
et
liées
à
différents
degrés
de
pression,
qui
vont
de
la
dévitalisation
des
logements
et
immeubles
à
la
pression
psychologique
et
physique.
Ainsi,
il
est
ici
question
de
proposer
un
essai
de
synthèse
des
différents
mécanismes
décrits:
• Problèmes
liés
au
relogement
(gestion
à
minima
des
relogements
dans
le
cadre
des
PRI)
132
l´augmentation
des
couts
des
loyers
et
des
charges,
décrite
aussi
bien
dans
les
PRI
que
Rue
de
la
République
Or,
au-‐delà
des
facteurs
propres
aux
outils
de
l´action
publique
urbaine
et
à
l´action
des
marchés
immobiliers
locaux,
le
déplacement
des
ménages
modestes
est
aussi
rythmé
par
l´évolution
des
politiques
nationales
d´immigration.
En
témoigne
la
politique
des
visas
algériens
qui
affecta
principalement
les
"fourmis
de
la
mondialisation"
(TARRIUS,
1995)
et
qui,
doublée
aux
politiques
locales
visant
à
transformer
l´économie
urbaine,
a
contribué
à
faire
péricliter
le
dispositif
commercial
maghrébin,
dont
Belsunce
était
un
des
noeuds.
En
témoigne
aussi
la
vague
de
refus
de
la
part
des
services
fiscaux
de
remettre
des
certificats
de
non-‐imposition
a
plusieurs
dizaines
de
vieux
travailleurs
immigrés
pretextant
qu´ils
ne
pouvaient
pas
justifier
de
leur
présence
de
plus
de
six
mois
par
an
sur
le
territoire
national
et
qui
impliquait
l´annulation
de
leur
accès
aux
droits
sociaux
et
de
santé
et
qui
affecta
des
dizaines
de
“chibanis”
dans
Belsunce
(BERRY,
DEBOULET,
2007;
CVPT
2007)
mais
aussi
au
quartier
péricentral
du
Rouet
(IDIR,
CARPENTIER,
2008).
Enfin,
les
données
recensées
montrent
que,
selon
l´importance
et
la
forme
que
prend
la
menace
d´eviction,
les
ménages
sont
impactés
et
en
conséquence
réagissent
de
façon
différente.
Certains
partent
d´eux
mêmes
et
jouent
un
rôle
soit
de
pionniers
(les
commercants
par
exemple),
soit
de
suiveurs
dans
leur
réinstallation
dans
d´autres
quartiers
(GARCIA,
2000),
d´autres
s´organisent
pour
défendre
leur
droit
de
rester
sur
place
(BERRY,
DEBOULET,
2007,
BORJA,
et.
al.,
2010).
Enfin
d´autres,
voyant
leur
micro-‐sociétée
s´ecrouler
sont
victimes
d´un
processus
de
désaffiliation
qui
se
traduit
par
leur
isolement
(CONDRO,
2001).
Du
point
de
vue
des
impacts
sur
la
recomposition
socio-‐spatiale
du
peuplement
des
quartiers,
l´hypothèse
centrale
qui
apparait
dans
toute
la
littérature
qui
traite
des
évictions
et
des
processus
d´exclusion
par
le
marché,
est
celle
du
déplacement
de
la
pauvreté
vers
la
couronne
péricentrale
de
la
ville.
Cette
dynamique
contribuant
à
creuser,
d´une
part
les
situations
de
précarité
déjà
existantes
dans
ces
quartiers
(notamment
dans
les
2e
et
3e
arrondissements),
mais
aussi
à
renforcer
la
ségrégation.
Les
données
mobilisés
mettant
en
avant
que
ce
"traitement-‐repport"
(GARCIA,
2000)
est
le
résultat
des
évolutions
du
marché
immobilier
local
(au
centre
valorisation,
dans
la
couronne
péri-‐central
dévalorisation),
tout
autant
que
d´une
processus
organisé
par
les
politiques
urbaines
(Contrat
de
Ville
2000-‐2006)
et
par
la
politique
de
production
de
logements
sociaux
(GARCIA,
2000;
BEAUDOIN
2003).
133
Fig.
24,
(du
haut
vers
le
bas),
vieux
travailleurs
immigrés
lors
de
la
M anifestation
d u
9
m ars
2006,
c ontre
l a
d irective
d es
S ervices
F iscaux
d e
M arseille
( cliché
:
M artine
D erain,
2006)
;
p ortes
m urées
r ue
d e
l a
R épublique,
n ovembre
2 004-‐avril
2 007
( Clichés
:
Martine
D erain)
;
M me
C haung,
7 8
a ns,
f ait
u n
m alaise
s uite
à
s on
e xpulsion
m anu-‐
militari
r ue
d e
l a
R épublique,
1 2
o ctobre
2 010
( cliché
:
G uillaume
A ndrieux).
134
Pour
conclure,
dans
l´hypothèse
où
le
stock
de
gentrifieurs
potentiels
n´a
pas
augmenté
de
façon
exponentielle
depuis
une
décennie
au
point
de
faire
basculer
les
équilibres
sociaux
dans
le
centre
ville,
les
faits
documentés
montrent
toutefois
que,
des
processus
de
déplacement-‐
exclusion
des
ménages
plus
pauvres
des
quartiers
centraux
ont
eu
lieu
et
que
certains
mécanismes
se
poursuivent
actuellement,
notamment
sous
forme
d´exclusion
par
le
marché.
Ainsi,
il
semble
pertinent
d´affirmer
que
le
déplacement-‐exclusion
des
ménages
plus
pauvres
est
relativement
indépendant
de
l´évolution
du
stock
de
gentrifieurs
potentiels,
et
est
lié
à
l´articulation
entre
l´action
publique
et
les
acteurs
du
marché
immobilier.
135
136
Conclusion
Ce
mémoire
a
permis
de
mettre
en
évidence
et
d’examiner
un
certain
nombre
d´idées
reçues
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
de
Marseille.
Ces
idées,
rappelons-‐le,
suggèrent
que,
si
Marseille
attire
des
nouveaux
habitants,
tout
particulièrement
des
classes
moyennes
et
supérieures,
elle
ne
parviedrait
pas
à
les
retenir
durablement.
En
conséquence,
les
classes
populaires
ne
seraient
pas
déplacées
du
centre-‐ville
comme
observé
ailleurs
dans
le
monde.
Et
enfin,
le
processus
de
gentrification
ne
serait
pas
un
analyseur
pertinent
pour
appréhender
la
restructuration
sociale
des
quartiers
centraux.
Or,
il
a
été
démontré
que
dans
l´état
actuel
des
connaissances,
l´ensemble
de
ces
affirmations
ne
peuvent
pas
être
validées.
En
effet,
si
depuis
une
décennie
Marseille
possède
une
évolution
démographique
positive,
cette
croissance
est
plus
imputable
à
l´accroissement
naturel
qu´au
solde
migratoire.
L´apport
de
populations
exogènes
est
particulièrement
important
dans
certains
des
arrondissements
centraux
(Ie,
Ve,
VIe).
Bien
qu´une
partie
de
ces
nouveaux
habitants
se
caractérise
par
des
petits
ménages,
jeunes,
qualifiés
et
plutôt
aisés,
leur
part
exacte
parmi
l´ensemble
de
l´apport
migratoire
reste
à
déterminer,
notamment
à
des
échelles
spatiales
fines.
Dans
ce
sens,
l´idée
d´une
attraction
limitée
de
populations
exogènes
de
statut
élevé
apparaît
davantage
comme
une
affirmation
idéologique
que
comme
la
conclusion
d´une
analyse
systématique.
Aussi,
il
ne
semble
pas
avoir
de
preuves
concrètes
qui
démontrent
que
ces
nouvelles
populations
repartent.
En
revanche,
un
certain
nombre
d´indices
témoignent
d´un
réequilibrage
«
vers
le
haut
»
du
peuplement
dans
le
centre-‐ville,
accentuant
par
ailleurs
les
inégalités
sociales.
Enfin,
indépendamment
de
l´évolution
du
stock
de
ménages
aisés
dans
les
quartiers
centraux,
différents
mécanismes
d´éviction
des
ménages
modestes
ont
été
identifiés
parmi
les
faits
documentés.
Tout
porte
à
croire
que,
dans
la
centre
de
Marseille,
l´attraction
de
nouveaux
habitants
n´est
ni
le
seul
facteur,
ni
le
plus
déterminant,
dans
la
production
élitiste
de
la
ville.
En
ce
sens
le
rôle
de
l´action
publique
urbaine,
des
marchés
immobiliers,
des
enjeux
économiques
régionaux,
voir
de
l´évolution
des
politiques
sociales
et
migratoires,
semble
bien
plus
déterminant.
Par
conséquent,
si
l´état
des
connaissances
sur
la
recomposition
sociale
des
quartiers
centraux
ne
permet
pas
de
réfuter
les
idées
reçues
dans
leur
totalité,
ce
mémoire
a
permis
de
mettre
en
avant
la
pertinence
du
processus
de
gentrification
comme
prisme
d´analyse,
à
la
fois
incluant
de
ses
différentes
expressions,
et
critique
des
effets
sociaux
négatifs
qu´elle
génère.
D´autre
part,
la
mise
en
examen
des
idées
reçues
au
regard
des
données
de
connaissance
disponibles
s´est
avérée
être
une
approche
pértinente
pour
dresser
un
bilan
des
connaissances
137
et
nous
ainsi
conduit
à
soulever
un
certain
nombre
de
zones
d´ombre
susceptibles
de
stimuler
une
recherche
empirique
postérieure,
à
savoir
:
l´analyse
des
mécanismes
de
la
croissance
démographique,
tout
particulièrement
des
dynamiques
migratoires
;
l´étude
de
l´évolution
des
caractéristiques
socio-‐économiques
dans
les
quartiers,
et
enfin,
les
liens
entre
action
publique,
marchés
immobiliers
et
trajectoires
résidentielles
contraintes
;
l´ensemble
dans
une
démarche
multi-‐scalaire.
Ainsi,
dans
le
cadre
d´une
recherche
doctorale
il
serait
intéressant
de
réaliser
une
étude
empirique
de
la
gentrification
des
quartiers
centraux
phocéens.
Celle-‐ci
rendrait
compte
de
l´ampleur
du
phénomène
de
gentrification,
sous
l´angle
des
mobilités
résidentielles,
pierre
angulaire
du
processus.
Dans
une
première
phase,
l´étude
chercherait
à
dresser
une
géographie
précise
de
la
gentrification
à
partir
de
l´analyse
comparée
de
différents
indicateurs
des
dynamiques
socio-‐économiques,
démographiques
et
immobilières,
à
échelle
de
l´aire
urbaine.
Parmi
les
territoires
témoignant
de
dynamiques
assimilables
au
processus
de
gentrification,
quelques
cas
seraient
retenus
afin
de
réaliser
une
analyse
plus
précise
des
mobilités
résidentielles.
Cette
analyse
reposerait
sur
l´analyse
de
différents
indicateurs
des
dynamiques
de
la
mobilité
résidentielle.
Elle
permettrait
de
comparer
l´ampleur
et
les
logiques
de
la
mobilité
résidentielle
des
ménages,
notamment
des
plus
modestes,
entre
les
quartiers
gentrifiés
et
les
tendances
générales
à
niveau
de
l´aire
urbaine.
Enfin,
dans
une
troisième
phase,
une
analyse
qualitative
pourrait
compléter
les
analyses
quantitatives,
en
apportant
des
éléments
sur
les
arbitrages
résidentiels
des
ménages
déplacés,
les
impacts
sociaux,
économiques
et
psychologiques
de
ce
phénomène,
mais
aussi
sur
les
implications
en
termes
d´aggravation
des
problèmes
sociaux
dans
les
quartiers
qui
les
accueillent.
De
telle
manière,
nous
espérons
contribuer
au
renouvellement
d´une
recherche
urbaine
locale,
sociale
et
critique,
susceptible
d´ouvrir
des
nouveaux
sentiers
vers
la
production
de
villes
plus
égalitaires.
138
139
Porte
d’Aix.
(cliché
gauche
:
David
Mateos
Escobar,
janvier
2010
;
cliché
droite
:
Remi
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février
2010)
140
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The
New
Urban
Colonialism:
Routledge):
121-‐
36
Annexes
Annexe
nº1
Théorie
des
circuits
du
capital
Annexe
nº2
Phases
de
la
croissance
démographique
de
la
région
urbaine
Aix-‐Marseille
depuis
1954.
Annexe
nº3
Equilibre
et
déséquilibre
des
parcs
de
logements
communaux
dans
la
région
urbaine
d´Aix-‐Marseille
Annexe
nº5
Géographie
de
l´action
publique
urbaine
dans
le
centre-‐ville
de
Marseille,
1950-‐
1980
Annexe nº6 Géographie de l´action publique urbaine dans le centre ville de Marseille, 1990-‐2009
151
Annexe
nº1
Théorie
des
circuits
du
capital
(disponible
en
version
papier)
cf. HARVEY D., 2010 (2003), Le nouvel impérialisme, ed. Les prairies ordinaires, p.135-142.
Annexe
nº2
Phases
de
la
croissance
démographique
de
la
région
urbaine
Aix-‐
Marseille
depuis
1954.
Sources
:
Insee,
RPG
1954,
1982,
1999.
(LANGEVIN,
JUAN,
2007
:80)
Annexe
nº3
Equilibre
et
déséquilibre
des
parcs
de
logements
communaux
dans
la
région
urbaine
d´Aix-‐Marseille
Sources
:
Insee,
RPG
1999.
(LANGEVIN,
JUAN,
2007
:82)
Annexe
nº4
L´association
Un
Centre
Ville
Pour
Tous
Annexe
nº5
Géographie
de
l´action
publique
urbaine
dans
le
centre-‐ville
de
Marseille,
1950-‐1980
Annexe
nº6
Géographie
de
l´action
publique
urbaine
dans
le
centre
ville
de
Marseille,
1990-‐2009