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Quarto n°1

Quarto.................................................................................................................................................................... 3
Lire Gabrielle et Richard à partir du Petit Hans Eric Laurent.............................................................................. 4
Lire Richard à partir de Hans Eric Laurent .......................................................................................................... 5
Lire Gabrielle à partir de Hans Eric Laurent........................................................................................................ 9
Questions à Eric Laurent ...................................................................................................................................... 11
Qu’avons nous retenu de l’enseignement de Lacan dans notre pratique de psychanalyste d’enfants Michel
Silvestre ............................................................................................................................................................... 14
Problèmes cliniques pour la psychanalyse Jacques-Alain Miller ...................................................................... 22

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Quarto
SUPPLEMENT A LA LETTRE MENSUELLE DE L’ECOLE DE LA CAUSE FREUDIENNE PUBLIE À BRUXELLES

SOCRATE. — Pour ce qui me concerne, si la


torpille, avant d’engourdir les autres, est elle-même
en état d’engourdissement, je lui ressemble ; sinon,
non. Je ne suis pas un homme qui, sûr de lui,
embarrasse les autres : si j’embarrasse les autres,
c’est que je suis moi-même dans le plus extrême
embarras.
(…)
SOCRATE. — Songe que d’abord, sans savoir quel
Prolongeant la publication des premiers textes des est le côté du carré de huit pieds, ce qu’il ignore
conférences de l’enseignement de clinique d’ailleurs encore, il croyait pourtant le savoir et
psychanalytique et de topologie, des cahiers existent répondait avec assurance en homme qui sait, n’ayant
à partir de ce jour, dénommés QUARTO. Ils sont aucun sentiment de la difficulté. Maintenant il a
publiés par des gens qui inscrivent leur travail dans conscience de son embarras, et, s’il ne sait pas, du
le cadre de l’École de la Cause Freudienne en moins, il ne croit pas savoir.
Belgique. MENON. — Tu as raison.
Jacques-Alain Miller nous a proposé de considérer SOCRATE. — N’est-ce pas là un meilleur état
cette publication comme supplément à la lettre d’esprit relativement à la chose qu’il ignorait ?
mensuelle de l’École de la Cause Freudienne. MENON. — J’en conviens également.
En son principe, QUARTO se crée pour que trace SOCRATE. — En le mettant dans l’embarras, en
s’imprime des travaux de cartels et d’enseignement, l’engourdissant comme fait la torpille, lui avons-
et cela selon le vœu de Lacan : "Quatre se nous causé du tort ?
choisissent pour poursuivre un travail qui doit avoir MENON. — Je ne le crois pas.
son produit. Je précise : produit propre à chacun, et SOCRATE. — Ou je me trompe fort, ou nous
non collectif. (…) Aucun progrès n’est à attendre, l’avons grandement aidé à découvrir où il en est vis-
sinon d’une mise à ciel ouvert périodique des à-vis de la vérité. Car maintenant comme il ignore, il
résultats comme des crises de travail". aura plaisir à chercher ; tandis que précédemment il
Aussi QUARTO ouvre-t-il ses colonnes aux travaux n’eût pas hésité à dire et à répéter de confiance
de cartels et d’enseignement de psychanalyse devant une foule de gens, que pour doubler un carré
notamment. il faut en doubler le coté.
MENON. — C’est probable.
SOCRATE. — Crois-tu donc qu’il eût été disposé à
chercher et à apprendre une chose qu’il ne savait
pas, mais qu’il croyait savoir, avant de s’être senti
dans l’embarras pour avoir pris conscience de son
ignorance, et d’avoir conçu le désir de savoir.

PLATON. Ménon, 80c et 84a-c.

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Lire Gabrielle et Richard à partir du Petit Hans


Eric Laurent
Cette proposition que je vous ai faite de lire le L’une des surprises de son séminaire sur la Relation
Richard de Mélanie Klein, et la Gabrielle de d’objet fut de démontrer le pouvoir séparateur du
Winnicott, à partir du petit Hans peut s’entendre de stade du miroir et sa capacité à mettre en valeur les
plusieurs façons. phénomènes symboliques. Et ce résultat fut obtenu
C’est, bien sûr, une citation à. lire les trois, mais en non seulement à. propos d’un enfant mais sur plus
quelque sorte à rebours de leur chronologie. C’est un d’un enfant phobique. Or, l’on sait à quel point la
retour à Freud qu’il s’agit d’opérer, en nous phobie peut être saisie par son côté imaginaire,
déprenant de l’illusion du progrès, pour apercevoir éthologique même.
comment ces travaux de 1960 à 1980 s’éclairent à Lire Hans avec Lacan c’est soutenir que Freud opère
partir de l’orientation freudienne. en se fondant non sur l’imaginaire du corps mais sur
C’est particulièrement risqué en ce qui concerne la le mythe, non sur le dessin mais sur le fantasme et
psychanalyse d’enfants à propos de laquelle Freud que l’objet phobique se révèle "signifiant à tout
n’a écrit qu’un grand texte et qu’il n’a pas, à. faire",… jusqu’à froisser le dessin.
proprement parlé, pratiqué. Je voudrais donc que mon invite à lire Gabrielle et
Cependant, c’est le pari qu’a soutenu Jacques Lacan Richard par Hans ait ce sens : relever ce qui revient
lorsqu’au milieu des années cinquante, il a voulu à. l’ordre symbolique dans ce qui peut apparaître
indiquer aux psychanalystes qui se noyaient dans la comme chatoiement, masque de l’imaginaire, c’est
richesse imaginaire des fantasmes de l’enfant que là par là que pourra s’aborder le Réel du Symptôme.
aussi les formations de l’inconscient étaient
structurées comme un langage. En choisissant de
consacrer la troisième année de séminaire à lire le
petit Hans, Lacan tentait de répondre au problème
qu’il s’était lui-même posé dans son discours de
Rome en 1953. Il estimait alors que l’un des trois
enjeux majeurs de la psychanalyse contemporaine
était la "fonction de l’imaginaire, ou plus exactement
des fantasmes dans la technique de l’expérience et
dans la constitution de l’objet aux différents stades
du développement psychique L’impulsion est venue
ici de la psychanalyse des enfants, et du terrain
favorable qu’offrait aux tentatives comme aux
tentations des chercheurs l’approche des
structurations préverbales. C’est là aussi que sa
culmination provoque maintenant un retour en
posant le problème de la sanction symbolique à
donner aux fantasmes dans leur interprétation"
(Écrits, p. 242).
Relire Hans en 1956, c’est pour Lacan amener ses
auditeurs à. donner leur sanction symbolique aux
fantasmes, spécialement dans la psychanalyse
d’enfants. Cette question le souciait dès le début de
son séminaire puisqu’il consacre tout le premier
trimestre de l’année 53/54, à l’analyse de Dick et de
l’enfant aux loups. Et le Dr. Lacan, qui n’était pas
considéré comme un spécialiste de l’analyse
d’enfant avait cependant droit de cité sur cette
région grâce à. son fameux stade du miroir que
certains réduiraient à. sa dimension génétique.

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Lire Richard à partir de Hans


Eric Laurent
Je voudrais faire trois remarques sur ce que savait à l’étude du cas de Dick, publié en 1930 et premier
Mélanie Klein de la chose freudienne et j’aurais exemple dans la littérature psychanalytique de
besoin d’une écriture pour les faire : celle du traitement d’un enfant psychotique. Lacan présente
fantasme S ◊ a. Mes trois remarques sont les Dick comme une sorte de dispositif expérimental de
suivantes. Tout d’abord, ce qu’elle sait et qu’elle disjonction entre symbolique et Réel, l’action sur le
n’aime pas dire est du côté du sujet et non de l’objet symbolique entraînant une véritable génération du
Ensuite que, contrairement à ce que l’on croit elle Moi et de l’imaginaire.
n’opère pas dans l’analyse avec l’imaginaire mais du En effet, Dick entretient un rapport d’indifférence
symbolique, comme tout le monde, en généralisée avec son entourage. C’est ce que Lacan
l’imaginarisant. Enfin, qu’à imaginariser le désigne comme un sujet baignant dans le réel, il
symbolique, elle maintient le rapport sexuel comme isole ensuite l’intervention de Mélanie Klein comme
possible. Il suffit de s’identifier à l’Autre au prix de une véritable injection du symbolique à l’enfant (le
l’idéalisation de la gratitude. Pour Mélanie, la grand train papa, le petit train Dick et la gare
femme existe, il suffit de la remercier. maman). Elle expose la structure de l’œdipe et met
Dès 1946, dans son article sur "la psychanalyse en jeu la signification phallique dès cet instant.
anglaise de la guerre", puis en 1948, dans son Alors, celui pour qui tout était indifférent, se met à
rapport sur "l’agressivité en psychanalyse" Lacan est parler et à étendre son monde imaginaire qui se
parmi les premiers psychanalystes français à limitait aux boutons de portes et aux trains.
l’introduire et le premier à en présenter les résultats Ce sur quoi invite précisément Lacan c’est sur cette
de manière systématique, au delà des querelles production d’imaginaire à partir du symbolique alors
institutionnelles encore très vives, dans le fil de qu’à l’époque on insistait plutôt sur la nécessité de
l’orientation freudienne. mettre au point l’imaginaire pour insérer le sujet
Dès 1948, Lacan situe l’apport de Mélanie du côté dans le symbolique. C’est au cœur même du
du sujet en la présentant comme un pionnière qui dispositif kleinien une psychanalyse opérant du
projette, en deçà, de la limite de l’apparition du symbolique que Lacan met en valeur.
langage, l’expérience subjective : là où ça ne parle A partir de là il obtient trois résultats. Le premier est
pas. Les résultats qu’elle obtient à cette limite sont à. que la dialectique contenant/contenu, qui domine
situer par rapport aux dérèglements de l’imaginaire. l’imaginaire a un secret : elle n’est qu’illusion. Le
D’un côté le morcellement schizoparanoïde du moi contenant et le contenu sont dans deux mondes
idéal, de l’autre les effets structurants, producteurs différents, et ce n’est que sur un bord que se
d’unité de la position dépressive. C’est par cette recollent le corps et l’objet de la pulsion dans une
dernière voie que Lacan réconcilie "le stade du topologie où ils ne font que semblant de s appartenir.
miroir comme formateur du “je” avec le surmoi Le second est que le symbole, au sens freudien, a
kleinien". toujours partie liée avec son mode de négation. Le
Ceci ne l’empêche pas de noter que sa pratique de la symbole qui se forme chez Dick, en effet de retour à
cure centrée sur l’imaginaire est une paranoïa dirigée l’injection kleinien, quel est-il ? C’est l’appel que
opérant la projection des mauvais objets internes sur Lacan considère comme le surgissement de la
l’analyste. C’est bien pourquoi la seule issue en est possibilité du refus. Il n’y a donc pas que le non que
la position dépressive qui permet de se dégager des l’enfant profère dans sa deuxième année qui
affrontements imaginaires toujours menaçants. témoigne de cette présence de la négation dans la
L’analyste peut en effet toujours prendre la constitution du sujet.
consistance de double, déclenchant alors non Enfin, nous avons un nouveau mode de lire Klein, de
seulement des effets de rivalités, mais aussi pouvoir la feuilleter, Je veux dire par là de distinguer
d’angoisse. les feuillets du Réel, du symbolique et de
Dès le moment où Lacan énonce que "l’inconscient l’imaginaire dans son œuvre. Nous pouvons
est structuré comme un langage", il reprend son distinguer l’imaginaire de la position dépressive de
exposé de l’apport kleinien. Le premier trimestre de la relation mortifiante du sujet au symbolique et du
son premier séminaire est en effet consacré en partie

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réel de l’excitation maniaque dans ce qui fait retour Au départ, Richard qui se rend bien compte qu’il a
de cette mortification. rencontré une psychanalyste, estime qu’il peut lui
L’imaginaire de la position schizoparanoïde, en tant confier les deux cauchemars majeurs qui résument
qu’il est le rapport normal tau corps morcelé (le son enfance.
noyau "hystérique" des névroses en témoigne), doit Le premier cauchemar consiste à "se faire donner de
être distingué des effets symboliques induits par la l’éther par la reine d’Alice au pays des merveilles",
forclusion du nom du père dans la psychose et des l’autre "une voiture, qui a l’air vieille, noire et
passages dans le réel qu’elle implique. désertée avec une série de plaques minéralogiques,
Ces trois résultats, obtenus dès 1953, Mélanie Klein la marque du phallique ne trompe pas.
aurait pu en prendre connaissance. On ne peut pas L’énoncé des deux cauchemars du départ est suivi
dire qu’on ait le sentiment que ce fut le cas. Elle d’une phase d’élaboration. Richard établit à la fois
allait développer toujours plus la conception du une première cartographie du corps maternel (les
fantasme comme "contenu primaire" de dessins de l’empire) et explore la rivalité phallique
l’inconscient, selon la formule de Isaacs, au point (dessin de bateaux de toutes sortes portant des noms
que l’on peut dire que pour elle, l’inconscient est évocateurs comme saumon).
structuré comme un fantasme. Cet effet pour Après ce premier travail, Richard énonce le premier
ramener les formations de l’inconscient au fantasme grand cauchemar dans l’analyse : le roi des poissons
a des conséquences majeures sur la pratique de invite l’Autre au fond de l’eau à dîner. Il refuse : le
l’interprétation. Je voudrais en examiner maintenant roi le menace, il va alors à. Munich, faire la paix
quelques unes en étudiant le récit de cas publié par sans doute. Il se retrouve avec sa famille à bicyclette
Mélanie Klein, publication posthume d’ailleurs puis surgit une locomotive en feu qui vient vers lui.
(1961) il s’agit de "Narrative of a child analysis". Ce Il se réveille et comme le dit le texte anglais "He
Richard là a dix ans et il s’adresse à Mélanie Klein. went on awake with the dream". Dans cet état, il va
En présentant un symptôme qui n’est d’ailleurs pas chercher l’eau, éteint le feu et le sol devient fertile.
simple à délimiter dans ce que nous en dit Mélanie. Je considérais ce rêve comme une réponse aux deux
En fait, Richard, comme le petit Hans, souffre d’une cauchemars de départ. Il suffit en effet d’entendre ce
phobie, et comme Hans il développe une grande récit pour le cliver autour du point d’angoisse qu’est
préoccupation pour les moyens de transport (avions, le réveil. L’enseignement de Lacan nous a
bateaux, autobus) Comme Hans, il fabrique des suffisamment rendus attentifs à ces points
mythes et invente un personnage qui a les plus d’inflexions, depuis sa reprise de "l’injection faite à
étroits rapports avec la cigogne de Hans. Irma", pour ne pas le rater, Le point de réveil divise
Ce personnage s’appelle Hitler. C’est un Hitler à la le rêve en deux parties ; la première reprend la
lubitsch, une sorte d’Ubu déchaîné qui produit menace du désir de la mère, articulée autour de
l’effet d’Unheimlichkeit du livre. En effet, il se l’objet oral, elle se symbolise dans cette locomotive
trouve que le monde au moment où Richard en feu, toute opposée à la voiture noire. Franchi le
rencontre Mélanie (1941) est encombré d’un Hitler. point, Richard trouve un sens à la locomotive Elle
C’est ce qui fait que par moment on trouve de la sert à pisser et à faire des enfants. Richard énonce en
vraisemblance à la psychose supposée de Richard. somme, que pour apaiser le feu du désir de la mère,
C’est un effet de perspective dans la phobie. il faut qu’elle ait un enfanta On conçoit alors qu’il
Mélanie Klein procède dans son interprétation en s’insurge toujours, à la grande surprise de Mélanie
nommant de façon exaltante ce que nous pouvons Klein, lorsque celle-ci lui énonce que sa mère ne
appeler les blasons du corps féminin : le sein bon et peut plus avoir d’enfants. Richard ne partage pas le
mauvais, les fesses, les génitoires, s’étendent sur le point de vue kleinien selon lequel le pire des maux
Monde de Richard. Les moments les plus saisissants est la rivalité. Il sait que le pire est que la mère n’ait
sont ceux où elle décrit ce rapport sexuel enfin pas de mots pour symboliser son désir.
possible que Richard accomplirait avec son analyste Cet accent mis sur la symbolisation du désir de la
à l’aide de l’organe fantasmatique qu’elle suggère. mère dans le phallus me semble confirmé par la suite
Je voudrais explorer là la réaction de Richard face à de l’analyse. Richard élabore d’une part un discours
cette injection d’imaginaire et de "langage du sur les femmes sous l’espèce des receveuses
corps" : le meilleur guide en sera les rêves en tant d’autobus auxquelles il a affaire. Il en distingue
que formations de l’inconscient distinctes du deux : l’une est jolie et lui fait peur en disant
fantasme. Nous les considérerons comme les toujours "Les demi-tarifs, debout !" ; quant à l’autre
ponctuations de monde imaginaire qui se tisse dans moins jolie, bien qu’elle ne soit pas laide, elle ne lui
l’analyse. fait pas le même effet, bien qu’il finisse par admettre

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qu’elle aussi puisse vouloir faire mettre, debout les Ce rêve est le point d’orgue, de l’analyse, tout le
demi-tarifs. Mélanie Klein interprète facilement ces confirme et Mélanie Klein ne s’y trompe pas.
oppositions dans la dialectique de la bonne et de la Richard l’accompagne d’un commentaire sur la belle
mauvaise mère jusqu’à ce que Richard en rajoute receveuse disant "que de sa vie il ne voudra l’avoir".
une troisième. Et là, en bon freudien qui a lu les C’est la position finale de Richard à l’égard des
"trois coffrets" on se doute que Richard vient de femmes et la question est de savoir comment
franchir un obstacle imaginaire. Nous en sommes l’interpréter. Mélanie Klein considère qu’après avoir
d’ailleurs convaincus par le fait que dès envisagé de pouvoir avoir des enfants, il en rabat sur
l’introduction de cette troisième femme, celle qui est ses prétentions idéales pour admettre la receveuse
un semblant, une "painted face", il confie ce qui va moins jolie. Est-ce bien là ce dont il s’agit ? Que ce
être le grand rêve de l’analyse. soit une sœur fantasmatique de Richard, comme le
Pour bien articuler ce rêve, il ne nous faut pas pense Mélanie Klein, ou de sa part féminine comme
oublier que peu de temps auparavant Richard a le pense D. Meltzer, éminent commentateur kleinien
franchi un autre Obstacle imaginaire. A l’issue d’une du cas, il n’en reste pas moins que c’est à cette petite
séance peuplée des récits de bataille entre bateaux, il fille qu’est remise la garde de la voiture énigmatique
en vient soudain à émettre un appel, désuet, du départ.
mystérieux, appel à un père qui est autre chose que Ce n’est pas sans nous rappeler le petit Hans qui, lui
la rivalité. Appel qui nous semble mort et paternité. aussi, finit par remettre à. sa sœur la conduite du
Richard vient donc de raconter son grand rêve, celui cheval du désir qui l’avait tant préoccupé.
qui va relier ensemble les enfants imaginaires qu’il En 1954, lorsque Lacan commentait le "cas de
pouvait rêver donner à sa mère et l’appel à la phobie infantile" on--ne connaissait pas encore le
paternité, symbolique. Ce rêve est celui de l’île nom de Hans et ce qu’il était devenu. Lacan avait
noire. Richard commence par expliquer comment, émis l’hypothèse qu’à remettre ainsi la clef de son
ou lieu de se trouver dans un bus avec Mélanie désir à sa sœur, en conservant sa mère et laissant le
Klein, il se retrouve dans une caravane avec une père à la grand-mère, Hans allait rester dans la
famille, des enfants, un chat dont la dentition très position de "chevalier servant" à. l’égard des dames.
blanche est tout à fait remarquable. Le chat est Et bien ! Je crois que nous pouvons émettre la même
étrange, c’est un chat qui va et vient dans un hypothèse à l’égard de Richard. Après son analyse
battement peu ordinaire. La famille imaginaire de quatre mois, Richard, comme Hans, a vu son
complétée de ce chat denté et phallique passe à côté symptôme se réduire, il n’est pas sûr que son
d’une fie noire où des tas d’animaux désagréables – fantasme en ait été modifié. Puisqu’il évoquait Alice
scorpions et autres-, paraissent morts Tout ça est dans le cauchemar de son enfance, comment ne pas
terrifiant. Richard ne se réveille pas, il appelle "Ohé" reconnaître aussi bien la même Alice qui attend dans
de là-bas et tout se remet à vivre. la voiture à l’arrivée, surtout que le chat à la
Dans ce rêve, Richard fait vivre les enfants de son dentition superbe ne peut évoquer nul autre chat que
imagination par la marque signifiante de l’appel. celui de Chester. Le pays des merveilles est le pays
Mais une question reste en plan, celle de l’évitement compagnon de l’eldorado des fantasmes de Richard.
de départ, évitement du bus, de la caravane et de Meltzer a bien raison de s’inquiéter de la petite
Mélanie Klein. Alice, c’est un effet et une limite de l’interprétation
Le bus d’ailleurs, revient dans le rêve qui suit et qui kleinienne.
est l’élément de l’analyse. Richard est dans un bus C’est une question que les derniers développements
qui l’emmènerait loin de chez lui. Il est vide, il n’y a de l’œuvre de Klein laissent aussi aigüe. En effet,
pas de receveuse. l’envie et la gratitude lui ont permis de nous donner
Par contre une voiture est à côté du bus, qui contient la dernière conception du rapport sexuel. Une
une petite fille. Tout est très plat. Après ce récit les femme éprouverait dans le meilleur des cas, de la
associations de Richard, bizarrement, s’arrêtent. Le gratitude à se faire remettre par organe pénien de
plat procède ainsi un silence d’autant plus curieux l’homme le bon sein que celui-ci a dérobé à une
que la séance suivante, la troisième avant la fin, autre femme, sa mère.
Richard complète le rêve. Le bus vide était un Il me semble que c’est là ce que Mélanie Klein a pu
moment d’unheimlichkeit (eerie, ghostly) Il tirait savoir de l’impossible du rapport sexuel.
alors la sonnette du bus et pouvait descendre. La L’impossible, elle essaie de le résoudre dans
logeuse, Madame Wilson, était là et l’accueille. La l’amour. L’homme donnerait à la femme ce qu’il n’a
voiture est toujours là. pas et n’a jamais eu : le bon sein Cette formation
kleinienne a beaucoup préoccupé ses élèves. Nous

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en avons les meilleurs témoignages chez Meltzer


voire chez Winnicott. Quelles que soient les
distances prises par ce dernier à l’égard de
l’orthodoxie kleinienne, nous le voyons dans son
"Piggle" récemment publié, suggérer la même
formulation de l’issue de l’œdipe féminin.
L’interprétation kleinienne introduit à la
signification phallique comme ce qui s’articule de
l’Autre. Ce n’est pourtant qu’un aspect de
l’expérience analytique. Comme nous l’enseignait
Lacan dans "Position de l’inconscient" il y a un autre
versant, celui de la séparation. Selon Mélanie Klein
la sortie de l’aliénation n’est pas la séparation, mais
la réparation. C’est bien pour cela qu’il me semble
que se vérifient là les orientations de départ de
Lacan sur Mélanie. Ce qu’elle savait est du côté du
sujet. Quant à ce qu’elle savait de l’objet comme
cause du désir, nous ne pouvons que l’imaginer.

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Lire Gabrielle à partir de Hans


Eric Laurent
J’avais promis que l’on s’occuperait aussi de la voit bien de quoi il s’agit là. Le phénomène est
petite Gabrielle. Il est tard, est-ce que vous voulez encadré, il peut aller à l’essentiel, mais en suivant le
qu’on s’arrête là ou que je vous dise quelques mots fait de ce que dit l’enfant. Par exemple elle
de Gabrielle ? commence à sentir tous les objets en disant : "un
Gabrielle est, en 80, une petite fille résolument autre, un autre, un autre…" et il fait "oui, un autre
moderne, car elle rencontre un analyste à deux ans et bébé". Il glisse la chose et cela on le voit bien ; ce
demi, ce qui, effectivement est tôt. C’est une phobie n’est pas seulement le "je lui dit les mots pour lui
féminine, question cruciale pour le psychanalyste dire" de Mélanie Klein, il se glisse dans la veine des
actuellement et c’est une phobie précoce, c est signifiants du sujet, il s’y introduit.
parfaitement structuré et cependant on nous dit que A la deuxième séance elle répond qu’elle a compris,
l’angoisse serait psychotique. c’est-à-dire qu’à un moment donné elle sort de la
Richard n’était pas fou, la petite Gabrielle non plus. pièce et va chercher son père dans la salle d’attente.
Elle avait une phobie du noir magnifiquement "Elle a besoin du père pour communiquer avec moi"
déclenchée à la naissance de sa petite sœur. Mais dit Winnicott. Il faut quand même croire à la
comme elle est une petite fille épatante, elle a, non communication, ce n’est plus la libido abject
seulement la phobie du noir mais elle dit également sikking, c’est la troisième étape de la libido, la libido
que pour s’endormir chaque soir elle appelle sa communication sikking. C’est un idéalisme de la
maman et elle lui dit qu’elle a peur du "babacar" qui communication. Pourquoi a-t-elle besoin de son
est un mélange de black-car et de baby-car. père ? En effet, là l’interprétation analytique n’est
Autrement dit elle a, elle aussi, un signifiant qui possible que s’il y a un Nom du Père. C’est la seule
désigne pas mal de choses. Elle va voir son raison pour laquelle on a. besoin de son père pour
psychanalyste avec ça. Les parents de cette enfant communiquer. Elle prend son père par la main et
sont aussi winnicottiens que les parents du petit passe son temps à tomber entre ses jambes,
Hans étaient freudiens. Ils adressent leur première moyennant quoi, très justement, Winnicott dit
lettre en winnicottien courant à Winnicott. Le style qu’elle joue sa naissance. Et en commentaire de
est d’une phénoménologie tempérée et observatrice. cette scène il n’y a pas moins de tais notations en
Les parents sont visiblement intelligents et attachés à marge dont Winnicott ne rend absolument pas
leur enfant et en parle comme d’un cas clinique de compte.
Winnicott. Ils trouvent que c’est très grave pour une La première note en marge (édition anglaise, page
enfant de ne pas jouer et que c’est un signe très 30 – la deuxième séance-en français page 44) c’est :
inquiétant que de se gratter le visage, ce que dans ses "à partir de là, à partir de ce jeu là, il y a le premier
moments d’angoisse nocturne elle devait arriver à soulagement de la phobie du noir". On ne sait pas
faire. Et, dès la première séance, Winnicott se pourquoi. Or, il y en a deux autres en bas de page.
comporte en kleinien éclairé avec une grande La première c’est de la mère qui, corrigeant les
douceur. Il traite cette enfant avec le plus grand épreuves du livre commente de façon suivante ceci :
respect, comme un sujet. Dès qu’elle arrive, il lui "comme il est fantastique de voir l’utilisation du
présente son ours, l’ours de Winnicott… enfin il transfert émerger sur le fil du rasoir entre
noue immédiatement une conversation avec cette participation et interprétation". La mère s’émerveille
petite mais il ne perd pas le nord, c’est-à-dire qu’il et Winnicott lui rajoute : "être conçu, c’est-à-dire
lui explique les choses essentielles. Immédiatement conçu comme idée dans l’esprit (a idea in the
la gosse prend un objet, le coince quelque part et mind) : désiré".
dit : "c’est coincé". Il lui dit immédiatement quelque Quel rapport y a-t-il entre ça et être "désiré" ?
chose à propos des hommes qui mettent des trucs Au lieu d’éprouver l’au-delà du biologique qui
dans les femmes pour faire des enfants et elle concerne la paternité, il conclu que c’est traiter le
comprend très bien. Elle lui répond "oui, j’ai un chat corps de son père comme s était une femme, et il
et la prochaine fois je l’amènerai". Il y a donc enchaîne sur la féminité et le paternel, on dirait du
l’injection qui marque la première séance. On Michèle Montrelay. Enfin, tout de même, toute la
introduit la valeur phallique, surtout que Winnicott mythologie de l’humanité comporte le fait qu’à un

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moment donné les filles sortent toutes armées du qui, pour lui, est la chose la plus signifiante de la
cerveau de leur père. Il y a. une longue tradition là- conduite de cette enfant dans la cure, à savoir : "elle
dessus. C’est comme cela qu’Athéna est venue au prit le bain d œil bleu – l’enfant pendant toute
monde. l’analyse a toujours pris des objets qui n’avaient
Si elle sort de sa phobie, s’il y a le premier aucun sens, des trains, des maisons etc. mais ce qui
soulagement de sa phobie, c’est parce qu’il y a la l’intéresse particulièrement c’est une lampe
fabrication d’un mythe. Ce n’est pas parce qu’elle électrique qui ne fonctionne pas, d’une part et un
est conçue comme une idée, c’est parce que le bain d’œil bleu, d’autre part. Elle prit le bain d’œil
"symbolique" est un ordre qui diffère de celui de bleu, se le colla dans la bouche, le fit entrer et sortir
l’imaginaire. Que ce soit un mécanisme symbolique en faisant des bruits de succion. On peut dire qu’elle
qui se met en place – on en a une preuve dans le a expérimenté quelque chose de très proche d’un
texte même : elle dit "je suis juste née et ce n’était orgasme généralisé". L’expérience cruciale, celle
pas noir à l’intérieur". L interprétation de la séance que Winnicott met au cœur de la sortie de l’Œdipe,
précédente de Winnicott était : "c’était noir à. c’est une rencontre heureuse avec la jouissance
l’intérieur et c’est pour cela que tu as peur du noir". expérimentée dans l’analyse. De quoi s’agit-il ?
A cela elle répond par une "négation, ce qui est Après avoir affronté la mort dans le rêve, elle
effectivement le signe de surgissement du sujet. En s’évanouit puis s’accroche à cet objet et
bon freudien Winnicott est là tout à fait docile à ce immédiatement a l’expérience de la jouissance. Il y a
signifiant. un érotisme de la mort qui n’est pas seulement dû à
Maintenant la petite Gabrielle est entrée dans la dimension de l’agressivité qui vient dans tout
l’Œdipe comme Richard était entré avec sa petite objet érotique. Bien sûr, il y a une éthologie de la
locomotive. Cela les amène un peu plus loin, vers la jouissance mortifère, mais il n’y a pas que
9ème séance qui a lieu un an après, pendant laquelle l’éthologie. Dans l’accrochage, dans cette rencontre
se passe, ce que Winnicott appelle "l’expérience là, nous avons droit à une sortie de l’Œdipe qui va
cruciale" et dans ses termes mêmes "the signifiant s’opposer point par point, à la sortie Freudienne. La
theory", la chose signifiante, la chose freudienne de sortie Freudienne consiste, pour les filles comme
l’analyse dans le comportement de l’enfant dans le pour les garçons, à. faire la rencontre de ce qui n’est
dispositif analytique. Que ce passe-t-il ? La gosse lui pas là, sous la forme de l’objet phallique, l’objet en
parle du fait que le noir elle sait maintenant ce que c tant qu’objet de la jouissance. S’il y a rencontre,
est. Elle a un moment d’angoisse et Winnicott lui c’est une rencontre strictement manquée et
dit : "ce moment d’angoisse a certainement à voir foncièrement manquée pour le garçon et pour la
avec un rêve, avec le rêve de la maman noire". Elle fille. Tandis que là, c’est une rencontre réussie avec
dit :"oui, j ai rêvé qu’elle était morte, elle n’était plus la jouissance que Winnicott considère comme le
là". On voit que la peur de la mort attend pas le pivot, une rencontre au-delà de toute ambivalence,
nombre des années, qu’à trois ans cette enfant est au-delà de toute dialectique. Je dirais que la quête de
autant hantée par une veuve noire que n’importe ce point vaut pour la psychanalyse moderne,
quel petit Gide, chez qui cela s est produit vers 9 ans spécialement anglo-saxonne
et l’accompagnera toute sa vie, cette peur là Vous avez que Winnicott a eu comme ambition de
surgissait dans ses rêves, la femme en noir derrière refaire une psychanalyse où l’instinct de mort ne
laquelle, chaque fois qu’il mettait la main dessus trouvait pas sa place. Il a considéré que c’était de
s’écroulait en femme de sable. Pour elle, la présence l’ordre du péché originel, un monde où il serait
de la mort, le rêve de la maman noire n est pas possible qu’une sexuation s’opère sans la dialectique
seulement une mauvaise maman, la maman noire d’une pulsion. On peut donc voir à la fois ce qu’il y
c’est effectivement elle-même une morte, et a de kleinien chez Winnicott et le point d’où il s’en
lorsqu’elle dit qu’elle a rêvé qu’elle était morte, écarte. Son objet est tel qu’il puisse provoquer des
qu’elle n’était pas là, c’est aussi bien d’elle-même rencontres heureuses, non seulement on peut s’en
qu’elle parle. Qui est-elle à l’horizon de toutes ses emparer pour dormir mais on peut même avoir des
indentifications, qui est-elle dans le désir une fois orgasmes généralisés. Une fois qu’est établie cette
morte ? Moment d’évanouissement du sujet, S. rencontre heureuse, s’introduit la dialectique
On peut s’attendre, à chaque récit de ce genre œdipienne avec "l’interprétation clef : tu es une
lorsqu’un patient témoigne d’un moment de ce type, petite fille, ton papa avec ta maman le soir couchent
qu’il se redonne immédiatement de l’étoffe avec un ensemble et ton papa rend à ta maman le bon objet
objet. C’est ce qui se produit, elle se ressaisit qu’il lui a pris étant petit, qu’il a pris à sa propre
immédiatement d’un objet. Et Winnicott explique ce mère". Le rapport sexuel possible kleinien est un

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don contre don, cela consiste à. ce que l’homme vole Le repère de Gabrielle c’est que le père n a pas "ça"
le bon sein à sa mère – dans le meilleur des cas il en en propre et qu’il ne l’a pas pris à une mère. Elle sait
fait un bon usage, c’est-à-dire qu’il le rend à. une qu’il l’a prélevé sur ses élèves. Moyennant quoi, ce
autre femme-. La femme doit consentir à l’accepter qui est saisissant, c’est que lorsque nous avons des
et lui, la remercie, ce qui se nomme gratitude. nouvelles de la petite Gabrielle à 15 ans elle a une
Cela s oppose point par point à la dialectique de vocation, elle veut être professeur de biologie. On a
l’œdipe selon Freud. Pour Freud, le petit garçon le sentiment qu’elle n’est pas pleinement satisfaite
s’aperçoit tout de suite de ce que sa mère n’a pas et, des explications qu’elle a reçues sur la fonction du
non pas, de ce que sa mère a. phallus. Il faut qu’elle aille faire un peu de biologie
Moyennant quoi il doit le perdre et, à. ce moment là, pour cela, et en plus elle a envie d’être professeur
il pourra le rendre. Cela veut dire qu’il ne doit pas comme son père parce qu’elle sait que c est là
devenir un voleur, il doit devenir foncièrement qu’elle aura effectivement le phallus. Rendez-vous
dépositaire de ce qu’il pas compte ! Une analyse qui mène à des vocations
Chez Mélanie Klein le garçon tient la place universitaires ! Arrêtons-nous sur cette pointe et
hautement symbolique du voleur qui s’aperçoit de ce concluons là notre causerie sur l’intérêt qu’il y a de
que sa mère a C’est en tant que voleur qu’il lui faut relire Richard et Gabrielle à partir de Hans.
trouver un dépositaire… Le dépositaire est la femme
qu’il pourra aimer, installer à cette place symbolique
et la remercier de la tenir. Cette optique de Questions à ÉRIC LAURENT
réconciliation possible entre les sexes n’est pas la
conception que Lacan a pu dégager de la Q — Psychose et mutisme ?
psychanalyse freudienne. Il en appelle plutôt
"tournoi amoureux" et considère qu’il n’aura jamais Eric Laurent — Lacan soulève la question du
de fin. Le mieux que chacun puisse faire c’est de langage et non celle de la parole : les psychotiques
choisir un camp et d’y tenir sa place. Il parle sont-ils ou non dans le champ du langage ?Il nous
effectivement de dépasser l’envie de pénis, puisque répond par le "parlêtre" qui--nous signale qu’après
c’est de cela qu’il s agit mais, dit-il, en réalisant à tout nous sommes tous des êtres parlant que nous
l’envi le tournoi amoureux. La fonction imaginaire parlions ou pas.
de l’envie doit passer à. une fonction symbolique Ce champ du langage dans lequel nous sommes tous
d’envi. pris fait que certains mécanismes psychotiques
Le "Piggle" accepte l’interprétation de Winnicott d’enfants qui ne parlent pm sont néanmoins
mais elle a un dialogue avec sa mère qui est restructurés comme du langage.
extrêmement intéressant. C est après la llème Pour les enfants psychotiques-mutiques, il y a un
séance ; la mère et la fille se parlent un soir. La mère ensemble de phénomènes de réalisation du
dit à sa fille "alors tu crois que moi aussi j’ai un fait symbolique, témoins qu’ils sont dans le langage.
pipi ?" "Mais oui, bien sur, c est papa qui te l’a Prenons par exemple un enfant qui s’agite, va, vient,
donné" – "Et lui papa, d’où l’a-t-il reçu ?". La fille à travers toutes les salles dans lesquelles on veut le
répond "de ses élèves". Parce que le père est coincer pour le faire jouer… qui est là, absolument
professeur. C’est saisissant que la gosse comprenne égaré, mais qui se met à hurler quand il voit un
que nul n’est père que par un "nom du père". Être tuyau disparaître dans un mur. On peut considérer
professeur c’est un des vater vertrater Comme dit qu’il est exactement comme la bobine dans le fort-
Freud, ce sont les gens qui défilent dans le fantasme da. Il devient la bobine de façon réelle, qui va, qui
on bat un enfant : le professeur, le maître d’école, le vient, ce qui donne son agitation. La seule chose qui
gendarme… cela fait partie de la panoplie des l’amarre un peu au signifiant et qui fait qu’il est un
uniformes du père, c’est un de ses noms imaginaires. être de langage, c’est qu’il se met à hurler au
Cette galerie d’uniformes s’origine du fait que le moment où il y a phénomène signifiant : par
nom du père est imprononçable, n’y a justement pas exemple le tuyau qui se met à disparaître dans le
d’uniforme de la jouissance correcte. Comme dans mur.
ce bordel de Jean Genet où tout le monde peut Quant aux enfants mutiques non psychotiques, la
arriver et jouir en se déguisant en juge, en petite Nadia des Lefort en témoigne, on lui donne
fonctionnaire, en commissaire de police… mais ce facilement l’étiquette de psychotique. Mais chez elle
n’est jamais le bon, il n’y a jamais de bons les mécanismes de réalisation symbolique sont
uniformes de la jouissance parce que le nom du père limités. Il s’y passe plus de phénomènes d’absence,
reste imprononçable. d’évanouissement du sujet. C’est ce qui fait qu’elle

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ne parle pas alors qu’elle est introduite dans le Q — Langage et organe ? Langage et langage du
langage. Elle peut donc revenir de sa position corps ?
d’absence.
Cette question, cruciale, du champ du langage Freud a ouvert une expérience qui l’a mené à la
permet d’étendre le champ d’investigation de la constatation, insensée, que la pulsion avait des
psychanalyse à des phénomènes qui apparemment rapports avec l’inanimé.
échapperaient à la clinique du discours, et où là Lacan, à partir de l’apport de la linguistique, a ajouté
encore, on peut voir comment clinique du discours et que ce que Freud désignait dans le vivant au-delà du
clinique du transfert sont liés. vivant c’est le parasite du langage. Le langage qui
parasite le cerveau ne prend qu’en partie le relais
Q — Dialectique sujet-objet ? dont il a besoin dans les zones corticales.
Il n’y a pas d’organe du langage comme le suppose
Winnicott considère une rencontre heureuse possible Noam Chomsky. Ce dont la psychanalyse rend
entre le sujet et l’objet, ce qui permettrait d’échapper compte c’est qu’on parle en perdant un organe – on
à leur dialectique. Mais je considère qu’il n’y a pas y laisse quelque chose et cela s’appelle la castration.
de position de l’objet sans évanouissement du sujet Il y a un type d’objet (appelé objet petit a par Lacan)
et pas d’évanouissement du sujet sans objet. qui s’est emparé du vivant – le sujet lui abandonne
D ans l’analyse c’est spécialement à repérer puisque un organe qui s’appelle le phallus – moyennant quoi
notre place est carrelée à celle de l’objet. il peut trottiner dans le défilé du signifiant et il peut
arriver à causer. L’éclairage que donne la
psychanalyse sur le langage peut-il être utile à ceux
Q — Dick est-il réellement psychotique ? qui s’occupent du langage du corps d’avant le
langage ? Je dirais oui, au moins sur un point : c’est
Lacan aborde la question de la psychose par au d’essayer de sortir de l’idée qu’il y a quelque chose
moins deux courants différents : l’un consiste à avoir à communiquer. Il n’y a pas de communication. On
une ligne très tranchée entre ce qui relève de la est communiqué.
forclusion et ce qui relève du refoulement
-et l’autre vise à repérer l’étendue de la forclusion, Q — Synchronie et diachronie de l’approche
ce qui suppose une graduation de celle-ci. En même psychanalytique ?
temps, dans la clinique des états à la limite du
langage, c’est surtout dans l’après-coup qu’on peut
se repérer. C’est vrai pour Dick dans l’après-coup du Lacan enseigne que l’expérience est structurée. En
fait que l’interprétation analytique a eu un effet cela Richard est lacanien. Si je vous ai montré cette
saisissant sur cet enfant. analyse dans son déroulement diachronique, ce n’est
Mais 50 ans après l’article princeps de Mélanie pas qu’il s’agisse d’un simple génétisme mais bien
Klein il reste fort difficile de trancher ce genre de d’un déplacement de la structure par le temps
question et il y a fort à faire pour nous rendre raison logique.
à nous-même des résultats de notre pratique en ce En analyse ce qui signale une formation de
qui concerne les phénomènes à la limite de l’inconscient c’est qu’elle a une temporalité. Lacan
l’expérience. d’emblée s’est écarté de Jacobson.
Parler d’arbitraire du signe c’est introduire un rêve :
celui d’un discours du maître sans limite.
Q — La fonction du nom ? Mais il y en a au moins une : le maître n’a pas le
pouvoir de modifier la langue.
La fonction du nom dans les cas qui nous occupent
est importante. On n’en parle pas – entre autre pour Q — Vous avez parlé, à propos de Richard, du rêve
les difficultés d’ontologiques que cela pose. comme interprétation de l’analyste ?
Dans l’étude des psychoses c’est parfois saisissant :
par exemple tel patient affublé d’un nom comme
"chien" se mettait à vivre dans une niche et à bouffer Le rêve est déjà structuré comme une interprétation
les poubelles dans les moments les plus aigus de sa – il est interprétation d’un désir – bien qu’elle soit
psychose. Il y avait réalisation de son nom. sauvage.
C’est un cas extrême mais cela peut se lire en plus Il s’agit de lui substituer une interprétation
petites lettres dans chaque analyse. raisonnée.

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En outre, au cours de l’analyse, les rêves des patients


interprètent l’interprétation de L’analyste. Ils
s’inscrivent dans une chaîne de dialogue avec
l’analyste. C’est le cas pour Richard. De même,
Dora qui a annoncé à Freud en rêve qu’elle prenait
ses quinze jours.

Q — Des petites histoires… à la structuration par le


désir de l’Autre : la chaîne signifiante ?

C’est un apport particulier de l’école française de


saisir comment cela se transmet à travers la chaîne
signifiante.
Françoise Dolto a abordé cela sous l’égide du secret,
du silence. L’enfant se produit d’autant plus comme
un objet qu’il est a une place d’un veut-pas-dire
foncier. Le désir de l’Autre se repère alors entre les
lignes, dans l’au-delà de ce qu’il peut dire
C’est un point important de considérer que les
fantasmes cela se transmet, comme tout.

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Qu’avons nous retenu de l’enseignement de Lacan dans


notre pratique de psychanalyste d’enfants
Michel Silvestre
Mon titre est un peu long. C’est tout un programme. C’est pourquoi, quand je pose la question des
En préparant cette conférence, je me disais que ce conséquences de l’enseignement de Lacan sur la
n’était pas sûr encore que dans la psychanalyse pratique avec les enfants, c’est évidemment une
d’enfant on ait tellement appris de l’enseignement de question optimiste. Encore faudrait-il qu’il y ait une
Lacan. Je voudrais m’en expliquer. pratique de la psychanalyse avec les enfants pour
La psychanalyse d’enfant a 73 ans. Voilà 73 ans en que cette pratique profite de l’enseignement de
effet qu’un certain Hans fait un rave d’angoisse, Lacan.
auquel son père s’intéresse pour le raconter à Freud Or, non seulement-je ne crains pas de poser une
et que ce dernier décide, non seulement qu’il y a là- question optimiste, mais en plus, pour tenter d’y
dedans quelque chose qui intéresse la psychanalyse, répondre, je vais prendre une voie qui pourra vous
mais, en plus qu’un psychanalyste peut y répondre, paraître idéaliste, je veux dire que je vais tenter de
c’est-à-dire qu’il peut y avoir une psychanalyse. dégager des réponses qui pourront vous paraître plus
Ça donne, vous le savez, ce texte que Freud a près de ce que vous souhaiteriez trouver dans votre
intitulé "Analyse de la phobie d’un garçon de 5 ans". cabinet que ce que vous y trouvez effectivement. Je
Ce texte est donc un acte de naissance qui marque vous demande seulement – comme le dit Freud – de
l’entrée, dans le champ de la psychanalyse, de suspendre votre jugement jusqu’à ce que je bouclé
l’enfant comme sujet possible d’une cure mon exposé.
psychanalytique. Pour arriver à ce bouclage je vals faire trois étapes.
C’est important de préciser cela parce que l’enfant Trois questions que je vous propose de noter :
comme moment de l’homme était déjà là. Hans c’est − quel analysant ?
le premier patient comme enfant. − quel analyste ?
Dans les années qui ont suivi ça n’a pas été la ruée – − quelle analyse ?
c’est le moins qu’on puisse dire –. Vous savez que
plus de 10 ans après Mélanie Klein, pour trouver du Vous savez que lorsque le père de Hans frappe à la
matériel, a dû se rabattre sur sa fille. Et pendant porte de Freud pour lui parler de son fils, il tombe
longtemps cette pratique avec les enfants est restée bien – c’est le moins qu’on puisse dire et Freud
plutôt sporadique. Quelques cas de-ci, delà ont laissé n’hésite pas à l’écrire – c’est que Freud saute sur
trace dans l’histoire du mouvement. l’occasion –, l’occasion d’analyser pour de bon un
Ça n’a vraiment démarré qu’à la fin des années 30 enfant qui présente des symptômes dont jusqu’alors
pour s’épanouir vraiment qu’à partir de 1940 dans seuls les adultes témoignaient.
les pays anglo-saxons. Freud, trois ans auparavant, avait lancé dans le
Bon ! Je ne vous fais pas l’histoire de la monde cette idée quand mime provocatrice de la
psychanalyse d’enfant. Je voudrais seulement vous sexualité infantile (Les 3 essais) la théorie de la
faire mesurer que la pratique avec les enfants se sexualité ! Les enfants, disait-il, ont une sexualité et
trouve décalée par rapport à la psychanalyse d’adulte même une sexualité robuste. Seulement, cette
et que son expansion récente est liée à d’autres sexualité infantile – au moment des 3 essais – était
facteurs que ceux qui contribuent à l’existence de la une sorte de postulat, une déduction que Freud
psychanalyse avec les adultes. posait comme nécessaire à partir de la psychanalyse
Ces facteurs sont des facteurs vraisemblablement des adultes.
hétérogènes au mouvement psychanalytique. Il me Or, le petit Hans lui apportait le témoignage que
semble important de souligner dès le départ que la cette sexualité n’était pas seulement une supposition
pesée de Facteurs idéologiques, culturels, voire mais bel et bien un fait – un fait d’observation – et
simplement socio-économiques oblige à la plus même un Fait analysable, c’est-à-dire un symptôme.
grande prudence pour délimiter ce qui mériterait de Mais, attention, la psychanalyse ça n’a rien à voir
s’appeler psychanalyse d’enfant. Bien plus qu’avec avec la sexologie. La sexualité, pour Freud, chez
les adultes il est difficile de distinguer pratique l’adulte comme chez l’enfant, n’est pas un objet
strictement psychanalytique d’une pratique d’observation. La sexualité c’est ce qui cause une
psychothérapique.

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souffrance, une plainte, éventuellement une l’aider. Il y a là une ambiguïté que Hans supporte
jouissance aussi. On pourrait dire que c’est ça qui mal
conditionne une névrose. La sexualité pour la C’est dans ce cas que l’enfant se tourne vers le Père.
psychanalyse n’est jamais qu’une condition de la C’est ce que fait Hans. C’est par là aussi qu’il entre
névrose. C’est par là que la psychanalyse s’y dans la névrose, phobique plus précisément.
intéresse. Alors, qu’un enfant puisse souffrir de la Donc Hans apprend à Freud la névrose phobique
sexualité au point d’en faire une névrose c’est ce que infantile. Pourquoi est-ce une névrose, pourquoi est-
Hans apprend à Freud. ce une phobie ? Freud ne l’écrit en clair que 15 ans
Jusque là Freud pouvait avoir l’idée que cette plus tard dans I.S.A. "Inhibition, Symptôme,
sexualité infantile était seulement le lit, le fond sur Angoisse". Ce qui compte ce n’est pas qu’il ait peur
lequel se déclenchait plus tard, dans un temps de son père. Ce qui Fait que c’est une névrose c’est
second, la névrose chez l’adulte. qu’il a peur d’un cheval. Ce qui veut dire que Hans
Donc, Hans apprend 3 choses à Freud, d’abord qu’il arme son père d’un cheval pour se garder, s’écarter
a une Sexualité, ensuite qu’il en souffre à quoi il d’user de son fait-pipi envers sa mère. Le père de
répond par une névrose, enfin en quoi cette névrose Hans, déguisé en cheval par les soins de son fils est
et l’analyse que Freud en fait, en quoi cette névrose fait de gardien de l’objet interdit : la mère.
le soutient dans ses démêlés avec le complexe Je vais vite comme vous voyez, mais aussi mon but
d’Œdipe. Mais donc, trois points qui sont en quelque n’étant pas de vous commenter le texte de Freud
sorte en progression, c’est-à-dire que non seulement mais plutôt de relever les éléments par lesquels
Ham apprend à Freud la névrose infantile, mais il Freud fonde la possibilité qu’un enfant névrosé
met en évidence d’une certaine façon le complexe relève d’une psychanalyse.
d’Œdipe puisque le complexe d’Œdipe, en tant Pour qu’un enfant relève d’une psychanalyse il suffit
qu’on le connaît ou qu’on croit le connaître qu’il soit névrosé. Ça peut vous paraître une
maintenant, ça ne se produit clairement pour Freud évidence Bais curieusement c’est une évidence qui
qu’à partir de 1910. est loin d’être admise par tout le monde. En
La sexualité de Hans c’est sa mère qui la remarque. particulier elle est rejetée explicitement par le
Je ne sais pas si elle s’en inquiète en tout cas elle la courant qui, en France, relève de l’internationale.
nomme : qu’il ne touche pas trop son fait-pipi. En Dans le numéro de l’institut, Lebovici, en
soi ça n’a rien de dramatique de dire ça à un enfant. particulier, tient à limiter la névrose infantile à n’être
Si cela a quelque chose de dramatique, vous savez que le noyau sur lequel se construit la névrose de
que cela peut l’être en l’absence de toute remarque. l’adulte et sur lequel se modèle la névrose de
Vous savez, d’ailleurs, qu’on réprimande ou par la transfert, c’est-à-dire que c’est une construction de
masturbation, les conséquences restent les mêmes, l’analyse.
c’est-à-dire imprévisibles. Ce que je veux souligner Cette thèse, à mon sens, se construit sur un double
c’est que cette remarque maternelle, n’importe malentendu.
quelle mère à n’importe quel enfant est équivoque. Le premier est induit par Freud. En effet, le texte où
Elle peut signifier qu’elle interdit de se masturber Freud parle de névrose infantile c’est "l’homme aux
parce que ce n’est pas bien. Mais ça c’est un peu loups" c’est-à-dire un cas d’analyse d’adulte.
comme ce qu’il y aurait d’écrit sur les mies : Seulement ce que Lebovici semble ne pas voir c’est
interdiction d’afficher. Les mères sont quand même que, alors que l’homme aux loups adulte présentait
des gens qui sont habités par des plaisirs et après une névrose obsessionnelle avec, comme vous le
tout cette remarque peut tout aussi bien signifier : savez certains penchants à la psychose – vous :
laisse là ton zizi, je suis assez grande pour m’en savez que c’est le champion de la psychanalyse
occuper toute seule. Ce n’est pas du tout la même puisqu’il est resté à peu près 50 ans en analyse,
chose. Je veux dire que la masturbation dépossède la pratiquement jusqu’à sa mort survenue il y a 3 ans-.
mère de quelque chose. C’est en ça qu’elle peut Sa névrose infantile s’organise bel et bien à partir
inquiéter l’enfant. Pour tout autre plaisir corporel d’une phobie, tout comme Hans, c’est pourquoi
(pulsions partielles) la mère convient très bien, et Freud peut noter que la névrose phobique est la
elle ne s’en prive pas, c’est même comme ça qu’on névrose type de l’enfant. Pourquoi ?
peut définir son rôle. Pour l’usage génital ça pose Parce que la phobie, c’est une façon de renforcer, de
évidemment quelques problèmes. soutenir, le rôle que joue le père symbolique dans le
Alors évidemment, on pourrait dire, il vaut mieux complexe de castration. Et c’est ce rôle du père
qu’elle se fasse la plus discrète possible, sinon symbolique que Hans apprend à Freud. C’est parce
l’enfant peut croire que là comme ailleurs elle peut que le père est cause d’angoisse de castration que

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l’enfant peut refouler son désir œdipien. L’angoisse générosité. Mais attention, situer la névrose infantile
n’est pas, comme telle névrotique, souvenez-vous en sur de telles coordonnées implique ceci : c’est que la
lorsque des parents s’inquiètent des peurs nocturnes névrose infantile est une tentative plus pathétique
de leur enfant. L’angoisse – point trop n’en faut que pathologique pour soutenir cette exigence et
certes – l’angoisse reste une des conditions du passer le cap œdipien. C’est pourquoi une
parlêtre, de la vie. psychanalyse peut y répondre – parce qu’il y a
Encore une fois, ce qui est névrotique, c’est lorsque souffrance du sujet, du sujet lacanien, face au désir
l’enfant est obligé de se déplacer dans le signifiant et face au signifiant.
pour supporter le père symbolique et ce déplacement Si on ne définit pas le sujet de cette façon là, si on le
l’amène à rencontrer dans la rue, dans la vie, des définit comme une personne, je ne vois pas comment
objets qui donnent corps à ces signifiants. Il appelle soutenir la moindre équivalence entre psychanalyse
à la rescousse du père, un cheval pour provoquer d’enfant et psychanalyse d’adulte.
cette angoisse et ce refoulement. Mais c’est pourquoi il faut se garder d’un activisme
Jusque là cela se lit très clairement dans Freud. thérapeutique parce que cette souffrance n’est pas le
Alors là, on peut faire un pas de plus grâce à Lacan. signe d’une maladie (qui le serait chez l’adulte) mais
Il ne s’agit pas seulement de la phobie de peupler un d’une difficulté, en quelque sorte, inhérente à l’être
zoo imaginaire et effrayant, il s’agit de donner humain en prise avec la structure du signifiant.
consistance à des signifiants – et cela pour concourir Évidemment, cette structure est présente dès que le
à la mise en place de la métaphore paternelle. sujet parle, c’est pourquoi il n’y a pas à proprement
Et c’est cela la signification essentielle de la névrose parler de développement.
infantile, c’est qu’elle survient en fonction des ratés, Il y a dans la vie d’un sujet simplement des moments
des difficultés de l’instauration de la métaphore des rencontres, mais il n’y a dans leur succession
paternelle, c’est-à-dire ce qui met en position aucun progrès au sens de la maturation, croissance
prééminente, centrale, le nom du père. physiologique et organique.
La métaphore paternelle c’est une sorte de clef de Les temps de cette croissance sont eux-mêmes
porte d’entrée par laquelle le sujet sexué s’oriente l’occasion de rencontre pour le sujet – strictement
dans le symbolique. La métaphore paternelle c’est ce équivalents à des événements extérieurs-. Le sujet, à
qui noue le sujet – en tant que sujet du désir – au cet égard, est avec son corps réel aussi étranger
symbolique – en tant que ce désir le sujet ne peut le qu’avec le corps d’un autre, qu’avec n’importe quel
soutenir qu’en parlant, qu’en demandant. Après tout, mur auquel il peut se cogner. Ceci est tout à fait
c’est plus généralement cela la fonction structurante opposé à l’image du corps. Le corps imaginaire ne
de l’œdipe. Cela pourrait être une bonne façon de provoque aucune difficulté au sujet puisque c’est
définir l’œdipe, de dire que l’œdipe est une épreuve quelque chose qui est façonné pour un certain
de l’enfant parce que l’œdipe exige du sujet qu’il confort.
soutienne son sexe dans le registre du symbolique. La première érection d’un petit garçon – la première
Alors, ça c’est l’épreuve et les moyens de cette qu’il rencontre sur son corps (qu’il remarque) peut
épreuve, le moyen de répondre à cette exigence c’est être tout autant traumatisante que la rencontre qu’il
ce qu’on appelle le phallus. Le phallus c’est ce qui ferait avec la nudité d’une femme. Ça n’a pas la
donne un ordre sexuel – c’est-à-dire une même signification mais cela peut être un choc aussi
signification – au symbolique, à l’ensemble des fort.
signifiants. C’est cela le second malentendu de Lebovici, c’est
C’est une exigence plutôt oppressante et on qu’il croit à un développement, c’est-à-dire qu’il
comprend pourquoi l’enfant rechigne à l’accomplir. identifie le sujet au corps imaginaire. Aussi ne peut-
Il préfère, bien sur, s’en tenir pour son il concevoir qu’une névrose soit contemporaine des
accomplissement pulsionnel à ce que Freud appelle processus de refoulement qui en sont, en même
sa perversion polymorphe, c’est-à-dire un recul temps, l’origine. C’est pourquoi le sujet c’est
devant cette primauté phallique. Mais il n’y peut toujours une affaire de topologie, de topique.
rien, il doit y passer. Evidemment l’inconscient il se constitue dès lors
Il y passe plus ou moins bien et c’est de cette mesure qu’on parle, dès le premier mot.
que surgit la névrose. Alors il faut quand même Seulement, il n’ose pas tirer les conséquences de sa
savoir qui vient voir le psychanalyste d’enfant, c’est- thèse : à savoir que s’il n’y a pas de névrose infantile
à-dire dans quelle mauvaise passe il se trouve, c’est mais seulement des tranches du développement,
pourquoi la névrose infantile, c’est important qu’on alors on ne peut pas soutenir la possibilité d’une
s’y arrête même si cela semblé une sorte de psychanalyse des enfants. Les thérapeutes d’enfants

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se réduisent alors à n’être que des éducateurs, c’est- archétypales que particulières au sujet. C’est déjà
à-dire des adultes qui apprennent comment grandir. une position extrêmement périlleuse. C’est étrange
Pourquoi pas ? Une telle option est certainement parce que finalement ça implique que l’analyste
respectable, à condition de ne pas la cautionner du aurait une idée toute faite de ce que seraient ces
terme de psychanalyse. images. Si vous y réfléchissez c’est pourtant une
conception presque implicite des pratiques les plus
Vous voyez que l’enseignement de Lacan, s’il courantes.
permet de fonder les possibilités d’une psychanalyse C’est parce que le thérapeute a une certaine idée de
avec des enfants sujets du désir et sujets de la fonction du père, de la mère – de l’incidence
l’inconscient au même titre que tout être parlant, habituelle de la naissance, par exemple, d’un frère
implique néanmoins des conditions à ces ou d’une soeur – c’est à partir de cette sorte de
possibilités. Des conditions auxquelles devraient schéma général des situations infantiles que le
répondre les psychanalystes eux-mêmes, ce qui thérapeute, le plus souvent, décide de son action.
m’amène à mon deuxième point : quel analyste ? Le problème apparaît immédiatement – c’est sur le
Au fond, il s’agit là d’une question fondamentale : fond d’une norme, d’un dispositif préétabli que la
est-ce qu’un enseignement modifie en quoi que ce pratique avec les enfants se fonde. Pourquoi ?
soit la pratique ? Cette question énorme, cruciale me Surtout pourquoi est-ce ici plus accentué qu’avec
semble particulièrement aigue avec la pratique avec l’adulte, pourquoi le psychanalyste d’enfant – disons
les enfants – justement parce que là plus qu’ailleurs – est plus dépendant de l’idéologie qu’avec un
on est tenté de répondre en rien – ou, plus adulte ? La réponse est que l’analyste est tellement
précisément que la réponse semble tout à fait pris dans ces archétypes idéologiques qu’il croit au
incertaine. développement. Je crois qu’il y a une raison plus
Le sentiment qui domine à la lecture (parce que c’est essentielle à ça. C’est que l’enfant n’a pas le même
là qu’on s’en aperçoit), la lecture de textes rapport à la parole (talking cure) que l’adulte
d’analystes d’enfants, c’est plutôt une extrême (infans), c’est pourquoi on multiplie les dessins, les
diversité. Chacun, dirait-on, fait comme il le peut jeux etc.
comme il l’entend. On pourrait même dire que Et ça – cet "infans" – c’est un fait.
chacun tente un mélange plus ou moins harmonieux, Alors, quelle est la conséquence ?
fait d’emprunter à droite ou à gauche : un peu ; de C’est que l’analyste est tenté – irrésistiblement – de
Winnicott, un peu de M. Klein, un peu de Lacan etc. se laisser aller à son imagination. Et quand même, ce
C’est pourquoi il serait vain de tenter classer ou de qu’on peut dire des analystes d’enfant les plus
détailler cette diversité puisqu’elle peut exister chez célèbres, c’est qu’ils ne manquent pas
un seul analyste. Aussi, n’est-ce pas cette voie que d’imagination.
j’emprunterai mais plutôt la voie la plus générale qui L’imagination de l’analyste viendrait compléter –
permettra, je l’espère, de rendre compte des suppléer-la parole, "l’expression" défaillante de
particularités qui concernent les enfants. l’enfant. Qu’est ce que ça veut dire, ce recours à
Au départ de l’analyse il y a le transfert. C’est une l’imagination ?
proposition avec laquelle, je pense, vous serez D’abord que ce qui va être pris en compte c’est le
d’accord. versant imaginaire du transfert, le plus trompeur –
La proposition suivante, elle aussi, est simple : soit que toute interprétation non seulement ne
l’analyste est celui qui saura se prêter pour supporter l’"analyse" pas (le dissout) mais, au contraire
ce transfert, à partir de quoi, interprétant ce transfert, l’encourage, le renforce – c’est pourquoi il est
fera que l’analyse s’effectue. habituellement doublé d’une position séductrice de
Là où les difficultés commencent c’est lorsqu’on se l’analyste. Mais surtout c’est que son ressort – du
pose la question : de quel transfert s’agit-il ? côté de l’analyste – c’est l’identification.
Lebovici, pour reprendre cet interlocuteur qui en L’indentification à l’enfant – on se met à sa place
vaut bien un autre, reconnaît tout à fait que pour entendre, comprendre ce qu’il dit –.
l’analyste peut être le support, pour l’enfant, de ce Or, immanquablement ce que ça implique c’est que
qu’il appelle ses images parentales. Il est l’analyste, de ce fait, ne peut éviter d’occuper une
évidemment un peu embarrassé du fait de la position maternelle. Et je cherche encore un récit de
coexistence – synchronie – de l’analyste et des cure d’enfant où l’analyste ne réponde pas au
parents eux-mêmes côte à côte en quelque sorte, ce transfert de cette façon, c’est-à-dire de la place de la
qui n’est pas le cas pour l’adulte, mais enfin il s’en mère. Les femmes comme les hommes, Si vous jetez
accommode en postulant que ces images sont plutôt un coup d’œil sur le rapport de Lebovici, c’est

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étonnant de voir comme il fait gentille mère. Ça Alors, suivre les signifiants, n’est-ce pas là ce qu’on
explique d’ailleurs qu’en pratique courante les pourrait dire de toute analyse. N’y a-t-il aucune
femmes soient plus facilement portées à cette différence entre analyse d’enfant et d’adulte ?
pratique. Toute femme peut s’imaginer non A certains égards c’est vrai. Il serait même
seulement être une mère (ce qu’elle est à l’occasion) préférable de s’en tenir à ce principe et de cesser
mais surtout s’imaginer savoir ce qu’est une mère. après tout une fois pour toutes de répartir la
Un homme aussi d’ailleurs ça se voit de plus en plus. profession analytique comme la profession médicale
Enfin, s’identifier à un père, n’est pas la même chose et à y délimiter des spécialités. Enfant ou adulte, peu
parce qu’un père, ce n’est qu’un signifiant, ça ne importe ce dont il s’agit, c’est du sujet de
fonctionne pas de la même manière. En quelque l’inconscient qui lui, n’a pas d’âge ; il n’a d’ailleurs
sorte, il n’y a de repères parentaux que de repères même pas d’état civil.
maternels. Ce qui fait que la question essentielle Pourtant, de différence, il me semble qu’il y en a
concernant les psychanalystes d’enfant est : qu’est une, malgré tout. Et cette différence, ce n’est pas la
ce qui peut faire l’obstacle, la limite de cette symbolique qui l’introduit mais le réel en jeu dans la
identification imaginaire à l’enfant ? psychanalyse. Et ce réel c’est le réel du sexe que
Autrement dit, qu’en est-il du versant symbolique du vient habituellement recouvrir le fantasme. Cette
transfert chez l’enfant ? question c’est ce qui fait limite à la psychanalyse
Ou encore, l’enfant est-il en position à l’égard du d’un enfant, tout en posant, à cette psychanalyse,
signifiant, telle que le sujet supposé savoir puisse une fin (aux deux sens du terme : une fin, ça s’arrête
être mis en place ? et une fin que ça vise : une visée) – ce qui permet de
Or là, évidemment, lu réponse est oui. Freud ne se poser une différence d’avec la psychanalyse d’un
prive pas de le répéter : l’enfant ne cesse de poser névrosé adulte, ce qui m’introduit à mon troisième
des questions et cela pour une raison bien simple que pointe
le rapport au savoir c’est la doublure, le
redoublement, la duplication pour l’enfant de son Quelle analyse ?
rapport à la sexualité. Le savoir, pour Freud, prend
son origine dans la curiosité sexuelle. La spécificité de la psychanalyse des enfants, il me
Le savoir prend son départ au lieu même où le sujet semble que vous avez pu l’entre-percevoir lorsque
rencontre la sexualité. Et si vous relisez Hans, vous j’ai tenté de dégager la névrose de l’enfant, en quoi
verrez que le fil du cheminement de Freud c’est elle se distinguait de la névrose d’un adulte
d’entendre ce que dit Hans en termes de curiosité La névrose d’un enfant n’est pas, en effet, un
sexuelle. obstacle, un arrêt dans l’effectuation du complexe
Alors, attention, dans ces deux termes "curiosité d’œdipe mais plutôt une tentative, évidemment on
sexuelle", celui qui compte n’est pas le deuxième souhaiterait qu’elle soit moins ratée, plus ou moins
mais le premier la curiosité. Toute curiosité est douloureuse pour accomplir, réaliser cette
sexuelle en fait chez l’enfant, mais ce qu’il faut effectuation.
entendre, ce n’est pas tellement la sexualité mais la Le réel en question, ce que l’enfant rencontre, et ce
curiosité. C’est pourquoi l’interprétation sur les devant quoi il recule, c’est le fait que l’être parlant
significations sexuelles ne sont que tautologiques est constitué de deux ensembles distincts, l’ensemble
par rapport à ce que dit l’enfant. Elles ne font qu’en des hommes et l’ensemble des femmes. Ce qui est
rajouter dans le même sens que l’enfant. Elles ne lui réel dans cette b4artition, c’est qu’entre ces deux
apprennent rien. ensembles il n’y a pas de rapport possible. Entre un
Et ça encore Freud nous le montre. La seule chose homme et une femme aucun rapport n’est possible
qu’il dit à l’enfant c’est qu’il y a un père – c’est-à- par l’entremise du sexuel. Au contraire, c’est même
dire que l’origine c’est une affaire de signifiant et le sexuel qui les fait l’un, à l’autre, étrangers,
pas une affaire de personne. Il répond à Hans du tac radicalement. C’est d’ailleurs la seule façon de poser
au tac. Hans lui dit cheval : Freud lui répond qu’il y a des races. Si cela veut dire quelque chose,
pourquoi pas celui-là. Il en vaut bien un autre. Ce des races, c’est qu’il y a des hommes et des femmes.
qui compte c’est, qu’en cette place de l’origine, un Or, cette altérité de l’autre sexe, le complexe
signifiant puisse se fixer et rester. Vous voyez donc d’œdipe vient le masquer au prix de la castration
que Freud nous montre la voie – la même, quel que (pour se soulager de ce réel il faut payer un prix, la
soit l’âge du sujet – suivre l’enfant à la trace de ses castration), c’est-à-dire de l’exhaustion, de l’élection
signifiants dans sa recherche d’un signifiant qui peut du phallus comme primat. Le phallus fait bannière
faire l’office de Nom-du-Père. aux êtres parlants des deux sexes pour qu’ils
s’unissent imaginairement et qu’ils se rassemblent

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symboliquement. Heureusement qu’il n’y en a qu’un le petit Hans est en position de chevalier servant. On
de phallus. Quand ils sont deux, parce que justement peut l’être toute sa vie et cela peut apporter des
chacun peut croire soit qu’il l’a, soit qu’il l’est, satisfactions à un névrosé. Il y a là une prévision
l’autre n’en sait rien, donc à imaginer qu’il est quand à l’existence c’est-à-dire quant à une certaine
complémentaire ou que l’autre lui est estimation du fantasme.
complémentaire. Le réel de cette altérité est mis en Pourtant, il me semble que cette conception de la fin
veilleuse, en latence, dit Freud, c’est en effet ce qu’il d’une analyse d’enfant comme promesse est une
appelle la période de latence, ça s’arrête à un fausse fin, liée, me semble-t-il à une sorte de
moment donné et c’est le complexe d’œdipe qui précipitation de la part de l’analyste.
permet que ça s’arrête. L’enfant, si je puis dire, n’en demande pas tant, il
Il ne resurgit ce réel que lorsque le sujet rencontre à souhaite plutôt qu’on laisse la question de son avenir
nouveau cet autre sexe, non plus comme évocateur sans réponse – puisque justement cette réponse il l’a
de la menace de castration – comme c’est le cas lors déjà – du moins il l’a parce qu’il se la construit
de la première rencontre, c’est-à-dire être mis en précisément dans la "passe que sa névrose et son
face de la différence des sexes – mais comme analyse lui font traverser. Cette réponse c’est son
révélateur de cette union impossible, de cette fantasme, c’est-à-dire l’agencement signifiant par
exclusion irrévocable, définitive qui marque chaque lequel il va soutenir la Demande de l’Autre, et
sujet par rapport au sexe auquel il n’appartient pas. comment, de cette Demande il va s’en accommoder.
Cette seconde rencontre marque ce qu’on appelle Mais, plus précisément, l’effet de l’œdipe sur le
l’adolescence et c’est sur le fond de cette seconde fantasme, c’est l’inclusion nécessaire de la castration
rencontre que peut ou non se déclarer la névrose de dans la structure du fantasme.
l’adulte. Comment, avec ce qui soutient son désir, c’est-à-dire
Mais elle, la névrose de l’adulte, si je puis dire, par le fantasme, ( S◊a ), va-t-il englober, inclure, ce qui
rapport à ce réel du sexe, est incurable. Ce sur quoi surgit pour parer à la différence de sexe, c’est-à-dire
elle peut seulement déboucher c’est sur un le phallus
impossible. C’est-à-dire que le partenaire sexuel C’est une remarque que fait Lacan dans les Écrits,
peut seulement, dans le meilleur des cas, être dégagé dans le texte "Subversion du Sujet" où il remarque
de l’objet du désir (a) et n’avoir d’autre réel que que la position du névrosé dépend de la place où il
celui que l’amour lui prête. C’est une façon de inclut le phallus dans le fantasme.
rencontrer un impossible. Je n’en dirais pas plus, ce Et cette construction, soit ce que sujet fait du
n’est pas mon propos. phallus, quelle fonction il lui donne dans son
Pour l’enfant, comme je viens de vous le dire, la fantasme, il me semble qu’il convient de le respecter
question n’est certainement pas de viser à aborder autant que possible. Encore une fois le pire me
cet impossible du rapport sexuel. Au contraire, semblerait d’avoir avec un enfant un souci de
puisqu’il s’agit seulement de préserver la position prévention de prophylaxie.
particulière à chaque sexe vis-à-vis du primat du Si, dans la psychanalyse d’adulte la guérison vient
phallus. de surcroît, pour l’enfant c’est la prévention dont il
Ça pourrait s’interpréter comme une promesse, sous me semble qu’il faut se garder.
la forme : plus tard quand tu seras grand tu auras une Pour l’enfant, la guérison, je dirais que c’est une
femme aussi belle que celle de ton papa, ou un issue plutôt logique, c’est-à-dire nécessaire, à
enfant aussi beau que celui que ton papa a donné à ta condition qu’on n’y mette pas trop d’empêchements.
mère. C’est pourquoi je voudrais terminer par quelques
A mon sens, cette visée n’est pas la plus mauvaise, remarques con cernant ce qu’on appelle la Demande.
elle laisse seulement toutes ses chances à la La Demande est un appel adressé à l’Autre pour que
désillusion la plus douloureuse, c’est-à-dire à la le désir soit reconnu. La Demande provient de ce
névrose de l’adulte. Mais cela n’est même pas que le besoin n’a pas de satisfaction universelle,
arrivé. mais que justement elle laisse le sujet au bord de
La plus grande modestie est nécessaire quant au l’angoisse, l’angoisse est toujours près d’une
pronostic. Ni dans un sens (prophylaxie) ni dans demande quelle qu’elle soit. C’est dans la mesure où
l’autre (préparer une névrose adulte) ne peut rien le transfert met l’analyste à cette place de l’Autre,
prédire – précisément parce qu’avec le réel, le c’est-à-dire de ce grand Autre à qui la demande est
hasard, nulle prévision n’est possible. On peut adressée, c’est donc dans la mesure du transfert que
seulement, comme Lacan, avoir une sorte de l’analyste est en position d’interpréter cette
provision de choix de l’objet. Freud l’avait déjà dit,

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demande. Toute demande ne suppose pas Questions à Michel Silvestre.


nécessairement une analyse.
C’est un point particulièrement délicat concernant Q. Une des difficultés des analystes d’enfants, c’est
les enfants, qui demande, en effet. leur hésitation à entreprendre avec eux un travail
Je dirais ceci. A l’origine d’une consultation il me analytique, la tentation serait grande de privilégier
semble nécessaire de poser qu’il y a toujours une chez l’enfant son côté merveilleux pour laisser de
demande effectivement adressée par l’enfant. côté sa douceur d’exister, fantasme du praticien
Seulement c’est avec la plus grande prudence qu’un donc : on ne peut faire de mal à un enfant.
analyste doit y répondre, parce que, s’il se trouve la Comment expliciter ce "on ne peut leur faire de mal"
recevoir, ce n’est pas toujours à lui qu’elle s’adresse alors qu’on sait bien que l’enfant souffre en
– et peut être que sa première tache pourrait être de analyse ?
rétablir cette demande à son destinataire et de faire M. S — Ce sont les autres (parents, écoles, etc.) qui
en sorte de ne pas entraver son retour par son veulent qu’on ne fasse pas de mal aux enfants et
destinataire véritable. interviennent au moment crucial de l’analyse
Je m’explique. Hans, par exemple, a adressé une (exemple de l’enfant-symptôme).
demande mais à son père. Et cela Freud l’a
parfaitement repéré. C’est pourquoi il a laissé au Q. La question de l’enfant-symptôme serait-elle plus
père toute latitude pour y répondre, n’intervenant justifiée chez les enfants psychotiques ? Il y a un
que le moins possible, tout en étant toujours présent. travail d’interprétation à Faire avec les parents,
Ce n’est pas toujours possible. Mais ce serait déjà même lorsque l’analyse de l’enfant est terminée.
beaucoup que le vrai destinataire soit explicitement — C’est vrai, on peut se référer à un passage de
repéré et désigné, même si, par la force des choses, télévision où Lacan, partant du petit Hans, montre
l’analyste est contraint de prendre la relève. que les oralystes ont peur, d’ailleurs pas seulement
Seulement, dès lors, qu’il la prend cette relève, qu’il avec les enfants. En psychanalyse, il faut donner une
sache qu’il ne peut plus s’en décharger, il doit suivre autre dimension au mot "bien" (éthique de la
l’enfant là où celui-ci le mène. C’est un premier psychanalyse). Avec les enfants, le problème est
point. certainement plus douloureux.
Le second sera plus bref. En effet, il n’est pas Il faut un certain courage pour prendre des enfants
question d’appeler demande ce qui n’en est pas, en analyse.
c’est-à-dire ce qui n’est que revendication Familiale, A propos de l’enfant symptôme, les parents par
exigences scolaires ou sociales, voire appel d’ordre exemple veulent que l’enfant sorte de son analyse,
médical. Il n’y a pas là, forcément, demande du sujet les symptômes du sujet s’incarnent dans un petit
– ou, tout au moins, peut-être est-ce prématuré de autre. Si on définit le symptôme dans le registre de
supposer une demande-. Peut-être n’y a-t-il qu’une la sexualité, on évoque une sorte d’inceste à
souffrance, encore imprécise. l’envers. Si la névrose de l’enfant est le retour du
Vous savez que ce qu’il est exclu de précipiter, c’est refoulé chez l’un des parents, il est évident que
une entrée en analyse (adulte). Vous savez très bien l’enfant a une place dans le fantasme de l’adulte
que les névrosés qui ont des symptômes comme des mais pas en tant qu’il l’incarne.L’enfant ne s'y prête
montagnes et qui souffrent mille diables, ça court les pas toujours, ni tout à fait.
rues, c’est pas pour ça qu’ils viennent voir un L’enfant est quand même distinct de l’objet du
analyste. Pourquoi en serait-il autrement avec fantasme des parents.
l’enfant ? Les difficultés des parents s’interprètent en termes
Encore une fois il ne s’agit pas de déprécier les de coercition familiale pas en termes de
pratiques diverses auxquelles les enfants sont psychanalyse c’est la condition même de parents.
adressés. Simplement je ne vois pas pourquoi on les — Là, je parle d’objet a plutôt que de symptôme. Le
qualifierait d’analytiques. rapport du symptôme au désir est différent de celui
Éducatives, oui, médicales, pourquoi pas, cela ne de l’objet a au désir.
diminue en rien leur utilité. Simplement il serait
temps que les analystes se soucient de leur propre Q. Dans les familles de psychotiques, le désir des
spécificité s’ils veulent qu’elle ne disparaisse pas parents est en jeu, mais pas le désir par rapport à
tout à fait. ses possibilités de déplacement de signifiants. Les
parents de psychotiques donnent l’impression
d’avoir trouvé l’objet perdu, même s’il est bon à être
jeté. L’analyste est pris dans un piège familial

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— Oui, c’est difficile.


Je rappelle l’importance du destinataire dans la
demande de l’enfant. Celui-ci doit savoir que
l’enfant s’adresse à lui. A propos de Hans, Freud
parle curieusement de psychanalyse d’enfant, alors
qu’il a vu Hans deux fois mais s’est occupé plus du
père.

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Problèmes cliniques pour la psychanalyse


Jacques-Alain Miller
Je vais vous parler de ma lecture de Winnicott, dont sera de plus en plus ; c’est-à-dire une clinique qui
je ne suis pas un fin connaisseur et c’est bien à partir panse les affections du patient à partir des effets
de Lacan que je l’aborde. Je dis, problèmes cliniques possibles du médicament. Elle ne laisse plus de la
pour la psychanalyse parce que le sous bassement de grande clinique classique que des résidus, une
la clinique analytique est d’héritage psychiatrique et clinique résiduelle en quelque sorte, accrochée au
vous savez tous les points d’appui que Freud a médicament. Aussi la grande clinique classique
trouvé dans la clinique allemande de son temps qui apparaît-elle maintenant comme un exercice gratuit,
forme donc le back ground de son avancée au point une clinique pour de la clinique ; alors que "la
que c’est une thèse qui fait son chemin, que Freud nouvelle clinique" est elle, effectivement dominée
est peut-être le plus brillant des cliniciens allemands par la thérapeutique du médicament. En face il n’y a
de son époque. Mais ce qui fait son chemin pas grand chose d’autre qu’une éventuelle clinique
actuellement c’est la tentative de résorber cette du signifiant qui est effectivement une clinique
coupure freudienne, dans le mouvement général de comme le rappelait Lacan, car elle suppose un lit sur
la pensée du temps. Quelqu’un s’y attache : depuis lequel on allonge quelqu’un et à qui on propose de
plusieurs années le grand dessin de Michel Foucault parler.
est de parvenir dans les temps qui viennent à cette Au fond, pour clarifier nos idées, je dirais que
résorption de la coupure freudienne dans la pensée structuralement il y a là deux voies, on ne s’en
du temps. Il en a donné un petit coup de clairon avec aperçoit pas encore absolument mais, de plus en
les débuts de son histoire de la sexualité mais nous plus, l’entre-deux a toutes les chances d’être
allons en voir, dans les années qui viennent le foncièrement résorbé. Dans cet entre-deux, il y a
développement. Voilà qui fera problème pour la tout l’héritage de la psychiatrie humaniste, illustrée
psychanalyse avec la psychiatrie. C’est bien dans par Henri Ey ou Georges sorte en France, il y a la
l’idée de débattre des problèmes des frontières entre psychiatrie anti-psychiatrique, il y a les thérapies
la psychanalyse et la psychiatrie que la section familiales etc. et notre objectif c’est de bien faire
clinique a été créée, spécialement pour essayer de saisir, de bien faire en sorte, que la psychanalyse
sectionner les adhérences de la clinique analytique elle-même ne figure pas dans cet entre-deux et
avec la clinique psychiatrique. qu’elle assure sa clinique du signifiant sans
compromission.
Aujourd’hui, nous sommes dans un moment tout à D’un côté comme de l’autre, il y aurait
fait précis, nous sommes entrés dans l’ère de la réductionnisme, du côté des médicaments comme du
psychiatrie post-clinique. C’est la thèse d’un jeune côté du signifiant ; mais effectivement le dispositif
psychiatre, Paul Bercherie : que depuis 50 ans, il n’y freudien de l’analyse que Lacan appelle discours,
a plus de clinique psychiatrique. La clinique c’est une réduction de ce qu’on s’imagine saisir en
psychiatrique, c’était une discipline d’observation parlant du tout de la personne. Ça ne saisit cette
qui se voulait objective et qui restait vivante tant supposée personne qu’en tant qu’elle peut donner
qu’elle arrivait à découper, à isoler, à ponctuer de lieu au sujet de la parole qui, comme on le sait ne
nouvelles entités cliniques. Or depuis 50 ans, il n’y a coïncide pas essentiellement avec cette personne. A
plus eu de nouvelles entités cliniques découvertes cet égard il ne faut pas penser qu’il y aurait
par le biais de l’observation psychiatrique. impérialisme de la psychanalyse. Elle peut très bien
Il ne faut pas s’imaginer que les psychiatres soient assumer son statut réductionniste mais là où elle est
des cliniciens, ils l’ont été, et maintenant la grande chez elle il n’y a qu’elle. C’est comme le Dieu des
clinique psychiatrique fait partie du musée de la juifs, ce n’est pas le dieu de tout le monde, mais là
psychiatrie et sa part devient de plus en plus ténue où il règne, il règne seul.
dans les traités et manuels de psychiatrie. Bercherie
faisait remarquer que là où il y avait, il y a 50 ans, La psychiatrie bien entendu, ne se fait pas faute
dans un traité de psychiatrie, une masse de d’imiter le discours de la science. Elle s’imagine
documents cliniques, on a aujourd’hui quelque chose pouvoir être une psychiatrie quantitative, statistique,
qui ressemble à un traité d’anthropologie. une psychiatrie biologique ; mais on sait que si la
La clinique de notre temps, c’est purement et psychiatrie devenait biologique, elle cesserait aussi
simplement une clinique du médicament et cela le bien d’être psychiatrique et c’est ce que lui

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promettent des chercheurs comme par exemple regarder de la pornographie. Ce n’est pas une
Changeux qui au fond promettent la réduction clinique très fine, mais c’est une clinique numérotée
progressive de la psychiatrie dans la biologie et on voit bien que l’idéal de cette clinique, ce serait
moléculaire. Dans ce contexte, voyons bien quel est grâce à une prise de sang, obtenir également un
enjeu du problème clinique pour la psychanalyse. La numéro et que ce numéro envoie automatiquement
psychanalyse c’est le refuge propre de la grande au numéro du grand catalogue international et enfin
clinique car là les faits témoignent que les nouvelles au numéro du médicament qui convient. Là nous
entités s’il y en a, ne sont pas venues naître du aurions effectivement une clinique où chaque chiffre
champ psychiatrique, mais bien plus du champ renverrait à un autre chiffre, mais où précisément ce
analytique : pensons à ce qui s’appelle la psychiatrie signifiant là n’aurait pas du tout comme fonction de
de l’enfant qui se trouve essentiellement fondée sur représenter un sujet, on aurait simplement une
l’expérience analytique. articulation de signifiant à signifiant et serait
accomplie la forclusion du sujet : idéal de la science.
Donc, la psychanalyse a un très lourd héritage à C’est d’ailleurs ce qui fait croire que la clinique
assumer car c’est un héritage dont elle a à se couper psychanalytique aurait partie liée avec la psychiatrie
d’un celé et, par un autre coté, c’est un héritage humaniste ou l’antipsychiatrie, contre l’oppression
qu’elle a à assumer. Le symptôme de la clinique du discours de la science. Il y a toujours une alliance
analytique n’est pas le symptôme de la clinique qui apparaît possible entre l’analyste et
psychiatrique. Le symptôme analytique est un l’antipsychiatre ou le psychiatre humaniste. Or je
symptôme parlé par le patient et, bien plus, c’est un voudrais souligner qu’il n’en est rien et qu’il y aurait
symptôme parlant ; il devient parlant à partir du là une dilution de la clinique analytique à penser que
moment où il est dégelé par l’analyse pour reprendre c’est dans cet entre-deux qu’elle se logerait. La
une métaphore que Lacan avait déjà empruntée à question reste ouverte à partir de Lacan d’une
Rabelais. Le symptôme analytique est ce glaçon clinique de l’époque de la psychanalyse, d’une
dégelé dans la situation analytique par le fait de clinique qui serait propre au discours
trouver l’adresse qui convient au symptôme. La psychanalytique.
première définition du symptôme analytique, c’est Voilà le premier problème rencontré et beaucoup de
celle qui le confond avec un message interrompu, un ceux qui se sont dirigés vers l’analyse n’ont pas
message qui ne trouve pas d’adresse, d’interlocuteur. échappé à ce piège et c’est ce qui fonde leur
Dans la psychiatrie d’aujourd’hui, plus personne ne sympathie pour la psychiatrie humaniste ou
parle, c’est une clinique muette. Évidemment on l’antipsychiatrie. Il peut encore paraître que la
peut toujours dire que si elle tend à la distribution du psychanalyse opère une dilution de la clinique parce
médicament, il faut bien, pour poser le diagnostic, que l’essence de l’expérience analytique consiste à
que le psychiatre parle avec le patient. Rais dans le prendre cas par cas, à prendre un par un et dès lors,
savoir psychiatrique qui se dépose de cette on peut s’imaginer que tout dans l’analyse est affaire
expérience, c’est très peu présent, cette façon de de tact, de savoir faire, donc d’expérience et qu’à cet
poser le diagnostic. Deuxièmement, on sent bien égard, la seule clinique possible est celle du contrôle
qu’à la limite cette psychiatrie ne sera satisfaite où un va chez un autre parler d’un cas. Je n’évoque
d’elle môme, c’est-à-dire ne se pensera conforme ce danger que pour dire qu’il est tout à fait contraire
aux discours de la science que lorsque le patient ne à l’inspiration freudienne ; l’inspiration freudienne
parlera plus du tout et je dirais que ce qui est le point c’est une clinique des structures. On n’a même pas
de repère du chercheur c’est l’idée qu’il pourrait attendu Lacan pour s’en apercevoir car ce contre
suffire d’une prise de sang pour fonder le diagnostic quoi Lacan a du lutter, (le glaçon qu’il a du dégeler
et donc permettre de choisir le médicament qui en son temps) c’est au contraire la forme de
convient. J’ai consulté le volume de l’Organisation formalisme rigide qu’avait pu prendre la clinique
Mondiale de la Santé, volume de diagnostic des psychanalytique. Dans la foulée de Freud, on ne voit
troubles mentaux. Il y a une vaste numérotation de pas du tout la dilution de la clinique, au contraire, on
tous les troubles mentaux avec des diagnostics qui est allé d’abord vers un formalisme rigide de la
tiennent quelques lignes pour isoler les bons clinique, stimulé par l’égopsychologie. Par exemple,
numéros, voilà le sabir international de la psychiatrie il suffit d’aller voir la théorie des névroses de
qui se constitue. Évidemment cela ne va pas très Fénichel, un connaisseur de Freud, qui montre
loin, il y a à côté de ce gros volume un petit abrégé effectivement un effort de clinique structurale.
du diagnostic et si vous cherchez voyeurisme, la
définition est en anglais watching pornography :

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Pour partir de choses plus simples, comment Lacan, y a convergence certainement des thèmes hégéliens
lui, a-t-il affronté la question de la clinique et du point de vue clinique, il y a la connexion
analytique ? établie, tout à fait essentielle pour tout
– Premier point. Il n’a pas attendu 50 ans pour partir l’enseignement de Lacan entre narcissisme et
des impasses de la psychiatre, son point de départ. paranoïa. Avec le stade du miroir, (relisez ce texte
Le moment où Lacan abandonne la psychiatrie c’est qui est un des plus accessibles), Lacan présente aussi
historiquement le moment où elle jette ses derniers une théorie du narcissisme paranoïaque primaire.
feux. La thèses de Lacan sur la paranoïa où il Pour résumer brièvement ses thèses : un "je" se
propose précisément une nouvelle entité : la forme à partir de l’image de l’autre, mais pas du tout
psychose d’autopunition, c’est en quelque sorte la dans l’harmonie et la complémentation ; mais au
dernière grande thèse de clinique psychiatrique qui contraire dans la tension et la rivalité. Ainsi se
soit parue en France. C’est bien à ce moment là trouve implanté dans l’aire subjective, à la place du
qu’on voit comment le partage des eaux s’est faite moi, l’autre qui est au départ un objet extérieur. A
Le problème pour les psychiatres de son temps a été cet égard, il est essentiel pour qui s’intéresse à la
l’advenue de la psychanalyse qui n’était pas une psychose et au reste de l’enseignement de Lacan, de
discipline d’observation pure comme celle qu’ils saisir ce qui est un partage des eaux : cette
pratiquaient et qui a apporté nombre de concepts interprétation paranoïaque du narcissisme. Quand
nouveaux articulant trop, remarquablement puissants j’évoquerai Winnicott, vous verrez à quel point on
et efficaces, au niveau des causes et non pas arrive tout à fait ailleurs quand précisément, on n’a
simplement de la description fine des entités. Cette pas ce type d’interprétation ; on arrive à une toute
question posée à la psychiatrie a été résolue de deux autre clinique et à une toute autre pratique de
façons. Prenons les deux camarades d’internat qui l’analyse.
étaient Henri Ey et Jacques Lacan. Ey a fait le – Troisièmement. C’est lié au second point, la
système bien connu rattaché à Jackson qui permet de clinique analytique de Lacan c’est d’abord une
croire intégrés les apports de la psychanalyse tout en clinique de l’Autre, ça c’est sensible dès le stade du
sauvant la pertinence proprement psychiatrique et miroir puisque la relation à soi-même comme l’autre
(dans d’autres pays il y a eu des efforts comparables) est structurante de ce supposé stade. Mous y avons
essayer d’assimiler la poussée de la psychanalyse les linéaments d’une théorie de l’agressivité comme
dans un système qui rendrait compatible la clinique intrinsèque au moi et aussi avec l’interprétation
classique et la psychanalyse. C’est ça qui nous paranoïaque du narcissisme, nous avons les
donne la psychiatrie humaniste et même la linéaments d’une théorie de l’intersubjectivité qui
psychiatrie d’aujourd’hui au moins en Europe. permettra de faire la connexion pour Lacan avec la
A côté de Ey, il y a Lacan qui renonce à la clinique de l’hystérie. Car n’oublions pas que
psychiatrie ; et déjà dans sa thèse, par sa butée et son effectivement encore, avant les débuts de son
avancée, on peut suivre le chemin d’impasse qui enseignement, son autre sujet d’intérêt c’est
conduira Lacan psychiatre, vers l’analyse. La l’hystérie ; vous en avez les traces dans les écrits
clinique de Lacan est donc une clinique qui part des avec le texte de Lacan qui s’appelle intervention sur
impasses de la psychiatrie. le transfert. Et vous voyez bien que la formule
– Second point. La clinique de Lacan, dès l’origine répétée par Lacan que le désir c’est le désir de
est une clinique qui comporte la psychose, et ça c’est l’Autre, au fond est une Formule qui, selon l’accent
plus nouveau qu’on ne peut croire s’agissant de la qu’on y met, peut être une formule paranoïaque (la
clinique analytique (je rappelais d’ailleurs que formule du stade du miroir, en simplifiant !) et se
Fénichel, lui, parlait de la théorie des névroses), trouve éminemment être aussi la formule de
c’est un point essentiel chez Lacan et non l’hystérie. Et même lorsque Lacan nous rappelle la
périphérique : vous le connaissez sous le nom de formule générale du désir, "le désir c’est le désir de
stade du miroir. l’Autre", il conservera toujours cette notation que ça
Le stade du miroir, c’est immédiatement chez Lacan, convient spécialement au sujet en tant qu’hystérique.
non pas simplement une lecture sur le fond de Hégel Autrement dit, pour abréger, dès le début, la clinique
de la dialectique du maître et de l’esclave, mais c’est de Lacan est une clinique dont les deux pôles sont la
le fondement de ce qu’il appelle au début de son paranoïa et l’hystérie.
enseignement : la paranoïa primitive. Pour Lacan, la
structure la plus primitive qui est vraiment à – Quatrième trait. Il faut bien s’apercevoir à la
l’origine de l’histoire du sujet, c’est le registre lecture des écrits de Lacan qu’il s’agit
paranoïaque. Avec son analyse du stade du miroir, il essentiellement d’une clinique freudienne faite à

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partir des cinq psychanalyses de Freud. Les quatre – Sixième point. Cette clinique freudienne telle que
premiers séminaires de Lacan (ils ne seront pas Lacan la reprend est une clinique transférentielle. Il
publiés) étaient d’ailleurs consacrés successivement serait vain de s’imaginer qu’on puisse éliminer le
à Dora, à l’homme aux rats, au cas Schréber ; t à facteur transfert. Il est sensible d’après les notes
l’homme aux loups, au petit Hans enfin. C’est donc mêmes de Freud que ce facteur intervient dans Dora
une clinique qui est médiée par l’expérience de par exemple et on a du vous parler cette année du
Freud, qui se fait via le texte de Freud et c’est en facteur transfert dans le petit Hans. C’est bien
même temps une clinique qui emprunte aux livres de d’ailleurs ce qui pose la question de la théorie de la
Freud sur les mots d’esprit, sur l’interprétation des psychose que Lacan n’a pas prétendu faire : il nous a
rêves, ter la psychopathologie de la vie quotidienne, donné qu’un texte préliminaire parce que cette
ainsi qu’aux différents textes de cas épars chez clinique n’est pas une clinique sous transfert. La
Freud, puisque aussi bien on ne doit pas appeler clinique de Schreber dans Lacan n’est pas une
clinique seulement ce qui constitue l’histoire globale clinique sous transfert pas plus d’ailleurs que la
d’un cas mais aussi bien, on peut considérer comme clinique freudienne de Schreber. Il en donne la
cas clinique le plus petit fragment d’une formation raison dans son texte sur Schreber, où Lacan fait du
d’inconscient. C’est un point que j’ai eu souvent transfert sur le médecin Flechsig la cause
l’occasion de développer et qui a donné naissance déclenchante de la psychose de Schreber. C’est bien
dans Ornicar à la rubrique dite des formations de cette considération qui nous vaut la pratique
l’inconscient. Le cas clinique n’est pas simplement lacanienne des entretiens préliminaires. Il s’agit de
en analyse le récit ou supposé récit total d’une vie, savoir si ce sont des entretiens préliminaires à la
c’est aussi bien ce qui tombe comme mot d’esprit, psychose. Dès lors que l’établissement du transfert
comme lapsus, comme acte manqué (le premier sens peut être facteur déclenchant de la psychose, il est
du mot "cas" étant : ce qui tombe) Mais c’est là une essentiel de voir que la clinique analytique est une
clinique médiée par l’expérience de Freud. Et un des clinique transférentielle, qu’elle n’est pas élaborable
grands problèmes que rencontrent les lacaniens c’est indépendamment d’une théorie de transfert.
qu’ils ne peuvent pas faire une clinique lacanienne – Septièmement : cette clinique transférentielle en
via Lacan parce que à la différence de Freud, Lacan même temps veut être une clinique structurale, une
n’a jasais constitué cette bibliothèque de cas clinique objective. On distingue volontiers parmi les
analytiques : il en résulte que nous ne pouvons pas analystes les cliniciens des théoriciens ; mais le plus
nous imaginer être par rapport à Lacan dans la même souvent ce qu’on appelle un clinicien c’est un
position que Lacan s’est trouvé par rapport à Freud. théoricien silencieux, qui ne communique pas la
– Cinquième point. Cette clinique freudienne est une façon dont il s’en tire avec sa pratique et on appelle
clinique du phallus. Cela ne va pas de soi ; car au le plus souvent clinique quelque chose qui resterai
fond à quoi a tend, à quoi tient toujours l’effet de l’ordre sinon de l’ineffable du moins de ce qui ne
d’originalité de la lecture de Lacan, ce n’est pas serait communicable que dans l’entretien privé du
simplement à sa relecture de toute l’œuvre de Freud style du contrôle dont ce serait là essentiellement la
à partir de l’idée que l’inconscient est structuré fonction. Or l’inspiration de Lacan est exactement
comme un langage, ce n’est pas seulement ça. C’est contraire : dans le même texte où il rappelle que la
que Lacan a repris Freud à partir du Freud de clinique analytique est tributaire de la clinique
l’Œdipe et spécialement du Freud plus tardif qui psychiatrique, il précise son ambition clinique qui
avait isolé la fonction de la castration comme est d’obtenir dans les structures cliniques certitude et
centrale (même si évidemment le petit Hans est déjà certitude démonstrative. C’est plus facile à dire qu’à
une éminente contribution à la théorie du phallus). faire parce que dans l’expérience analytique, ce qui
Ce qui fait que essentiellement la clinique s’accumule pour le sujet (quand cette expérience est
freudienne telle que Lacan nous la démontre c’est menée selon l’inspiration lacanienne), ce sont des
une clinique, à cet égard, rétroactive. Par exemple si effets d’interprétation ou des effets de vérité produits
vous prenez les Écrits et ce morceau de clinique qui par la parole même du patient, par ses lapsus, "ses
est l’analyse du rêve dit de la belle bouchère, la actes manqués etc… Ce sont des émergences
principale novation de la lecture de Lacan fut de d’effets de vérité dont il n’est pas du tout sûr qu’ils
relire ce rêve à partir de la fonction de la castration puissent se déposer en savoir constitué.
chez la femme. D’ailleurs c’est le point tournant de Et effectivement, Lacan a été de ceux qui ont mis le
toute la clinique de Freud telle que Lacan l’a situé, plus l’accent sur l’antinomie de la vérité et du
que la conception de la sexualité féminine, savoir. Comment dans la clinique, les effets de vérité
spécialement la fonction de la castration maternelle. peuvent-ils se déposer en savoir, communicable,

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ordonné, alors qu’après tout l’expérience analytique présents et la question de la phobie est en quelque
elle-même s’accommode très bien d’un savoir sorte un élément inéliminable pour la
seulement supposé à l’analyste ? compréhension de ce texte qui est considéré comme
difficile, le schématisme de Lacan, (les deux
D’abord, il faut constater que l’enseignement de schémas de Lacan essentiels de ce texte, le schéma
Lacan est animé par un idéal de simplicité R et le schéma I sur lesquels vous allez certainement
concernant la clinique qui ne se dément pas d’un regarder à la loupe) est la résultante d’une étude sur
bout à l’autre de son œuvre. Dès ses premiers textes la psychose et sur la phobie. Cette connexion
et toutes premières lectures de Freud, c’est d’abord s’indique dans l’abord de la question de la
L’identification qu’il pose comme facteur-clé de fameuse forclusion du nom du père qui paraît
toute la clinique freudienne (voir le premier texte toujours être l’alfa et l’oméga de la théorie
des Écrits et le texte sur la Causalité psychique). lacanienne de la psychose. Il y a au fond toute une
L’idéal de simplicité de Lacan, c’est trouver un architecture de questions avant qu’on arrive à ce qui
schéma fondamental à partir de quoi la relation est devenu une sorte de syntaxe figée : la forclusion
analytique et la fonction essentielle de l’inconscient du nom du père. Il faut arriver à en décomposer les
se recouvriraient. C’est d’ailleurs là ce que figure le différents éléments en jeu.
mathème-clé de sa clinique, à savoir le mathème de
l’hystérie, le seul qu’il considère comme répondant Je dirais que je décompose comme ça la forclusion
aux critères les plus élevés du mathème. Ça se du nom du père.
justifie d’ailleurs assez bien parce que, comme le – La première thèse. La thèse préliminaire à la
disait Freud, l’obsession n’est qu’un dialecte de forclusion du nom du père est que pour tout sujet
l’hystérie. Il Faut donc admettre que l’obsession ne c’est l’armature signifiante qui est constitutive de
figure pas au rang de discours fondamental et que, son monde c’est à dire que le sentiment de la réalité
d’autre part, la psychose soit instituée non pas en n’est pas donné pour un sujet, la cohérence de ses
discours, mais hors discours. Encore qu’il convient relations avec autrui n’est pas donnée, son entrée
de distinguer entre paranoïa et schizophrénie. Ces dans le délire commun n’est pas non plus donnée, il
quatre discours figurent une tentative de clinique des faut une certaine cohérence consistance signifiante
discours qui pourrait être développée comme telle. qui supporte ce monde, cette réalité, cet autrui et ce
Il est sensible que la tension qui parcourt délire commun. Cette thèse de base émerge à la Fois
l’enseignement de Lacan ne le rend pas de la lecture de Freud et de l’expérience analytique
monolithique. C’est un enseignement qui n’a été pour Lacan. Ce préalable de l’ armature signifiante
relancé aussi longtemps et sans faillir à son ne se réduit pas forcément à l’œdipe dont Lacan duit
renouvellement que parce qua il était animé par une qu’il est en quelque sorte pour nous aujourd’hui
contradiction, par une tension : la tension entre une l’opérateur suffisant, l’ors-il écrit et admet très bien
clinique des effets de vérité – une clinique qui prend que cette matière signifiante dans d’autres cultures
les cas un par un en s’obligeant à reprendre chaque soit éventuellement beaucoup plus riche. Lacan
fois à zéro – et en même temps une clinique qui a les n’hésite pas à prendre l’exemple des prétendus
exigences du mathème de la communicabilité voire primitifs et de la symbolisation effectuée dans le
de la démonstration. C’est une tension féconde qui a mythe des fonctions essentielles de la génération, de
relancé l’enseignement clinique de Lacan, la mort par ex. de la vie, de la mort, de la génération
indéfiniment car personne ne pense que cet de la faute et à admettre que pour ce supposé
enseignement s’est achevé, s’est bouclé. primitif l’armature signifiante est beaucoup plus
vaste que pour nous.
Avant de parler de Winnicott que je voudrais mettre C’est alors qu’il traite après tout l’œdipe assez
en opposition à Lacan sur tous ces points d’ailleurs, cavalièrement comme un trognon de mythe. Pour
je voudrais effectivement rappeler quelques points l’homme moderne, pour l’homme du discours de la
que vous avez dit suivre cette année je le suppose et science ce résidu de mythe suffit à donner l’armature
qui peuvent faire pont avec l’année prochaine. Vous signifiante minimum de son monde et à cet égard
allez certainement je le suppose l’année prochaine l’œdipe n’a pas ce privilège chez Lacan d’être La
étudier et lire le texte de Lacan sur les psychoses. Il structure par excellence. Quand on écrit comme
ne faut pas oublier que ce texte est une résultante Safouan que dans la psychanalyse la structure c’est
d’une étude de la psychose certainement mais aussi l’œdipe on fait erreur. Lacan a dit tout sauf ça. Au
d’une étude sur la phobie. Dans le texte même de la contraire depuis le début des séminaires de Lacan il
question préliminaire ces deux vecteurs sont y a une conception d’ensemble de l’armature

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signifiante dont l’œdipe est (qu’il traite de trognon) refoulement d’un autre type puisque c’est un
une façon résiduelle avec quoi nous pouvons opérer. refoulement sans retour, sans retour à la même
D’ailleurs le souci constant de Lacan a été d’opérer classe et s’il y a retour le retour se fait ailleurs dans
avec autre chose que ça, cette ambition on la voit une autre dimension. Lacan l’appelle le réel. Retour
tout à fait diverger dans ses séminaires des nœuds par exemple sous forme d’hallucination dont le sujet
qui sont tout animés par l’idée de trouver autre chose effectivement est convaincu, retour pour le sujet
pour opérer que précisément le trognon d’Œdipe. Ça sous la forme de l’impossible à admettre et c’est
c’est la première thèse nécessaire à la théorie bien là précisément qu’il fait l’expérience du réel.
lacanienne de la psychose qui ne dépend pas Autrement dit Lacan a montré la nécessité d’isoler
strictement de l’expérience de la psychose mais bien un autre mécanisme que celui du refoulement
plutôt de la névrose. s’agissant de la psychose, d’un refoulement sans
– La seconde thèse de Lacan. Dans la psychose est retour du refoulé sinon dans le réel et de la même
atteinte au fond, ce à partir de quoi il obtient cette façon que Freud avait thématisé ce mécanisme du
idée, c’est que effectivement cette perturbation refoulement dans la névrose, Lacan au fond a bricolé
cataclysmique à la fois du monde, du sentiment de la avec des éléments épars chez Freud un mécanisme
réalité, des relations avec autrui, du délire commun correspondant pour la psychose dont bien sûr il y a
qui fait le bon sens, ne peut trouver sa racine des linéaments chez Freud. Mais il ne faut pas se
fondamentale que dans une lésion de cette armature dissimuler que le terme de bricolage n’a rien
signifiante. Tout ceci n’est encore que thèses d’injurieux c’est le terme que Levi Strauss emploie
préalables à la forclusion du nom du père car, tout ce s’agissant de structuralisme "on pense en bricolant".
qu’on essaie d’isoler comme cause de la psychose L’année prochaine en prenant le thème de la
est toujours insuffisant il faut aller jusqu’à la racine, psychose, vous verrez que tes sources chez Freud de
jusqu’à cette armature d’ensemble. la fameuse Veruerfung, de la forclusion comme
– Troisièmement. La troisième thèse (toujours Lacan l’a traduit et isolé, sont des sources tout à fait
préliminaire) est une conséquence des deux éparses, minimes, où le vocabulaire de Freud n’est
premières : il faut supposer que dans la psychose un pas toujours consistant ; c’est pourquoi pendant très
signifiant fait défaut au sujet. Pure hypothèse, loin longtemps on a dit que Lacan avait honteusement
d’être une thèse absolument ésotérique, c’est au sollicité le texte de Freud. Il faut bien apercevoir
contraire quelque chose qui peut se fonder pas à pas qu’il y avait une sorte de nécessité structurale, à
et ça ouvre alors aux deux thèses suivantes : la trouver un mécanisme qui fasse le pendant du
quatrième et la cinquième. mécanisme du refoulement dans la névrose, et c’est
cette orientation robuste et sage qui a dirigé Lacan
La quatrième. Comment manque ce signifiant. La sur la forclusion. Ceci ne nous dit pas encore de quel
réponse de Lacan c’est qu’il faut bien supposer qu’il signifiant il s’agit. Et quand vous lirez ce livre qui
lui manque complètement au point de n’avoir lamais doit sortir : "le séminaire des psychoses", vous
été inscrit dans cette armature et c’est ça qu’il verrez le côté roman policier de ce texte : quel est le
appelle forclusion : il est forclos. Et là Lacan signifiant qui manque ? Lacan en avait-il l’idée
introduit l’idée d’un retranchement complet du depuis le début ou seulement à la fin du texte. Je
signifiant par rapport à cette armature qui pense qu’il le savait déjà puisque c’est la fonction
évidemment ne prend sa valeur que de se essentielle de l’œdipe freudien qui est en cause, mais
différencier des autres modes du manque qu’on peut il aménage soigneusement le suspense à ses
trouver chez Freud, comme par exemple l’analyse de auditeurs et d’ailleurs, même dans les méandres,
la Verneinung chez le névrosé. Là aussi on a (dans le dans ce qu’il propose comme solution alternative, il
lapsus par ex.) retour d’un élément refoulé, c. a. d. y a beaucoup à apprendre et j’ai essayé, et encore
un modèle de retranchement de signifiant mais qui trop rapidement de le faire à Paris.
s’accompagne d’un retour dans le dimension du Cinquièmement. Donc la dernière thèse c’est que ce
discours, de la parole. Autrement dit là, nous signifiant qui manque sous le mode de la forclusion
repérons cette loi que Lacan isole à partir de Freud c’est le signifiant du père ou encore du nom du père.
que le refoulement et le retour du refoulé c’est la Lacan l’appuie essentiellement d’abord sur l’étude
même chose. C’est bien un mode de retranchement du cas Schreber et il investit d’ailleurs donc son
du signifiant mais qui s’accompagne de son retour analyse de nombreuses études anglo-américaines
dans la même dimension symbolique. Ce dont on ne dont celle de Nierderland sur la fonction paternelle
veut rien savoir finalement se fait quand même chez Schreber. Ces textes auxquels Lacan se réfère
savoir dans la parole. La psychose elle, montre un ont été traduits et publiés chez P. U. F. sous le titre

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"Le cas Schreber, l’ensemble de ses études". Si vous La structuration du développement de l’enfant et
étudiez l’année prochaine il faut au moins que vous spécialement l’abord des causes de la psychose à
alliez regarder ces textes de Nierderland. partir du couple mère-enfant témoigne que deux
termes supplémentaires manquent, termes que Lacan
Quand Lacan construit sa théorie des psychoses, il a acquis de deux voies distinctes, le Nom du père et
prend en même temps le cas Schreber et le cas Hans. le Phallus toujours offerts comme identification
Dans la chronologie de son enseignement c’est possible à l’enfant. A cet égard, le schéma (Nom du
l’année suivante, celle où il a étudié Schreber qu’il a père sur le désir de la mère – désir de la mère sur X)
étudié le petit Hans, mais en dème temps c’est bien ce schéma qui montre le Nom du Père supplantant,
le cas de Hans qui éclaire le cas Schreber ; car si à métaphorisant le désir de la mère pour faire surgir
partir du cas Schreber, Lacan dégage la fonction du une signification à la place d’un X est un schéma qui
nom du père, isole le signifiant fondamental Nom du vaut aussi bien pour la psychose que pour la phobie,
Père, en retour c’est grâce au cas du petit Hans qu’il pour la névrose et voire pour la perversion. La
isole la fonction phallique. Dans le séminaire sur les phobie apparaît donc comme une plaque tournante
psychoses vous verrez que la fonction phallique de la clinique. Quel est le point essentiel de cette
n’est pas du tout au premier plan, elle est présente année : c’est d’un côté l’imaginaire toujours proposé
dans les intervalles et les interstices. C’est parce que de la complétude du couple mère-enfant, de la
Lacan dispose de ce Nom du père, qu’il arrive à solidarité de la complétude du couple mère-enfant,
isoler la fonction du signifiant phobique, qu’il arrive sous les auspices des soins maternels, et de l’autre
à l’expliquer d’une façon très élégante comme côté ce que nous apprennent Schreber et le petit
opérant une suppléance du Nom du père. Oit Hans.
brutalement, la phobie est un petit délire, une petite La clinique freudienne reprise par Lacan rayonne à
métaphore délirante construite pour suppléer au partir du désir de la mère, de la mère désirante qui
Nom du père qui n’est pas parfaitement bien à sa n’est pas le personnage de la mère, mais qu’il faut
place. C’est la façon la plus élégante de rendre saisir à partir de sa fonction et de son mathème : elle
compte de la fonction de signifiant à tout faire, le rayonne à partir du l’Autre barré, de l’Autre avec un
cheval, qui vient en premier lieu, faire béquille à la manque. Alors que tout le discours de Winnicott
fonction du Nom du père. Le petit Hans nous tente à développer ce qu’il imagine être la norme du
présente une exégèse de qu’est ce qu’est "ce tête à développement : un Autre sans manque parce que
tête" de la mère et de l’enfant, dont on voudrait qu’il l’enfant vient le complémenter d’une façon
se passe sous les espèces de la complétude. Or ce suffisamment adéquate. Ce ne sont pas des querelles
que Lacan a introduit d’essentiel avec le petit Hans, de théoriciens. En effet dans la pratique de la cure
c’est la mère comme désirante. On se trompe si on winnicottienne, ça a une incidence ravageante. Le
n’isole pas la mère comme désirante. Pour tous ceux désir de la mère ce n’est pas une clé qui ouvre toutes
qui ont à faire avec les enfants psychotiques, le les portes. Il faut le repérer d’une part sur le graphe
rappel winnicottien de la mère suffisamment bonne, de Lacan à partir de l’A et d’autre part dans les
trouve son interrogation ici. Car la question qui est textes de Freud à partir de la fonction de la
posée par l’analyse du petit Hans n’est pas la castration maternelle. Le propre de Lacan est d’avoir
question de la mère suffisamment bonne, mais la ponctué ce point d’une façon qui aurait dû rendre
question de la mère suffisamment désirante. Et il y a impossible les développements à la Winnicott et
donc deux cliniques de la psychose tout à fait d’autres du même type qui reposent tous sur la
opposées selon l’une ou selon l’autre. Évidemment suture du dédit de la mère. Ça a une incidence
c’est plus facile de s’identifier à la mère décisive dans la cure analytique parce que ça a une
suffisamment bonne que de s’identifier à la mère conséquence sur l’identification de l’analyste
désirante. La mère qui soigne et la mère qui désire comme analyste. Vous savez que Lacan a pris soin
ça fait deux. de ne pas théoriser la cure analytique à partir de
La leçon du petit Hans que Lacan isole c’est la l’identification à l’analyste, mais au contraire à
fonction de la castration et corrélativement partir de sa désidentification. L’analyste est un sujet
l’identification virtuelle de l’enfant au Phallus, qui désidentifié que son analyste a mis à même d’être à
est le corrélat de la castration maternelle. A cet distance dans son exercice analytique de ses
égard le Nom du père a une fonction séparatrice. Du identifications, pour pouvoir accueillir celles qui lui
coup la carence essentielle qui est à mettre en jeu sont projetées. C’était vraiment la première théorie
c’est la carence paternelle, pas la carence maternelle. de Lacan qui faisait de l’analyse une paranoïa
dirigée. Théorie tout à fait liée à sa thèse de la

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paranoïa primitive où ce qui est primitif c’est la serait utile de ne pas avoir comme référence
paranoïa, et où dans l’analyse il est possible de exclusive Lacan et Freud mais de voir comment à
projeter de façon paranoïaque ses identifications sur partir de l’approche même de Lacan se mettent en
l’analyste qui se fait par là même spécialement place d’autres discours qui apparaissent plutôt
neutre. La neutralité bienveillante Lacan au fond en comme des partalisations de sa conception et en
a fait une fonction structurale, un sujet désidentifié l’occurrence de façon avouée chez Winnicott sinon
en mesure de répondre à la place de l’autre, ce qui une déviation du moins une transgression par rapport
ne veut pas dire s’identifier à l’autre. L’essentiel de à ça.
l’apport de Lacan c’est d’avoir justement fait la
distinction entre s’identifier au grand autre et Je veux maintenant parler de Winnicott (c’est le
répondre à la place de l’autre. La simagrée de cœur de mon exposé), à propos de la psychose pour
l’analyste classique c’est justement une simagrée la situer par rapport à ses repères lacaniens. On a
grand autre non barré : afficher l’absence de désir. voulu faire de Winnicott l’anti-Lacan et, on a cru
C’est ce qu’on a supposé un moment être le fin du qu’on pouvait opposer ce qu’il y avait d’abstrait
fin du génital. D’où même le scandale que Lacan a chez Lacan à ce qu’il y aurait eu de concret chez
constitué comme sujet pour les analystes Winnicott et ça en a tout cas fait le succès de
traditionnels, d’afficher (parce qu’il l’affichait lui) Winnicott en France depuis dix ans, un succès qui
son manque. Il n’a pas cessé d’afficher son manque, est beaucoup plus net qu’aux États Unis par exemple
c’est ce qui lui a d’ailleurs valu cette imposante peut être même qu’en Angleterre. En tout cas il est
clientèle qui n’a pas plus réussi à étancher son sensible qu’à partir des années 70 et comme une
manque. Quand on se situe convenablement par sorte de réponse à Lacan on s’est mis à traduire
rapport à son manque, ça ne cesse pas de venir et en Winnicott, car les analystes français ne trouvant pas
même temps ça ne comble jamais. C’est de ressources en eux-mêmes, ils sont allés les
effectivement un modèle tout à fait distinct de la chercher chez Winnicott. Je voudrais sérieusement
complétude que Winnicott propose comme modèle mettre en cause la distinction entre l’abstrait et le
de la cure analytique. Ceux qui s’identifient à concret, car s’agissant de la psychanalyse ça paraît
l’Autre, c’est ça que Lacan appelle les salauds et très peu de mise. Quoi de plus abstrait et concret en
c’est une fonction tout à fait risquée pour l’analyste même temps que la situation analytique, quel artifice
entre répondre à la place de l’autre et s’identifier à prodigieux représente t’elle en même temps, une fois
l’autre. Il faut bien en distinguer l’évolution dans que le processus a démarré, avec quelle aisance les
l’enseignement de Lacan. Ce qui est fondamental partenaires se retrouvent-ils à leur place convenue
c’est mettre entre parenthèse les identifications pendant un temps parfois fort long ! Aussi le terme
imaginaires de l’analyste dans l’exercice de même de discours élaboré par Lacan dépasse-t’il le
l’analyse. Donc un certain vidage de l’imaginaire clivage de l’abstrait et du concret. Lorsqu’on est au
mais ce vidage doit être opéré pour que l’analyste niveau du mathème, abstrait et concret ne se
opère au lieu de l’Autre, c’est à dire dans la distinguent pas.
dimension symbolique et pour que l’analyste opère Mais si il y a quelqu’un qui est abstrait c’est ça que
comme objet a dans le réel (évolution théorique peu je voudrais vous montrer c’est bien Winnicott et
soupçonnée jusqu’à présent aussi par ses analysants certainement pas Lacan. Je le dis sans antipathie
parce (lu il y a eu aussi une évolution dans sa pour Winnicott, Winnicott qui n’a pas été un chef
pratique). Mais pour atteindre enfin Winnicott – d’école à proprement parler, s’est situé en
(nous mettons à part la désidentification lacanienne Angleterre entre Anna Freud et Mélanie Klein ; il a
de l’analyste) il faut dire ce qui était apparu comme permis à la société anglaise de tenir le coup sans être
une identification dans la cure freudienne classique, complètement déchiré entre les annafreudiens et les
c’était l’identification de l’analyste peu ou prou au kleiniens. Il s’est donc trouvé dans une position de
père ou au savoir.Le voisinage de ces deux termes président conciliateur de l’association britannique.
nous renseigne par lui-même, une identification qui Et s’il n’est pas un inventeur, ce qui est encore à
trouve ses ressources dans le symbolique. La voir, il y a certainement une grande fraîcheur dans
nouveauté de Winnicott même si elle n’est pas ses écrits. Je le dis un peu en néophyte, car je
entièrement reconnue comme telle, c’est d’avoir m’étais contenté de lire le grand article de Winnicott
proposé une identification de l’analyste à la mère. sur l’objet transitionnel que Lacan a été le premier à
Par cette voie il a annexé une nouvelle clinique au faire traduire dans les années 50 et je suis néophyte
champ freudien, en tout cas ça a été son ambition. Si des autres textes que j’ai attendu un peu longtemps
vous travaillez la psychose l’année prochaine il pour lire. Mais je suis encore sensible à la fraîcheur

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de ses textes, au style simple et dépouillé Freud une limite théorique et historique et qui tient
d’affecterie du texte de Winnicott et surtout au selon Winnicott au choix des patients. L’ambition de
sentiment qu’il ne copie pas mais qu’il essaie de Winnicott est d’annexer au champ Freudien toute
serrer son expérience. Au fond ce qu’il nous donne une clinique, de faire entrer dans l’expérience
se présente très souvent comme un témoignage à analytique toute une population qui n’y est pas
décrypter. Lacan a toujours été pro-Winnicott et si propre et pour ça de modifier les coordonnées de la
on a voulu faire de Winnicott l’anti-Lacan ce à quoi situation freudienne. Selon lui, Freud a traité des cas
Winnicott ne s’est pas spécialement prêté, Lacan lui, de névroses bien choisis, où le patient avait déjà un
a toujours été pro-Winnicott. D’abord il a fait Moi bien constitué, et les cas que W. se propose de
traduire sa revue dans les années 50 lorsqu’on ne faire entrer dans l’expérience analytique et de traiter
parlait pas du tout de Winnicott en France et pas en modifiant cette expérience elle-même, ce sont les
tellement ailleurs, son grand article sur les objets patients sans Moi. On lit en effet dès le deuxième
transitionnels qui se retrouve dans son jeu et réalité paragraphe que" Freud a été en mesure de formuler
et qui est une des composantes de l’objet petit a de une théorie des premières étapes du développement
Lacan. Deuxièmement il y a un passage de Lacan où effectif de l’individu à une époque où la théorie ne
il qualifie Winnicott ainsi : d’être un psychanalyste s’appliquait qu’au traitement de cas névrotiques bien
capable de consistance, c’est de Lacan un éloge rare choisis. "Il considère que Freud a filtré sa clinique et
pour un psychanalyste contemporain. Pourquoi le qu’il a refoulé de l’expérience analytique des
qualifie t’il ainsi ? C’est ça qui pourrait nous servir patients d’un autre type. Les psychanalystes ne
de voie d’approche vers la théorie de la psychose savent pas les traiter car il faudrait modifier les
chez Winnicott et aussi vers sa pratique de l’analyse, coordonnées de l’expérience freudienne qu’appelle-
afin que vous ayez une idée des conséquences de la t-il le Moi ? Sa conception, assez fruste en fait une
théorie sur la pratique, car la théorie ce n’est pas de instance de maîtrise des pulsions du a. Le Moi est
l’abstrait. Lacan introduit Winnicott comme ayant bien constitué lorsque l’individu est capable de
repéré dans l’expérience analytique un objet maîtriser les pulsions du Ça. Evidemment c’est plus
privilégié que Winnicott appelle le False self, le faux flou à travers les textes puisque ce Moi doit être en
self. Et il est très curieux que Lacan appelle ça aussi même temps capable de vivre ses pulsions.
un objet. Deuxièmement Lacan note aussi que Je ne force pas les choses, Bais pour moi, ça me
Winnicott articule cet objet à partir du processus parait fort abstrait. Le bon Moi, c’est celui qui est
primaire freudien. Troisièmement il note que capable de se tenir contre l’angoisse issue de
Winnicott exclut cet objet de toute manœuvre l’instinct, après en avoir accepté la responsabilité,
analytique. Et alors Lacan commente : pour moi ça, Grosso modo, c’est une instance de défense et
c’est le lapsus de l’acte analytique ! Alors que veut d’intégration par rapport aux pulsions ce qui est une
dire lapsus de l’acte analytique et quel rapport y a version aménagée de l’égopsychologie. La thèse de
t’il entre ce lapsus de l’acte analytique et la clinique W. c’est que dans les cas cliniques, la bonne
de Winnicott ? Il ne faut pas s’imaginer qu’il y a des constitution de ce Moi défensif et intégratif est la
cliniques qui polémiqueraient entre elles en condition du transfert. Alors que W. dans toute son
opposant le tableau de l’une au tableau de l’autre, la œuvre vise une dimension antérieure, pré-
structuration de l’une à la restructuration de l’autre transférentielle. C’est ainsi qu’il essaie de concevoir
sans que chacune de ces cliniques n’emporte avec une autre pratique réelle adaptée aux patients sans
elle une pratique. On ne peut distinguer la clinique Moi. Ce passage de W. conduit à une inversion dans
de Freud de la pratique de Freud, ni la clinique l’expérience analytique du rapport entre la situation
freudienne telle que Lacan la reprend, de la pratique et l’interprétation. Voici la définition de la situation
de Lacan et de la conception de la pratique au ses de W. : c’est l’ensemble de tous les détails
analytique. Il y a toujours connexion à la fois de la concernant la conduite de l’analyse et dont fait partie
théorie et de la pratique de la cure et de la théorie de le comportement même de l’analyste. Dans les cas
la clinique. Nous allons en voir un excellent freudien, l’interprétation prime la situation c’est-à-
exemple, mis en valeur par Winnicott, et d’abord dire que les coordonnées fondamentales de la
voici la référence du passage de Lacan sur situation analytique vont de soi. Par contre, les cas
Winnicott : Scilicet n°3 page 23, plus la note de bas proprement winnicottiens sont les cas où la situation
de page. Il s’agit d’un extrait de "on transference" de prime l’interprétation c’est-à-dire où l’action propre
956 qui a été traduit dans le volume de Winnicott de de l’analyste ne va pas prendre à partir de
la pédiatrie à la psychanalyse "page 185, sous le l’interprétation, ne va pas dans le sens où Lacan dit
titre : les forces cliniques du transfert. Il aurait chez que l’interprétation c’est l’opération de l’analyste,

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mais au contraire où cette action vise à Modifier la analyses freudiennes, supporter la distance incluse
situation elle-même à prendre en compte les dans l’analyse freudienne parce que ils ont un Moi
coordonnées de la situation analytique. Voici telles suffisamment fort et puis de l’autre côté ceux qui ne
que W. résume ces conditions de l’expérience. l’ont pas, qui sont une autre classe de patients et qui
L’expérience analytique suppose que l’analyste soit ont pour lui un attrait propre ; et en définitive il
capable d’installer, de prendre une attitude vraiment devait même trouver des éléments de la deuxième
professionnelle à l’égard de son patient ; ça remonte classe dans les éléments de la première. D’ailleurs
à Hippocrate, dit-il, et avec ce léger humour on dit de Winnicott qu’il considère tous ses patients
britannique qui fait l’agrément de la lecture des comme des psychotiques. En fait on s’aperçoit que
textes de W., il donne les coordonnées de la situation Winnicott a une pratique globale, née de ce qu’il est
analytique freudienne. en fait persuadé que la pratique freudienne est
1°) à une heure fixée pour chaque jour, Freud se met dépassée. L’idée qui s’introduit ici à partir de sa
au service du malade. théorie du transfert consiste à mettre l’accent sur la
2°) l’analyste est là bien en vie, on peut compter sur dépendance et on voit le transfert freudien devenir
lui à l’heure dite pendant une période limitée fixée à une espèce de dépendance à tel point que dans un
l’avance, texte il peut dire : "il y a de la dépendance au début
3°) l’analyste exprime de l’amour par l’intérêt positif de la vie puisque le petit enfant ne peut pas se passer
qu’il prend et de la haine dans la façon stricte de de la mère, ça c’est la dépendance à l’endroit des
commencer et de finir la séance. (C’est très amusant sains maternels et il y a la dépendance dans le
de voir W. mettre la norme analytique des 3/4 transfert". Donc Winnicott accentue ce trait de
d’heure etc. au registre de la haine et de même la dépendance dans la relation transférentielle et
question des honoraires. La méthode de l’analyse est souligne aussi que cette dépendance du patient à
celle de l’observation objective, et l’égard de l’analyste a toujours été bien connue, bien
4°) ce travail se fait dans une pièce, pas un corridor, admise et que le grand danger est de le sous-estimer.
une pièce qui est calme, à l’abri de bruits inattendus, Il existe un article qui a pour but justement de mettre
sans être un tombeau de silence d’où est exclu tout en valeur dans la théorie de Winnicott l’accent mis
écho de la vie habituelle d’une maison. sur la dépendance dans le transfert : "une jeune
5°) Cette pièce est convenablement éclairée, il n’y a femme avait dû attendre quelques mois avant qu’elle
pas de lumière dans les yeux ni un éclairage ne puisse commencer son analyse et lorsque celle-ci
variable. débuta je n’étais en mesure que de la voir une seule
6°) La pièce n’est certainement pas obscure et une fois par semaine. Par la suite juste avant un voyage
bonne chaleur y règne. d’un mois que je devais faire à L’étranger nous en
7°) Le malade est allongé sur un divan, donc il peut arrivâmes à des séances journalières. La réaction à
être à l’aise et un plaid et de l’eau sont probablement l’analyse était positive et l’évolution rapide. Je
à sa disposition. découvris que cette jeune indépendante devenait
Au fond pour l’analyste il y a une certaine tension dans ses rêves extrêmement dépendante. Dans un
dans cette position, mais justement l’analyse rêve elle avait une tortue mais sa coquille était molle
didactique a dû le mettre en condition de supporter si bien que l’animal n’était pas protégé et en
convenablement des coordonnées de cette situation. souffrirait certainement. C’est ainsi que dans le rêve
Alors Winnicott veut marquer que cette situation ne elle tuait la tortue pour lui éviter la douleur
convient pas au cas nouveau qu’il veut annexer à la insupportable dont elle allait souffrir. Il s’agissait
clinique proprement freudienne et donc qu’il faut d’elle-même et dénotait une tendance au suicide.
modifier ces coordonnées, qu’il faut modifier cette C’était pour en guérir qu’elle était venue se faire
distance maintenue à l’égard du patient, qu’il faut soigner. La difficulté était qu’elle n’avait pas encore
agir sur ces différents points. Il faut agir sur ces eu le temps dans son analyse d’affronter les
éléments qui concernent le confort et là déjà, réactions à mon départ. Elle eut donc ce rêve de
Winnicott met l’accent dans la situation analytique suicide et cliniquement elle tomba malade
sur ce qu’elle comporte de soin de la part de physiquement. Hais cette maladie n’était pas claire.
l’analyste. Sa grande – innovation dans la pratique Avant mon départ j’eus le temps juste, mais tout
est donc d’aller plus loin dans le sens du soin et de juste de l’amener à sentir qu’il y avait un rapport
faire disparaître justement les éléments qui entre sa réaction physique et mon départ. Celui-ci
maintiennent là une distance supplémentaire. Tantôt avait réactivé un épisode traumatique d’une série
Winnicott fait vraiment deux classes de patients, d’épisodes de sa petite enfance. C’est comme si je la
ceux qui ont un Moi costaud et peuvent subir les tenais puis me préoccupais d’autre chose si bien

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qu’elle éprouvait le sentiment d’être anéantie, c’est qu’on lit avec surprise à la fin de ce texte où on voit
le mot qu’elle employa. La maladie physique W se reprocher d’être parti. Bien qu’il soit satisfait
représentait une localisation dans un organe de son d’avoir dit : votre maladie tient à mon départ, il se
corps de son besoin absolu de mourir. Elle s’était reproche d’être parti "ce que je crains (p. 256) c’est
sentie désarmée à cet égard jusque au moment où je qu’en me permettant ce voyage d’un mois à
pus interpréter ce qui se passait. Elle en fut soulagée l’étranger, je puisse avoir déjà échoué
et devint capable de me laisser partir". Au fond prématurément, si bien que je l’ai peut-être rendue
Winnicott interprète de la façon suivante : "voilà vraiment malade maintenant, tout comme des
vous êtes maintenant dépendante dans la relation facteurs externes imprévisibles l’ont en fait rendue
analytique de moi et vous y êtes vulnérable et cette malade dans sa petite enfance" D’un côté W laisse le
simple interprétation lui a permis de s’adapter à la savoir à la place supposée par exemple quand il dit
situation", et il ajoute : "j’aurait pu interpréter sa je n’interprète pas pour que surgisse la dépendance.
colère autrement, en terme de sadisme oral, mais ce Par là certainement il se met à la place de l’objet
que j’ai fait c’est analyser sa dépendance". perdu mais cet objet perdu il l’entend l’être ici et
Winnicott critique que la psychanalyse telle que maintenant pour le patient et c’est pourquoi ce
nous l’apprenons ne ressemble pas du tout aux soins semblant prend chez lui la forme de la mère
maternels. L’objet de la psychanalyse serait de réparatrice que l’analyste doit être. Cette patiente a
ressembler aux soins maternels jusqu’à la première subi des dommages dans son enfance par carence de
identification qui est proposée à l’analyste, soit soins maternels il s’agit par la dépendance d’obtenir
l’identification à la mère non désirante. L’idée de une régression à un état comparable de telle sorte
Winnicott est que cette dépendance qu’il voit surgir que l’analyste en tant que mère réparatrice obtienne
au début de l’expérience analytique soit activée de la réfection de la structure psychique première. Si
telle sorte que le patient soit amené à régresser à ses son concept clé pour le développement c’est la mère
premières expériences douloureuses, c’est à dire suffisamment bonne, pour la cure c’est l’analyste
avec une mère qui n’était pas suffisamment adéquate suffisamment bon et suffisamment bon veut dire
à son râle. Il y a donc dans un premier temps une non-désirant. Alors, d’autre part, comment Lacan
sorte d’absence d’interprétation. Et de cette absence dans son schéma situe-t’il le désir de la mère ? C'est
d’interprétation surgirait une relation renforcée de précisément que la mère n’est pas toujours là,
dépendance du patient. Winnicott entend donc qu’elle puisse manquer à l’enfant, c’est à dire elle-
pratiquer une analyse non directive. A côté des même être appelée par ailleurs. Lorsque Lacan
analyses des résistances comme direction donnée, évoque son schéma p. 157 il y a une formule qui est
Winnicott au contraire laisse la patiente faire ce difficile à saisir, il parle de la place du désir de la
qu’elle entend, c’est ce qu’on voit à partir du petit mère et il dit – c’est la place premièrement
paragraphe : "la patiente me déclara que l’élément symbolisée par l’opération de l’absence de la mère –
principal qui avait amené cette évolution Cette place W. la vise dans son article. Il considère
involontaire et très rapide vers la dépendance était le que toutes manifestations de ces désirs par l’absence
fait que je laissait les choses être ce qu’elles sont, et est traumatisante et même pour l’analyste peut être
que je désirais voir ce que chaque séance irréparable dans le dommage qu’il peut causer au
amènerait". Il y a là un côté apparemment lacanien patient. Ce qu’il appelle la dépendance c’est
dans ce laisser être et Winnicott en tire la l’articulation du rapport à l’Autre comme lieu de
conséquence immédiate :"vous pourriez donc dire l’objet perdu sous la figure de la mère. L’Autre dont
que je suis la cause de votre malaise". Et il y a un il s’agit ce n’est pas l’Autre du signifiant c’est
couple qu’on voit surgir entre le laisser être de l’Autre du soin et même le soin comme tel dont on
l’analyste et le surgissement de la relation de témoigne par la présence mais pas le soin de
dépendance chez la patiente qui met le l’amour. C’est le soin comme présence, sans que soit
psychanalyste dans la position d’être la cause de ce question de Nom du Père ou de Phallus qui sont des
qui survient là précisément au désir de la patiente. fonctions qui prennent sens qu’à partir de la mère
La conception de Winnicott n’est pensable que à désirante. Il fait de l’enfant et de la mère un
partir du point que l’analyste est cause du désir (cf. couplage, comme lorsqu’il parle du nourrisson qui
texte de W. : processus de maturation chez l’enfant n’existe pas tout seul. C’est une conception très
p. 249) nous voyons surgir la position de l’analyste extrême de la relation à l’Autre plus une exigence de
comme cause de désir. Il est clair ici que W est prêt plénitude chez l’Autre. W. considère le rapport à
à s’identifier à l’objet perdu par le patient mais en l’autre maternel comme constitutif de l’existence
tant qu’il est présent et qu’il doit l’être. C’est ce même de l’individu, que s’il y a relation, il y a

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anéantissement de l’individu ; si la mère n’a pas été (donc se rapproche du ça, du silence des pulsions
assez présente il y a des discontinuités dans le dont Freud dit qu’il est toujours régi par le principe
sentiment d’existence, c’est le moi de la mère qui du plaisir) mais qui, en même temps a un côté
doit suppléer à celui de l’enfant. De rogue que le subjectif marqué par le terme de soi et qui appartient
petit enfant au départ n’a pas de moi et en quelque au fait d’entrer en vie. L’intuition fondamentale de
sorte introjecte le moi de la mère. Alors il est Winnicott, loin d’être quelque chose de plus concret
sensible que la mère winnicottienne est une mère que le sujet du signifiant, c’est l’idée d’un certain
sans faille et toute sa théorie du développement se sujet de la vie, d’un sujet pur car même la mort n’est
fait en absence du père, ce qui est corrélatif de la pas à l’opposé de cette vie du self. La mort est
dévalorisation du signifiant et de l’interprétation quelque chose de tout à fait postérieur et c’est pour
chez Winnicott. Il est utile d’avoir la référence de ça qu’il dément l’idée d’une pulsion de mort. Il y a
Winnicott par rapport à Lacan parce que la psychose un point de vie intangible, premier qui constitue son
n’est pas rapportée à la forclusion du Nom du Père intuition essentielle et qui est à l’opposé du sujet du
mais rapportée à la faillite du soin de la mère. signifiant, seule conception qui permet de penser la
L’analyse a pour but d’obtenir une régression pulsion de mort et donc il n’y a pas de synthèse
thérapeutique c’est à dire la réparation par la possible entre Winnicott et Lacan Ce self central est
seconde mère, l’analyste. susceptible de recevoir des traumatismes et c’est à
partir de là que s’organisent les défenses primitives.
C’est là que s’introduit cette création proprement Parmi ces défenses, il y en a une qui est bonne et une
winnicottienne de faux self dont Lacan a dit que qui est mauvaise La bonne c’est le moi qui constitue
c’est un objet de son expérience et que sa vrai la carapace de cette tortue molle à quoi la patiente
traduction serait l’analyste comme cause du désir. Il avait régressé dans son rêve. Le moi, c’est la bonne
Faut partir du vrai self et même de quelque chose de adaptation de ce self central mais s’il y a du
très singulier que Winnicott appelle le self central. traumatisme marqué par la disjonction entre ce self
Winnicott n’est pas un penseur tout à fait concret et l’environnement, alors naît cette formation que
parce que comme il le dit les mots lui manquent Winnicott appelle le faux self. Le faux self est ce qui
pour parler de ce self, du vrai self, du self central. sert de carapace au self lorsque le moi n’émerge pas,
Winnicott le dit à sa traductrice qui lui demande défaille. Loin de permettre au vrai self de s’épanouir
comment traduire ce terme de self puisque soi n’est cosse un bon moi doit le faire, le faux self prend la
pas adéquat et ce terme est passé comme tel de place du self, l’opprime, l’étouffe, et c’est là que
l’anglais au français comme un terme intraduisible. Winnicott rencontre le phénomène de
Il répond d’abord : "je me suis demandé si j’étais en dépersonnalisation, les états schizoïdes, la
mesure d’écrire quelque note à propos de ce terme dépression. Le vrai self provient de l’équilibre du
nais bien sûr dès que je m’y suis mis je me suis corps et des fonctions du corps y compris ceux du
rendu compte que ce que j’entendais par là était cœur et de la respiration. Le vrai self apparaît dès
assez mal défini dans mon esprit. Donc une sorte de qu’il existe une quelconque organisation mentale de
signifiant énigme ; et puis un peu plus loin, il donne l’individu et il n’est pas beaucoup plus que la
un essai d’approche du Self : à mon avis, le self qui somme de la vie sensori-motrice. Le vrai self
n’est pas le moi-ego, est la personne qui est moi, qui acquiert vite de la complexité et établit des rapports
n’est que moi, une totalité qui se fonde sur le avec la réalité extérieure ". D Dans son exaltation
processus de maturation ; en même temps le self est pour le self, Winnicott va jusqu’à dire que c’est un
constitué par ces parties qui s’agglutinent les unes mot différent de tous les autres. Tous les mots sont
aux autres à partir de l’intérieur, au cours du utilisés, mais avec le self, on a un terme qui de par
processus de maturation avec l’aide de sa nature dépasse notre connaissance. Il peut nous
l’environnement humain. Le self se trouve placé utiliser et être notre maître. Avec le mot de self, –
dans le corps par nature mais il arrive dans certaines Winnicott s’est approché du signifiant lacanien. Il
circonstances que le corps s’en dissocie et vice dénote pour lui l’opacité fondamentale de la vie et
versa. Le self se reconnaît essentiellement dans les des fondements de la continuité d’être du sujet. Le
yeux et le visage de la mère ainsi que dans le miroir. pseudo self, c’est un concept extrêmement large qui
Seul le self donne un sens au fait de vivre". Il y a là regroupe une suite de réactions innombrables à une
une sorte d’intuition fondamentale de Winnicott qui carence d’adaptation. De la même façon que le vrai
est celle d’un point identique à lui-même qui ne self est le sujet de la vie, le faux self est la somme
communique pas, qui est en quelque sorte toujours des carences d’adaptation. Chez Lacan le manque a
inaccessible au principe de réalité et silencieux toujours une fonction positive et structurante : le

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désir est articulé au manque et donc sans Qu’il soit du phantasme devait prendre chez lui la forme guère
question de libérer le désir, le désir comporte le éloignée de la défection sur le divan. C’est une
Banque. C’est bien plutôt de l’obturation de ce invitation à traverser la régression sous les aspects
manque qu’on peut rapporter les déficiences ou d’une régression dans le réel. L’identification à la
malaises ou angoisse. Chez Winnicott, c’est négatif ; aère pleine de Winnicott induit-elle une clinique de
ce qu’il appelle le faux self, c’est l’expérience la psychose ? Car à la limite on voit plus de
répétée de l’objet perdu. Nous nous rapprochons de différence entre le faux self et le coi me tel à cet
cette surprenante identification de Lacan que la clé égard. Si on dit mère complète, ça veut dire une
de ce lapsus qui constitue le faux self, c’est mère non châtrée et toute la conception de la
l’analyste comme cause du désir, comme objet a. clinique et de l’analyse chez Winnicott élève la
Winnicott rasasse dans le faux self la suite des statue d’une mère qui ne serait pas châtrée. C’est
expériences de manque comme une sédimentation une mère qui n’a pas de référence au Nom du Père
des carences Le côté objectal du faux self en rend pour une raison tout à fait précise dans la pratique
très bien compte dans l’expérience analytique par la position adoptée par l’analyste. Demandons
lorsqu’il dit d’un patient à faux self :" lorsque vous nous pourquoi chez Freud le Nom du Père avait
le recevez vous avez l’impression de recevoir un émergé, demandons nous si dans toutes les théories
enfant avec sa nourrice. Alors on commence à parler sur la psychose qui sont répandues dans les
avec sa gouvernante et c’est seulement après qu’on institutions d’appartenance Winnicottienne qui se
commence à parler à l’enfant. "Il y a des analyses où suffisent de la conception du soin, est-ce qu’on ne
pendant des années on n’a pas parlé avec le patient fait pas que répandre une propédeutique perverse. A
ce qui est une façon d’approcher ce qu’évoque l’horizon de toutes ces thérapeutiques du soin, il y a
Lacan à propos de la parole vide. la figure de l’Autre non barré, voire de la mère non
châtrée, de la mère phallique.
Il faudrait tirer ce faux self de la théorie du
développement pour arriver à voir que c’est un objet
de l’expérience analytique qui est isolé. C’est ce que Questions à Jacques-Alain Miller
Lacan distinguait comme la fonction imaginaire du
moi. Si l’analyste converse avec cette fonction Q. — Votre lecture de Winnicott semble indiquer un
imaginaire, on est dans le registre de la parole vide. glissement, à savoir un Autre qui n’est pas barré
Winnicott l’a approché en tant qu’une sorte de mère dans la position analytique. Winnicott dit pourtant
interne parce qu’il dit quelque part que ce faux self que c’est avec les carences de l’analyste qu’il y a un
assure le holding du self. En isolant cet objet, travail qui se fait.
Winnicott cherche à le contourner pour dégager le
vrai self. C’est ce qu’on trouve à la page 188 de "de J.-A. Miller — Une fois W. dit cela : c’est parce
la pédiatrie à la psychanalyse" : "le faux self s’en qu’il est un extrémiste de la position de complétude
remet à l’analyste. Dans cette théorie de la cure en tenu par la mère. La mère vraiment bonne est
définitive il y a une remise de l’objet faux self entre initialement celle qui serait toujours là en évitant
les mains de l’analyste. Désormais c’est à l’analyste toutes les carences d’adaptation. W. vise un point
quasi de s’identifier à cet objet Avec toutes les dans la relation à l’autre où le manque n’a pas la
différences qu’il y a entre cet objet et l’objet a de moindre place. W. n’est pas lacanien car dans la
Lacan on pourrait voir le lapsus de l’acte analytique problématique du self et du faux self, rien ne permet
chez Winnicott. Winnicott note qu’il a eu beaucoup de dire chez W. qu’il reconnaît là des carences de
de succès avec le concept de faux self et il Finit par symbolisation,
l’étendre d’une façon tout à fait indue, car avec le
concept de faux self on peut à peu de frais avoir une Q. — Que dire d’un rapprochement Freud-Winnicott
théorie complète de la psychanalyse. Winnicott va si on dit que pour Freud l’analyste est un ersatz du
jusqu’à dire que l’aspect premier du faux self sont père ?
les bonnes manières, la politesse, la courtoisie, la
façon dont la société impose ses règles. J.-A. Miller — Ni Lacan ni Winnicott n’ont repris
Contrairement à ce que dit Winnicott qui distingue chez Freud cette pseudo identification au père, il n’y
deux classes de patients, dès qu’on entre chez lui on a pas non plus chez Lacan la moindre complaisance
est déjà un patient à faux self, c’est à dire un patient pour un soi-disant transfert maternel, transfert qui
qui est invité à régresser et la régression pour Winnicott signe la dépendance de cette relation
winnicottienne va loin. Chez Winnicott la traversée

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Lacan innove (et il est proche de Klein) quand il


admet la position de l’analyste comme objet. Klein
voit la fin de l’analyse didactique comme le deuil
d’un objet. Freud n’a pas analysé ce rapport à l’objet
qu’est l’analyste pour la fin de ses analyses. Chez
Lacan, il ne s’agit pas du même objet que chez
Winnicott, car le transfert vise une rencontre
tangentielle du réel.

Q. — Dora, objet séducteur pour Freud n’est-ce as


cela qui a ouvert à Lacan dans les années 0 une
appréhension clinique de l’objet a par apport à la
fin de l’analyse.

J.-A. Miller — Il y a des transformations cliniques


importantes dues à l’analyse : que devient la pulsion
à la fin de l’analyse ? L’analysant constitue quasi
une nouvelle entité clinique à côté du névrosé, du
pervers, du psychotique. En échappant à la
normalisation l’analyse a produit un cas clinique
nouveau.

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