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Les cycles géochimiques

Le Cycle du Carbone

Introduction
L’élément Carbone1 (C) s’est formé au cours de la phase stellaire de la formation du système solaire : 3
noyaux d’hélium fusionnent pour former 1 noyau de 12C stable. Puis le réchauffement gravitaire de la
protoplanète a favorisé les réactions de réduction qui aboutirent à la libération de CO 2 :
(Mg,Fe)SiO4  MgSiO3 + FeO , FeO + C  2 Fe + CO2
olivine pyroxène magnésien

Le carbone est l’élément de référence de tous les constituants de la matière organique : glucides,
lipides, protides, acides nucléiques et vitamines. Le carbone est capté par les autotrophes sous forme
de CO2 puis incorporé dans leurs molécules organiques (cycle de Calvin). L’utilisation des autotrophes
par les hétérotrophes à des fins trophiques permet le transfert du C d’un niveau à l’autre des chaînes
alimentaires. Le C retourne à l’état minéral durant toute la vie des êtres vivants (échanges gazeux
respiratoires, excrétion) et à leur mort. La présence du C alternativement sous forme minérale et
organique, le caractère réversible et équilibré des échanges entre les différents réservoirs permettent de
définir un cycle biogéochimique du C dans la réalisation duquel les êtres vivants ont un rôle moteur : le
cycle actuel du carbone est conditionné par la photosynthèse et la respiration.

1 - Les réservoirs de dioxyde de carbone dans la nature actuelle


Un réservoir représente un compartiment qui contient un élément donné (le C) sous une forme donnée

oxydée (CO, CO2, HCO3-, CO32-),


non oxydée (C) ou
réduite (MO : Cn(H2O)n, CH4, hydrocarbures, charbon)

séparé d’un autre réservoir par des barrières physiques (couche de charbon /atmosphère) ou de
dissolution (atmosphère/hydrosphère, hydrosphère/sédiments) mais susceptible de réaliser des
échanges avec lui (dont l’intensité est donné par le débit ou le flux, masse de l’élément transféré d’un
compartiment à l’autre par unité de temps) ; les réservoirs de C dans la nature actuelle sont les
réservoirs atmosphérique et hydrosphérique, les sédiments et les roches, la MO vivante ou morte.

Un système constitué de plusieurs réservoirs qui réalisent entre eux des échanges est en équilibre si les
sommes des flux entrants et sortants sont égales pour chacun des réservoirs ; si ce n’est pas le cas, le
système est en déséquilibre : un des réservoirs s’enrichit ou s’appauvrit en C. On définit le temps de
résidence d’un élément dans un réservoir comme le rapport entre la masse totale de l’élément contenu
dans le réservoir et la somme des flux entrants et sortants : c’est le temps moyen nécessaire au complet
renouvellement du réservoir pour l’élément considéré.

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Masse atomique = 12, ion 4+ de rayon = 0,016 nm.
Le cycle géochimique du carbone
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1 – 1 – Le réservoir atmosphérique
Le réservoir atmosphérique de carbone est constitué essentiellement par le dioxyde de carbone
atmosphérique, présent à l’état gazeux à la concentration de 365 ppmv2 (0,0365 %), d’où une masse de
carbone dans l’atmosphère estimée à 750 Gt. Sa concentration, stable dans l’atmosphère jusqu’au
début de l’ère industrielle (XVIIIème siècle), est passée de 280 ppm (0,028%) à 365 ppm ; les
conséquences de l’effet de serre dû à une telle augmentation sont à craindre (augmentation de la T
globale moyenne, fonte des glaces et augmentation du niveau marin, perturbation de la circulation des
masses d’air et des courants marins d’où des modifications climatiques locales…).
Le monoxyde de carbone est présent en quantité beaucoup plus faible (jusqu'à 20 ppm dans un tunnel
autoroutier). Il se forme naturellement à partir de l’oxydation du méthane. L’augmentation de la
teneur atmosphérique du CO est due à parts égales à la combustion des combustibles fossiles (poêle à
charbon fonctionnant mal, donnant lieu à des asphyxies) et aux incendies des forêts tropicales.

Les sources du CO2 atmosphérique sont variées :


+ des sources géologiques :
- production à partir du monoxyde de C sous l’effet des UV : CO + ½ O2  CO2 ;
- dégazage du manteau de la planète primitive, initialement rapide (90% en 600 Ma) puis
moindre mais continu à la faveur des éruptions volcaniques. Il augmente dans les périodes où le
taux d’expansion océanique est élevé : au Crétacé inférieur, le taux d’expansion océanique est
multiplié par un facteur 1,7 par rapport à l’actuel d’où une production abondante de carbonates
qui régulent l’excédent de CO2 (depuis, le taux de CO2 diminue du fait de la diminution du taux
d’expansion avec pour conséquence la baisse du niveau marin et l’augmentation des surfaces
continentales exposées à l’altération, consommatrice de CO2) ;
- précipitation des carbonates : Ca2+ + 2 HCO3-  CaCO3 + CO2 + H2O ;
- altération des silicates (dont le basalte océanique) :
CaSiO3 + Mg2+ + 2 HCO3-  MgSiO3 + CaCO3 + CO2 + H2O ;
- métamorphisme des carbonates dans les zones de subduction (libération de CO 2 accompagnant
les éruptions du volcanisme orogénique, andésitique).

+ des sources biologiques :


- respiration et fermentations ;
- oxydation du méthane produit par les fermentations dans le tube digestif des Ruminants et
émis par éructation ;
- anthropisation de la planète, en particulier depuis l’ère industrielle : grands défrichements
(diminution de la photosynthèse, brûlage des arbres et des terres, destruction rapide de grandes
masses d’humus), labours profonds (remontée du C piégé en profondeur dans le sol),
augmentation exponentielle de la combustion du bois et des combustibles fossiles
(réactualisation du C piégé sous forme de charbon et de pétrole), pollution par les hydrocarbures
(film hydrofuge réduisant les échanges atmosphère-hydrosphère).

Les principales causes de disparition du CO2 atmosphérique sont :


- l’altération atmosphérique des silicates : MgSiO3 + 2 CO2 + H2O  Mg2+ + 2 HCO3- + SiO2 ;
- la dissolution des carbonates (réaction reverse de la précipitation) ;
- la dissolution du CO2 atmosphérique ou volcanique dans l’eau CO2 + H2O  H+ + HCO3-  H+ +
CO32- ;
- la photosynthèse et la chimiosynthèse des producteurs primaires ;
- le piégeage dans les sédiments carbonés (à l’origine de la future matière organique fossile) :
sapropèles, tourbe…

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= partie par million, en volume.
Le cycle géochimique du carbone
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1 – 2 – Le réservoir hydrosphérique
Le réservoir aquatique est soumis à 2 équilibres : l’un avec le CO2 atmosphérique, l’autre avec les
carbonates. Le CO2 est présent dans l’eau à l’état dissous. Le taux de CO2 de l’eau est proportionnel à la
Pco2 dans l’atmosphère (loi de Henry) ; en conséquence, l’augmentation du taux de CO2 atmosphérique
favorise sa diffusion vers l’eau, et réciproquement : à l’équilibre, la masse de C dans les océans, sous
forme principalement d’HCO3- (avec un peu de CO2 dissous et de CO32-), est estimée à 38 000 Gt.

Le CO2 dissous dans l’eau se comporte comme un acide faible (l’hydratation du CO2 conduit à l’acide
carbonique : CO2 + H2O  H2CO3) qui attaque les roches calcaires en transformant le carbonate de
calcium en hydrogénocarbonate soluble, entraîné par les eaux de ruissellement ou les courants :
dissolution du calcaire
CaCO3 + CO2 + H2O Ca(HCO 3)2
précipitation par la photosynthèse

Le prélèvement du CO2 par les végétaux entraîne la rupture de l’équilibre :


- phénomène des eaux laiteuses dû à la présence en suspension de microcristaux de calcite précipités sous l’effet
d’une photosynthèse intense pratiquée par le phytoplancton les journées très ensoleillées (littoral de la Manche ou
de l’Atlantique) ;

- formations de tufs sous l’effet de la photosynthèse pratiquée par les Mousses poussant sur les parois suintantes
des falaises calcaires.

Les ensembles continentaux et marins ne sont pas étanches : des échanges ont lieu à l’interface air- eau,
favorisés par l’alcalinité de l’eau de mer (pH 8,5).

1 – 3 – Le réservoir biologique
La masse de C des organismes vivants est estimée à 3 à 6 000 Gt (800 Gt sur les continents sous forme
de MO « vivante » à laquelle s’ajoutent 4 000 Gt de déchets biologiques : humus, matière organique
dissoute). La masse de C se répartit surtout entre 2 réservoirs : biomasse des boues et sédiments
marins (Bactéries et débris planctoniques) et biomasse des sols (Bactéries, Champignons et débris
végétaux) ; les autres réservoirs sont de moindre importance (bois des forêts, plantes herbacées,
phytoplancton) voire négligeable (animaux).

La biomasse carbonée terrestre est de 800 Gt, en équilibre avec une masse équivalente de CO2
atmosphérique (750 Gt) ; la biomasse carbonée marine est de 3 Gt, en équilibre avec un réservoir
considérable de C sous forme de carbonates (38 000 Gt). Photosynthèse et respiration s’équilibrant, la
masse de C intéressée par ces transferts est de 35 Gt pour les continents, 25 Gt pour les océans ; en
conséquence, le réservoir atmosphérique de CO2 se trouve renouvelé tous les 21 ans (750 / 35) alors
que le réservoir marin des carbonates n’est renouvelé que tous les 15 siècles (38 000 / 25).

Les mouvements de C ont des impacts très différents sur les biomasses continentale et marine :
- en milieu continental, la biomasse végétale est conservatrice (la biomasse animale est
négligeable) et se renouvelle tous les 20-25 ans (800 / 35), durée qui représente le temps de
résidence du C et qui correspond à la durée de vie moyenne des végétaux continentaux (compte
tenu des espèces annuelles et pérennes telles que les arbres) ; les forestiers parlent de
révolution (turn-over) ;

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- en milieu marin, le renouvellement est beaucoup plus rapide : environ 8 fois par an (3 / 25), ce
qui correspond à la durée de vie moyenne des cycles de développement du phytoplancton (1,5
mois) :

continents océans

800 Gt 750 Gt

C du vivant C atmosphérique 3 Gt 38 000


Gt
1 tour / 20 - 25 ans C du vivant C hydro-
 biomasse durable en équilibre sphérique
avec une masse équivalente de C inerte
8 tours / an
 biomasse fugace avec un large
volant de C inerte
2 – Des réservoirs dans la géosphère
Dans la géosphère, le C est sous la forme oxydée dans les sédiments carbonatés (3/4 à 4/5 du C crustal :
calcaires, marbres, dolomies) ou sous forme réduite (essentiellement kérogène et formes
exploitables représentant 1% du C réduit : pétrole, charbon).

2 – 1 - Le piégeage du carbone sous forme lithologique dans la croûte


La fixation du CO2 par les végétaux (la précipitation du C sous forme de CO32- ou HCO3- est toujours due
à l’activité photosynthétique, essentiellement procaryotique) peut aboutir à une impasse si le C n’est
plus mobilisé, étant fixé sous forme de roches carbonées ou carbonatées (20.106 à 60.106 Gt) :
§ les roches carbonées (charbon et pétrole3) représentent une réserve de 5.106 à 15.106 Gt de C
(le ¼ de la quantité de C piégé sous forme lithologique). Ils ont pour origine respectivement la
carbonification de la matière organique des végétaux de la forêt houillère (forêt tropicale
installée en bordure de bassin subsident - marin ou lacustre - et ennoyée de façon continue ou
périodique) ou de la matière organique du phytoplancton (production primaire considérable
dans les mers épicontinentales). Actuellement, le CO2 atmosphérique se trouve fixé sous la
forme :
- de tourbe (roche spongieuse de d < 1, dans laquelle les débris végétaux sont
reconnaissables ; 55 % de C) qui est le produit de l’accumulation et de la décomposition
partielle des bases des tiges feuillées de Bryophytes proches des Mousses, les Sphaignes ;

- de sapropèles (vases riches en matière organique) sous l’effet de l’activité


photosynthétique d’« algues » vertes du genre Botryococcus capables de synthétiser des
hydrocarbures voisins du fuel lourd dans une proportion de 25 à 70 % du liquide extrait
des colonies.

§ les sédiments et les roches carbonatés4 représentent 15 à 45.106 Gt de C (valeur estimée à


partir de l’analyse des surfaces occupées par les affleurement sur la somme des cartes
géologiques du monde, et de leur épaisseur). L’essentiel du carbone fixé provient de sa

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Le carbone est plus rarement cristallisé sous forme de graphite ou de diamant.
4
A ce C piégé dans l’écorce s’ajoute le C mantellique, le CO 2 étant le gaz prédominant lors du dégazage des laves (avec N2 et
H2O).
Le cycle géochimique du carbone
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précipitation biochimique sous forme de CaCO3 (calcite, aragonite) et (Mg,Ca)CO3 (dolomie), sous
l’effet :
+ de Procaryotes : Bactéries et Cyanobactéries responsables de la construction de
stromatolithes, qui sont des constructions discoïdes, mamelonnées ou en forme de pilier
montrant sur les sections une zonation due à une croissance cyclique ; ces formations
sont connues du Précambrien (3 000 Ma) à l’Actuel (Bahamas, Floride) ;

+ d’« algues »: accumulation des tests calcaires des Coccolithophorales (coccosphères de


la craie), imprégnations calcaires de la paroi cellulosique d’Algues rouges (thalles
encroûtants : Lithophyllum incrustans ; dressés et ramifiées, rigides : Lithothamnion
calcareum qui constitue le maërl en Bretagne, ou articulé : Corallina officinalis) ou
d’Algues vertes (Halimeda au thalle constitué de disques calcifiées)…

+ d’animaux :
- calcaires d’accumulation de tests de Foraminifères ou de coquilles de Mollusques
(faluns, lumachelles). Ces tests et coquilles de calcite (CaCO3, rhomboédrique) ou
d’aragonite (CaCO3, orthorhombique) disparaissent en dessous de la surface de
compensation des carbonates (CCD) ; l’hydrogénocarbonate solubilisé redevient
disponible pour la libération de CO2 en cas de déplacement de l’équilibre vers la
gauche ;
- calcaires construits formant souvent des récifs (polypiers des Madréporaires
récifaux avec leurs Zooxanthelles intracellulaires, coquilles des Rudistes, tubes des
Hermelles...).

2 – 2 – Le réservoir mantellique
Le C mantellique est peu accessible et sa quantité difficilement estimable (10 à 100.106 Gt) ; il est
présent sous forme de C exprimé dans les roches (sous forme de C cristallisé : diamant, ou sous forme
de carbonates) ou dissous dans les silicates. Compte tenu du caractère sidérophile du C (alliages Fe-C =
acier, fonte), la présence de C dans le noyau est probable.

3 - Circulation du CO2 dans la biosphère


3 - 1 - Fractionnement isotopique du carbone
Le carbone existe sous forme de plusieurs isotopes : 12C et 13C (stables), 14C (radioactif). Le
fractionnement isotopique est, à partir d’un pool constitué des différents isotopes, la séparation de
chacun d’eux dans des compartiments différents. Le fractionnement isotopique a lieu à chaque étape
du cycle du C ; soit la réaction : état initial ↔ état de transition → état final ; le fractionnement a lieu
lors de l’équilibre conduisant à l’état de transition (dans le monde vivant il est dû à une fixation
préférentielle du 12C par les cellules photosynthétiques).

L’utilisation photosynthétique du C varie selon les taxons ; le fractionnement isotopique dû à la


photosynthèse caractérise la MO par un δ13C négatif de l’ordre de -2,5 %, plus ou moins important selon
les processus photosynthétiques5 et qui traduit le déficit du C organique en 13C :
- les « algues » marines préfèrent le 12C au 13C ou au 14C ; la distribution du δ13C des tests de
Foraminifères montre une corrélation négative entre celui-ci et la répartition des nutriments
(NO3-, PO43-) : l’abondance des nutriments favorise une photosynthèse utilisant

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Le 13C (%) est une expression du rapport 13C / 12C telle que δ13C = (Re – Ro) / Ro
où Re = 13C / 12C de l’échantillon
Ro = 13C / 12C standard (teneur en isotopes du C d’une Bélemnite abondante dans une couche américaine de référence)
La valeur du δ13C est d’autant plus élevé (valeurs positives) que le matériau testé est enrichi en 13C.
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préférentiellement le 12C, d’où le déficit dans la MO du phytoplancton en 13C (δ13C < 0) et
l’enrichissement relatif de l’eau de mer de la zone photique en 13C (δ13C > 0) matérialisé par le
δ13C > 0 du test des Foraminifères qui ont fixé le CO2 dissous enrichi relativement en 13C ;

- les végétaux aériens en C4 fixent presque aussi rapidement le 13C que le 12C (le 13C représente
1% du CO2 total ; le retard à l’assimilation du 13C est de 0,4%) et δ13C = -1,2 % ;

- les végétaux aériens en C3 ont un retard à l’assimilation du 13C de 20% ; la composition


isotopique des charbons montre que le métabolisme C3 est le plus primitif (isotope 13C peu
représenté comme dans les tissus des plantes en C3 actuelles) et δ13C = -2,4 %.

La composition isotopique du stock océanique d’hydrogénocarbonates est assez constante ; elle dépend
de l’activité bactérienne : si le CO2 provient essentiellement de l’activité bactérienne (sols, vases), les
carbonates ont une teneur en 13C beaucoup plus faible car la teneur en 13C dépend du degré d’oxydation
du C (la matière organique est moins riche en 13C que la plupart des carbonates : les variations du
rapport 13C / 12C sont un bon marqueur de l’évolution diagénétique de la matière organique).

Le calcul du rapport 13C / 12C de tests calcaires fait apparaître que ce rapport est caractéristique du
milieu de vie de l’organisme :
- dans les carbonates marins, 13C > 0 ; le δ13C du test calcaire d’un Foraminifère marin adulte
traduit celui de l’eau de mer dans laquelle il a vécu : plus elles étaient riches en nutriments, plus
l’upwelling6 était important. Le δ13C fournit ainsi des indices sur la dynamique des masses d’eaux
océaniques ;

- dans les carbonates des eaux douces, 13C < 0 (-2,5%) du fait d’un enrichissement en 12C

provenant de l’humus (MOF d’origine photosynthétique donc enrichie en 12C).

La mesure de 13C permet d’évaluer le degré de remplacement diagénétique d’une aragonite marine
originelle par de la calcite : plus une boue calcaire (aragonite marine, δ13C > 0 du fait de l’activité
photosynthétique) est dissoute par l’eau douce, plus celle-ci s’enrichit en 13C et plus la calcite qui
précipite est appauvrie en 13C (δ13C < 0 du fait de l’absence de précipitation préférentielle d’un isotope
par rapport à l’autre et donc un enrichissement relatif en 12C).

3 - 2 - Le cycle symbiotique du carbone entre auto- et hétérotrophes


Les masses de carbone correspondant aux êtres vivants et à la matière organique morte sont évaluées
respectivement à 460 et 3 700 Gt. Les végétaux chlorophylliens fixent le CO2 atmosphérique, le
réduisent lors de la photosynthèse en le faisant entrer dans les composés organiques (cycle de Calvin).
Sa réduction requiert l’hydrogène de l’eau dont l’oxygène est libéré sous forme de dioxygène. Les
glucides, lipides, protides et acides nucléiques synthétisés constituent une réserve de l’énergie
rayonnante solaire ; ils sont hydrolysés et dégradés dans les mitochondries où leur énergie chimique
potentielle est mise en réserve sous forme d’ATP (produit également dans les chloroplastes lors de la
phase claire de la photosynthèse).

Dans les conditions naturelles, le CO2 est le facteur limitant le plus fréquent de la production primaire. Il
ne le serait plus si sa teneur était 3 fois plus forte dans l’atmosphère (d’où les essais plus ou moins
concluants de cultures maraîchères sous serre en atmosphère enrichie en CO2 : Tomates...).

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Remontée des eaux marines dans la zone équatoriale dépressionnaire soumise à une forte évaporation compensée par une
remontée des eaux froides profondes et enrichies en nutriments qui divergent en surface puis replonge par gravité
(downwelling) ; l’ensemble constitue des cellules de convection stables réparties tout le long de l’équateur.
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Les activités industrielles ont entraîné une augmentation de la teneur du CO 2 atmosphérique : de 280
ppm (0,028 %) au début de l’ère industrielle à 350 en 1990. L’augmentation de la teneur en CO2
entraîne un accroissement de l’effet de serre : l’atmosphère enrichie en CO2 laisse passer vers le sol le
rayonnement solaire, mais pas le rayonnement terrestre de plus grande  (IR) qui est réfléchi, d’où un
réchauffement de l’atmosphère.

L’accumulation du CO2 devrait favoriser le photosynthèse et augmente la production des écosystèmes :


+ augmentation du gradient de CO2 entre intérieur et extérieur des feuilles, d’où augmentation de l’entrée du CO 2
même si les stomates sont partiellement fermés et :
- diminution des pertes d’eau ;
- diminution de la pénétration des polluants ;
- augmentation de la compétition entre CO2 et O2 pour se fixer sur la Rubis-CO, au profit du CO2 : diminution
de la photorespiration et augmentation du rendement de la photosynthèse des plantes en C 3
(photorespiration divisée par 2 si [CO2] = 600 ppm).
 augmentation de l’activité photosynthétique mais...

+ augmentation de la photosynthèse, d’où accumulation d’amidon dans les chloroplastes et :


- perturbation du fonctionnement des chloroplastes ;
- incapacité à exporter les sucres produits au fur et à mesure de leur production : rétroaction et
ralentissement de la photosynthèse ;
- renouvellement trop lent du P nécessaire au transport des sucres assimilés.
 diminution de l’efficacité de la photosynthèse.

L’augmentation de l’activité photosynthétique par unité de surface n’entraîne pas nécessairement une augmentation de la
croissance des végétaux, ni une augmentation de la productivité des écosystèmes. De plus, les plantes en C 3 deviendraient
favorisées par aux plantes en C4 (l’avantage conféré par la concentration du CO 2 ne serait plus adaptatif) : de nombreuses
espèces de plantes en C4 risqueraient de disparaître, ce qui diminuerait la biodiversité, et donc le stock de combinaisons
géniques dans lequel pourrait puiser la sélection naturelle en cas de bouleversement de l’environnement.

La valeur de la photosynthèse nette moyenne correspond à l’assimilation de 10 à 20 mL de CO2.g-1 de


tissu sec.h-1 (ce qui correspond à 10-15 g de tissu frais), équivalent à 20-40 mg de CO2 ou 5-10 mg de C.
Les fluctuations de cette valeur moyennes sont dues à des facteurs internes, déterminés génétiquement
: intégrité des cellules (sénescence, flétrissement), structure anatomique des feuilles (nombre de
stomates, épaisseur de la cuticule, teneur en chlorophylle), bagage enzymatique déterminant le type de
métabolisme (C3, C4, CAM), et des facteurs externes, écologiques.

L’intensité de la photosynthèse, définie par l’émission de O2 qui l’accompagne par unité de temps et de
masse, est de 10 à 20 fois supérieure à l’intensité des échanges gazeux respiratoires. Ceci est à l’origine
de l’excédent des synthèses sur les dégradations, ce dont profitent les consommateurs.

Le rendement maximal de la photosynthèse atteint 30 % dans les conditions expérimentales ; dans la


nature, il ne dépasse pas 2 % dans les forêts et 1 % dans les cultures. Les végétaux sont loin d’utiliser la
totalité de l’énergie rayonnante incidente qui atteint, en région tempérée, 376,2 kJ.cm -2.a-1 = 37,6 .109
kJ. ha-1.a-1. Pour une production de matière sèche de 10 t.ha-1.a-1 dont l’équivalent énergétique est de
18,8 kJ.g-1, la production s’établit à 18,1 kJ.109.ha-1.a-1, soit 0,5 % de l’énergie incidente.
De plus, la Pco2 atmosphérique (0,03 %) est inférieure à la capacité d’incorporation par les plantes ;
malgré cela, 1 ha de Maïs incorpore chaque jour 2 t de CO2, ce qui correspond à la synthèse de 4 t de
matière sèche. Les Végétaux terrestres fixent annuellement 16.109 t de C, les Végétaux océaniques de
19 à 135 selon les auteurs ; compte tenu de la respiration, qui consomme 15 % des produits de la
photosynthèse, au moins 40.109 t de C seraient fixées annuellement. La production organique
correspondante représente le double en masse, si bien que la quantité d’énergie stockée annuellement
sous forme chimique est de l’ordre de 16,72.109 kJ.

Le cycle géochimique du carbone


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Les Végétaux chlorophylliens, autotrophes par la photosynthèse, sont les principaux pourvoyeurs de matière organique du
globe. Ils constituent de ce fait le point de départ de chaînes de transfert de matière (donc d’énergie) entre les êtres vivants,
les chaînes alimentaires. Les organismes qui utilisent directement ou indirectement l’énergie chimique stockée dans la
matière organique « vivante » qui constitue les tissus des Végétaux chlorophylliens sont les consommateurs ou producteurs
secondaires ; ceux qui utilisent la matière organique « morte » (cadavres d’animaux, feuilles, branches mortes...) sont les
décomposeurs.

Le nombre de maillons d’une chaîne alimentaire est variable : de 2 quand le consommateur secondaire constitue une
impasse trophique (cultures  cultivateur ; Acacia  Eléphant) à n (phytoplancton  Daphnie  Ablette  Brochet 
Homme). Dans un milieu complexe tel qu’une forêt, les différentes chaînes alimentaires sont interconnectées et réalisent
des réseaux trophiques : dans une forêt tempérée, les consommateurs primaires sont spécialisés dans l’utilisation de telle ou
telle partie du végétal (sève, bois, feuilles, rameaux, racines...) et chacun à l’origine d’une chaîne de consommateurs ; il en
est de même à partir de la litière et les décomposeurs sont aussi organisés en chaînes trophiques. A chaque maillon d’une
chaîne alimentaire, la totalité de la matière organique produite (par les producteurs I) ou assimilée (par les consommateurs)
ne participe pas à l’augmentation de la biomasse ; il faut en soustraire les pertes dues à la respiration, l’excrétion, et à la
mort de l’organisme.

La biomasse végétale est toujours largement prédominante : cas d’une forêt caducifoliée tempérée (taillis de Charmes et
Noisetiers sous futaie de Chênes pédonculés ; 111 arbres . ha-1, 150 ans, hauteur 24m, en Belgique :
producteurs
arbres : 354,4 t (matière sèche).ha-1
herbes : 1,1
355,5 t (ms).ha-1  + de 99,8 % de la biomasse totale
consommateurs :
grands Mammifères : 2 kg (ms).ha-1
petits Mammifères : 5
Oiseaux : 1,3
8,3 kg (ms).ha-1  0,002 %

décomposeurs : vers de terre : 600 kg (ms).ha-1  - de 0,2 %

La pyramide des biomasses représente la diminution de biomasse d’un maillon à l’autre de la chaîne alimentaire, des
producteurs aux consommateurs de nème ordre (dans un lac oligotrophe américain : phytoplancton + Angiospermes
aquatiques : 960 kg (ms).ha-1 ; Crustacés + « vers » + Mollusques : 110 ; « poissons » : 40).

Les animaux utilisent, quelle que soit leur position dans la chaîne alimentaire, les composés organiques
synthétisés par les Végétaux chlorophylliens qui constituent leurs aliments. Ces composés sont
hydrolysés dans le tube digestif et les nutriments (produits de l’hydrolyse) sont distribués aux cellules.
Ils sont dégradés dans les mitochondries et leur énergie chimique potentielle est mise en réserve sous
forme d’ATP.

Les oxydations cellulaires, qui ont lieu chez les Végétaux comme chez les Animaux, nécessitent du O2,
produit en grande quantité lors de la photosynthèse. La dégradation des nutriments libère du CO 2
(produit des décarboxylations) et de l’eau, utilisés lors de la photosynthèse ; il s’établit un cycle
symbiotique entre auto- et hétérotrophes :
H2O
CO2
matière organique

autotrophes hétérotrophes
O2

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Le flux annuel de C qui est impliqué dans les échanges gazeux photosynthétiques et respiratoires est
estimé à 135 Gt (1/5 du CO2 atmosphérique). Le taux de CO2 atmosphérique est un facteur limitant
pour les plantes, qui peuvent utiliser des taux beaucoup plus élevés.

3 – 3 - Le retour à l’état minéral


La minéralisation de la matière organique morte :
Les êtres vivants sont générateurs de matière organique morte sous la forme d’excrétats (composés
organiques de l’urine : créatinine, urobiline, acides conjugués...), de fèces, de débris (feuilles, brindilles,
exuvies...), de cadavres (tous les êtres vivants).

Le nombre de cadavres et l’abondance des fèces produits par les êtres vivants rendraient invivable la surface du globe si des
Insectes ne les prenaient en charge : les nécrophages (Hister, Necrophorus...) et les coprophages (Scarabaeus, Aphodius...)
enfouissent dans le sol respectivement les cadavres et les fèces ; leur fragmentation et la digestion de leurs constituants
conduit à un enrichissement du sol en matière organique prise en charge par les Champignons et les Bactéries. En Australie,
les coprophages indigènes n’ont pas pu résorber la masse d’excréments produite par les moutons introduits par l’Homme, ce
qui a entraîné divers déséquilibres écologiques : multiplication des Mouches dont les larves se développent dans les
excréments, stérilisation des sols recouverts par une croûte d’excréments exploités par les Mouches, infections épidémiques
de l’Homme et des troupeaux par des agents pathogènes et des larves d’Helminthes conservés dans les excréments.

Cette matière organique constitue le pool de matière organique fraîche du sol (MOF). La flore et la
faune du sol vont la prendre en charge et la dégrader lors des processus de minéralisation (simplification
de la matière organique et libération de composés solubles ou gazeux : CO2) et d’humification
(édification de molécules nouvelles, complexes, se minéralisant plus lentement que la MOF).

Les agents de l’humification sont variés et constitue la biomasse du sol :


+ microflore, dont le CO2 émis constitue la respiration microbienne :
- Bactéries (200 kg.ha-1 ; 106 à 109 cellules par g de terre) : Bactéries cellulolytiques
(Cytophaga, Cell vibrio), protéolytiques (Proteus et la plupart des Bactéries
hétérotrophes), pectinolytiques (Pectinobacterium) ;
- Champignons (300 kg.ha1) : Basidomycètes dont la présence est révélée par leurs
sporophores, Ascomycètes (Aspergillus, Penicillium, Fusarium, Verticillum...),
Zygomycètes (Mucor), Phycomycètes...

+ microfaune : Ciliés (10 kg.ha-1), Nématodes (15), Arthropodes (Acariens 3, Collemboles 2...) ;

+ macrofaune : Lombrics (100), larves d’Insectes (5), Termites, Cloportes, Myriapodes 510)... La
faune du sol fragmente la matière organique et prépare l’activité de la microflore (augmentation
de la surface d’attaque par les hydrolases émises par les cellules).

La production de CO2 par les décomposeurs est considérable : un homme consommant en moyenne 0,1 t de nourriture par
an, qu’il rejette dans l’atmosphère sous forme de CO2, et la population mondiale étant de 6.109 individus, la libération
annuelle de CO2 respiratoire dans l’atmosphère par l’espèce humaine est de 0,1 × 6.10 9 = 0,6 Gt… ce qui correspond à 1 % de
la respiration des décomposeurs !

La quantité de matière organique du sol est approximée à partir du dosage du C organique : MO = 2 C


dans les sols forestiers, 1,75 C dans les sols cultivés. La vitesse de minéralisation du C est évaluée au
laboratoire : le taux de minéralisation varie en fonction de facteurs biotiques (microflore, microfaune),
climatiques (température, humidité), pétrologiques (contexte minéral dépendant de la roche-mère du
sol). On définit le turn-over (renouvellement) du sol :
- si le turn-over est rapide pour un sol déterminé, le stock d’humus incorporé au sol est faible car
le taux de minéralisation annuel est élevé (cas des sols bruns où la litière tombée en automne
disparaît en 1 an) ;
Le cycle géochimique du carbone
page 9
- si le turn-over est lent, le stock d’humus incorporé est plus grand car le taux de minéralisation
est faible (cas des sols podzoliques).

Les facteurs anthropiques :


+ la déforestation en vue de la culture sur brûlis (20 à 30 ha de forêt incendiés.min-1) : MO + O2
 CO2 + H2O + énergie, les labours profonds dans les grandes plaines agricoles (Beauce, Brie…) ;

+ la production de ciments : CaCO3 → CaO + CO2 ;

+ la combustion des réserves fossiles par l’activité humaine représente 5 Gt de C libérées


annuellement dans l’atmosphère, ce qui correspond à 3,7 % de l’activité respiratoire de la
biosphère7. La libération d’une telle quantité de C dans l’atmosphère déterminerait une
augmentation annuelle du taux de CO2 de +2,3 ppm (0,7 %) ; en réalité, l’augmentation
constatée n’est que de 0,9 ppm (0,25 %^)) : les 3 Gt du surplus de CO2 n’apparaissent pas dans le
bilan : 60 % du C issu des combustions (1 – 0,9/2,3 %) est dissimulé, vraisemblablement dans le
réservoir océanique qui tamponne le mieux le CO2 atmosphérique (mais le vitesse d’absorption
est trop lente pour maintenir constant le taux de CO2 atmosphérique et celui-ci augmente
néanmoins) ; et ceci alors qu’en réalité, 12 Gt de C sont libérées car à la consommation des 5 Gt
de C fossile s’ajoute la libération de 9  3 Gt issues de la déforestation qui a pour conséquences
une minéralisation accélérée de l’humus dans la zone tropicale et une diminution de la fixation
photosynthétique !

La majeure partie du CO2 anthropique émis dans l’atmosphère est absorbée par des puits, ce qui
limite l’augmentation effective de la PCO2 atmosphérique ; il s’agit de la biosphère continentale et
de l’océan : d’après la loi de Henry, PCO2(atm) = PCO2(aq) et une variation de PCO2(atm) entraîne une
variation relative du C minéral dissous (CT = CO2(aq) + HCO3- + CO32-). L’injection de CO2 dans
l’atmosphère est suivie de sa dissolution dans l’eau jusqu’à un équilibre tel que la variation
relative de PCO2 soit 10 fois celle de CT ; comme il y a 50 fois plus de C dans l’océan que dans
l’atmosphère, la variation de PCO2 n’est que de 1/5ème (10/50) de celle de CT (effet Revelle) :
seulement 1/5ème du CO2 injecté reste dans l’atmosphère (augmentation de [CO2]atm de 20 %)
tandis que les 4/5èmes sont absorbés par l’océan. De plus, l’augmentation de P CO2(aq) entraîne un
déplacement des équilibres : diminution de [CO32-] et augmentation du pH d’où redissolution du
carbonate de Ca (déplacement vers la gauche de l’équilibre Ca2+ + CO32-  CaCO3) ; la réinjection
de carbonates dans l’eau entraîne une diminution de PCO2(aq) et en conséquence une diminution
de PCO2(atm) (loi de Henry) : l’augmentation de [CO2]atm est en fait < 20 %. Mais le flux de CO2
vers l’atmosphère est plus rapide que le flux de CO2 vers la réserve carbonatée océanique, d’où
un retard au pouvoir tampon de l’océan qui se manifeste par une augmentation réelle de
[CO2]atm…

Jusqu'à l’avènement de la société industrielle, la plupart de la production primaire annuelle


devait être décomposée par les hétérotrophes, et le CO2 rejeté compensait exactement la
quantité de CO2 retirée de l’atmosphère par la photosynthèse. Dans certaines conditions, la
matière organique morte n’est pas minéralisée au fur et à mesure de sa formation et il se produit
un blocage du cycle (accumulation de roches carbonées et carbonatées, qui sont le reflet d’un
taux de CO2 beaucoup plus important dans l’atmosphère au début de l’histoire de la Terre). La
mobilisation des réserves fossiles contribuent à un enrichissement de l’atmosphère en CO2 qui
inverse la tendance.

7
La combustion d’1 L d’essence produit 2,4 kg de CO 2 ; l’utilisation de 1 kW.h-1 d’électricité produite dans une centrale
thermique correspond à 1kg de CO2.
Le cycle géochimique du carbone
page 10
+ la production d’autres gaz à effet de serre que le CO2 :
- méthane (production naturelle : mangroves, marais, rizières, ruminants, Termites) :
augmentation de la teneur atmosphérique à la suite de la poussée démographique
(progression des rizières et du cheptel bovin) ; fuites lors des processus d’extraction du
charbon. En cas de réchauffement climatique, de grandes quantités de méthane piégées
dans les pergélisols des toundras pourrait passer dans l’atmosphère ;

- chlorofluorocarbures (CFC ou fréons : CF2Cl2) : produits de l’activité industrielle


(réfrigérateurs, climatiseurs, aérosols) dont la concentration dans l’air augmente plus vite
que celle du CO2 et avec un potentiel d’effet de serre 1 000 fois supérieur au CO2 ; en cas
de réchauffement climatique, la multiplication des lieux climatisés entraînerait une
augmentation de leur production.

4 – Les échanges de carbone entre les différents réservoirs


Les transferts entre les différents réservoirs ne se font pas à la même vitesse :
- réservoir atmosphérique : temps de résidence du C < 4 a (estimé à partir de la taille du réservoir
et du flux des échanges dans des conditions équilibrées) ;
- réservoir océanique : temps de résidence moyen dans la biosphère marine  7 semaines (dans
l’ensemble du domaine océanique : 430 a) ;
- réservoir sédimentaire : flux très faible mais fonctionnant depuis plus de 4 Ga ;
- réservoir de la biosphère continentale : temps de résidence = 5 a (mais  30 a dans les
écosystèmes continentaux en déséquilibre du fait de l’absence de minéralisation de la MO
comme toundra et tourbières ).

Plusieurs cycles avec des temps de bouclage différents intéressent des masses de C plus ou moins
importantes qui circulent entre les différents réservoirs :
- cycle précipitation / dissolution / altération / métamorphisme des carbonates (volume et masse
importants sur de longues durées : 100 Ma) ;
- cycle photosynthèse / respiration (instantané à l’échelle géologique, concernant des quantités
faibles sur une période brève mais qui fonctionne depuis les débuts de la photosynthèse
bactérienne) ;
- cycle dégazage manteau / précipitation puis enfouissement des carbonates (peu important
qualitativement mais qui se boucle sur plusieurs 100aines de Ma).
4 – 1 – Le cycle dioxyde de carbone – carbonates
Le C existe alternativement sous forme de CO2 et de CO32- à la faveur d’échanges entre les différents
réservoirs de C :
+ Echanges atmosphère – hydrosphère (100 Gt.a-1) : le CO2 atmosphérique se dissout dans les
eaux océaniques froides (loi de Henry) et est libéré par les eaux océaniques chaudes à la faveur
de la circulation thermohaline ; il y a égalité des flux donc ces échanges sont sans effet sur la
teneur atmosphérique en CO2 : si un des flux augmente, la loi d’action de masse favorise la
réaction inverse (mais des variations sont observées au cours du temps : augmentation de la T
globale  accroissement de la libération de CO2 par les océans).

+ Précipitation – dissolution des carbonates (0,56 Gt.a-1) : dissolution à la suite de l’altération des
carbonates continentaux (érosion karstique), précipitation sous l’effet de l’activité biologique des
océans ; il y a égalité des flux donc le processus est sans effet sur la teneur atmosphérique en
CO2. Le temps de résidence du C dans les carbonates, en ne considérant que ce processus est de

Le cycle géochimique du carbone


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140 Ma (quantité de CO2 des calcaires et dolomies / quantité de CO2 concernés par ces échanges
= 70.106/ 0,5).

+ Altération continentale des silicates en plusieurs étapes réparties sur plusieurs réservoirs :
- dans les eaux de pluie et du sol :
2 CO2 + 2H2O  2 H2CO3  2 H+ + 2 HCO3-
- altération des silicates de la roche-mère :
2 H+ + 2 HCO3- + CaSiO3  SiO2 (diss.) + H2O + Ca2+ + 2 HCO3-
- transport vers la mer
- dans la mer :
SiO2 (diss.) + H2O + Ca2+ + 2 HCO3-  SiO2 (diss.) + H2O + CaCO3 + H2O + CO2
d’où les bilans : Ca2+ + 2 HCO3-  CaCO3 + H2O + CO2
et 2 CO2 + 2 H2O + CaSiO3  SiO2 + 2 H2O + CaCO3 + CO2 (réaction irréversible à BP-BT) tels que la
consommation de 2 moles de CO2 lors de l’altération continentale n’est suivie que de la
libération d’une mole lors de la précipitation alors que dans le cas de la dissolution des
carbonates, le CO2 utilisé lors de la dissolution est restitué lors de la précipitation : dissolution =
déplacement des carbonates des continents vers les océans ; altération = accroissement de la
masse des carbonates océaniques et prélèvement de CO2 atmosphérique fixé sous forme
lithologique (0,36 Gt de CO2.a-1 = 0,1 Gt de C.a-1).

+ Subduction et volcanisme : la consommation du CO2 atmosphérique par l’altération des


silicates devrait conduire à son épuisement en 387 500 a (quantité de CO2 atmosphérique et
océanique / quantité de CO2 consommé annuellement par l’altération = (38 000 + 570) / 0,1)…
alors que la quantité de CO2 atmosphérique est stable : le volcanisme libère une quantité de CO2
(0,1 Gt.a-1) qui compense le prélèvement par l’altération.

Le CO2 émis par les volcans étant d’origine mantellique, le manteau qui contient 10.106 à 100.106
Gt de CO2, devrait s’épuiser en CO2 en 100 Ma à 1 Ga… alors que le C mantellique ne s’épuise
pas : la subduction fournit au manteau les sédiments calcaires qui n’ont pas été bloqués dans un
prisme d’accrétion ; à HP-HT, la réaction CaSiO3 + CO2  SiO2 + CaCO3 est réversible et du CO2 est
produit.

Du CO2 est aussi produit lors du recyclage des parties profondes des chaînes de collision
(métamorphisme accompagné de libération de CO2 qui rejoint la surface par hydrothermalisme
continental), et lors d’un recyclage anthropique lié à la fabrication des ciments (calcaires +
silicates non calciques (argiles)  silicates calciques + CO2).

4 – 2 – Le cycle carbone oxydé – carbone réduit


La complémentarité photosynthèse – respiration : la réduction d’une mole de CO2 lors de la
photosynthèse conduit à incorporer 1 mole de C dans la MO (et à libérer 1 mole de O 2 dans
l’atmosphère) ; l’oxydation d’une mole de C de la MO lors de la respiration conduit à la libération d’une
mole de CO2 (et à la fixation d’une mole de O2) : dans les écosystèmes naturels, ces flux sont équilibrés.

Le rapport stœchiométrique entre le O2 produit et la quantité de MO synthétisée dans le cas de la


photosynthèse est de : 44 g de CO2  12 g de C sous forme de MO + 32 g de O2  rapport = 32/12 ;
dans le cas de la respiration : 12 g de C sous forme de MO  44 g de CO2 + 32 g de O2. La biomasse
contenant 3 000 à 6 000 Gt de C, il devrait y avoir dans l’atmosphère : 3 000 à 6 000  32/12 = 8 000 à
16 000 Gt de O2 dans l’atmosphère… or il y en a 1.106 Gt soit 100 fois plus ; donc seulement 1% du O2
atmosphérique provient de la biomasse terrestre actuelle… et le reste ?
Le cycle géochimique du carbone
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La fossilisation et l’oxydation de la matière organique (0,01 Gt.a-1) : lorsqu’il y a excès de production de
MO (réduction du C) par rapport à sa destruction (oxydation du C), il y a excès de fixation de CO 2 et de
libération de O2 par la photosynthèse par rapport à la libération de CO2 et l’absorption de O2 par la
respiration microbienne : l’accumulation de MO conduit à une baisse de la quantité de CO 2
atmosphérique et à l’accumulation de O2.

Le O2 atmosphérique devrait être la contrepartie stœchiométrique de la MO fossile dans un rapport


32/12 : pour 20.106 Gt de C réduit dans les roches carbonées, il devrait y avoir 20 000  32/12  50.106
Gt de O2 dans l’atmosphère alors qu’il n’y en a que 1.106 Gt… où est l’O2 contrepartie stœchiométrique
du C fossile sédimentaire qui n’est pas dans l’atmosphère ? Il est stocké dans des molécules riches en O
qui ont été oxydées au cours de l’histoire de la Terre : sulfates (gypse : CaCO3, 2H2O), oxydes de Fe (fers
rubanés8 : Fe2O3 + Fe3O4), soient 10.106 Gt (ce qui correspond à contrepartie stœchiométrique du C
fossile).

Le flux actuel de fossilisation de la MO étant de 0,01 Gt.a-1, l’intégralité du O2 atmosphérique pourrait


être produit en 10.106 / 0,01 = 100 Ma. Le taux de O2 atmosphérique (21%) ayant été atteint dès le
Crétacé (-100 Ma) et ce taux étant constant depuis (avec des fluctuations entre 15 et 35%), un flux
équivalent de 0,01 Gt.a-1 doit faire disparaître le O2 atmosphérique libéré par la fossilisation de la MO ; il
est dû à :
- l’oxydation minérale de la MO et des sulfures (sous l’action des Bactéries) quand les roches
carbonées sont portées en surface par la tectonique ;
- l’altération et la pédogénèse des silicates ferro-magnésiens (latéritisation) ;
- l’hydrothermalisme océanique (réduction du O2 dissous et des sulfates par le FeII).

8
Alternance de couches de quelques cm d’épaisseur d’oxydes de Fe (hématite, magnétite) et de niveaux siliceux ; les fers
rubanés constituent des formations sédimentaires des boucliers, datées de -2,6 à -1,8 Ga, les BIF (Banded Iron Formation).
Le cycle géochimique du carbone
page 13
Conclusion
L’émission d’énergie rayonnante par le Soleil constitue le point de départ du transfert d’énergie dans le
monde vivant, transfert d’énergie sous-jacent aux transferts de matière : le cycle du C dans la biosphère
constitue l’élément moteur du cycle biogéochimique plus général du C dans l’écosystème terrestre. Le
cycle biogéochimique du C participe (au même titre que les cycles de l’N, du S, du P, de l’H 2O...) à la
circulation ininterrompue de matière entre biotope (milieu de vie abiotique) et biocénose (ensemble
des êtres vivants d’un biotope) ; le C se trouvant alternativement sous forme réduite ou oxydée, les
cycles du C et de l’O (et du Ca) sont interdépendants. Au cours du cycle d’un élément, la matière se
trouve alternativement sous forme minérale et organique.

Chaque communauté d’êtres vivants est constituée de groupes dont le métabolisme et les besoins sont
en partie complémentaires, ce qui permet un recyclage des éléments. Le C est sans cesse absorbé sous
forme inorganique et transformé en matière biochimique pour l’édification des cellules des
autotrophes, puis utilisé par les hétérotrophes. Le retour à l’état minéral (en particulier en ce qui
concerne la MO d’origine animale) exige l’entrée en action successivement de 2 communautés
complémentaires : les nécrophages et les coprophages qui sont surtout des Insectes en milieu aérien
(Diptères, Coléoptères), puis la microflore constituée des Bactéries et des Champignons.

Une grande partie du CO2 primitif tend à disparaître de l’atmosphère sous l’effet :
- de la photosynthèse grâce à l’énergie solaire : n CO2 + n H2O  (CH2O)n + n O2 (les premières
traces de C organique datent de plus de 3 Ga) ;
- de la dissolution du CO2 dans l’eau de mer (ce qui entraîne l’acidification de l’océan) :
CO2 + H2O  HCO3- + H+

Trois cycles plus moins indépendants les uns des autres ont des temps de bouclage très différents et
concernent des masses variables de C :
- le cycle photosynthétique - respiration (fermentations), instantané à l’échelle géologique
(faibles quantités de C sur une période brève).
- le cycle précipitation des carbonates - dissolution - altération - métamorphisme (quantités
importante de C sur une période de l’ordre de 1 à 100 Ma).
- le cycle dégazage du manteau - précipitation et enfouissement des carbonates (quantités
négligeables sur une période longue) :

Le cycle géochimique du carbone


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atmosphère hydrosphère

CO2
P P
700 carbonates
biosphère
dissous
R M 35.103
continents océans
800 3
C
déchets
CO2
lithosphère
fossile 104
P = photosynthèse sédiments
R = respiration (35.a-1) 20.106
M = minéralisation (25.a-1)
C = combustion (5.a-1)

Le cycle du C a subi des fluctuations au cours de l’histoire de la Terre :


+ époque actuelle : variations ultra-rapides d’origine anthropique depuis l’aube de l’ère industrielle (peut-être même
déjà décelables à l’époque préhistorique) et accélération dans les années 1950 ; 50% de l’excès produit par
l’humanité reste dans l’atmosphère, 40% est stocké dans les océans et 10% est fixé par la biomasse ;

+ Quaternaire : variations rapides (changements climatique : glaciation/déglaciation) dues aux paramètres orbitaux
de la Terre (variation du taux de CO2 atmosphérique  amplification des variations de T) ;

+ Phanérozoïque (temps fossilifères) : variations lentes du taux de CO2 atmosphérique mais de forte amplitude
(0,18% au Mésozoïque, jusqu’à 0,6% au Silurien) dues :
- à l’altération des silicates calciques (orogénèse  accentuation de l’érosion/altération quand les orogènes
sont situés sous climat chaud et humide  diminution du taux de CO2 atmosphérique  diminution de
l’effet de serre  refroidissement) ;
- au volcanisme (augmentation de l’activité des dorsales et du volcanisme sous-marin) : émission de
poussières dans l’atmosphère 1)  diminution de l’insolation (l’année suivante : « année sans été »)
2)  émission de CO2  augmentation du taux de CO2 atmosphérique 
augmentation de l’effet de serre  réchauffement (après quelques milliers ou dizaines de milliers
d’années)
3)  altération des silicates calciques émis  diminution du taux de CO2 
diminution de la T (après 10 à 100 Ma) ;
- à la fossilisation de la MO lors des périodes à forte productivité de charbons : décalage entre apparition de
la lignine (fin Silurien) et apparition des meilleurs décomposeurs de la lignine (fin Permien : Asco- et
Basidiomycètes  accumulation de charbon au Carbonifère ; surrection de la chaîne hercynienne en
position intertropicale avec de nombreuses zones subsidentes péri- et intra-montagneuses 
sédimentation abondante  préservation de la MO des sédiments vis-à-vis de l’oxydation (bassins houillers
varisques) ;
- aux variation du taux de O2 atmosphérique : piégeage du C réduit dans la MO fossile  augmentation de
la teneur en O2 atmosphérique.

+ Précambrien : décroissance du taux de CO2 atmosphérique et augmentation de la masse des calcaires crustaux
depuis 4,5 Ga ; le cycle [consommation du CO2 par altération des silicates  précipitation des carbonates 
subduction des calcaires  libération de CO2 par le volcanisme] est déséquilibré à long terme au profit de la
consommation de CO2 et de la production de carbonates. Cette décroissance du taux de CO 2 est liée à une lente
augmentation de l’activité solaire (de 40 à 50% depuis la formation de l’étoile, de 30% depuis 3,8 Ga) ; globalement

Le cycle géochimique du carbone


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la diminution du taux de CO2 atmosphérique (et de l’effet de serre) a compensé l’augmentation de l’activité solaire
(la T terrestre est restée entre 0 et 100°C).

Depuis au moins 300 Ma, l’atmosphère se comporte comme un système stationnaire (autorégulation de
la quantité de CO2) : une augmentation du taux de CO2 a pour conséquence une accélération de
l’altération et un développement de la végétation qui tendent à réduire l’excès (les activités humaines
tendent à déstabiliser le système, au moins à l’échelle humaine).

Le cycle géochimique du carbone


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