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Nom : FAÏK

Prénom : Idriss
Institution : Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales.
Laboratoire de Recherches sur les Territoires et l’Entrepreneuriat (LARTE)
Université Cadi AYYAD – Marrakech
Téléphone : 06.61.72.98.08
Adresse électronique : idrissfaik@gmail.com
Résumé :
La responsabilité patrimoniale des dirigeants des entreprises en difficulté, a pour objet de
réparer les dommages causés à l’entreprise et à ses partenaires, via un mécanisme de
réparation, différent de celui prévu par le droit commun de responsabilité, et qui vise à mettre
à la charge des dirigeants fautifs tout ou partie du passif, ou le cas échéant, de les obliger à
supporter l’intégralité de la dette sociale.
Toutes les personnes choisies régulièrement pour conduire les affaires d’une société, sont
des « dirigeants de droit » ou des « dirigeants légaux » ou encore des « mandataires sociaux »,
car elles expriment la volonté de la société, et la représentent. Mais d’autres personnes
assurent parfois la conduite des affaires d’une société sans avoir été régulièrement choisies
pour remplir ce rôle. Ces personnes sont appelées « dirigeants de fait », car elles s'attribuent
des pouvoirs et exercent des fonctions reconnues par la loi et les statuts de la société aux
dirigeants légaux.
La distinction faite entre dirigeant de droit et dirigeant de fait perd de son importance au
niveau de la responsabilité, puisque la loi les met sur le même pied d’égalité.
L’action en extension de redressement ou de liquidation permet de mettre une partie ou la
totalité des dettes de l'entreprise à la charge d'un dirigeant qui a usé du pouvoir de gestion
pour se livrer à des comportements répréhensibles dans son intérêt personnel.

Mots clés :
- patrimonial ;
- (Dirigeant) de droit ;
- (Dirigeants) de fait ;
- extension.

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LA RESPONSABILITE PATRIMONIALE DES DIRIGEANTS AU COURS DE LA
PROCEDURE COLLECTIVE
Pr. Idriss FAÏK
Professeur chercheur à la FSJES
Laboratoire de Recherches sur les Territoires et l’Entrepreneuriat (LARTE)
Université Cadi AYYAD Marrakech

L’évolution bouleversante qu’a connu le droit des difficultés de l’entreprise, consiste dans
la dissociation du sort de l’entreprise de celui de ses responsables. En fait, l’idée se ramène à
traiter séparément l’entité économique, selon qu’elle est passible de redressement, ou
pratiquement condamnée à la liquidation de ses responsables, dont la responsabilité civile ou
pénale peut être engagées ou non, selon que l’échec de l’entreprise leur est imputable ou non.
Cette responsabilité peut être engagée à tout moment de la vie de l’entreprise. Elle varie
en fonction de la gravité des faits commis. Ainsi, les dirigeants peuvent être déclarés
responsables soit sur le plan ou civil, pénal ou les deux à la fois. La particularité de ce sujet,
nous oblige de canaliser l’étude de responsabilité des dirigeants dans son volet civil, et plus
particulièrement la responsabilité patrimoniale.

La responsabilité patrimoniale des dirigeants des entreprises en difficulté, a pour objet de


réparer les dommages causés à l’entreprise et à ses partenaires, via un mécanisme de
réparation, différent de celui prévu par le droit commun de responsabilité, et qui vise à mettre
à la charge des dirigeants fautifs tout ou partie du passif, ou le cas échéant, de les obliger à
supporter l’intégralité de la dette sociale.

En réalité, le mécanisme de réparation instauré par le livre V de code de commerce, est


venu pour renforcer, tout d’abord, le mécanisme de réparation prévu en droit civil, qui ne
permet de condamner les dirigeants fautifs à des dommages intérêts, que dans des conditions
difficiles pour le demandeur.
Aussi, l’étude de la responsabilité patrimoniale des dirigeants des entreprises en difficulté,
du point de vue jurisprudentiel, va nous permettre d’examiner l’attitude du juge à l’égard de
cette responsabilité, et voir également comment le juge Marocain applique les dispositions
formant le cadre légal de celle-ci.

1
Une telle étude va nous aider à répondre au problème que pose les actions patrimoniales
qui s’attachent surtout à leur nature juridique. En fait, cette question révèle une grande
confusion aussi bien au niveau du texte qu’au niveau son application. On est amené donc à
poser la question de savoir si les actions patrimoniales, sont de simples actions de
responsabilités ou ont-elles un caractère sanctionnateur ?
La réponse à cette question n’est pas aisée, elle nous conduit à analyser :
- Les conditions d’établissement de la responsabilité pécuniaire des dirigeants (Partie I) ; et
- Les sanctions patrimoniales encourues par les dirigeants : (Partie II) :

Partie I : Les conditions d’établissement de la responsabilité pécuniaire des


dirigeants :

L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’une entreprise n’est pas sans
répercussion sur la responsabilité de ses dirigeants. Ceux-ci sont présumés avoir une vision
précise, plus que quelqu’un d’autre sur la situation financière de l’entité qu’ils dirigent. C’est
la raison pour laquelle la notion de dirigeant est la pièce maitresse de toute étude de
responsabilité concernant une entreprise en difficulté.
Section I : La notion de dirigeant fautif :
En matière de responsabilité en général, et de responsabilité patrimoniale en particulier, la
loi distingue entre deux catégories de dirigeants 1; Un dirigeant de droit ou un dirigeant de fait,
rémunérés ou non. Mais on peut voir d’autres catégories de dirigeants, à savoir, le dirigeant
personne physique et le dirigeant personne morale. En effet, le dirigeant n’est pas forcément
une personne physique, il peut s’agir d’une personne morale qui répondra du passif sur ses
biens.

En raison de l’aspect institutionnel de la société, seuls les dirigeants de droit doivent


diriger la société, car ce pouvoir leur a été attribué conformément aux dispositions légales
applicables à la société concernée.
En principe, la personne ou l’organe à qui incombe d’agir au nom et pour le compte de la
société est désigné par la communauté des associés. Il s'agit, selon le type de société, du
gérant ; du directeur général ; du conseil d’administration ; du président directeur général, du
1
Article 702 C.com dispose que : « Les dispositions du présent titre sont applicables aux dirigeants de
l’entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l’objet d’une procédure qu'ils soient de droit ou de fait,
rémunérés ou non. ».

2
directoire, de son président et du conseil de surveillance. La société peut aussi être dirigée par
des personnes désignées judiciairement.
Toutes les personnes choisies régulièrement pour conduire les affaires d’une société, sont
des « dirigeants de droit » ou des « dirigeants légaux » ou encore des « mandataires
sociaux », car elles expriment la volonté de la société, et la représentent. Mais d’autres
personnes assurent parfois la conduite des affaires d’une société sans avoir été régulièrement
choisies pour remplir ce rôle. Ces personnes sont appelées « dirigeants de fait », car elles
s'attribuent des pouvoirs et exercent des fonctions reconnues par la loi et les statuts de la
société aux dirigeants légaux.

Il faut signaler que la distinction faite entre dirigeant de droit et dirigeant de fait perd de
son importance au niveau de la responsabilité, puisque la loi les met sur le même pied
d’égalité. Cependant, Si l’identification de dirigeant de droit (Sous section I) ne pose guère de
problème, la qualification de dirigeant de fait, par contre, est source de beaucoup de
problèmes (Sous section II).
Sous section I : La notion de dirigeant de droit :
Le code de commerce dans son article 702, qui détermine les personnes auxquelles
s’appliquent les sanctions dites patrimoniales, ne définis pas le dirigeant de droit, il faut donc
se référer sur ce point, aux textes de lois régissant la personne morale à laquelle appartient le
dirigeant concerné.
§1 : L’identification du dirigeant de droit :
A ce titre on traitera la notion de dirigeant de droit tel que définie par la loi (A), ensuite
viendra la détermination jurisprudentielle (B).
A- L’identification légale du dirigeant de droit :
L’art. 15 de la loi 44.06 relative au CDVM1 défini la notion de dirigeant comme étant :
« toutes personnes qui, à un titre quelconque, participent à la direction ou à la gestion de la
société ou de ses filiales ». Il dresse en outre une liste limitative des dirigeants de droit, il
s’agit notamment « du président directeur général, des directeurs généraux, des membres du
directoire, du secrétaire général, des directeurs, ainsi que, toute personne exerçant, à titre
permanent, des fonctions analogues à celles précitées. Sont assimilés aux dirigeants les
membres du conseil de surveillance ».

1 DAHIR portant loi n° 1-93-212 du 4 rebii II 1414 (21 septembre 1993) relatif au conseil déontologique des valeurs mobilières et aux
informations exigées des personnes morales faisant appel public à l'épargne tel qu’il a été complété et modifié par le Dahir n° 01-07-09 du
17 avril 2007 BO n° 5522 .

3
Il convient de signaler que la généralité des termes de cet article, laisse entendre qu’il vise
tant les dirigeants de droit que les dirigeants de fait, surtout qu’il a assimilé aux dirigeants
statutaires toute personne exerçant à titre permanent, des fonctions similaires à celles
exercées par ceux-ci.
La généralité de ces termes laisse la porte ouverte à la doctrine et à la jurisprudence pour
tenter de définir, chacune dans son champ d’intervention, la notion de « dirigeant de droit ».
A coté de cette approche purement légale de la notion de dirigeant de droit, une approche
jurisprudentielle s’impose pour combler les insuffisances dont souffre la définition légale.
B- L’appréciation jurisprudentielle de la notion de dirigeant de droit
La jurisprudence Marocaine a essayé d’apporter quelques éclaircissements sur la notion de
dirigeant de droit, en imbriquant les insuffisances dont souffrent les textes. Ainsi, le juge
marocain, après examen d’un ensemble de décisions de justice, a retenu un certains nombres
de critères pour mieux appréhender cette notion. En effet, le juge se base sur le critère
fonctionnel pour identifier le dirigeant de droit. Ainsi, dans un jugement émanant du tribunal
de commerce de Casablanca, la qualité de dirigeant de droit s’acquiert une fois que celui-ci
est désigné par la loi ou par les statuts. Cette qualité lui impose l’obligation d’exercer toutes
les missions et les fonctions qui découlent de la gestion de l’entreprise1.
En conséquence, il est responsable de tout manquement ou négligence et il ne peut
s’exonérer de sa responsabilité en évoquant l’existence d’un dirigeant de fait. L’exemple qui
illustre parfaitement cette situation est celui de la décision prise par le tribunal de commerce
de Marrakech à l’occasion de l’ouverture de procédure de liquidation judiciaire de la société
de menuiserie XXX, dans laquelle le juge a étendu la procédure de liquidation au dirigeant
de droit en dépit de l’existence d’un dirigeant de fait2.

En outre, le juge Marocain a retenu un autre critère, il s’agit du critère de contrôle. Celui-ci
se manifeste par le contrôle journalier de l’entreprise de la part du dirigeant, en connaissance
des activités et l’octroi des accords pour la conclusion des contrats et la signature des effets de
commerce3.
On peut déduire que l’attitude du juge est animée par un esprit réaliste puisqu’il s’est référé
à la réalité du déroulement de la direction.

1
Jugement 32/2009 du 16/02/2009 dossier n° 80/25/2008, inédit. Voir dans le même sens les jugements émanant
de Trib. com de Casablanca :
2
Trib. com de Marrakech, jugement n° 9/2006 du 08/02/2006 dossier n° 12/15/2002, inédit.
3
Trib. com de Casablanca, jugement n° 107/2009 du 18/05/2009 dossier n° 203/25/2008, inédit.

4
Toutefois, le juge Marocain n’a rien apporté de bouleversant car il s’est contenté d’adopter
la définition de dirigeant de droit telle qu’elle est consacrée par les textes de loi.

§2 : Les catégories de dirigeants de droit :


L’étude de la notion de dirigeant de droit nous mène à distinguer entre deux catégories de
dirigeants : le dirigeant en fonction (A), et l’ancien dirigeant (B).
A- Le dirigeant de droit en fonction :
Les dirigeants en fonction sont ceux qui exercent leurs fonctions, soit par mandat social,
soit par un contrat de travail, dont le mandat ou le contrat est en cours. Le fondement de leur
responsabilité découle de la nature même de leurs fonctions. En effet, il est mis à leur charge
une obligation de moyen par laquelle ils doivent réaliser l'objet social en y apportant toute
leur diligence. Dès lors, la responsabilité de ces derniers pourra être engagée, si on constate
une insuffisance d'actif pouvant leur être imputable.
B- Le cas de l’ancien dirigeant :
Le dirigeant de droit peut voir sa responsabilité engagée, même s’il a cessé ses fonctions
soit par démission ou par révocation, avant que la personne morale qu’il dirige soit déclarée
en état de cessation de paiement.
L’objectif de cette mise en rétroactivité de la responsabilité du dirigeant est de ne pas
prendre la révocation ou la démission comme prétexte pour le soustraire à la responsabilité de
ses agissements fautifs.
La question qui mérite d’être posée, est celle de savoir s’il faut retenir comme date
efficace, la date de la démission, la révocation ou l’expiration normale du mandat social, ou
au contraire, celle de l’accomplissement des formalités de publicité. La jurisprudence n’a pas
toujours apporté, la même solution. Mais finalement la cour de cassation s’est arrêtée, après
plusieurs décisions, aux formalités publicitaires.
Sous section II : Le dirigeant de fait :
A l’inverse du dirigeant de droit, le dirigeant de fait est celui qui dirige une entreprise sans
être nommé ni par la loi ni par les statuts.
En principe, une entreprise doit être dirigée par les organes prévus par la loi, les statuts et
désignés par une décision sociale. Néanmoins une personne peut parfaitement gérer une
entreprise sous le couvert et au lieu et place du dirigeant de droit appelée dirigeant de fait. Or,
ce dernier peut conduire l’entreprise par une gestion désastreuse à sa défaillance. Dès lors se
pose la question de sa responsabilité et la preuve de cette situation de fait ?

5
En droit marocain, le dirigeant de fait est "désigné" par l’art 374 de la loi 17-95 relative aux
SA comme étant : « …toute personne qui, directement ou par personne interposée aura, en
fait, exercé la direction, l’administration ou la gestion de la société anonyme1 … ». Au niveau
de la responsabilité, l’art 702 du C.com le rend responsable au même pied d’égalité que le
dirigeant de droit.

La preuve de la direction de fait peut être établie par tout moyen, à condition qu’elle soit
suffisamment pertinente, précise et concordante pour démontrer que la personne incriminée a
la qualité de dirigeant de fait.
En présence d’une définition imprécise et incomplète de la notion de dirigeant de fait,
la doctrine et la jurisprudence se sont efforcées à construire des critères de définition de
dirigeant de fait (§1), et qui vont servir comme base permettant d’assimiler le dirigeant de fait
a celui de droit (§2).
§ 1 : Les critères de qualification du dirigeant de fait :
A- Les critères doctrinaux :
La notion de direction de fait a reçu une multitude de définitions doctrinales, ce qui a
permis de constituer un référentiel pour déterminer, au moins en partie, les critères de
détermination de la direction de fait.
Pour M. JEANTIN, le dirigeant de fait est celui qui : « sous le couvert des représentants
légaux de la personne morale exerce en fait, la réalité du pouvoir de direction ou de gestion,
d’une manière positive, traduisant l’ingérence effective dans le fonctionnement du
groupement2 ». La définition de Mr M. Rives-Lange, mérite plus d’intention puisqu’elle est
claire et précise et englobe l’ensemble des critères, dont s’inspire la jurisprudence. Pour lui :
« est dirigeant de fait, celui qui, en toute souveraineté et indépendance, exerce une activité
positive de gestion et de direction3 ».
La lecture de la définition du professeur Rives-lange, comme d’ailleurs les définitions
voisines, fait ressortir trois critères de distinction de dirigeant de fait : une activité positive de
gestion ou de direction exercée en toute indépendance et souveraineté.

 L’activité positive de direction et l’immixtion dans la gestion :


La direction de fait suppose une activité positive. On ne peut pas devenir dirigeant de fait
en s’abstenant, c’est l’activité qui crée le dirigeant de fait.
1
Pour les autres formes de sociétés voir l’art 100 de la loi 5-96.
2
M. JEANTIN, Droit commercial : les instruments de paiement et de crédit, entreprise en difficulté, 4éme
édition, précis Dalloz, 1995, Paris, P 520.
3
RIVES-LANGE. Notion de dirigeant de fait au sens de l’article 99 de la loi du 13 juillet 1967 D.Chron.1975,
cité par Mohamed Aissam CHAOUI, la responsabilité des dirigeants de fait d’une entreprise en difficulté, in
revue Marocaine de droit des affaires et des entreprises, n° 8/2005, P 14.

6
Il convient de signaler que ce critère a été retenu par plusieurs textes de lois.
Ainsi, l’art 100 de la loi 5-96 sur les sociétés autres que la SA, dispose que : «Les
dispositions du présent titre visant les gérants de sociétés objet de la présente loi, seront
applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura en fait, exercé
la gestion de ces sociétés sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants légaux»
et c’est la même formulation qui a été prévue par l’art 374 de la loi relative au SA.

 Indépendance et souveraineté dans la gestion :


Le critère d’indépendance et de liberté est un caractère décisif. Elle signifie pour Mr. Jean-
François MARTIN1, qu’une personne qui se trouve dans un état de dépendance et de
subordination au sein d’une personne morale, ne peut être dirigeant de fait. Il s’agit d’un
salarié, qui même investi d’une fonction de direction ou de responsabilité, ne demeure qu’un
agent d’exécution soumis à la volonté d’une autorité supérieure qui exerce véritablement le
pouvoir. Le salarié n’a ni l’indépendance, ni la liberté de faire ou de ne pas faire, ni l’initiative
des grandes décisions.

 L’activité de direction ou de gestion :


L’exercice des activités de direction et de gestion est un critère de qualification
déterminant, puisque le dirigeant est celui qui conduit l’affaire comme un maître.
Les actes accomplis doivent révéler que leurs auteurs sont en mesure de décider du sort de
l’entreprise, et les activités effectuées doivent émaner de l’administration et de la direction
générale de la société.
Souverain et libre dans les activités de gestion et de direction, le dirigeant de fait doit
assumer la responsabilité qui en découle, et par voie de conséquence, il pourra être recherché
en comblement de passif, ou appelé en vue de l’ouverture d’une procédure de redressement
judiciaire à son égard.
B- Les applications jurisprudentielles de la théorie de direction de fait :
L’application de la notion de la direction de fait, dans la pratique, est très compliquée parce
que la tranche des personnes qui peuvent avoir cette qualité est très vaste. Elle peut englober
toute personne qui a un lien avec la société, soit un lien direct (associé, contrat de travail …)
soit un lien indirect (fournisseur, client …). Dans tous les cas de figure, la personne
outrepasse les fonctions et les attributions qui lui sont assignées, pour diriger en fait, la
personne morale.
1
Voir, op.cité, P 1598

7
La première catégorie concerne les associés majoritaires, dont la qualification varie en
fonction de la branche de droit. En droit des sociétés, la cour de cassation a retenue la
direction de fait lorsque l’associé participe activement à la gestion de la société. En droit
social, la qualification de dirigeant de fait est retenue en cas d’absence de toute relation de
subordination. La jurisprudence en matière fiscale est beaucoup plus restreinte, puisqu’elle
s’attache à rechercher si l’intéressé exerce des fonctions similaires à celle d’un dirigeant de
droit, et surtout s’il exerce un contrôle effectif et constant sur la société.
En outre, le salarié n’est pas à l’abri de cette qualification, s’il exerce une fonction de
direction, technique, commerciale ou financière, et perçoit une rémunération supérieure à
celle de dirigeant de droit.
Dans le même ordre d’idée le conjoint d’un dirigeant décédé, peut avoir la qualité de
dirigeant de fait s’il s’immisce dans la gestion de l’entreprise, en l’espèce le tribunal de
commerce de Marrakech a reconnu la qualité de dirigeant de fait au conjoint d’un dirigeant
décédé, puisqu’elle (sa femme) a pris le relais de la direction de l’entreprise sans être
légalement désignée1.
§ 2- L’interaction entre l’intérêt social et la direction de fait :
La logique juridique suppose qu’on assimile le dirigeant de fait au dirigeant de droit quant
aux responsabilités qui lui incombent.
L’exercice du pouvoir de gestion, a pour finalité la promotion de l’intérêt social. Ce dernier
détermine donc les actes de gestion de fait (A). L’intérêt social limite aussi le pouvoir du
dirigeant de fait (B).
A- La détermination des actes de gestion de fait :
Le dirigeant de fait accomplit des actes qui présentent un lien avec la finalité du pouvoir de
gestion. Ces actes sont appelés actes de gestion de fait. Il convient donc d’examiner leur
domaine d’intervention et leur finalité, afin d’établir l’existence d’un lien entre leur
accomplissement indu et la qualité de dirigeant de fait.
La qualification d’acte de gestion ou de direction est appliquée par les tribunaux aux actes
qui relèvent de la compétence des dirigeants sociaux et qui sont conformes à l’objet social 2.
C’est-à-dire, qui ont été accomplis pour la réalisation de l’activité que les associés ont
assignée à la société.

1
Jugement n° 09/2006 du 08/02/2006 dossier n° 12/05/2002, inédit.
2
Abdeljalil ELHAMMOUNI, Droit des difficultés de l’entreprise. La prévention des difficultés, le redressement
judiciaire, la liquidation judiciaire. 3ème édition 2008.

8
Ces actes peuvent intervenir dans la gestion interne de la société. Par exemple, le
dirigeant social de fait, prend des actes qui organisent le déroulement de l’activité sociale,
définit le rôle des différents employés, décide de l’emploi des ressources de la société.
Les actes de gestion de fait sont aussi ceux par lesquels une personne exerce indûment la
gestion externe de la société. Ainsi, la signature de contrats au nom et pour le compte de la
société, la représentation de la société auprès des tiers, l’établissement des déclarations
fiscales de la société, sont des actes de gestion de fait externes, lorsqu’ils ont été accomplis
par une personne, alors qu’un tel pouvoir n’a pas été régulièrement attribué à celle-ci.
B- La limitation du pouvoir du dirigeant de fait par l’intérêt social :
La direction est un pouvoir décisionnel ayant pour finalité la satisfaction des objectifs
sociaux. Il en résulte une limitation du pouvoir du dirigeant, de droit ou de fait, dont le but est
d’assurer la protection de la société contre les détournements de ce pouvoir à des fins
personnelles au dirigeant, voire nuisibles à la société.
Dans les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée, le législateur
sanctionne l’exercice du pouvoir de gestion qui outrepasse l’intérêt social1.
Section II : La faute de gestion :
La faute de gestion peut résulter, non seulement d’une erreur dans la gestion ou d’une
négligence, mais aussi du simple défaut de respect des dispositions légales et des statuts…
comme la continuation abusive d’une exploitation déficitaire.
La définition de la notion de faute de gestion sera étudiée en (Sous section I), tandisque
l’analyse des différents cas de figures formant la faute de gestion, dite grave ou lourde fera
l’objet de la (Sous section II).
Sous section I : Définition de la notion de faute de gestion :
Pour bien cerner cette notion, il faut d’abord la distinguer de certaines notions voisines
(§1), avant de se pencher sur l’interprétation que lui donne la jurisprudence (§2).
§1- La caractérisation de la faute de gestion :
Le plus souvent, la faute du dirigeant est considérée comme celle de la personne morale, si
bien que la jurisprudence considère que la responsabilité personnelle à l’égard des tiers n’est
pas engagée, car non séparable des fonctions de dirigeant. Il est donc essentiel de distinguer
les pouvoirs des dirigeants dans leurs rapports internes (avec les associés) de leurs pouvoirs
dans leurs rapports externes (avec les tiers).

1
Articles 706 et suiv. C.com.

9
A l’égard de la société, la responsabilité du dirigeant se trouve engagée par toute faute de
gestion, allant de la fraude caractérisée à la simple négligence fautive. L'action en
responsabilité peut émaner de la société elle-même ou en cas d'inaction de celle-ci, d’un ou
plusieurs associés, au nom de la société. A l’égard des associés, personnellement, la
responsabilité du dirigeant ne peut être recherchée, que si sa faute a causé un préjudice
personnel, distinct du préjudice subi par la société, hypothèse plutôt rare, s'agissant d'un
préjudice résultant d'une faute de gestion.
En droit Marocain, le dirigeant est tenu de montrer une attention particulière, celle d’un
« bon professionnel »1, et ce, en apportant toute la vigilance nécessaire dans l’exercice de ses
fonctions.
§2- L’appréciation jurisprudentielle de la faute de gestion :
La faute de gestion peut être appréciée d’une manière jurisprudentielle sous deux angles,
d’une part une appréciation dans le temps (A), et d’autre part, une appréciation selon la
compétence du dirigeant (B).
A- appréciation de la faute de gestion dans le temps :
La faute de gestion va être fondée sur des critères économiques, ainsi que sur des critères
juridiques.
Elle se fonde sur des critères juridiques lorsque le dirigeant ne gère pas la société dans
l’intérêt social, mais dans son intérêt personnel.
La faute de gestion peut être caractérisée à toutes les phases de la vie de l’entreprise. Cette
faute peut trouver sa source durant la gestion commerciale et financière de l’entreprise. Par
exemple, le désintérêt d’un dirigeant social pour son entreprise traduit par sa présence
intermittente est une faute de gestion.
B- faute de gestion et incompétence du dirigeant :
La qualification de faute de gestion peut avoir des formes variées. Il en est ainsi des
enfreintes aux règles comptables dans tous ses cas de figure, telles que les irrégularités graves
et répétées dans la tenue de la comptabilité.
La faute de gestion constitue donc une violation caractérisée des règles relatives à la gestion
des sociétés, par exemple le défaut de désignation d’un commissaire aux comptes pour les
sociétés dont la désignation est obligatoire, l’usage excessif des crédits et l’ignorance des
conseils du commissaire aux comptes, la négligence dans la supervision du recouvrement
d’une créance, les retards dans la présentation des comptes annuels, les informations

1
Saad MOUMMI, droit des obligations et contrats, édition BADII, 2000, p 341

10
trompeuses lors d’une transaction, et le licenciement d’un commercial entraînant une baisse
du chiffre d’affaires.
Sous section II : Faute de gestion grave ou lourde :
La faute lourde serait considérée comme une faute énorme, grossière, signe de l’extrême
défectuosité d’un comportement. Autrement dit, la faute lourde sanctionnerait le
comportement des dirigeants ayant agi avec une intention égoïste.
Les faits constituant une faute de gestion grave ou lourde sont bien déterminés par l’art 706
C.com. Ainsi les faits justifiants la soumission du dirigeants au redressement et liquidation
judiciaire sont au nombre de sept, qu’on peut ramener à deux grandes catégories, à savoir : les
faits relatifs à l’atteinte aux biens de l’entreprise et de l’épargne (§1) et à l’inobservation des
règles comptables (§2).
§ 1- Les faits portant atteintes aux biens de l’entreprise et à l’épargne :
Ces faits sont les suivants :
1. Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres 1 :
2. Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes
de commerce dans un intérêt personnel2 :
3. Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à
l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne
morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement 3 :
Ce cas est tout à fait similaire aux cas visés par les articles 107 al. 3 de la loi 5-96 sur les
sociétés autres que la SA et 384 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.
§ 2- Manquement aux règles comptables :
Le manquement aux règles comptables, traduit l’intention du dirigeant de donner une
image fausse de la société, ce qui crée chez les tiers et chez les associés une image fictive,
nuisant par conséquent à leurs droits.
La comptabilité permet de donner une idée sur la réalité du patrimoine social, et le
manquement aux obligations comptables prévues par les dispositions de la loi 15-96 (code de
commerce) et de la loi 9-88 relative aux règles comptables, fait présumer que les biens
sociaux sont appréhendés par les dirigeants4.

1
Ce cas est illustré bien par le cas de dirigeant ayant pris en possession le siège social en l’utilisant aux fins
d’habitat, jugement de Trib.com Casablanca, du 11/11/2002, n° 442/02 n° dossier 371/10/2002, cité par A. EL
HAMMOUMI, op.cité, p 177
2
Article 706/n°5 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.
3
Article 706/n°5 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.
4
Trib.com de Casablanca, jugement n° 101/02 du 18/03/2002, cité par Abdeljalil EL HAMMOUMI, op.cité,
p180.

11
Sont donc sanctionnés ceux qui :
1- Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de la
personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité conforme aux règles
légales1.
2- Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le
passif de la personne morale2.
3- Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des
dispositions légales3.

Partie II : Les sanctions patrimoniales encourues par les dirigeants :

Le droit des entreprises en difficultés, tel qu’il est réglementé par le livre V du code
commerce, vise à atteindre trois principaux objectifs à savoir la sauvegarde de l’entreprise, le
maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif. Les sanctions patrimoniales font
partie des solutions partielles de l’apurement du passif de l’entreprise. En effet, deux types
d’actions en responsabilité peuvent conduire à des sanctions patrimoniales :
- la première est l’action en comblement de passif, désignée par la loi française de
sauvegarde, comme action en responsabilité pour insuffisance d’actif et
- la seconde action tend à étendre la procédure de redressement ou de liquidation aux
dirigeants, appelée extension de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux
dirigeants sociaux, intitulée en droit français obligation aux dettes sociales.

S’agissant de la première, elle est réglementée par l’art. 704 C.com qui dispose
que : « Lorsque la procédure concernant une société commerciale fait apparaître une
insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette
insuffisance d'actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en partie, avec ou
sans solidarité, par tous ses dirigeants ou seulement certains d'entre eux ».
Quant à la deuxième, elle est prévue par l’art 706 C.com, qui précise que : « En cas de
redressement ou de liquidation judiciaire d'une société, le tribunal doit ouvrir une procédure
de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard de tout dirigeant contre lequel peut être
relevé un des faits ci-après: … ».

1
Article 706/n°5 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.
2
Article 706/n°6 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.
3
Article 706/n°7 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes

12
Ce sont donc ces deux actions qui feront l’objet de cette deuxième partie, en commençant
tout d’abord par l’étude de l’action en comblement de passif dans un premier temps (Section
I), pour se pencher ensuite sur l’action en extension de la procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire (Section II).
Section I : L’action en comblement du passif :
Sous section I : L’action en comblement du passif à la lumière de la jurisprudence et
des pratiques des tribunaux marocains:
Lorsque le redressement judiciaire d’une société commerciale fait apparaître une
insuffisance d’actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette
insuffisance d’actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en partie, avec ou
sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains
d’entre eux.
Néanmoins, ce principe souffre d’un certain nombre d’exceptions. Déjà la loi 5.96 permet
de constituer des sociétés de personnes dont la responsabilité de gérant est illimitée, vue qu’il
y a une confusion de patrimoine entre la société et son dirigeant et par voie de conséquence un
engagement automatique du patrimoine du dirigeant en cas de cessation de paiement de celle-
ci.
Cette obligation de répondre aux dettes sociales est subordonnée à trois conditions
essentielles : il faut une société en état de cessation de paiement, un actif insuffisant pour
répondre au passif et une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance.

Comme toute autre action en responsabilité, l’action en comblement de passif est tributaire
de l’existence d’une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Toutefois, compte tenu du particularisme de cette action, l’art. 704 C.com a conditionné le
succès de cette action par l’existence d’une faute qualifiée de gestion, une insuffisance d’actif
résultant de celle-ci et un lien de causalité entre ces deux éléments.

1. La faute de gestion : Peut être une action ou une omission, librement appréciée par
les juges de fond, mais dont les éléments de qualification et de motivation sont susceptibles de
contrôle par la cour suprême. Ainsi, la faute de gestion peut résulter, non seulement d’une
erreur dans la gestion ou d’une négligence, mais du simple défaut de respect des dispositions
légales et des statuts…comme la continuation abusive d’une exploitation déficitaire.

13
2. L’insuffisance d’actif : C’est l’équivalent du préjudice subit par les créanciers, en
droit commun de responsabilité. Il s’agit de la condition essentielle de la mise en œuvre de la
responsabilité. La faute du dirigeant qui a accru le passif social ou rendu l’actif social
insuffisant, a mis la société hors d’état de payer ses créances.
En outre, l’insuffisance d’actif ne peut être définitivement établie qu’après l’achèvement
de la vérification de l’actif, d’une part, et la réalisation du passif d’autre part. Sur un autre
plan, la date à retenir pour apprécier l’insuffisance d’actif commence le jour du jugement
d’ouverture de la procédure, donc seule les dettes antérieures au jugement d’ouverture
peuvent donner lieu à une action en comblement de passif, a contrario les dettes qui leurs sont
postérieures n’entrent pas dans le passif pouvant donner lieu à cette sanction.

3. Le lien de causalité :
Pour engager la responsabilité du dirigeant il est nécessaire qu’il existe un lien direct, de
cause à effet entre le faute de gestion et l’insuffisance d’actif. La formule retenue par la loi
laisse entendre que la simple contribution de la faute de gestion à l’insuffisance d’actif
demeure suffisante pour engager la responsabilité du dirigeant. En effet, selon l’art. 706
C.com, la faute doit contribuer à l’insuffisance d’actif.
Le non acquittement de la dite dette expose le dirigeant concerné à :
- La mise en redressement ou liquidation judiciaire personnelle et
- La déchéance commerciale.

Dans le même ordre d’idées, le tribunal compétent pour connaître l’action en comblement
de passif est le tribunal devant lequel est ouverte la procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire de la personne morale conformément aux dispositions de l’art. 703
C.com, qui ne sont qu’une précision de la règle générale prévue par l’art. 566 C.com qui rend
le tribunal qui a prononcé le redressement ou la liquidation judiciaire compétent pour toutes
les actions qui s’y rattachent.
Sous section II- Le résultat de l’action en comblement de passif :
Le résultat de l’action en comblement de passif peut s’analyser au regard des dirigeants,
comme il peut s’analyser au regard des créanciers. Pour la première catégorie, deux solutions
sont envisageables ; soit ils s’acquittent de la dette mise à leur charge par le juge, soit ils sont
défaillants, dans ce cas ils seront soumis à une procédure de redressement ou de liquidation (§
1). Pour la seconde catégorie, ils sont traités sur le même pied d’égalité, qu’ils soient
privilégiés, ou seulement chirographaires (§ 2).

14
§1- Une condamnation fluctuante des dirigeants :
D’après l’art. 704 C.com, le juge peut décider de mettre à la charge du dirigeant « tout ou
partie avec solidarité ou non » de l’insuffisance d’actif en cas de faute de gestion ayant
contribué à cette insuffisance.
Par ailleurs, le particularisme de cette sanction tien au fait qu’il n’existe aucun droit au
règlement intégral du passif des créanciers. Le tribunal a tout le pouvoir pour accorder la
réparation totale ou partielle de l’insuffisance d’actif1.
§ 2- Le sort des condamnations et la sanction de non-paiement :
L’art 702.al.3 du code du commerce, prévoit deux issues possibles pour les sommes
payées par les dirigeants après leur condamnation. Ainsi on distingue deux situations, soit
qu’un plan de cession ou de liquidation est adopté, soit qu’un plan de continuation est retenu.
Dans les deux premières hypothèses, les sommes recouvrées seront affectées au
désintéressement des créanciers. Le texte prévoit que les créanciers seront payés au marc le
franc2, c’est à dire que les sommes seront réparties entre tous les créanciers de manière égale.
Il faut signaler que cette solution s’avère plus équitable pour les créanciers chirographaires,
habituellement lésés en termes de remboursement ou d’indemnisation.
Dans la seconde situation, où un plan de continuation est décidé, les sommes versées
doivent être utilisées aux fins d’aider au redressement de l’entreprise, ce qui semble exclure
les créanciers postérieurs, car ils ne sont pas concernés par le plan.

D’un autre côté, il se peut que le dirigeant soit dans l’impossibilité de payer les sommes
dont il est redevable en vertu du jugement ordonnant le comblement de passif, malgré que ces
dits jugements soient exécutoires de plein droit. En réaction à une telle situation désastreuse,
le législateur a prévu trois sortes de sanctions qui sont applicables aux dirigeants qui ne
s’acquittent pas de la dette mise à leur charge par l’action en comblement de passif :
 Ils sont tout d’abord exposés à une extension de procédure de redressement
ou de liquidation de bien en application de l’art. 705 du C.com.
 Le tribunal doit ensuite prononcer la déchéance commerciale, en vertu de
l’art. 715 du C.com, qui emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler,
directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute société
ayant une activité économique. (art. 711 du C.com).

1
Serge Hadji-ARTINIAN, Op.cité, p322
2
Article 704 alinéas 3 du livre V de la loi 15-96 formant le code de commerce.

15
 Ils sont enfin punissables pénalement des peines de banqueroute, s’ils ont de
mauvaise foi, dissimulés ou détournés tout ou partie de leurs biens, en vue de les soustraire
aux poursuites de la personne morale en état de redressement ou de liquidation judiciaire, ou à
celle de ses associé ou créanciers.
Section II : L’extension de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux
dirigeants sociaux :
La deuxième sanction patrimoniale prévue par la loi marocaine, consiste dans l’extension
de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux dirigeants de l’entreprise en
difficulté. À la différence de l’action en comblement du passif qui repose sur la commission
d’une faute ayant contribué à l’insuffisance de l’actif, cette sanction se concrétise par la
commission de l’un des faits énumérés limitativement par les articles 705 et 706 du Code de
commerce. Le déclenchement et l’exercice de cette action a été confiés au syndic en vertu de
l’article 708 du Code de commerce.
C’est ainsi l’article 704/1 C.com mentionne que « Lorsque la procédure concernant une
société commerciale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute
de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que cette dernière sera
supportée, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous ses dirigeants ou seulement
certains d' entre eux ».
De son côté, l’article 706 du C.com, stipule dans son premier alinéa que : « En cas de
redressement ou de liquidation judiciaire d'une société, le tribunal doit ouvrir une procédure
de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard de tout dirigeant contre lequel peut être
relevé un des faits ci-après:
……………………… ».
L’action en extension de procédure aux dirigeants a un objectif évident : la prise en charge
du passif de la personne morale par le dirigeant fautif. Pour y arriver, ce dernier est soumis à
toutes les conséquences de redressement ou de liquidation judiciaire. On vise ici surtout, les
conséquences patrimoniales que ces procédures peuvent engendrer (Sous section I).
Cependant, certains dirigeants ne sont pas toujours en mesure d’exécuter les
condamnations qui leurs sont infligées en vertu du jugement ordonnant l’extension de la
procédure, ce qui peut les rendre passible d’autres sanctions, cette fois, très aggravées (Sous
section II).

Sous section I : L’ouverture de procédure de redressement ou de liquidation à


l’encontre du dirigeant :

16
L’ouverture de procédure de redressement ou de liquidation à l’encontre du dirigeant,
donne lieu à une procédure accessoire à la procédure ouverte contre la personne morale. En
effet, La mise en œuvre de cette action suppose la mise en redressement et liquidation
judiciaire de la personne morale.
C’est le tribunal qui a prononcé le jugement d’ouverture de procédure contre la personne
morale, qui sera compétent pour mettre en mouvement l’action en l’extension de la procédure
de redressement ou de liquidation.
Sous section I : L’issue de l’action en extension : une issue incertaine :
L’issue de l’action en extension de la procédure nous mène vers l’objectif principal de
cette procédure à savoir : la responsabilité du dirigeant du passif social sur son patrimoine
personnel, pire encore celui-ci subit « les conséquences du redressement et de liquidation de
la personne morale 1».
L’action d’extension de la procédure produit des effets, sur le dirigeant à titre personnel,
comme elle peut avoir des répercussions sur les ayants droit et les ayants causes du dirigeant.

Sur un autre plan, tout dirigeant qui n’est pas en mesure d’exécuter des condamnations qui
lui sont infligées en vertu de l’action en extension de la procédure, risque de voir sa
responsabilité aggravée. Ainsi, les conséquences sont plus graves que s’il y avait seulement
obligation de supporter le passif2.
En effet, comme c’est le cas pour le comblement de passif, les seules atteintes au
patrimoine personnel du dirigeant peuvent se révéler insuffisantes ou limitées. C’est la raison
pour laquelle le législateur a prévu la possibilité de sanctions professionnelles, qui consistent
à réprimer les agissements fautifs les plus graves, et qui ont des conséquences redoutables,
dans la mesure où elles évincent le dirigeant de la vie des affaires.
Dans le même ordre d’idée, le volet pénal est prévu également, puisque le dirigeant est
passible de la sanction de banqueroute3, qui vise à sanctionner pénalement tout dirigeant ayant
commis des faits4, de gravité importante.
Sur un autre plan, le conjoint et les descendants du dirigeant sont également affectés par
l’action d’extension de procédure, en vertu de l’art. 678 du C.com qui dispose que : « Le
syndic peut, en prouvant par tous les moyens que les biens appartenant au conjoint du

1
Yves GUYON, op.cité, p 441
2
Yves GUYON, op.cité, p 443
3
Art. 721 C.com
4
Presque les mêmes faits donnant lieu à l’action d’extension de procédure au dirigeant visée par l’art. 706
C.com.

17
débiteur ou à ses enfants mineurs ont été acquis avec des valeurs fournies par celui-ci,
demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à l’actif ».
L’instauration de cette procédure profite en conséquence aux créanciers sociaux,
considérés comme la pièce maîtresse de l’action en extension de la procédure. En effet, les
créanciers considèrent - surtout les créanciers chirographaires - l’action en extension de
procédure comme une garantie supplémentaire qui leurs permet le recouvrement de leurs
créances échues.

CONCLUSION
En réalité, l’action en responsabilité patrimoniale tend, par définition, à la réparation des
dommages causés à l’entreprise et à ses partenaires. La condamnation des dirigeants pour
combler l’insuffisance d’actif peut même porter sur toute l’insuffisance d’actif alors que la
faute de gestion de ce dirigeant n’a causé qu’une partie de cette insuffisance. Il n’y a donc pas
de proportionnalité entre le montant de la condamnation et le préjudice résultant de la faute du
dirigeant de fait. Par conséquent il ne s’agit pas d’une responsabilité mais d’une sanction
infligée au dirigeant.
De même, l’action en extension de redressement ou de liquidation permet de mettre une
partie ou la totalité des dettes de l'entreprise à la charge d'un dirigeant qui a usé du pouvoir
de gestion pour se livrer à des comportements répréhensibles dans son intérêt personnel. Elle
n’est donc pas une mesure de réparation, mais une sanction infligée au dirigeant qui a commis
une faute en exerçant le pouvoir de gestion dans son intérêt personnel.
Il faut insister sur le développement du volet éthique en droit des affaires en général, et
chez le dirigeant, en particulier, ce qui permet un retraçage du champ d’intervention de tous
les acteurs sur la scène économique.

18
BIBLIOGRAPHIE
 Les ouvrages :
 Abdeljalil EL HAMMOUMI, droit des entreprises en difficulté, 3éme édition 2008, sans
maison d’édition ;
 Mohamed Alami MACHICHI, droit commercial fondamental, 1ere édition 2003, Rabat ;
 Serge Hadji ARTINIAN, la faute de gestion en droit des sociétés, LITEC, 2001, Paris ;
 Yves GUYON, droit des affaires T II, 7éme édition 1999, Paris ;
 Yves GUYON, droit des affaires : droit commercial général et société, T 1, 11éme
édition, Economica 2001 ;
 Jeans François MARTIN, redressement et liquidation judiciaire, édition LAMY
commercial 1999, Paris ;
 Jean-François MARTIN et Alain LIENHARD, redressement et liquidation judicaire,
8éme édition DELMAS 2003, Paris ;
 Abdeljalil EL HAMMOUMI, droit des entreprises en difficulté, 2éme édition 2005, sans
maison d’édition ;
 Philippe Conte, Daniel Gutmann, Michel Germain , dirigeants de sociétés commerciales,
mémentos pratique Francis Lefebvre, édition Francis Lefebvre, 2005, Paris ;
 Saad MOUMMI, droit des obligations et contrats, édition BADII, 2000.

 Textes de lois :
 Dahir portant loi n° 1-93-212 du 4 rebii II 1414 (21 septembre 1993) relatif au conseil
déontologique des valeurs mobilières et aux informations exigées des personnes morales
faisant appel public à l'épargne tel qu’il a été complété et modifié par le Dahir n° 01-07-09 du
17 avril 2007 BO n° 5522 ;
 La loi n°15/95 formant code du commerce ;
 La loi n ° 17-95 relative à la société anonyme, tel quel a été modifié par la loi n° 22-05 ;
 La loi n°5/96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société
en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation.
(B.O n°4478 du 23 Hija 1417 (1er mai 1997), tel quel a été modifié par la loi n°21-05 ;
 Dahir portant loi n° 1-93-213 du 4 rabii II 1414 (21 septembre 1993) relatif aux
organismes de placement collectif en valeurs mobilières, BO du 6-10-1993 ;
 La loi n°15/97 formant code de recouvrement des créances publiques ;

19
 Dahir des Obligations et des Contrats, 09 Ramadan 1331 (12 août 1913), publié au BO
n° 46 du 12 septembre 1913 ;
 Dahir n° 1-92-138 portant promulgation de la loi n° 9-88 relative aux obligations
comptables des commerçants, publié au BO le 30/12/1992 ;

 Jugements :
- Jugement 32/2009 du 16/02/2009 dossier n° 80/25/2008, inédit ;
- Tribunal com. de Marrakech, jugement n° 9/2006 du 08/02/2006 dossier n° 12/15/2002,
inédit ;
- Tribunal com. de Casablanca, jugement n° 107/2009 du 18/05/2009 dossier n°
203/25/2008, inédit ;
- Trib.com, Casablanca, jugement n° 101/02 du 18/03/2002, cité par Abdeljalil EL
HAMMOUMI, op.cité, p180 ;
- jugement de Trib.com Casablanca, du 11/11/2002, n° 442/02 n° dossier 371/10/2002, cité
par A. EL HAMMOUMI, op.cité, p 177

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