Vous êtes sur la page 1sur 27

MASTER JURISTE D’AFFAIRE

Module : Droit de sociétés

La responsabilité civile des dirigeants sociaux

Réalisé par : kenza Aboulkheir Encadré par : Pr Guenbour Saida

Année universitaire : 2023-2024


Introduction :

« Les plus grands succès sont solidaires des plus grands risques ». 1En effet,
savoir diriger convenablement une entreprise, c’est savoir prendre des risques. La
fonction de dirigeant n’est pas une fonction sécurisante. Véritable organe de
décision et caractérisé par son indépendance et par des pouvoirs extrêmement
étendus dans la direction de la politique d’entreprise, le dirigeant est relativement
exposé au risque d’engager sa responsabilité civile dans le cadre de sa fonction.

Puisqu’aucune définition légale n’est donnée concernant la notion de dirigeant, la


jurisprudence s’est chargée d’en définir les contours aux moyens de plusieurs
arrêts. Le dirigeant serait donc une personne exerçant de façon positive,
déterminante et indépendante, des fonctions de direction, de gestion,
d’administration dans la conduite des affaires sociales.2 Ainsi, cette fonction se
caractérise par l’existence de prérogatives étendues et par de larges pouvoirs.

L’octroi de tels pouvoirs ne peut se faire sans contrepartie. En effet, dans la


mesure où le dirigeant dispose d’une pleine autonomie dans la gestion des affaires
sociales de la société, il apparait logique que cette prise de risque soit susceptible
d’engager sa responsabilité lorsque l’action menée s’avère être contraire aux
intérêts de la société.3

L’importance et l’étendue des pouvoirs conférés aux administrations et la gravité


des décisions qu’ils sont amenés à prendre doivent être contrebalancées par une
responsabilité qui permet de s’assurer que ces pouvoirs ont été utilisés à bon
escient et d’inciter les administrateurs à assurer une gestion saine et honnête de la
société. Une mauvaise administration de la société peut être source de préjudices
parfois considérables pour les actionnaires, les créanciers sociaux et les salariés
de l’entreprise. Les actionnaires minoritaires qui, par définition, n’ont pas la
majorité pour révoquer les dirigeants, doivent disposer d’une arme efficace pour
mettre fin ou pour lutter contre les dérives d’une mauvaise gestion. A cet effet, la
loi a aménagé un régime de responsabilité particulier pour les dirigeants sociaux
qui comprend un volet civil, un volet pénal, un volet fiscal et un volet social.

1
Citation de Jean Guitton, La pensée et la guerre, 1969.
2
Définition issue de : CA Paris, 11 juin 1987, Bull. Joly 1987. 719
3
Déborah HAZOT, « la responsabilité civile des dirigeants », Mémoire pour l’obtention du Diplôme de Master
2 Droit des Affaires spécialité Droit des Assurances, page : 7

[2]
En définitive, être dirigeant exécutif d’une société est devenu une fonction à
risques, pour ne pas dire à hauts risques ; le dirigeant n’assume pas seulement le
risque économique et financier inhérent à la gestion des entreprises, mais assume
aussi des risques juridiques qui trouvent leurs sources dans le droit des sociétés,
le droit des procédures collectives, le droit fiscal, le droit social sans préjudice des
réglementations particulières.

Plus les règles de droit deviennent nombreuses et complexes, et plus l’exposition


des dirigeants à voir leur responsabilité engagée est importante et plus il faut
prêter attention à la gestion des risques juridiques.4

La responsabilité des dirigeants est une réalité quotidienne ; elle donne lieu à une
jurisprudence fournie. De fait, les actions en responsabilité civile intentées contre
les dirigeants se multiplient, qu’elles soient initiées par les tiers ou par les
associés. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène, peut d’abord être
constaté un développement des actions en responsabilité intentés contre les
professionnels qui n’épargne pas les dirigeants de sociétés. Ensuite, l’action en
responsabilité civile constitue l’une des réponses offertes aux associés pour lutter
contre les dérives constatées dans la gestion de certaines sociétés. Enfin, l’action
en responsabilité est une arme efficace entre les mains des associés minoritaires ;
puisque ceux-ci ne peuvent pas, faute de majorité, révoquer les dirigeants, ils
peuvent toujours leur intenter un procès. 5

A la lumière de ces explications, il se trouve alors opportun de poser la


problématique suivante :

Dans quels cas la responsabilité civile des dirigeants sociaux serait-elle


engager ? Et quelles sont les sanctions prévues en cas de manquement de ces
derniers à leurs responsabilités et leurs obligations patronales ?

Il convient donc pour répondre à cette problématique de traiter en premier lieu


l’étendue de la responsabilité civile des dirigeants sociaux à l’égard de la société
ou des associés et à l’égard des tiers (I), et d’aborder en second lieu les sanctions
et les peines encourues en cas de manquement des dirigeants à leurs
responsabilités (II).

4
Mohamed El Mernissi, « traité marocain de droit des sociétés », pages : 506, 507
5
Maurice Cozian, Alain Viandier et florence deboissy, « Droit des sociétés », page : 166

[3]
PLAN

Partie I : le régime réglementaire de la responsabilité civile des dirigeants


de la société

Chapitre 1 : la responsabilité civile des dirigeants à l’égard de la société ou


des associés

Section 1 : cas d’ouverture de l’action en responsabilité


Section 2 : les modalités d’exercice de l’action en responsabilité

Chapitre 2 : la responsabilité civile des dirigeants à l’égard des tiers

Section 1 : l’étendue de la responsabilité envers les tiers

Section 2 : la nécessité d’une faute détachable des fonctions

Partie II : le régime spécial de la responsabilité civile des dirigeants sociaux

Chapitre 1 : les sanctions patrimoniales

Section 1 : l’action en comblement du passif

Section 2 : l’extension de la procédure aux dirigeants

Chapitre 2 : les sanctions personnelles

Section 1 : la déchéance commerciale

Section 2 : Autres mesures

[4]
Partie I : le régime réglementaire de la responsabilité civile
des dirigeants de la société
Les administrateurs, le directeur général et, le cas échéant, le directeur général
délégué ou les membres du directoire sont responsable individuellement ou
solidairement, selon le cas envers la société (chapitre 1) ou envers les tiers
(chapitre 2), soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires
applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes
dans leurs gestion.

Chapitre 1 : la responsabilité civile des dirigeants à l’égard de la


société ou des associés
Section 1 : cas d’ouverture de l’action en responsabilité
La responsabilité des administrateurs peut être recherchée dans trois séries de cas
(article 352, al.1) : infractions à la loi 17_95 et ses textes d’application, violations
des statuts et fautes de gestion6.

A- Infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables


aux sociétés anonymes :

Le non-respect par les administrateurs des obligations qui leur sont imposées par
la loi 17_95 et ses décrets d’application engage leur responsabilité, en particulier
dans les cas suivants :

- Nullité de la société ou nullité d’actes ou de délibérations postérieurs à la


constitution.
- Inobservation des règles relatives au fonctionnement du conseil ou à la tenue
des assemblées générales (défaut de convocation, non-respect des règles de
quorum et de majorité, du droit de communication, des règles de publicité, de
la procédure applicable aux conventions règlementées).
- Irrégularité dans la tenue des comptes sociaux ou dans la distribution des
dividendes.

Les dispositions dont la violation peut engager la responsabilité des dirigeants


sont les dispositions impératives de la loi 17_95. Comme la loi ne détermine
pas le caractère impératif des règles qu’elle édicte, la seule certitude est que
sont impératives les dispositions qui sont sanctionnées
6
Un projet de loi modifiant et complétant la loi 17_95 prévoit d’ajouter à l’article 352 al.1 un quatrième cas de
responsabilité concernant les actes pris en dehors de l’intérêt de la société

[5]
pénalement ou pour le respect desquelles la loi permet de demander en justice
la régularisation par voie d’astreinte.

Il convient d’ajouter les dispositions qui relèvent de l’ordre public sociétaire


et qui s’articulent autour de trois axes principaux : l’égalité des associés, la
protection des minoritaires et des tiers, en particulier les créanciers sociaux, et
le respect de l’intérêt social.

B- Violation des statuts :

Chaque fois que les administrateurs n’observent pas les dispositions statutaires,
ils commettent une faute susceptible d’engager leur responsabilité. Il en est ainsi
en cas de dépassement de l’objet social, de non-respect des limitations de pouvoirs
ou des délais statutaires de convocations ou encore l’inobservation des règles sur
le contrôle des cessions d’actions (procédure d’agrément, droit de préemption).

Ce domaine de responsabilité demeure limité dans la mesure où la loi laisse peu


de place aux aménagements conventionnels. Il en va autrement dans la société
anonyme simplifiée dans laquelle la liberté contractuelle est beaucoup plus
grande.

Qu’il s’agisse des infractions à la loi ou de la violation des statuts, on est en


présence de l’inexécution d’obligations de résultat. Il suffit de constater
l’infraction ou la violation pour retenir la responsabilité du dirigeant. La tâche du
demandeur se trouve facilitée parce qu’il n’a pas à établir la faute du dirigeant.

C- Fautes de gestion :
• Notion de faute de gestion :

La notion de la faute de gestion recouvre une multitude de situations ou le


dirigeant n’a pas eu un comportement dit normal par référence à celui d’un
dirigeant normalement avisé. Il y a faute de gestion selon un arrêt de la cour de
cassation française rendu le 19 Mars 1996 pour des erreurs commises en amont
telles que des « choix d’’investissements inadaptés ou excessifs lors de la création
de la société, compte tenu de leurs conditions prévisibles de financement, pouvait,
à supposer les faits établis, constituer une faute de gestion ayant contribué à
l’insuffisance d’actifs. »7

7
Mehdi ESSARSAR, « la responsabilité du dirigeant d’entreprise », imprimerie SPARTEL, Tanger, 2008, page 36

[6]
La faute s’apprécie par rapport au comportement d’un dirigeant prudent, diligent,
attentif, actif et scrupuleux placé dans les mêmes circonstances. Il s’agit d’une
appréciation in abstracto tempérée par la prise en compte de la situation et des
circonstances dans lesquelles s’est trouvé l’administrateur incriminé. La
responsabilité est fondée sur le régime de la faute prouvée et trouve son origine
dans l’inexécution d’une obligation de moyen.

La mauvaise gestion reprochée à l’administrateur peut être volontaire et découler


de fautes positives (opérations à gros risques, concurrence déloyale, utilisation
abusive des fonds sociaux, présentation de comptes inexacts).ce genre de reproche
est souvent adressé au directeur général qui est en charge de la gestion
opérationnelle de la société.

Mais dans la pratique la mauvaise gestion résulte souvent de fautes d’abstention


liées à l’incompétence, la négligence, l’incurie ou la carence, celles-ci sont
essentiellement constituées par un défaut ou une suffisance dans la surveillance
des organes exécutifs, du personnel salarié et de la comptabilité et pour les
administrateurs non dirigeants non dirigeants, dans la surveillance du directeur
général et des directeurs généraux délégués.

La responsabilité du dirigeant a également a été retenu pour son abstention en est-


il de l’inaction du dirigeant pour reporter la date de cessation de paiements.
Attendu que un arrêt de la cour de cassation rendu le 22 octobre 1996 à retenu que
le report au 15 janvier 1990 de la date de cassation de paiement en vertu d’un
jugement devenu irrévocable faute de recours , suffisait à caractériser une faute
de gestion de la part des dirigeants qui, en attendant juin 1990 pour déposer le
bilan de la société, étaient responsable de la constitution d’un passif
supplémentaire qui a contribué à accroitre le montant de l’insuffisance d’actif déjà
existant ; qu’en l’état de ces appréciations, la cour d’appel, qui a caractérisé la
faute de gestion des dirigeants sociaux et le lien de causalité avec l’insuffisance
d’actif constatée, à laquelle de cette faute a contribué, n’a fait qu’user des pouvoirs
qu’elle tient de l’article 180 de la loi 25 janvier 1985 en les condamnant au
paiement d’une partie des dettes sociales.

• Fondement de la responsabilité : la responsabilité des administrateurs est une


responsabilité contractuelle qui doit être appréciée d’après les règles générales
du mandat visées aux articles 903 et 904 du DOC. En effet, les administrateurs
sont des mandataires sociaux et les représentants légaux de la société.

[7]
L’article 903 du DOC dispose que le mandataire est tenu d’apporter à la gestion
dont il est chargé la diligence d’un homme attentif et scrupuleux, et il répond du
dommage causé au mandant par le défaut de cette diligence, tel que l’inexécution
volontaire de son mandat ou des instructions spéciales qu’il a reçues ou de
l’omission de ce qui d’usage dans les affaires.

L’article 904 du DOC précise que ces obligations doivent être entendues plus
rigoureusement lorsque le mandant est salarié et lorsqu’il est exercé dans l’intérêt
d’un mineur, d’un incapable ou d’une personne morale.

• Preuve de la faute de gestion : concernant l’établissement de la preuve de


cette faute, il convient de préciser qu’elle doit être prouvée conformément au
droit commun. La difficulté de l’établissement de la preuve varie en fonction
de « la définition » adopté. Y. Guyon considère que « les progrès techniques
favorisent son établissement » car seuls deux cas peuvent présenter soit
l’entreprise a tenu une comptabilité soignée mais cette analyse scrupuleuse
établira une faute. Si cette analyse semble cohérent, elle semble néanmoins
incomplète car elle ne prend pas en considération le développement perpétuel
de la jurisprudence autour cette notion qui tend même à la détacher de toute
gestion. 8

La faute de gestion est difficile à établir d’autant plus que lorsque le tribunal est
appelé à statuer sur la responsabilité, les faits reprochés aux dirigeants peuvent
remonter loin dans le temps. Il n’est pas toujours facile de se placer
rétrospectivement dans le feu de l’action au moment où la décision incriminée a
été prise afin d’apprécier son opportunité.

En outre, les actes de gestions sont imbriqués les uns aux autres et sont mêlés à
d’autres facteurs conjoncturels qui ont pu influer sur la décision. C’est toujours
facile de jouer les cassandres après coup. Il importe donc que la faute de gestion
soit suffisamment caractérisée. La preuve peut cependant être facilitée par les
conclusions de l’expertise de gestion diligentée à la requête des minoritaires, par
le rapport du syndic qui dresse le bilan financier, économique et social de
l’entreprise en difficulté (CC article 595) ou par les conclusions de l’enquête
préliminaire en cas de poursuites pénales.

Même si les minoritaires ne disposent pas de la quotité de capital nécessaire à la


mise en œuvre de l’expertise de gestion, ils peuvent demander une expertise de

8
Mehdi ESSARSAR, « la responsabilité du dirigeant d’entreprise », imprimerie SPARTEL, Tanger, 2008, page 38

[8]
droit commun dans les conditions de l’article 149 du code de procédure civile en
suivant la procédure des référés.

Il n’en demeure pas moins que les administrateurs s’exposent à un risque objectif
qui ne peut être évité que s’ils font preuve d’une grande vigilance. Cette vigilance
doit s’exercer même à l’égard des décisions autorisées par l’assemblée générale
qui pourraient ne pas être conformes à l’intérêt social.

• Cas de fautes de gestion : la jurisprudence française a retenu comme faute


de gestion :

- Le fait pour un dirigeant, en présence de la détérioration rapide de la situation


financière de la société de n’avoir pas pris en temps utile des mesures concrètes
de restructuration et, dans le même temps, de s’être fait consentir des avantages
financiers ;

- Le fait pour un administrateur de n’avoir pas exercé les missions de surveillance


et de contrôle qui lui incombaient, sans que l’intéressé puisse prétendre s’exonérer
de sa responsabilité en raison de la carence du président ou de la courte durée
pendant laquelle il a exercé ses fonctions ;

-Le fait pour un administrateur de s’être abstenu d’exiger du président qu’il


effectue la déclaration de cessation des paiements qui s’imposait en vue d’obtenir
le bénéfice du redressement judiciaire ;

- Le fait d’avoir mis en place, lors de la création de l’entreprise, un plan


d’investissements inadaptés ou excessifs compte tenu des conditions prévisibles
de financements de ces investissements ;

- Le fait d’avoir créé une société sans apporter de fonds propres suffisants pour
assurer son fonctionnement dans des conditions normales et d’avoir pour suivi
l’activité de la société sans prendre aucune mesure pour remédier à cette
insuffisance de fonds propres ;

- Le fait de n’avoir pas accordé toute son attention à la gestion de l’entreprise


naissante et fragile et d’avoir compté sur les subventions aléatoires et sur le
soutien des banques pour se constituer une trésorerie

- Le fait de n’avoir été présent au siège de l’entreprise qu’un jour par semaine en
déléguant la plupart de ses pouvoirs à des collaborateurs qu’il savait incompétents.

[9]
Section 2 : les modalités d’exercice de l’action en responsabilité
La mise en cause de la responsabilité des administrateurs peut donner lieu à
l’exercice de trois actions : l’action sociale ut universi, l’action sociale ut singuli
et l’action individuelle.

A- L’action sociale ut universi :

Cette action sociale doit être exercée par les représentants légaux de la société.
Elle est alors appelée « action ut universi ».

Ella a pour objet le maintien ou la reconstitution du patrimoine social spolié par


les dirigeants fautifs. Le dommage a, en effet, un caractère collectif. Il provient
d’une irrégularité ou d’une omission lors de la constitution de la société, d’une
modification irrégulière des statuts ou d’une faute de gestion.

Une telle action peut ainsi être intentée, notamment par les nouveaux dirigeants à
l’encontre des anciens dirigeants pour des faits antérieurs à l’entrée en fonction de
ces derniers.9

Elle est exercée par la société pour demander la réparation de préjudice qu’elle a
subi du fait des fautes commises par les administrateurs (pertes importantes,
redressement fiscal …). Cette action doit être engagée au nom de la société :

- Par les autres administrateurs dont la responsabilité n’est pas en cause ;


- Après révocation ou démission des administrateurs fautifs, par leurs
successeurs ;
- Par le liquidateur en cas de dissolution ;
- Par le syndic en cas de redressement ou de liquidation judiciaire ;

Mais souvent, par esprit de corps ou de fratrie, les administrateurs répugnent à


agir contre l’un d’entre eux ou contre leurs prédécesseurs. C’est pourquoi la loi a
permis aux actionnaires, en cas d’inertie ou de carence des représentants légaux
de la société, d’exercer l’action sociale. Il en est de même si l’action sociale ut
universi est exercée de manière purement formelle sans aucune critique à l’égard
des dirigeants visés.

B- L’action sociale « ut singlu » :

9
Jean- baptiste ROZES, « la responsabilité des dirigeants », page : 41

[10]
Toutefois, si les dirigeants ont commis une faute à l’égard de la société, ils
s’intenteront d’évidence pas une action dirigée contre l’un ou l’autre ou
l’ensemble d’entre eux. De ce fait, en cas d’inertie des dirigeants, l’action sociale
aux fins de réparation du préjudice subie par la société peut également être exercée
par les associés ou le ou les actionnaires eux-mêmes. Cette action sociale est alors
appelée « action ut singuli ».10

Les actionnaires peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les


dirigeants (administrateurs, directeurs général, directeurs généraux délégués ou
membres du directoire) pour obtenir la réparation de l’entier préjudice subi par la
société.

C’est un droit propre qui est conféré aux actionnaires à titre individuel pour se
substituer aux organes défaillants de la société. Il peut être exercé par tout
actionnaire, fut-il titulaire d’une seule action. A cet égard, la loi 17-95 a supprimé
le seuil de détention du vingtième du capital qui était exigé par la loi du 24 juillet
1867 pour exercer l’action ut singuli.

v L’action sociale est celle qui appartient à la société qui peut l’exercer à
l’encontre des dirigeants fautifs chaque fois qu’un préjudice affecte
directement son patrimoine, et tend ainsi à la reconstitution du fonds social
amputé par l’effet du dommage qui lui a été causé.

C’est le cas de l’action tendant à faire condamner un dirigeant fautif à


rembourser à la société ce dont elle a été injustement démunie. C’est aussi le
cas lorsqu’à la suite d’une faute d’un dirigeant, la société a été condamnée à
payer à un tiers des sommes d’argent comme réparation d’un dommage qui
lui a été causé du fait d’une gestion fautive. C’est enfin le cas lorsque le
dirigeant, en distribuant des dividendes fictifs, diminue l’actif social.11

C- L’action individuelle :

Lorsque les agissements des administrateurs ne portent préjudice qu’à un seul


actionnaire, celui-ci a la possibilité d’exercer une action individuelle en
responsabilité fondée sur l’article 77 du DOC contre les administrateurs ou même
contre un tiers cocontractant de la société. Ce préjudice doit être strictement
personnel à l’actionnaire demandeur et indépendant de celui que la

10
Jean- baptiste ROZES, « la responsabilité des dirigeants », page : 42
11
Ahmed OMRANE, « LA RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS SOCIAUX », page : 254

[11]
société a pu subir.12

Autrement dit, l’associé demande par cette action la réparation d’un préjudice qui
lui est personnel, un préjudice qui n’est pas le corollaire de celui subi par la
société. Cette action n’est prévue par aucun texte spécial. Cette action n’est pas
subordonnée à la condition que les fautes imputées aux dirigeants soient
détachables de leurs fonctions sociales.

Il est possible de citer l’exemple du détournement par un dirigeant des dividendes


revenant à un associé ou le fait pour les dirigeants d’induire intentionnellement en
erreur les associés minoritaires sur les causes et les conditions d’une réduction de
capital en vue de racheter leurs titres à moindre coût. (Arrêt de la cour de cassation
française n° 02-21547 rendu le 9 mars 2010).

En revanche, selon une jurisprudence constante de la chambre commerciale de la


cour de cassation, l’associé qui invoque une dépréciation de la valeur de ses titres
due à une mauvaise gestion des dirigeants ne caractérise pas un préjudice
individuel distinct du préjudice social, le premier n’est que le corollaire du second,
la demande en réparation doit en conséquence prendre la voie de l’action sociale.
(Arrêt du 1er avril 1997) 13

12
Mohamed EL MERNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », page : 519
13
Maurice COZIAN, Alain VIANDIER et florence DEBOISSY, « Droit des sociétés », page : 169, 170

[12]
Chapitre 2 : la responsabilité civile des dirigeants à l’égard des tiers
Section 1 : l’étendue de la responsabilité envers les tiers :
Notion de tiers : En droit des sociétés anonymes, la notions de tiers désigne toute
personne étrangère à la société, qui n’est ni actionnaire ni dirigeant. Il s’agit
essentiellement de tous ceux qui ont traité avec la société (fournisseurs de biens
ou de services, banquiers, prêteurs...). Dans la pratique, le tiers désigne
essentiellement les créanciers sociaux.

Lorsqu’ils ont un intérêt, en particulier lorsqu’ils ne sont pas payés, la loi leur
permet d’agir contre la société, mais aussi contre les dirigeants à titre personnel
dans certaines situations particulières.

Fondement de la responsabilité : à l’égard des tiers, les dirigeants engagent leur


responsabilité délictuelle sur le fondement des articles 77 et 78 du DOC dans la
mesure où les tiers ont contracté avec la société personne morale et non avec les
dirigeants personnellement.

Irresponsabilité de principe des dirigeants, en effet, les dirigeants sont


doublement protégés à l’égard des tiers :

14
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000006981755/

[13]
- Par les règles du mandat lorsqu’ils agissent conformément aux pouvoirs qui
lui ont été donnés ;
- Par l’écran de la personnalité morale qui interdit en principe aux tiers de
mettre en cause la responsabilité personnelle des dirigeants

Toutefois, les tiers peuvent mettre en cause la responsabilité personnelle des


dirigeants sur trois fondements juridiques, à savoir :

1. L’article 352 de la loi 17-95 qui, de manière expresse, rend responsables


des dirigeants, individuellement ou solidairement, à l’égard des tiers.
S’agissant d’un texte élaboré spécialement pour les dirigeants de la société
anonyme, son application doit prévaloir sur les textes généraux sur le
mandat, et en particulier sur l’article 921 du DOC.
2. L’ordre public sociétaire qui contient les principes généraux du droit des
sociétés anonymes tels qu’ils résultent des dispositions législatives et des
décisions judiciaires. Il s’articule autour de trois axes principaux : l’égalité
des associés, la protection des associés minoritaires et des tiers, en
particulier les créanciers sociaux et le respect de l’intérêt social.

Dès lors que l’engagement des associés dans la société anonyme est limité au
montant de leur apport, il est légitime que ceux qui traitent avec la société
soient protégés contre la mauvaise gestion des dirigeants qui conduit
volontairement ou involontairement à l’insolvabilité de la société et au non-
paiement des créanciers.

3. La faute détachable, les tribunaux français retiennent la responsabilité


personnelle des dirigeants s’ils commettent une faute personnelle qui
détachable du mandat social. Pour agir contre un dirigeant, le tiers doit
invoquer une faute qui lui est imputable personnellement et qui est
détachable de ses fonctions.15

Section 2 : la nécessité d’une faute détachable des fonctions


15
Mohamed EL MERNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », page 511,512

[15]
Cette notion de faute détachable ou séparable est la transposition en droit des
sociétés de la distinction faite en droit administratif entre la faute de service et la
faute personnelle. Elle a été proclamée solennellement par un arrêt de principe de
la cour de cassation française aux termes duquel la responsabilité personnelle d’un
dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute
séparable de ses fonctions et qui lui est imputable personnellement. La même cour
a tenu à préciser qu’il y a faute séparable lorsque le dirigeant commet
intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec
l’exercice normal des fonctions sociales.

De manière générale, le dirigeant qui commet une faute constitutive d’une


infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales,
engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers à qui cette faute a porté
préjudice. La faute pénale intentionnelle est un fait générateur autonome de
responsabilité personnelle du dirigeant. 16

En 1950, à l’occasion d’une affaire marocaine, la cour de cassation a décidé qu’un


administrateur, qui se sert de son autorité dans le conseil d’administration pour
améliorer sa situation au détriment d’un administrateur non présent et à l’encontre
des intérêts de la société, commet un délit sortant du cadre de la gestion des
administrateurs et engageant sa propre responsabilité et non celle de la société à
l’égard de l’administrateur qui en a été victime.17

En définitive, la faute détachable des fonctions ne peut être retenue contre un


dirigeant que si trois conditions sont réunies : une faute intentionnelle, une faute
particulièrement grave et une faute incompatible avec l’exercice normal des
fonctions de dirigeant.18

• La chambre commerciale de la cour de cassation française, dans un arrêt


du 20 mai 2003, est revenue sur son indulgence première. Il faut admettre que
les faits s’y prêtaient puisque la gérante d’une SARL avait cédé à un
fournisseur, en paiement d’une livraison de matériaux, deux créances qu’elle
avait antérieurement cédées à une banque. Les juges de fond, approuvés par la
cour de cassation, firent droit à la demande du fournisseur qui invoquait la
responsabilité personnelle de la gérance aux fins d’obtenir réparation du
préjudice résultant du non règlement des créances cédées. Dans

16
Mohamed EL MERNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », pages : 512,513
17
9 févr.1950 (société fiduciaire du Maroc), revue politique et juridique de l’Union française, 1950, 574 ;
RACAR, T. 18,69
18
Mohamed EL MERNNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », page : 513

[16]
un attendu du principe, la Haute cour a appelé le principe selon lequel « la
responsabilité du dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a
commis une faute séparable de ses fonctions » pour ensuite définir celle-ci :
«il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une
gravité particulière incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales
». 19

19
Maurice COZIAN, Alain VIANDIER et florence DEBOISSY, « Droit des sociétés », page : 172

[17]
Partie II : le régime spécial de la responsabilité civile
des dirigeants sociaux
La responsabilité aggravée est la responsabilité régie par le code du commerce ;
elle intervient lorsque la société est mise en redressement ou en liquidation
judiciaire pour sanctionner le comportement des dirigeants de droit ou de fait,
rémunérés ou non (code de commerce, art 736), qui sont à l’origine des difficultés
de la société. C’est essentiellement dans ce cadre que la responsabilité des
administrateurs sera mise en cause dans la pratique.

Trois sanctions principales (comblement du passif, extension de la procédure aux


dirigeants, déchéance commerciale) sont prévues et qui peuvent être classées en
deux catégories en distinguant les sanctions patrimoniales et les sanctions
personnelles.20

Chapitre 1 : les sanctions patrimoniales


Il s’agit de l’action en comblement du passif et de l’extension de la procédure aux
dirigeants.

Section 1 : l’action en comblement du passif :


Lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire font apparaitre une
insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à
cette insuffisance d’actif, décider de faire supporter cette insuffisance, en partie
ou en totalité, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou seulement par
certains d’entre eux. (Article 738 du code de commerce al.1)

Conditions de la mise en œuvre de l’action en comblement du passif :

Pour la mise en jeu de cette responsabilité, il faut la réunion de quatre conditions


:

- Un jugement d’ouverture de la procédure de traitement des difficultés de


l’entreprise.
- La faute de gestion, cette notion de faute a une acceptation plus large et
englobe à la fois la faute de gestion stricto sensu de l’article 352, alinéa 1 de
la loi 17-95, mais aussi la violation des dispositions légales et statutaires. La
faute doit avoir été commise avant l’ouverture de la procédure collective ; les
fautes postérieures ne peuvent être sanctionnées que dans le cadre du droit

20
Mohamed EL MERNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », page : 521

[18]
commun.
- Un dommage subi par la société et qui consiste dans l’insuffisance d’actif. Par
insuffisance d’actif, on entend la fraction du passif qui n’est pas couverte par
l’actif social. En cas de redressement, c’est la valeur de l’actif qui est retenue
; en cas de liquidation, on tient compte de la valeur de réalisation.
- Le lien de causalité qui est la contribution de de la faute au dommage causé.
Les dirigeants visés par la sanction (article 736 du code de commerce) :
- Dirigeants de droit : le dirigeant de droit est celui qui détient ses pouvoirs
d’une désignation par les statuts, ou d’une désignation d’un organe habilité,
qui l’investit de pouvoir de direction et de représentation.21

Ce sont les administrateurs, les représentants des personnes morales


administrateurs, le directeur général et, le cas, échéant, les directeurs généraux
délégués dans la société anonyme à conseil d’administration, les membres du
directoire dans la structure dualiste.

La qualité de dirigeant de droit résulte non de l’activité, des attributions ou des


pouvoirs de la personne concernée, mais de sa désignation régulière par les statuts
ou par les organes sociaux compétents. Le défaut d’inscription du dirigeant au
registre du commerce et sans incidence sur sa responsabilité en qualité de
dirigeant de droit. 22

- Dirigeant de fait : à l’opposé du dirigeant de droit, le dirigeant de fait est celui


qui dirige une société, sans avoir été désigné par la loi ni régulièrement désigné
par les organes compétents de la société. « il n’est pas le représentant légal de
la société, mais en raison des actes personnels qu’il accomplit, il l’est, en fait,
son dirigeant. »23

Ce sont les personnes physiques ou morales qui se sont impliquées dans la gestion
et la direction de la société sans droit ni titre.

En effet, un arrêt rendu par la cour de cassation française, a donné des dirigeants
de fait une définition circonstanciée : « les personnes, tant physiques que morales
qui, dépourvues de mandat social, se sont immiscés dans la gestion,
l’administration ou la direction d’une société, celles qui en toutes souveraineté
21
Mehdi ESSARSSAR, « La responsabilité du dirigeant d’entreprise », imprimerie SPARTEL, Tanger, 2008,
page : 23
22
Mohamed EL MERNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », page : 522 et 523
23
Mehdi ESSARSSAR, « La responsabilité du dirigeants d’entreprise », imprimerie SPARTEL, Tanger,
2008, page : 24

[19]
et indépendance, ont exercé une activité positive de gestion et de direction
engageant la société sous couvert ou au lieu et place de ses représentants
légaux ».

La notion de dirigeants de fait nécessite la réunion d’un faisceau d’indices


concordantes, comme la signature bancaire, la signature des documents
commerciaux et administratifs ou la gestion effective de contrats d’importance
avec les clients. 24

En effet, la jurisprudence française ne considère que les membres du conseil de


surveillance n’aient pas la qualité de dirigeants droit. S’ils n’ont pas agi en qualité
de dirigeant de fait, ils ne peuvent pas être poursuivis en comblement de passif.
Mais les créanciers lésés ont la possibilité de leur demander réparation s’ils
établissent une faute dans l’accomplissement de leur obligation de contrôle de la
gestion du directoire. (Arrêt rendu par la cour de cassation française le 6 février
1979)

- Anciens dirigeants : les dirigeants visés peuvent être indifféremment les


dirigeants en fonction au moment de l’ouverture de la procédure collective ou
d’anciens dirigeants qui, par leur faute de gestion, ont contribué à
l’insuffisance d’actif.

Le défaut de publication de la cessation des fonctions d’un dirigeant ne permet


pas de poursuivre celui-ci en paiement de dettes sociales dès lors qu’il a
effectivement cessé d’exercer ses fonctions et qu’aucune faute antérieure à la
cessation ne peut lui être reprochée.25

- Héritiers : les héritiers des dirigeants décédés sont tenus au comblement de


passif au lieu de la place de leur auteur dans la limite de l’actif successoral.
• L’action en comblement du passif se prescrit par trois ans à compter du
jugement qui arrête le plan de redressement ou, à défaut, de la date du
jugement qui prononce la liquidation judiciaire ; (art 738, al 2 du CC)

Section 2 : l’extension de la procédure aux dirigeants

24
Jean- baptiste ROZES, « la responsabilité des dirigeants »
25
Mohamed EL MERNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », page : 523

[20]
L’action en comblement de passif, qui se prescrit en 3 ans, peut être engagée soit
par le juge en charge du redressement ou de la liquidation, mais aussi à l’initiative
du syndic ou du Parquet. La responsabilité patrimoniale des dirigeants peut être
également recherchée par une autre procédure judiciaire, dite de «l’extension» du
redressement ou de la liquidation qui ne repose pas sur une faute de gestion, mais
sur des «faits» à caractère frauduleux. Cette procédure a été notamment très
médiatisée à l’occasion de l’affaire de la Samir, puisqu’elle a permis de saisir tous
les biens des dirigeants et administrateurs pour désintéresser les créanciers de la
société liquidée.26

Le redressement ou la liquidation judiciaire sont étendus d’office ou à la demande


du syndic aux dirigeants contre lesquels peut être relevé un des sept fait suivants
: (article 740 CC)

1. Avoir disposé des biens de la société comme des siens propres; c’est l’abus
de biens sociaux par acte de disposition.
2. Sous le couvert de la société masquant ses siens agissements, avoir fait des
actes de commerce dans un intérêt personnel ; c’est l’abus de personnalité
morale.
3. Avoir fait des biens ou du crédit de la société un usage contraire à l’intérêt
de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise
dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ; c’est l’usage
abusif des biens et du crédit de la société.
4. Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation
déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la
société ; c’est la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire.
5. Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaitre des documents
comptables de la société ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité
conforme aux règles légales.
6. Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement
augmenté le passif de la société.
7. Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière.

Ces cas d’extension sont essentiellement fondés sur la confusion de


patrimoine, le dirigeant ayant confondu son patrimoine avec celui de la
société. Les motifs les plus retenus par les tribunaux ont trait à la tenue
de la comptabilité, à la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire
26
Sara IBRIZ, Revue de presse, Webinaire IMA: « Le dirigeant de la société anonyme et les fautes de gestion :
définition, Risques et prévention », soutenue Jeudi 3 juin 2021 ;

[21]
ou au fait de faire supporter à la société les dettes ou les dépenses
personnelles des dirigeants.

L’action est prescrite dans les mêmes conditions que l’action en


comblement de passif (art 741 al.3 CC). En cas d’extension, le passif
comprend le passif personnel du dirigeant et celui de la société. (art 741
al.1 CC). 27

Le tribunal de commerce de Marrakech prévoit dans un jugement n° 28,


dossier n° 135/8310/2021, rendu le 15/02/2022, que : « La demande du syndic
tendant à l’extension de la procédure de traitement (redressement ou
liquidation) au dirigeant fautif se prescrit par trois (3) ans à compter du
jugement qui arrête le plan de continuation ou de cession ou, à défaut, du
jugement qui prononce la liquidation judiciaire sur la base de l’alinéa dernier
de l’article 741 du code commerce. »

Chapitre 2 : sanctions personnelles


Section 1 : la déchéance commerciale
Lorsqu’un dirigeant se trouve dans l’un des sept cas mentionnés à l’article 740, le
tribunal doit, à toute moment de la procédure, se saisir en vue, s’il y a lieu, de
prononcer sa déchéance commerciale (art 746 CC). Cette sanction emporte :

- Interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou


indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute société
commerciale ayant une activité économique. (art 750 CC).
- Incapacité d’exercer une fonction publique élective (art 751 CC).

La même sanction s’applique à tout dirigeant d’entreprise contre lequel a été


relevé l’un des faits suivants énumérés à l’article 747 du code de commerce :

1. Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou en fonction de


direction ou d’administration d’une société commerciale contrairement à
une interdiction prévue par la loi.
2. Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure,
fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des
moyens ruineux pour se procurer des fonds.
3. Avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements
jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu

27
Mohamed EL MERNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », page : 525

[22]
égard à la situation de l’entreprise.
4. Avoir omis de faire, dans le délai de 15 jours, la déclaration de l’état de
cessation des paiements.
5. Avoir procédé, de mauvaise foi, au paiement d’un créancier au détriment
des autres créanciers pendant la période suspecte.

Enfin, la déchéance frappe le dirigeant qui n’a pas acquitté l’insuffisance


d’actif mise à sa charge. (Art 750, al.2 CC). 28

En effet, le tribunal de commerce (Casablanca) prévoit dans un jugement n°47


du 02/12/2002 Dossier N° 413/2002/10 que : « Avoir tenu une comptabilité
fictive, faire disparaître des documents comptables de la société ou s'être
abstenu de tenir toute comptabilité conforme aux règles légales implique
l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de tout
dirigeant contre lequel peut être relevé l'un des faits énumérés au précédant
article. D'ailleurs, l'article 713du même code dispose qu'« à tout moment de la
procédure, le tribunal doit se saisir en vue de prononcer, s'il y a lieu, la
déchéance commerciale de tout dirigeant d'une société commerciale qui a
commis l'un des actes mentionnés à l'article 706 », ce qui est corroboré par les
dispositions de l'article 712. »

Section 2 : Autres mesures


Il existe d’autres conséquences du redressement et de la liquidation judiciaires
sur les administrateurs dont trois doivent retenir l’attention :

28
Mohamed EL MERNISSI, « traité marocain de droit des sociétés », page : 526

[23]
1. Le tribunal peut, sur la demande du syndic ou d’office, subordonner
l’adoption du plan de redressement de l’entreprise au remplacement
d’un ou plusieurs dirigeants lorsque la survie de l’entreprise le requiert
(CC, art 600, al.1)
2. Le tribunal peut prononcer l’incessibilité des actions et des certificats de
droit de vote détenu par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait,
rémunérés ou non, et décider que le droit de vote y attaché sera exercé,
pour la durée qu’il fixe, par un mandataire de justice désigné à cet effet
.il peut également ordonner la cession de ces actions moyennant un prix
fixé à dire d’expert (C.C, ART 600 al,2).
3. Les dirigeants ne peuvent, à compter du jugement d’ouverture, céder
leurs droits dans la société que dans les conditions fixées par le tribunal,
et ce à peine de nullité (CC, art 683, al .1).Cette incessibilité est
mentionnée sur le registre des transferts à la diligence du syndic (C.C,
art.683, al.3)

[24]
Conclusion

Loin d'être une science exacte, la gestion d'une société est en fait relativement
aléatoire et commande de prendre certains risques. En face, les associés et les
tiers aspirent, quant à eux, à davantage de sécurité et entendent limiter les
risques encourus. Ces impératifs contradictoires doivent nécessairement être
pris en considération pour élaborer un régime de responsabilité civile
suffisamment équilibré. La recherche de cet équilibre concerne tant la
détermination des comportements condamnables des dirigeants sociaux, que
les réponses devant leur être apportées. 29

29
Thèse de Soraya Messai-Bahri, docteur en droit et Maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-
Sorbonne. « La responsabilité civile des dirigeants sociaux », soutenue le 29/04/2009, à l’Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne.

[25]
Bibliographie

• Ouvrages

- Brigitte Hess Fallon, et Anne-Marie Simon, « droit des affaires », éditions Dalloz, 18éme édition, 2009.
- Maurice Cozian, Alain Viandier et florence Deboissy, « droit des sociétés », édition lexisnexis, 2010.
- Mohamed el mernissi, « traité marocain de droit des sociétés », édition lexisnexis, 2019.
- Jean- baptiste Rozés, « la responsabilité des dirigeants », afnor éditions, 2012.
- Mehdi Essarssar, « la responsabilité du dirigeant d’entreprise », imprimerie spartel, Tanger, 2008.
- Philippe Jehasse, « la responsabilité civile des dirigeants d’entreprise », éditions des CCE SA, 2007.

• Thèses et mémoires :

- Déborah HAZOT, « la responsabilité civile des dirigeants », Mémoire pour l’obtention du Diplôme de Master 2 Droit
des Affaires spécialité Droit des Assurances, institut des assurances de Lyon, université jean moulin III, année
universitaire : 2018-2019.
- Thèse de Soraya Messai-Bahri, docteur en droit et Maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
« La responsabilité civile des dirigeants sociaux », soutenue le 29/04/2009, à l’Université Paris 1 Panthéon-
Sorbonne.

• Revue :

- Sara IBRIZ, Revue de presse, Webinaire IMA (institut marocain des administrateurs) : « Le dirigeant de la société
anonyme et les fautes de gestion : définition, Risques et prévention », soutenue Jeudi 3 juin 2021.

• Jurisprudence

- cour de cassation française, chambre commerciale, arrêt du 20 mai 2003


- Arrêt n°67-14-787 de la cour de cassation française, rendu par la chambre commerciale du 26 janvier 1970
- Arrêt rendu par la cour de cassation française le 6 février 1979
- Arrêt de la cour de cassation française, chambre commerciale du 1er avril 1997
- Arrêt de la cour de cassation française n° 02-21547, du 9 mars 2010
- Arrêt de Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 26 janvier 1970, 67-14.787
- Jugement n°28 du tribunal de commerce de Marrakech, dossier n° 135/8310/2021, rendu le 15/02/2022

• Lois

- Dahir n° 1-96-124 du 14 rabii II 1417 (30 août 1996) portant promulgation de la loi n° 17-95 relative aux
Sociétés anonymes.

- Loi n ° 15-95 formant code de commerce promulguée par le dahir n° 1-96-83 du 15 RABII I 1417(1er
aout 1996)

[26]

Vous aimerez peut-être aussi