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La situation des dirigeants sociaux est loin d’être une sinécure. Investis des
pouvoirs les plus larges pour conduire les affaires sociales, sont souvent fort bien
rémunérés pour ce faire, ils sont jugés à l’aune des performances ou des échecs de la
société. Leur survie à la tête de celle-ci dépend en grande partie des résultats obtenus. Il
va de soi que pour les associés ou actionnaires, le maintien des dirigeants ne saurait se
faire au détriment de leurs intérêts ou de ceux de la société. C’est ainsi que à un moment
ou à un autre de la vie sociale, la question de la cessation des fonctions des dirigeants va
se poser inéluctablement. Un auteur observe de manière fort pertinente que « Pas plus
qu’aucune autre activité humaine, celles qu’exercent les dirigeants des sociétés
commerciales au sein de l’entreprise ne sont destinées à durer indéfiniment »3. Quelle que
soit sa cause, la cessation des fonctions d’un dirigeant n’est jamais un acte indifférent dès
lors qu’elle peut être lourde de conséquences tant pour la société que pour le dirigeant
lui-même. Il est alors du plus grand intérêt d’examiner la manière dont le droit
l’appréhende et l’organise.
1
F. Perochon, R. Bonhomme, Entreprises en difficulté – Instruments de crédit et de paiement, 5e éd., LGDJ, 2001,
p. 1, n° 1.
2
André Akam Akam, La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit Ohada, revue internationale de droit
économique 2007/2 (t. XXI, 2) p.1.
3
André AKAM AKAM , LA CESSATION DES FONCTIONS DES DIRIGEANTS DES SOCIETES
COMMERCIALES EN DROIT OHADA,
2
L’Acte uniforme OHADA, relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique4, aborde effectivement le problème de la cessation des
fonctions des dirigeants sociaux et lui consacre un nombre de ses dispositions. Pour
l’essentiel, il prévoit que les fonctions des dirigeants prennent fin par expiration de leur
mandat, décès, démission, révocation ou par dissolution de la société. Si la plupart de ces
causes de cessation des fonctions des dirigeants ne posent pas de difficultés particulières,
il en va autrement de la démission et de la révocation.
La révocation du dirigeant d’une société obéit à des règles strictes qui diffèrent en
fonction de la forme juridique de la société. Cette décision n’est pas sans risques : elle
peut entraîner une indemnisation et parfois le versement de dommages et intérêts.
Qu’il soit donc associé ou non, le dirigeant social peut être amené à cesser ses
fonctions de façon prématurée sur simple décision des associés ou du juge compétent.
Cette préoccupation constitue l’« une des difficultés les plus sensibles du droit des
sociétés »5 car touchant essentiellement à la stabilité des dirigeants sociaux et aux
garanties que le droit est en mesure de leur assurer compte tenu des risques multiples et
élevés de leurs activités.
4
Adopté à Ouagadougou (BURKINA FASO) le 30/01/2014 et publié au Journal Officiel de l'OHADA n° Spécial du
04/02/2014
5
Meuke B. Y., Brèves réflexions sur la révocation des dirigeants sociaux dans l’espace OHADA, Rev. d’info.
juridique, 7 e numéro., 2010, p. 10
3
Plan
Chapitre I: La révocation par l’organe social compétant
Section 1: La révocation ad nutum
Section 2: La révocation pour justes motifs
4
Chapitre I : La révocation par l’organe social compétant
La révocation des dirigeants de sociétés est par principe libre. Les associés de la société
n'ont pas à justifier d'un motif particulier pour révoquer le dirigeant de ses fonctions.
La révocation « est la traduction de l’exercice par les associés de leur droit de surveiller
la gestion de la société et de pourvoir au remplacement des dirigeants en qui ils n’ont plus
confiance »6.
Les actionnaires détiennent alors un véritable droit discrétionnaire dans la mesure où ils
n’ont pas à justifier leur décision de révoquer le mandataire qui se trouve ainsi à leur
merci. Ce qui peut paraître injuste au premier abord ne l’est pas réellement, il est tout à
fait logique que dès lors que le mandataire social n’a plus la confiance des actionnaires,
qu’il soit révoqué de cette façon-là.
6
Martin D., La démission des organes de gestion des sociétés commerciales, Rev. Sociétés, 1973, p. 373.
7
Sauf au cas d’une convention prévoyant un préavis en cas de révocation, à ce propos Le DG révoqué ad nutum
bénéficiera d’une indemnité de rupture si cela avait été prévu dans la convention liant les parties. S'agissant du
golden parachute, il faut préciser que le législateur de l'OHADA est resté muet sur cette pratique qui consiste à
limiter les conséquences financières néfastes de la révocation en prévoyant une indemnisation du dirigeant révoqué
dans les clauses contractuelles.
5
anonymes avec administrateur général, l’administrateur général, l’administrateur général
adjoint, sur proposition de l’administrateur général.8
8
Alioune DIONE, la révocation des dirigeants des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée à la
lumière de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique, p.2.
9
Art. 549 AUS.
10
Art. 124 et 434 AUS.
11
Article 522 de l’AUS
12
Art. 469 AUS.
13
Art. 475 AUS.
14
Art. 484 AUS
15
Art. 492 de l’AUS qui exclut ainsi du calcul du quorum le mécanisme de la représentation.
6
Section 2: La révocation pour justes motifs
La notion de juste motif n’a pas été défini par le législateur, face à cette carence, il est
revenu à la jurisprudence, de cerner les contours de cette notion. Cette dernière s’est
contentée d’énumérer un ensemble d’agissement pouvant donner lieu à une révocation
pour justes motifs. Il s’agit des imprudences ou négligences de gestion du gérant, qui ont
causé un préjudice à la société.16
Par contre la société est tenue aux dommages et intérêts dès lors que le DG a été révoqué
sans motif, le consentement unanime du conseil d’administration à la révocation ne
pouvant être regardé comme une perte de confiance caractérisant un juste motif.17
Le ou les gérants statutaires ou non sont révocables par décision des associés représentant
plus de la moitié des parts sociales.19 Au terme de l’article 326 de l’Acte uniforme relatif
au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, si la
révocation est décidée sans justes motifs, elle peut donner lieu à réparation sans
réintégration, qui n’est possible qu’en cas d’annulation de la révocation. Cette réparation
peut être prédéfinie par une clause dans les statuts.
16
Com. 17 décembre 1974, rev. Soc., 1975, p.462, note J.HAMEL ; C.A. 23 avril 1979, Rev. Soc 1980, p.294, note
J.HAMEL, J.C.P., 1980, 2, 19410, note Y.GUYON. A cet effet , est fondée sur un juste motif la révocation du
Directeur Général qui, sans autorisation préalable du conseil d'administration, conclut une convention avec une
société dont le père est actionnaire et le frère dirigeant
Cour d'appel de Commerce d'Abidjan, 1ère Ch. , no 451/2019 du 07 Novembre 2019
17
Cour d'appel de Commerce d'Abidjan, 1ère Ch. , no 35/2020 du 20 Février 2020
18
Com. 29 mai 1972, Rev.SOC. 1973, p.487, note J.HAMEL.
19
Art 326 de l’AUSCGIE
7
l’action en dommages et intérêts établisse le défaut de justes motifs20. Mais il ne peut en
aucun cas prétendre à une réintégration dans ses fonctions, qui n’est envisageable qu’en
cas d’annulation de la révocation. Des dommages-intérêts peuvent également lui être
alloués quand la décision de révocation a été prise dans des conditions abusives,
notamment si elle a été décidée dans l'intention de nuire au gérant ou si elle est
intervenue dans des circonstances portant atteinte à la réputation de l'intéressé 21.
La révocation des dirigeants ne relève pas du monopole exclusif des associés. En effet,
dans certains cas, le juge peut intervenir dans la révocation des dirigeants sociaux.
20
M. Etienne GROSBOIS, responsabilité civile et contrôle de la société, thèse de doctorat de L’UNIVERSITE DE
CAEN BASSE-NORMANDIE, soutenue le 04 décembre 2012, p.40.
21
Voudwe Bakreo, Akam Akam André, Droit des sociétés commerciales Ohada, édition l’Harmattan, 2017, p.
8
Chapitre II : L’intervention du juge dans le cadre de la révocation
L’intervention du juge dans la vie des sociétés22 semble assez naturelle, puisque sa
mission consiste désormais à prévenir les crises sociales, ou en présence de celles-ci, à
rétablir la paix sociale. Dans l’espace OHADA, le juge apparait donc comme le garant du
développement économique par le droit23
Désormais, le juge doit permettre l’application effective des Actes uniformes au sein des
sociétés commerciales afin d’empêcher leur dévalorisation24.
Généralement c’est le cas ou les intérêts de la société sont menacés d’un péril imminent,
suite à un fonctionnement anormal des organes désignés par les associés, ainsi en cas de
défaillance ou de carence des organes de gestion, voir même un conflit entre les associés
majoritaires et les associés minoritaires.
L’intervention du juge peut aussi être observée en cas d’une action intentée par le
dirigeant évincé, demandant l’annulation de l’acte juridique de révocation. Dans ce cas ce
n’est pas la révocation en soi qui est annulée, mais la délibération de l’assemblée qui l’a
prononcée25
La révocation par voie judiciaire qui est par conséquent exceptionnelle, est un moyen
d’éviter l’inamovibilité de certains gérants (majoritaire, égalitaire ou statutaire). Dans
cette hypothèse, tout associé, quel que soit sa participation dans le capital, peut obtenir
sur demande, la révocation du gérant par la juridiction compétente, dans le ressort de
22
V. Azencot (M.), L’intervention du juge dans la gestion des sociétés commerciales, op. cit. ; Mestre (J.), «
Réflexion sur les pouvoirs du juge dans la vie des sociétés », RJ Com., 1985, n°4, p. 81 ; Kamnang (I. F.), Les
pouvoirs du juge dans les sociétés commerciales de droit OHADA, op. cit. ; Diakhaté (M.) et Sambé (I.), « Regards
croisés sur l’intervention du juge dans la vie des sociétés commerciales ». Disponible sur www.ohada.com,
23
Armand-Prevost (M.), « Quel profil pour un juge économique en France ? », In Le juge et le droit de l’économie,
Mélanges en l’honneur de Bézard (P.), Montchrestien, 2002, p. 33 et s.
24
Viviane Yolande Magne Fosso, L’intervention du juge dans le fonctionnement des sociétés commerciales en droit
de l’OHADA, thèse de doctorat de l'université Côte d'azur à Nice, soutenue le 15 décembre 2020 p.7.
25
Alioune DIONE, La révocation des dirigeants des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée à la
lumière de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique,
EDJA, n°54 juillet – septembre 2002, p.55.
9
laquelle est situé le siège social.26 Aussi, la demande de révocation doit-elle reposer sur
une cause légitime appréciée au regard de l'intérêt de la société, qui est différente de
l'intérêt des seuls associés. La notion de cause légitime fait figure de soupape de sécurité,
car elle est le seul moyen d'écarter le gérant majoritaire ou soutenu par la majorité,
rendant sa révocation impossible, cette action peut être exercée par tout associer, ne
possédant qu'une part.
26
Art 326. Al.3 de l’AUS
27
André AKAM AKAM, la cessation des fonctions des dirigeants des sociétés commerciales en droit ohada, p
10
Conclusion :
Cette thématique sur la révocation des dirigeants sociaux, nous permet
de tirer certains enseignements. D’abord, au niveau des organes
détenteurs des pouvoirs de révocation des dirigeants. Ensuite, elle nous
permet de s'interroger sur la nécessité d'un système contractuel des
modalités de révocation qui laisse le soin aux associés d'organiser
librement les modalités de révocation de leurs dirigeants par des clauses
statutaires de libre révocabilité.
11
Bibliographie :
Ouvrages généraux
Thèses et colloques :
Articles
12
pouvoirs du juge dans les sociétés commerciales de droit OHADA, op. cit. ;
Diakhaté (M.) et Sambé (I.), « Regards croisés sur l’intervention du juge
dans la vie des sociétés commerciales ». Disponible sur www.ohada.com
▪ André AKAM AKAM , la cessation des fonctions des dirigeants des
societes commerciales en droit ohada, consultable sur www.academia.edu
Les lois
Jurisprudences
13