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Bulletin de la Société de

linguistique de Paris

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Société de linguistique de Paris. Auteur du texte. Bulletin de la
Société de linguistique de Paris. 1932.

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ACCAD1EN ET SUDARABIQUE

On a prétendu que l'accadien et le sudarabique formaient, il l'inté-


rieur du sémitique, un groupe dialectal. Un examen détaillé de la
question montre que les faits allégués sont peu probants il s'agirait.
plutôt d'arehaismes conservés indépendamment par les deux langues.

Il n'est pas facile de tracer à l'intérieur du groupe des


langues sémitiques des divisions dialectales ces langues
sont conservatrices, et peu éloignées les unes des autres
elles ont évolué d'une façon sensiblement parallèle, et dans
des conditions analogues; leurs domaines respectifs sont
géographiquement en contact, et les peuples qui parlent ces
langues sont restés en relation jusqu'à notre époque.
De sorte que, quand on aperçoit entre deux ou plusieurs
langues sémitiques une coïncidence remarquable qui fait
défaut dans le reste du domaine, on n'est pas autorisé pour
cela à affirmer que ces langues aient formé autrefois à
l'intérieur du sémitique une unité dialectale. Il faut aupa-
ravant tâcher de voir si les faits aperçus ne sont pas des
emprunts plus ou moins anciens d'une langue à l'autre
(surtout s'ils sont, d'une façon quelconque, de l'ordre du
vocabulaire) s'ils ne sont pas des effets analogues d'un
même substrat s'ils ne sont pas les résultats indépendants
du développement parallèle des langues examinées si enfin
il ne s'agit pas seulement de la conservation parallèle de
faits anciens disparus dans le reste du domaine. Ce n'est
que quand on aura répondu à toutes ces questions qu'on
aura le droit de dire que les langues examinées forment à
l'intérieur du sémitique une unité dialectale.
Mais en général la réponse n'est pas possible, car nous
ne connaissons qu'une petite partie des faits le problème
reste donc, dans la plupart des cas, sans solution ferme, et
l'on doit se contenter d'évaluer des probabilités. C'est pour-
quoi la question du classement dialectal des langues sémi-
tiques a fait jusqu'ici peu de progrès: on aperçoit trop de
rapprochements spécieux, et l'on est trop peu sûr de leur
valeur probante.

Néanmoins une remarque importante a été faite. M. Mar-


cel Cohen, Le système verbal sémitique et l'expression du
temps, p. i6-2i, à la suite de Zimmern, de Bauer et de
Brockelmann (voir la bibliographieindiquée par M. Cohen,
!M~ p. 21 en note) avance l'hypothèse suivante des deux
formes verbales principales qu'on rencontre en sémiti-
que l'imparfait conjugué au moyen de préfixes et de suf-
fixes, le parfait conjugué au moyen de sunixes seulement,
l'une des deux seules I'M~oar/a:7, qu'on trouve dans tou-
tes les langues du domaine, serait ancienne l'autre, Ie~<xr-
fait, qui manque en accadien, mais qu'on trouve en arabe,
en sudarabique, en éthiopien, en cananéen, en araméen,
serait une innovation commune à ces langues. On divisera
donc les langues sémitiques en deux groupes le premier
qui sera appelé MM!<$'Me o~'e~~ comprendra l'accadien
seul, et sera caractérisé par l'absence de parfait conjugué au
moyen de suffixes le second groupe qu'on nommera -s'c~M-
tique occidental comprendra foutes les autres langues sémi-
tiques connues jusqu'ici et sera caractérisé par l'existence
de ce parfait.
Il est facile de donner de cette hypothèse une interpréta-
tion historique: le groupe d'hommes parlant l'accadien se
serait séparé très tôt des autres Sémites, et à partir de sa
séparation sa langue aurait évolué d'une façon divergente,
en partie sous l'influence du substrat sumérien. Les grou-
pes sociaux dont les langues devaient être plus tard l'arabe,
l'araméen, )e cananéen, le sudarabique, auraient continué
pendant un certain temps après le départ des Accadiens à
former une unité ethnique et linguistique, puisqu'ils ont
réalisé en commun une innovation morphologique impor-
tante le parfait conjugué au moyen (le sumxes.
Cette hypothèse est séduisante et les objections qu'on
pourrait lui opposer sont moins fortes qu'elle. Il est peu
probable par exemple que le parfait conjugué au moyen de
sumxes soit ancien, qu'il ait été éliminé par l'accadien et
conservé par les autres langues sémitiques. Il est peu pro-
bable également que l'cs~ de l'accadien soit un ancien
parfait de type occidental muni de préfixes d'après l'analo-
gie de la forme x'A's?<6~, et en prenant pour point de départ de
l'analogie les 3" personnes des formes réfléchies en n- et en -t-
(Bauer, die Tempora <m .S<w:~Me/~K, BzA., VIIL I, p. 20).
On admettra donc dans le présent article l'exactitude de
l'hypothèse qui veut que le/M/ya~occ'<(/e~/G/conjugué au
moyen de suffixes soit une innovation, postérieure à la
séparation de l'accadien, et commune à toutes les autres
langues sémitiques.

Mais si juste et si importante que paraisse cette classifi-


cation des langues sémitiques au point de vue du parfait,
elle n'épuise pas la question, loin de là. Le sémitique, avant
la séparation de l'accadien (comme après cette séparation),
a occupé une aire géographique vaste. Il a donc dû s'y pro-
duire des subdivisions dialectales. Les parlers qui ont
constitué plus tard l'accadien ne formaient pas nécessaire-
ment à l'intérieur du sémitique un groupe isolé. Il est
possible qu'avant leur séparation de la masse, ils aient
alors fait partie de quelqu'un de ces groupes dialectaux à
l'intérieur du sémitique, côte à côte avec des parlers qui
ont constitué plus tard l'une ou l'autre des langues sémi-
tiques que nous avons appelées occidentales.
Ceci revient à poser la question des rapports dialectaux
de l'accadien avec les autres langues sémitiques (étant tou-
jours entendu que ces rapports n'ont pu exister qu'avant la
séparation de l'accadien, avant l'innovation admise du par-
fait conjugué au moyen de suffixes).
La question des rapports de l'accadien avec le cananéen a
été souvent examinée Fr. Delitzsch, 7%e ~e~cM? language
viewed in the light o f Assyrian T~earc~ le même, Pro-
legomena eines neuen ~p~~aMC~-c~ŒMMMCÂeK ~or~e~M-
eAay rMM alten Testament, pp. 41-45 Zimmern dans
Schrader, die Keilinschriften und das alte Testament, 3°
éd.,
Schrader,
p. 644 Bauer P. Leander,
c~e H. Bauer Historische<??'a?K~!<x-
Leander, .S~or~c~e Gramma-
~o~er~e~a'Mc~e~<xc~e</e~G/~K Testamentes, pp. 6-8.
Je voudrais examiner les rapprochements d'ordre mor-
phologique qu'on pourrait découvrir entre l'accadien et le
sudarabique. Ce problème a déjà été envisagé V. Chris-
tian, Akkader und Südaraber als a/tfere <S'eM!!<e?Mc~'c~i'c,
Anthropos, XIV-XV (1919-1920), p. 728 et suiv. Mayer
Lambert, Le ~'oMpeMe~c~M Zs?!~M Ne~K~yMM, Cinquan-
tenaire de l'Ëcole
l'École pratique des Hautes Études (1921),
Hautes Etudes (1921), pp.
pp.
51-60, ont déjàsignalé presquetous lesfaits quejevaisexami-
ner. Leur thèse a été reprise par A. Ungnad, Das H'p~eM
des ~7y~eM!sc~e?!, p. 22-23. De son côté. M. Marcel Cohen,
Bulletin de la Sociétédelinguistique, 1927, C'OMi~~?'eMc~M~,
p. 163, a énergiquement pris parti contre la théorie de
Christian, de Mayer Lambert et d'Ungnad. Ses principaux
arguments sont l'isolement de l'accadien; qui forme à lui
tout seul. nous l'avons vu, le groupe K oriental », et la
parenté du sudarabique avec l'arabe. Mais comme je l'ai
dit ci-dessus. il nepeut s'agir que de groupements dialectaux
antérieurs à la séparation du groupe accadien. De plus la
parenté d'une partie au moins du sudarabique avec l'arabe
n'exclut pas. il me semble, lai possibilité d'une parenté de
l'accadien avec le sudarabique. Le problème, quoique ardu,
mérite donc au moins d'être posé et examiné en détail.

L'accadien n'a pas besoin d'être défmi c'est une langue


écrite dont l'unité est nette (quoique cette unité ait chance
d'être l'œuvrc des scribes).

Le sudarabique réclame au contraire une dénnition au


cours de ce travail, j'appellerai sudarahique
1"Les dinérents dialectes sémitiques non arabes attestés
épigraphiquement dans le Sud de la péninsule arabique
sabéen, minéen, qatabanique, a\vsanique, hadramotique,
depuis une date difficile à préciser (un millénaire av. J.-C. ?)
jusqu'au vt" siècle après J.-C.
2° Les parlers modernes non arabes subsistant encore sur
la côte de l'Arabie du Sud: mehri, shauri, et (Jans l'île de
Socotora: soqotri.
3° Les différents dialectes éthiopiens le guèze, langue
religieuse attestée épigraphiquement dès le ive siècle de
notre ère, et les parlers modernes tigré, tigrigna, amha-
rique, gouragué, harari, gafat, argobba.
Il n'est ni évident ni certain que ces trois groupes for-
ment une unité dialectale cela demande démonstration. Il
n'est même pas sûr que chacun des trois groupes soit un.
D'importantesparticularités (pronom de 3e pers., préfixe de
causatif) séparent le sabéen du reste du sudarabique épi-
graphique. D'autre part, l'unité du groupe éthiopien est
possible, elle n'est pas certaine M. Cohen, Études d'éthio-
~e~ méridional, p. 38-52, arrive à cette conclusion qu'il
est impossible de décider si « un seul langage sémitique
aurait été importé sur le territoire africain et s'y serait
ensuite dISérencié », ou bien si « plusieurs parlers nette-
ment distincts du groupe sudarabique se seraient rejoints
par des voies différentes et à des époques différentes en
Afrique a On peut de même se poser la question de savoir
si les Sudarabes, au lieu de se détacher du reste des Sé-
mites tous à la fois ne seraient pas descendus vers le Sud

1. Toutefois on pourrait peut-être trouver de petits faits qui feraient


légèrement pencher la balance en faveur de la première hypothèse
celle de l'unité. Par exemple l'éthiopien tout entier et seulement
l'éthiopien à l'exclusion du reste du sudarabique a remplacé l'ancien
nom de nombre « deux par le nom de « la paire )) guèze tare et
&?<'9tM, tigré Aafot, tigrigna f. &a~ë, amharique Au~at, gouragué ~g<
(aussi kit, Ao:<), harari /[o(')ot. Un phénomène analogue n'apparaît
qu'en arabe magrébin.
S'il m'était possible de formuler une opinion en un domaine où je
suis si peu spécialisé,je dirais que les parlers éthiopiens me donnent
l'impression d'être issus de parlers sudarabiques de type sabéen assez
voisins les uns des autres.
en plusieurs fois, de telle sorte que les premiers venus aient
gardé dans leur langue des traits archaïques perdus par les
derniers venus, tandis que ceux-ci auraient pu participer à
certaines innovations du reste du sémitique que les premiers
venus auraient Ignorées.
Quoi qu'il en soit, il me semble que des faits peu nom-
breux mais importants permettent d'affirmer l'unité du
sudarabique, autrement dit de considérertoutes les langues
énumérées ci-dessus comme des formes différentes prises
au cours des temps par une seule et même langue qu'on
appellera le sudarabique commun si loin dans le temps,
et à quelque point géographique qu'il faille par ailleurs
placer cette unité.
Le plus important de ces faits concerne la conjugaison du
par fait à ~M/~cM (que nous avons appelé plus haut par-
fait occidental). Aux 1~ et 2e pers. du singulier, et à la
2" pers. du pluriel, l'arabe, l'hébreu et l'araméen ont des
suffixes caractérisés par un t- initial, dont on peut restituer
ainsi la forme
1" sg. comm. *-<H 2e sg. masc. fém. 2' pi.
masc. *-<M7?ïM. fém. *?MM.
L'arabe a quelques traces de sunixes à initial, mais
seulement d'une façon dialectale et, semble-t-il, sous l'in-
fluence du sudarabique. En araméen, le samaritain a des
suffixes à k- initial, mais il semble bien que ce soit une
innovation récente, sous l'influence des pronoms suffixes.
Sur l'ensemble des faits, voir Nüldeke, ~e~o~e, p. 20-28
Brockelmann. Grundriss, I, p. 570-576; Bauer-Leander,
Historische Grammatik, p. 308.
Le sudarabique a au contraire pour ces personnes des
sunixes caractérisés par un initial. Les exemples man-
quent malheureusement en sudarabique épigraphique où
seules les 3'" personnes sont attestées. En sudarabique mo-
derne et en éthiopien, les faits sont par contre nets et bien
attestés
1" sg. com. mehri shauri -/i:, soqotri -A guczp
-A-H, tigré -M, -/M, tigrigna -M, amharique -An, gou-
ragut'' -&MM et -~M~, harari -~M.
2" sg. masc. -k, shauri -k, soqotri
mehri guèze
-ka, tigré -ka. tigrigna -/i-a, amharique et -h, gou-
ragué -</??!, -~< et -~«M, harari
2~ sg. fém. mehri shauri soqotri guèze
-ki, tigré -ki, tigrigna -kï, amharique -s, gouragué
-cam, -c, et -~9?/ harari -n.
2e pl. masc. mehri -kem, shauri -kum, soqotri
-Ae?? guèze -~??ZK, tigré -kom, tigrigna -/<'M?K, amha-
rique (forme complexe en -c~~K). gouragué -Mm,
-~MM, -AsMM, harari -bu.
2~ pl. fém. mehri -ken, sbauri -ken, soqotri -~e/!
guèze -kan, tigré -ken, tigrigna -kan, gouragué
-~9?K<MM, -~?/:aM!.
Ces faits permettent de poser les formes restituées sui-
vantes 1~ sg. masc. *)-K (passant régulièrement à et à
-h en éthiopien méridional) 2" sg. masc. *a(passant à
-ben éthiopien méridional); 2'sg. fém. *-ki (passant à -et
à -c- sous l'influence du -i en éthiopien méridional et en suda-
rabique moderne); 2" pt. masc. *MMïM 2~ pl. fém. *-kin.
On voit que cette flexion s'oppose nettement à la flexion
à suffixe -t- des mêmes personnes dans le groupe arabe-
araméen-cananéen.
Les comparatistes du sémitique Nôldeke, Brockelmann,
Bauer-Leander(voir les références ci-dessus)reconstruisent
une flexion 1''° *i:K, 2" sg. masc. *-& fém. *-<t
sg. com.
2" pi. masc. *-<MM!M, fém. *-tinnâ. Si l'on admet cette façon
de voir, une innovation analogique, dans les différentes
langues sudarabiques aurait étendu aux secondes personnes
le de la première personne. Que cette innovation se
rencontre dans toutes les langues sudarabiques paraît une
preuve sérieuse de l'unité du groupe sudarabique à une cer-
taine époque. D'ailleurs, si l'on repoussait la reconstruction
ci-dessus, il n'en resterait pas moins que l'opposition des
suffixes -A- dans les différents parlers sudarabiques, en
face du -<- du groupe arabe-araméen-cananéen plaide en
faveur de l'unité sudarabique.

Une autre preuve, moins forte, est fournie par f:?Mpa?*-


fait à voyelle -a- après la première radicale. Il existe
en effet en sudarabique moderne et en éthiopien (de
même qu'en accadien voir ci-dessous, p. 196) une forme
verbale exprimant l'inaccompli indicatif, caractérisée par
une voyelle -a- après la jo~MM'eye radicale et conjuguée
au moyen de préfixes et de suffixes, en face d'une autre
forme conjuguée elle aussi au moyen de préfixes et de suf-
fixes, mais qui n'a point de voyelle après la preM~e ra-
dicale, et qui exprime le jussif ou le subjonctif. C'est
l'opposition, en guèze par exemple, de l'imparfait indicatif
y9<~Œ~A et du jussif-subjonctif ysy~
Cet imparfait à voyelle -a- après la première radicale se
retrouve dans toutes les langues éthiopiennes et dans toutes
les langues sudarabiques modernes. Il n'est pas impossible.
qu'on distingue une forme analogue en sudarabiqueépigra-
phique dans les verbes à 2" radicale faible (voir ci-dessous,
p. 196). Les faits sont les suivants
Sabéen y&M!r mehri y~~ey* shauri yikôteb',
soqotri
tigrigna «~
!'yo/e< guèze y~a~s~, tigré (/)-9MC~r~,
amharique yaniigar, yawasd, gou-
ragué isabar, ~aM/, harari yM~<(/<?).
Cette particularité si notable de l'existence d'un imparfait
indicatif ayant une voyelle -a- après la première radicale,
et pas de voyelle, ou une voyelle autre que -a- après la
seconde radicale est donc commune à tous les parlers suda-
rabiques où nous pouvons la reconnaître. Cette forme
manque en arabe et en araméen il en existe un seul
exemple, d'ailleurs douteux, en hébreu; une forme ana-
logue existe, il est vrai, en accadien nous le verrons ci-
dessous, p. 196; mais elle est susceptible d'avoir un -<?-
après la seconde radicale elle n'est donc pas absolument
identique. On peut donc dire que cette forme, telle que nous
l'avons définie, est caractéristique du domaine sudarabique.
L'argument qu'elle fournit en faveur de l'unité primitive
de ce domaine est moins fort que l'argument tiré des dési-
1. L' -p- r)u mchri et du shauri provient de-a- accentué.
La gémination de la seconde consonne radicale en guèze, tigré,
tipricna. parait secondaire.
nences du parfait, car il semble nous le verrons tout à
1 heure qu'il s'agisse de la conservation d'un fait ancien
et non pas d'une innovation il n'est cependant pas négli-
geable.

La fu<;on dont les pronoms sumxcs s'annexent au plu-


riel des substantifs peut constituer un autre argument en
faveur de l'unité du sudarabique. Il semble bien en effet
que dans tout le sudarahique une voyelle de liaison -i- soit
obligatoirement intercalée entre le substantif pluriel et le
pronom suffixe. Voir Brockelmann, 6'~Mn~MN, I, p. i33.
En sudarabique épigraphique, les faits sont masqués par
l'absence de vocalisation. Cependant, certains exemples
laissent supposer l'existence de cette voyelle de liaison.
C'est ainsi qu'en sabéen le pluriel du nom du « fils » est
bnw au nominatif construit et bny aux autres cas. Mais
devant les sufSxes on a toujours bny- ou 6~ Rhodokana-
kis, Altsabaische Texte, I, p. 66-67, explique cela par une
dissimilation je crois au contraire qu'il s'agit d'une assi-
milation du -w- final avec la voyelle de liaison -wi- ~> -i-.
C'est aussi par la voyelle -i- de liaison que j'explique des
formes comme qatabanique bntysm, Glaser, 139S (nomi-
natif).
En sudarabique moderne, il existe en mehri une voyelle
de liaison -ï- entre les pronoms sunixes et les substantifs
pluriels (voyelle pouvant passer sous diverses influences
phonétiques à -e- et à -a-, voire même s'élider) Bittner,
~eA~MpyacAe, III, p. 12. Par exemple, on dit biyétihem
« leurs maisons » en face de 6ë~e?K « leur maison ). Les
faits du shauri sont analogues batoqisen « leurs (fém.)
vêtements » Bittner, ~CMyM~rac~~ II, p. 46. Les faits
du soqotri ne sont pas classés.
En éthiopien, les faits sont d'une grande netteté la
voyelle de liaison est en guèze -<- Dillmann, Grammatik
der a~bpMc~e~ ~orac~e~, p. 312-313. Dans les parlers
modernes, cet -i a été ajouté même aux pluriels sans suf-
fixes, voire même aux singuliers Brockelmann, Grun-
driss, I, p. 453. C'est là sans doute l'origine des terminai-
sons de pluriel à chuintante finale amharique et gouragué
(occidental) -oc, harari -aé <; -oti, -ati.
On voit donc que cette voyelle de liaison -i- est bien
attestée dans la presque totalité du sudarabique. C'est là
une innovation singulière qui peut être considérée comme
une bonne preuve de l'unité primitive du domaine.
Un argument d'ordre phonétique, et portant sur un fait
de vocabulaire isolé, est fourni par le nom de nombre
c trois ». Ce nom de nombre (voir C. Brockelmann, Grun-
c~M. I, p. 48S) semble avoir eu en sémitique la forme
*talât- il aurait commencé et fini par un -< Il est donc
normal que se produisent des phénomènes de dissimilation.
Dans l'arabe de Tlemcen, par exemple, le final passe
à -s W. Marçais, Le <c/ee~e arabe parlé à Tlemcen,
p. !S6 Brockelmann, ~MTïc~'M~ I, p. 236.
Le sudarabique au contraire dissimile le premier *<- en
Les faits sont les suivants
Minéen hadramotique slst, sabéen ancien
mehri selit, soqotri se~e guèze salas, jc~ï dans
les parlers modernes, les faits sont masqués par le passage
«
de s- *) à s-.
Les exemples avec <- ne doivent pas être tenus pour
anciens on a par exemple en sabéen récent, slst en
guèze épigraphique (s <~ ~*), ~û!<ei~ et <('')~ en shauri. I!
s'agit partout d'une restitutionrécente, peut-être par assimi-
lation à distance, peut-être aussi sous l'influence de l'arabe.
Cettedissimilation de *a<-en *~c~, attestéedans les trois
groupes sudarabiques, pourrait être un argument valable
en faveur de l'unité primitive du domaine sudarabique.

Enfin divers faits de vocabulaire; dont je compte m'oc-


cuper plus tard, sont communs aux différents dialectes
sudarabiques. On notera par exemple l'absence, dans tout
ce domaine, des noms*K- « gendre » et *kallat- « bru ».

Si peu nombreux que soient ces arguments, on voit


qu'ils suffisent à rendre assez probable l'ancienne unité
du sudarabique. On tiendra donc, dans la présente étude.
cette unité comme établie.

Nous allons étudier maintenant les rapprochements pos-


sibles entre l'accadien d'une part, le sudarabique ainsi dé-
fini de l'autre, discuter leur valeur et voir quelles conclu-
sions il est possible d'en tirer.

LE PRO~OH DE 3e PERSONNE.

Deux types de pronoms de 3' personne sont attestés


en sémitique l'un avec *A- initial, l'autre avec initial.
En accadien; les pronoms de 3" personne, tant indépen-
dants sujets qu'indépendants régimes, tant suffixes au nom
que suffixés au verbe, ont pour initiale Les faits sont
bien établis, je renvoie donc simplement à Delitzsch, Assy-
rische C~cmMŒ p. 137 etsuiv. La même initiale se
retrouve dans les pronoms démonstratifs Delitzsch, ibid.,
p. 148.
En sudarabique ep~a/3/Me, le sabéen a partout h-
(Guidi, Summarium, p. 5 Rhodokanakis, ~a6aMC~e
Texte, I, p. 65-66). Mais les autres dialectes ont un ini-
tial« "); pour le minéen, voir Hommel, ~Ma'a'ro'~McAe
C/M/oma~'e, p. 11, Rhodokanakis, ibid., p. 67-68. Pour
le qatabanique, le hadramotique, l'awsanique, je relève
dans la Chrestomathia G?'a6<ec meridionalis de Conti-Ros-
sini les exemples suivants
Qatabanique -sm 83~, -Mc 863, -& 87~, -~M? 87e, -s
89; -~y 863~, 87;, -.y~ 89. etc. Toutefois je note aussi
-A~ 8Se, 86~s, 87,. Voir également Rhodokanakis, ibid.,
p. 68-72.
Awsanique -~93~, 94~ 936~ 96~.
Hadramotique 98.. -~M? 98,, -sm 99s, iO~s,
102.
En sudarabique moderne on a des pronoms à initial
et des pronoms à h- initial. Les faits sont les suivants
Mehri. Pronom indép. masc. sg. he, pl. hem; pronom
suffixe masc. sg. -h, pl. -hem. Au féminin on a au
contraire pron. indép. sg..se, pi. sen pronom suffixe -s,
pl. -sen.
Shauri. Pronom indép. masc. sg. ~e, pi. jM~K; fém. sg.
se, pl. sen. Pronom sumxe masc. sg. -f, pl. -sum (et -hum,
fém. sg. -s, pi. -.ye?t).
Soqotri. Pronom indép. masc. sg. y~e, pl. yhen duel
com. y~ fém. sg. se, pl. sen. Pronom suffixe mase. sg.
et -A, pi. -~eM et -sin duel com. -A:; fém. sg. -s, pi.
-sen.
Cette dualité d'initiale s-/s- et h- a excité au plus haut
point la curiosité des linguistes. On a prétendu (Jensen,
Z.y, I, 313 Brockelmann, Z~, XVI, 402etsuiv., Grun-
driss, I, 302-303, jE'KcycZ9pe<e de l'Islam, art. ~e~
p. 502 b Ungnad, ~Z~ XX, ~60) qu'il fallait y voir
un fait très ancien le sémitique aurait possédé un pronom
de 3e personne à initiale *h- au masculin, au féminin.
Certaines langues auraient généralisé le d'autres le *h-.
Des faits égyptiens et couchitiques seraient venus corrobo-
rer cette hypothèse.
Mais Barth, 7~'o/!OM::MC!7~M~, p. 13, a fait remarquer
que le plus ancien égyptien ne connaît que que le ber-
hfre ne connaît que s-, ce qui enlève beaucoup de sa force
probante à l'argument tiré des langues voisines du sémi-
tique.
De son côté, Bittner, Studien ~M?* ~CM~yac/te,
p. 45, serait disposé à voir dans les formes en -h un
effet de l'influence arabe qui s'exerce fortement sur ces dia-
lectes.
Enfin je crois qu'on n'a pas regardé- d'assez près les
faits au point de vue phonétique. Le mehri présente la sin-
gulière particularité de faire passer a une partie des
anciens *f (Brockelmann, G'MK<M- I, p. 132, ~c~c/cpc-
die de l'Islam. art. Ilehri, p. 501 b, 302 a). Ce phénomène,
malgré son importance, n'a pas été bien étudié, et l'on ne
sait pas dans quelles conditions *s est conservé et dans
quelles autres conditions il passe à A. D'autre part, en
quelques cas passe à s. C. Brockelmann a tendance à
expliquer ce dernier phénomène par des emprunts à l'arabe,
mais il doit reconnaître qu'en certains cas, il n'est pas pos-
sible de songer à un emprunt « Ces mots doivent donc
appartenir à un dialecte dans lequel la loi phonétique
~> h n'existait pas )' mais cette explication n'est guère
convaincante. En réalité, tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il
y a des cas ou s se maintient, même à l'initiale (exemple
jma<'« sommeil )), ~c' « nombril »), d'autres cas où il
passe à et peut même disparaître complètement, d'autres
cas enfin où il passe à s. Une même racine peut fournir dif-
férents mots ayant chacun une initiale différente c'est
ainsi que de* « sept », on a
:/d??!~<z<t « septième jour » (<6-),
hôba' « sept )) « *!a~),
cùba « septième »
« *M~). C'est seulement une étude minutieuse de tous
les exemples connus qui permettra de découvrir dans quelles
conditions se produisent ces passages de à A et à et si
par hasard la voyelle suivante ne joue pas un rôle dans ces
transformations. Tant que cette étude n'aura pas été faite,
il sera imprudent de considérer l'opposition de pronom
masc. h- et de pronom fém. ou s- comme un fait ancien.
I) est plus tentant de considérer le masculin h- comme pro-
venant d'un ancien *s- passé à h-, et par conséquent de poser
que toutes les formes du pronom de 3" personne en sudara-
bique moderne reposent sur d'anciennes formes à *s-initial.
Les différents dialectes éthiopiens ne connaissent que
des pronoms de 3e personne à initiale Je n'examinerai
pas le détail des faits, ils sont bien établis. Je renvoie donc
à Brockelmann, Grundriss, I, pp. 303-304, 3H; Barth,
Pronominalbildung, pp. 17, 21, 22, 51, 57 le gouragué et
le harari ont des formes d'autre origine M. Cohen, Études
d'éthiopien méridional, p. 137-138, 268-272. Je ne pense
pas que le -is final du gafat ait quelque chose à faire avec
les pronoms à *s- initial (malgré Brockelmann, Grundriss,
I,p.311).
La répartition des formes de pronom de 3" personne en
sémitique est donc la suivante:
Formes à s- initial: accadien; minéen, hadramotique,
awsanique, qatabanique; et, semble t-H, mehri, shauri,
soqotri.
Formes à ~-initial: sabéen; langues éthiopiennes et
d'autre part arabe, araméen, cananéen.
Que conclure de ces faits? Les pronoms de troisième
personne sont intimement liés aux démonstratifs. Et de fait,
en accadien, à côté des pronoms de 3* pers. à s- initial, il y a
des démonstratifs, voire un relatif, à s- initial, tandis que
dans plusieurs des langues qui ont des pronoms de 3" pers.
à h- initial, on trouve des traces abondantes de démons-
tratifs à A- initial (voir Brockelmann, Grundriss, pp. 316,
3i8, 319, 322, 323). Il est possible qu'en sémitique les
deux éléments démonstratifs s- et h- aient été usités tous
les deux (à côté de plusieurs autres), le premier étant plus
spécialement réservé au rôle de pronom de 3" personne.
Puis une évolution se serait produite: l'élément démons-
tratif h- aurait étendu ses emplois, et aurait évincé l'élément
s- de son rôle de pronom personnel. Mais l'accadien et une
partie du sudarabique, séparés du reste du sémitique avant.
cette évolution, y auraient échappé, et auraient gardé le
pronom personnel à s- initial. Le sabéen et les parlers sur
lesquels reposent les différentes langues éthiopiennes ne se
seraient détachés qu'une fois cette évolution totalement
achevée, si bien qu'ils connaissent seulement le pronom à
h- initial, et ignorent absolument le pronom à s- initial.
Notons qu'une évolution inverse semble s'être produite en
accadien, où, après la séparation d'avec le sémitique, le
pronom démonstratif à s- initial a supplanté non seulement
le pronom démonstratif à h- initial (dont il ne reste plus
trace que dans M~a « le même s <( ~M-j-~Ma: Ungnadc
WZ&M, XX, 160; Brockelmann, G'rMHc~MM, I, p. 304),
mais encore la plupart des autres éléments démonstratifs.
Si l'on admet cette explication des faits, la présence du
pronom à initiale s- en accadien et dans une partie du
sudarabique ne serait pas un argument. en faveur de la
parenté linguistique des deux groupes il y aurait seulement
eu conservation, des deux côtés, d'un fait ancien.
LES THÈMES VERBAUX DËmVËS.

Le sémitique connaît divers procédés pour modifier le


sens d'une racine verbale. Tantôt des changements dans la
vocalisation de la forme verbale expriment ces modifications
de sens; tantôt le même résultat est obtenu par la gëmi-
nation d'une des consonnes radicales; tantôt enfin inter-
viennent des préfixes ou des infixes: *s-, pour exprimer
la nuance causative, (-<-), pour exprimer la nuance
réfléchie.
En arabe, hébreu, araméen, l'emploi de ces différents
procédés est plus ou moins limité c'est ainsi que l'hé-
breu ne forme plus de réfléchi en t- qu'en partant du
thème intensif à 2" consonne radicale géminée (un seul
exemple de réfléchi en t- du thème simple ~<a~û~'M,
Brockelmann, Grundriss, I. p. 529). L'araméen semble
ignorer le préfixe n- du réttéchi, que l'arabe et l'hébreu
n'emploient qu'en partant du thème simple. L'arabe,
l'hébreu, l'araméen ne forment de causatifs que sur le
thème simple. Les combinaisons de préGxes entre eux, ou
de préfixe et d'infixe ne sont généralement pas employées (à
l'exception de la combinaison: s- causatif-(--<- réfléchi qui
a une assez grande extension). Noter cependant en hébreu
quelques exemples d'une combinaison ?!t-(-thème
intensif (Bauer-Leander, Historische Grammatik. p. 283
Brockelmann, Grundriss, I, p. 343). Noter également en
arabe maghrébin des combinaisons n- -}- -i'- + thème
simple (Brockelmann, Cru/ze~M, p. 54.0).

L'accadien et le sudarabique paraissent avoir en commun


un emploi beaucoup plus libre de ces divers procédés

1° Tous deux forment un causatif (à préfixe s- ou *A-)


non seulement du thème simple, mais encore du thème
intensif (et du thème conatif). Les faits sont les suivants
Accadien. Les causatifs du thème intensif y sont une
forme tout à fait courante: Delitzsch, Assyrische Gram
tik2, p. 240, Brockelmann, Grundriss, I, p. 543. L'imparfait
est de forme MsAassaof, le parfait (oriental) est de forme
Ms~'assM~.
Sudarabique épigraphique. L'existence de causatifs du
thème intensif est difficile à déceler, car l'absence de voca-
lisation masque la plus grande partie des faits. Cependant
il est possible que des formes telles que minéen skwn Jauss.
191, ~'yaf Jauss. 241 soient des causatifs du thème intensif.
Un dépouillement des textes devrait être fait pour préciser
ce point.
Sudarabique moderne. Il semble qu'on trouve en mehri
des causatifs du thème intensif et du thème conatif. Ces
causatifs ne sont pas attestés au parfait, mais à l'imparfait
indicatif, on trouve des formes.du type yihakôteb que Bit-
tner, Studien ~Mr ~eA~Mprac~e, II, p. 4041, considère avec
raison comme reposant sur un thème intensif ou conatif.
Pour le reste du sudarabique moderne les faits n'ont pas été
jusqu'à présent bien classés.
En e~'o/M'p~, on trouve des exemples bien attestés de
causatifs du thème intensif ou du thème conatif. En guèze,
ces causatifs, relativement fréquents, sont de forme 'aya:
tala ou 'c~/e~c: voir Dillmann, Grammatik der athio-
pischen t~oracAe~, p. 136; Brockelmann, <?rMM~r~, I,
p. 542. En tigré, on trouve, quoique rarement, des cau-
satifs du thème intensif de forme 'aqattala, ou du thème
conatif de forme 'aya<<z/c. Beaucoup plus fréquents sont
ceux fabriqués avec le préBxe causatif composé 'atta-
(ancien causatif de rénéchi ?) on a ainsi des causatifs d'in-
tensifs de type 'attaqattala, de conatif de type 'a~aya~a~);
voir Brockelmann, Grundriss, I, pp. 542-543 Littmann,
ZA, XIII, p. 174. Le tigrigna présente des faits analogues
des causatifs d'intensif et de conatif de type agabbara,
a~a~cre I. Wajnberg, Die Typen der .A"OMH~c:7</M~
im Tigrina, ZS, VIII, p. 77-80. L'amharique a également
un causatif en a- du thème intensif, de type a$'M~ (impf.
y~M~/) et du thème conatif: type a~aM/a (impf.
y<) il a aussi un causatif en as- (de sens factitif) du
thème intensif (type <M~'c'~t/'7, impf. y7.9yf<) et du thème
conatif (type a.yya~/M, ~<M~5~/) Brockelmann. C/'M?!-
driss, I, p. 543 Guidi, ZA, VIIL 245-262.
Cette formation est intéressante, car nulle part ailleurs,
dans le reste du sémitique, il ne semble v avoir trace de ces
causatifs de thème intensif ou de thème conatif.

2' L'accadien et le sudarabique ont encore en commun


des combinaisons des deux préfixes de réuéchi t- et n-. !1
est vrai que des combinaisons de M- et de t- apparaissent en
arabe du Maghreb et de l'Oman, ainsi qu'en hébreu. Mais
dans ces langues, le préfixe n- précède le tandis que dans
les faits que j'envisage maintenant en accadien et en
sudarabique, le précède au contraire le n- et forme avec
lui un préfixe composé tan-.
Accadien. Ce préGxe composé tan- est en réalité employé
comme infixe. On forme avec lui des réfléchis du thème
simple, de type *~CK<Mû!< des réfléchis du thème intensif,
de type *M~<2MaMŒ< du thème causatif simple, de type
*:M~ïa/~ce~ du thème causatif intensif, de type *ustana-
kassad, et du thème réfléchi en n-, donnant lieu ainsi à des
réfléchis de réfléchi, de type *M~sa< Voir les exemples
énumérés par Delitzsch, Assyrische Crc~~c~ pp. 236
et 239, Brockelmann, Grundriss, p. 343.
Ethiopien. En sudarabique les réfléchis en tan- ne sont
sûrement attestés qu'en domaine éthiopien notamment
en guèze et en amharique. En guèze les exemples sont
rares (deux seulement) et de racines quadrilltères au par-
fait, ils sont de type *tanqartala voir les faits dans Dill-
mann, Aethiopische Grammatik, p. 150 Brockelmann,
Grundriss, p. 542. En amharique, la formation est plus
développée et apparaît dans le verbe trilittère voir les
exemples, de type*&my<2M<xZ3 dans Guidi, ZA, VIH, p. 245-
262 et Brockelmann, Grundriss, p. 543. Sur quelques faits

d. Mais, me dit M. Cohen, presque toujours dans des trilittères


longs pris comme équivalents de quadrilittèt'es, toujours avec un
caractère expressif.
analogues en tigrigna, voir I. Wajnberg, Dïe Typen der
Nominalbildung im Tigrigna, ZS, VIII, p. 85.

D est évidemment digne d'attention que seuls l'accadien


et le sudarabique, à l'exclusion des autres langues sémi-
tiques forment tous deux des causatifs de thèmes dérivés, et
t
combinent tous deux les préfixes et n- pour former un
préfixe (infixe) réfléchi composé tan-. Quelle conclusion
est-on en droit de tirer de ce fait?
On peut d'abord penser qu'il s'agit d'un trait ancien
conservé dans les deux langues. Il est possible qu'à date
ancienne l'emploi des divers préfixes et infixés ait été plus
libre qu'il ne l'est à époque historique, et que même leur
combinaison deux à deux ait été usuelle. L'accadien et le
sudarabique ont pu se détacher alors du sémitique, et
garder ainsi des traces notables de cette liberté d'emploi qui
s'est perdue par la suite.
On peut aussi supposer qu'il y a là ou bien une coïnci-
dence fortuite, un développement parallèle, ou bien une
innovation ancienne commune aux deux langues. Mais il
faut distinguer en ce qui concerne le causatif des thèmes
intensifs et conatifs en éthiopien, M. Cohen me fait
remarquer que « dès le guèze la distinction simple-
intensif-conatif, ne fonctionne plus morphologiquement au
thème simple. Donc les thèmes intensifs et conatifs sont
des variantes du thème simple et n'ont pas'de raison de ne
pas recevoir de causatifs. Cependant il y a un parallélisme
curieux entre le factitif amharique et les causatifs et réflé-
chis de causatifs intensifs de l'accadien. Ce développement
du factitif en <M- en amharique peut être un développement
récent d'un fait conservé archaïquement )).
Au contraire « le réfléchi en de l'éthiopien et notam-
ment de l'amharique semble une forme !H??oucH~, servant
à donner un réfléchi à an- pris pour un causatif » il n'au-
rait alors rien à faire avec les réfléchis à -tan- infixé de
l'accadien.
En résumé, situation peu claire, dont il serait imprudent
de vouloir tirer aucune conclusion.
LE CAL'SATtF A PRÉFtXE*A'

On sait qu'il existe en sémitique deux préfixes de cau-


satif. L'un est a initiale l'autre à initiale *s- (Broc-
kelmann, Grundriss, p. 520-328). En arabe, araméen,
cananéen, le préfixe ordinairement employé est mais
avec des traces notables de *s-, surtout en araméen (Broc-
kelmann. G'7~H~M~ I, pp. 322, S23, 525, 526). Examinons
les faits en accadien et en sudarabique
Accadien. L'accadien connait un seul type de causatii', à
préfixe s-, de type irnpf. *MA'as/KM. pf. *usaskin, au thème
simple. Les faits sont bien établis je renvoie donc à
Delitzsch, Assyrische G~'<7?M7?M~ p. 237.
-S'Mf/<a~!<~Me ep!<xp~!yMe. Le type de causatif varie
suivant les dialectes en sabéen il existe un causatif à
préGxe h-, de type ~< tandis qu'en minéen, qatabanique,
hadramotique, il existe un causatif à préfixe
type.
«
*s-), de
Guidi, ~'MMM?c/'M< p. 8. L'av.'sanlque marche
avec le minéen je relève en effet dans Conti-Rossini,
C/:?'6~o~G~c. n. 93, 94, 96, la forme ~7! « dédier,
consacrer »
.StM/o~a~MC moderne. En mehri, il existe un causatif
haktob qui peut à la vérité représenter un ancien *haktaba,
mais qui peut aussi représenter soit un ancien *saktaba
(avec passage de *s- à h-), soit, avec plus de probabilité,
un ancien *'alrtaba (avec renforcement du en A- fait
très fréquent en mehri, voir Bittner, ~CMrMprceAe, I,
p. 19). C'est cette dernière hypothèse qui me parait la plus
probable, d'après les faits des autres dialectes.
En shaun. le causatif est de type ekteb, venant presque
certainement d'un ancien *'aktaba: Bittner, 6'M/'Mp~cc~e,
II, p. 21-22.
En soqotri, les faits ne sont pas classés, mais je remarque
i. Toutefois il ne faut pas négliger l'opinion émise par Praetorius,
ZS, V, pp. 39-43, à savoir que ce type de causatif aurait été caractérisé
par une simple voyelle prëuMe; le /< servirait seulement à noter
ou à protéger cette voyelle initiale.
dans les premières pages de Bittner, Forstudien. der
~'oyo~M/)rcc~e, III, l'indication de plusieurs causatifs
Aa~, p. 7 « *ahret): « oindre », e~e/, p. 8: « rendre
droit », 'cAes, p. 9 (<(*a'~M): « plonger dans l'eau,
baptiser ». Il semble donc qu'il faille poser un type de eau-
satif ekteb comme en shauri reposant vraisembla-
blement sur un ancien *'aktaba.
Il serait donc possible de restituer pour tout le suda-
rabique moderne connu jusqu'ici une forme de causatif
*'aktaba.
Ethiopien. Le guèze possède un causatif de type 'a~/a,
à préfixe 'a- Dillmann, Grammatik des athiopischen
Sprache, p. 134. Mais il existe quelques traces, rares il est
vrai, d'un causatif saqtala, avec préfixe sa- (<~a-?). Dill-
mann, ibid. en énumère quelques exemples, p. 123; en
tout cas cette formation n'est plus vivante. Il existe d'autre
part des exemples d'un causatif à préSxe '<M- Dillmann,
ibid., p. 142 et Brockelmann, CrM/M~M, I, p. S24.
En amharique il existe aussi deux préfixes de causatif a-
et as- (type ayaMfï/S et a~ya~a~S). Broekelmann, ibid.
pense que ce préuxe as- provient d'un ancien préfixe de
causatif-réuécbi *'asta, par assimilation du Mais cette
explication est loin d'être certaine. D'autre part l'amharique
a trace d'un préfixe as-.(Cohen, Ethiopien méridional,
p. 23) mais il est secondaire, lié à des circonstances phoné-
tiques (M. Cohen, lettre).
Le tigré et le tigrigna ne possèdent qu'un causatif à
préExe a-.
En gouragué, le préfixe de causatif le plus usité est a-,
mais l'existence d'un préfixe as- est certaine: Cohen,
Z~Ojo:eM méridzonal, p. 1 ï 1.
En harari, il semble n'y avoir qu'un préfixe a-(s) Cohen,
ibid., p. 299.
On peut donc dire qu'en éthiopien le causatif le plus
fréquent est à préfixe 'a-, mais qu'il existe des traces
importantes du préfixe *sa-.
Comment doit-on interpréter ces faits? Notons que les
langues qui ont *&'o- comme préfixe habituel de causatif, à
savoir l'accadien et le sudarabique épieraphique (moins le
sabéen), semblent ignorer absolument le préfixe *~a-<7-.
Mais l'inverse n'est pas vrai les langues qui emploient
habituellement le préfixe *a- ont également des traces
de *sa' et celles de ces langues qui paraissent ignorer abso-
lument *sa- (par exemple le sudarabique moderne) ont au
moins gardé un préfixe de causatif-rëtléchi *'<7s~c- (~. sa-)
qui suppose à un moment quelconquel'emploi du préfixe *~a-.
J'en concluerais volontiers que le préfixe de causatif *sc-
est le seul ancien, tandis que le préfixe *Aa-a- serait une
innovation postérieure L'accadien d'une part, le sudn-
rabiqueépigraphique(moins le sabéen) de l'autre, se seraient
détachés du sémitique avant cette innovation. Le sabéen,
les parlers anciens sur lesquels reposent les différents
dialectes sudarabiques modernes, et ceux sur lesquels
reposent les différents dialectes éthiopiens se seraient
séparés du sémitique après cette innovation (de même
d'ailleurs que l'arabe, l'araméen, le cananéen), et elles pré-
senteraient tous les degrés du remplacement de ~<2- par
'C-.
Dans cette hypothèse, l'emploi habituel du préGxe de
causatif *~c- en accadien d'une part, en sudarabique épi-
graphique de l'autre (moins le sabéen) ne serait pas un
argument en faveur d'une parenté dialectale de l'accadien
avec une partie du sudarabique il y aurait seulement
conservation indépendante d'un fait ancien.

L'tMPARFAIT A DEUX VOYELLES RADICALES.

Nous avons déjà examiné brièvement ci-dessus la ques-


tion de I'!77!jOGr/<K~auoye//e -a- après la première consonne
1. Sur l'origine de cette innovation, M. J. Lecerfme fait observer
que haqtala, 'aqtala (notant sans doute aqtala) ont le même rvthme
syllabique que qattala, gatf~a. Or la première au moins de ces formes:
qattala a parfois le sens causatif. On peut donc se demander si aqtala
n'aurait pas été d'abord comme les autres une forme à valeur expres-
sive, peut-être intensive ou itérative, spécialisée ensuite dans Je sens
causatif.
radicale, et nous avons établi que cette forme existait dans
tout le sudarabique. L'existence d'une forme analogue en
accadien a été indiquée sommairement il faut maintenant
reprendre les faits en détail.
Accadien. A une forme verbale conjuguée au moyen de
préiixes et de suffixes, pourvue d'une seule voyelle radicale
placée après la seconde consonne radicale, et exprimant
I' accoMp~' (type iksud), l'accadien oppose une autre forme
verbale, conjuguée elle aussi au moyen de préfixes et de
suSixes, mais ayant deux voyelles radicales, l'une, tou-
~'OM/'A' de timbre -a-, après la ~e~M'ère consonne radicale,
et l'autre de timbre quelconque, après la seconde consonne
radicale cette forme, de type !'Ac~(j)'< exprime
l'inaccompli. Les faits étant bien établis, on se reportera à
Delitzsch, Assyrische Grammatik2, p. 244. et suiv.
Je noterai seulement deux points: le redoublement de la
seconde consonne radicale manque dans une partie des
exemples, et a des chances pour être secondaire. Ensuite la
seconde voyelle radicale, comme il a été dit ci-dessus, est
indéterminée elle est souvent -i- ou -u-, mais elle peut
aussi être -a-, ce qui n'est pas le cas dans la forme analo-
gue du sudarabique. Voir les listes d'exemples établis par
Delitzsch.!< p. 250 et suiv.
Sudarabique ~:yr<~A~Me. Bien que les voyelles ne
soient pas notées, il semble bien qu'on aperçoive des exem-
ples d'Imparfait à voyelle -c- après la première radicale, et
cela dans les verbes à 2" consonne radicale faible il se

/r
pourrait par exemple que yAt~' Glas. dOOO A.e (en face de
Conti-Rossini, C~M< n. 954) soit à rapprocher de
g'ucze ysAc~otc~?' à moins qu'il ne faille y voir un inten-
sif. C'est seulement un dépouillement minutieux de tous
les textes, d'un point de vue grammatical, qui pourra éta-
blir la valeur de faits de ce genre.
~'Mf/Œa6~Me M:o~er/<e. Les faits sont nets: à une forme
ayan) le sens de ~<M~/o?/c/ et possédant une Ne?~e
vovelle radicale, <7w~.< /<? .s-cco~f/c coM~o?!??e rao~Z?
(rnebri !/M~ yM~r. shauri t/<7. yz'/i'/o~, soqntri
<</er) les trois dialectes modernes opposent une autre ibnnc
ayant le sens d'ar/a~ ~ca/z'et possédant une voyelle
-<z-après la première consonne radicale et une voyelle autre
que -<?- après la seconde consonne radicale.
Mehri y<7~< shauri yz'A'c~, soqotri !'yMf/cr.
Mais cette forme ne se rencontre pas dans tous les verbes
les intransitifs et les verbes à 2~ consonne radicale laryngale
ou vélaire n'ont qu'une seule forme pour l'imparfait indi-
catif d'une part et pour le jussif subjonctif de l'autre par
exemple en mehri yï'~w. Il n'est d'ailleurs pas probable
que cette situation soit ancienne ces verbes sont justement
ceux où la voyelle radicale primitive du jussif-subjonctif
était -a-. Je pense donc qu'il y a eu confusion entre jussif-
subjonctif *yi!~or et imparfait-indicatif*yitabr, d'où élimi-
nation de la seconde forme. Notons que cette explication
suppose la restitution d'un imparfait-indicatif*yitabr à une
seule voyelle radicale. Avec une forme à 2 voyelles radi-
cales *~7<~< par exemple, la confusion n'aurait pas été
possible. Une autre explication est donnée par Bittner,
J/e~MpMc/ II. p. 12.
Ethiopien. Les faits sont encore plus nets qu'en sudara-
bique moderne. A un jussif possédant une seule voyelle
après la seconde consonne radicale, l'éthiopien oppose un
imparl'ait indicatif ayant wie voyelle -< après la première
consonne radicale, et souvent une autre voyelle après la
seconde consonne radicale. Je reprends les exemples donnés
plus haut
Guèze yaqattal, tigré (t)-anabbar, tigrigna ~M~sr,
amharique ~?M~a~ !wa~ gouragué MC~c?*, !~<7M/~
harari yM~f/a-
Le redoublement de la seconde consonne radicale en
guèze, tigré, tigrigna, parait secondaire.
On ne voit pas bien quelle forme il faut restituer. Faut-il
partir d'une forme ancienne à deux voyelles radicales
*6! ou au contraire à une seule voyelle *yiqatl (la
seconde voyelle qui apparaît presque partout étant une
voyelle de disjonction)? M. Cohen, Groupes de consonnes
c?! éthiopien, MSL. xxiii. p. 8~, trouve des raisons aussi
fortes en faveur des deux possibilités. Je serais tenté d'admet-
tre la forme *y!'y<z~ comme je l'ai fait pour le sudarabi-
que moderne, mais c'est peut-être hasardé.
Les faits étant ainsi posés Accadien :a~)°/6~ Suda-
rabique moderne yitaber (<(*~<x~?), Ethiopien yaqattal
(< *yiqatl?) comment expliquer ces formes ?
On a jusqu'ici généralement admis qu'elles résultent de
développements secondaires, du moins en éthiopien. Deux
explications principales ont été formulées dans ce sens
L'une, d'ordre phonétique, a été présentée par C. Broc-
kelmann, Grundriss, I, p. 5S5 la forme à deux voyelles
radicales proviendrait de la forme à une seule voyelle radi-
cale par introductiond'une voyelle de disjonction entre les
deux consonnes en contact yay~/ ~> yaqatal. Mais les
exemples d'autres langues qu'allègue C. Brockelmann sont
tous des cas particuliers tantôt c'est une laryngale ou une
vélaire qui a développé avant elle ou après elle une voyelle
*yc"MM</M> hébr. *y<z'M!oc~, tantôt c'est le rythme syl-
labique qui a amené la chute d'une voyelle et le dévelop-
pement d'une autre arabe clas. yo:i!M~M(KC') ~> *y!M ~>
tun. y~M, palm. t/~x~o". Tous ces faits sont isolés et
sporadiques nulle part ils n'ont amené la création d'une
nouvelle forme grammaticale, valable pour tous les verbes
et pour toutes les personnes.
L'autre explication est d'ordre morphologique elle a
été donnée par P. Leander, .~M~e ~e?HerAM??~CM ~My
&epMcAcn ~KeK/fAre, dans Studien tillegnade Esaias
T~~e?*, 1918 (cité d'après M. Cohen, Groupes de conson-
nes en e~op!'eM, MSL, xxiii, p. 81) « y~a~~ en face de
'/a<a/c serait fait sur le modèle de formes dérivées, par
exemple le thème de conatif y5~K/ya$'5<(~)~. » Cette expli-
cation est vraisemblable, mais elle se heurte à deux difficul-
tés la première et la moins grave est qu'elle nécessite
comme point de départ une forme restituée *y!'$'<i" En
éthiopien nous l'avons vu, il est difficile de décider si l'on
doit poser comme forme primitive *y:'ys! ou *yiqatl. Mais
en sudarabique moderne, c'est seulement *y!'y<2~ qui rend
comptede laconfusion avec le jussif*y:a/des intransitifs et
des verbes à seconde consonne radicale laryngale ou vélaire.
L'autre difficulté, conséquence de la premicre, consiste
en ce que cette explication qui est satisfaisante pour l'éthio-
pien. qui l'est déjà moins pour le sudarabique moderne, ne
l'est plus du tout pour l'accadien. Or je ne crois pas que les
faits accadiens puissent être séparés des faits sudarabiques
modernes et éthiopiens le sens est le même Mccco?Mp/
!Me~'c~ la forme est la même, la seule divergence étant
la seconde voyelle qui peut être -a- en accadien et qui n'est
jamais -a- en sudarabique moderne et en éthiopien mais
cette divergence s'explique si l'on pose comme forme pri-
mitive *~a/a< la seconde voyelle n'étant alors qu'une
voyelle de disjonction, rien d'étonnant à ce qu elle soit -a-
dans une partie des exemples accadiens (comp. acc. Aa~?<,
ét. const. kalab).
J'estime donc qu'il faut repousser l'explication de Leander,
et poser un imparfait-indicatif *y'ya< s'opposant au
jussif-subjonctif *y'yf/ et commun au sudarabique
d'une part, à l'accadien de l'autre.
Si l'on admet cela, doit-on considérer cette forme comme
appartenant au sémitique, ou au contraire comme étant
une innovation ancienne commune à l'accadien et au suda-
rabique ? On comprendra qu'il est très difficile de répondre
à une semblable question. Cependant de tout petits faits
peuvent faire légèrement pencher la balance en faveur de
l'une ou l'autre des deux alternatives. Voici un petit fait de
ce genre les lettres d'EI-Amarna fournissent des formes
singulières *yikasad, *~7f<~a< en face des véritables formes
accadiennes *ikasad, *takasad (Ebeling, Das Verbum der
,E7-A~r?M-~e/e, BzÂ, Vin, 2, pp. 50-52). Ebeling
pense qu'il s'agit d'une forme hybride, ayant la vocalisa-
tion interne de l'*ikasad accadien et les préfixes du *M~M
cananéen. Mais on avouera qu'une semblable explication
est peu satisfaisante, surtout quand Ebeling lui-même allè-
gue une forme hébraïque isolée ~x'ycc~op'' ou yiraddqp':
Ps. VII, 6, dont on n'a pas donné jusqu'ici d'explication
convenable. Le cananéen ancien aurait-il connu l'imparfait
*ya~? Dans ce cas il faudrait penser que l'imparfait indi-
catif *y"ya~ est une forme ancienne, conservée intacte
par l'accadien d'une part, le sudarabique de l'autre, et dis-
parue dans le reste du sémitique par une évolution dont les
faits du mehri nous donnent une idée'.1.

LE KOM DE NOMBRE « UN ».

L'arabe, l'araméen. le cananéen ne connaissent qu'un


seul nom de cc un » "M~aA<2~ qui sert à la fois pour le
nombre a un et pour exprimer K un tout seul ». Cette situa-
tion n'est peut-être pas ancienne.
Il existe en effet en accadien, à côté de edu, fem. ettu
« *'<2~a<), un autre nom de nombre cun o masc. e~~M,
~<a?!, p~~y? fém. esteat, estâtu, estët, d'où l'on tire un
ordinal estènu, fém. &f~M~: « le premiers. Voir Delitzsch,
~y?'MC/<c C~Ma~'Z' p. 2H Bezold, Babylonisch-Assy-
risches <y/o~ar. pp. 78-79.
Cette forme apparaît aussi en sudarabique épigraphique,
notamment en minéen et en qatabanique « un a, '~&!
« premier)) Conti Rossini, C~~e~oma~M, p. 2H a.
Il n'est pas possible, malgré Christian, p. 732, de voir là
un argument en faveur d'une parenté dialectale entre l'acca-
dien et une partie du sudarabique ce nom de nombre
« un M reapparaît en hébreu dans un nom de « onze »

t. C.Brockelmanna bien voulu me donner son avis sur la question,


il m'écrit « Hierweiehe ich nur in einem Punkle von Ihnen ab, in
der Beurtcitun~ des ahessinisehenImpf. Indikativ, dessen Verdoppe-
lunc Sie f'u' seinind:ir hal[en aher audi das mehri yt/fo<e& kann nach
den Lautsesetzen auf ein y:aMe6 zurûckcchn, und die durch Formen
wie Mant~o: im Akkadisclien bezeugt.e Verdoppelung des zweiten
Radikak braueht uicht sekundur zu sein. Ich halte diese Verdoppe-
)unc vieimeh)' für das ursprunsiicheCharakterist.ikumdes dieser Form
im Ursemitisehen » cis'cnen « i:ursoriscticn M ~L~peA'~ im Gegensatz
zu dem konstntierenden -t- togtM/. Durch die Komkurenz der Form
:Mg<!ttt/: qattala nis Ausdrud: der K intensiven » ~L/tMnssr~ ist dièse
a)te Form des hursorischen Aspelils in der jungeren Ent\vickiun:: des
Semitisclien verdri)ngt worden. Das halte zur Folirc,daf~ dus nominale
das nrsjtrimdieh wie im akkad. '( Pcrmansiv » als Stativ sedient
hntte, die Funktiun <!es konstatiercnfinn Aspekts von :ft~<M/ uher-
nahm, nactidem dies in die des kursorisehen Aspelits eingerùckt war. »
'GM:r, 'c~ '<?. Ex. 27-, 36, Deut. Jer. 39.
Ex. 26t, 1 Chr. 12, à côté de l'habituel '<?/ '<MŒr,
'M/ 'e~-re.Cet autre nom '!e « un H semble donc un trait
ancien, conservé d'une façon indépendante par l'accadien,
le sudarabique et l'hébreu et ne prouvant en aucune façon
une parenté dialectale de ces langues. Dans cette hypothèse
comment faut-il comprendre l'existence côte à côte de deux
noms de « un a ? Pour « deux ». il existe un nom du « nom-
bre deux » et un nom de « deux ensemble une paire )) je
me demande si, primitivement, il n'a pas existé un nom du
« nombre un et un nom de « un tout seul ». Que. 'c.!<e
n'apparaisse plus en hébreu que dans le nom de « onze a
ferait penser que 'a~ est l'ancien nom du « nombre un a
Naturellement, l'opinion émise par Zimmern, ~ccc/
sche jFrcM~t~'Mfr, p. 65. qui explique cette forme par un
emprunt au sumérien <2~M, est à rejeter (voir Brockel-
mann, 6~'MM~M~, I, p. 490) les emprunts de noms de
nombre, surtout pour les premiers de la série, sont rares et
ne doivent être admis que quand ils sont évidents.

LES ~OMS DES DIZitKES

On sait qu'en sémitique « vingt » s'exprime par le duel


de « dix M *'Mr5, tandis que « trente », « quarante etc.
s'expriment par le pluriel de « trois », « quatre » etc. Broc-
kelmann. G'MM(/r~, I. p. 490. Cette opposition ne s'est
conservée nulle part le nom de « vingt a a été refait sur le

t. Le nom de nombre « un est sujet en sudarabique à un singulier


accident: le sudarabique moderne a un nom *Md, fém. *<cy<
Mehri t<M, t<M/f, shauri tacl, tit (teyt, tet)~ soqotri: tad, tey.
Cette forme est ancienne le qatabanique en en effet td, fem, tt
Glaser 1396, et ce nom de « un » réapparaît dans un nom de « onze x
qat. ~'sr Glaser 169; Bittner..Ue&nspt-acAe, HI, p. 82, rapproche de
!d~ mehri Md, Md: « quelqu'un (évidemment de *'ahad-) mais la
forme du qatabanique rend cette explication invraisemblable. Tout ce
qu'on peut dire, c'est qu'un nom de nombre « un» non atteste par
ailleurs apparait en qatabanique et en sudarabique moderne.
modèle de celui des autres dizaines, et a pris la forme d'un
pluriel en arabe, araméen et hébreu.
Au contraire l'accadien et le sudarabique, par une singu-
lière innovation, ont étendu la terminaison du duel à tou-
tes les dizaines
Accadien esra, ya~M, irba, Aa~a, etc. Delitzsch,Assy-
rische G'ya?K?Ma<:A' p 211.
Sudarabique épigraphique Guidi, Summarium, p. 16,
explique les finales -K (<&n, A?K~) et les finales -y ('y,
~~yy) du sabéen comme des finales de pluriel. En réalité
les faits du minéen 'rb'hy, thmnhy prouvent que ce sont
des finales de duel Hommel, MVAG, 1897, 3, 4 Brockel-
mann, Grundriss, I, p. 490.
Le sudarabique moderne ne nous fournit aucun fait les
noms des dizaines ont été empruntés à l'arabe Bittner,
~e~rMprae~c, 111, p. 93, ~GM~Mp~ccAe, II, p. 51.
Ethiopien. Tout l'éthiopien ne connaît que les finales en
-o. guèze ~c/a~, 'c~a'a, etc. Les faits étant bien
établis, je renvoie aux différentes descriptions de parlers
éthiopiens.
Nous avons évidemment là une innovation très ancienne.
Etant donné sa singularité, il est peu vraisemblable qu'elle
ait été réalisée parallèlement par l'accadien et le sudarabi-
que. Il est donc possible que ce fait atteste une parenté dia-
lectale entre l'accadien et le sudarabique.

CONCLUSION.

Plusieurs rapprochements présentés par Christian et par


Mayer-Lambert n'ont pas été repris ci-dessus
Je me suis par exemple abstenu de comparer les suffixes
de guèze yc~Z/i-M et d'accadien /f&~A(M) les deux for-
mes ne sont pas pareilles, et le -~M de l'accadien peut être
emprunté au pronom personnel ~Ka;AM.
Je n'ai pas comparé le pronom démonstratif accadien
~MM~M et le pronom personnel gucze M?9'~<t ni la forme ni
l'emploi ne sont pareils.
Les terminaisons de pluriel accadien -<m. gueze -a~
sont semblables, mais elles paraissent résulter d'innova-
tions parallèles. En accadien. cette terminaison est peu
employée à date ancienne, et nous en voyons l'usage se
développer dans les textes plus récents. En sudarabique,
seul l'éthiopien en a trace les textes épigraphiques et les
parlers sudarabiques modernes ignorent cette terminaison.
D'autre part plusieurs autres langues ont plus ou moins
développé l'emploi de cette terminaison de pluriel Brockel-
mann, Grundriss, I, p. 450-~31. L'araméen par exemple
en a tiré sa terminaison d'état absolu pluriel féminin.
J'avais formé le projet d'étudier le problème des préposi-
tions, mais finalement je m'en suis abstenu, car les faits;
très complexes, résultant en grande partie d'innovations
récentes, risquaient d'apprendre peu de choses.

Arrivé au terme de cette étude, on ne peut pas ne pas


en conclure que la parenté de l'accadien et du sudarabique
reste douteuse: un seul argument a résisté à notre critique,
à savoir la terminaison de duel des noms de dizaines. Evi-
demment, en théorie, le fait que deux langues aient réalisé
en commun une même innovation est une preuve suffisante
que ces deux langues n'en ont été qu'une seule à un moment
donné. Mais il s'agit justement de savoir si cette innovation
a été réalisée en commun et non indépendamment. Dans le
cas présent, l'extension de la terminaison de duel à toute
la série des noms de dizaines est un fait singulier et qui n'a
pas beaucoup de chances d'avoir été réalisé indépendam-
ment. Néanmoins la preuve est faible et il serait dange-
reux de lui faire trop confiance.
Mais autre chose est apparu au cours de la recherche des
archaïsmes très notables dans les langues étudiées. Chris-
tian avait peut-être raison d'appeler, p. 738, l'accadien et le
sudarabique des « altere semitische Sprachen ». Un certain
nombre de faits le pronom de 3° pers. à initiale s-, le pré-
fixe de causatif sa-, l'inaccompli de type y°/,yc< le nom
du « nombre un » distinct de « un tout seul pourraient
bien être, non pas des innovations communes et des traces
d'une période de communauté sudarabique-accadienne,
mais plutôt des faits anciens conservés séparément par
l'accadien et le sudarabique et disparus dans le reste du
sémitique.
Jean CAKTiNEAU.

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