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Introduction générale

Introduction à la série « la conception


industrielle de produits »

La conception industrielle de produits tente de concilier ce qui est a


priori difficilement conciliable : la création et l’innovation sur les produits et
les impératifs industriels de maîtrise de la qualité, des délais et des coûts.
Une mécanique industrielle de lancement de produit nouveau se met donc en
route par le truchement de projets plus ou moins innovants de conception-
industrialisation de produit. Ces projets sont organisés de telle manière qu’il
devient possible à des métiers et disciplines différents de co-concevoir un
produit en structurant et synchronisant leurs activités autour d’une gestion
des tâches et des rôles, d’outils, de documents et de procédures standards, de
moments organisés (jalons) de décisions collectives. Cette structuration en
projet est d’autant plus nécessaire que le produit est complexe, le nombre de
concepteurs important, et le secteur concurrentiel.

Nous avons voulu aborder les problématiques actuelles de la conception


industrielle de produits au travers du prisme de l’évaluation et de la décision
durant le processus de conception d’un produit. En effet, ces étapes
d’évaluation et de décision s’opèrent à tout niveau du produit, à tout moment
du projet, que ce soit à titre individuel d’un acteur du projet ou au titre d’une
équipe de conception. Elles représentent le « C » du modèle du cycle
d’amélioration continue PDCA – Plan-Do-Check-Act –, dit roue de Deming,
qui consiste en un cycle d’analyse, de proposition de solution(s)
conceptuelle(s), d’évaluation de cette(ces) solution(s), de choix d’une
14 La conception industrielle de produits 2

solution et de développement de cette solution. Le propre de la conception


de produits est d’avancer de la sorte par propositions, évaluations et choix
successifs. Or, bien qu’unanimement reconnues comme étant primordiales
pour assurer la qualité des processus et des résultats de conception, ainsi que
pour garantir une certaine équité, transparence et efficacité de travail, ces
tâches d’évaluation et de décision s’avèrent souvent être les moins
formalisées et documentées. Quelles étaient les hypothèses sous-jacentes à
cette évaluation du produit alors qu’il était à l’état de concept ? Quels étaient
les critères qui ont présidé au choix de cette solution ou aux raisons de cette
reconception ? Sans outil pour évaluer, sans processus de décision explicité,
et sans capitalisation des connaissances générées en cours de projet, une
entreprise ne saura plus revenir sur une hypothèse ou une décision pour
reconcevoir ou réactualiser son produit face à une concurrence qui évolue en
permanence.

Le thème de l’évaluation et de la décision nous permet donc de parcourir


toute l’étendue du champ de l’ingénierie de la conception en se référant plus
largement au champ du génie industriel. Cette série de trois volumes est
idéalement conçue pour 3 objectifs :
– avoir un descriptif des projet industriels de lancement de produits
nouveaux et des problématiques industrielles actuelles associées en abordant
une grande diversité de secteurs industriels pour souligner à la fois les points
communs et les différences d’approche ;
– isoler les concepts et théories structurantes qui font l’objet de
recherches actuelles dans le domaine de l’ingénierie de la conception au sens
large ;
– être un ouvrage pédagogique de référence en proposant, dès que
possible, des énoncés de problèmes et exercices avec corrigés. Le lecteur
désireux d’approfondir l’énoncé d’un cas d’étude, les explications d’un
corrigé, ou désirant utiliser des données (fichiers Excel) ou des codes
informatiques (Matlab ou Scilab) utilisés par les auteurs, des images ou des
articles scientifiques, pourra télécharger les documents supports
supplémentaires mis à disposition sur le site Hermès : http://www.hermes-
science.com/yannou/cip.zip.

Le public visé est à la fois celui des acteurs industriels – techniciens et


ingénieurs –, des étudiants de niveaux Maîtrise, Master professionnel,
Master recherche et des doctorants en génie industriel, mais aussi des
consultants, enseignants et enseignants-chercheurs.
Introduction générale 15

Les trois volumes de la série ont été organisés autour des aspects humains
et d’organisation pour le volume 1, des aspects de gestion des paramètres du
produit durant le déroulement du projet pour le volume 2, et des méthodes
spécifiques d’évaluation et d’aide à la décision appliquées à la conception de
produits pour le volume 3. Leur titre :
– vol. 1 : « Management des hommes, des projets et des informations » ;
– vol. 2 : « Spécifications, déploiement et maîtrise des performances » ;
– vol. 3 : « Ingénierie de l’évaluation et de la décision ».

Cette série de trois volumes est le fruit du travail collaboratif de


quarante-huit co-auteurs (dont quarante enseignants-chercheurs : professeurs
des universités, maîtres de conférences et post-doctorants) appartenant à
vingt-deux universités et écoles d’ingénieurs (dont une université
américaine), et quatre partenaires autres (grande entreprise, agence de l’état
et cabinets conseils).

Ce travail n’aurait jamais vu le jour sans l’impulsion décisive et le


support financier du groupement national d’enseignement et de recherche
AIP-PRIMECA1. Une étape décisive de ce projet a été l’université d’été
organisée en septembre 2006 sur le campus de l’Ecole centrale Paris, sur le
thème « Evaluation et décision dans le processus de conception ». Le groupe
de recherche (GDR) en automatique du CNRS intitulé MACS (modélisation,
analyse et conduite des systèmes dynamiques)2 a également été un lieu de
débats et d’échanges scientifiques à la base de la constitution de la
communauté des co-auteurs. Qu’ils en soient remerciés.

Bernard YANNOU

1. http://www.aip-primeca.net/
2. Il s’agit des groupes de travail IS3C (ingénierie des systèmes de conception et conduite du
cycle de vie produit) et C2EI (modélisation et pilotage des systèmes de connaissances et de
compétences dans les entreprises industrielles).
Introduction au volume 2

Spécification, déploiement
et maîtrise des performances 3

L’entreprise d’aujourd’hui, pour être performante en conception, doit non


seulement piloter le processus de conception mais également conduire le
système de conception au sein duquel se déroule le processus. La conduite a
pour finalités d’améliorer la performance globale de l’entreprise et de lui
apporter une réactivité face aux évolutions des attentes du client et des
contraintes du marché. La conduite du système de conception oblige de
pouvoir comprendre et évaluer le processus de conception et en particulier
les activités qui le composent, mais aussi le système de conception, au sein
duquel le processus se déroule. Ainsi, l’évaluation de la conception doit
proposer tout un ensemble d’éléments de mesure, identifiés sur la base de
modèles du système à conduire et du processus à piloter, en vue de pouvoir
fournir des informations pertinentes pour assurer une prise de décision
cohérente au regard de l’état réel du système. Toute la difficulté va se situer
dans la spécification des inducteurs de performance en vue d’atteindre un
certain niveau de performances, dans le déploiement de ces performances
dans le système et dans la maîtrise de celles-ci tout au long du processus de
conception.

3. Le responsable de la coordination de ce volume est Vincent ROBIN. Les coordinateurs des


trois parties du volume sont Vincent ROBIN pour la partie I, Djémil CHAFAÏ et Mauricio
CAMARGO pour la partie II et Lionel ROUCOULES pour la partie III. Le coordinateur de la série
« la conception industrielle de produits » est Bernard YANNOU.
18 La conception industrielle de produits 2

Partant de ce constat, cet ouvrage se propose de fournir les éléments


nécessaires au décideur pour spécifier les performances de son système de
conception, pour les déployer au niveau des processus et enfin pour les
maîtriser tout au long du déroulement des projets de conception. Cet ouvrage
est organisé en trois parties présentant une vision « descendante » des
performances en conception : des performances du système de conception
aux performances du produit conçu, en passant par les performances des
projets de conception.

La première partie de l’ouvrage, qui concerne les deux premiers


chapitres, aborde l’évaluation de l’activité de conception du point de vue
stratégique et global du « système de conception ». Dans un premier temps,
nous nous intéressons à la conduite de la conception et apportons des
éléments de réponse quant à la spécification et à la prise en compte des
inducteurs de performance en conception en vue de l’évaluation du système
et de la prise de décision en conception. L’accent est ici mis sur la nécessité
de pouvoir évaluer les activités de conception et le contexte dans lequel elles
se déroulent pour rendre possible la prise de décision. Cette obligation
d’évaluation nous conduit à présenter diverses approches et points de vue
pour évaluer un système et un produit. Le second chapitre, quant à lui, pose
les bases d’une évaluation du système – de l’entreprise – en vue de l’analyse
de scénarios envisageables de développements industriels centrés sur
l’activité de conception et production de produits. L’accent est mis sur l’aide
à la prise de décision managériale de haut niveau où les actions sont des
projets potentiels de développement des activités de l’entreprise.

La seconde partie de l’ouvrage, qui regroupe les chapitres 3 et 4, fait le


lien entre l’évaluation « stratégique » et l’évaluation du produit lui-même.
En partant du fait que le besoin qui motive le développement du produit
industriel impose des objectifs que le concepteur doit prendre en compte tout
au long du projet et à toute étape de son activité. En amont, pour cadrer et
cibler les objectifs qui devront être atteints par le produit. En aval, pour
estimer les implications de ses choix ou les justifier. En cours d’activité,
pour apprécier les dérives éventuelles entre les objectifs et les résultats
intermédiaires obtenus. Ainsi, aux chapitres 3 et 4 sont décrites deux
problématiques d’atteinte des performances des plus sensibles et importantes
à l’heure actuelle ; elles concernent : les performances environnementales du
produit et l’atteinte d’un coût de revient ou d’un coût global pour le produit.
Le chapitre 3 met en évidence les concepts, méthodes et outils pour
l’évaluation environnementale des produits en cours de conception de
Introduction au volume 2 19

manière à maîtriser et, si possible, réduire globalement les impacts


environnementaux. Le chapitre 4, quant à lui dédié à l’aide à la décision
technico-économique en conception de produits, s’intéresse aux méthodes
d’évaluation des coûts du produit (et éventuellement du projet) ainsi que du
pilotage de ces coûts avec des méthodes telles que la conception à coût
objectif.

Enfin, la dernière partie se focalise sur le processus de conception et sur


le déploiement des performances tout au long d’un projet de conception. Le
chapitre 5 commence par donner un aperçu de la diversité apparente du
déroulement – on parle de déploiement – de projets types de lancement de
produit nouveau. Cela se fait au travers de la présentation de projets
industriels de complexité croissante des domaines de la cosmétique, de
l’aéronautique, de l’électronique et de l’automobile. Bien que leur
complexité soit variable, le déploiement de ces projets s’appuie sur des
notions communes comme le cycle et le plan de développement, le cycle en
V, les jalons projets, les documents et outils standards. Après ce point de vue
organisationnel des projets de conception, le chapitre 6 donne un point de
vue des processus de conception qui est plus axé sur l’acte de conception
même. L’évolution des représentations (c’est-à-dire des modélisations) de
l’objet conçu ainsi que les connaissances manipulées et générées deviennent
centrales. Le chapitre 7, apporte une description « opérationnelle » du
processus de conception d’un système mécatronique d’une certaine
complexité, par la définition de modèles de déploiement des spécifications
afin de passer de l’analyse des fonctions attendues du produit à la définition
multi-métier de ce produit et aboutir au final à sa modélisation géométrique.
Les solutions logicielles actuelles de l’ingénierie numérique sont
succinctement présentées pour mieux appréhender le développement des
plateformes de conception collaborative et intégrée à venir. Enfin, le dernier
chapitre complète l’ensemble de cette partie en présentant, sous forme
d’exercice, les concepts de la modélisation MDA (Model Driven
Architecture) et les outils informatiques supports au déploiement des
spécifications dans le cas de la conception des systèmes de production.

Vincent ROBIN
PREMIÈRE PARTIE

Evaluation de la performance
du système de conception

Première partie coordonnée par Vincent ROBIN.


Chapitre 1

Etude et conduite de la conception : de la


nécessité d’évaluer pour décider

1.1. Introduction

Aujourd’hui, l’environnement économique, social mais aussi


technologique des entreprises est en perpétuelle évolution. Elles sont
soumises à des contraintes de plus en plus fortes aussi bien en interne qu’en
externe. En interne, les personnels de l’entreprise attendent que celle-ci
participe à leur épanouissement personnel tant au niveau financier qu’au
niveau intellectuel. Les acteurs de l’entreprise sont de plus en plus soucieux
de leur bien être en dehors de l’entreprise mais aussi au sein de celle-ci. En
externe, l’entreprise doit rechercher la satisfaction de ses clients mais aussi
de ses actionnaires. Elle se doit donc d’être bien positionnée sur un marché
de plus en plus ouvert à la concurrence mondiale tout en dégageant des
marges suffisantes. La performance de l’entreprise est liée aux aspects
technologiques pour être placée sur le marché, aux aspects économiques
pour être crédible vis-à-vis des actionnaires et des investisseurs, et aux
aspects sociaux pour jouir d’une « bonne image » auprès de son personnel
mais aussi de la société civile dans son ensemble. La mutation nécessaire des
entreprises est donc profonde et elle doit s’accompagner d’une remise en
question parfois totale de leur structure. Le processus d’ingénierie des

Chapitre rédigé par Vincent ROBIN, Philippe GIRARD, Claude POURCEL et Christian CLEMENTZ.
24 La conception industrielle de produits 2

entreprises est au cœur de leur réflexion puisqu’il est le vecteur de la


compétitivité de l’entreprise à partir du moment où il permet une mise sur le
marché rapide des produits, en s’accompagnant d’une réduction des coûts et
tout en assurant la satisfaction des clients ; c’est un processus de création de
valeur. Les entreprises se lancent donc dans de grands projets d’amélioration
de leur performance par des démarches de ré-ingénierie de leur processus de
conception. La conduite de la conception s’inscrit dans cette logique
d’amélioration par le fait qu’elle couvre l’ensemble des projets de
conception et adresse tous les aspects de l’environnement socio-technico-
économique de l’entreprise. Pour pouvoir conduire un système, il faut en
avoir une modélisation adaptée aux finalités recherchées et être capable de
l’évaluer pour décrire l’évolution des facteurs de performance de l’entreprise
et ainsi juger de la nécessité de modifier le système pour améliorer ses
performances. Ceci permet également d’identifier les vecteurs
d’amélioration de la performance au regard des objectifs et de la situation
évaluée. Nous décrirons dans ce chapitre l’ensemble des inducteurs de
performance qui ont une influence sur la performance du système de
conception et nous proposerons un modèle et une méthodologie pour évaluer
et conduire les systèmes de conception.

1.2. Problématique de l’évaluation de la performance en conception

Il existe deux inconnues principales dans le système de conception :


l’objet de la conception soit le produit et la transformation de cet objet soit le
processus. Cette transformation va s’opérer en partant des besoins exprimés
du client. Elle dépend des ressources disponibles et elle doit satisfaire aux
objectifs de performance du système industriel considéré. Pour piloter la
performance d'un système, il est nécessaire de pouvoir mesurer les effets des
actions engagées sur ce système par rapport aux objectifs à atteindre.
L’évaluation est une activité analytique qui consiste à donner une valeur, une
appréciation, un jugement ou une importance à un objet. En conception
l’évaluation est l’action d’apprécier l’adéquation entre les solutions
proposées et le problème auquel elles sont censées répondre. Les premiers
travaux que l’on peut citer pour ce qui est de l’évaluation du système de
conception sont ceux de Tyler [TYL 66]. La séquence d’évaluation que
Tyler propose se déroule en trois étapes successives posant ainsi les
fondements des systèmes d’évaluation : 1- fixer un objectif de référence, 2-
mettre en œuvre des moyens que l’on suppose adaptés aux objectifs,
3- mesurer les effets de cette mise en œuvre.
Etude et conduite de la conception 25

Micaelli [MIC 03] complète cette approche en décrivant les boucles de


rétroaction qui apparaissent lors de la mise en place du système et propose
une nouvelle séquence (figure 1.1).

Légitimation Définition Mise en Mesure par Utilisation de


axiologique d’objectifs oeuvre indicateurs critères

Boucle horizontale simple

Boucle horizontale double

Boucle verticale

Figure 1.1. Séquence d’évaluation de la performance en conception [Micaelli, 03]

Ces différentes boucles montrent que les remises en cause nécessaires du


système d’évaluation doivent se faire selon trois niveaux [LUP 05] :
– remise en cause des moyens en fonction des critères,
– remise en cause des objectifs en fonction des critères,
– capacité de l’évaluateur à percevoir ses limites donc à infléchir et à
reformer sa pratique.

Cette notion de remise en cause est aussi présente dans les travaux sur les
systèmes de mesure de la performance réalisés par [BIT 90]. Il met en
évidence la nécessité d'associer l’indicateur de performance et la variable de
décision à l'objectif à atteindre. Un indicateur de performance est ainsi
capable de traduire l'effet des variables de décision au regard de l'objectif
visé. Micaelli [MIC 03] d’ajouter que : « l’évaluation est connexe à une
action précise, menée sur un système cible précis, dans un contexte
particulier. De la sorte, l’évaluateur doit concevoir des artefacts supports
spécifiques, c’est-à-dire adaptés à des besoins, […] ainsi il ne peut se
contenter de choisir entre des solutions prédéfinies ou d’appliquer des
routines partagées par une grande masse d’acteurs ». Il faut donc mesurer les
besoins spécifiques pour l’évaluation puis les transformer en indicateurs. Un
modèle d’indicateurs de performance dépendant de l’approche de conception
et des facteurs influant la conception doit être construit pour évaluer le
système. Jusqu’à récemment, c’est le triptyque « coût, délai, qualité » qui
servait de base pour construire un modèle d’indicateurs de performance
[LOR 03]. En conception, si l’on se réfère aux travaux de Mathe et
Hazebroucq [MAT 99, HAZ 99] la performance signifie « être efficace »
mais aussi « être efficient », ce qui conduit à parler d’efficience, d’efficacité
26 La conception industrielle de produits 2

et d’effectivité. Autrement dit, la réalisation du but final ne suffit pas, la


manière d’atteindre ce but doit être également jugée comme les moyens mis
en œuvre pour atteindre la cible. Ainsi, un projet doit fournir plus de richesse
qu’il en a reçu (effet surgénérateur), tant au niveau humain, financier et
technique, que pour tous les acteurs, internes ou externes, à l’entreprise
[LOR 03]. Hazebroucq souligne alors l’étroitesse du triangle « vertueux » :
coût, qualité et délais, proche de la notion d’efficacité, et la nécessité de mise
en place de variables incarnant l’effet surgénérateur (satisfaction du client
par rapport au résultat du projet, satisfaction de l’équipe et effet positif sur
l’organisation en termes d’apprentissage et de capitalisation).

O’Donnell et Duffy [ODO 99] vont au-delà du triptyque « coût, qualité,


délais » en proposant un modèle générique de la performance d’une activité
de conception qui insiste sur la nécessité d’identifier tous les éléments de
l’activité et leurs relations pour ainsi évaluer cette activité. L’évaluation a
donc du sens dans un contexte donné, pour mesurer un objectif spécifique,
avec des leviers d’actions pour savoir sur quoi agir et des indicateurs adaptés
à l’objet de l’évaluation. Ceci pour améliorer la performance en conception
en optimisant la transformation du flux d’informations et du système qui
coordonne cette transformation [DUF 97]. Le modèle du concept de mesure
de la performance appliqué à la conception [GIR 04A] (figure 1.2) permet de
considérer tous ces aspects.

Objectifs Objectifs
produits stratégie
industrielle Indicateurs de
Variables Performance
de COMPARER
décision (Produit
Compréhension
Choix Processus
Contraintes Organisation)
PROPOSITIONS EVALUER
D’ACTIONS et/ou
D’ORGANISATION MODELISER
Critères

CHOISIR IDENTIFIER

Système de
Conception

Figure 1.2. Modèle du concept de mesure de la performance


en conception [GIR 04A]
Etude et conduite de la conception 27

Ce modèle met en avant le fait que la mesure de performance en


conception se base sur une identification/modélisation du système à conduire
et sur un ensemble d’outils permettant son évaluation. Evaluation qui, par
comparaison avec les objectifs de l’entreprise et les objectifs sur le produit,
permettra de juger de la performance du système mis en place. Ainsi, au
regard de la situation de conception par le biais des indicateurs de
performance, des variables de décision, des contraintes et des leviers
d’action que le décideur aura à sa disposition, il sera en mesure de faire
évoluer (ou non) le système en agissant de telle sorte que ce dernier puisse
atteindre ses objectifs de façon efficace, efficiente et effective. Ainsi, pour
être performante en conception, l’entreprise d’aujourd’hui, doit pouvoir
comprendre et évaluer le processus de conception et en particulier les
activités qui le composent, mais aussi et surtout le système de conception, au
sein duquel le processus se déroule. L’évaluation de la conception doit
proposer tout un ensemble d’éléments de mesure, identifiés sur la base d’un
modèle du système à conduire, en vue de pouvoir fournir des informations
pertinentes pour assurer une prise de décision cohérente au regard de l’état
réel du système. Partant de ce constat, nous allons proposer dans la section
suivante un modèle et une méthodologie pour l’évaluation des systèmes de
conception.

1.3. Modèle et méthodologie pour l’évaluation des performances en


conception

Dans le cadre de la conduite de la conception, de nombreux auteurs


[AND 96, KER 99, PER 03] mettent en évidence le fait qu’il faille
décomposer la stratégie et les objectifs à travers toute la structure
organisationnelle et identifier et piloter les interactions entre les activités
pour atteindre les objectifs de conception. Malgré tout, ils n’explicitent pas
la nature de celles-ci ce qui réduit fortement leur capacité de les piloter. Les
recherches actuelles concernant les systèmes de mesure de la performance
pour la conception ne proposent pas une méthode explicite pour aider les
concepteurs dans l’identification des indicateurs de performance et dans leur
prise de décision [WHI 00], [COA 00]. Et les outils mis à leur disposition
n’offrent pas une aide suffisante en cas de conflit [CON 97] dans un
environnement incertain et évolutif. Nous allons proposer dans cette section
un modèle et une méthodologie pour mettre en œuvre un système
d’indicateurs de performance et pour conduire les systèmes de conception.
28 La conception industrielle de produits 2

1.3.1. Modèle pour l’évaluation et le suivi du système de conception

L’un des objectifs de la conduite de la conception est de définir et


d’organiser le système au sein duquel les projets de conception du
produit vont se dérouler. Ceci devra se faire en tenant compte de la
complexité croissante des processus de conception et d’objectifs de coût,
de qualité et de délais de plus en plus restrictifs. Les processus sont
aujourd’hui basés sur la collaboration entre les acteurs et l’organisation
doit s’adapter en fonction des besoins de collaboration. Elle va influencer
fortement l’efficacité du système en termes de fluidité, de facilités de
communication, etc. [PER 99] et d’intégration d’aspects liés au
management de la connaissance [NAK 01]. Pour survivre, les entreprises
doivent avoir une approche globale des processus techniques,
organisationnels et financiers pour ainsi savoir créer de la valeur
simultanément pour leurs clients, leurs actionnaires et leurs salariés. Pour
ce faire, en terme d’organisation du système, il sera nécessaire de tenir
compte des points de vue de chaque acteur (client, décideur, concepteur,
etc.) [DAR 97] et de comprendre le contexte dans lequel va se dérouler le
processus de conception [CHI 03]. La prise en compte de différents
points de vue nous conduit à faire une distinction entre un contexte
propre au groupe d’acteurs et le contexte de conception au sein duquel le
groupe va évoluer [BAD 99, GIR 06, ROB 07]. Finalement, au-delà du
classique triptyque {coût, qualité, délais}, l’amélioration de la
performance en conception passe aussi par la prise en compte des
ressources (flexibilité, voir agilité et adaptabilité), de la fluidité de la
communication entre les ressources, du management de la connaissance
échangée au cours des activités collaboratives, de l’influence du système
sur les ressources, l’organisation du système, du processus et des
activités. Ces éléments sont autant d’inducteurs de performance globaux
pour le système de conception. Ils dépendent essentiellement du contexte
de conception, des ressources humaines et des connaissances. Mais,
lorsque l’on s’intéresse aux processus de conception lui-même on
s’aperçoit que ces inducteurs sont trop généraux et inadaptés et ne
permettent pas d’analyser le rôle d’un acteur sur l’évolution de la
définition de l’artefact. Pour tenir compte de ces performances il faut
s’attacher à suivre l’évolution du produit. Cette évolution concerne la
transformation de la connaissance technologique du produit (fonction,
structure, comportement, etc.). Cette connaissance est formalisée à l'aide
d'un modèle de produit et sa transformation est représentée par un modèle
de processus. Le modèle de processus assure le suivi, la traçabilité et la
Etude et conduite de la conception 29

capitalisation de la logique de conception en vue de son exploitation


(réutilisation et évolution). La prise en compte des décisions de conduite
permet d'envisager le pilotage de l'ensemble des projets afin de satisfaire
aux objectifs externes et internes de l'entreprise. Les modèles associés au
produit, au processus et à l’organisation sont donc des inducteurs de
performances locaux, propres au système de conception qui permettront
de prendre en compte les performances du processus de conception et des
activités. Ceci nous a conduit à proposer le modèle suivant (figure 1.3)
pour l’évaluation des systèmes de conception [ROB 07].

Acteur
Axe Acteur

Lien 2 Lien 3
Système de
conception

Processus Organisation

Lien 5
Lien 4 Lien 6
Projet Ax
e eE
g i qu nv
iro
ol o n ne
c hn me
e Te n t
Ax

Savoir
Lien 1 Environnements
Scientifique et Produit Externe et Interne
Technologique

Figure 1.3. Modèle d’évaluation d’un système de conception

Ce modèle offre une vision globale des éléments sur lesquels doit
porter l’évaluation en vue de la conduite des systèmes de conception et
permet d’en gérer l’évolution par la prise en compte effective des
interactions entre les différents facteurs influençant le projet au sein de la
méthodologie de conduite que nous allons présenter dans la section
suivante.
30 La conception industrielle de produits 2

1.3.2. Méthodologie pour l’évaluation et le suivi du système de conception

Pour mettre à disposition des acteurs un ensemble cohérent et


contextualisé d’informations venant cadrer leur activité et favoriser le
déroulement de celle-ci, il est nécessaire de modéliser le système pour ainsi
décrire sa dynamique et de prendre en compte l’influence des inducteurs de
performance. Ceci oblige à modéliser l’entreprise et son système de
conception. Dans le cadre de nos travaux nous avons montré que la phase
de modélisation pouvait être menée sur la base des méthodes GIM
[DOU 98] pour ce qui est de l’entreprise et GRAI Ingénierie [MER 03]
pour le système de conception. Ceci aboutit à un modèle du système
(vision statique). Pour identifier la dynamique du système, il faut ensuite
une phase de suivi de l’évolution de l’entreprise et du système de
conception qui sera basée sur l’approche GEM [MAL 00]. L’analyse de
l’évolution du processus et des activités de conception étant fondée quant à
elle sur le modèle GRAI R&D [GIR 04B]. Cette phase de suivi ne sera
possible que si un système d’indicateurs de performance a été mis en place
pour évaluer la performance globale de l’entreprise et la performance du
système de conception. Une phase de conception et d’implantation du
système d’indicateurs de performance est donc nécessaire. L’intérêt de ce
suivi est de pouvoir juger de la pertinence des actions mises en œuvre pour
atteindre les performances et des indicateurs de performance associés. A
chaque modification sur un des éléments du contexte, les indicateurs seront
ainsi revus pour toujours être en adéquation avec l’objet à évaluer. Cette
méthodologie de modélisation et de suivi de l’entreprise et du système de
conception se déroule selon quatre étapes (figure 1.4) :
Etape 1 : modélisation de l’entreprise et mise en évidence des inducteurs
de performance globaux,
Etape 2 : suivi de l’évolution de l’entreprise,
Etape 3 : modélisation du système de conception et mise en évidence
des inducteurs de performance locaux,
Etape 4 : suivi de l’évolution du processus et des activités de conception.

A chaque étape des objectifs, des leviers d’actions et des indicateurs de


performance permettant de décrire le système de conception et son
contexte, de suivre son évolution et finalement d’avoir une action
corrective si besoin est, sont identifiés à l’aide de la démarche ECOGRAI
[BIT 90].
Etude et conduite de la conception 31

Méthode GIM
Démarche ECOGRAI

Modélisation de l’entreprise Phase 0 : Modélisation de la structure de


pilotage du système et identification des
Mise en évidence des vecteurs Centres de Décision (CD)
de performance globaux

Phase 1 : Identification des objectifs des


Approche GEM
Centres de Décision et analyse de cohérence

Suivi de l’évolution
Phase 2 : Identification des Variables
de l’entreprise de Décision (VD) des Centres de
Décision et analyse des conflits
Méthode GRAI Ingénierie

Modélisation du système de conception Phase 3 : Identification des Indicateurs


Mise en évidence des vecteurs de de Performance (IP) des CD et
analyse de cohérence interne
performance locaux

Phase 4 : Conception du Système


Modèle GRAI R&D d'Information des IP

Suivi de l’évolution du processus


Phase 5 : Implantation du SIP dans le système
et des activités de conception d'information du système

Figure 1.4. Méthodologie de modélisation et de suivi de l’entreprise


et du système de conception

Les différentes approches offrent un cadre général pour l’étude de


l’évolution de l’entreprise, du système de conception, de ses processus et de
ses activités, et permettent d’identifier les objectifs de performance et de
conception. Le modèle d’évaluation complète cette méthodologie en aidant à
la définition des leviers d’action et des indicateurs de performance associés.
Nous allons maintenant voir comment le modèle d’évaluation proposé se
positionne par rapport à la méthodologie et comment il permet
l’indentification des leviers d’action et des indicateurs de performance
associés aux différents objectifs globaux et locaux.

1.4. Exploitation du modèle d’évaluation

Les inducteurs de performance en conception étant à la fois des


inducteurs globaux et locaux, les méthodes et les outils associés pour leur
identification et leur suivi devront être spécifiques. Ainsi, des méthodes
propres à la modélisation et au suivi des entreprises seront à mettre en
œuvre pour définir et suivre l’évolution des inducteurs globaux (vision
entreprise) et il sera de même pour ce qui concerne les inducteurs
32 La conception industrielle de produits 2

de performance locaux et le pilotage des projets de conception (vision


système de conception). Le modèle d’évaluation proposé devra donc être
exploité au regard de ces deux niveaux de modélisation et de conduite.

1.4.1. Exploitation du modèle d’évaluation au niveau de l’entreprise

1.4.1.1. Exploitation du modèle dans le cadre de la modélisation de l’entreprise


GIM fournit une modélisation du système existant qui permet par la
suite de concevoir un nouveau système. La modélisation du système
existant aboutit à l’obtention de modèles de la vue fonctionnelle, du
système physique, du système de décision, de la vue processus et enfin
du système d’information [DOU 98]. Ces modèles sont représentatifs de
la structure de l’entreprise mais ne tiennent pas compte de l’ensemble des
inducteurs de performance globaux que nous avons mis en évidence
puisque les aspects liés aux acteurs, au savoir et au savoir-faire ne sont
pas pris en compte. Le modèle d’évaluation que nous avons proposé vient
compléter ces modèles en ajoutant des dimensions supplémentaires à la
modélisation de l’entreprise tenant compte des spécificités de la
conception. Ainsi, au-delà des structures fonctionnelle et décisionnelle de
l’entreprise, de ses processus et de ses activités, le modèle d’évaluation
permet d’intégrer les acteurs et les différents savoirs dans la phase de
modélisation et donc dans la phase de diagnostic en tant qu’inducteurs de
performance importants (points forts et points à améliorer) en vue de la
conception du système cible et d’un plan d’action. Il est alors possible de
positionner l’entreprise dans l’espace caractérisé par les trois dimensions
interdépendantes du modèle (la dimension des environnements, la
dimension du savoir et la dimension de l’acteur).

Par exemple, une entreprise qui externalisera tout ou partie de ses


activités sera normalement orientée plutôt sur l’axe « environnement » au
détriment des deux autres puisque intrinsèquement elle ne possèdera ni
les ressources ni les savoirs pour mener à bien ses activités (figure 1.5).
Mais si elle possède des axes « acteur » et « savoir » développés et
qu’elle externalise malgré tout ses activités, elle devra revoir sa façon de
gérer son capital humain et son patrimoine de savoirs car cela signifie
qu’elle sous-utilise (ou utilise à mauvais escient) ses acteurs et ses
savoirs.
Etude et conduite de la conception 33

Acteur

Entreprise
Axe Acteur
e
iqu Ax
log eE
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eT nn
Ax em
en
t

Savoir
Scientifique et Environnements
Technologique Externe et
Interne

Figure 1.5. Description d’une entreprise externalisant ses activités

Au contraire, une entreprise qui internalisera la totalité (ou quasi totalité)


des activités de conception, production, vente, etc. de ses produits aura une
forte propension à être orientée suivant les axes « technologique » et « acteur »
(figure 1.6). Dans ce cas, elle doit vérifier que son positionnement sur ces
axes est justifié par rapport à ses objectifs. Et elle doit juger de l’intérêt
d’internaliser des activités au regard de ses capacités réelles en termes de
ressources humaines et de savoirs.

Acteur
Entreprise
Axe Acteur

Ax
ue e En
giq vir
olo on
hn ne
ec me
eT nt
Ax

Environnements
Externe et
Savoir
Interne
Scientifique et
Technologique

Figure 1.6. Description d’une entreprise internalisant ses activités


34 La conception industrielle de produits 2

Une telle représentation participe à la mise en évidence de nombreuses


spécificités d’une entreprise qui sont autant de variables, de critères et de
contraintes pour la prise de décision. Spécificités qui contribueront aussi à
identifier les objectifs de conception ou de performance de l’entreprise. Par
exemple, si une entreprise possède un axe « acteur » réduit et que malgré
tout elle a un axe « technologique » développé, cela signifie qu’elle aurait
tout intérêt à capitaliser correctement ses savoirs et à former de nouvelles
ressources car un grand nombre de savoirs est détenu par un nombre réduit
d’individus et leur départ serait préjudiciable à l’entreprise. Cette
représentation favorise l’identification d’objectifs spécifiques à chaque
dimension mais aussi d’objectifs impactant sur plusieurs dimensions.

Cas industriel : mise en place de critères d’aide à la décision stratégique

L’entreprise concernée est une PME de quatre cent personnes. Elle


appartient au secteur de la mesure et de la régulation. Dans cette entreprise,
les projets sont réalisés au sein de la fonction technique qui comporte
plusieurs unités organisationnelles : bureau d’études, laboratoire d’essai,
service d’industrialisation, etc. Les ressources humaines et techniques sont
limitées et souvent des conflits apparaissent entre projets et nécessitent des
arbitrages. Le directoire de l’entreprise a décidé d’identifier ses inducteurs
de performance globaux propres (stratégiques) qui seraient alors pour elle
des critères de choix pour faciliter les prises de décision du directeur
technique.

Après une analyse approfondie de l’entreprise, le directoire a opté pour deux


types de critères : l’espérance de chiffre d’affaires pour un projet donné et
l’importance stratégique d’un projet donné.

L’espérance de chiffre d’affaires pour un projet donné

Cette espérance concerne la prévision de chiffre d’affaires pour un futur


produit que s’engage à fournir la fonction commerciale lors de la pré étude
qui précède le lancement d’un nouveau projet d’études et de développement.
L’entreprise s’intéresse ici à son évolution possible en fonction de
l’influence du marché (environnement externe, figure 1.3). Plutôt que de
prendre la totalité du chiffre d’affaires estimé, il a été privilégié une
espérance à court terme exprimée par la formule suivante :

E = (CA2 + CA3) / (t3)²


Etude et conduite de la conception 35

Avec :
– E : espérance de chiffre d’affaires,
– CA2 : chiffre d’affaires estimé lors de la réalisation de la seconde année
de commercialisation,
– CA3 : chiffre d’affaires estimé lors de la réalisation de la troisième année
de commercialisation,
– t3 : temps estimé jusqu’au début de la troisième année de commercialisation.

L’importance stratégique d’un projet donné

Pour ce qui concerne l’importance stratégique d’un projet, l’entreprise


va s’attacher à définir des critères d’aide à la prise de décision dépendant
là aussi de l’influence de son environnement externe (figure 1.3). Ainsi,
cinq inducteurs de performance caractérisant l’importance stratégique
d’un projet ont été identifiés :
– Ka : indépendance vis à vis de l’environnement, par exemple sous-
traitant ou fournisseur unique,
– Kb : caractère d’innovation ou d’acquisition d’une nouvelle technique,
– Kc : le nouveau produit va compléter la gamme de produits existants,
– Kd : diversification de produit ou de marché,
– Ke : renforcement de l’image de marque de l’entreprise.

L’importance stratégique serait notée par une note de 0 à 1. Chaque


facteur ayant le même poids et une valeur comprise entre 0 et 0,2.
L’importance stratégique prendre la valeur :

K = Ka + Kb + Kc + Kd + Ke

La combinaison de deux critères s’effectue par : N = KE

Application

La valeur de N, pour cinq projets, a été calculée lors d’une réunion


réunissant les principaux responsables. Les tableaux ci-dessous donnent les
résultats obtenus.
36 La conception industrielle de produits 2

Espérance de chiffre d’affaires


Durée < CA total CA année 2 CA année 3 E
Projet
commercialisation Kilo euros Kilo euros Kilo euros Kilo euros
1 1.5 3000 450 650 90
2 2 6000 750 1250 125
3 1 10000 500 600 122
4 2 10000 750 1000 109
5 0.5 3750 270 330 96

Importance stratégique
Projet Ka Kb Kc Kd Ke Total K
1 0.1 0.2 0.2 0 0.2 0.7
2 0.1 0.2 0.2 0 0.2 0.7
3 0.1 0.1 0 0.15 0 0.35
4 0.1 0.2 0.15 0.2 0 0.65
5 0.1 0.2 0.2 0.2 0.1 0.8

Classement des projets


Projet K E KE Classement
2 0.7 125 87.5 1
5 0.8 96 76.8 2
4 0.65 109 70.9 3
1 0.7 90 63 4
3 0.35 122 42.7 5

Conclusions et remarques

La mise en œuvre d’une démarche d’élaboration des critères nécessite


une modélisation de l’entreprise en vue de l’identification des inducteurs de
performance globaux qui vont avoir une influence sur son évolution. Cette
modélisation est souvent nécessaire pour recentrer les objectifs de
l’entreprise, bien la repositionner sur ses marchés et enfin mettre en phase
ses objectifs avec ses capacités réelles.

La démarche permet aussi de rassembler les ressources de l’entreprise sur


les projets prioritaires. Elle demande d’être vigilant pour que les
responsables des projets moins urgents ne se démobilisent pas.

Cette démarche d’aide à la prise de décision, en évaluant le poids de


chaque projet, réduit notablement les réunions d’arbitrage des conflits en
facilitant le dialogue entre responsables de projets et responsables d’unité
organisationnelle.
Etude et conduite de la conception 37

1.4.1.2. Conception du système cible et suivi de son évolution


La modélisation de l’entreprise avec la méthode GIM permet d’obtenir
des modèles du système décisionnel, du système physique et du système
d’informations de l’entreprise. L’ensemble de ces modèles est réutilisable
pour étudier l’évolution de l’entreprise à l’aide de l’approche GEM. En
appliquant l’approche GEM il est possible, en fonction de l’état final
recherché du système (le système cible) après itérations, de mieux
comprendre comment le système existant va évoluer mais aussi de
détecter les points à améliorer. Au niveau du contexte du système de
conception, l’approche GEM permet de tenir compte et de suivre
l’évolution des facteurs stratégiques externes (besoins des clients,
évolution de la sous-traitance, du marché, des concurrents, des produits
concurrents, etc.). Elle offre un cadre général d’identification des
objectifs stratégiques et des contraintes qui auront une influence sur
l’entreprise et sur le système de conception. Ainsi, pour faire évoluer une
situation qui ne lui conviendrait pas, une entreprise peut définir de
nouveaux objectifs stratégiques cibles et la méthode GEM aidera les
décideurs à déployer les objectifs stratégiques dans toute la structure et à
identifier les leviers d’action et les indicateurs de performance associés.
Chaque objectif se déploiera sur les trois axes du modèle d’évaluation et
donnera lieu à des objectifs et des leviers d’action spécifiques en fonction
des contraintes induites par les interactions entre les environnements, les
acteurs et le savoir.

Par exemple, si nous reprenons le cas d’une entreprise externalisant


ses activités (figure 1.5) l’un de ses objectifs stratégiques peut être de
réduire le taux d’externalisation de ses activités de conception. Au niveau
des environnements, elle définira des objectifs en vue de se repositionner
par rapport à la concurrence et d’identifier les compétences de ses sous-
traitants pour ainsi chercher à les internaliser en les acquérant si besoin.
Les leviers d’action sur lesquels elle pourra jouer sont relatifs à
l’amélioration de ses compétences internes en formant ses ressources ou
en embauchant de nouvelles personnes. Ceci la conduira à décrire des
objectifs au niveau de la dimension relative aux acteurs. Elle cherchera à
dynamiser ses services en les restructurant et à optimiser l’utilisation de
ses ressources en étudiant leur taux d’occupation, leur répartition en vue
de leur redéploiement. La prise en compte des acteurs sera complétée par
la définition des objectifs propres à l’axe technologique. Sur cet axe,
l’entreprise s’attachera à valoriser et accroître ses compétences en ayant
38 La conception industrielle de produits 2

des objectifs spécifiques de gestion des compétences (anticiper les pertes


de compétences dues aux départs, réduire les écarts de compétences dans
les services, etc.). Connaissant les objectifs du système, les leviers
d’actions favorisant l’atteinte de ces objectifs, nous sommes alors en
mesure de définir des indicateurs de performance qui permettront de
juger de l’atteinte des objectifs tout en assurant qu’une action sera
possible si une dérive est identifiée.

1.4.2. Exploitation du modèle d’évaluation au niveau du système de


conception

1.4.2.1. Exploitation du modèle lors de la modélisation du système de


conception
La modélisation du système de conception se fait par l’intermédiaire
de la méthode GRAI Ingénierie [MER 03]. Cette méthode reprend les
modèles définis précédemment par le biais de la méthode GIM et les
complète pour s’intéresser aux spécificités du système de conception.
Cette méthode fournit un ensemble de modèles qui permet de décrire le
système de conception.

Le modèle d’évaluation complète la phase de modélisation de la


méthode GRAI Ingénierie en insistant sur les éléments à prendre en
compte dans les différents modèles utilisés dans la méthode et permet de
positionner le système de conception de l’entreprise dans l’espace
caractérisé par les trois dimensions du modèle. Ainsi, une entreprise qui
externalisera tout ou partie de ses activités de conception, verra son
système de conception orienté sur l’axe « environnement » au détriment
des deux autres puisque intrinsèquement elle ne possèdera ni les
ressources ni les savoirs suffisants pour mener à bien ses activités
(figure 1.7). Mais dans le cas où elle externalise ses activités tout en
ayant des axes « acteur » et « savoir » développés, l’entreprise devra
remettre en question sa politique de gestion de ses ressources humaines et
de ses savoirs car cela peut signifier que cette gestion n’est pas effectuée
correctement et que les ressources sont mal employées, sous-utilisées ou
sous-estimées.
Etude et conduite de la conception 39

Acteur

Entreprise
Axe Acteur
Processus Organisation

Système de
ue conception
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Savoir
Scientifique et Environnements
Produit Externe et
Technologique
Interne

Figure 1.7. Description d’une entreprise externalisant ses activités de conception

Inversement, une entreprise qui internalisera la totalité (ou quasi totalité)


de ses activités de conception sera plutôt orientée suivant les axes
« technologique » et « acteur » (figure 1.8). Dans ce cas, il faut qu’elle
vérifie que son positionnement sur ces axes est justifié par rapport à ses
objectifs. L’entreprise doit juger de l’intérêt d’internaliser des activités au
regard de ses capacités réelles en termes de ressources humaines et de savoirs.

Acteur
Entreprise
Axe Acteur

Processus
Organisation

Système de
conception
Ax
eE
nv
e iro
iq u nn
e
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no n t
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Ax
Environnements
Externe et
Savoir Produit Interne
Scientifique et
Technologique

Figure 1.8. Description d’une entreprise internalisant ses activités de conception


40 La conception industrielle de produits 2

Cas industriel : méthodologie d’aide à la décision pour le mise en place


d’un projet

L’entreprise considérée est la même PME que lors du cas industriel


précédent. Dans cette entreprise les décisions de lancement d’un nouveau
produit sont prises par le directoire après présentation d’un dossier de
faisabilité. A l’occasion d’une affaire détectée par un commercial et
concernant un indicateur de tableau, le directoire se trouve confronté à deux
possibilités : une solution de reconception d’un appareil ancien et une autre
consistant en l’étude d’un nouveau produit. Pour aider à la prise de décision,
le directoire a besoin d’informations sur la capacité du bureau d’études à
répondre à l’affaire et pour ce faire il se doit d’analyser la structure actuelle
du bureau d’études et doit avoir recours à une méthode d’aide à la décision.
Le directoire décide d’utiliser la méthode MIC-MAC (matrice d’impacts
croisés multiplication appliquée à un classement) [SEC 78]. Dans un premier
temps, cette méthode demande l’établissement d’un tableau d’analyse
structurelle (ou matrice structurelle) dégageant les variables explicatives
essentielles. Elles correspondent aux inducteurs de performance locaux du
système et contribuent à mettre en évidence les influences internes et
externes auxquelles est soumis le système.

Les variables essentielles sont divisées en deux groupes : les variables


internes au domaine considéré (l’entreprise) et les variables externes
(l’environnement de l’entreprise). Si l’influence d’une variable sur une autre
est avérée, elle est notée par 1, dans le cas d’aucune influence on inscrit un 0.

L’élaboration de ce tableau permet d’identifier quatre types d’influences


(liens 1 à 6 sur la figure 1.3) :
– les relations entre les variables internes,
– l’influence des variables internes sur l’environnement de l’entreprise,
– l’influence de l’environnement sur l’entreprise,
– les relations entre les variables externes.

Le classement direct est obtenu en effectuant la somme des n lignes


(indice de motricité) et celles des n colonnes (indice de dépendance). Un
classement des variables peut alors être effectué et permet ainsi d’identifier
les variables motrices et celles qui sont dépendantes. Ce classement ne
permet pas l’identification d’influence du type i → j → k. Pour résoudre ce
point, on procède au classement MIC-MAC obtenu par élévation de la
Etude et conduite de la conception 41

matrice structurelle une ou plusieurs fois jusqu’à l’obtention d’une hiérarchie


stable dans les variables.

Application

Dans notre cas, où deux possibilités s’offrent au directoire (une solution de


reconception d’un appareil ancien et l’étude d’un nouveau produit), nous
avons identifié :
– deux variables internes : reconception (d’un appareil ancien) et
conception (d’un nouvel appareil),
– trois variables externes : détection d’une ou plusieurs affaires
importantes (dont les spécifications nécessitent la reconception ou la
conception), apparition d’un appareil concurrent (avant la prise de décision
ou pendant l’étude), et positionnement de notre proposition sur le marché.

La matrice structurelle obtenue lors d’une réunion du directoire et de


certains collaborateurs de l’entreprise est reproduite ci-dessous.
Variable A B C D E Motricité
Conception A 1 0 1 0 1 3
Reconception B 0 1 0 0 1 2
Nouvelle affaire C 1 1 1 0 1 4
Appareil concurrent D 1 1 1 1 1 5
Position sur le marché E 1 1 0 1 1 4
Dépendance 4 4 3 2 5

Conclusions et remarques

L’utilisation de la méthode MIC-MAC a permis de mettre en évidence les


éléments suivants :
– l’apparition d’un appareil concurrent est un inducteur de performance
très important pour que l’entreprise soit performante. La réponse de
l’entreprise a été de sensibiliser les agents commerciaux afin qu’ils soient
très attentifs aux indices de sortie d’un nouvel appareil lors de leurs activités
de prospection ;
– l’apparition d’une ou plusieurs affaires importantes est, elle aussi, un
inducteur de performance très important. L’entreprise a décidé de former ses
agents commerciaux chargés des « grands comptes » pour identifier et mener
correctement les négociations lorsque de telles affaires se présentent. ;
42 La conception industrielle de produits 2

– l’apparition d’un nouvel appareil chez un de nos concurrents remet en


cause la position des « conservateurs ». L’entreprise a travaillé à promouvoir
un état d’esprit plus enclin à l’innovation qu’au conservatisme au sein du
bureau d’études de fait que cette dynamique d’innovation soit un inducteur
de performance local fort.

La position de l’entreprise sur le marché est plus importante que la


détection de nouvelles affaires. Ceci a conduit l’entreprise à créer un poste
de « chargé de recherche commerciale » ce qui, jusque là, était jugé comme
« inutile » par certains membres du directoire et certains collaborateurs. Le
chargé de recherche s’occupant notamment des études de marché sur les
produits considérés comme stratégiques.

Comme il n’est pas possible de trancher sur la valeur de dépendance entre


la conception et la reconception, l’étude d’un nouvel appareil par l’entreprise
et la reconception ne sont pas dissociées. Le choix de la conception ou de la
reconception ne pourra donc se faire qu’en fonction du contexte dans lequel
l’étude aura lieu.

1.4.2.2. Suivi de l’évolution du système, du processus et des activités de


conception
L’activité de conception est influencée par des facteurs multiples et variés
(critères liés au contexte global de la conception, critères organisationnels,
critères liés au processus de conception, critères liés aux acteurs). Pour
prendre en considération l’évolution de ces facteurs ainsi que toutes les
interactions entre les acteurs de la conception qui participent au bon
déroulement du processus de conception et qui ont une importance certaines,
nous utiliserons le modèle GRAI R&D et le concept « d’environnement de
conception » [GIR 06]. L’environnement de conception est défini comme le
contexte dans lequel on souhaite placer un groupe d’acteurs dans le but
d’atteindre les objectifs fixés. Nous recherchons ici à influencer la définition
du contexte de conception pour favoriser des situations de collaboration
entre les acteurs. Il a pour but d’améliorer le cadre de travail des acteurs afin
d’optimiser les performances relatives aux attentes du client et de
l’entreprise. Il est aussi créé en réaction ou en prévision d’un besoin de
collaboration et va donc intégrer des aspects liés à la collaboration entre les
acteurs. Ceci se traduit par une phase d’allocation des ressources humaines
plus efficiente et la création de groupes de travail performants, en adéquation
avec les objectifs assignés. Ainsi, au cours du déroulement du projet, le
Etude et conduite de la conception 43

responsable du projet peut promouvoir la collaboration entre tous les acteurs


en leur proposant des environnements de conception adéquats.
L’environnement de conception aura une structure et un fonctionnement
propre. Ce concept apporte ainsi une nouvelle dynamique au modèle GRAI
en termes de pilotage des situations collaboratives.

1.5. Conclusion

Le modèle d’évaluation vient compléter les différentes méthodes et les


outils associés à la méthodologie GRAI en apportant une modélisation
opérationnelle de la maîtrise de la performance des systèmes de conception.
L’intégration des méthodes décrites et du modèle d’évaluation proposé dans
une méthodologie unique permet de considérer et de répondre à l’ensemble
de la problématique de l’évaluation de la performance des systèmes de
conception. Les méthodes GIM et GRAI ingénierie modélisent
respectivement l’entreprise et le système de conception. Sur la base de ces
modélisations, nous développons un système de mesure de la performance à
l’aide de la démarche ECOGRAI, ce qui permet de suivre l’évolution de
l’entreprise avec la démarche GEM et du système de conception grâce au
modèle GRAI R&D complété par le concept d’environnement de
conception. Le modèle d’évaluation contribue à la traçabilité de l’effet d’un
événement dans tout le système. Une évolution du contexte à un niveau
stratégique est identifiée par l’approche GEM, les effets de cette évolution se
répercutent sur le modèle GRAI R&D et donc sur le processus et sur les
activités et sont tracés dans le modèle produit – processus – organisation. La
prise en compte des évolutions dans les modèles est un retour d’information
nécessaire qui permet de juger de l’influence des évolutions mais aussi des
décisions qui sont prises tout au long du processus de conception. Cette
méthodologie fournit un cadre de travail pour les décideurs et les aide à
identifier, définir et déployer les éléments des cadres de décision et de
conception à chaque niveau décisionnel. Les acteurs de la conception, quel
que soit le niveau décisionnel auquel ils appartiennent, ont alors à leur
disposition un ensemble cohérent et contextualisé d’informations venant
cadrer leur activité et favoriser le déroulement de celle-ci.
Chapitre 2

La simulation comme outil d’évaluation de


scénarios de développement en entreprise

2.1. Introduction

Le décideur en entreprise, lors du choix d’un scénario de développement


de celle-ci, se trouve généralement en face de la situation suivante : il
dispose d’un ensemble d’alternatives qui sont des combinaisons de variables
d’action ; et il lui est demandé d’atteindre un certain nombre d’objectifs qui
sont caractérisés par un nombre plus ou moins élevé d’indicateurs de
performance. Ces objectifs couvrent l’ensemble des relations de l’entreprise
avec les différentes parties bénéficiaires des résultats de ses activités et avec
lesquelles elle interagit. L’objet des indicateurs de performance est de
mesurer la capacité de l’entreprise à répondre aux attentes et besoins de ces
bénéficiaires que sont les clients, les actionnaires, les salariés, mais aussi la
collectivité ou l’environnement, etc. [SUP 02], ainsi qu’à ses propres attentes
pour survivre et se développer. Pour évaluer ces alternatives de
développement, les classer et choisir la plus pertinente, le décideur a besoin
d’évaluer chacune des alternatives selon chacun des critères de choix retenus
et qui représentent les objectifs à atteindre puis d’agréger globalement ces
résultats d’évaluation pour chacune de ces alternatives et selon le point de
vue du bénéficiaire.

Chapitre rédigé par Damien MARX et Bernard YANNOU.


46 La conception industrielle de produits 2

Ce chapitre se place dans le contexte d’aide à la décision managériale de


haut niveau où les actions sont des projets potentiels de développement des
activités de l’entreprise.

L’approche utilisée dans ce chapitre a été initiée lors de la thèse


de M. Elhamdi [ELH 05a] puis mise en œuvre et affinée sur des cas
industriels par la société d’études et de conseil Césame3. Elle utilise la
dynamique des systèmes pour modéliser et simuler les alternatives d’action
et en évaluer les performances, ainsi que l’aide à la décision multicritère
pour agréger les performances en indices de valeur pour chaque bénéficiaire
et en valeur globale pour le scénario de développement.

Nous validons dans la section suivante l’intérêt de l’utilisation de la


dynamique des systèmes pour l’évaluation par la simulation des
performances de celle-ci. Nous identifions du même coup deux manques
importants des approches et logiciels de dynamique des systèmes. Nous
apportons une réponse à ces manques en présentant en section 3, les
principes de notre approche de modélisation de scénarios de développement
d’entreprise et de leur simulation multicritère dans le temps – pour de plus
amples détails, se référer à [ELH 05a] –. Enfin, nous détaillons en section 4,
l’intérêt d’une intervention typique de modélisation et simulation de
scénarios de développement au sein d’une entreprise.

2.2. La simulation comme outil d’évaluation des performances en


entreprise

2.2.1. Introduction

On peut distinguer trois familles de logiciels de simulation parmi les plus


utilisés pour l’aide à la décision en entreprise : les feuilles de calcul probabiliste
(probabilistic spreadsheet programs), les simulateurs d’évènements discrets et
les logiciels de dynamique des systèmes.

Les feuilles de calcul probabiliste comme @risk sont des extensions


d’Excel qui permettent de définir des distributions probabilistes d’un certain
nombre de paramètres et de calculer les variations de variables qui en
dépendent.

Les « simulateurs d’évènements discrets » comme Promodel, Arena et


Witness sont généralement utilisés pour la modélisation de processus
La simulation comme outil d’évaluation 47

de production de biens ou de services tels que les ateliers de production et


les centres d’appels. Un modèle consiste en des entités, des ressources (qui
traitent ou servent les entités) et des éléments de contrôle (qui gèrent les états
des entités et des ressources).

Les logiciels de dynamique des systèmes sont basés sur l’approche


stocks-flux développée par J. Forrester [FOR 61]. Les modèles sont
construits en utilisant trois types principaux d’éléments : les stocks, les flux
et les variables auxiliaires. Ils sont généralement utilisés pour simuler des
modèles globaux et de niveau stratégique. Les logiciels les plus connus, qui
sont utilisés en industrie comme en recherche et en enseignement, sont :
ithink, Vensim, Stella, Powersim, Goldsim, Anylogic, Extend, et Modelmaker
(voir [ELH 05b] pour une analyse comparative).

2.2.2. La dynamique des systèmes

Si les feuilles de calcul probabiliste reflètent un besoin de tenir compte de


l’incertitude de certaines données et si les modèles à évènements discrets
reflètent un besoin d’analyse plus détaillée et de niveau de granularité plus
fin des processus de l’entreprise, la dynamique des systèmes (DS) répond
plutôt à un besoin de réflexion systémique. En effet, elle intègre différents
aspects internes et externes à l’entreprise (liés à son environnement) ainsi
que leurs couplages pour produire un modèle global permettant aux
décideurs de prendre des décisions pertinentes et efficaces à un niveau de
raisonnement qui permet de comparer des organisations différentes par, à la
fois, la prise en compte globale de flux physiques, mais aussi, de flux plus
immatériels comme les flux financiers ou encore les flux motivationnels.

Les hypothèses principales de la dynamique des systèmes sont les


suivantes :
– les composants du monde réel sont inter-reliés de manière complexe,
– un système réel peut être modélisé par des flux, des stocks et des
boucles de rétroaction,
– les flux d’information sont intrinsèquement différents des flux
physiques,
– les non-linéarités et les délais sont des éléments importants du système,
48 La conception industrielle de produits 2

– le comportement du système résulte de sa structure interne, c’est-à-dire


des caractéristiques de ses composants et de l’ensemble de leurs interactions
[LAN 98 ; MAA 02].

De façon générale, la DS est utilisée pour l’aide à la décision en


entreprise à différents niveaux, dans différents contextes et pour traiter
différentes problématiques. Par exemple, la DS a servi de base pour
construire un modèle de projet de développement d’un produit dans un cas et
pour construire un modèle d’évaluation de technologies dans un autre
[WOL 03].

En particulier, dans le domaine du management stratégique, la DS a


prouvé son utilité et son efficacité en tant qu’approche de modélisation et
méthodologie d’aide à la décision. En effet, son application a montré qu’elle
a des apports importants :
– elle encourage l’adoption d’une vue systémique mais permet à chaque
élément ou partie de l’organisation de voir sa contribution au système
global ;
– elle aide à identifier où, comment et pourquoi, un ensemble de
politiques organisationnelles génèrent des problèmes et à passer de
l’identification de problèmes à l’analyse et à la proposition de solutions
[THO 99] ;
– elle aide les managers à améliorer les modèles mentaux qu’ils se font
de leurs organisations ;
– elle permet de comprendre la structure causale du système modélisé, de
déterminer les conséquences des alternatives d’action et de tester ces
dernières selon différents scénarios [LYN 99].

Dès lors, l’utilité de la DS comme support des changements stratégiques


et des améliorations des processus est de plus en plus reconnue par un
nombre croissant d’organismes de conseil en management d’entreprises
[STE 99].

En pratique, les modèles de DS sont construits principalement selon deux


approches (souvent utilisées conjointement) qui leur permet d’aborder avec
facilité la modélisation et la structuration des systèmes complexes :
– l’approche par les boucles de rétroaction : il s’agit d’identifier
les boucles de feedback responsables du comportement du système. Il est
connu que certains types de boucles simples génèrent certains types
La simulation comme outil d’évaluation 49

de comportements. Ainsi, si le comportement du système est connu, il est


possible de déduire les types de boucles qui le composent. Par exemple, si un
système montre une croissance lente, il est possible qu’il y ait une boucle
positive dominante mais qui est contrainte ou ralentie par une boucle
négative. La construction du modèle progresse en identifiant les boucles et
en les liant les unes aux autres ;
– l’approche modulaire : il s’agit de partir d’une ou deux variables clés et
de les lier aux autres composantes du système en adoptant des vues
multiples reflétant différents aspects du système modélisé : structure des
processus, comportement temporel, structure informationnelle, stratégie ou
organisation. Le choix des variables de départ dépend de la problématique
traitée ou de l’objectif de la modélisation [WOL 92].

Les sources d’informations souvent utilisées pour le développement de


modèles de DS sont les documents écrits et les informations contenues dans
les modèles mentaux individuels et organisationnels. Cinq facteurs aident le
modélisateur à choisir la technique d’extraction de connaissances : la phase
du processus de modélisation, le nombre de personnes impliquées dans la
modélisation, l’objectif de la modélisation, le temps disponible pour les
participants et les coûts des différentes techniques possibles [VEN 92].

2.2.3. Les manques des approches de dynamique de système pour


la simulation en entreprise

Du point de vue de l’aide au choix multicritère en entreprise à partir de


simulation de scénarios de développement, les logiciels de dynamique des
systèmes mettant en œuvre cette approche présentent à l’heure actuelle les
deux manques suivants :
– dans le langage de modélisation, l’ontologie (les éléments de
construction de modèles) n’est pas orientée entreprise. En effet, le triptyque
(stocks-flux-variables auxiliaires) est trop générique et rend la lisibilité et la
communication autour des modèles stocks-flux peu aisées ;
– au niveau des fonctionnalités de post-traitement et de comparaison de
différentes alternatives d’action, il n’y a pas d’adaptation au contexte de
choix multicritère en entreprise. Par exemple, on ne dispose pas, ou alors
seulement de manière sommaire, de panels de comparaison de scénarios
différents ni de la modélisation des préférences des différents bénéficiaires
des valeurs générées par l’entreprise.
50 La conception industrielle de produits 2

2.3. Présentation de notre approche de simulation en entreprise

Notre approche se réfère de l’analyse de la valeur des processus ou, plus


généralement, du management par la valeur (MV), en considérant que les
activités de l’entreprise sont, d’une part, l’objet des décisions managériales
et, d’autre part, le siège de génération de valeurs.

Le formalisme de modélisation que nous adoptons est à deux niveaux. Un


niveau inférieur qui est constitué par une couche de dynamique des
systèmes. Cette couche adopte les éléments classiques de la dynamique des
systèmes : les stocks, les flux et les variables auxiliaires.

Un niveau supérieur qui est constitué par une couche valorique. Les
éléments de modélisation de cette couche représentent :
– les facteurs d’influence : c’est l’ensemble des données internes ou
externes à l’entreprise qui ont un impact sur le fonctionnement et les
performances des activités de l’entreprise. Ce sont par exemple les
ressources allouées à chaque activité, l’état des cours des matières premières,
la taille potentielle du marché visé, les caractéristiques des produits
concurrents, etc. ;
– les activités qui sont modélisées comme des unités fonctionnelles
caractérisées par des indicateurs de performance et dépendantes de
paramètres d’efficacité de fonctionnement. On trouve ici les activités
d’approvisionnement, d’études, de prospection commerciale, de production,
etc. ;
– les parties bénéficiaires dont la satisfaction est caractérisée par des
indices de préférences mesurant l’appréciation par ces parties des
performances des activités et par des indices de valeurs qui sont des
agrégations des indices de préférences. Parmi les parties bénéficiaires, on
peut citer l’entreprise elle-même, les entreprises clientes, les actionnaires,
etc.

Des flux d’influence lient ces différents éléments et dessinent la


cartographie des liens de causes à effets existant entre les facteurs
d’influence, les activités et les parties bénéficiaires.

Le lien entre les deux niveaux de modélisation se fait au niveau de la


caractérisation mathématique de la dynamique des flux d’influences existant
entre les variables du niveau supérieur. Chaque élément du niveau supérieur
La simulation comme outil d’évaluation 51

est modélisé au niveau inférieur par un sous-modèle stock-flux. L’ensemble


de ces sous-modèles interconnectés entre eux, constitue le niveau inférieur
de notre modèle.

Pour conclure, notre modèle de simulation étendu de la dynamique des


systèmes modélise la dynamique causale et temporelle des influences dont
dépendent les performances des activités d’une entreprise et les valeurs
qu’elles génèrent. La construction et l’exploitation du modèle nécessitent un
travail préalable d’extraction cognitive des connaissances, réalisé avec les
responsables des activités et les managers de l’entreprise. En plus du
fonctionnement et des performances des activités, ce travail concerne aussi
les préférences et les valeurs considérées par les parties bénéficiaires. Tous
les détails pour effectuer ces modélisations et tester leur validité se trouvent
dans [ELH 05A].

2.4. Application à une modélisation de développement d’entreprise

2.4.1. Histoire d’une entreprise

Notre simulation d’entreprise appliquée au management par la valeur doit


donc permettre de résoudre des problématiques stratégiques ou
opérationnelles et conduire aux résultats suivants, pour permettre à
l’entreprise d’évoluer vers un système optimisé, créateur de valeur pour le
client, les salariés, les actionnaires, et l’écosystème :
– des scénarios du futur chiffrés, hiérarchisés, étayés et partagés,
– un simulateur de pilotage comportant les leviers de performance
critiques,
– un portefeuille de projets d’adaptation ou d’anticipation valorisés et
choisis pour maximiser la performance globale sur un horizon de temps
déterminé.

Nous allons passer en revue un cas d’application simplifié, de manière à


illustrer quelques unes des possibilités de cette approche.

Dream-Confort est une entreprise concevant et réalisant des canapés


convertibles de moyenne gamme. Elle est confrontée à une pression accrue
d’une partie de sa clientèle (distribution spécialisée) qui lui réclame des
canapés de plus en plus différenciés, en termes de coloris, finition et
fonctionnalités mécaniques, simultanément à une exigence plus forte
52 La conception industrielle de produits 2

de livraison dans des délais courts. Le chef d’entreprise est sollicité au même
moment par son directeur des achats qui lui propose des approvisionnements
dans les pays de l’Est, à des coûts très intéressants, ainsi que par l’un de ses
fournisseurs de pièces métalliques qui souhaite vendre son entreprise. Dans
une région relativement sinistrée en terme d’emploi, les conséquences des
choix stratégiques qui s’offrent à lui sont lourdes de conséquences sociales.
Satisfaire les demandes des clients est vital. Céder à l’augmentation de
marges spectaculaires promises par son directeur des achats est alléchant et
plairait certainement aux actionnaires. Intégrer son fournisseur de pièces
métalliques permettrait d’être plus autonome et redonnerait le moral à son
personnel.

Toutes ces options sont contradictoires. Certaines sont compatibles, mais


avec quel effet à moyen terme ? La réunion du comité de direction n’a pas
apporté de réponse claire. Pire, les conflits au sein de l’encadrement
s’exacerbent. Le directeur des achats accueillerait avec joie une prime
substantielle sur la réduction des coûts d’approvisionnement, le directeur des
ressources humaines serait enchanté de satisfaire les demandes régulières
d’embauche de membres de la famille de nombre de salariés, le directeur de
production est lassé de réorganiser son planning chaque matin en fonction
des « coups de gueule » des clients, et le directeur du bureau d’études, déjà
très mobilisé sur les nouvelles affaires, se passerait bien d’une remise en
cause profonde de la conception des produits.

2.4.2. Clarifier la problématique

Le chef d’entreprise, après plusieurs nuits blanches et quelques coups de


sang dans les couloirs, une fois avec le directeur du bureau d’études qui
manque d’imagination, ensuite le directeur de production qui menace de
démissionner, plus tard le directeur des achats et ses ronds de jambes et, pour
finir, le meilleur de ses commerciaux qui lui promet des pertes de chiffres
d’affaires si aucune action n’est engagée, décide de faire appel à un
conseiller « modélisation et simulation » qui lui modélisera ses chaines de
valeur pour l’éclairer et lui proposer des possibilités de désamorçage des
crises. Quelques interventions avec les experts de l’entreprise aboutissent à
un diagnostic qui finit de poser le problème assez clairement. Quatre
scénarios d’évolution sont proposés :
– scénario 1 : les pièces métalliques sont achetées dans les pays de l’Est.
Il n’y a pas de réorganisation interne, la reconception des produits est peu
La simulation comme outil d’évaluation 53

compatible avec la taille de séries qu’il faudrait approvisionner. Cette


solution permettrait de baisser les prix de vente si la concurrence devenait
plus agressive ;
– scénario 2 : les pièces métalliques sont achetées dans les pays de l’Est,
la fabrication est reconfigurée pour faciliter le montage final en fonction de
l’arrivée des commandes fermes et des variantes demandées ;
– scénario 3 : le sous-traitant de pièces métalliques est racheté
progressivement et la fabrication reconfigurée pour travailler par lots plus
petits ;
– scénario 4 : le sous-traitant de pièces métalliques est racheté, la
reconception des produits est mise en œuvre pour faciliter la différenciation
retardée et satisfaire les clients en termes de personnalisation. La fabrication
est aussi reconfigurée de manière plus poussée pour harmoniser l’effet de
différenciation retardée et la gestion par petits lots avec des changements de
série rapide.

Fort de ces quatre combinaisons clés de solutions qui pourraient


s’agrémenter de variantes, le chef d’entreprise décide de confier la
simulation du fonctionnement de l’entreprise pour chacun des scénarios, au
spécialiste du management par la valeur par simulation.

2.4.3. La modélisation de l’entreprise

Le spécialiste de la simulation organise une série d’interviews dans les


différents services de l’entreprise, suivis de quelques réunions du comité de
direction pour mettre au point la modélisation de la problématique de
l’entreprise.

Les liaisons entre activités sont mises en évidence, les influences entre les
activités internes sont chiffrées, ainsi que les effets probables des
changements sur la clientèle et le volume des ventes. Par exemple, le groupe
met en évidence la réaction en chaîne ou « boucle causale » de la figure 2.1
qui suit le principe suivant : si l’on améliore la personnalisation des produits,
l’image de l’offre de l’entreprise est revalorisée et les clients sont satisfaits.
Ils acceptent alors de payer un supplément pour l’option personnalisation et
l’augmentation du prix de vente peut être réinvestie dans l’amélioration de la
qualité (ou la réduction des délais) qui, à son tour, influe positivement sur
l’image de l’offre.
54 La conception industrielle de produits 2

Figure 2.1. Une boucle causale vertueuse

Le groupe recherche alors systématiquement les boucles vertueuses


créatrices de valeur du même type, en n’omettant pas les boucles à effets
négatifs. La prise en compte, aussi exhaustive que possible, de ces deux
types de boucles rend compte de l’équilibre des phénomènes. Les
discussions vont bon train dans l’entreprise, les idées fusent sur comment
mieux faire, comment le bureau d’études peut contribuer à diminuer la taille
des lots et la fabrication à son tour tendre les flux. Nous retrouvons en
figure 2.2, deux boucles vertueuses permettant d’augmenter la satisfaction
des clients par une réduction de la taille des lots dont la vertu est également
de réduire les besoins en immobilisation financière. La satisfaction clients,
en impactant les ventes, pourrait jouer le rôle d’amortisseur dans la nécessité
de réduire indéfiniment la taille des lots.

Figure 2.2. Boucle causale vertueuse de mise en tension des flux de production
La simulation comme outil d’évaluation 55

La recherche des boucles causales comme celles des figures 2.1 et 2.2
implique le plus souvent les grandes fonctions de l’organisation : marketing,
production, R&D. Il reste alors à déterminer les paramétrages des boucles
induisant la meilleure répartition des ressources possibles et les flux de
valeur qui en découlent.

Le spécialiste de la simulation coordonne la construction du modèle,


représenté en figure 2.3, et chacun vérifie localement sur des parties du
modèle que les paramètres de fonctionnement sont bien ceux qu’il a
constatés par son expérience.

Figure 2.3. Le graphe d’influences causales de l’entreprise Dream-Confort

Chaque scénario est donc modélisé sous la forme d’un graphe


d’influences causales entre facteurs d’influence et indices de valeurs. Par
contre, le modèle d’agrégation de ces indices de valeurs au niveau de chaque
bénéficiaire et des valeurs des bénéficiaires au niveau d’une valeur de
scénario, est le même pour les quatre scénarios. Il est donné en figure 2.4.
56 La conception industrielle de produits 2

Figure 2.4. Modèle d’agrégation des indices de valeurs au niveau de chaque


bénéficiaire et des valeurs des bénéficiaires au niveau d’une valeur de scénario

2.4.4. La simulation et ses enseignements

Les quatre scénarios sont tour à tour paramétrés et validés par les
membres du comité de direction, ainsi que les spécialistes de chaque
fonction de l’entreprise. Les résultats de simulation sont donnés en
figures 2.5 à 2.8 et détaillés par la suite4.

Scénario 1 : pièces métalliques achetées dans les pays de l’Est


Le verdict est mitigé (voir figure 2.5). Malgré une augmentation
spectaculaire des marges au démarrage (courbe n°2), les clients ne se
satisfont pas de la diminution de la qualité et de la détérioration des
délais. Les actionnaires sont mécontents de la contre-performance en
termes de notoriété de l’entreprise et de la dégradation progressive des

4. Dans les figures 2.5 à 2.8, la courbe n°1 est la valeur pour le client, la courbe n°2 est la
valeur pour l’entreprise, la courbe n°3 est la valeur pour les salariés, la courbe n°4 est la
valeur pour les actionnaires, la courbe n°5 est la valeur totale du scénario.
La simulation comme outil d’évaluation 57

résultats économiques. Les salariés ne sont pas enthousiastes pour


réaliser des gains de productivité et freinent par la détérioration du taux
de service.

Scénario 2 : scénario 1 combiné avec fabrication reconfigurée pour faciliter


le montage final
Les résultats ne sont pas plus probants (voir figure 2.6). La
réorganisation de l’atelier ne suffit pas à restaurer les délais, et les
investissements réalisés ont tendance à dégrader le résultat économique.

Scénario 3 : rachat du sous-traitant de pièces métalliques au lieu de sous-


traitance dans les pays de l’Est
Cette fois-ci (voir figure 2.7), grâce au rachat du sous-traitant de
pièces métalliques, les salariés sont satisfaits : leur niveau de productivité
est à la hauteur des attentes. Mais les coûts d’achat étant deux fois plus
élevés, la reconfiguration de la fabrication pour livrer en juste à temps
n’est pas suffisante pour inciter les clients à payer l’entreprise de ses
efforts, et les investissements réalisés dégradent le résultat. La situation
pourrait se stabiliser moyennant quelques ajustements, après retour sur
investissement des dépenses d’amélioration, mais à un niveau trop bas
pour intéresser les actionnaires et permettre à l’entreprise de se doter de
marges de manœuvre face à la concurrence.

Scénario 4 : scénario 3 combiné à une reconception des produits et une


reconfiguration de la fabrication
L’amélioration est progressive (voir figure 2.8). Les énergies
s’orientent finalement dans le bon sens : les distributeurs sont ravis et
augmentent leurs ventes au consommateur final via les options de
personnalisation. Les salariés apportent leur contribution et renforcent les
efforts d’organisation en flux tendus, et le bureau d’études est
récompensé de ses investissements en différenciation retardée. Le
directeur de production se met en quatre et l’embellie est durable.

Les résultats simulés sur les quatre scénarios sont présentés de


manière synthétique au sein d’un tableau de bord par le spécialiste de la
simulation au chef d’entreprise (voir figure 2.9).
58 La conception industrielle de produits 2

Figure 2.5. Résultats de simulation pour le scénario 1

Figure 2.6. Résultats de simulation pour le scénario 2


La simulation comme outil d’évaluation 59

Figure 2.7. Résultats de simulation pour le scénario 3

Figure 2.8. Résultats de simulation pour le scénario 4


60 La conception industrielle de produits 2

Figure 2.9. Tableau de bord synthétique de comparaison des quatre scénarios


La simulation comme outil d’évaluation 61

2.4.5. La décision et la mise en œuvre

Cette fois-ci le chef d’entreprise est conforté, sans ambiguïté, dans une
direction grâce à la simulation qui fait évoluer tous les facteurs à la fois. On
peut ainsi constater qu’il n’y a pas de regret à avoir quant à laisser
s’échapper la manne financière due aux approvisionnements à bas coûts.
Enfin, il peut remotiver son personnel et mobiliser les énergies. Le comité de
direction consacré à la prise de décision se traduit par un premier état des
projets qui doivent être mis en route. Pour une fois, les directeurs collaborent
et s’encouragent. Même le directeur des achats est mobilisé pour négocier
l’intégration du sous-traitant de pièces métalliques.

Par la suite, une fois le nouveau plan d’action mis en œuvre, la simulation
servira encore au pilotage de cette mise en œuvre. Un tableau de bord plus
détaillé sera alors défini pour une utilisation par les dirigeants de
l’entreprise.

2.5. Conclusion

Toute entreprise, quelle que soit sa taille et son secteur d’activité, est
susceptible de tirer profit de la méthode de simulation présentée dans ce
chapitre, qui adopte les principes du management par la valeur.

Pour passer à la pratique, les seuls pré-requis consistent en une farouche


volonté de progrès, un esprit de collaboration existant ou à créer, des
problématiques stratégiques ou opérationnelles à résoudre, et la disponibilité
d’une équipe de managers métiers ou processus détenant les principales
informations économiques, commerciales et organisationnelles.

Quel que soit le type de problématique traitée, une intervention débute


par une compréhension de la situation interne et externe de l’entreprise pour
mieux spécifier le contexte de prise de décision. Ensuite, l’analyse des
éléments de ce contexte permet d’identifier les gisements de valeur que
l’entreprise peut exploiter pour résoudre son problème ou améliorer ses
performances. Une base de projets d’amélioration est constituée par un
groupe de travail. Ces projets sont évalués en termes des performances
réalisées et des valeurs résultantes pour pouvoir les comparer et choisir les
plus pertinents.
62 La conception industrielle de produits 2

Pour une application complète, les livrables pour l’entreprise sont alors :
– les meilleures performances atteignables à structure d’entreprise
donnée,
– des scénarios du futur chiffrés, hiérarchisés, étayés et partagés,
– un simulateur de pilotage comportant les leviers de performance
critiques,
– un portefeuille de projets d’adaptation ou d’anticipation valorisés et
choisis pour maximiser la performance globale sur un horizon de temps
déterminé.

Le tableau 3.1 résume les données d’entrée et les résultats en sortie de


notre méthode de modélisation et de simulation de scénarios de
développement en entreprise. Dans ces conditions, l’entreprise devient un
système optimisé, créateur de valeur pour ses partenaires ou acteurs
bénéficiaires : les clients, les salariés, les actionnaires, et même la société et
l’écosystème.

Données nécessaires Travail réalisé Résultats


• Fonctionnement de • Simulation des • Meilleure répartition des
l’entreprise via ses flux avec leur ressources (financières,
principaux processus évolution dans le compétences, temps)
• Flux quantifiés traversant temps • Meilleurs scénarios
l’entreprise (matières, d’avenir
informations, finances, • Identification des leviers
connaissances ou de création de valeur
compétences)

Tableau 2.1. Résumé de notre méthode de simulation de scénario


de développement d’entreprise
DEUXIÈME PARTIE

Evaluation des performances


du produit

Deuxième partie coordonnée par Mauricio CAMARGUO et Djémil CHAFAÏ.


Chapitre 3

Evaluation environnementale des produits

3.1. L’évaluation environnementale des produits

La prise en compte de l’environnement dans la conception des produits


est une volonté de plus en plus marquée tant des populations que de certaines
gouvernances territoriales. Les premières directives européennes sur la
limitation des émissions polluantes des véhicules de tourisme remontent à
1970 (directive 70/220/CEE du Conseil, du 20 mars 1970) et la première
directive impliquant une éco-conception de produits est celle de 1994 sur les
emballages (directive n° 94/62/CE du 20 décembre 1994). Cette volonté
européenne de répondre aux questions suscitées par le rapport [BRU 87] a
conduit à la publication du livre vert sur la politique intégrée de produits
(février 2007) qui s’articule autour de :
– l’internalisation des coûts environnementaux du cycle de vie du
produit. Il s’agit là d’une application du principe pollueur/payeur. Un
exemple concret de cette application est l’écotaxe, entrée en vigueur en
2006, sur les produits soumis à la DEEE [EUR 03] ;
– l’information des consommateurs soit par l’explication des conditions
d’usage et de fins de vies les mieux adaptées au respect de l’environnement,
soit par la proposition de produits éco-labellisés.

Chapitre rédigé par Gwenola BERTOLUCI et Stéphane LE POCHAT.


66 La conception industrielle de produits 2

L’incitation à la conception écologique des produits aboutissant à la


publication des profils environnementaux de produits.

L’Union européenne a ainsi fait connaître sa volonté que progressivement


l’ensemble des produits proposés aux consommateurs et aux entreprises soit
conçu de façon à minimiser leurs impacts sur l’environnement. Pour y
parvenir il faut évaluer et hiérarchiser ces impacts : c’est l’enjeu de
l’évaluation environnementale.

3.1.1. Les objectifs et spécificités de l’évaluation environnementale

3.1.1.1. Les impacts évalués


Les éléments structurants des cahiers des charges produits sont
habituellement issus d’une synthèse des attentes « clients ». Le terme
client est ici à prendre au sens large : acheteur(s) et utilisateur(s) mais
également actionnaires de l’entreprise créatrice du produit, et les clients
internes : la production, la logistique, etc. La hiérarchisation des
fonctionnalités du produit et des critères permettant ensuite de les évaluer
s’effectue au regard des décisions stratégiques de l’entreprise
(essentiellement sur l’équilibre prix/qualité/délai/innovation visé), de
l’expérience et du savoir-faire techniques et scientifiques des équipes de
conception.

L’évaluation environnementale des produits fournit le profil et les


performances environnementales d’un produit déjà existant soit d’un
produit dont la définition est très détaillée. Il est impossible, en effet,
d’établir ce profil sans données sur les process utilisés en fabrication, sur
les quantités de matériaux utilisés, la démontabilité et la séparabilité des
composants, les consommations de ressources en cours de vie du produit,
sa durée de vie prévisionnelle, etc. De ce fait les entreprises peuvent
employer deux types d’indicateurs pour qualifier leurs produits :
– des indicateurs de bureau d’études : temps de gamme de démontage,
taux de matériaux recyclés, taux de matériaux recyclables, masse du
produit, etc. ;
– des indicateurs environnementaux généraux (figure 3.1).
Evaluation environnementale des produits 67

• E ffet de serre
• D im inution de la couche d’ozone
• A cidification 9 D ésertification
• E utrophisation 9 Perte de biodiversité
• O zone photochim ique 9 Erosion
• Toxicité et écotoxicité 9 C onditions de travail
• D im inution des ressources naturelles 9 …

Figure 3.1. Les différentes catégories d’impacts environnementaux les plus


fréquemment employées pour évaluer un produit

De même que la nature de ces indicateurs diffère, les outils et méthodes


d’évaluation environnementale employés pour les obtenir sont différents.

Les valeurs des indicateurs du bureau d’études sont renseignées par des
tests, des enquêtes, des analyses du produit, de son mode d’usage, des
filières de fin de vie.

La détermination des valeurs des impacts environnementaux liés à l’éco-


système implique de réaliser une analyse du cycle de vie.

3.1.1.2. Evaluation environnementale et stratégie environnementale des entreprises


Comme indiqué dans le paragraphe précédent la réalisation d’une
évaluation environnementale peut être motivée par différents objectifs.

Le premier d’entre eux est, pour une entreprise, de déterminer sa stratégie


vis-à-vis de l’environnement. L’enjeu est alors non seulement d’établir le
profil environnemental du produit mais également de hiérarchiser
l’importance relative de ses impacts eu égard à l’image que l’entreprise
choisit de communiquer au public. En effet, les directions d’entreprises
européennes sont redevables de plus en plus d’informations sur leurs
pratiques environnementales vis-à-vis du public. La certification ISO 14000
de leurs sites est la démonstration de leur prise en compte de ce souci dans le
cadre de leur propre activité. La publication de rapports environnementaux
(rendue obligatoire en France pour les entreprises cotées en bourse par la
nouvelle loi de régulation économique) est un autre média destiné à
communiquer sur le comportement de l’entreprise selon les trois piliers du
développement durable : social, économique et environnemental. Et au
croisement de ces communications se trouve l’éco-conception de produit
68 La conception industrielle de produits 2

dont les objectifs doivent être cohérents avec l’ensemble de la politique


environnementale de l’entreprise. La construction de cette cohérence est une
réelle difficulté pour les entreprises car les périmètres d’analyse des impacts
environnementaux des différents cadres pris en compte sont très différents.

Ainsi dans le cadre d’un travail sur site pour une certification ISO 14001
le cadre décisionnel des actions à conduire pour lutter contre les impacts
environnementaux est souvent défini par un premier souci qui est de limiter
les coûts des investissements, de diminuer les consommations de ressources
et les émissions de déchets – sources de coûts tous les deux – et de produire
des actions environnementales dont l’effet soit quantifiable par les acteurs de
proximité. Bien évidemment cette hiérarchie n’est pas nécessairement celle
qui répond le mieux aux urgences de l’écosystème terre. Par ailleurs, les
résultats d’une analyse de cycle de vie ne fournissent pas non plus
d’éléments décisionnels formels pour définir cette hiérarchie des impacts
environnementaux d’un produit, d’un process ou d’un site.

Figure 3.2. Exemples de critères requis pour l’obtention d’un écolabel :


cas du frigidaire
Evaluation environnementale des produits 69

En effet, il n’existe pas de consensus scientifique sur l’importance


relative des impacts entre eux. En conséquence : comment évaluer une
évolution du produit qui diminue son impact sur l’effet de serre et accroît
son impact sur la couche d’ozone ? Seule une réponse politique est
actuellement possible sur ce point. La réponse la plus objective est de
s’en remettre aux objectifs définis par l’Union européenne dans le
sixième PCRD5 [EUR 02]. Cependant, ce même programme énumère un
certain nombre de priorités sans hiérarchie entre elles :
– lutte contre le changement climatique,
– nature et diversité biologique,
– environnement, santé et la qualité de la vie,
– ressources naturelles et déchets.

C’est donc à chaque entreprise d’établir ses objectifs


environnementaux, dans le périmètre défini respectivement par les
impacts de ses produits et de ses procédés de production, les activités de
sa concurrence sur le sujet de l’environnement, les recommandations
européennes, ses ressources financières, sa propre volonté
environnementale. Certaines entreprises résolvent cependant très
simplement cette question de stratégie environnementale. Ces entreprises
sont celles qui choisissent de concevoir des produits pour satisfaire aux
critères des écolabels. Pour obtenir cette labellisation il ne leur est pas
alors nécessaire d’établir les critères et les niveaux de performances
environnementaux à satisfaire : l’écolabel les impose (voir figure 3.2) et
les décrit en termes de critères directement appréhendables par les
bureaux d’études.

En fait, les choix des critères et des niveaux de performances requis


sur ces critères d’écolabels est un travail de compromis qui s’effectue
dans un groupe de travail comportant les différentes parties prenantes
intéressées aux résultats : industriels du secteur, associations de
groupements écologistes, représentants de l’état, sociétés de
consommateurs, etc. Le travail de ces groupes se base sur des analyses
environnementales du cycle de vie des catégories de produits qui pointent
les natures et ampleurs d’impacts qui leur sont associés.

5. PCRD : programme communautaire de recherche et développement.


70 La conception industrielle de produits 2

3.2. Une première approche de l’analyse du cycle de vie des produits

Dans cette partie, nous présentons rapidement les étapes et résultats


associés à une analyse de cycle de vie. Nous renvoyons cependant le lecteur
aux normes ISO 14040 et 14044 [AFN 97] pour obtenir des informations
détaillées sur les pratiques et méthodes de l’analyse de cycle de vie.

3.2.1. Les principes directeurs

Les deux principes directeurs d’une analyse de cycle de vie sont :


– une approche globale,
– une approche multicritères.

On entend par une approche globale une évaluation qui se conduit sur
l’ensemble du cycle de vie du produit de l’extraction des matières premières
à la mise en décharge des déchets ultimes et avec les voies de recyclage
telles qu’envisagées dans la figure 3.3.

Recyclage produit

Remise à neuf

Réutilisation
Fabrication
Transports
Transports

Trsp Trsp Trsp


intermédiaires

Composants

Extraction et Utilisation Fin de vie


Produit

fabrication des MP
Pdts

Recyclage matière

Figure 3.3. Phases du cycle de vie prises en compte pour effectuer


l’analyse de cycle de vie d’un produit

L’approche se doit également d’être multicritères car toute modification


d’un produit peut impliquer un transfert d’impacts. En d’autres termes, un
des critères d’évaluation environnementale est amélioré tandis qu’un autre
de ces critères se détériore. La substitution d’un matériau par un autre permet
Evaluation environnementale des produits 71

d’illustrer ce phénomène des transferts d’impacts : la substitution de


l’aluminium par du zinc permet de réduire la contribution à l’effet de serre,
mais augmente la contribution à l’eutrophisation des eaux. Aussi, si une
entreprise prend la décision de concevoir un nouveau produit qui implique ce
transfert d’impacts, il est préférable qu’elle en est conscience, et comme ce
transfert d’impact peut se jouer sur des phases de vie différentes, il faut
véritablement que toutes les phases soient analysées.

3.2.2 La définition de l’objet d’étude et du périmètre pris en compte

Le principe même de l’ACV (analyse de cycle de vie) implique de définir


les limites du périmètre de l’étude. Pour ce faire il est nécessaire d’établir
clairement l’application envisagée des résultats d’études, les raisons de
l’étude et ses destinataires. Cette démarche est bien sûr classique lors du
démarrage de tout projet mais dans le cas d’une ACV cette clarification est
essentielle car la masse de données à obtenir et traiter si l’on voulait être
véritablement exhaustif est ingérable. En effet, le principe de la méthode
d’ACV implique d’établir le bilan systématique des flux physiques pour
chacun des processus élémentaires constituant le cycle de vie du produit tel
que le présente la figure 3.4.
Arbre du cycle de vie

Inputs Outputs

Produit

Figure 3.4 Phases du cycle de vie prises en compte pour effectuer


l’analyse de cycle de vie d’un produit
72 La conception industrielle de produits 2

Le responsable du projet doit alors « simplifier » son problème pour


pouvoir le modéliser. La nature et l’importance de ces simplifications, qui
ont des répercutions sur les résultats de l’évaluation, dépendent bien
évidemment de l’objectif de l’étude et de ses destinataires. Il lui faut
notamment établir les procédés qu’il prendra en compte et ceux qu’il
ignorera, l’importance et la nature des flux input et output qu’il modélisera et
ceux qu’il ignorera. Cette simplification est indispensable même lorsque le
produit considéré est un produit extrêmement simple car les flux sont
rapidement innombrables comme l’illustre l’arbre de cycle de vie d’une
simple canette de soda présenté en figure 3.5 [MIN 98].

Figure 3.5. Arbre du cycle de vie d’une canette de soda


Evaluation environnementale des produits 73

Un élément essentiel de cette phase de définition de l’étude est


l’établissement de l’unité fonctionnelle qui permet de dimensionner les flux
pris en compte et de comparer les impacts respectifs de deux systèmes.
L’unité fonctionnelle de l’ACV se rapproche des notions manipulées en
analyse fonctionnelle : elle définit le service attendu du système et évite
toute référence aux solutions techniques utilisées pour accomplir ce service.

Ainsi, pour travailler sur la comparaison des impacts respectifs de deux


peintures intérieures, on établira un service à rendre en termes :
– de surface couverte,
– de durée d’usage souhaitée de la pièce avec des murs répondant à un
indice défini de qualité de peinture.

L’unité fonctionnelle devient par exemple : « coloration de 20 m2 d’un


mur de type A avec une opacité de 98 % et une durabilité de 5 ans ».

Pour obtenir un tel résultat il peut-être alors nécessaire d’utiliser 2,7 kg


d’une peinture A et 3,2 kg d’une peinture B. Il est ainsi possible de valoriser
la durée de vie des produits ainsi que la limitation de la consommation de
ressources.

Ces deux quantités représentent alors ce que l’on nomme les flux de
référence qui permettent de dimensionner les inputs et output pris en compte
dans l’arbre de vie : quantité de pigments utilisés pour A et B, quantité de
solvants, etc.

La phase de définition implique également d’établir les règles


d’affectation ou d’imputation des flux notamment en ce qui concerne les
postes qui fournissent des co-produits : il s’agit de définir comment répartir
les flux inventoriés en amont de ces postes. Dans l’exemple simplifié
présenté en figure 3.6, il s’agit de répartir la part énergétique imputable aux
lopins de type A1 sachant qu’ils sont issus de barres qui fournissent quatre
pièces à lopins sur une scie qui présente un taux de rebut et que sur ces
quatre barres une seule est transformées en lopin A1 à l’emboutissage qui
lui-même présente un taux de rebut faisant sortir du flux une partie de la
matière déjà transformée : il faut alors imputer aux quatre lopins formés ces
taux de rebuts et la part d’impacts qui a été crée entre leur sortie du four de
l’aciériste et leur refonte.
74 La conception industrielle de produits 2

Stock acier A
Aciéristes

Tapis de transport : Lopin A1


Energie S Sciage Emboutissage

Energie E
Tapis de transport : Lopin A2

Déchets et rebuts

Figure 3.6. Imputation des flux aux produits

3.2.3. Conduite et analyse de l’inventaire

Cette étape met en œuvre le recueil des données et établit les procédures
de calcul des données pour chaque sous-système afin de quantifier les
entrants et les sortants associés à l’arbre de cycle de vie du produit.

L’objectif est d’établir les flux de chaque étape tels que représentés dans
la figure 3.7. Ces flux sont, dans un premier temps, quantifiés par rapport à
une unité d’œuvre cohérente avec le process (exemple : quantité d’énergie
consommée lors d’un mouvement d’emboutissage) et ces quantités sont
ensuite normées par rapport au flux de référence défini par l’unité
fonctionnelle.

Hydrocarbures
CO2, SO2, NOx,.. Métaux lourds
Métaux lourds Acides
Espace m2 Pièce x …

Charbon
Pétrole
Uranium Émissions air
…. Hydrocarbures
Énergie Métaux lourds
Procédé Émissions eau
DBO, DCO
Fluide coupe d’usinage Déchets

Pétrole
Additifs Copeaux
(Cl, …)
CO2, SO2, NOx,..
Métaux lourds Pièce Y
Traitement des déchets

Émissions dues aux traitements

Figure 3.7. Illustration des natures de données recueillies au cours


de la phase d’inventaire
Evaluation environnementale des produits 75

Comme cela a déjà été signalé, une des difficultés à ce stade (hors le fait
d’obtenir les données) est d’établir les limites des flux pris et non pris en
compte dans le modèle. Les décisions se prennent alors sur trois critères de
caractérisation des flux :
– leur masse,
– la quantité d’énergie consommée par ces flux,
– l’atteinte à l’environnement associée à ces flux.

Le groupe de travail doit établir les x % (masse, énergie, atteinte de


l’environnement) des rentrants qui doivent être modélisés.

L’ensemble de ces flux est sommé pour fournir un résultat illustré en


figure 3.8.

Figure 3.8 Illustration des natures de données recueillies au cours


de la phase d’inventaire

3.2.4. Evaluation de l’impact du cycle de vie

Les flux ayant été répertoriés il s’agit de déterminer dorénavant quelles


sont leurs répercutions sur l’environnement. Il faut alors affecter les résultats
de l’inventaire aux catégories d’impacts retenus lors de la phase de définition
des objectifs et du champ de l’étude (figure 3.9). Le choix des indicateurs
d’impacts retenus doit permettre d’éviter le double comptage de flux. Le fait
de mobiliser simultanément une molécule sur un impact interdit de la
mobiliser sur un second. Les catégories d’impacts sélectionnées ne doivent
76 La conception industrielle de produits 2

pas non plus amener à masquer un impact grave. A chaque catégorie


d’impact est affecté un indicateur qui n’est pas nécessairement le même
entre deux études pour une même catégorie. Pour l’effet de serre,
l’indicateur qui est généralement retenu est le kg équivalent CO2. Lorsque
ce choix des catégories et indicateurs d’impacts est effectué l’étape suivante
est celle de la classification. A ce stade, chaque élément de l’inventaire est
associé à une catégorie d’impact (figure 3.9).

Flux élémentaires Catégories d’impacts

Bauxite
Cd
Effet de serre
CH4
Acidification
CO2
Smog photochimique
NH3-
Toxicité humaine
NOx
Ressources
P
Eutrophisation
Pb
Uranium
SOx

Figure 3.9 Affectation des flux élémentaires aux catégories d’impacts


sur un exemple simplifié

Afin d’agréger ces flux autours d’une même unité, des coefficients
d’équivalence entre les natures de flux sont appliqués. Dans le cas de l’effet
de serre par exemple, il est appliqué un coefficient de 25 à la quantité de
molécules de méthane mesurées pour les transformer en équivalent kg
équivalent CO2 (voir tableau 3.1).

Flux Catégories d’impacts Unité Valeur


CO2 1
Effet de Serre kg eq. CO2
Méthane 25
Pb 1
Toxicité humaine air kg eq. Pb
Cd 50
SO2 1
Acidification kg eq. SO2
NO2 0,7

Tableau 3.1. Caractérisation des flux pour leur agrégation


par catégories d’impacts
Evaluation environnementale des produits 77

Une partie des projets d’analyses du cycle de vie des produits


s’arrêtent à ce stade à partir duquel il est très difficile de hiérarchiser les
impacts calculés. En effet, comment comparer la gravité de X kg eq. SO2
aux Y kg eq. CO2 émis par le même système ? En revanche, ce niveau
d’information est très utile pour comparer deux produits sur une catégorie
particulière d’impact ou encore pour établir un référentiel qui permette de
mesurer les évolutions des profils environnementaux des produits au fur
et à mesure que des modifications sont apportées au produit.

Dans le cas où ce résultat n’est pas suffisant pour aider les entreprises
à choisir leurs axes d’amélioration ou si elles estiment que ces formats de
résultats ne sont pas accessibles à leurs clients il est possible d’effectuer
une normalisation des données. La normalisation des données n’est donc
pas une étape obligatoire de l’ACV, elle est simplement utilisée pour
faciliter l’interprétation des résultats. Cette normalisation s’effectue par
rapport à la valeur moyenne annuelle produite par un individu.

Exemple de normalisation

1 256 kg eq. CO2 émis correspondent à 0,14 personne équivalente de


CO2 car la production individuelle annuelle (sur une moyenne mondiale)
était de 8,7 t.eq. CO2/hab/an en 1990.

Les valeurs normalisées permettent de mieux mesurer l’importance de


l’impact du produit au regard de la situation déjà installée dans la
catégorie d’impact analysée. En revanche, ce traitement des données
n’apporte pas d’aide en ce qui concerne la gravité relative des impacts
entre eux. Pour remédier à cette difficulté particulière, il est souvent fait
usage par les entreprises de la pondération entre les impacts pour
parvenir à les additionner en un nombre sans dimension (exemple en
tableau 3.2).

Exemple de pondération

Effet de serre : 0,14 personne-équivalente.

Couche d’ozone : 0,45.10-2 personne-équivalente.


78 La conception industrielle de produits 2

Tableau 3.2. Pondération des catégories d’impacts environnementaux

3.2.5. Analyses des résultats et interprétation

Pour pouvoir tirer des conclusions de l’étude il est nécessaire de s’assurer


de la robustesse des valeurs obtenues. Différentes méthodes et outils sont
employés dans cet objectif, nous renvoyons à la norme ISO 14044 pour plus
de détails sur ces méthodes. Outre le contrôle de la qualité des données, la
plus couramment utilisée est cependant l’analyse de sensibilité qui consiste à
mesurer l’incidence sur les résultats de variations des données utilisées, des
hypothèses posées, des catégories d’impacts retenues, des critères
d’exclusion des flux employés. Cette étape peut mener à une redéfinition du
champ d’étude. Lorsque la robustesse de l’étude est assurée il est alors
possible d’identifier les points significatifs (matériaux, procédés, phases CV,
etc.) sur lesquels doivent porter les améliorations figure 3.10.

Figure 3.10. Exemple de présentation de résultats pondérés


Evaluation environnementale des produits 79

L’analyse de ces résultats conduit à la proposition de modification de


conception qui de par les modifications qu’elles apportent au cycle de vie du
produit impliquent de mettre à jour à nouveau les valeurs de l’ACV (voir la
norme ISO 14044).

3.3 Conclusion

L’ACV est la méthode d’évaluation environnementale de référence, tant


par construction – l’approche scientifique qui la structure – que par la
normalisation dont elle fait l’objet au niveau de l’ISO.

Elle est cependant difficile à mettre en œuvre dans les entreprises en


raison des coûts induits et des compétences spécifiques nécessaires qu’elle
implique tant pour la mener que pour en comprendre les résultats et savoir
les interpréter. En conception, l’ACV peut constituer un outil d’aide
précieux dans la comparaison environnementale des produits ou de solutions
techniques.

Par ailleurs, de nombreux travaux engagés et réalisés aux niveaux


européen et mondial permettent désormais un retour d’expérience
exploitable facilitant l’appropriation d’outils simplifiés d’évaluation
environnementale par les entreprises, sur lesquels s’appuyer pour mener à
bien des projets d’éco-conception.

Différents niveaux d’exploitation et d’appropriation sont envisageables,


depuis les référentiels des écolabels – cahiers des charges environnementaux
« clés en mains » des catégories de produits – permettant de satisfaire un niveau
minimal d’exigences, à l’ACV réservée à des projets innovants type R&D.

Les industriels français qui exploitent et communiquent aujourd’hui des


résultats d’ACV et ACV simplifiées sont peu nombreux. Les catégories de
produits où il est fait publicité de tels résultats appartiennent à
l’ameublement, aux produits électriques (industriels et ménagers), à la
cosmétique, les objets de sports et loisirs, la production énergétique sous
différentes formes, etc. La plupart des industriels qui font états de tels
travaux les sous-traitent et l’exploitation de leurs résultats n’est pas encore
une pratique aisée pour tous. D’autres entreprises développent des procédures
d’évaluation et d’amélioration des performances environnementales de leurs
produits plus pragmatiques. Le lecteur intéressé par ces dernières pourra se
rapporter à l’étude de cas proposée sur ce thème dans ce chapitre.
Chapitre 4

Décision technico-économique
en conception de produit

La conception de produit industriel diffère d’une démarche intuitive par


le fait qu’elle repose sur une estimation technico-économique systématique.
Le besoinError! Bookmark not defined. qui motive le développement du
produit industriel impose des objectifs que le concepteur doit prendre en
compte tout au long du projet et à toute étape de son activité. En amont, pour
cadrer et cibler les objectifs qui devront être atteints par le produit. En aval,
pour estimer les implications de ses choix ou les justifier [STA 00]. En cours
d’activité, pour apprécier les dérives éventuelles entre les objectifs et les
résultats intermédiaires obtenus.

Si l’estimation technico-économique est nécessaire pour concevoir un


produit industriel, elle n’est ni triviale ni réalisée au cas par cas ou au fil du
projet. Elle implique un important travail préalable de définition : quel est le
besoinError! Bookmark not defined. précis auquel le produit doit
répondre ? Comment le qualifier ? Quel est le périmètreError! Bookmark
not defined. du coût à prendre en compte et à gérer en conception ? Etc.
Estimer le produit en conception suppose aussi d’expliciter et de formaliser
au plus tôt les relations entre ses différentes dimensions technico-
économiques (performance technique, besoin, coûtError! Bookmark not
defined.) et le modèle utilisé par le concepteur. Estimer suppose aussi de
mettre en place une logistique informationnelle conséquente, qui vise à

Chapitre rédigé par Mauricio CAMARGO, Djémil CHAFAÏ et Jean Pierre MICAËLLI.
82 La conception industrielle de produits 2

apporter à l’équipe de concepteurs, ou équipe projet [MID 96], l’ensemble


des données dont elle a besoin. Dans les grands bureaux d’études,
l’ensemble de ces tâches (définition, formalisation, logistique) est réalisé par
des professionnels, par exemple les chiffreurs (cost engineer) pour le coût
[ROY 03]. Mais la plupart du temps, il reviendra au concepteur opérationnel
et au chef de projet de les réaliser par eux-mêmes [OUL 06b].

Malgré son importance et sa difficulté reconnues depuis maintenant


plusieurs décennies, l’estimation technico-économique demeure un « art »
empirique [RUS 01]. Il n’existe pas de méthode globale dédiée qui, déjà
rodée dans le monde industriel, pourrait être suivie pas à pas par le
concepteur évaluateur novice. Fort heureusement, il est toutefois possible de
réunir des éléments épars, de sorte à lui donner une gamme de méthodes et
d’outils partiels, utilisables à tel ou tel moment de son activité. C’est
précisément l’objectif de ce chapitre que d’en présenter certains. Pour ce
faire, les concepts de base de l’estimation technico-économique, à savoir
ceux de performance technique, de besoinError! Bookmark not defined. et
de coûtError! Bookmark not defined. seront d’abord définis. Puis, la place
d’une telle estimation dans la conception de produit sera précisée. Enfin,
nous nous focaliserons sur trois points-clefs que sont l’estimation du
besoinError! Bookmark not defined., la construction de fonctions
d’estimation de coût (ou chiffrage) et l’usage de ces données lors des choix
collectifs réalisés par l’équipe de concepteurs.

4.1. Définitions préalables

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de poser quelques


définitions, pour bien savoir dans quel contexte l’estimation technico-
économique est menée, sur quoi elle porte et quels sont ses fondements.

4.1.1. Estimation technico-économique ?

Première définition : estimer, en conception, consiste à anticiper la valeur


d’une variable. Cette estimation est dite technico-économique si les variables
prises en compte sont relatives à la fois à la performance technique, au
besoinError! Bookmark not defined. et au coûtError! Bookmark not
defined.. Une telle estimation n’est pas réalisée pour elle-même ; elle assure
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.83

une fonction, elle répond à un besoinError! Bookmark not defined.. Sans


prétendre à l’exhaustivité de ses cas d’usage, elle sert à :
– cadrer et cibler les objectifs du projet de conception, du produit ou de
ses composants ;
– élaborer une proposition commerciale, si le projet de conception est
initié dans le cadre d’une réponse à un appel d’offres ;
– simuler les effets, valider et choisir des solutions de conception d’après
les valeurs atteintes par les solutions de conception candidates ;
– réitérer l’activité de conception, si ces valeurs sont insatisfaisantes,
l’arrêter en cas contraire [SIM 97] ;
– apprécier les dérives et les risques, et les gérer en imaginant des actions
visant à les lever ;
– renégocier le besoinError! Bookmark not defined. si, par exemple, la
demande du client ne peut être atteinte avec la contrainte de coûtError!
Bookmark not defined. énoncée ;
– obtenir des économies globales en repartissant les efforts de réduction
de coût sur l’ensemble des composants intégrés dans l’architecture du
produit ;
– optimiser un composant de la solution retenue en termes de valeur et de
coûtError! Bookmark not defined. ;
– arbitrer entre les fournisseurs de sous-systèmes ou composants d’après
les devis envoyés au concepteur ;
– optimiser l’usage des futures ressources de production requises pour
fabriquer le produit ;
– contribuer à la cohérence du projet, parce que l’estimation lie les
différentes caractéristiques techniques du produit et qu’elle est assurée de
façon continue tout au long du projet de conception [MIC 03] ;
– répondre aux exigences de rentabilité du projet fixées par la direction
de l’entreprise, etc.

4.1.2. Produit ou service ?

Si les paragraphes précédents ont permis de montrer la variété des cas


d’usage de l’estimation technico-économique, reste une question, qui
concerne l’objet auquel elle s’applique. Bien qu’utilisant le mot « produit »,
nous ne désignons pas par ce terme un objet technique simple. Le produit
84 La conception industrielle de produits 2

comprend le plus souvent différents composants agencés de façon


méthodique. De ce fait, il peut être vu comme un système et plus
précisément une architecture. De plus, la frontière entre le bien et le service
est de plus en plus floue. Dans l’analyse de l’usage d’un produit, dans la
définition de ses objectifs de marketing, l’accent est mis de plus en plus sur
les services associés. Symétriquement, la tendance est à la dématérialisation
du produit. Par exemple, un voyageur des transports en commun a
l’impression d’acheter un ticket, alors que le produit commercialisé est un
service, à savoir son transport. De son côté, le titre de transport magnétique,
preuve de paiement, n’est que la partie émergée d’un iceberg, à savoir un
véritable système d’information qui comprend des portillons de contrôle
d’accès, un système de traçabilité du voyageur, etc. La dématérialisation des
titres de transport envisagée par la SNCF, sous la forme de SMS
vraisemblablement (pratiquée en Estonie depuis longtemps), rend encore
plus floue cette frontière entre bien et service.

Dans ce chapitre, comme dans l’ensemble de l’ouvrage, il s’agira de


biens, c'est-à-dire de produits physiques, uniques ou réalisés en plus ou
moins grande série. Toutefois, les méthodes et les outils proposés
s’appliquent en partie aux services, aux systèmes d’information, voire aux
organisations. Nous utiliserons le terme de produit pour l’ensemble des cas
de figure qui viennent d’être évoqués (il s’agit dans tous les cas du produit
du projet).

4.1.3. Conception ou reconception ?

La conception du produit industriel part rarement d’une page blanche. Le


nouveau produit est, dans l’immense majorité des cas, une reconception de
produit existant, avec des degrés de remise en cause plus ou moins
importants. Le concepteur dispose donc, avant de se lancer dans le projet de
conception courant, de classes de produits référents déjà constituées. Celles-
ci peuvent être vues comme un stock d’informations techniques et
économiques non négligeable, à partir duquel il pourra réaliser son
estimation technico-économique future. Cette situation de « continuité
technique » [OUL 06b] présente à la fois des avantages, comme celui de
pouvoir effectuer des projections et des analogies à partir du passé, et des
risques, comme celui de rester prisonnier d’une certaine vision du produit,
des solutions habituelles, mais aussi de leurs performances et de la structure
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.85

même de leurs coûtsError! Bookmark not defined. [EHR 95], intimement


liée à la nature des options techniques retenues.

Dans le contexte industriel le plus courant, le projet de conception visera


à reconcevoir un produit, avec le souci d’améliorer ses performances et de
rendre de nouveaux services, tout en diminuant son coûtError! Bookmark
not defined. global. Une lettre de mission aussi lapidaire, qui correspond à
des pratiques constatées
(la lettre de mission du chef de projet tient souvent en deux feuillets), ne peut
que susciter des interrogations de la part de l’équipe de concepteurs :
– quelles sont les performances à améliorer, et de combien ?
– quels sont les nouveaux services à rendre, et à quel niveau de
performance ?
– quelles sont les réductions de coûtError! Bookmark not defined.
attendues ? Sur quels composants pèseront-elles ?
– qu’entend-t-on par coûtError! Bookmark not defined. global ? C’est
le coût vu par qui, sur quelle période ?

4.1.4. Estimation locale ou estimation globale ?

Si l’amélioration technico-économique du produit forme le credo du


projet de conception industrielle, se pose alors une question redoutable, qui
est celle du périmètre de l’estimation. Peut-on se contenter d’une estimation
locale, c'est-à-dire ciblée sur un composant et recourant à une seule des trois
variables évoquées : performance technique, besoin, coûtError! Bookmark
not defined. ? Au contraire, faut-il estimer globalement le produit ? Mais
alors, quel est le périmètre d’une telle estimation, dont on a l’intuition
qu’elle est idéale.

L’estimation technico-économique globale se veut d’abord une


estimation décentrée. Elle prend en compte non le point de vue du seul
concepteur, mais celui d’une partie prenante du produit (demandeur,
utilisateur, client, maintenancier, etc.). Les niveaux de performance fixés
dans les objectifs du projet de conception ne sont donc pas des fins en soi,
mais sont définis d’après la satisfaction des besoins (ou services attendus)
des parties prenantes, auxquels correspondront les fonctions du produit à
développer par le concepteur. L’estimation technico-économique globale
prend aussi en compte le système de production. Il ne peut être établi de coût
86 La conception industrielle de produits 2

du produit sans tenir compte des ressources requises pour le fabriquer. Là


encore, il faut donc, pour le concepteur, envisager le point de vue du
fabricant.

L’estimation technico-économique globale se veut une estimation avec


un horizon profond. Idéalement, le concepteur ne doit pas tenir compte du
seul coûtError! Bookmark not defined. de production du produit. Il doit
élargir son horizon et raisonner en termes de « coût global » (AFNOR X 50-
155, 1997) (life cycle cost) couvrant l’ensemble de son cycle de vie [GRA 96].
D’où les définitions suivantes.

Cycle de vie du produit : ensemble des situations par lesquelles passe le


produit à partir de sa création jusqu’à sa disparition.

Coût global : ensemble des dépenses directement affectables au produit


développé pour les usages répartis sur l'ensemble de son cycle de vie.

Dans le même ordre d’idée, le concepteur doit non seulement prendre en


compte les seuls coûts récurrents, associés au produit concerné, mais aussi
une partie des coûts fixes, associés à une famille ou un ensemble de produits
dont la durée de vie peut durer plusieurs décennies.

Enfin, l’estimation technico-économique globale est une estimation


stratifiée. Ainsi, les préoccupations du chef de projet de conception iront au-
delà des questions propres au concepteur opérationnel qui viennent d’être
évoquées. Le chef de projet garantit la maîtrise des coûts du produit et du
projet, celle des délais et des risques projet et produit (niveau de risques
acceptable pour le projet et pour le fonctionnement du produit). De ce fait, il
peut être amené à écarter une solution valide au niveau local du produit
courant ou d’un de ses composants parce que son manque de maturité peut
faire courir un risque de retard inacceptable pour les délais du projet
[ANG 06B]. L’estimation technico-économique se fait donc toujours en
projet, si bien que des contraintes globales pèsent sur les données de produit
manipulées par le concepteur opérationnel. Pour élargir encore notre
périmètre, notons qu’à ces exigences classiques du management de projet,
peuvent s’ajouter des contraintes supplémentaires liées aux facteurs
structurels de l’entreprise [ULR 00], comme la nécessité de maintenir le
plein emploi sur le site où le produit sera fabriqué, de couvrir les coûts fixes
des installations existantes, etc., qui peuvent aussi conduire à l’abandon de
solutions jugées valides par le concepteur opérationnel.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.87

4.1.5. Quelle performance, quel besoin et quel coût ?

4.1.5.1. De la performance au besoin


La performance, comprise en tant que caractéristique structurelle,
comportementale, matérielle, etc., notable du produit, est un terme qui parle
à l’esprit du concepteur. L’élévation de la performance est toujours un
challenge, une stimulation pour lui, car il s’agit d’un objectif cohérent avec
ses valeurs et son éthique d’ingénieur ou de technicien. Pour mener une
estimation technico-économique correcte, il va falloir pourtant lutter contre
cette fascination et l’obliger à un véritable décentrement cognitif.
Ce tropisme vers la performance technique est porteur d’un risque important,
qui est perdre de vue que, derrière toute performance, c’est un besoinError!
Bookmark not defined. à satisfaire que le concepteur doit identifier afin de
ne pas se tromper de cible. Ainsi, dans l’exemple du contrôle des titres de
transport évoqué précédemment, il lui serait facile de se focaliser sur
l’amélioration des performances d’un élément connu : la vitesse de lecture
du ticket magnétique par le portillon d’accès, par exemple. Une telle
focalisation risquerait fort de lui faire louper la marche du progrès, à savoir
l’apparition de substituts plus en phase avec les modes de vie actuels ; la
dématérialisation des titres par SMS, par exemple.

Comme le montre cet exemple trivial, percevoir la performance du point


de vue d’un acteur tiers (utilisateur, producteurError! Bookmark not
defined., maintenancier, etc.) et en déterminer les niveaux attendus n’est pas
facile pour le concepteur. Chacune des parties prenantes du projet de
conception ou impactée par lui a sa vision des services à apporter par le
produit. Aussi, pour estimer et gérer en conception la performance du
produit, il faut commencer par identifier et expliciter les besoins auxquels le
produit doit répondre à partir d’un questionnement simple : qu’est-ce que
doit faire le produit ? Pour qui ? Dans quel cadre ? Pour quel utilisateur,
usage ou activité [MIC 05] ? Cette approche ne suffit toutefois pas. La
question de la performance est non seulement une affaire de point de vue,
mais aussi d’horizon, comme nous l’avons vu. L’élargissement de la vision
au cycle de vie complet du produit oblige ainsi le concepteur à intégrer les
besoins et les contraintes liées à l’ensemble de son profil de mission, de sa
production à son élimination ou à son recyclage.

Pour illustrer les points évoqués ci-dessus, prenons l’exemple simple de


l’accoudoir d’un fauteuil. Celui-ci soutient le bras de l’utilisateur dans une
88 La conception industrielle de produits 2

position confortable. Sa position, sa forme et ses matériaux doivent être


étudiés à cette fin. De fait, l’utilisateur achète ce service, et accessoirement
seulement la forme, le métal ou le plastique usinés qui en remplissent la
fonction. Définir ce qu’est une position confortable pour un utilisateur
donné, après avoir explicité ce qu’est un bras, techniquement parlant
(morphologie, masse, cinématique, etc.), permet d’identifier, de qualifier,
voire de quantifier les performances attendues. De même, il conviendra pour
le concepteur de l’accoudoir d’envisager les différentes étapes du cycle de
vie du fauteuil. Il pourra s’agir de son assemblabilité en phase de fabrication,
de son empilabilité en phase de stockage, de sa nettoyabilité en phase
d’entretien, de la recyclabilité de ses matériaux en fin de vie. Dans toutes ces
phases, l’existence, la forme et la position des accoudoirs devront être pris
en compte.

4.1.5.2. Intégration du coût en conception


A supposer que l’identification et l’estimation de la performance et du
besoin du produit soient convenablement traitées par le concepteur, se pose
aussitôt la question de l’intégration du coût. Quel coût le concepteur doit-il
prendre en compte ? Le coût direct (coût de fabrication du fauteuil)
[BOU 06] ? Le coût de possession (coût d’acquisition, d’usage et d’entretien
du fauteuil pour le client, par exemple la SNCF) ? Le coût global (coût du
cycle de vie du fauteuil) ? Parmi les coûts directs, coûts qualifiés ainsi car ils
concernent l’ensemble des dépenses affectables au produit développé, pour
tout ou partie de son cycle de vie, sans ambiguïté ni calculs intermédiaires,
doit-il se focaliser sur les seuls coûts récurrents ? Au contraire, doit-il
prendre en compte les coûts indirects, estimés à partir de l’ensemble des
charges induites par l’activité de l’entreprise offreuse du fauteuil [BOU 06] ?

La difficulté que nous avons de répondre à ces questions illustre un point


délicat, qui est celui de l’intégration du coût en conception de produit. Les
différentes typologies des coûts évoquées dans le paragraphe précédent –
directs vs globaux, directs vs indirects – coexistent et sont manipulées sans
problème par ce professionnel de la donnée économique qu’est le contrôleur
de gestion [BOU 06]. Mais, pour produire un coût, il fait l’hypothèse que le
produit est déjà bien défini, et que ce qui ne l’est pas, correspond au volume
et au coût d’acquisition des ressources utilisées pour le fabriquer. Pour
élucider ce point, le contrôleur de gestion s’appuie sur un modèle du système
de production (dans le cas du coût direct) et sur un modèle d’entreprise qui
peuvent être très éloignés du champ d’action du concepteur. Pour ce dernier,
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.89

en effet, le produit n’existe pas encore, si ce n’est sous une forme


imaginaire, plus ou moins bien définie, et il n’est guère pertinent de lui
donner des coûts exhaustifs s’il ne peut pas directement agir sur les variables
qui les influencent (inducteurs de coûts, pilotes de coûts, ou cost drivers).
Savoir quelle partie du coût est impactée par tel ou tel choix de conception
n’est guère aisé, alors que c’est pourtant un exercice nécessaire et critique !
Comble de malheur, il ne sera jamais possible d’estimer précisément le coût
induit par tel ou tel choix de conception. Par définition, un coût précis est un
coût rétrospectif, estimé une fois que s’est conclu le cycle de vie du produit
auquel il se rapporte ! Il faut donc être conscient du hiatus qui existe entre
le concepteur, utilisateur de la donnée de coût, et le contrôleur de gestion,
producteur de cette même donnée [OUL 06b].

4.1.5.3. En guise de synthèse


Ainsi, pour mener son estimation technico-économique en conception,
l’équipe de concepteurs doit être capable :
– de s’affranchir du tropisme vers la performance technique et de
spécifier fonctionnellement un besoin, c’est-à-dire en rapport avec les
attentes d’une partie prenante et sans liaison aucune avec une solution
technique donnée ;
– de traduire chacun de ces besoins unitaires avec une ou plusieurs
solutions potentielles, spécifiées en termes de performances ;
– d’en estimer le coût, tout en ayant conscience du hiatus qui existe entre
le concepteur, utilisateur de cette donnée, et le contrôleur de gestion, qui en
est le producteur ;
– de préparer le terrain des négociations de conception, en identifiant les
relations fortes entre les performances et le coûtError! Bookmark not
defined. d’une part, et en priorisant les besoins d’autre part.

Une fois les concepts de base de l’estimation technico-économique posés,


il est possible d’apprécier comment celle-ci intervient dans la conception du
produit.

4.2. Place de l’estimation technico-économique dans la conceptionError!


Bookmark not defined. de produit

Pour comprendre la place qu’occupe l’estimation technico-économique


en conception du produit, il convient de raisonner en termes de couplages.
90 La conception industrielle de produits 2

Cette estimation en suppose deux. Le premier vise à coupler les données


technico-économiques au modèle du produit à partir duquel le concepteur
réalise son activité. Le second, quant à lui, se veut plus précis. Il s’agit
d’amener les données technico-économiques au bon moment, c'est-à-dire à
la bonne tâche.

4.2.1. Couplage des données technico-économiques au modèle de produit

L’objet de l’estimation technico-économique peut être tout ou partie du


produit. Ainsi, la mise en regard des besoins identifiés et des solutions
potentielles conduit à la définition de sous-systèmes, c’est-à-dire de
modules fonctionnels susceptibles de traitements séparés. Ceci forme la
base de la conception architecturale. Elle permet :
– d’ouvrir l’espace des solutions, puisqu’à un module fonctionnel
peuvent correspondre plusieurs solutions potentielles,
– de raisonner en termes de déploiement d’une performance globale sur
l’ensemble des modules, puis d’arbitrages entre eux,
– d’estimer globalement le produit, par synthèse des résultats obtenus
au niveau des modules.

Le fait de penser le produit comme architecture a une conséquence


importante. Il n’est pas suffisant de savoir en détail ce que tous les
modules du produit doivent faire, ni d’avoir une liste exhaustive des
solutions techniques détaillées, pour procéder à une estimation technico-
économique méthodique. Pour que l’ensemble de l’architecture ait une
cohérence globale, et afin de faciliter la décision finale, il convient :
– de construire des cohérences entre éléments de solutions, sous la
forme d’options globales ou de scénarios,
– d’identifier les besoins fonctionnels transversaux,
– de gérer les interfaces entre modules.

Une fois le premier point de rendez-vous fixé, entre les données


technico-économiques et les modules du produit, il devient possible de
préciser les choses et d’apprécier comment intégrer les deux données
hétérogènes que sont le besoin et le coût.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.91

4.2.2. Intégrer l’estimation du besoinError! Bookmark not defined. dans la


conception

La première donnée technico-économique qu’il convient d’intégrer dans


la conception est le besoin. Le périmètre du besoin à satisfaire par un
produit est toujours défini au moment du cadrage initial du projet.
Positionner ce besoin, en identifier les composantes, par parties prenantes
concernées et par phases du cycle de vie du produit, est le préalable à toute
estimation et gestion de la performance détaillée, c'est-à-dire réalisée
ensuite au niveau des modules.

4.2.2.1. Cadrage initial


Ce n’est jamais pour le simple plaisir du changement que l’on entreprend
une conception industrielle qui est souvent, rappelons-le, la redéfinition d’un
produit existant. Même dans les secteurs où l’innovation importe, comme
dans la téléphonie mobile, le but du projet de conception ne peut être
l’invention en soi ou la réalisation d’un challenge technique, mais la
satisfaction de certains besoins de l’entreprise, comme celui de
différenciation du produit par rapport à ceux offerts par la concurrence, par
exemple, ou de certaines attentes (augmentation du volume de données à
transmettre par les opérateurs grâce au développement des fonctions
« image » du téléphone). Ces besoins sont exprimés par un ensemble
d’entités ayant des interactions avec le projet que l’on appelle les parties
prenantes (stakeholders) qui peuvent être définies comme suit.

Partie prenante : entité (personne physique ou morale, groupes sociaux,


etc.) dont les exigences (besoins et attentes) et le système de valeur doivent
être pris en compte par le concepteur du produit.

Si les utilisateurs et les clientèles actuels et potentiels d’un produit sont


des parties prenantes évidentes, d’autres le sont moins. Il peut s’agir de la
direction marketing de l’entreprise, lorsque les exigences de différenciation
compétitive sont affichées, comme dans l’exemple précédent. Il peut s’agir
aussi de la maintenance, de la logistique, de la qualité, etc., puisque tous ces
départements sont porteurs de besoins spécifiques, renvoyant à différentes
phases du cycle de vie du produit. Il est donc indispensable, en conception,
de balayer l’ensemble de ces parties prenantes et d’en identifier au plus tôt
les besoins et attentes. Une démarche systémique peut guider ce type
d’inventaire, au niveau projet, tout d’abord, puis, plus tard, au niveau
92 La conception industrielle de produits 2

produit, au moment de son analyse fonctionnelle. D’où la définition


suivante.

Systémique : étude des relations dynamiques qu’un objet, considéré


comme un système complexe organisé en fonction d’un but, entretient avec
les éléments de son environnement fonctionnel (milieu).

La systémique ainsi définie permet au concepteur d’éviter le


réductionnisme lié à l’analyse détaillée d’une solution existante. Penser
environnement externe du produit (usage), comportement global,
architecture [SIM 97], plutôt que de foncer tête baissée sur les questions
techniques relevant du détail d’un module donné. Le produit doit être
considéré comme une boîte noire dont il est possible de caractériser le
fonctionnement à partir de la cartographie et de l’analyse des relations qu’il
entretient avec chacun des éléments de son environnement. Comme le
montre la figure 4.1, ce qu’il importe de saisir, lors du cadrage initial du
projet de conception, ce sont les interactions potentielles entre tous ces
éléments et l’impact que peut avoir toute modification du système sur la
conception du produit.

Examinons ces interactions à l’aide d’un exemple portant sur un produit


courant, à savoir un ventilo-extracteur domestique (figure 4.2). Pour
effectuer le cadrage et le ciblage du besoinError! Bookmark not defined.,
l’équipe de concepteurs demandera le plus souvent au spécificateur du
produit des précisions sur plusieurs éléments susceptibles d’orienter ses
futurs choix.

Clientèle
actuelle Clientèles
potentielles
Politique de Stratégie
maintenance commerciale

Boîte noire
Environnement du projet Concurrence
normatif

Technologies
…/… émergentes …/…
Développement
durable
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.93

Figure 4.1. Vision systémique du projet de conception

Figure 4.2. Trois exemples de ventilo-extracteurs domestiques

Le produit est-il destiné à une cuisine ? A une salle de bains ? Ou aux


deux ? Dans les deux cas, il s’agira de pièces de petit volume (dans les
logements actuels, du moins ceux des rédacteurs du présent chapitre, etc.),
mais l’un n’aura à traiter qu’une atmosphère chargée de vapeur d’eau (salle
de bain) alors que l’autre aura également à traiter des vapeurs grasses,
fumées et odeurs.

Le produit doit-il être autonome électriquement (modèle photovoltaïque,


placé au centre de la figure 4.2) ou être alimenté par le secteur (deux autres
modèles) ? Auquel cas il faudra que le périmètre des ventes soit précisé
(marché purement français ou ventes à l’étranger), pour connaître les
caractéristiques du courant et le type de normes à prendre en compte.

Le produit doit-il s’adapter à des conduits rectangulaires existants


(modèle de gauche) ou se poser sur une vitre (modèle de droite) ? Les
contraintes de dimensionnement liées aux deux cas sont très différentes.

Dans le cours de ce questionnement de cadrage, l’équipe projet va se


poser la question, centrale, celle du but du produit. A quoi doit-il servir, et à
qui ? Pourquoi est-il acheté, et par qui ? Les réponses intuitives à cette
question du but seront dans notre cas, généralement exprimées en ces
termes : « extraire l’air de la pièce, renouveler l’air, ventiler ». Bien que
correspondant à ce que font effectivement les trois produits présentés, ces
réponses spontanées sont toutefois erronées. Elles confondent solution
actuelle et but réel du produit. Une réflexion un peu plus poussée conduira à
une définition sensiblement différente : « débarrasser l’air de la pièce des
molécules en suspension (vapeur d’eau, graisses, fumées) ». Cette définition,
de nature fonctionnelle sera forcément toujours plus ouverte. Elle autorise
94 La conception industrielle de produits 2

notamment l’équipe de concepteurs à imaginer toutes sortes de solutions ne


comportant pas de ventilateur, comme le piège à particules électrostatique,
par exemple (sans exclure toutefois la solution ventilateur, qui n’est pas sans
intérêt).

Le cadrage du besoinError! Bookmark not defined. est donc une étape


préliminaire critique pour placer l’analyse des besoins sur le bon périmètre et
la doter du maximum de degrés de liberté par rapport aux solutions
habituelles. Le cadrage porte aussi sur la définition des phases ou positions
du cycle de vie du produit à prendre en compte. La figure 4.3 donne un
exemple de cycle de vie courant, pour un produit réalisé de façon
industrielle.

Les services attendus du produit par chacune des parties prenantes sont
répartis tout au long de ses phases et demandent à être précisés, voire
priorisés. L’amélioration de la maintenabilité doit-elle être une priorité pour
le nouveau produit ? Au contraire, si ce produit a une faible durée de vie ou
si certains de ses modules ont une obsolescence rapide, s’oriente-t-on vers
une stratégie du jetable ?

Création du produit

Conditionnement Cycle de vie du produit

Stockage
Distribution
Vente
Mise en route
Usage(s)
Maintenance
Modification
Recyclage

Disparition du produit

Figure 4.3. Cycle de vie courant pour un produit industriel


Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.95

4.2.2.2. Expression des besoins : technique ou fonctionnelle ?


Comme nous venons de le voir, le concepteur a naturellement tendance à
spécifier un besoin via la description des éléments techniques d’une solution
connue. Ainsi, pour spécifier le besoin relatif au ventilo-extracteur
domestique, il en viendra assez vite à se focaliser sur des caractéristiques
techniques telles que la puissance de moteur ou les dimensions des pales. Ce
mode de spécification est stérilisant. Fermant la porte à l’exploration de
solutions (le filtre à particules électrostatique, par exemple), puisqu’il décrit
une solution connue et une seule, il limite fortement toute possibilité de
rupture avec l’existant, notamment en matière de coûts.

De plus, il a l’inconvénient de concentrer tous les risques sur l’équipe de


conception, au lieu de les faire partager par les fournisseurs susceptibles de
contribuer au développement d’une solution inventive. En effet, une
expression fonctionnelle du besoin ne spécifie que le résultat attendu, sans
référence à une solution particulière. Tout fournisseur consulté sur une telle
base se voit offrir toute latitude pour proposer une solution inventive. En
contrepartie, il se voit imposer une obligation de résultat fonctionnel : sa
solution, quelle qu’en soit la nature, doit fournir le service attendu, au niveau
de performance requis. En cas d’appel d’offres sur spécification
fonctionnelle – appelé appel d’offres performanciel – c’est un véritable
transfert au fournisseur du risque lié à la « conception détaillée » [PAH 07]
du produit qui est effectué, avec contractualisation de l’exigence de résultat
fonctionnel.

Dans le cas d’une spécification fonctionnelle, le cahier des chargesError!


Bookmark not defined. fonctionnel fournit le seul référentiel objectif qui
puisse permettre la réception des livrables, et ce, rappelons-le, quel que soit
le choix de solution effectué par le fournisseur. Cette réception peut
également être contractuellement organisée de façon à inclure les stades
précoces, au cours du développement, pendant lesquels un fournisseur retenu
sur appel d’offres ne peut rien livrer d’autre que des spécifications
techniques et des éléments de calcul : la « concrétisation » (embodiment
design) [PAH 07] de la solution n’ayant lieu que plus tard.

En cas de spécification technique, la répartition des responsabilités est


toute autre. Le fournisseur peut se contenter de respecter cette spécification à
la lettre, sans se soucier le moins du monde de la pertinence, de l’efficacité
96 La conception industrielle de produits 2

ou du coût réels du produit livré, en cas de spécification inadaptée. Il peut


être aussi « imperméable » à tout « dialogue » avec le demandeur [MIC 03].

Compte tenu de la gravité des dysfonctionnements potentiels liés à une


spécification technique, il convient donc, pour le concepteur, de lutter contre
la pente naturelle de la description technique. S’obliger à une analyse
fonctionnelle du produit est l’une des façons de contrebalancer certaines
inclinations spontanées.

Le passage d’une conception à base de spécification technique à une


conception à base de spécification fonctionnelle est assez récent. Ainsi, dans
les années 1980, l’ingénierie de la SNCF utilisait des spécifications
purement techniques dans ses appels d’offres à fournisseurs. Un strapontin
était décrit par un plan fixant dimensions et matériaux, sans aucun degré de
liberté pour le concepteur sous-traitant. A partir des années quatre-vingt dix,
cette description a peu à peu laissé place à la description fonctionnelle. En
2006, le choix entre Alstom et Bombardier, pour la fourniture du nouveau
train destiné à équiper les lignes de banlieue, s’est effectué sur la base d’un
cahier des chargesError! Bookmark not defined. fonctionnel.

Pour revenir à l’exemple, moins complexe, du ventilo-extracteur, la


spécification fonctionnelle d’un tel produit se fait donc d’après un modèle
systémique du type de celui décrit figure 4.4. Chacun de ces besoins et
chacune de ces fonctions peut être détaillé à l’aide d’une grille du type de
celle présentée en tableau 4.1. Avec ce type de tableau l’ensemble des
besoins est listé et chacun d’eux, s’il correspond à un module organique
« découplé » [SUH 90], peut éventuellement donner lieu à une conception
détaillée (un organe physique unique pouvant répondre à plusieurs fonctions,
ce découplage n’est pas automatique).
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.97

Figure 4.4. Vision systémique partielle du ventilo-extracteur domestique

F1 : Déplacer un volume d’air entre l’intérieur de la pièce et l’extérieur

Critères d’appréciation Niveaux de performance Flexibilité

Débit > 50 m3/h 1

Total > 1000 h/an 0


Durée du service
Continu > 4 h 0

Niveau de bruit maximum < 45 dB à 1 m 0

Vitesse maximum de l’air < 1 m/s à 1 m 1

Tableau 4.1. Exemple d’expression fonctionnelle d’un besoinError! Bookmark not


defined.

Le formalisme utilisé ci-dessus est celui du cahier des charges


fonctionnel tel que défini dans les normes AFNOR X 40-140 et suivantes.
Les chiffres figurant dans la colonne flexibilité notent le caractère plus ou
moins négociable du niveau de performance affiché (0 = non négociable,
1 négociable).
98 La conception industrielle de produits 2

La question de l’intégration du besoinError! Bookmark not defined. en


conception traitée, il convient maintenant de s’intéresser à cette autre
variable de l’estimation technico-économique qu’est le coûtError!
Bookmark not defined..

4.2.3. Intégration de l’estimation du coût dans la conception

Les modalités de l’intégration du coût dans l’activité de conception


diffèrent sensiblement de celles relatives au besoinError! Bookmark not
defined.. Pour bien le comprendre, il faut, au préalable, revenir sur la
conception.

4.2.3.1. La conceptionError! Bookmark not defined., séquence et cycle


Le chapitre 6 de cet ouvrage présente en détail les modélisations du
processus de conception ; Dans ce chapitre, nous ne considèrerons deux vues
complémentaires du processus de conception, à savoir :
– une vue linéaire pour laquelle concevoir c’est développer linéairement
un produit, de sorte de passer de l’idée au prototype, voire au produit
industrialisé [PAH 07] ;
– une vue itérative, pour laquelle concevoir, c’est ajuster en permanence
ses objectifs, ses hypothèses ou conjectures de conception aux résultats
obtenus [SIM 97].

Dans le premier cas, le cycle de conception est défini comme une


séquence faisant se succéder des étapes généralement qualifiées de
conception conceptuelle (conceptual design), globale (embodiment
design) et détaillée (detailed design) [PAH 07]. Dans le second, à mesure
qu’il déroule son activité, le concepteur itère entre ce qu’il pense être
désiré (ses conjectures) et ce qui peut être réalisé (les solutions). En
multipliant ces itérations, il réduit les incertitudes liées au produit
[MIC 03] et précise les données relatives au produit. Ses objectifs de
marché, ses fonctionnalités, son utilisabilité, sa fabricabilité, sa valeur,
son coût, etc., vont progressivement se préciser.

La prise en compte de ces deux vues complémentaires, linéaire et


itérative, du cycle de conception a une conséquence importante pour
notre objet. Selon les étapes de la séquence de conception et les moments
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.99

de l’itération de conception, il n’est ni pertinent, ni même possible,


d’utiliser la même approche ou méthode d’estimation du coût. Pour le
dire autrement, estimer le coût en conception suppose de combiner
différentes approches et méthodes dont la pertinence et la qualité
dépendent de l’état d’avancement (synonymes : degré de maturité, de
concrétisation, de développement, etc.) de la conception du produit
[GRA 96].

4.2.3.2. A chaque moment, sa méthode


La figure 4.5 vise à clarifier les choses. Son cône central illustre l’idée
que plus le produit est défini, plus on a de certitudes concernant ses
caractéristiques techniques, économiques, mais aussi sur ses conditions
de production, de distribution, etc. Cette figure montre aussi la distance
cognitive qui sépare le monde du concepteur de celui du fabricant ou du
contrôleur de gestion, producteur de la donnée de coût. Le concepteur
peut fort bien mener son activité en s’appuyant sur un modèle de produit
mal défini, par exemple le modèle fonctionnel décrit en section 4.2.2. Or,
avec de telles données, le fabricant ne peut savoir comment réaliser le
produit, avec quelles ressources, et le contrôleur de gestion ne peut tout
simplement pas produire un coût ! Il leur faut avoir le détail du produit
pour agir, ce qui suppose le déroulement quasi-complet de la séquence
de conception. C’est donc dans les phases de conception amont que
l’estimation technico-économique est la plus difficile à réaliser. Au
contraire, dans les phases finales, le concepteur dispose déjà de beaucoup
de données concernant le produit, le prix d’achat de certains de ses
composants, dont les matériaux requis, les gammes opératoires, etc., si
bien que l’estimation du coût pose moins de problème.

Étape Conception Conception


conceptuelle globale détaillée

Démarrage Lancement
projet du produit

Développement du Conception au niveau validations et Conception de Préparation de


concept système affinement détail la production
100 La conception industrielle de produits 2

Figure 4.5. Enveloppe de la séquence de conception

La distance cognitive qui existe entre les univers du concepteur de


produit, du fabricant et du contrôleur de gestion ne poserait pas de
problème en soi, si ce n’est que le besoinError! Bookmark not defined.
grandissant de minimiser les risques liés à la conception du produit et de
bien justifier les choix de conception oblige à rapprocher les points de vue
et à remonter des informations industrielles et économiques fiables au plus
tôt. Aussi, dans le courant des années quatre-vingt dix, de multiples
travaux initiés dans des secteurs d’activité aux prises avec une conception
coûteuse et complexe (aéronautique, automobile, électronique, etc.) ont été
à l’origine du développement de plusieurs approches et méthodes
d’estimation des coûts en conception [ANG 06, NAS 99]. Ces travaux se
sont diffusés, si bien qu’existe aujourd’hui une large palette d’outils et
d’applications liés au chiffrage. Pour se repérer, il est possible de les
classer selon une typologie distinguant les méthodes « génératives » des
méthodes « adaptatives » [CAM 04]. Les premières exploitent l’hypothèse
de continuité et prennent en compte des informations du passé pour estimer
le coûtError! Bookmark not defined. du produit faisant l’objet de la
conception courante. Les secondes, non. Par contre, ces dernières reposent
sur une architecture et un détail des composants du produit prédéfinis. Il
faut ajouter que, dans le cas des approches génératives, l’association entre
le produit courant et les produits référents repose sur des considérations
subjectives, propres aux experts.

Le détail des différentes méthodes d’estimation des coûts sera donné


ultérieurement. A ce stade du chapitre, nous pouvons simplement poser les
définitions suivantes, qui facilitent la compréhension de la figure 4.6.

Coût analogique : estimation du coûtError! Bookmark not defined. du


produit en cours de conception d’après les estimations de coûts, jugées
fiables, de produits proches.

Coût paramétrique : estimation du coûtError! Bookmark not defined.


du produit d’après des inducteurs, c'est-à-dire des caractéristiques
techniques dont la variation de valeur conduit à une variation significative
du niveau du coût.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.101

Coût détaillé (synonyme : analytique) : estimation du coût du produit


d’après les coûts unitaires de chacun de ses composants détaillés,
éventuellement déjà disponibles sur catalogue, et des processus industriels
liés au produit (assemblage, logistique, contrôle, etc.).

Ces trois types de modalités d’estimation du coût peuvent être réunis au


sein d’un même tableau (tableau 4.2). La connaissance détaillée du produit
allant croissant, ils n’apparaissent pas au même moment de la séquence de
conception, comme le montre la figure 4.6. Ceci explique l’impossibilité
d’utiliser une seule modalité tout au long du cycle de conception du
produit. Cet aspect est représenté dans la figure 4.6 par les courbes
« possibilité d’utilisations des approches adaptatives ou génératives ».
Ainsi, par exemple, les informations sur les caractéristiques du produit, son
environnement de fabrication ou sa gamme opératoire ne sont pas
disponibles dés le début du projet de conception. Ce qui signifie que pour
aborder une estimation en phase conceptuelle, les seules informations
disponibles sont celles provenant des données historiques des produits ou
projets comparables avec le nouveau. Pour cette raison l’utilisation des
approches génératives, notamment la méthode analytique est limitée, en
revanche à ce stade, l’usage d’une approche adaptative, méthode
paramétrique ou analogique, peut permettre d’avoir une première
estimation économique, avec un degré de précision suffisant pour la prise
de décision du concepteur.
102 La conception industrielle de produits 2

Méthodes Approche Outils

Consultation d’experts émettant un jugement

Explicitation du jugement de l’expert à partir de raisonnement à


analogique
base de cas (CBR, Case Based Reasoning) ou de développement
d’un système basé sur les connaissances (KBS, Knowledge
Based System)
adaptatives
Barèmes (méthode utilisée en BTP, bâtiment travaux publics)

Ordre de grandeur
paramétrique

Fonction d’estimation de coût (FEC) (CER, Cost Estimation


Relationship)

Décomposition modulaire (WBS, Work Breakdown Structure) et


génératives analytique estimation de chaque module

Coûts basés sur les activités (ABC, Activity Based Costing)

Tableau 4.2. Typologie des méthodes d’estimation du coûtError! Bookmark not


defined. en conception de produit

Étape Conception Conception


conceptuelle globale détaillée
Coûts du futur
s
produit non o n de
tilis ati
définis
ib ilit é d’ u p tatives
Poss a
nouveau produit

ad
c hes des
app ro io n
Données

lisat
historiques

’uti ératives
Données

é d
lit s gén
s ibi
Pos pro che
ap

Développement du Conception au niveau validation et Conception de Préparation de


concept système affinement détail la production
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.103

Figure 4.6. Pertinence des familles d’estimation selon la phase


du cycle de conception

4.3. Méthodes d’estimation du coût en conception de produit

La première concerne la délimitation du périmètre de validité de


l’estimation du coûtError! Bookmark not defined.. Quelle que soit la
modalité retenue pour chiffrer le produit (coût analogique, paramétrique,
détaillé), se pose toujours la question de savoir quel coût le concepteur
estime et gère. S’agit-il du coût de la conception, de la production du
produit réalisé en fin de conception, de sa distribution, de sa possession,
de son cycle de vie complet ? Ou, pour le dire autrement, à quel système
de coût fait référence le concepteur lorsqu’il chiffre le produit dont il
assure le développement?

La seconde considération concerne l’identification des facteurs qui


influencent et expliquent le coût du produit, ou inducteurs de coûts
(cost drivers). Identifier les inducteurs de coût est une question centrale,
qui repose encore largement sur des jugements d’experts et qui, de ce
fait, est l’un des points obscurs de l’art du chiffrage. Une fois ces deux
considérations traitées, nous exposerons les fondamentaux des méthodes
d’estimation évoquées dans la section précédente. Ensuite, une démarche
pour développer une fonction d’estimation du coût (FEC) (Cost
Estimation Relationship, CER) sera présentée. Pour finir, un exemple
d’application lié à l’industrie textile sera traité et discuté [CAM 04].

4.3.1. Quel système de coûtError! Bookmark not defined. à la base du


chiffrage ?

Nous avons vu que le producteur de la donnée de coût est le contrôleur


de gestion. Le concepteur n’en est que l’utilisateur. Pour bien
comprendre la donnée qu’il manipule, il lui faut savoir à partir de quel
système de coût le contrôleur de gestion produit son information. Pour
faire simple, il est possible de distinguer deux approches croisées :
– la première utilise comme critère discriminant le caractère complet
du coûtError! Bookmark not defined. (full cost) ou non (direct cost)
104 La conception industrielle de produits 2

[BOU 06]. Dans le premier cas, le coût est partagé entre coût direct et
coût indirect ;
– la seconde, qui ne s’applique en fait qu’au sous-ensemble des coûts
directs discrimine les coûts selon leur caractère, fixe ou variable. Les
coûts variables sont ceux qui évoluent en fonction du nombre d’éléments
produits, comme les coûts matières ou la main-d’œuvre. Le terme de
récurrents est parfois utilisé. Les coûts fixes, ou non récurrents, comme
par exemples les frais d’études, sont indépendants du nombre de pièces
produites.

En juxtaposant ces deux critères, il est possible de distinguer quatre


catégories de coûtError! Bookmark not defined., comme le montre le
cadre au premier plan sur la figure 4.7. Ces catégories sont indépendantes
du temps. Or, nous avons vu que tout produit a un cycle de vie. Il est
utile, pour le concepteur, de disposer d’un système de coût dynamique,
couvrant l’ensemble du cycle, de façon à pouvoir estimer et gérer le coût
global. En tenant compte du temps, il est donc possible de démarquer les
systèmes de coût statiques, dominants dans la pratique industrielle
[GRA 96], qui ne prennent en compte que les coûts de production, du
système du coût global
(figure 4.7), seul à même de prendre en compte tout ou partie du cycle de
vie du produit.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.105

Direct Indirect

Variable

Coût partiel
Direct Indirect

Variable Fixe

Coût partiel
Fixe Coût complet Coût
global

Coût complet
Coût Cycle de vie
statique

Figure 4.7. Typologie des systèmes de coûts

4.3.1.1. Le chiffrage à l’aide du coût complet


Dans le système du coûtError! Bookmark not defined. complet, les
coûts sont classés par rapport à la traçabilité des dépenses faites par les
unités opérationnelles d’une entreprise, appelées centres d’analyse. Un
système de coût complet de qualité permet d’estimer sans erreur le
résultat comptable de l’entreprise. Or, ce critère n’a pas de sens pour le
concepteur, qui désire des coûts qui peuvent être facilement couplés à son
modèle de produit et bien intégrés de ce fait dans son activité. De plus,
les coûts, selon qu’ils sont directs ou indirects, n’ont pas la même facilité
d’emploi pour lui. Les coûts directs peuvent être alloués directement par
unité d’œuvre, c’est-à-dire sur une base d’allocation connue comme la
consommation d’énergie par kg, la durée de l’opération de fabrication,
etc. Certaines de ces unités peuvent correspondre aux caractéristiques de
performances techniques du produit, si bien que le passage de la
conception à l’estimation peut se faire sans difficulté, et dans les deux
sens [MIC 03]. Par contre, le traitement des coûts indirects pose un
redoutable problème. Le concepteur ne peut pas remonter à la définition
des clés de répartition, si bien qu’il ne peut émettre de jugement sur la
qualité de la donnée de coût utilisée. De plus, l’étude de rentabilité du
106 La conception industrielle de produits 2

projet peut être faussée, du fait de l’inégale contribution des produits à la


couverture des frais fixes communs.

Etant donnée la variété des systèmes de coûts, même en se cantonnant


aux seuls types statiques, il convient, pour le concepteur, de bien
délimiter le domaine dans lequel il souhaite inscrire son chiffrage. Vise-
t-il l’obtention d’une bonne causalité (le choix du coûtError! Bookmark
not defined. direct s’impose alors) ou de l’exhaustivité (le choix du coût
complet devient pertinent) ? Raisonne-t-il sur un horizon court (coût
statique, direct ou complet) ou profond (coût global) ?

Pour illustrer ces deux questions, la figure 4.8 montre, dans le cas du
système du coût complet statique, l’ensemble de charges qui peuvent être
incluses dans le chiffrage mené par le concepteur [CAM 04]. Une étude
menée dans le secteur du textile montre que le concepteur ne prend en
compte que les charges correspondant à des éléments sur lesquels il pense
le plus facilement agir [CAM 04]. Dans la figure suivante ces éléments
sont représentés par les trois premiers blocs : matières premières et
composants (de quoi est composé le produit ?), coût de revient atelier
(comment est-il fabriqué ?) et frais indirects de fabrication (quels sont les
effets du nouveau produit sur le procédé et le process, donc sur les coûts
des fonctions supports : maintenance, par exemple).

C oût de matière
directe +
composants

Main d’œuv re directe+


C oût de frais de fabrication + Amortissements
V alidité de revient loy er industriel +
l’estimation atelier amortissement
C oût total

R &D + F rais de
C oût de développement produit +
revient frais indirects de
Industriel fabrication

F rais commerciaux + Frais généraux au


F rais frais generaux à
généraux niveau de l’entreprise niveau de l’entreprise

Figure 4.8. Différents périmètres d’estimation en conception


Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.107

4.3.1.2. Le chiffrage à l’aide du coûtError! Bookmark not defined. direct


Le système du coût direct (partiel) repose sur la simplicité de l’analyse
causale. En rattachant les charges directement à la description et au
dimensionnement du produit et en connaissant les liens entre performances
du produit et sa description et son dimensionnement, il apparaît qu’il est a
priori aisé d’aller des performances techniques à son coût, et
réciproquement, pour un concept de solution donné. Le système de coût
direct se complique lorsqu’on distingue les coûts variables des coûts fixes.
Les premiers varient avec l’échelle de production, de façon linéaire ou par
sauts (coûts semi-variables), alors que les seconds sont supposés constants.
Une fonction d’estimation du coût (FEC) renvoyant au système du coût
partiel se présente toujours sous la même forme. Pour calculer le coût total
unitaire d’un produit i, il suffit de faire l’addition des coûts fixes (Cf), et des
coûts variables (Cv). Ainsi :

Coût_unitaire(i) =
1
ni
[
C v (n i ) + ∑ C f (n i ) ] (4.1)

Avec : ni la quantité d’unités produites.

Le calcul du coûtError! Bookmark not defined. variable Cv de i est


effectué en distribuant les coûts fixes comme un index multiplicateur en
fonction de la consommation de main-d’œuvre, matière première ou temps
d’utilisation des machines concernées, par exemple.

L’une des causes de l’utilisation massive du coût partiel dans le monde


industriel est sa supposée facilité d’application. Répétons-le, le coût dépend
directement de facteurs identifiables et, croit-on, aisément contrôlables et
gérables en conception. De plus, la distinction entre partie fixe et partie
variable du coût permet d’introduire le concept de marge sur coût variable.
Celle-ci est définie comme le solde entre les recettes totales résultant de la
vente d’un volume de produits donné et la somme des frais variables
nécessaires à l’obtention et à la distribution de ce volume. De la sorte, il est
possible de passer du coût du produit à sa profitabilité [JAC 96], et de
faciliter le dialogue entre le concepteur (focalisé sur le coût du produit) et
l’homme de marketing ou le financier (intéressés par la marge qu’il dégage,
donc par la rentabilité qu’il génère).

Comme dans la plupart des méthodes comptables, le système du coût


variable cache des pièges redoutables. L’un d’entre eux tient au fait que
108 La conception industrielle de produits 2

toutes les charges variables ne sont pas en relation linéaire avec le volume de
production. Du fait de l’existence d’un effet d’échelle sur la variation de
certains rendements, les coûts variables unitaires peuvent être décroissants,
constants ou croissants. Dans certaines plages, la fonction de coût peut
même présenter des sauts significatifs (effets de seuils). Tout ceci ne remet
pas en cause la pertinence du coût partiel pour un diagnostic de coût des
produits passés. Par contre, pour ce qui concerne l’estimation du produit à
venir, il est nécessaire de connaître le type de variation de chaque composant
(étude de sensibilité) du coût variable, afin de valider la qualité du chiffrage
réalisé.

Les différents types de coûts présentés précédemment n’intègrent pas une


variable importante en conception, à savoir le temps. Cette typologie est
statique. Or, comme nous l’avons vu dans le cas de l’analyse du besoin, le
produit passe par différentes étapes d’usage et connaît un cycle de vie. Il
convient donc d’estimer le coût sur cette durée, d’actualiser les coûts selon
les phases du cycle de vie considérées, et de raisonner ainsi en coût global
(life cycle cost). Le tableau 4.3 donne un exemple d’un tel cycle. Outre le
choix du taux d’actualisation, la difficulté de la démarche tient au fait que les
trois premières étapes relèvent de l’entreprise en charge de la conception du
produit, alors que les autres (coût opérationnel et coût d’élimination finale)
sont du domaine de l’utilisateur (coût de possession, Item Owner Cost) dans
le cas classique de la vente du produit physique au client. Ceci signifie que
plus on s’éloigne de la conception, donc des phases amont du cycle de vie du
produit, plus les conditions d’usage relatives aux clients potentiels
deviennent floues et plus l’estimation du coût global est incertaine.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.109

Coût global : coûtError! Bookmark not defined. de…

… recherche et … …récupération
… production …distribution
développement possession et d’élimination

Coût de recherche- Coût de Coût Coût Coût de


développement, d’études production, des d’emballage, d’usage, démontage, de
de marché, de fonctions de stockage, d’entretien, récupération,
conception, des essais, supports (qualité, de transport, de d’élimination,
d’industrialisation, de maintenance du de maintenance, etc.
documentation système de distribution, de
technique, etc. production), etc. etc. rénovation,
etc.

Incertitude : - +

Tableau 4.3. Cycle de vie d’un produit et coûtError! Bookmark not defined. global

Une fois le système de coûtError! Bookmark not defined. défini, le


concepteur doit s’engager dans une activité fastidieuse, qui consiste à
déterminer quelles sont les données que l’estimation doit fournir.

4.3.2. Le chiffrage, quelles données ? Quels inducteurs ?

4.3.2.1. L’identification des inducteurs


Pour ce faire, sont à la fois requis l’avis d’experts en chiffrage et la
collecte et l’analyse de données statistiques historiques. Cette collecte est
lourde, bien évidemment. Pour compenser ce désagrément, on sait que la
fiabilité de l’estimation obtenue s’améliore en fonction du volume de
données de base. Toutefois, la donnée n’est pas tout. Il convient identifier les
inducteurs de coûtError! Bookmark not defined. dont deux types peuvent
être définis utilement :
– les inducteurs quantifiables, qui peuvent être exprimés comme une
valeur précise : la masse, le nombre de pièces, le nombre de couleurs, etc.,
– les inducteurs subjectifs (qualifiables), définis sur l’échelle de valeurs
d’un expert. Il peut s’agir du degré de complexité de fabrication, de la
qualité perçue du produit, etc.
110 La conception industrielle de produits 2

Ce dernier type s’intègre difficilement dans les modèles d’estimation.


C’est tout particulièrement le cas pour l’aspect esthétique d’un produit. Les
descriptions sont faites à l’aide de labels linguistiques parfois ambigus ou
n’ayant aucun lien avec le processus de production, donc avec les ressources
consommées pour fabriquer le produit, donc avec le coûtError! Bookmark
not defined.. De plus, les échelles de valeur ne sont pas clairement définies.

Dans tous les cas, l’expérience montre qu’il existe des interrelations très
fortes entre inducteurs de coûtError! Bookmark not defined., qu’ils soient
purement quantifiables, subjectifs ou mixant les deux [CAM 04]. Par
exemple, un choix de conception portant sur l’épaisseur du produit peut
baisser le coût d’obtention de cette qualité, mais en augmenter un autre, lié
par exemple à son usage ou à sa maintenance, si cet amincissement impose
des précautions d’usage ou une fiabilité moindre. Il revient alors au
concepteur de procéder à un arbitrage (trade off) entre inducteurs. Un autre
cas, tout aussi classique peut se présenter. Le choix d’une matière peu
coûteuse peut entraîner des opérations de fabrication supplémentaires ou
plus complexes, ce qui augmente d’autant les coûts de fabrication.

Pour traiter de la difficile question de l’interrelation entre inducteurs, il


est possible de reprendre les conclusions d’une étude réalisée par Weustink à
la fin des années quatre-vingt dix [WEU 00]. Celui-ci conclut que les coûts
engagés durant la phase de conception d’un produit sont définis, dans la
plupart de secteurs d’activité, par les paramètres mutuellement corrélés
suivants : la géométrie, la matière première (poids, épaisseur) et le processus
de production (manuels, automatisés). Ainsi, la géométrie inclut la forme, les
dimensions et la qualité (précision). Elle définit en même temps la quantité
de matière requise, donc les procédés nécessaires. De même, les ressources
nécessaires pour réaliser les processus de production, qui sont choisies en
fonction de leurs capacités et des restrictions techniques (la puissance de la
machine, la précision, la taille maximale de chaque pièce, etc.), peuvent
aussi devenir des inducteurs prédominants lorsque l’on dispose de ces
informations. Au final, l’identification des interrelations et des prédominances
permet de réduire le nombre d’inducteurs pris en compte par le concepteur,
ce qui facilite le chiffrage.

A titre d’exemple, dans [ANG 06A], Angéniol propose une typologie de


quarante inducteurs de coûtError! Bookmark not defined. variable relatifs
aux pièces de structure de l’aéronautique. Ce véritable glossaire permet de
documenter des opportunités de réduction de coût que peut avoir le
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.111

concepteur en cours d’activité. Avec ce type de glossaire, l’auteur montre


bien qu’il ne suffit pas d’identifier et de nommer les inducteurs de coût pour
ajuster les coûts en conception. Le concepteur doit alors raisonner sur un
triptyque liant le coût comme variable à gérer, les inducteurs qui l’explique
et les opportunités de réduction essayées dans le passé.

4.3.2.2. Un exemple d’identification d’inducteurs


Afin de rendre l’exercice de chiffrage plus concret, nous allons
maintenant montrer comment il est possible d’identifier des inducteurs, et ce,
en nous appuyant sur un exemple relatif à l’industrie textile [CAM 04].

Tout d’abord, pour procéder au chiffrage courant, nous avons vu qu’il


faut combiner jugements d’experts et analyse de données statistiques
historiques. Quelle que soit la source choisie, ces données sont variées et
hétérogènes. Elles sont économiques et concernent par exemple le contexte
de l’activité industrielle : prix de matières premières dont les cours sont
volatils, coûtError! Bookmark not defined. des équipements, salaires, etc.
Elles concernent aussi les spécifications du produit, telles que les matières
requises, les dimensions, la gamme, les qualités attendues, etc. Enfin, tous
les paramètres de fabrication, comme la capacité de fabrication, le taux de
rebuts, les temps standards, etc., peuvent être utiles. Eu égard à une telle
variété, il faut assurer la cohérence des informations récoltées. Avant
d’initier l’analyse, il convient en outre d’ajuster les données en tenant
compte d’hypothèses liées à la fois au contexte monétaire – puisque
l’inflation ou les taux de change modifient le niveau des achats, donc du coût
– et au contexte technologique, puisque l’échelle de production du produit
est cumulée sur plusieurs périodes. Une fois ces préalables accomplis, une
analyse statistique peut être réalisée, qui vise à :
– identifier les inducteurs,
– visualiser et vérifier la présence de données aberrantes, de
comportements singuliers, ou de groupes d’inducteurs qui méritent une
analyse particulière,
– vérifier le sens d’influence des inducteurs faisant partie de la base,
– identifier les inducteurs redondants. Ce qui permet une première
simplification,
– réduire le nombre d’entrées du modèle, de sorte à procéder à une
seconde simplification.
112 La conception industrielle de produits 2

Pour mener à bien cette démarche, diverses techniques statistiques


peuvent être utilisées, depuis les matrices de corrélation jusqu’à la
classification ascendante hiérarchique [CAM 04] en passant par l’analyse
en composantes principales (ACP), sachant que cette dernière est la plus
utilisée.

L'analyse en composantes principales (ACP) est une méthode


statistique (initialement de statistique descriptive) qui a pour but de
comprendre et de visualiser comment les effets de phénomènes a priori
isolés se combinent. Dans notre cas particulier cette visualisation permet
d’identifier la combinaison des variables explicatives de conception
(inducteurs de coûts) et la variable expliquée (coûtError! Bookmark not
defined.).

La procédure multivariée de l’ACP permet de faire une rotation des


données de telle façon que les variations soient projetées sur des plans
(composantes ou axes factoriels) délimités par un cercle de corrélation,
comme le montre la figure 4.9. On regarde ensuite, pour chaque
composante, quelles sont les variables qui se suivent ou qui s'opposent.
Plus une variable a d'importance, plus elle sera proche du cercle. La
corrélation est manifestée par la position des variables par rapport à la
variable expliquée.

Ainsi, pour les variables positionnées autour du coûtError!


Bookmark not defined. dans le même quadrant de la figure, nous
pouvons dire qu’elles sont positivement corrélées avec le coût. A
l’inverse, celles situées à l’opposée de la figure seront négativement
corrélées. Ces variables sont considérées comme des combinaisons
linéaires des variables originales, c'est-à-dire, pour ce qui nous concerne,
des inducteurs de coût. Enfin, afin de faciliter l’analyse, les variables
jugées les moins explicatives pourront être supprimées sans perte
significative d’information. L’ACP permet de réduire la dimension de la
base de données, tout en gardant un niveau d’information jugé
satisfaisant. En effet, les deux premières composantes expliquent la plus
grande partie de la variation.

A titre d’exemple, nous pouvons nous placer dans le cas d’un projet de
conception d’un nouveau textile. Nous allons traiter des informations
provenant d’une entreprise fabricant des tissus 100 % laine et mélanges
avec polyester, pour la ligne de fabrication de fonds unis. La base de
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.113

données est composée de vingt-neuf observations et de huit variables


explicatives (inducteurs potentiels), le coûtError! Bookmark not
defined. unitaire étant la variable expliquée. L’ACP donne un plan
factoriel (composante) avec une représentation de 46 % d’inertie sur les
deux premiers axes factoriels (figure 4.9), et ce pour les variables
explicatives suivantes :
– taille du lot (m),
– Nm (numéro métrique) de la trame (TexT),
– Nm (numéro métrique) de la chaîne (TexC),
– % polyester,
– % laine,
– masse surfacique (g /m2),
– RtT : réduction en trame (fils/cm),
– RcT : réduction en chaîne.

Variables (axes F1 et F2 : 56,21 %) Variables (axes F1 et F3 : 50,36 %)

1
1
Nm_Trame R cT M ass_S

0,5
0,5 C o ût_ U

C o ût _ U T aille_lo t
R tT %Po ly
%Laine R tT
N m_Trame
0 0 R cT
M ass_S Nm_chaine

%Po ly %Laine
Nm _chaine Taille_lo t
-0,5 -0,5

-1 -1
-1 -0,5 0 0,5 1 -1 -0,5 0 0,5 1
-- a xe F 1 (3 4 ,9 8 %) - -> - - a xe F 1 ( 3 4 , 9 8 %) -- >

Axes F1 et F2 Axes F1 et F3

Figure 4.9. Cercles de corrélation entre variables

La figure 4.9 nous montre la corrélation entre la variable objet


d’analyse et les inducteurs potentiels. Ainsi, par exemple, à première vue
le pourcentage de laine semble l’inducteur le plus corrélé (positivement)
114 La conception industrielle de produits 2

avec le coûtError! Bookmark not defined., la réduction en trame (RtT)


le plus corrélé (négativement) et la masse surfacique l’inducteur le moins
influent.

Idéalement, les deux premiers axes factoriels des variables


correspondent à un pourcentage élevé de la variabilité sur le total du
100 %, si bien que la représentation sur les deux premiers axes factoriels
est de bonne qualité.

Dans notre exemple, cela n'est pas tout à fait le cas puisque nous
n’avons la représentation que de 46 % de l’inertie. D’où la nécessité de
valider les hypothèses formulées par l'utilisation des graphiques sur les
facteurs F1 et F2 d'une part, F1 et F3 d'autre part. Cette dernière analyse
nous permet de dresser quelques constats intéressants.

Tout d’abord, la complémentarité des variables % laine et % polyester


se vérifie dans la figure 4.9. Ces deux variables représentent la
composition de la matière en mélange laine-polyester et l’un des deux
paramètres est simplement le complément de l’autre, d’où leur opposition
radiale sur les deux graphes. Nous pouvons supprimer par exemple la
variable % polyester. Ensuite, l’influence de la masse surfacique n’est
pas très interprétable sur la figure 4.9. Les variables RcT, RtT, Nm_trame
(texT) et Nm_chaine (texC) sont corrélées, et ce, au travers de
l’expression analytique suivante, tirée des règles de l’art du tisserand :

M= 1
1000
[RcT.TexC(1 + e) + RtT.TexT(1 + r)] (4.2)

Avec :
– e, embuvage (raccourcissement des fils de la chaîne),
– r, retrait (raccourcissement de la trame sortie du métier à tisser).

Après avoir fait une modification de la base de données, une deuxième


ACP permet de constater une augmentation de l’inertie expliquée
(figure 4.10). L’inertie des deux premiers axes (68,81 %) se trouve
renforcée. Ce qui permet d’induire une interférence des variables
supprimées.

Nous pouvons aussi confirmer la proportionnalité entre les autres


variables. Ce qui signifie que les modifications réalisées sur la base de
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.115

données n’ont pas modifié le sens d’influence et la représentativité des


paramètres.

Enfin, il est possible de représenter sur le plan factoriel les individus


(ici, les textiles déjà réalisés) qui présentent des similitudes très fortes ou
le contraire, à savoir les textiles qui n’ont pas de similitude avec
l’ensemble de la base (figure 4.11).

Une fois les inducteurs identifiés et validés, il devient possible, pour


le concepteur, de les utiliser pour mener son chiffrage, comme nous
allons le voir maintenant.
La représentation des individus (textiles) nous permet d’identifier des
groupes avec des caractéristiques similaires (classes de produits
similaires) ou, au contraire, des individus trop différents de l’ensemble,
dont les caractéristiques aberrantes doivent être étudiées avant de prendre
l’éventuelle décision de les écarter de la base des données.

Variables (axes F1 et F2 : 6 2,81 %) Variable s (axes F1 et F3 : 5 2,02 %)

1 1
Nm_Tr ame Taille_lo t

RcT

0,5 0,5
C o ût _ U

%Laine T ail le_lo t


C o ût _ U
0 RtT 0
%Lai ne
RtT
Nm_chaine Nm_Tram e
RcT
Nm_ chaine
-0,5 -0,5

-1 -1
-1 -0,5 0 0,5 1 -1 -0 ,5 0 0,5 1
- - a xe F 1 ( 3 6 , 46 %) -- > - - a xe F 1 ( 3 6 ,4 6 %) - - >

Figure 4.10. Cercles de corrélationError! Bookmark not defined. après


modification de la base
116 La conception industrielle de produits 2

Individus (ax e s F1 e t F2 : 6 2,81 %) Individus (ax e s F1 e t F3 : 5 2,02 %)

4 4

3 3

Ind10
2 2 In d2 0 Ind1
In d7
Ind19
Ind6 Ind24
Ind2 Ind 10 Ind 18
Ind 9
1 25
Ind 4
3 1 Ind2 4
Ind 26 Ind8
Ind 5 d2Ind1
In d139 Ind15
Ind27
Ind1 1 d228
In d1 3
Ind 25 Ind11
Ind27
0 Ind2 0 0
Ind17 Ind5 4
Ind 26 In d23
Ind14
Ind 19 Ind
Ind21
16 In d1In
4 d13
d2 9 Ind12
Ind28
-1 Ind2 2 -1 Ind6 Ind8
Ind 22
Ind17
Ind18 Ind7 Ind 9

-2 Ind16 -2

-3 In d2 1 In d2 3 -3
Ind15

-4 -4
-4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4
- - a xe F 1 ( 3 6 ,4 6 % ) - - > - - a x e F 1 ( 3 6 ,4 6 % ) - - >

Axes F1 et F2 Axes F1 et F3

Figure 4.11. Représentation des données sur les axes factoriels

4.3.3. Un coûtError! Bookmark not defined., plusieurs approches

Dans cette section nous allons présenter les différentes méthodes


d’estimation déjà énumérées en 4.2.3.1. Nous préciserons leur domaine
d’applicabilité, puis leurs avantages et inconvénients.

4.3.3.1. L’approche analytique


Nous avons vu que la méthode analytique repose sur la décomposition
détaillée du produit et de l’ensemble de ses tâches de fabrication (gamme de
fabrication). De ce fait, cette méthode est utilisable :
– en conception routinière, comme dans certains cas de construction de
bâtiments ou d’ouvrages d’art standard,
– en phase de conception aval, lorsque le concepteur dispose de dessins
de réalisation, du planning du processus de production, de la gamme
opératoire de production, etc.,
– dans le cas d’un produit modulaire totalement « découplé » [SUH 90].

Pour comprendre ces trois conditions, il faut d’abord savoir que pour
mener à bien une estimation analytique, il importe de réaliser l’organigramme
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.117

technique des tâches, c'est-à-dire de décomposer l’architecture du produit


et le projet en tâches primaires, jusqu’à leur degré de détail le plus fin, en
blocs, ou Work Breakdown Structure (WBS). Cet organigramme
s’apparente à un arbre représentant la description technique des ressources
(machines, hommes, etc.) et des services nécessaires pour accomplir une
gamme de fabrication particulière. Les coûts sont calculés
individuellement, à partir des éléments les plus bas de l’arbre, puis
additionnés au fur et à mesure qu’on remonte dans l’arbre, jusqu’à
atteindre l’élément du plus haut, niveau correspondant au coûtError!
Bookmark not defined. total du produit. On le voit, cette méthode n’a de
sens que dans le cas de la conception d’un produit modulaire dont les
composantes sont déjà bien connues.

La méthode ABC (Activity Based Costing) dérive pour partie de la


méthode analytique, sauf que l’architecture du produit et de l’entreprise se
complexifie un peu. Pour l’ABC, chaque composant de base est une
activité qui consomme des ressources selon une loi donnée et génère ainsi
un coûtError! Bookmark not defined. direct [BOU 06] (figure 4.12). De
ce fait, l’ABC :
– distingue les inducteurs de coûtError! Bookmark not defined. et
leurs lois de variation selon l’activité visée ;
– identifie les impacts du choix de conception sur l’ensemble des coûts
indirects, puisque les relations causales entre activités sont censées être
plus simples que le tableau de répartition du coûtError! Bookmark not
defined. complet ;
– encourage la standardisation des composants, puisqu’elle met en
garde contre l’hétérogénéité des lois de consommation des ressources par
les produits ;
– renvoie à un type d’architecture bien connue du concepteur, si bien
qu’elle est, pour lui, plus ergonomique, plus facile d’accès et
d’appropriation que le coûtError! Bookmark not defined. complet
[TOR 02].

Bien évidemment, l’ABC présente des inconvénients significatifs. Outre


le coûtError! Bookmark not defined. élevé de sa mise en œuvre, elle ne
permet pas de reconstituer le coût global, puisque celui-ci concerne des
activités bien différenciées, jalonnées à différents moments du cycle de vie
du produit. De plus, le couplage entre l’arborescence du produit et celle des
activités de l’entreprise est rarement bijectif. L’ABC reste une méthode
118 La conception industrielle de produits 2

comptable, donc reposant sur un modèle d’entreprise, et non sur un modèle


de produit.

Produit/
Service
Total des Coûts
Directs 1
coûts

A2
Produit/
Service
Processus 1
Coûts A3 A1
2
Indirects
A1
Processus 2

A2
A2

Processus 3
A1
Inducteurs
… de
A1
A3 coûts
(cost drivers)
Processus n A2

A3

Figure 4.12. Architecture de type ABC

4.3.3.2. L’approche analogique


Nous avons vu que le principe de l’estimation des coûts par analogie
consiste à prédéterminer le coûtError! Bookmark not defined. d’un
produit par comparaison avec les coûts de produits déjà connus. Cette
approche fait jouer pleinement l’hypothèse de continuité technique et
économique. Par exemple, pour des applications en mécanique, on
suppose que ce principe analogique est applicable à une forme
géométrique ou à une tolérance spécifique [DUV 96]. Il est en effet plus
que probable que le processus de fabrication et son coût soient
équivalents à un facteur d’échelle près.

Les ressemblances entre les caractéristiques du produit à concevoir et


celles des produits référents se traduisent par des degrés de similarité. La
mesure de similarité, qui est au cœur de l’approche analogique, relève le
plus souvent d’un jugement d’expert. Un cas particulier de résolution de
problème par analogie concerne le raisonnement à partir de cas (Case
Based Reasoning, CBR), lequel a été utilisé pour le chiffrage de produits
mécaniques [DUV 96] ou logiciels [IDR 03].
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.119

Les avantages de l’approche analogique sont réels. Le premier d’entre


eux est qu’elle peut être appliquée en conception amont, comme le
montre la figure 4.6. En outre, cette approche adaptative :
– facilite la collecte et l’exploitation rapide de données historiques,
– améliore la cohérence de l’estimation des coûts,
– favorise la codification de l’expertise de chiffrage, notamment pour
expliciter les similarités et réutiliser les inducteurs déjà identifiés et
validés dans des projets de conception passés.

En revanche, ses inconvénients ne sont pas négligeables. L’estimation


analogique est fortement dépendante du jugement de similarité émis par
un expert, donc d’une interprétation du passé. De plus, elle suppose un
effort significatif du codage des caractéristiques des produits. Enfin, elle
présente un réel manque de flexibilité. Celui-ci est exprimé par la
difficulté à l’utiliser en cas de conception d’un produit dont le concept,
les fonctions attendues, l’architecture, voire les composants majeurs,
rompent avec l’existant.

4.3.3.3 L’approche paramétrique


L’estimation paramétrique est fondée sur l’hypothèse de l’influence
des paramètres techniques de conception sur le coûtError! Bookmark
not defined. du produit. Sur cette base, il est possible d’établir une
relation quantifiant cette influence. En choisissant judicieusement les
paramètres, il est possible de calculer le coût probable du produit et de
justifier ce calcul dès les phases amont de la conception, sans avoir
besoinError! Bookmark not defined. de décomposer le produit au
niveau le plus détaillé, comme dans le cas de l’approche analytique.

A ce jour, deux catégories de modèles paramétriques existent :


– les modèles universels, supposés applicables quels que soient les
secteurs et les produits,
– les modèles spécifiques, composés de fonctions d’estimation de
coûtError! Bookmark not defined. (FEC) développées pour un contexte
précis (métier, secteur, produit, etc.) et lui seul.

Dans les deux cas, la base de l’approche paramétrique consiste en des


modèles de régression sur des expériences passées, c'est-à-dire une
équation centrale exprimant le coûtError! Bookmark not defined. en
120 La conception industrielle de produits 2

fonction des inducteurs de coûts, le plus souvent de façon linéaire. Leur


mise au point suppose que la forme de l’équation centrale du modèle soit
connue et que le nombre d’expériences passées soit suffisant.

Les premiers travaux d’estimation paramétrique du coûtError!


Bookmark not defined. datent des années soixante et sont dus à Frank
Freiman. Ses études intersectorielles lui ont permis de trouver des
similitudes dans les démarches des chiffreurs et l’ont amené au
développement d’une théorie générale du coût paramétrique [FRE 76].
En 1976, Freiman a développé un logiciel, connu sous le nom de Price ®.
Cette application repose sur une seule formule : le coût est fonction de la
masse et de la complexité. Selon les secteurs, la forme de la fonction ou
la valeur des paramètres changent. D’ailleurs, et c’est le reproche souvent
fait à cet outil, ces paramètres ne sont pas explicités, ce qui le réduit à
une boîte noire non documentée. De plus, l’étalonnage et le calibrage des
paramètres est long et fastidieux, alors que les résultats obtenus sont
souvent jugés par les utilisateurs comme trop grossiers.

Les modèles paramétriques spécifiques se veulent plus précis. Ils


reposent sur une fonction d’estimation des coûts (FEC), ou expression
mathématique qui décrit le coûtError! Bookmark not defined. comme
une fonction d’un ou plusieurs inducteurs dépendant du secteur, du
métier, de la classe de produit, etc. Contrairement aux modèles du type
universel, les modèles spécifiques sont des combinaisons de FEC
développées à la demande, en fonction du contexte d’utilisation. Le
principal avantage de ces modèles est de réaliser des estimations rapides,
tout en évitant d’avoir un grand volume d’information. Les types de FEC
les plus couramment utilisés sont ceux issus de la régression, obtenus
généralement par la méthode des moindres carrés. Plus récemment, les
techniques du soft computing ont été utilisées pour identifier ou calibrer
la fonction d’estimation de coût. Leur principal avantage est de bien
approcher des fonctions non linéaires et de ne pas présupposer de la
forme de la FEC. En effet, ces techniques modélisent la FEC à l’aide de
la logique floue, des réseaux de neurones [CAM 06], des systèmes à base
de règles, des arbres de décision, etc. [DON 03]. Toutefois, malgré leur
bonne précision et la qualité de leur simulation (une étude de sensibilité
sur le modèle paramétrique obtenu permet d’observer les effets d’une
petite variation des paramètres de conception sur le coût du produit), ces
modèles spécifiques demeurent trop restreints et particuliers. Qui plus
est, contrairement aux modèles universels, leur maintenance et leur mise
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.121

à jour doivent être assurées par le concepteur utilisateur. Ce qui implique


une surcharge de travail non-négligeable.

Les différentes approches du coûtError! Bookmark not defined. en


conception (approches détaillée, analogique, paramétrique) ayant été
présentées, il est possible de montrer maintenant comment construire une
fonction d’estimation du coût (FEC).

4.3.4. Construction d’une fonction d’estimation du coûtError! Bookmark


not defined.Error! Bookmark not defined. (FEC)

4.3.4.1. Démarche générale


La construction d’une fonction d’estimation du coûtError!
Bookmark not defined. doit être accomplie de manière méthodique
[FAR 01, CAM 04, OUL 06a]. Aussi, sa première étape consiste à
élaborer un cahier de charges complet, définissant, entre autres : le cadre
dans lequel s’inscrit cette construction, le système de coût référent, les
utilisateurs et leur domaine d’activité, etc. Une fois cette étape initiale
menée et validée, il est possible de suivre la séquence présentée en figure
4.13. Celle-ci comprend cinq étapes que nous allons détailler et illustrer à
l’aide d’exemples.
122 La conception industrielle de produits 2

Sélection Construction d’une FEC


des inducteurs
Variables d’entrée
Jugement d’experts
Récolte
des données
Données normalisées et classées

Bases de données
Développement
du modèle
Modèles candidats
Techniques de modélisation
Vérification
statistique
Modèle vérifié
Méthodes de vérification
Validation et
mise à jour
Méthodes de mise à jour

Figure 4.13. Construction d’une FEC

La première étape consiste à sélectionner les inducteurs de coûts en


suivant la démarche exposée en 4.3.3. Soulignons encore une fois que le
point critique, lors de cette étape, est la qualité de la collecte de données
et du recueil de jugements d’experts.

Des méthodes formelles ont été proposées pour en assister la


réalisation [NAS 99, RUS 01, FAR 01], mais les résultats d’études de
terrain montrent deux choses : la FEC recherchée traite le plus souvent
d’inducteurs relevant d’un même domaine ou métier, et la source
principale de données demeure les jugements d’experts dudit métier
[CAM 04].

La deuxième étape consiste à récolter les multiples informations


économiques et techniques, puis à analyser les données, de sorte à
développer des FEC pertinentes et exactes. C’est à partir de l’analyse des
variables explicatives, à savoir les inducteurs de coûtError! Bookmark
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.123

not defined., qu’est modélisée soit la variable expliquée, soit le coût


paramétrique.

Cependant, l’intégration des données provenant de diverses sources,


internes et externes à l’entreprise, ne garantit pas la cohérence et la
compréhension de la causalité entre les inducteurs et le coût du produit.
Aussi, pour cette raison, il convient de mener une analyse statistique
systématique du type de celle exposée en 4.3.3.

La troisième étape de la construction de la FEC consiste à développer


le modèle paramétrique. L’enjeu consiste alors à trouver la meilleure
expression du rapport entre les inducteurs et la variable objectif, le
coûtError! Bookmark not defined.. Nous avons vu que, le plus souvent,
les régressions linéaires sont utilisées.

La quatrième étape consiste à vérifier la qualité du modèle


paramétrique proposé. Dans la plupart des études théoriques, la
préoccupation principale des chercheurs est souvent liée à la précision du
modèle paramétrique obtenu.

Cependant, il existe d’autres critères, comme la complexité, la


robustesse, l’amplitude de l’intervalle de confiance, etc., qui peuvent être
mobilisés. Ainsi, si nous disposons de la FEC suivante :
– N, le nombre des observations (i) utilisées pour le développement de
la FEC,
– M, le nombre d’inducteurs indépendants xi,
– P, le nombre de paramètresError! Bookmark not defined. de la
FEC,
– yi, le coûtError! Bookmark not defined. standard observé,
– ŷi, le coûtError! Bookmark not defined. estimé pour l’observation
i,
– ei, l’erreur estimée par la FEC (ei=yi-ŷi).

L’ensemble de ses critères de qualité peut être recensé dans le


tableau 4.4. Plus leur valeur est faible, meilleure est la précision de la
fonction d’estimation du coûtError! Bookmark not defined..

Le choix éventuel d’un seul d’entre eux dépend de plusieurs facteurs,


comme la fiabilité de leur réponse, leur capacité à prendre en compte la
124 La conception industrielle de produits 2

grandeur des observations dans des réponses hétérogènes, à amortir des


points extrêmes, etc. [ARM 01].

La cinquième étape de la construction de la FEC consiste à valider et à


mettre à jour le modèle obtenu. Cette étape, qui peut conduire à réitérer
une nouvelle construction, est importante, au sens où l’estimation
paramétrique présente toujours les mêmes limites, qui sont :
– la dépendance à un jugement d’expert, qui change le plus souvent au
cours du temps,
– l’importance des données historiques pour la valider, alors qu’elles
sont l’expression de problèmes de conception passés, pas toujours ceux
du présent ou, a fortiori, à venir,
– la dépendance aux inducteurs, sachant que rien ne garantit d’obtenir
du premier coup les bons inducteurs, ce qui, compte tenu du temps et de
la charge de travail requise pour développer une FEC, peut, aux yeux du
concepteur, faire perdre en légitimité l’ensemble de l’estimation
paramétrique.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.125

Indicateur de qualité
Formule Avantage
de la FEC

Mesure relative, tenant compte de


∑i =1 ei
n
SNER : Somme Normalisée des la grandeur des observations et

n
Ecarts Résiduels i =1
yˆi comparant l’erreur par rapport à
l’ensemble de la population.

MRE ou APE, valeur absolue de Différence normalisée entre les


yi − yˆ i
l’erreur relative (Magnitude coûts standard observés et le coût
yi
Relative Error) estimé pour un cas particulier.

MMRE ou MAPE, moyenne des Dispersion des pourcentages


1 n yi − yˆ i
valeurs absolues des erreurs ∑
n i =1 yi
d’erreur d’estimation pour
relatives l’ensemble des observations.

MdAPE, médiane de APE


Médiane yi − yˆ i
(Median Absolute Percentage Mesure robuste.
yi
Error).

MSEError! Bookmark not 1 n


defined., moyenne des carrés des ∑ (ei ) 2
n i =1
Estimation de la variance σˆ e 2
erreurs.

RMSEError! Bookmark not


Pénalise les écarts importants de
defined. (Root Mean Square
1 l’estimation. Très utilisée comme
∑ (e ) 2 mesure interne pour la
n
Error), ou racine carrée de la
(n − p ) i =1 i
moyenne des erreurs
généralisation des modèles.
quadratiques

Tableau 4.4. Exemples d’indicateurs de qualité d’une FEC

4.3.4.2. Un exemple de construction d’une FECError! Bookmark not


defined.
L’exemple choisi pour illustrer la démarche de construction d’une
fonction d’estimation du coûtError! Bookmark not defined. concerne une
cafetière électrique à usage domestique. Pour ce type de bien de
consommation courante, il est important de trouver un bon compromis entre
les performances techniques, les fonctionnalités (besoinError! Bookmark
not defined.) et les coûts. De plus, nous sommes bien dans un cas de
126 La conception industrielle de produits 2

conception d’une classe de produits récurrents, pour lesquels l’hypothèse de


continuité technique et économique est pertinente. Enfin, comme le marché
de ce produit existe depuis longtemps et est même mûr, il est possible de
mener l’estimation technico-économique d’une cafetière domestique en
suivant la trame de l’analyse de la valeur (ADV) et de la conception à coût
objectif (CCO, target cost). Cette trame se résume aux données exposées
dans le tableau 4.5.

Parties prenantes du projet « cafetière 3000 »


Objectifs du projet
Cadrage du projet
Périmètre des besoins à satisfaire par la nouvelle cafetière
Degrés de liberté par rapport aux solutions
But du produit
Analyse systémique (phases, éléments déterminants et liens)
Expression fonctionnelle des besoins et contraintes
Spécification des niveaux de performance attendus
Spécification fonctionnelle Hiérarchisation des besoins

Identification des marges de négociation sur les niveaux de


performance
Constitution du cahier des chargesError! Bookmark not
defined. fonctionnel
Identification de la structure de coûts des produits existants
Identification de la structure de coûts de l'entreprise

Analyse économique Identification des inducteurs de coûtError! Bookmark not


defined.
Etablissement d'un coûtError! Bookmark not defined. par
fonction
Choix d'architecture
Conception des sous- …/…
systèmes

Tableau 4.5. Démarche couplant ADV et CCOError! Bookmark not defined.


Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.127

Les données techniques et économiques historiques liées à la cafetière


sont, quant à elles, indiquées dans le tableau 4.6. En l’état, un tel tableau est
inexploitable. Il convient d’abord de normaliser ces données, puis d’en
sélectionner un nombre réduit qui joueront le rôle d’inducteurs.

nb taille du main temps


masse nb Coût de
Modèle composants lot d'œuvre machine
(kg) couleurs fabrication (€)
(unités) (unités) (min) (min)

1 0,3 2 2 5000 15 12 10,5

2 0,5 3 1 3000 25 14 14,5

3 0,7 4 1 2750 30 15 22,7

4 0,4 3 3 8755 20 14 11,4

5 0,4 2 2 8769 18 14 10,2

6 0,3 3 1 4556 26 11 9,2

7 0,5 4 1 3450 31 15 13,4

8 0,7 4 2 4330 27 15 18,4

9 0,4 3 2 2400 22 12 14,8

10 0,4 3 3 3009 20 13 13,4

11 0,3 3 3 3887 26 9 13,4

12 0,5 4 1 5687 28 11 14,7

13 0,7 3 2 1299 21 20 24,5

14 0,3 2 2 3988 19 13 15,5

15 0,6 3 1 3480 20 16 16,0

Tableau 4.6. Données brutes historiques et comparatives concernant le produit


128 La conception industrielle de produits 2

Avant de manipuler les données, et afin de développer la fonction


d’estimation des coûts, nous remarquons l’existence d’échelles très
différentes. Par exemple, pour la masse, nous avons l’intervalle entre 0,3 et
0,7 kg, alors que la taille de lot est comprise entre 1299 et 4000 unités. La
normalisation usuelle consiste à réduire chaque variable (colonne) pour
obtenir une colonne de moyenne (μk) égale à zéro (0) et écart type (σk) égal à
un (1). Pour cela, il suffit de diviser par son écart type, la différence entre la
valeur observée et la moyenne pour chaque observation de la variable (k).
Ainsi, pour chaque observation ai,k, la valeur normalisée âi,k est calculée de la
manière suivante : âi,k = (ai,k-μk)/σk. Le tableau 4.6 de données historiques et
comparatives donne alors le tableau 4.7.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.129

nb main temps Coût


masse nb taille du
Modèle composants d'œuvre machine fabrication
(kg) couleurs lot (unités)
(unités) (min) (min) (€)

1 -1,11 -1,52 0,26 0,34 -1,74 -0,62 -1,01

2 0,22 -0,09 -1,03 -0,61 0,38 0,15 -0,08

3 1,56 1,33 -1,03 -0,73 1,44 0,54 1,82

4 -0,45 -0,09 1,55 2,12 -0,68 0,15 -0,80

5 -0,45 -1,52 0,26 2,12 -1,10 0,15 -1,08

6 -1,11 -0,09 -1,03 0,13 0,59 -1,01 -1,31

7 0,22 1,33 -1,03 -0,40 1,65 0,54 -0,33

8 1,56 1,33 0,26 0,02 0,80 0,54 0,83

9 -0,45 -0,09 0,26 -0,90 -0,25 -0,62 -0,01

10 -0,45 -0,09 1,55 -0,61 -0,68 -0,23 -0,33

11 -1,11 -0,09 1,55 -0,19 0,59 -1,78 -0,33

12 0,22 1,33 -1,03 0,66 1,02 -1,01 -0,03

13 1,56 -0,09 0,26 -1,42 -0,47 2,48 2,24

14 -1,11 -1,52 0,26 -0,14 -0,89 -0,23 0,15

15 0,89 -0,09 -1,03 -0,38 -0,68 0,93 0,27

Tableau 4.7. Base de données centrée et réduite

Une fois la normalisation faite, il faut, pour construire une FEC,


sélectionner quelques variables, mettons trois, jugées les plus significatives
pour le modèle paramétrique (inducteurs des coûts). Pour ce faire, la
fonction d’analyse de corrélation dont dispose tout tableur s’avère une aide
précieuse. Sous Excel ®, elle correspond à la fonction : DROITEREG
130 La conception industrielle de produits 2

(y_connus;x_connus;constante;statistiques). Ce qui suppose une équation de


régression multiple de la forme : y = m1*x1 + m2*x2 + m3*x3 + b, avec x1, x2
et x3 : les inducteurs de coûts de la cafetière. Dans le cas présent, la matrice
de corrélation obtenue est donnée tableau 4.8.

1 2 3 4 4 6 7
Variable taille du main temps Coût de
(inducteur) masse nb comp. nb.
lot d'œuvre machine fabrication
(kg) (unités) couleurs
(unités) (min) (min) (€)

masse (kg) 1,00

nb composants (unités) 0,63 1,00

nb couleurs -0,37 -0,37 1,00

taille du lot (unités) -0,36 -0,28 0,24 1,00

main d'œuvre (min) 0,40 0,88 -0,48 -0,28 1,00

temps machine (min) 0,76 0,13 -0,19 -0,27 -0,07 1,00

Coût de fabrication (€) 0,82 0,43 -0,17 -0,62 0,29 0,67 1,00

Tableau 4.8. Matrice de corrélation des inducteurs potentiels

La matrice de corrélation précédente nous permet de supposer que les


variables ayant un impact déterminant sur le coûtError! Bookmark not
defined. de fabrication de notre cafetière sont la masse (0,82), le temps
machine (-0,67) et la taille du lot
(-0,62) (en proportionnalité inverse, pour ces deux derniers). L’application
de l’analyse en composantes principales (ACP) donnée en figure 4.14 nous
confirme cette supposition, avec 83 % d’inertie par les trois premiers axes
factoriels.

Dans le premier axe, placé en partie supérieure gauche de la figure


précédente, nous pouvons observer un groupe de variables corrélées
positivement, correspondant à 1 et 6 (masse, temps machine), et la variable 4
(taille du lot) en corrélation inverse. Munis de ces inducteurs, il nous devient
possible de définir une FEC (FEC-1). De type linéaire, elle prend la forme
suivante :

y = m1*x1 + m4*x4 + m6*x6 + b (4.3)


Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.131

Plusieurs auteurs [FAR 01], [BEL 02] ont constaté que, dans de
nombreux cas, il convient plutôt de prendre une FEC multiplicative
facilement linéarisable. Par exemple :

m
y = b x1 1 x2m 2 x3m3 (4.4)

Figure 4.14. Analyse ACP pour les inducteurs de la cafetière

Donnons une prime à la simplicité et gardons une FEC linéaire. En lui


appliquant la fonction d’analyse de corrélation pour les trois inducteurs
candidats (synonyme : les plus significatifs), nous obtenons les coefficients
indiqués dans le tableau 4.9.

m6 m4 m1 b
0,18 -0,75 17,57 7,45

Tableau 4.9. Coefficients de la FECError! Bookmark not defined.-1

Si, cette fois-ci, nous prenons en compte toutes les variables des tableaux
précédents, nous obtenons alors une seconde fonction d’estimation du
132 La conception industrielle de produits 2

coûtError! Bookmark not defined. (FECError! Bookmark not defined.-


2), dont les coefficients sont donnés dans le tableau 4.10.

m6 m5 m4 m3 m2 m1 b
-0,14 0,34 -0,77 1,51 -3,42 30,34 5,76

Tableau 4.10. Coefficients de la FECError! Bookmark not defined.-2

Pour vérifier le modèle paramétrique obtenu (FECError! Bookmark not


defined.-1), il peut être intéressant de comparer les résultats obtenus par nos
deux fonctions d’estimation du coûtError! Bookmark not defined.
(FECError! Bookmark not defined.-1, FECError! Bookmark not
defined.-2) avec le coût de fabrication des cafetières déjà connues, indiqué en
tableau 4.6. Nous obtenons alors le tableau 4.11.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.133

coûtError! Bookmark not


Coût estimé FECError!
defined. estimé FECError!
Modèle Coût fabrication (€) Bookmark not defined.-2
Bookmark not defined.-1
(€)
(€)
1 10,40 11,24 10,64

2 14,40 10,38 16,42

3 22,70 11,10 20,81

4 11,40 10,39 10,30

4 10,20 16,30 11,42

6 9,20 14,42 9,90

7 13,40 11,40 14,44

8 18,40 16,46 20,09

9 14,80 13,92 14,61

10 13,40 14,80 14,84

11 13,40 12,03 13,70

12 14,70 18,22 12,34

13 24,40 19,16 23,14

14 14,40 20,34 12,63

14 16,00 22,32 17,12

Tableau 4.11. Estimations avec FECError! Bookmark not defined.-1 et


FECError! Bookmark not defined.-2

La comparaison de la précision des modèles paramétriques FECError!


Bookmark not defined.-1 et FECError! Bookmark not defined.-2 peut
être alors faite et donner lieu à la production du tableau 4.12.
134 La conception industrielle de produits 2

FECError!
Bookmark
FECError! Bookmark not defined.-2
not
defined.-1

Somme des écarts en valeur 23,6 19,5

Somme des coûts de fabrication 222,6 222,6

Somme normalisée des écarts résiduels


10,6 % 8,8 %
(SNR)

Tableau 4.12. Comparaison de la précision de FECError! Bookmark not defined.-


1 et FECError! Bookmark not defined.-2

Le précédent tableau montre un gain de précision de deux points


lorsqu'on substitue FECError! Bookmark not defined.-2 à FECError!
Bookmark not defined.-1. Cependant, dans la pratique, cette première
fonction nécessite un recueil d’informations plus volumineux. La
développer, la valider, requiert une durée plus longue. Il convient donc,
pour le concepteur évaluateur, de mettre en regard le gain épistémique
obtenu (une FECError! Bookmark not defined. plus informative) avec
son coûtError! Bookmark not defined. d’obtention (une FECError!
Bookmark not defined. plus longue et difficile à informer, valider et
mettre à jour). S’il désire quand même affiner et préciser la FECError!
Bookmark not defined., au moins trois possibilités s’offrent alors à lui :
– compléter la FECError! Bookmark not defined. et ajouter des
inducteurs ;
– élargir la base de données et récoltant une quantité plus importante
d’observations concernant les inducteurs. Dans l’exemple, trivial,
présenté, nous en avons utilisé 14. Avec un nombre plus important, nous
pouvons espérer un ajustement des coefficients permettant une meilleure
précision de la FECError! Bookmark not defined. ;
– tester une nouvelle forme mathématique de la FECError!
Bookmark not defined.. Il peut s’agir, par exemple, de celle de
l’équation 4.3 ou d’une relative à une forme encore plus sophistiquée. A
ce titre, la figure 4.14 montre la surface de la FECError! Bookmark not
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.135

defined. retenue dans le cas de la cafetière. Cette surface a été obtenue


grâce à l’utilisation d’un modèle hybride neuroflou, dont le détail est
donné dans [CAM 06]. Cette dernière représentation permet notamment
au concepteur d’identifier des interactions non-linéaires entre inducteurs,
les sauts de performance, les zones technico-économiques satisfaisantes,
voire des compromis (comparaison entre zones iso-coûtError!
Bookmark not defined.), etc.
Coût

Ma
in d
’œ u
vre Mas se

Figure 4.15. Surface de réponse de la FECError! Bookmark not defined.-2 pour la


masse et la main-d’œuvre

Les trois parties précédentes ont posé le cadre de la décision technico-


économique en conception, en présentant la dimension du besoinError!
Bookmark not defined., avec la nécessité de s’en tenir à une
spécification et une estimation fonctionnelles, ainsi que celle du
coûtError! Bookmark not defined., notamment paramétrique.

Pour conclure ce chapitre, il convient maintenant de s’intéresser à


l’usage que l’équipe de concepteurs peut faire des informations technico-
économiques collectées et synthétisées.
136 La conception industrielle de produits 2

4.4. L’estimation technico-économique pour le choix en conception

4.4.1. Enjeux stratégiques et organisationnels

Tout projet évolue dans un cadre temporel contraint strict, dispose de


moyens limités et répond à des objectifs aussi précis qu’urgents
[MID 96]. De ce fait, il est la plupart du temps hors de question de
reconcevoir l’intégralité du produit, d’explorer systématiquement
l’espace des solutions possibles, alors même qu’une certaine créativité,
inventivité, est de plus en plus demandée au concepteur ! Pour concilier
ces exigences contradictoires, il est indispensable qu’une stratégie de
choix technico-économique en conception soit mise au point. La
réflexion stratégique a pour but d’identifier les axes à privilégier avant,
pendant et après le projet. Elle a lieu au départ du projet, au moment de la
construction de l’organisation idoine. Par ailleurs, des pauses
d’orientation doivent être prévues, au moins à deux moments-clefs du
projet, à savoir :
– au moment du choix entre les grandes options qui conditionneront
l’architecture du produit,
– une fois cette architecture validée, au moment de l’engagement ou
non dans l’exploration des voies de solution, que ce soit pour développer
des sous-systèmes ou assurer au mieux la gestion des interfaces entre
composants du produit.

Le choix en conception est non seulement structurant, puisqu’il donne


une direction et produit des irréversibilités en matière de projet et de
produit, mais il a une portée globale. Si les ressources du projet de
conception courant sont limitées, celles de l’entreprise, sur l’ensemble de
ses activités ou projets, ne le sont pas moins. De ce fait, il est souhaitable
que l’organisation des choix associés au projet courant s’inscrive dans un
cadre plus global et pérenne. Pour le dire autrement, le choix technico-
économique en conception ne doit pas être isolé, il se doit d’être
apprenant. Pour cela, quelques principes peuvent être respectés. Sans
prétendre à une quelconque exhaustivité, ceux-ci s’énoncent comme suit :
– toute information technico-économique stratégique collectée doit
être partagée au sein d’un dispositif de veille d’entreprise, s’il en existe
un ;
– toute expression de besoinError! Bookmark not defined.
formalisée, toute spécification fonctionnelle, doit être mémorisée au sein
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.137

d’un dispositif permettant sa réutilisation ultérieure. Les cahiers des


charges fonctionnels sont, de fait, facilement réutilisables, puisque leur
adaptation à un nouveau contexte se fait le plus souvent à peu de frais ;
– toute modélisation validée de données technico-économiques doit
être, elle aussi, mémorisée et mise à la disposition de l’ensemble des
équipes projet actuelles et à venir ;
– toute estimation technico-économique du produit développé réalisée
a posteriori, par exemple lors de revues de projet, doit être décrite et
archivée, même si elle reste à un niveau général ;
– l’ensemble des choix technico-économiques faits le long du projet
doivent être enregistrés, de façon à garantir la traçabilité détaillée des
décisions au cours des projets.

S’agissant d’acquisition d’information, le caractère contextuel et


dynamique de cette collecte doit être souligné. L’équipe projet doit se
poser la question de la maturité de ses modèles technico-économiques,
pour savoir s’il faut explorer plus avant la collecte et l’analyse des
données de besoinError! Bookmark not defined. ou de coûtError!
Bookmark not defined.. Elle doit aussi prendre en compte les
conséquences de ses choix, au fur et à mesure de l’avancement du projet,
et identifier les rétroactions éventuelles pouvant nécessiter une
ré-interrogation ou un élargissement de la base de données disponible. Sa
stratégie de recherche de solutions repose donc sur trois piliers : le
ciblage (qu’explorer ?), la priorisation (dans quel ordre ?) et le bilan
(avec quels effets ?).

4.4.2. Ciblage technico-économique

L’équipe de concepteurs doit concentrer ses efforts sur les points-clefs


du produit, eux-mêmes reliés aux objectifs stratégiques du projet. Nous
avons vu en début de chapitre que chacune des parties prenantes a sa
propre vision du produit et sa hiérarchie d’importance pour les fonctions
attendues. Il revient à l’équipe projet de sélectionner le point de vue à
privilégier pour tel choix courant, celui de l’utilisateur étant à la fois
dominant et le plus pérenne.

Toutefois, certains projets peuvent avoir d’autres priorités et mettre en


avant d’autres visions. Par exemple, s’il s’agit de développer un
138 La conception industrielle de produits 2

prototype visant à tester la fabricabilité d’un concept, le point de vue du


producteur l’emportera. Le ciblage des efforts utilise au final un nombre
restreint de critères, de bons sens, mais qui méritent d’être rappelés,
comme le montre le tableau 4.13.
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.139

Constat Choix d’exploration

Un nouveau besoinError!
Lancer une recherche de solutions pour la ou les
Bookmark not defined. est apparu,
fonctions concernées.
non satisfait auparavant.

NB : noter le « s » de solutions, car tout décisionnaire a horreur de choisir entre « la »


solution, fût-elle la meilleure. Il a l’impression dans ces cas-là d’être dépossédé du choix. De
plus, l’exploration de plusieurs pistes, les plus diversifiées possible, peut faire apparaître des
potentiels insoupçonnés.

Lancer une recherche de solutions nouvelles sur ce


Un besoinError! Bookmark not
point, avec un degré de priorité qui dépend de
defined. connu était peu ou mal
l’importance de la fonction, aux yeux du client,
satisfait.
généralement.

La satisfaction d’un besoinError! Lancer une recherche de solutions nouvelles visant à


Bookmark not defined. particulier une réduction de coûtError! Bookmark not defined. a
coûte cher (en valeur absolue). minima.

Idem, mais attention : il n’y a pas de relation de


Le coûtError! Bookmark not
proportionnalité obligatoire entre l’importance d’une
defined. (en pourcentage) de la
fonction, pour une partie prenante et son coûtError!
satisfaction d’un besoinError!
Bookmark not defined. de réalisation, dans une
Bookmark not defined. semble
solution donnée. Changer de solution ou changer de
disproportionné à son importance
point de vue de partie prenante bouleverse
pour le client
instantanément ces proportions.

Une opportunité apparaît de


bouleverser la donne technico- Lancer l’étude de la solution émergente, avec le degré
économique pour une fonction, de détail nécessaire pour obtenir des données suffisantes
grâce à l’apparition d’une pour étayer une prise de décision.
technologie nouvelle par exemple.

Un risque important pour le projet


est apparu (sur les délais, sur la Lancer une recherche de solutions nouvelles pour la ou
fiabilité, etc.) pour la solution les fonctions concernées.
actuelle.

Tableau 4.13. Exemples de choix d’exploration


140 La conception industrielle de produits 2

Le ciblage gagne beaucoup à être visualisé à l’aide d’un organigramme.


L’organigramme fonctionnel utilisé au début s’enrichit peu à peu de données
techniques (modules et organes) jusqu’à devenir un organigramme technico-
fonctionnel. Celui-ci, imprimé en grand format (plan A0), en attendant des
applications multimédia plus avancées que celles existant aujourd’hui, peut
être utilement affiché au mur pour servir de repère visuel partagé par
l’équipe projet et de support de griffonnages. Il peut porter notamment des
annotations relatives aux solutions techniques concurrentes, aux coûts de
réalisation de ces solutions et au degré de maturité de chaque solution, en
utilisant une typologie simple comme celle présentée en figure 4.16.

Niveau d’avancement à la date du : JJ/MM/AA

Cerclé en VERT
Faisabilité acquise : solution industrielle pérenne

Cerclé en BLEU
Faisabilité probable : solution connue à intégrer

Cerclé en ORANGE
Faisabilité à démontrer : solution nouvelle à valider

Cerclé en ROUGE
Faisabilité inconnue : voie de solution à explorer et valider

Figure 4.16. Pastilles visualisant un ciblage de solution

A différents moments et différents niveaux, la décision va devoir prendre


en compte la hiérarchie des besoins, telle qu’elle est perçue par le client, ou
l’utilisateur final, ou telle qu’elle a été décidée au moment du cadrage du
projet, par l’intégration de différents facteurs. Une hiérarchie peut également
être établie entre les différents critères d’appréciation de la satisfaction d’un
besoinError! Bookmark not defined. unitaire et une pondération peut
nuancer les niveaux de performance, comme le tableau comparatif ci-
dessous l’illustre, entre un train interrégional à grande vitesse et un train
régional (tableau 4.14).

Dans tout projet il existe des points durs, les exigences impératives, les
contraintes « non-malléables » [MIC 03], et des points négociables. Tous
doivent être identifiés et caractérisés de façon objective, pour faciliter
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.141

justement la négociation tant avec les clients, qu’avec les fournisseurs à un


stade plus avancé du projet.

TGV DUPLEX MI2N


(grandes lignes 2 niveaux) (transilien 2 niveaux)

Caractéristiques techniques

Distances longues courtes

Durée du voyage de 1 h à 3 h et plus <1h

Arrêts peu fréquents fréquents

Critères pondérés

Vitesse maximum ++++ ++

Accélération et freinage ++ ++++

Confort à la place +++ ++

Capacité (places assises) ++ ++++

Accès ++ +++

Tableau 4.14. Exemple de pondération des critères fonctionnels

4.4.3. Priorisation technico-économique

Lorsqu’il y a peu d’items à hiérarchiser – fonctions, critères technico-


économiques, dans le cas du projet de conception courant, choix entre
différents projets, au niveau de l’entreprise –, une discussion libre au sein
d’un groupe permet d’arriver à un résultat satisfaisant, ou au moins admis
par tous. En revanche, dès que le nombre d’items augmente et, surtout, dès
que leur hétérogénéité s’accroît, comme c’est le cas lorsque l’ont veut
142 La conception industrielle de produits 2

classer les exigences émanant de différentes parties prenantes, le groupe a


besoinError! Bookmark not defined. d’un outil support.

Point à noter : il n’est d’aucune utilité de hiérarchiser des items qui ne


sont pas indépendants, comme les fonctions successives d’un process. Une
de ces fonctions peut paraître plus importante que les autres, mais aucune
décision de conception ne pourra être dérivée d’une telle hiérarchie.

Des méthodes de classement reposant sur un appareil conceptuel


rigoureux et sophistiqué existent, comme le tri croisé de Monte Carlo
(TCMC) ou les démarches Electre et Prométhée, qui sont exposées au sein
du volume 3 de la présente série d’ouvrages. Nous ne reviendrons donc pas
dessus. Toutefois, l’équipe projet en charge d’une estimation technico-
économique collective peut aussi avoir besoinError! Bookmark not
defined. d’une hiérarchie plus sommaire entre fonctions basiques et
fonctions éventuellement optionnelles (l’exigé, le demandé, le souhaité).
Parfois aussi, le besoin est de clarifier la position de chacun, de sorte à ouvrir
le débat sur la base des préférences ainsi révélées. Pour répondre à ces
besoins simples, mais fréquents, deux méthodes sont présentées, la
comparaison par paires (simple) et l’abaque coloré du docteur Reigner.

4.4.3.1. Première méthode, la comparaison par paires


Si, « rationalité limitée » [SIM 97] oblige, le cerveau humain a du mal à
classer un grand nombre d’items hétérogènes, il a par contre beaucoup plus
de facilités à comparer ces mêmes items deux par deux, et à se prononcer à
chaque fois sur une paire. Avant toute séance de hiérarchisation en groupe,
car c’est effectivement en groupe qu’il faut hiérarchiser, de façon à
bénéficier d’un point de vue global, présentant donc a priori un risque de
partialité moindre, il est indispensable d’avoir défini le cadre de la démarche.
A quelle fin, avec quel degré de précision, par qui, en fonction de quel point
de vue ou critère, etc., celle-ci est-elle réalisée ?

Une fois le cadre de la hiérarchisation posé, il suffit d’examiner, toujours


en groupe, et successivement, chacune des paires possibles. Pour ce faire, un
outil de focalisation peut être utilisé, qui est une demi-matrice de
combinaisons. Il suffit alors que l’un des acteurs enregistre l’avis partagé,
après discussion éventuelle et vote si nécessaire.

L’addition des points obtenus par chacun des items, face à l’ensemble des
autres définit une hiérarchie. La comparaison par paires ne garantit pas une
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.143

cohérence absolue, dans ce sens qu’elle autorise des jugements incohérents


du type A>B>C>A, mis en évidence par le célèbre paradoxe de Condorcet. Il
faut toutefois noter que ces cas limites reflètent surtout le peu d’écart,
dans l’esprit des membres du groupe, entre les items en question. La non
mise à zéro du poids le plus faible entraîne aussi une autre forme
d’incohérence. Mais, dans l’ensemble, la comparaison par paires est
satisfaisante dans de nombreux de cas industriels (figure 4.17).
144 La conception industrielle de produits 2

F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 F8 F9 Totaux

F6
F1 ? ? ? ? ? ? ? ? %
3 pts

F6
F2 ? ? ? ? ? ? ? %
9 pts

F3
F3 ? ? ? ? ? ? %
1 pts

F6
F4 ? ? ? ? ? %
3 pts

F5
F5 ? ? ? ? %
3 pts

F7 F6 F6
Noter dans chaque case le poids F6 25 pts 16 %
9 pts 9 pts 1 pts
de la fonction jugée la plus
importante :
Pondération (1-2-3 ou 1-3-9) F7 ? ? ? %
1 = à peine plus important
3 = plus important
9 = nettement plus important
F8 ? ? %
Additionner les points obtenus
(croisements en colonne puis en
ligne)
160 100 %

Figure 4.17. Abaque d’une comparaison par paires

4.4.3.2. Seconde méthode, l’abaque de Reigner


Le docteur Reigner propose une approche de la priorisation collective un
peu différente. Dans sa méthode, les jugements, toujours subjectifs, sont
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.145

portés sur la cohérence d’un item par rapport à une proposition ou un


objectif. Pour exprimer les jugements, un code de couleurs du type feu de
signalisation est utilisé, à savoir :
– vert : c’est tout bon, d’accord, ça passe,
– rouge : ce n’est pas bon, je ne suis pas d’accord, on arrête tout,
– orange : jugement mitigé (oui, mais, etc.).

Des couleurs intermédiaires permettent d’affiner le jugement. L’ajout du


blanc permet d’enregistrement une abstention. Celui du noir, un refus de vote.

Dans cette méthode, il est indispensable de bien définir les descripteurs,


c'est-à-dire les termes du jugement. Une fois cette tâche réalisée et les règles
du jeu données aux participants, un vote individuel a lieu. Il est enregistré
dans un tableur et affiché à la vue de tous, sous la forme d’un tableau brut,
ininterprétable en l’état (tableau 4.14). Chacune des cases affiche la couleur
et enregistre le nom du votant. Une macro-instruction du tableur effectue
ensuite, en séance, un tri entre les jugements, et ce, en deux passes :
– les jugements relatifs à un même item (en ligne, donc) sont triés de
gauche à droite, en rang décroissant, depuis les plus favorables à gauche (vert)
jusqu’aux moins favorables à droite (rouge, ou éventuellement blanc et noir) ;
– les lignes sont ensuite déplacées de façon à positionner en haut du
tableau celles qui ont le plus grand nombre de votes favorables (vert) et en
bas les moins favorables.

Le tableau final, affiché à la vue de tous, fournit une vision globale de la


répartition des votes, par couleur, délimitant ainsi une zone de consensus
(quadrant vert, en haut et à gauche) et une zone de dissensus (quadrant
rouge, en bas et à droite). Cette visualisation d’un objet partagé, à savoir le
résultat d’un vote, permet d’engager le dialogue entre les participants sur les
votes-clefs de la zone de dissensus (ils peuvent être identifiés grâce à la
traçabilité des noms), de façon à faire évoluer les points de vue et amorcer
une éventuelle convergence. Un nouveau vote est alors organisé, qui dégage
clairement les priorités. Sur l’exemple présenté dans le tableau 4.16, les
options 6, 3 et 4 ont toutes les chances d’être retenues alors que les options 2
et 4 n’en ont aucune.
146 La conception industrielle de produits 2

Question « Ces items contribuent-ils à l’amélioration de la marge ? »


Item à Avis Avis Avis Avis Avis Avis Avis
Item N° 1 Vert
Item N° 2 abstention
Item N° 3 Orange
Item N° 4
Item N° 5 Rouge
Item N° 6
Item N° 7
Item N° 8

Tableau 4.15. Abaque coloré en vrac

Question
« Ces items contribuent-ils à l’amélioration de la marge ? »
posée :
Items à Avis triés par ligne, de gauche à droite : Vert, puis Orange et Rouge. Lignes
« juger » triées de haut en bas : les plus « vertes » en haut
Item N° 6 Vert
Item N° 3
Zone de consensus
Item N° 4
Item N° 1
Débat
Item N° 7
Item N° 8
Zone de dissensus
Item N° 2 Orange abstention
Item N° 5 Rouge

Tableau 4.16. Abaque coloré trié

Dans les deux exemples proposés ci-dessus (comparaison par paires,


abaque de Reigner), l’aspect graphique, visuel, du choix technico-économique
en contexte de conception d’équipe a été souligné. Il est indispensable, pour
un groupe, notamment un groupe comprenant de nombreux ingénieurs ou
techniciens, de proposer une vision graphique des choses. De plus, l’affichage
d’une information complète permet au groupe d’échanger librement, surtout si
ses membres peuvent annoter les « objets médiateurs » [MIC 03] illustrant
Décision technico-économique en conception de produit Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined.147

et mémorisant le choix, les transformer à leur guise, et éventuellement finir par


partager un point de vue commun.

4.4.4. Bilan technico-économique

Le bilan technico-économique permet à l’équipe de concepteurs de


résumer au décisionnaire, en un tableau synthétique, les options et critères de
choix. Ce bilan est donc un outil de reporting particulièrement intéressant.
De plus, les outils de bureautique de base, manipulables par les non-
spécialistes que sont les managers décisionnaires, fournissent le moyen de
réaliser des tableaux de synthèse parlant, qui sont de véritables matrices de
décision. Un exemple est proposé dans le tableau 4.17. D’un seul coup d’œil,
ce tableau permet d’identifier les points noirs de chaque option (zones en
rouge, dans ce mode de représentation), voire les points de négociation
(zones orange) et les points forts (zones en vert). Visualisant en même temps
l’importance de la fonction (niveau hiérarchique) et son coûtError!
Bookmark not defined., pour chaque famille d’options, le groupe de
concepteurs est à même de discuter des orientations proposées et
éventuellement de solliciter l’information détaillée qui sous-tend une
représentation simplifiée de ce type.

Liste des fonctions Rang Option 1 Option 2 Option 3

Fonction 1. 2ème 100 k€ 120 k€ 110 k€

Fonction 2. 4ème 220 k€ 200 k€ 170 k€

Fonction 2.1. / dont 70 / /

Fonction 2.2. / dont 80 / /

Fonction 2.3. / dont 70 / /

Fonction 3. 1ère 500 k€ 450 k€ 700 k€

Fonction 4. 3ème 350 k€ 350 k€ 300 k€

Coût total 1.170 k€ 1.120 k€ 1.280 k€

Tableau 4.17 Exemple de matrice de décision synthétique


148 La conception industrielle de produits 2

Avec la description de ce bilan se conclut ce chapitre consacré à


l’estimation technico-économique en conception de produit.
TROISIÈME PARTIE

Spécifications et déploiement

Troisième partie coordonnée par Lionel ROUCOULES.


Chapitre 5

Diversité industrielle de déploiement


des projets de conception

5.1. Introduction

Le lancement d’un nouveau produit industriel, dit aussi lancement de


produit nouveau (LPN), est une aventure organisée, nécessairement
cadrée pour être maîtrisée, qui associe de multiples acteurs de l’entreprise
– marketers, concepteurs, responsables industrialisation ou méthodes,
responsables logistiques, responsables achats –. Cette organisation
s’effectue autour d’un phasage du projet de développement industriel où
ces acteurs ont un rôle plus ou moins défini durant certaines phases en
réalisant des activités et en ayant un rôle de validation et de décision
durant les jalons intermédiaires. Tout au long du déroulement de ces
phases, les spécifications techniques du produit et des process associés se
définissent progressivement. Des outils et logiques d’orchestration de cet
ensemble existent : ce sont les notions de « cycle en V », d’organigramme
projet, de plan de développement et procédures standards, d’outils métiers et
de documents standards.

Chapitre rédigé par Bernard YANNOU, Marija JANKOVIC et Thomas NGUYEN VAN.
144 La conception industrielle de produits 2

Nous nous proposons dans ce chapitre de présenter toutes ces notions


progressivement et par l’exemple. En effet, bien que ces concepts soient
communs à tous les développements industriels, il existe une grande
diversité d’application et d’appropriation de ces méthodes selon les
secteurs industriels, la complexité des produits et les entreprises elles-
mêmes.

Nous procédons ainsi par complexité croissante en présentant


successivement les cas de l’industrie du cosmétique (Loréal et Bourjois),
l’industrie aéronautique (Airbus et Snecma) et l’industrie automobile
(Johnson Controls et PSA).

5.2. Structuration du développement industriel chez Loréal

Un projet de lancement de produit nouveau chez Loréal se décompose


en quatre grandes étapes : la génération et la sélection des idées, la
préparation du projet, le développement du produit et la production en
elle-même. Le cycle de développement générique d’un projet chez Loréal
est présenté en figure 5.1.

La première phase est à la charge du marketing qui commence par


définir le concept – formule6 ou jus et slogan ou pitch – , une cible, des
quantités estimatives et un timing pour le projet. Le tout est consigné
dans un brief marketing. Le marketing établit ensuite des propositions
plus précises de couples formule et packaging, puis effectue un choix. La
seconde phase d’avant-projet fait intervenir d’autres acteurs plus
techniques pour valider la faisabilité technique et analyser les risques ; un
avis de faisabilité et un cahier des chargesError! Bookmark not
defined. plus précis en résulte.

La phase de développement de produit fait appel à de nombreux


métiers : les métiers du développement industriel (voir figure 5.2),
à savoir l’expert formule (ou jus) et les concepteurs des articles de
conditionnement (notés AC : flacon, capot ou pompe, décor, etc.), mais
aussi les métiers de la communication et de l’évènementiel, les
concepteurs des présentoirs sur les lieux de vente (PLV) et des
échantillons de produits, ainsi que les commerciaux qui prévoient les
commandes et les livraisons.

6. On se placera dans le cadre du lancement d’un « soin du corps » en flacon.


Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 145

Figure 5.1. Cycle de développement d’un projet chez Loréal :


les phases et jalons principaux d’un projet

Figure 5.2. Les principaux métiers du développement industriel

Ces nombreux acteurs (voir l’organigramme classique d’un projet en


figure 5.3) doivent intervenir aux bons moments du projet car les activités
des acteurs sont souvent interdépendantes, une activité de l’un dépendant de
la validation antérieure d’autres activités. Il est donc nécessaire de détailler
le cycle de développement qui fait apparaître un phasage générique à tout
projet, pour faire intervenir à la fois le rôle de chaque acteur ou métier et
pour faire figurer ces interdépendances temporelles par des jalons
146 La conception industrielle de produits 2

plus précis. C’est le rôle du plan de développement qui fait apparaître en


figure 5.4 les métiers par lignes, ces lignes – éventuellement plusieurs par
métier – figurant les successions d’activités (ou processus). Ce plan de
développement est propre à chaque famille de produit, mais il peut encore
être planifié temporellement de différentes manières. Ainsi, la représentation
dite PERT du plan de développement, donnée en figure 5.57, est plus précise
que le plan de développement de la figure 5.4 car elle modélise
explicitement les liens de dépendance temporelle entre activités. Par la suite,
des logiciels bien connus d’ordonnancement ou une affectation manuelle
vont déterminer les dates de début et de fin programmées de toutes les
tâches, en partant de leur durée estimatée et de la contrainte de date de fin de
projet. On aboutit ainsi à une représentation GANTT du plan de
développement ou planning qui sera un outil important pour le responsable
du projet et les différents acteurs métiers (figure 5.6).

Figure 5.3. Les acteurs, l’organigramme d’un projet

7. La taille des figures 5.5 et 5.6 est volontairement réduite dans un souci de confidentialité.
Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 147

Figure 5.4. Le plan de développement d’un « soin du corps » chez Loréal


148 La conception industrielle de produits 2

Figure 5.5. La représentation PERT du plan de développement

Figure 5.6. La représentation GANTT du plan de développement ou « planning »

5.3. Le déploiement d’un projet de conception chez Bourjois

Nous retrouvons de la même manière que chez Loréal en figure 5.4, le


plan de développement standard des produits Bourjois en figure 5.78.
Mécontents de la qualité de certains produits à leur lancement, les
responsables du développement industriel de chez Bourjois ont récemment
désiré augmenter la rigueur d’un projet de développement en améliorant les
procédures, les outils et les documents standards. F. Perrin-Bruneau a, durant
sa thèse [PER 05], renforcé ces trois aspects en démontrant l’efficacité finale
en termes de qualité des produits lancés et de professionnalisation accrue des
acteurs métiers.

8. La taille des figures 5.7 et 5.8 est volontairement réduite dans un souci de confidentialité.
Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 149

En ce qui concerne les documents standards, un seul brief dit d’Offre


Globale, équivalent au brief marketing de Loréal, était généré en début de
projet. Celui-ci n’était pas très parlant pour les acteurs métiers car des
informations ne les concernaient pas et la formulation n’était pas celle de
leur langage habituel. F. Perrin-Bruneau a alors préconisé de générer autant
de briefs métiers que nécessaire aux moments opportuns du projet sur des
modèles standards (voir figure 5.8). Ces documents standards par métier
permettent ainsi une capitalisation des projets antérieurs, un retour
d’expérience par métier et sont des éléments primordiaux de la qualité de
communication inter-métiers.

Figure 5.7. Le plan de développement de produits Bourjois (Oxygène),


tiré de [PER 05]

Figure 5.8. Rationalisation du plan de développement chez Bourjois :


Standardisation de briefs (ou cahiers des charges) adaptés aux métiers,
tiré de [PER 05]
150 La conception industrielle de produits 2

En ce qui concerne les outils, F. Perrin-Bruneau a introduit deux outils


avec succès : la pratique d’une analyse fonctionnelle simplifiée qui a permis
une définition de cahiers des charges génériques par familles de produits, et
une analyse préliminaire de risques plus systématique en début de projet.
F. Perrin-Bruneau a ainsi montré qu’il était possible de rationnaliser de
manière bénéfique le développement d’un projet chez Bourjois, dans un
milieu où les créatifs et les marketers ont traditionnellement le leadership et
où l’urgence prévaut souvent sur la planification des tâches et des
ressources.

5.4. Principes du cycle en V

Il est encore possible d’aller plus loin pour instaurer une logique dans
l’agencement des activités d’un projet de développement. Le cycle en V
(voir figures 5.9 et 5.10) instaure une logique à deux niveaux :
– un niveau de décomposition de plus en plus fin du système à concevoir
en décrivant le cycle verticalement. On distinguera généralement pour un
système industriel quatre niveaux de décomposition systémique qu’on
baptisera : le niveau du besoinError! Bookmark not defined. client
indépendamment de toute solution de produit, le niveau (architecture)
système, le niveau sous-systèmes
(non représenté en figure 5.9), le niveau organes, le niveau composants ;
– une logique de précédence temporelle entre les tâches du projet
industriel, en allant de gauche à droite.

Cette double logique est orchestrée autour d’un V présentant deux branches :
– une branche descendante de « conception » où l’activité de conception
se déroule à des niveaux de décomposition système de plus en plus réduits et
précis. La branche descend en allant de gauche à droite, cela signifie bien
que tout projet industriel structuré doit être une démarche fonctionnelle
descendante : on part du besoinError! Bookmark not defined. et on va vers
les solutions en passant par une conception architecturale et une
spécification technique de cette architecture pour aboutir, de manière
récursive, à une spécification fonctionnelle sur les sous-systèmes ;
– une branche ascendante « d’intégration », de tests et de validation des
éléments conçus : contrôle des composants (ou pièces) fabriquées ou reçues
du fournisseur, test et validation de l’assemblage des composants en organes,
test et validation des organes en sous-systèmes, test et validation des
Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 151

sous-systèmes et systèmes, et enfin, au niveau du client, test du produit en


situation réelle incluant la mesure de la satisfaction des clients.
152 La conception industrielle de produits 2

Figure 5.9. Le cycle en V : un support pour exprimer la précédence


des phases et situer les documents standards

Figure 5.10. Le cycle en V : un support pour localiser les outils standards


Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 153

Un dernier niveau de décomposition du cycle en V n’a pas été évoqué


dans ce qui précède, il s’agit du niveau correspondant à la pointe du V qui
n’est ni un niveau de conception, ni un niveau d’intégration mais le niveau
de réalisation, c’est-à-dire de fabrication ou de livraison des composants
de base.

On conçoit bien que toutes les tâches de réalisation d’un projet industriel
de conception-industrialisation peuvent figurer dans ce V. Une des forces du
cycle en V réside aussi dans le fait que les liens de précédence temporelle
qui ont été évoqués s’exercent à la fois en suivant le V – descendant pour les
tâches de conception puis ascendant pour les tâches d’intégration –, mais
aussi horizontalement de gauche à droite entre le niveau conception et le
niveau intégration correspondant. En effet, il est tout à fait envisageable et
même fortement conseillé en ingénierie concourante de commencer à définir
le process d’intégration (ex : contrôle de tolérancement, contrôle
d’assemblage, test de fiabilité sur un sous-système, etc.) dès lors que
l’architecture est conçue à un niveau systémique donné. De cette manière, on
peut planifier au plus tôt les difficultés, durées et ressources nécessaires.

Un deuxième avantage de taille du cycle en V est qu’il sert de support de


représentation à la fois aux documents standards générés durant le projet
industriel (voir figure 5.9) et à la fois aux outils méthodologiques,
d’organisation ou de calcul utilisés par les différents métiers (voir
figure 5.10). La figure 5.10 fait apparaître la plupart des outils importants
utilisables en projet industriel.

Un troisième avantage du cycle en V est que, considéré de concert avec le


cycle de développement type de l’entreprise, il permet de générer un plan de
développement (voir figure 5.4 et 5.7) pouvant être très détaillé (voir figure
5.5), et qui respecte les contraintes de précédences temporelles et prévoyant
les tâches de conception, réalisation et intégration à tout niveau systémique.

Nous verrons par la suite que ce principe de cycle en V peut être utilisé
de nombreuses manières. En effet, il peut modéliser le projet industriel dans
son ensemble comme nous l’avons évoqué dans cette section pour une
compréhension plus aisée, mais il sera aussi utilisé utilement sur d’autres
périmètres. Le lecteur pourra aussi consulter [YAN 06] pour voir
particulièrement comment sont gérés les paramètres ou spécifications
descriptifs des produits relativement à une représentation du cycle en V.
154 La conception industrielle de produits 2

5.5. Le déploiement d’un projet de conception d’avion chez Airbus

Un projet aéronautique de développement d’un avion est, bien entendu,


bien plus compliqué que le lancement d’un soin du corps chez Loréal ou
d’un mascarat chez Bourjois. Mais certaines représentations de départ du
projet industriel sont similaires. Par exemple, le cycle de développement
d’un projet avion chez Airbus, présenté en figure 5.11, ressemble fort à
celui de Loréal donné en figure 5.1, en présentant également quatre phases
principales :
– la phase de faisabilité où l’avion est situé par rapport au marché. Des
choix de principes (le concept) sont effectués et l’avion est prédimensionné,
– la phase de concept qui aboutit à la définition d’un avion (une
architecture) de référence (configuration baseline),
– la phase de définition correspondant à la conception détaillée du
produit,
– la phase de développement correspondant à la fabrication,
l’homologation et la mise en service.

Figure 5.11. Le cycle de développement d’un avion Airbus, tiré de [ANG 06]

Comme un projet aéronautique est bien que plus complexe que le


lancement d’un produit cosmétique, l’utilisation du cycle en V est ici très
importante. Le cycle en V de base est présenté en figure 5.12. Celui-ci
introduit bien quatre niveaux systémiques qui structurent totalement le projet
aéronautique chez Airbus :
– le niveau système est ici le niveau avion,
– le niveau sous-systèmes est ici le niveau tronçon,
Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 155

– le niveau organe est ici le niveau work-package,


– le niveau composant est ici le niveau pièce élémentaire.

Figure 5.12. Le principe du cycle en V réexprimé pour un la conception d’un avion,


tiré de [ANG 06]. Il fait apparaître quatre niveaux systèmes

Le niveau tronçon a une réalité forte car il s’agit des parties de l’avion
confiées traditionnellement aux filiales européennes d’Airbus (Airbus
France conçoit le nez et le tronçon central, Airbus Royaume-Uni les ailes,
Airbus Allemagne les tronçons avant et arrière, Airbus Espagne
l’empennage).

Dans la pratique industrielle, le périmètre de l’objet étudié ou conçu


ou de l’étude qui est pris en compte dans la représentation du cycle en V
est variable. Dans le cycle en V de la figure 5.13, le périmètre de l’objet
conçu (produit et ses process de fabrication et d’assemblage) est étendu à
l’outil de production et l’usine car les installations de montage d’un avion
lui sont spécifiques. Cette extension du cycle en V, par rapport à la
présentation effectuée en section précédente, reste tout à fait valable car
le principe de précédence temporelle s’applique et l’avantage de
déclinaison du plan de développement est pleinement actif.
156 La conception industrielle de produits 2

Figure 5.13. La branche « conception » du cycle en V exprimé pour un


la conception d’un avion, des ses process d’industrialisation
et de l’usine d’assemblage, tiré de [ANG 06]

5.6. Le déploiement d’un projet de conception moteur chez Snecma

Chez Snecma, on retrouve en figure 5.14 un cycle de développement de


moteur (turboréacteur) d’avion très similaire à celui d’Airbus en figure 5.11,
ce qui n’est finalement pas très étonnant.

Figure 5.14. Le cycle de développement d’un moteur d’avion chez Snecma,


tiré de [NGU 06]
Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 157

Sur la figure 5.15, on peut voir que les données techniques associées
au produit et à ses process ont des degrés de maturité différents et que les
outils de modélisation, calcul et simulation sont différents à chaque
étape.

Figure 5.15. Le cycle de développement d’un moteur d’avion chez Snecma


et les données (spécifications) techniques associées, tiré de [ NGU 06]

Par la suite, les figures 5.16, 5.17 et 5.18 montrent trois utilisations
différentes du cycle en V.

Le premier cycle en V de la figures 5.16 est le cycle en V classique de


la conception-industrialisation d’un moteur, la partie industrialisation
étant la remontée « intégration » où les process sont définis.

La figure 5.17 présente une utilisation réelle du cycle en V sur le


périmètre réduit de la conception et intégration virtuelle dite en maquette
numérique « en contexte ». La branche descendante « conception »
correspond alors à la modélisation de la géométrie qui se termine par un
assemblage paramétré. La branche ascendante « intégration » est celle de
la vérification et des tests de cet assemblage. Elle correspond donc à une
détection des interférences à tout niveau système, ainsi qu’à des
simulations de démontabilité et d’accessibilité au plus haut niveau. La
partie conception des process est laissée de coté ici.
158 La conception industrielle de produits 2

Figure 5.16. Le cycle en V du développement d’un moteur d’avion [ NGU 06]

Figure 5.17. Le cycle en V appliqué à la conception en contexte 3D


d’un moteur d’avion chez Snecma, adapté de [ NGU 06]
Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 159

Enfin, le cycle en W de la figure 5.18 étend le cycle en V de mise au


point de l’assemblage virtuel à la préparation (branche descendante) et à
l’exploitation (branche ascendante) de la (ou des) simulations au dessus de
cet assemblage – ici on a une simulation d’écoulement fluide et de transfert
thermique –. Il faut bien comprendre que l’intérêt de ces multiples cycles en
V ou W, qui peuvent exister de concert, est de ne pas oublier de tâches
importantes (notamment celles de validation) et de savoir les programmer
logiquement dans le temps.

Figure 5.18. Un cycle en W (2 cycles en V successifs) représentant la boucle


conception/simulation d’un moteur d’avion chez Snecma, adapté de [ NGU 06]

5.7. Le déploiement d’un projet de conception de carte électronique chez


Johnson Controls

La compagnie Johnson Controls produit des cartes électroniques


embarquées principalement pour l’automobile. La partie de la conception la
plus longue et la plus délicate est la programmation du code embarqué et sa
validation. Ainsi, ces deux étapes forment en soi un cycle en V, les différents
niveaux systémiques pour la branche descendante étant spécifications,
conception préliminaire, conception détaillée et codage (voir le bas de la
figure 5.19), et tests unitaires, intégration code et validation globale pour la
branche ascendante.
160 La conception industrielle de produits 2

L’originalité de leur approche est qu’ils appliquent ce cycle en V


élémentaire de développement logiciel à chaque grande phase du projet de
développement industriel de la carte embarquée puisqu’à chacune des phases
– proposition, faisabilité, conception, production et lancement –. Il faudra
produire une nouvelle version du code informatique qui est plus détaillée,
qui est réellement implantée dans la carte physique ou bien encore qui doit
être rendue exempte de bogues (ou bugs, c’est-à-dire de défauts de codage)
en phase de lancement. Ainsi, il s’agit de cinq cycles en V qui vont
s’enchainer tout au long du projet industriel.

Figure 5.19. Le plan de développement général – dénommé Product Launch System


– d’un logiciel embarqué chez Johnson Controls. Ce plan contient cinq phases
qui sont toutes régies par un cycle en V type. Adapté de [AWE 05]
Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 161

Des documents standards sont produits au sein de chaque cycle en V ainsi


qu’à chaque jalon intermédiaire de ces phases. Un nombre important de
documents est donc généré pour un seul projet (voir les documents de jalons
en figure 5.19), ces documents étant sauvegardés systématiquement pour
tout projet. Il est important, dans le cas de Jonhson Controls, de sauvegarder
les résultats de tests, et donc de débogage, de chaque cycle en V. Ceci car
une base de données recensant ces bogues sur des projets similaires permet
d’effectuer des retours d’expérience utiles à l’amélioration de la qualité.

Enfin, un outil simple de suivi du projet au sein d’une phase donnée


existe pour que les acteurs d’un développement informatique, et notamment
le chef de projet, puissent visualiser le degré de complétude des tâches du
cycle en V (voir la partie gauche de la figure 5.20). Associé à cet outil, un
second outil de gestion des documents standards indiquant leur degré de
complétude et de validation par les acteurs concernés (voir la partie droite de
la figure 5.20).

Figure 5.20. Outil de suivi de suivi du projet (à gauche) et de la complétude


des documents standards (à droite)

5.8. Le déploiement des prestations d’un véhicule automobile chez PSA


Peugot-Citroën

Le cycle de développement de PSA Peugeot Citroën peut être présenté


comme sur la figure 5.21 [JAN 06]. Ce cycle de développement est composé
des phases suivantes :
– phase générique, c’est une phase préalable à l’ouverture officielle du
projet où on recense les innovations potentiellement utilisables sur ce projet
et où on définit le brief marketing – contexte et concept automobile – ;
162 La conception industrielle de produits 2

– phase de définition projet, c’est la phase de définition des objectifs


projets (coûts, qualité, délais, prestations) ainsi que l’identification des
hypothèses techniques ;
– phase de définition préliminaire, c’est la phase de dimensionnement du
véhicule ainsi que la définition de l’architecture fonctionnelle et organique ;
– phase de développement, c’est la phase de définition détaillée et de
validation de la conception ;
– phase d’industrialisation, c’est la phase de mise en œuvre de la
production ainsi que la mise en cadence.

Le cycle de développement, le cycle en V général, le plan de


développement général d’un projet véhicule (non détaillé ici) sont identiques
pour des projets véhicule de la marque Peugeot et de la marque Citroën.

Le cycle en V est intégré au sein d’une démarché structurée, telle que


l’ingénierie système, est construit sur cinq niveaux systémiques : véhicule,
sous-systèmes, organes, composants et pièces.

Phase Phase de Définition


Générique Définition du Préliminaire Développement Industrialisation
Projet

Figure 5.21. Le cycle de développement de PSA Peugeot Citroën

Le cycle de développement d’un véhicule s’appuie sur l’ingénierie


système – et concourante – qui, comme dans le cas de Snecma et Airbus,
couvre le périmètre du produit et du processus de fabrication. Il est
nécessaire d’incorporer les contraintes de production dès les premiers
concepts afin de maintenir les délais, les contraintes et la qualité du projet.

Une particularité importante dans la gestion de projet automobile est la


gestion du projet par prestations clients. Il peut exister une centaine de
prestations désirées et perçues par le client comme le confort dans
l’habitable, le confort de conduite, le bruit, etc. Or, il existe aussi un plan de
développement spécifique pour chaque prestation faisant intervenir les outils
préconisés et documents standards attendus en rapport avec le « déploiement
Diversité industrielle de déploiement des projets Error! Bookmark not defined.Error!
Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined.Error! Bookmark not defined. 163

de cette prestation » et souvent en rapport avec les métiers impliqués dans


cette prestation – exemple : les ingénieurs acousticiens pour le bruit et les
ingénieurs ergonomes pour le confort –. Un ingénieur dit PPP pour « pilote
prestation projet » est dédié par prestation sur un projet pour être garant des
spécifications, des solutions, des performances et des validations
correspondantes à la prestation. Il est à noter que dans le cas de PSA Peugeot
Citröen, les deux marques se différencient en ayant défini leurs propres
prestations et plans de développement correspondants.

Le niveau système de décomposition du cycle en V est le niveau


fonctionnel. Il est défini par les prestations clients attendues qui ont été
élaborées tout au début du projet dans le brief marketing. Par la suite, en
cours de décomposition ces prestations sont transformées en spécifications
techniques pour chaque sous-système, organe, composant et pièce. Ainsi le
développement de véhicule est guidé par les prestations clients identifiées
par le marketing dans la phase générique de la préparation du projet.

La complexité de conception d’un véhicule est très grande. Il existe chez


PSA un département ingénierie système qui définit et maintient à jour les
référentiels pour le déploiement du projet industriel et qui assure des
formations internes pour que les ingénieurs impliqués dans un projet aient un
fonctionnement adéquat aux principes de déploiement des prestations. Des
outils aident aussi à gérer cette complexité comme le logiciel de déploiement
des spécifications DOORS, les systèmes de workflow pour gérer les
processus de conception et la validation des jalons et des documents et tous
les outils classiques d’ingénierie numérique.

5.9. Conclusion

Les concepts de déploiement d’un projet industriel qui ont été présentés
ici par l’exemple, et de manière progressive, montrent qu’ils sont partagés
par toutes les entreprises de production industrielle, mais qu’ils s’utilisent de
manière flexible avec une complexité variable.

Les notions de cycle de développement à 3, 4 ou 5 grandes étapes et de


plan de développement plus précis qui fait intervenir les métiers concernés
sont utilisés presque partout. Cela nécessite déjà de bien avoir identifié les
acteurs métiers, leurs activités, les jalons de décisions collaboratives ainsi
que les documents standards, supports de cette activité.
164 La conception industrielle de produits 2

La notion de cycle en V apporte une richesse supplémentaire


incontestable. Tout d’abord en représentant plusieurs niveaux systémiques à
la conception et à la vérification ou intégration des ces niveaux. Puis, les
documents standards ainsi que les outils métiers peuvent être aisément
positionnés par rapport aux tâches génériques qui figurent dans ce cycle
en V. Enfin, le cycle en V garantit l’identification des tâches et la
représentation des contraintes de précédence temporelle qui devront être
respectées lors de la génération du plan de développement.

Une grande liberté existe pour que plusieurs cycles en V coexistent. De


plus, leur morphologie est assez libre, on peut trouver :
– des cycles en W ou plus généralement des cycles en V successifs (voir
les exemples de Johnson Controls et de Snecma),
– des cycles en V imbriqués. Il peut exister un cycle en V au sein d’une
case d’un cycle en V plus général (ce cas n’est pas présenté dans ce
paragraphe),
– des cycles en V parallèles, c’est-à-dire qui se déroulent en même temps,
comme les cycles correspondant aux différentes prestations clients dans
l’automobile.

Les entreprises définiront leur propre glossaire de termes et procédures


autour de leurs outils de développement industriel. De même, le degré de
rationalisation d’un développement industriel est fortement dépendant de la
complexité du produit – système – à concevoir et de l’exigence de maîtrise
de la qualité de ce produit mais aussi des délais sur le projet, et en
conséquence des coûts.
Chapitre 6

Modélisation des processus de conception

6.1. Introduction

L’acte de conception d’un produit consiste à passer de l’expression d’un


besoinError! Bookmark not defined. à la définition des caractéristiques
d’un objet permettant de satisfaire ce besoinError! Bookmark not defined.
puis à la détermination de ses modalités de fabrication, d’assemblage, de
maintenance et de recyclage. Le futur produit passe alors par une série
d’états [JEA 98].

La conception en tant qu’activité est une transformation provoquant un


changement d’état du produit. Pour Mistree et al., il s’agit d’un procédé de
conversion d’information qui caractérise les besoins et exigences pour un
artefact, en connaissance sur le produit [MIS 90]. Suh définit la conception
comme l’interaction entre ce que nous voulons réaliser et comment nous
voulons le réaliser; c’est-à-dire la transformation d’exigences fonctionnelles
en paramètres de conception [SUH 90]. Enfin, selon Ullman, la conception
est l’évolution technique et sociale de l’information, ponctuée par des prises
de décision. Les représentations abstraites évoluent vers un artefact physique
[ULL 03].

Chapitre rédigé par Dominique SCARAVETTI.


166 La conception industrielle de produits 2

La conception peut être également vue comme un processus. Un


processus de conception est une séquence d’activités de conception,
nécessaires pour créer une ou plusieurs représentations (c’est-à-dire
modélisations) du produit [REY 01]. L’objectif d’un processus de
conception est de synthétiser des systèmes qui réalisent les fonctions et les
performances désirées [WOO 01].

Il existe d’une part des modèles descriptifs, qui décrivent le déroulement


du travail. Les modèles prescriptifs d’autre part proposent une approche plus
algorithmique et une procédure systématique à suivre. Mais dans les deux
cas, la conception est conduite au travers de phases, différenciées par le
niveau d’abstraction de la représentation du produit.

6.2. Connaissances et objets intermédiaires en conception

La conception est une transformation d’informations (besoins, exigences


et contraintes demandées) en description d’une structure (un système
technique) qui est capable de remplir ces demandes [HUB 01].

Un ensemble de données, dans un contexte particulier, constitue une


information [HIC 02a]. Des informations formelles (structurées) et
informelles supportent le processus de connaissance. Informations et
connaissances participent à la décision.

Selon Reymen [REY 01], la connaissance de conception peut être :


– une connaissance implicite, obtenue au travers de l’expérience acquise.
Les connaissances liées à l’expérience, au savoir-faire sont souvent
intériorisées. Hubka et Eder les appelle « intuitives » ou « tacites »
[HUB 01] ;
– une connaissance explicite est exprimée dans les méthodes, les modèles
de conception, les stratégies ou grâce aux projets antérieurs.

La connaissance peut être indépendante des domaines d’activité (c’est le


cas des processus et démarches de conception) ou spécifique à un domaine
ou une discipline. Les différentes connaissances (implicites ou explicites) sur
le système technique définissant le problème de conception, sont les
suivantes :
– connaissances de base, des différentes sciences de l’ingénieur :
résistances des matériaux, fabrication, structure des matériaux, etc. ;
Modélisation des processus de conception 167

– connaissances sur la famille de produits : fonctions, modes d’utilisation,


maintenance, principes de conception ;
– connaissances sur les possibilités de production, approvisionnement de
matière, produits semi-finis, etc. ;
– connaissances des normes, règlements, brevets.

6.2.1. Types de connaissances à chaque étape

Ullman décrit le processus de conception comme une succession d’états


[ULL 03]. Vadcard les nomme « états de représentation du produit »
[VAD 96]. On trouve également artefact, ainsi que la notion d’objet
intermédiaire de la conception : les objets intermédiaires sont produits et
utilisés au cours du processus de conception, traces et supports de l’action de
concevoir. Ils ont un triple rôle de traduction, de médiation et de
représentation des actions [JEA 98].

Le futur produit passe par une série d’états et de dimensions


(fonctionnelle, structurelle, technologique, géométrique, etc.) ; ces états
conduisent à des objets intermédiaires. Dans l’organisation séquentielle de la
conception, chaque état correspond à l’aboutissement d’une phase.

Vadcard et Le Coq [VAD 96, LEC 92], proposent sept « espaces de


représentation du produit » : le besoinError! Bookmark not defined., la
fonction, le concept, l’élément indispensable, l’architecture, le composant, le
physique. Après le choix des technologies et des principes de
fonctionnement, les éléments indispensables sont définis. Ce sont les entités,
issues de l’analyse fonctionnelle, qui seront organisées en architecture. Les
espaces de représentation « élément indispensable », « architecture » et
« composant » appartiennent à un même niveau d’abstraction (structurel).
Ces auteurs identifient donc quatre niveaux d’abstraction : conceptuel,
fonctionnel, structurel et physique; ce qui correspond aux composantes du
produit proposées par Bocquet [BOC 96].

6.2.2. Evolution des connaissances de l’abstraction vers la complétude

Le niveau d’imprécision dans les connaissances de conception diminue


progressivement durant le processus de conception [GIA 97], ainsi que le
niveau d’abstraction. Selon Ullman, quelles que soient les représentations
168 La conception industrielle de produits 2

(sémantique, graphique, analytique, physique), tous les niveaux d’abstraction


sont utilisés au fur et à mesure que le produit est affiné (voir tableau 6.1)
[ULL 03].

Progression de la conception

Niveau d'abstraction
Langage maxi moyen mini
Sémantique Appréciations Référence à des Référence à des valeurs de
qualitatives paramètres ou paramètres ou composants
composants spécifiques spécifiques
Graphique Croquis Dessin à l'échelle Modèle solide avec
tolérances
Analytique Relations Calculs préliminaires Analyse détaillée
qualitatives
Physique / Modèles du produit Matériel final

Tableau 6.1. Evolution des représentations du produit


en fonction du niveau d’abstraction

Pahl et Beitz proposent différents objets intermédiaires, matérialisant le


produit en fonction de l’état d’avancement du processus de conception (voir
tableau 6.2). La combinaison des effets physiques avec des caractéristiques
géométriques et matériaux (surfaces, mouvements, matériaux) permet de
faire émerger un principe appelé « working principle ». La combinaison de
plusieurs principes permet d’obtenir une « working structure » [PAH 96].

Chen et Lin proposent des définitions des informations de conception


[CHE 02] :
– une fonction est un processus ou une tâche qui vise à délivrer énergie,
matière ou information,
– un concept est un modèle abstrait d’un artefact physique,
– un paramètre physique est une variable qui spécifie la géométrie ou le
matériau,
– une préférence est une tendance désirée sur la valeur d’une variable,
– une contrainte est une relation entre plusieurs variables ; elle limite les
choix de valeurs pour les variables; elle peut être de deux types : domaine et
relations.
Modélisation des processus de conception 169

Nous pouvons compléter ces définitions. En effet, dans la plupart des


recherches expérimentales, un concept désigne une classe d’objets déterminée
soit par l’existence de propriétés qualitatives communes (forme, couleur,
taille, etc.), soit par des propriétés fonctionnelles ou des relations [OFF 04].

Un concept de solution est une représentation intermédiaire du produit, à


un stade où tous les principes de conception n’ont pas été choisis et où les
variables le définissant ne sont pas toutes instanciées [YAN 01b].
Structure Eléments Exemple de représentation
Fs
Function Fonctions Artefact à Transformer Fs en
structure développer force normale Fn

T1 Entrée T1 Générer Fn Sortie T2 T2

Déroulement du processus de conception


Effets physiques,
Caractéristiques
géométriques ou
Working matériaux
structure
Working principles
Composants
Principle Assemblages
solution Sous ensembles
>>
Construction
structure

Artefacts
System structure
Relations avec
l'utilisateur et
l'environnement

Tableau 6.2. Niveaux croissants de concrétisation, d’après [PAH 96]

Nous proposons sur la figure 6.1 de positionner les états d’avancement


dans le processus de conception. A mesure que le processus de conception
avance, l’abstraction des modèles diminue et les représentations sont de plus
en plus explicites sur la définition physique du produit. La dernière colonne
de la figure 6.1 illustre les choix réalisés à la fin de chaque phase pour un
exemple de conception [SCA 04b] : il s’agit d’un mécanisme de
170 La conception industrielle de produits 2

transmission de puissance débrayable (système de remontée de poids


d’horloge monumentale).

Le stade de concept de solution (correspondant au « working structure »)


défini des principes de fonctionnement et décrit la solution sous forme
schématique. Ce stade est distinct de celui d’architecture.

L’architecture9 correspond à l’arrangement d’éléments physiques qui


définissent une solution, conçue pour satisfaire un besoinError! Bookmark
not defined. exprimé par une architecture fonctionnelle. Des dimensions
principales apparaissent.

9. On trouve également topologie ou configuration.


Modélisation des processus de conception 171

Représentations Artefacts Données Choix réalisés


(Modèles) (Objets intermédiaires) (ex. : transmission
débrayable)

Besoin, Liste Exigences de Fréquence de


d'exigences, performance, de rotation; effort sur
Cahier des sécurité, économiques, les axes
charges de fabrication, etc.

Approche Type de fonctions, Energie électrique


Horloge & utilisateur
poids
environnement
FC1,2 FC3
FC5

fonctionnelle : Critères, niveaux Utilisation d'une


énergie Système de remontée
FS1 automatique de poids d'horloge FC4 logement
Galet tendeur
Embrayer Tendre la courroie

Relations et Affectation des transmission; d'un


Vérin
Remonter
périodiquement les
poids
Transmettre le Poulies - courroies
Entraîner tambour mouvement

structure fonctions embrayage


en rotation
Générer un couple Motoréducteur
moteur

BDF – GSC Flux, Type d'énergie, Entraînement par


support drive
geared motor drivingpulley
slip
feed
drive
dust
electricity feed

jack pull
pull
roller
tighten

stretch
flat belt
slip

slip
corrode humidity
Actions entre les de matière, de signaux moteur électrique
éléments
support
support lever drive dust
housing&mounting
slip

Phénomènes Transmission par


support pull

clock&weights drumpulley
drive

Effets physiques physiques poulies-courroie

Degré de complétude des données


Surfaces, Géométrie, Concept :
Degré d'abstraction des modèles

comportement des surfaces, Entraînement par


matériaux mouvements, motoréducteur;
e

F=N
α1

θ
> principe de matériaux Embrayage par
α2

θ
α α
d

T
fonctionnement tension de la
> concept Technologies utilisées courroie (plate);
utilisation de vérin

2 WS alternatives:
Concepts de Architecture de -tension par galet
Solution / principe, -tension par
"Working entrées-sorties déplacement du
Structure" (WS) motoréducteur

∅ 190
Architecture Choix de WS, des
motoréducteur : Arrangement de
44,8 tr/min /topologie, composants
7,6 Nm composants,
composants interfaces, standards (vérin,
440
Formes principales dimensions courroie,
course vérin = 50 > Configuration motoréducteur)
long. courroie = 1450
Solution de Prédimensionnement
Positionnement des
conception Eléments de coûts
∅ 180 éléments

Documentation Calculs,
Produit dimensionnements Formes et
Connections dimensions des
supports et pièces
Matériaux, traitements intermédiaires.

Nomenclatures,
plans détaillés;
Coûts.

Figure 6.1. Modèles et données dans le processus de conception,


de l’expression du besoinError! Bookmark not defined. à la conception détaillée
[SCA 04a]
172 La conception industrielle de produits 2

6.2.3. Jalons normalisés

Les recommandations RG Aéro [BNA 99] proposent un système


documentaire normalisé, décrit par la Direction générale de l’Armement
[CAV 95]. Les jalons définis sont également utilisés dans d’autres industries
que l’aéronautique.

Une représentation du cycle de vie d’un produit (figure 6.2) fait


apparaître les différents états du besoin et du produit y répondant, selon
l’avancement dans le cycle de vie. Différents processus permettent de passer
d’un état à un autre.

cycle de vie
Besoin Besoin Produit Produit Produit
fonctionnel spécifié défini réalisé vivant
Concept
optimal
Processus de
retrait
Processus d'expression du
besoin Processus de conception Processus de Processus
détaillée production - d'utilisation
industrialisation
Processus de conception
préliminaire

Processus de conception

Figure 6.2. Etats et processus du cycle de vie d’un produit [CAV 95]

Les données associées au cycle de vie et livrables aux jalons sont


organisées en un système documentaire dont les définitions issues des
normes [AFN 92] sont données ci-dessous :
– le CdCF (cahier des charges fonctionnel) est la référence du
besoinError! Bookmark not defined. fonctionnel,
– la STB (spécification technique de besoin) est la référence du
besoinError! Bookmark not defined. spécifié,
– le DCP (dossier de concept produit) est la référence du concept de
solution retenue à la fin du processus de conception préliminaire,
– le DD (dossier de définition) est la référence du produit défini.

Le cahier des charges fonctionnel (CdCFError! Bookmark not


defined.) défini l’ensemble des performances requises et des contraintes
dans un langage d’utilisateur.
Modélisation des processus de conception 173

Le CdCF est le document par lequel le demandeur exprime son


besoinError! Bookmark not defined. (ou celui qu’il est chargé de
traduire) en termes de fonctions de service et de contraintes. Pour
chacune d’elles sont définis dans critères d’appréciation et leurs niveaux.
Chacun de ces niveaux doit être assorti d’une flexibilité.

Le CdCF n’exprime que des exigences de résultats et, en principe,


aucune exigence de moyens. Il est rédigé indépendamment des concepts
de solutions envisageables afin de laisser le plus grand éventail possible
aux concepts pouvant répondre au besoinError! Bookmark not defined.
[CAV 95].

Il regroupe tous les résultats des études en amont du programme en


matière de besoins perçus (études de marché, études d’évolution du
besoinError! Bookmark not defined., etc.).

Il permet d’exprimer le besoinError! Bookmark not defined.


technique dans les termes de l’utilisateur, mais il n’est pas suffisamment
précis en matière d’exigence de résultat. Le document contractuel de
référence est la STBError! Bookmark not defined..

Le CdCFError! Bookmark not defined. contient :


– la définition du profil de vie (missions à assurer) et des conditions
d’environnement associées,
– l’énoncé des fonctions de service avec les critères, niveaux et
flexibilités associés ; pour chaque mission,
– l’énoncé des contraintes de l’utilisateur relatives à la liberté de
conception et de production,
– la définition des critères pour optimiser les objectifs entre fonctions,
contraintes, coûts et délais.

La spécification technique de besoin (STBError! Bookmark not


defined.) est un document à caractère contractuel établi par le demandeur
d’un produit, à l’intention du concepteur, et par lequel il exprime son
besoinError! Bookmark not defined. (ou celui qu’il est chargé de
traduire) en termes d’exigences techniques. La STBError! Bookmark
not defined. fixe également les conditions de vérification du respect de
ces exigences, pour qualifier la définition telle que décrite dans le dossier
de définition. Elle est élaborée au cours du processus de conception
174 La conception industrielle de produits 2

préliminaire et doit être figée au démarrage du processus de conception


détaillée (voir figure 6.3).

La STBError! Bookmark not defined. est constituée de quatre parties


permettant d’exprimer :
– les exigences fonctionnelles associées aux divers profils de mission
prévus dans les diverses situations d’emploi du profil de vie. Les
caractéristiques fonctionnelles du produit devront répondre à ces exigences ;
– les exigences de sûreté de fonctionnement associées à l’aptitude à
disposer des caractéristiques fonctionnelles du produit au moment voulu,
pendant la durée prévue, sans dommage pour lui-même et son
environnement. Ces exigences sont exprimées en termes de fiabilité, de
maintenabilité, d’aptitude au soutien, de disponibilité, de sécurité, de
survivabilité, de durée de vie, etc. ;
– les exigences concernant la conception et la production, liées à des
limitations de liberté de conception et de production. Ces limitations
peuvent porter sur :
– la fourniture de constituants sous la responsabilité du client,
– les solutions techniques interdites,
– les composants normalisés à utiliser et les listes préférentielles
applicables,
– les documents normatifs à caractère technique, industriel et/ou
logistique,
– les interfaces entre le produit et l’extérieur. Ces exigences
peuvent être regroupées dans un document annexe souvent appelé
« spécification d’interfaces »,
– les exigences concernant la qualification et l’acceptation liées aux
justifications à apporter au client par le fournisseur.

La qualification est l’ensemble des tâches qui concourent à fournir des


preuves, en se basant sur des justifications théoriques et expérimentales,
que le produit défini répond au besoinError! Bookmark not defined.
spécifié et est productible [AFN 92].

Le dossier de concept produit (DCPError! Bookmark not defined.) est


le résultat de la conception préliminaire ; il est la référence sur laquelle est
Modélisation des processus de conception 175

basée la conception détaillée. En principe, le DCPError! Bookmark not


defined. n’évolue plus après la fin de la conception préliminaire.

Il permet de définir les caractéristiques principales du concept de


solution développé, caractéristiques appelées « concept de produit ». Il ne
traite donc pas des autres concepts des solutions étudiées au cours de ce
processus ni des études d’optimisation du concept retenu.

Le concept de produit est constitué :


– de l’ensemble des choix technologiques (ou principes) retenus au
niveau du produit et de ses constituants,
– de la décomposition du produit en ses principaux constituants,
– de la répartition des fonctions de service et de l’ensemble des exigences
entre ces constituants,
– de l’existence des fonctions techniques résultant de ces choix, de cette
décomposition et de cette répartition.

Le dossier de définition (DD) est un ensemble structuré des documents


constituant la réponse du concepteur d’un produit aux exigences techniques
du demandeur, et dans lesquels il exprime toutes les caractéristiques
vérifiables du produit (y compris les critères d’acceptation) et indique les
procédés imposés pour le réaliser. Ce dossier permet d’identifier le produit,
de préparer son dossier de fabrication et de contrôle ainsi que sa
documentation d’utilisation.

La figure 6.3 précise la place de chaque élément du système


documentaire normalisé dans le processus de conception d’après la norme
RG.Aéro 000 40 [BNA 99]. Il est à noter que le DCPError! Bookmark not
defined. n’apparaît pas dans cette norme.
176 La conception industrielle de produits 2

phases amont faisabilité définition développement .

conception
processus expression du besoin
préliminaire
conception détaillée qualification industrialisation

tâches qui concourent :


tâches qui concourent à tâches d'étude, de création
tâches qui concourent à
- à définir complètement fournir des preuves en se et d'organisation des
explorer les divers
le produit à partir du basant sur des moyens de fabrication et de
tâches qui concourent à optimiser l'expression du concepts de solution our
concept de produit retenu justifications théoriques et contrôle
tâches besoin et à passer du besoin fonctionnel au aboutir au choix du
et du besoin spécifié expérimentales, que le
besoin spécifié concept répondant aux
produit défini répond au
besoins fonctionnels et
- à étudier les principaux besoin spécifié et est
spécifiés tâches de qualification des
moyens et procédés productible
processus de fabrication
assurant la productibilité

Documents constituant la référence des


différents états du produit

* CdCF Doc. ébauche Doc. provisoire Doc. de référence Doc. de référence Doc. de référence Doc. de référence

* STB système ou produit Doc. ébauche Doc. provisoire Doc. de référence Doc. de référence Doc. de référence

* dossier de définition (DD) :


système documentaire

- arborescence produit Doc. ébauche Doc. provisoire Doc. de référence Doc. de référence Doc. de référence
DD
- STB sous-ensembles de rang 1 Doc. ébauche Doc. provisoire
DD0 Doc. de référence DD1 Doc. de référence DD2 Doc. de référence
3

- STB sous-ensembles ou articles de bas niveau Doc. ébauche Doc. provisoire Doc. de référence Doc. de référence

Documents relatifs à la réalisation des produits

* dossier d'exécution prototype (DEP) Doc. ébauche Doc. ébauche Doc. provisoire Doc. de référence

* dossier d'exécution série (DES) Doc. ébauche Doc. provisoire

Documents justificatifs
* dossier justificatif de définition (DJD) : choix de DJD DJD DJD
concepts, matrice de vérification, programme DJD3
0 1 2
d'essais, PV d'essais, fiches justificatives

Figure 6.3. Etats documentaires du déroulement d’un programme

6.3. Démarches de conception et modèles de processus

6.3.1. Pratiques et typologies de démarches

Les pratiques de conception diffèrent suivant les entreprises et les


habitudes professionnelles. Toutefois, il existe d’une part trois grandes
classes de comportement humain, se distinguant principalement par
l’importance accordée à l’activité mentale [LER 92] :
– le comportement « machinal » (skill-based behaviour) ne demande
presque pas d’activité mentale consciente, des modèles de
comportements parfaitement maîtrisés sont reproduits ;
– le comportement procédural (rule-based behaviour) fait appel à une
activité mentale consciente. Il consiste à exécuter des tâches de manière
coordonnée en suivant des règles ou procédures qui ne sont pas assez
maîtrisées pour être appliquées « machinalement ». Ces tâches ne
nécessitent pas de choix complexes entre plusieurs alternatives ;
– le comportement cognitif (knowledge-based behaviour) est basé sur
une activité mentale complexe et consciente, afin de résoudre des
problèmes et planifier des tâches.
Modélisation des processus de conception 177

Les deux premiers comportements sont privilégiés durant la


conception préliminaire, lorsque les connaissances sur le futur produit
sont limitées.

D’autre part, il est possible d’identifier plusieurs typologies de


démarches [SRI 89], que l’on peut classer selon la proportion de
connaissances nouvelles qu’elles nécessitent :

▪ Selon Dieter [DIE 00], la reconception est une situation courante.


Elle peut concerner des modifications à apporter à un produit
commercialisé, nécessitées par de nouvelles exigences ou un manque de
performances. Il peut s’agir également d’une mise à jour, planifiée dans
le cycle de vie du produit avant son introduction sur le marché, afin qu’il
reste compétitif. Dans tous les cas, la reconception part d’une solution
existante, d’un produit existant pour les faire évoluer.

▪ La conception routinière concerne l’utilisation de principes de


solutions possibles, qui sont souvent catalogués. Même si le problème est
nouveau, l’ensemble des sous problèmes et leurs solutions sont connus ;
les stratégies et méthodes sont connues, le cahier des charges ne change
que d’une manière quantitative. Ainsi, le produit trouve son origine dans
la mémoire industrielle des produits antérieurs [JEA 98].

Culverhouse parlera lui de « repeat design » [CUL 95]. Cela concerne


des modifications pour réduire les coûts, simplifier une conception
existante en utilisant des techniques de conception établies. Elle peut
également concerner un nouveau produit, mais elle ne nécessite pas de
nouvelles connaissances. Cette typologie est proche des deux suivantes.

Dans la conception adaptative [PAH 96], on part d’une structure


fonctionnelle établie, on maintient des principes de solution connus et on
adapte l’architecture aux exigences qui ont changées.

Le « variant design » nécessite de 1 à 20 % de connaissances nouvelles


[CUL 95]. Il peut s’agir d’innovation incrémentale par extension d’un
produit existant : changements de tailles et de dispositions, amélioration de
l’usage d’une technologie existante, application d’améliorations des
procédés de fabrication; mais le principe de solution reste inchangé.
178 La conception industrielle de produits 2

▪ Le point de départ de « l’original design » est une formulation


abstraite du problème, une liste d’exigences [PAH 96]. Cette typologie
est à rapprocher de la conception innovante, qui requiert 20 à 50 % de
connaissances nouvelles [CUL 95]. Elle peut concerner une innovation
par combinaison nouvelle d’éléments de produits existants, une nouvelle
utilisation de technologies sur une solution existante, une application de
nouveaux procédés de fabrication.

La décomposition du problème est connue, mais il n’existe pas


d’alternative connue pour tous les sous problèmes [DEN 02]. Dans la
conception innovante, tous les attributs ne sont pas connus à l’avance.

▪ Lors de conception créative, ni les attributs ni la méthode, ne sont


connus [DIE 00]. L’élément clé est la transformation de l’inconscient en
conscient [SRI 89].

Enfin, la conception stratégique nécessite d’étendre les connaissances


de conception et de production d’une entreprise (plus de 50 % de
connaissances nouvelles) [CUL 95]. Elle met par exemple en œuvre de
nouveaux principes physiques.

6.3.2. Processus de conception

Selon Suh, il existe plusieurs pratiques et démarches de conception,


mais une trame est commune aux activités de conception [SUH 90] :
– connaître et comprendre les besoins du client,
– définir le problème à résoudre pour satisfaire les besoins,
– conceptualiser la solution,
– effectuer l’analyse pour optimiser la solution proposée,
– vérifier la conception obtenue pour voir si elle répond aux besoins
clients initiaux.

Il existe différentes descriptions de déroulement de processus de


conception. Nous avons regroupé sur une même figure le déroulement
des processus les plus caractéristiques. La figure 6.4 met en parallèle les
étapes et jalons10 de plusieurs descriptions de processus de conception

10. Un jalon marque la transition entre deux étapes. Il est souvent associé à un livrable
permettant de valider ce passage.
Modélisation des processus de conception 179

séquentiels, à partir du besoinError! Bookmark not defined. exprimé


jusqu’à la définition du produit.

Il s’agit de démarches issues ou adaptées de processus industriels ou


normatifs [FAN 94, AFA 94, CAV 95, BNA 99, NAD 02] ; ou proposées
dans des publications scientifiques [HUB 88, AOU 90, QUA 94, PAH 96,
DIE 00, HUB 01, ULL 03].
180 La conception industrielle de produits 2

Cahier des charges Spécifications Dossier de


fonctionnel techniques définition

Conception

Dossier de définition
Expression du besoin Qualification

STB>besoin
référence -
CdCF initial - besoin

CdCF de
détaillée

spécifié
fonctionnel

^ simultanéité v vérification
définition
d'adéquation
complète, à partir
Conception préliminaire avec besoin

DCP
exploration des divers concepts de solution - optimisation concept concept retenu
spécifié
[Cav 95] retenu

Faisabilité Conception préliminaire Conception / Développement

STB, Dossier
Fonctionnel

de Concept

Dossier de
définition
Produit
CdCf0

CdC

préparer phase
définir besoin global - besoins établir définition
définition, approbation, validation des concepts industrialisation /
fonctionnels validés du produit
production
[Nad 02]

Avant-projet /

Synthèse préliminaire
Définition du besoin Conceptualisation Projet / Développement
Etat de l'art, besoin

Prédéveloppement

Spécifications
Cdc, planning

techniques
faisabilité, spécification des Phase créative (voies étude des meilleures voies étude approfondie de la solution
identifié

tâches de solutions) de solutions choisie


optimisation (AV, couts, Essais, prototypes - rapports,
analyses : fonctionnelle,
perf., fiabilité, risques…) plans…
critères de
synthèse (bilan > meilleure
construction…
[Fan 94] solution)

Traduction du besoin Interprétation du besoin (par recherche de concepts) Définition du produit

Dossier produit
Besoin validé

Fonctionnel

concepteur
CdC

CdC
recherche, choix
Concepts d'usage, de technologies; validés par stratégie et
détermination des fonctions d'architectures; AMDEC produit,
savoir faire entreprise, marché process; moyens
validation
[Aou 90]

lancement production
solution à développer

Faisabilité Avant Projet Developpement


potentiel entreprise,

CdCF1, jalon: choix

Jalon : choix de la

Jalon : décider
voie(s) techno

préciser les voies


CdCF0

proposer des solutions technologiques possibles Définition de la solution retenue


technologiques possibles

analyse risques, evaluation > STB, maquette, analyse des risques, coûts ... > dossiers de définition, de qualification, de
globale coût et délai Bilan comparatif des solutions production
[AFA 94]

Faisabilité Définition Développement


concept(s) de
solution à

approfrondissement concept
retenir

Recherche & évaluation (perf., cout, délai) de concepts de STB > DD >
de solution pour arriver à jalon conception détaillée - qualification jalon
solution susceptibles de répondre au besoin en cours de
concept de produit - de la définition du produit
validation
[BNA 99] affinement couts-délais

Clarifying requirements Conceptual Design Embodiment Design Detail Design


disposition définitive
Liste d'exigences

Documentation
Topologie/
Concept

Caractéristiques structurelles Préparation définition


produit
Tâche

Principaux choix - fonctionnement - énergie - production,


Marché - Exigences complète ;
technologiques - matériaux - formes assemblage
fonctionnelles et contraintes plans,
structure du système
nomenclatures..
[Pah 96] topologie prélim.

Conceptual design Embodiment design Detail Design


"Configuration formes,
Identification du besoin,
Prototype

tolérances,
Concept

Design":
Définition du problème et matériaux,
Génération de concepts Architecture produit, Contraintes Dimen-
exigences (PDS Product fabrication
arrangement spatiales, sions
Design Specification),
Sélection prélim. plans et
Propriété industrielle
[Die 00] Evaluation des concepts matériaux spécifications

Specification definition Conceptual design Product development


Specifications

Générations de Configuration (arrangement de


Concept

Exigences client Evaluation du produit


Produit

concepts composants, assemblages)

Specifications techniques Génération de formes affinage


Evaluation concepts Approbation de
(faisabilité) Sélection matériaux production
Objectifs Interfaces entre composants
[Ull 03] et procédés

Conceptual design Laying out (Disposition, Architecture) Detailing


Description du système
(concept optimal)
Spécifications de

Organ structure

dimensionnée

Spécifications Arrangement, formes Dimensions


conception

Processus de transformation,
Topologie

technique
fonctionnelle

techniques, organes, globales,


préliminaire

définitives,
Structure,

Choix de technologies
Structure

topologie

forme,
relations dimensionnement partiel pièces,
dim°
Structure fonctionnelle assemblages,
Arrangements de base, prélim.
[Hub 88] Disposition préliminaire Plans,
structure
[Hub 01] nomenclatures

Topologie et éléments
Concept pertinent
de dimensionnement

Figure 6.4. Mise en parallèle des processus de conception [SCA 04a]


Modélisation des processus de conception 181

Dans tous les cas, il existe un découpage en phases assez semblable,


qui provient d’un besoinError! Bookmark not defined. de segmenter le
temps et de prévoir des étapes de validation ; chacune des phases se
termine en effet par des choix et des décisions [QUA 94]. Ce qui diffère
surtout, ce sont les contenus des représentations intermédiaires du
produit.

Qu’il s’agisse d’une approche séquentielle ou simultanée, la


conception est en effet toujours séquencée en phases ; mais l’on procède
à un chevauchement des phases dans le deuxième cas [VAD 96].

6.3.2.1. Processus académiques


Dans les méthodologies existantes, on retrouve très souvent trois
étapes importantes [OOS 01] :
– la définition du problème, qui aboutit aux exigences,
– la définition conceptuelle, qui met en place la structure
fonctionnelle, les principes physiques et propose un concept,
– la définition détaillée, qui offre une description complète de la
conception. Nous avons constaté grâce à la figure 6.4 que cette phase est
souvent scindée en deux parties.

Selon l’approche systématique décrite par Pahl et Beitz, le but de la


conception est de mettre en place une méthodologie compréhensive, pour
toutes les phases de conception et développement de systèmes techniques
[PAH 96]. Ce modèle prescriptif est issu des directives VDI (société des
ingénieurs allemands) 2221 [VDI 87]. Il suggère une approche
systématique dans laquelle le processus de conception est subdivisé en
sept étapes, chacune ayant une production particulière. Les directives
VDI décrivent toutes les étapes à suivre durant le processus de
conception, mais ne donnent pas vraiment de moyens pour prendre des
décisions.

Ce vocabulaire (traduction anglaise) a été adopté comme une


référence, y compris par des normes [WAL 00]. Malmqvist et al.
[MAL 96] indiquent qu’il est représentatif de l’école européenne de
conception, mais aussi le plus accepté internationalement. Il a aussi
influencé des ouvrages américains (Ullman notamment), et il se retrouve
dans le processus de conception selon Dieter [DIE 00].
182 La conception industrielle de produits 2

Le processus de conception que ces auteurs décrivent est divisé en


phases :

1- Clarification de la tâche : phase de spécification d’informations dans


une liste d’exigences.

2- « Conceptual design », recherche de concepts : phase de recherche de


la structure fonctionnelle et de solutions de principe, combinées ensuite en
concepts ; puis définition du concept, exploration, évaluation et sélection.
Cette phase détermine une solution de principe.

3- « Embodiment design »11, conception architecturale : Les concepts


sont traduits en architectures. Pendant cette phase sont déterminés les choix
structuraux, les choix de composants et de leurs paramètres pertinents, ainsi
que les principales dimensions du système. Outre l’arrangement de
composants, les formes et matériaux sont également déterminés, avec la
prise en compte de critères économiques. Selon Pahl et Beitz, cette phase
peut se diviser en trois étapes : diviser la tâche en modules réalisables,
développer des architectures des modules clés (preliminary layout),
compléter l’architecture supérieure (definitive layout).

Dieter propose également trois étapes pour l’embodiment design


[DIE 00] :
– l’architecture produit : arrangement d’éléments physiques pour exécuter
les fonctions. Le produit est organisé en utilisant des modules, sous
systèmes ; et en donnant des relations entre les composants ;
– la conception de configuration : définition des formes et dimensions
générales des composants; agencement d’éléments standards; assemblage
des concepts, vérification que le produit est réalisable ; sélection préliminaire
de matériaux et modes de fabrication ;
– la conception paramétrique : tolérances, dimensions finales, robustesse.

La réalisation de cette phase demande beaucoup de temps et d’efforts.


Les activités comme le calcul de composants, les recherches d’éléments sur
catalogues, la satisfaction de contraintes géométriques, etc., constituent un
processus itératif et souvent récursif. De plus, des décisions clés sont prises

11. Cette phase est parfois nommée par d'autres auteurs « layout design », « hardware
design », « shape design ».
Modélisation des processus de conception 183

[HIC 02b]. Les systèmes assistés par ordinateurs ne proposent pas d’assister
la conception architecturale, mais plutôt la conception détaillée [POP 99].

4- « Detail design », conception détaillée : phase de production de plans


et spécifications détaillés, de mise en place du processus de fabrication et de
contrôle.

6.3.2.2. Processus normatif


Les recommandations générales pour le management de programme
RG.Aéro 000 40 [BNA 99] proposent également un processus, décrit en
détail par la DGA [CAV 95]. La figure 6.5 représente sous forme de
diagramme SADT les étapes du processus de conception, avec leurs entrées
et sorties. On retrouve dans ce processus les phases déjà identifiées
d’expression du besoinError! Bookmark not defined., de conception
préliminaire et détaillée. Les livrables issus de ces phases (STBError!
Bookmark not defined., DCPError! Bookmark not defined., DDError!
Bookmark not defined., DJD) ont été explicités précédemment.

besoin Expression STB


du besoin :
(AF) A1

CdCF
DD+
Processus de DJD

Processus de DCP conception détaillée


conception 1 concept A3 évaluation DD
de solution "qualification de
préliminaire 1 la définition"
A2
solution
Remise en cause du concept A4

A0

Figure 6.5. Phases du processus de conception [CAV 95]

6.3.3. Comparaison des processus de conception : phases et jalons communs

Pour beaucoup de processus, après une étape d’analyse et de traduction


du besoinError! Bookmark not defined., les spécifications fonctionnelles
sont le point de départ de la conception (voir figure 6.4). La formalisation
fonctionnelle du besoinError! Bookmark not defined., souvent sous forme
de cahier des charges, ne présage pas des solutions possibles.
184 La conception industrielle de produits 2

La conception préliminaire permet un passage du fonctionnel au


structurel.

La première étape de la conception préliminaire conduit à proposer des


concepts. Viennent ensuite les choix d’architectures, de formes, de
composants, de matériaux et un pré-dimensionnement du mécanisme. Des
décisions importantes sont prises.

Toutefois, pour beaucoup de processus, la plupart des dimensionnements


apparaissent après le dossier de concept, durant la phase de conception
détaillée. En effet, les outils de dimensionnement en conception préliminaire
manquent [CHA 92, YAN 01b].

Les démarches actuelles fonctionnent plutôt sur un mode d’analyse ; la


simulation et les calculs de validation interviennent après le choix de
solution. Si la solution n’est pas valide, on peut revenir en arrière à différents
niveaux, modifier et revérifier ; d’où la présence de jalons tout au long du
processus de conception. C’est pourquoi, notamment la phase de conception
architecturale et ses itérations sont coûteuses en temps.

La phase de conception détaillée correspond à un enrichissement de la


définition du produit [VAD 96].

La figure 6.4 permet de mettre en évidence des phases communes,


identifiées grâce aux différents stades d’avancement de la conception. Ces
données et matérialisations différentes du produit vont être traitées dans les
paragraphes suivants. Toutefois, nous pouvons identifier pour la plupart des
processus, deux jalons communs : cahier des chargesError! Bookmark not
defined. fonctionnel (CdCF) et définition complète du produit (dossier de
définition). Entre ces deux étapes, un stade intermédiaire apparaît souvent :
les spécifications techniques; elles marquent le passage à la phase de
conception détaillée. Les normes RG.Aéro parlent à ce niveau là de
« concept », nous préférons le terme de « concept de produit ». La phase
comprise entre CdCFError! Bookmark not defined. et spécifications
techniques correspond à la conception préliminaire.

La phase « spécifications techniques » n’est pas explicitement présente


dans les processus décrits par Pahl et Beitz, Dieter, Ullman et Quarante. Par
contre, ces auteurs proposent une étape un peu plus avancée en termes de
définition du produit, où est décrite la topologie du produit avec des
Modélisation des processus de conception 185

éléments de dimensionnement. Ils proposent également une étape


intermédiaire entre CdCF et spécifications techniques, qui marque la fin du
« conceptual design » (recherche de concepts) : un concept pertinent
est retenu. La phase comprise entre concept et topologie est souvent
dénommée « embodiment design », que nous transposons en conception
architecturale.

Enfin, la figure 6.6 positionne les différents objets intermédiaires


identifiés figure 6.1 par rapport aux grandes phases du processus de
conception [SCA 05].

Figure 6.6. Positionnement des objets intermédiaires


dans le processus de conception
Chapitre 7

Déploiement des spécifications pour la


conception de systèmes mécatroniques

Suite à la présentation des processus de conception dans le chapitre


précédent (voir chapitre 6) il semble intéressant de présenter l’évolution
et les concepts relatifs à la modélisation du produit dans un contexte de
conception de systèmes mécatroniques. Comme introduit précédemment,
il sera montré que ces modélisations sont multiples et qu’elles évoluent
lors du déroulement du processus de conception.

7.1. Introduction : contexte industriel et identification de la problématique


actuelle

Dans un monde en pleine évolution, le milieu industriel s’est


réorganisé. La relation donneur d’ordre sous-traitant a évolué pour passer,
depuis presque vingt ans, d’un mode très prescrit à un mode où les
décisions sont communes (schéma collaboratif). Le groupe projet traite
alors l’ensemble des phases du cycle de vie du produit (étude marketing,
développement, production, maintenance, fin de vie) même si celles-ci sont
fortement sous-traitées.

Chapitre rédigé par Lionel ROUCOULES.


186 La conception industrielle de produits 2

Ce chapitre tente d’apporter des solutions, dans un schéma collaboratif


d’entreprise étendue, pour supporter le déploiement et l’intégration des
spécifications issues de l’ensemble des phases du cycle de vie du produit
lors de sa modélisation (voir figure 7.1). Le contexte industriel est, dans
cette partie, perçu comme :
– plusieurs acteurs réalisent leurs activités quotidiennes de conception
dans un processus à la fois :
– collaboratif : l’ensemble des acteurs doit participer à des
discussions de groupes dans la grande majorité des cas pour répondre à
des conflits de conception. Ces conflits sont en effet plus nombreux dans
une approche simultanée et d’intégration contrairement à une approche
séquentielle pour lesquelles les décisions sont prises généralement à la
fin de chacune des séquences. Les activités collaboratives sont donc liées
à un processus de prise de décision qui peut être alors découpé en
différentes tâches : analyse du problème, explication, recherche de
solutions, décision [ROS 04] ;
– individuel : chaque expert participe au groupe projet pour
« jouer » un rôle particulier mettant alors en jeu ses compétences et son
savoir-faire (gestion de projet, analyse fonctionnelle, modélisation CAO,
calcul numérique, fabrication, etc.). Ces activités sont alors réalisées de
manière individuelle même si les informations nécessaires et les résultats
de l’expertise sont partagés ;
– chacun des acteurs manipule des modèles et des outils numériques
afin :
– de manipuler les informations de conception qui lui sont
nécessaires (outils de type « éditeur »),
– d’effectuer les analyses sur les données pour en connaître la
valeur au sens de son expertise (outils de type « algorithmes »),
– d’apporter de la valeur ajoutée aux données de conception afin
que cette information puisse être partagée, capitalisée et réutilisée dans
un contexte de re-conception ou de Case-Based Reasoning (outils de type
« intégration »).
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 187

Sous-traitants
2ème rang Intégration de l’ensemble des
informations liées au cycle
Schéma collaboratif de vie dans la phase de
• Donneur d’ordre développement
• Sous-traitants

Marketing

Développement
Recyclage

Production
SAV
Modélisation du produit

Cycle de vie du produit

Figure 7.1. Contexte industriel de l’approche d’intégration métier


en conception de produit

Les limites scientifiques et technologiques identifiées aujourd’hui dans le


milieu industriel sont alors de plusieurs ordres :
– les modèles de produit utilisés pour le partage de l’information sont
fortement basés sur la modélisation géométrique et ne prennent donc pas en
compte les données annexes issues des expertises métier. La modélisation
géométrique a été fortement développée depuis vingt ans pour pallier les
problèmes de re-conception, d’échange de données ou de maquette
numérique mais n’est plus suffisante dès lors que des processus de prise de
décision sont amorcés et pour lesquels les justifications précises ne sont plus
d’ordre géométrique ;
– la chaîne de l’information est souvent perturbée par des ruptures, ce qui
ne permet pas d’avoir un déroulé global et complet du processus de
conception. Ce déroulé est en effet fondamental encore une fois afin de
réduire les cycles de développement du produit en se basant sur des
techniques de capitalisation, de re-conception, etc. Les outils de PDM12 puis
de PLM13 ont été rapidement développés pour pallier en partie ce problème
(assurer la design chain : « chaîne numérique de conception »). Néanmoins,
ils restent à l’heure actuelle très peu dynamiques (les processus et les
concepts doivent être définis a priori) et ne permettent pas une gestion

12. PDM : Product Data Management.


13. PLM : Product Life Cycle Management.
188 La conception industrielle de produits 2

de l’information encapsulée mais uniquement une gestion de l’encapsulant


(c’est-à-dire fichier numérique) ;
– l’expert n’est souvent « utilisé » que pour son coté analyste (c’est-à-dire
réaction) de la solution proposée (calcul du cycle de vie, fabricabilité, etc.).
La partie proactive (c’est-à-dire synthèse des spécifications métier) qui lui
permettrait d’influencer, au plus tôt les solutions14 de conception est souvent
négligée. La littérature a proposé, dans une première approche, les processus
« what-if » concernant le retour d’information en conception [SAL 00] et qui
permettent de re-concevoir un produit suite à un changement du procédé de
fabrication par exemple. Plus récemment, des résultats proposent des
approches, pour le moment conceptuelles, de synthèse dans un but de
génération de solutions [CAG 03, SCH 07].

Afin de répondre aux limites citées ci-dessus, plusieurs concepts


fondamentaux sont introduits maintenant (voir figure 7.2) :
– recentrer la conception de produit sur les activités expertes permettant
d’argumenter et de justifier avec l’expérience et le savoir-faire les prises de
décision qu’elles soient individuelles ou collectives. Le processus est alors
poussé par les données et non plus tiré par le temps. Il est donc intéressant de
définir de « bons » modèles d’information métier issus de différents acteurs
experts participant à la conception. L’objectif des modèles n’est pas de
pouvoir générer automatiquement les solutions de conception mais bien de
structurer de façon la plus formelle possible les intentions de conception
(c’est-à-dire spécifications) en vue d’une réutilisation des informations. Pour
atteindre ces objectifs, il est important de travailler sur des analyses fines des
activités expertes desquelles découlent les concepts statiques (c’est-à-dire
ontologie métier) qui seront déployés dynamiquement au sein des
modélisations de produit ;
– travailler avec le modèle géométrique, bien entendu, car il garde son
importance comme moyen de communication (c’est-à-dire compréhension
commune) mais celui-ci doit être le résultat de l’ensemble des décisions
prises et non plus le support d’entrée aux processus de conception et de
décision comme cela est le cas à l’heure actuelle. En effet, beaucoup de
décisions sont alors dans ce cas implicites (c’est-à-dire les traductions des
expertises métier sont faites mentalement ou ne sont pas faites du tout par la
personne qui réalise le modèle CAO) et ne sont pas formalisées.

14. Plusieurs solutions sont mentionnées car dans le cas de la proaction, il est alors important
de laisser la place à la gestion des alternatives.
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 189

L’émergence de la solution géométrique doit être réalisée par traduction des


données expertes formalisées au sein des modèles de produit gérant
l’ensemble des données relatives à l’ensemble de son cycle de vie. Ce
mécanisme sera réalisé par l’intermédiaire du modèle de partage de
l’information et des modèles d’interface présentés plus loin ;
– spécifier les développements d’un environnement de conception
collaborative complétant alors l’offre actuelle des solutions CAO, XAO et
PLM. Cet environnement informatique, qui reprend plusieurs concepts
présentés par [PRA 97], doit rester cohérent face à la spécification et à
l’évolution (c’est-à-dire dynamique des processus et des expertises) des
organisations et des modèles d’information. Il doit par conséquent :
– offrir des applications métier (XAO) répondant au réel
positionnement proactif de l’expertise ;
– offrir une plateforme dynamique d’intégration des applications
métier autour d’un noyau de données partagées afin de réellement simuler le
comportement du produit sur l’ensemble de son cycle de vie. Les
applications métier communiquent avec le noyau de données par
l’intermédiaire de mécanismes d’échange de données [RIC 04] ;
– offrir des solutions d’émergence progressive du modèle 3D à partir
des informations sur le produit fournies par les applications métier.
Ch
oix
de Applications métier
sc
om (Modèle, Algorithmes, BD)
s
po Activité de dé
sa cé
nts ro n
tec
collaboration
es p catio Connecteurs spécifiques
hn x d ri
(émergence multi-CAD, gestion des

ol oi fab (échange de données)


o gi
qu Ch d e
Connecteurs spécifiques

Connecteurs spécifiques

es
(échange de données)s

Composants communs

Noyau de
Interface utilisateur

partage API de connexion


connaissances…)

d’information (échange de données)


standard

i Ac
te tiv Noyau
er ité
xp exp
it ée ert de données
tiv e i+1
Ac

Cadre d’intégration des activités Concepts d’environnement numérique


expertes en conception de conception intégrée

Choix des composants Choix des procédés


technologiques de fabrication

Solution du produit
Emergence des solutions (choix final)
Spécifications
du produit par intégration
fonctionnelles Données
des expertises Géométrie
métier

Expertise 1
Collaboration
Expertise 2

Concepts d’émergence des solutions de produit et du processus de


conception individuel et collaboratif

Figure 7.2. Objectifs généraux de l’approche d’intégration métier et des solutions


technologiques attendues pour le futur des logiciels CAO
190 La conception industrielle de produits 2

7.2. La modélisation de l’information en vue d’une capitalisation


et d’une réutilisation des solutions de conception

7.2.1. Préambule

Au sein d’un groupe projet, la modélisation de l’information telle qu’elle


est présentée en début de chapitre, est actuellement une modélisation liant
fortement :
– le modèle de données basé sur un modèle de produit particulier et qui
structure l’ensemble des informations relatives au produit et son cycle de vie
global ;
– le modèle d’activité (ou de processus) qui formalise l’enchaînement
logique des tâches que doit réaliser le groupe projet (début, charge,
entrée/sortie, etc.) ;
– le modèle de ressources (ou modèle d’organisation d’entreprise) qui
gère l’ensemble des ressources (hardware, software, humaines,
informationnelles) relatives aux activités de l’entreprise. Ce modèle gérera
alors l’affectation dynamique des ressources en fonction du pilotage de
l’organisation [KIM 01] et de l’évaluation des indicateurs de performances
[ROB 05].

Plusieurs publications présentent de tels modèles intégrés en utilisant ce


vocabulaire [MOL 02, KRA 06] ou un vocabulaire similaire : produit-
processus-ressources (PPR15) [LAB 04], produit-processus-organisation
(PPO) [GIR 05]. Ce dernier est directement issu des résultats du projet
IPPOP16. La figure 7.3 montre l’ensemble de la modélisation PPO et les
objets liant les différents modèles énoncés ci-dessus. L’information relative
au produit (c’est-à-dire données techniques) est alors bien le résultat des
activités du processus de conception.

15. Attention : la notion de ressources est, dans certaines références [LUT 01] ou dans
certains logiciels de CFAO, relative au processus de fabrication et aux ressources de l’atelier
de fabrication. Ce concept n’est pas directement similaire aux ressources liées à l’organisation
industrielle.
16. IPPOP : intégration produit processus organisation pour l’amélioration de la performance
en ingénierie. Ce projet a été labellisé par les RNTL en décembre 2001. Les résultats sont
accessibles sur : http://ippop.laps.u-bordeaux1.fr/
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 191

Les concepts de modélisation présentés maintenant se focalisent sur la


partie produit de ce modèle. On retrouve l’évolution des représentations du
produit couplées avec celles du processus de conception.

stratégique Entreprise
Organisation
Centre de
Décision
Cadre de conception

Concepts PPO
Données Projet Données
Projet
Techniques Techniques
tactique C
CD CD
I
DT DT DT F
SP1 SP2
B
T Produit
T
T
opérationnel Processus

Modèle intégré PPO

Produit Processus Organisation

Figure 7.3. Modélisation produit-processus-organisation (PPO)


issue des résultats du projet IPPOP

7.2.2. Déploiement des spécifications via l’intégration des informations métier

Afin de bien comprendre le besoinError! Bookmark not defined. de


faire évoluer les formalismes de gestion de l’information du produit, il est
important de revenir sur le changement organisationnel tel qu’il a été
192 La conception industrielle de produits 2

présenté en début de partie. Comme cela est montré sur la Figure [ROU 06],
le processus de conception est un enchaînement séquentiel ou simultané :
– d’activités individuelles asynchrones durant lesquelles chacun des
acteurs de conception évalue, en tant qu’expert métier, le comportement des
informations de conception suivant les critères qui lui sont propres et relatifs
au produit (analyse fonctionnelle, comportement statique, dynamique,
fabricabilité, assemblabilité, etc.) ;
– d’activités collectives asynchrones, déclenchées lors d’un conflit par
exemple, pour lesquelles plusieurs acteurs vont échanger par l’intermédiaire
d’outils asynchrones (mail, forum, etc.) pour comprendre l’argumentation et
le choix des autres afin d’arriver à une décision commune (qui elle sera
sûrement réalisée de façon synchrone). Ces activités ne sont pas définies a
priori, car inconnues, et doivent alors se construire dynamiquement durant le
processus de conception ;
– d’activités collaboratives synchrones. Ces activités peuvent ou non être
connues au départ du processus de conception. Dans le premier cas, des
jalons sont définis durant lesquels plusieurs décisions sont prises pour faire
converger la solution du produit. Dans le second cas, elles sont analogues
et/ou couplées aux activités collaboratives asynchrones mais le processus de
décision utilise alors des moyens synchrones (revue de projet, réunion de
travail, etc. en présentiel ou via des outils tels que la visioconférence).

Il est alors montré sur la figure 7.4, à partir d’une caractérisation sur trois
axes des données, que le processus de conception peut être :
– divergent lors des phases d’intégration. En effet, l’apport d’informations
nouvelles (c’est-à-dire augmentation de la quantité d’information) laisse,
grâce à la notion de juste besoinError! Bookmark not defined., de grandes
variabilités. Le nombre d’alternatives de conception augmente aussi par là
même ;
– convergent lors des activités de décision qui réduisent les espaces de
variabilité ;
– convergent lors des activités d’intégration, dans les phases avancées du
processus, qui viennent en effet contraindre les données déjà existantes.

L’intégration des experts métier est alors une boucle constante durant le
processus de conception qui permet une augmentation (divergence) ou une
contrainte (convergence) des informations relatives au produit en cours de
conception. Nous abordons alors la notion de Knowledge-Intensive
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 193

engineering [TOM 94] pour laquelle les fonctions (c’est-à-dire spécifications


de chacun des experts) sont traduites vers des attributs technologiques
(également relatifs à chacune des expertises) de la solution de conception.

A travers l’ensemble des activités du processus de conception,


l’information sur le produit (c’est-à-dire résultat du processus de conception)
est alors augmentée en quantité alors que la variabilité (c’est-à-dire intervalle
de valeurs) diminue pour converger vers une liste de solutions bonnes du
premier coup17, dont une sera retenue. Cette solution est bien entendu celle
retenue à un instant donné dans un contexte donné. Elle pourrait être
différente à un autre moment ou dans un autre contexte.

Données
Données Expertise 1 du produit Données
du produit Collaboration du produit
A11
A13

Données Expertise 2
du produit
A12

Processus de
Intégration des Décision conception
informations collaborative
expertes
V : Variabilité
des données

Temps
Q : Quantité de données
Evolution des données

Figure 7.4. Les activités du processus de conception


vers la convergence de la solution

17. Cette notion traduite de l’anglais « right the first time » est introduite pour s’opposer aux
concepts de conception de type « redo until right » [KIM 00].
194 La conception industrielle de produits 2

7.3. Un cadre pour de déploiement des spécifications basé sur une


modélisation multiple des informations : modèle de partage, modèles
métier, et modèles d’interface

Pour chacune de ces activités (individuelles ou collectives), nous


proposons des modèles de données permettant de structurer l’information
relative à un problème de conception. Ces modèles, comme cela est montré
sur la figure 7.5, sont présentés en trois groupes principaux répondant à des
fonctions différentes. L’information sur le produit en cours de conception est
alors découpée, car elle ne doit pas être traitée de la même façon, mais reste
liée et cohérente grâce à des correspondances (lien conceptuel, sémantique et
informatique) entre les modèles :
– les modèles métier qui fournissent les informations pour l’évaluation
comportementale du produit suivant une expertise métier particulière. Ces
modèles peuvent être simplifiés (analyse rapide basée généralement sur des
hypothèses simplificatrices) ou avancés pour donner une évaluation plus
« locale » mais certainement plus longue. Ils seront également connectés à
des sources d’information pour résoudre le problème de l’expertise et à des
algorithmes d’évaluation comportementale (voir figure 7.5). Cette notion de
modèle métier est similaire à la notion de modèle partiel de [DEN 02] qui
énonce que le produit est la somme des modèles partiels pouvant être
construits de façon asynchrone et distribuée par différents acteurs ;
– un modèle de partage d’information (PPO) qui fournira des
mécanismes de description des informations partagées entre plusieurs
acteurs (ex : multi-vues, relations, etc.). Il s’appuie sur la définition
dynamique de concepts à partir d’éléments génériques de modélisation pour
permettre une forte généricité. Il supporte également des concepts de
décomposition et d’association permettant la gestion de la continuité dans la
chaîne de l’information depuis l’analyse fonctionnelle (requirements
specification) jusqu’à l’étude détaillée de la définition du produit (detail
design). Cette solution qui sépare et ne met en commun que les informations
partagées est, à l’heure actuelle, préférée aux solutions d’union de modèles
vers un modèle commun unique. Les informations non partagées restent
alors gérées par les modèles métier ;
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 195

– des modèles d’interface assurant le lien entre les deux groupes


précédents18. Ces modèles d’interface sont définis pour intégrer les
informations métier à la zone de partage de manière proactive19 (notion de
DFX20). Ils répondent à des objectifs différents mais peuvent être en partie
basés sur des concepts communs aux modèles métier et de partage. En effet,
ils représentent alors une partie des informations métier et favorisent ainsi
l’émergence de la solution produit et en particulier de ses surfaces (formes
géométriques, tolérances, rugosité, etc.). Les modèles d’interface sont basés
sur la notion de flux formalisés par les concepts de squelettes et de peaux
[ROU 03].

Ch s

oix cé
ro n
tec des Activité de es p catio
hn com collaboration x d ri
ol
o g pos oi fab
ies an C h de Modèles métier Emergence CAO à partir
ts
du modèle d’interface 2
Noyau de
partage
d’information Modèles Concepts métier 2 traduits
d’interface avec le modèle d’interface 2
i Ac
r te ti vit
pe é
ex exp Concepts métier 1
i té ert
tiv ei non partagés Concepts métier 2
Ac +1
non partagés

Modèles de Concepts métier 1 traduits par le


partage de modèle d’interface 1 qui est partagé
l’information relations

Concepts métier 2 partagés


Emergence Multi-

Concepts métier 2 partagés traduits


avec le modèle d’interface 2
CAD

Emergence CAO à partir Emergence CAO à partir


du modèle d’interface 1 du modèle d’interface 2

Figure 7.5. Les trois groupes de modèles de gestion de l’information en conception

18. La littérature scientifique parle souvent d’interface entre un métier X et la conception (ex :
fabrication et conception). Dans notre approche où le processus de conception est centré sur
les métiers alors le « monde » de la conception est en fait le modèle de partage.
19. Cet aspect proactif est d’aller vers une réelle intégration des expertises métier au plus tôt
dans le processus de conception. Les tendances actuelles sont en effet majoritairement
réactives à partir d’une solution définie de la solution de conception.
20. DFX : Design For X. Le X correspond alors à un champ d’expertise particulier devant
analyser le comportement du produit pour évaluer son cycle de vie complet (capacité à être
fabriqué, assemblé, recyclé, etc.).
196 La conception industrielle de produits 2

[WU 04, PAR 05, WEI 06] présentent un découpage de modèles


similaires pour la modélisation du produit et un modèle métier d’évaluation
(ex : capacité et coûts des systèmes de production, faisabilité des systèmes
de prises de pièces en usinage, recyclabilité des produits). Il manque
cependant la notion de modèle d’interface dès lors que l’expertise veut être
proactive dans la phase de développement.

Les trois sections suivantes présenteront en détail les concepts


fondamentaux concernant le modèle de partage puis les modèles métier et les
modèles d’interface illustrés sur deux exemples d’activités : le choix des
composants technologiques multi-physiques et le choix des procédés de
fabrication.

7.3.1. Modèle de partage d’information produit pour la collaboration


et la prise de décision

Les concepts initiaux de modélisation sont issus des travaux réalisés par
[DEB 94], [TIC 96]. Ils avaient été proposés afin de répondre à une fonction
de mise en commun et de gestion de l’ensemble des données définissant le
produit. Les concepts se rapprochaient de la notion de modèle de produit
originellement présenté dans la littérature par [KJE 92], [KRA 93]. Ces
concepts ont largement été repris [HAR 97], [SAU 97, EYN 99, BER 00,
YAN 01a] et complétés par des concepts spécifiques à des contextes
particuliers. Cette modélisation devait alors permettre de rassembler
(c’est-à-dire d’avoir une image) de l’ensemble des données produit et de
pouvoir formaliser les relations qui pouvaient exister entre elles. Ces
relations pouvaient alors être utilisées pour notifier les changements
(c’est-à-dire variation de l’intervalle des valeurs) d’une ou de plusieurs
données.

L’ensemble des concepts fondamentaux de la littérature a été analysé une


nouvelle fois durant le projet IPPOP avec comme objectif le partage de
l’information. Il fallait donc proposer des concepts génériques pour
représenter la multiplicité des artefacts utilisés par les activités expertes
travaillant sur un projet de conception. Cette multiplicité peut être déclinée
en plusieurs points (voir figure 7.6) :
– multiplicité des informations qui décrit alors une sémantique
particulière de l’objet modélisé : composant, interface et fonction ;
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 197

– multiplicité des représentations logicielles. En effet, le même produit


peut ne pas être représenté de la même manière dans chacune des
applications logicielles expertes ;
– multiplicité des points de vue métier similaire au concept de
décomposition multi-vues énoncé précédemment et repris dans la littérature
[BRO 04]. Ce concept est modélisé par un héritage de chacun des concepts
lié à la multiplicité des informations qui caractérise le fait que ce sont des
objets d’une vue particulière ;
– multiplicité des états du système. Un objet comportement est alors
proposé et reprend, en partie, la notion de comportement du modèle FBS
(Function-Behaviour-Structure) [GER 90]. Un état peut alors être un mode
de fonctionnement du système (ex : mode normal ou dégradé) ou une
réponse à un comportement (ex : comportement élastique sous charge) ;
– multiplicité des niveaux de détail reprenant ainsi le concept de
décomposition granulaire. Ce mécanisme pourra être affecté à tous les objets
relatifs à la multiplicité des informations. Il sera alors caractérisé par des
classes d’héritage : la décomposition commune à plusieurs expertises, la
décomposition en tant qu’alternative de conception.

Record
inherits

Justification CoresTypes * DynamicClassEntity


justifies is associated with
justifies *

* is defined with instanciates


ModelledEntity Value AttributeType s Association
* 1 1 references

composition
Behaviour
* 2..* * 2..* 2..*
* < owns 1 *
2..* *
Function Interface Compon ent
1..* 1..* * technical solution
* links > *
1 1 1
decomposition

CF AF VF CI AI VI CC AC VC

Figure 7.6. Diagramme UML des objets de modélisation des informations produits
au sein du modèle PPO global [NOE 06]
198 La conception industrielle de produits 2

7.3.2. Modèles métier

Après avoir présenté la partie « collaborative » des activités de


conception il est maintenant temps de parler des activités expertes
« individuelles » et de leur analyse en vue d’une intégration (c’est-à-dire
synthèse) de leurs informations au sein de la modélisation du produit. Cette
intégration sera alors supportée par les modèles d’interface spécifiques
(voir 7.3.3.3).

La figure 7.7 représente un zoom de la figure 5.5 en focalisant maintenant


sur les « pétales » qui représentent les expertises participant au groupe
projet. La vision générique que nous donnons à ces activités comprend :
– un (ou des) modèle(s) métier utilisé(s) pour structurer les informations
et analyser le comportement de la solution du produit à un instant donné du
processus de conception. Tel que cela a été introduit précédemment, les
informations gérées par ces modèles ne sont pas forcément les mêmes que
les informations partagées. Ces modèles peuvent être « simplifiés » pour une
analyse rapide, et généralement globale, du comportement basée sur des
hypothèses bien définies (ex : RDM) ; ou « avancés » pour une analyse,
généralement locale, mais plus coûteuse en temps (ex : analyse numérique
par éléments finis) ;
– une (ou plusieurs) source(s) de connaissances (ex : base de données,
ouvrages, etc.) permettant d’instancier les modèles métier avec des valeurs
issues de l’expérience, du savoir-faire, de l’heuristique et qui représente(nt)
toute la puissance de la notion de « métier » utilisée dans nos travaux et dans
la communauté scientifique. Ce sont bien évidemment ces sources qui vont
« aider » l’expert à trouver la ou les « bonnes » solutions, à s’ouvrir sur
d’autres cultures, à innover (ex : catalogue de composants, base de données
de procédés de fabrication) ; le modèle métier n’étant là que pour structurer
cette solution ;
– le ou les outils informatiques21 commerciaux ou propriétaires utilisés
par l’expertise. Un même outil peut avoir été développé pour gérer à la fois
certaines données des modèles simplifiés ou avancés, les sources
d’information et le modèle d’interface. A partir de spécifications
(c’est-à-dire fonctions) issues du modèle de partage, les sources de
connaissances fournissent des solutions qui sont alors analysées par

21. Plusieurs études socio-techniques [MER 98] ont montré que les outils du concepteur
n’étaient pas forcément « informatiques ». Nous nous focalisons cependant sur des
environnements numériques pour le développement virtuel du produit.
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 199

les modèles simplifiés ou avancés selon le niveau de définition des


spécifications et de la solution. Les nouvelles informations générées par
l’expertise peuvent donc par la suite être intégrées au sein du modèle
de partage.

Bases de
connaissances
Modèle Modèle
d’interface Modèles Modèles
de partage
simplifiés avancés
92.5

92

91.5
angle en degré

91

90.5

90

89.5
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
temps t en seconde

Figure 7.7. Vision générique des activités expertes


dans l’environnement de conception

7.3.2.1. Exemple : choix des composants technologiques multi-physiques


Le modèle métier utilisé [KLE 07] est un modèle simplifié (vs avancé22)
permettant de supporter les choix de conception dans les phases amont du
processus. Il reprend principalement les notions (voir figure 7.8) de :
– fonctions (F) techniques que le produit doit respecter. Les fonctions
principales sont décrites au départ comme les spécifications à respecter et
sont décomposées dans le processus de conception pour aboutir aux
composants technologiques. Certaines fonctions « techniques internes »
apparaissent alors issues des interactions multi-physiques ;

22. Les modèles avancés pourraient, dans ce type d’expertise, être les modèles
comportementaux utilisés dans certaines solutions CAO afin d’analyser le comportement
cinématique et dynamique des produits. Ces modèles sont alors avancés car mettent en œuvre
des calculs beaucoup plus importants mais nécessitent un stade de définition de la solution de
conception (géométrie, matériaux, etc.) qui ne permet pas de les exploiter dans les phases de
conceptual ou d’embodiment design.
200 La conception industrielle de produits 2

– principes physiques (PP) permettant d’assurer la fonction en mettant en


jeu un ou plusieurs phénomènes multi-physiques ;
– technologies (T) qui représentent un composant, un sous-ensemble ou
un système technologique.

F
B +
Laplace : F=i•L^B

i PFD : F = m • a

dV
a=
Accélération : dt
-

Fonction : Transmettre un Principe de l’action-réaction


couple entre le stator et (contacts magnétiques)
le rotor (Cm/pe=Cpe/m)
• Couple C (N.m) (C=Pmag*Scontact)

Créer une pression


Principe de XXX
magnétique
(P=F/S)
• Pmag (N/mm2) = F/S

Créer un effort magnétique Principe de Laplace


• Effort F (N) F=i•L^B

Technologie : Aimant
Bobinage électrique
permanent
• Courant électrique (A)
• Induction B (T)
• Matériaux
• Matériaux
• …
• …

Figure 7.8. Modélisation du modèle de données pour le choix


des composants technologiques et analyse de son comportement

Chacun des concepts de la modélisation, nommée alors F-PP-T, est


caractérisé par un ensemble d’attributs. Nous retrouvons alors les attributs
fonctionnels (Af), les attributs physiques (Ap) et les attributs technologiques
(At). Chacun des paramètres de la modélisation est également caractérisé par
ses limites (c’est-à-dire intervalle des valeurs possibles pour un attribut). Ces
limites sont alors relatives à des limites physiques (ex : la supraconduction
n’est accessible qu’à de faibles températures) ou technologiques
(ex : un roulement à billes ne peut pas fonctionner au-delà de certaines
vitesses de rotation). Nous verrons que ces limites permettent de conserver
un ensemble de solutions admissibles au juste besoinError! Bookmark not
defined.. Les analyses comportementales permettront d’évaluer alors
l’espace de ces possibles.

L’évaluation comportementale (saisie d’écran de la figure 7.8) dans cette


expertise de choix des composants technologiques est importante pour
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 201

analyser si la solution retenue répond bien au cahier des charges


(c’est-à-dire aux spécifications fonctionnelles). Elle consiste donc à analyser
la (les) surface(s) de réponse des paramètres technologiques (At) sur les
paramètres fonctionnels (Af). Cette réponse ne peut être formalisée que par
des relations analytiques issues de la physique car ce sont bien elles qui
gèrent les phénomènes et donc le comportement du produit. Le principe
physique et ses paramètres (Ap) représentent ces relations et réalisent donc
le lien entre les Af et les At.

Pour cette expertise, les sources d’information pourront, par exemple,


être basées sur la méthode TRIZ [ALT 79] qui permet de formaliser le
problème de conception, d’appliquer des outils particuliers afin d’interpréter
la solution finale. Les résultats proposés dans Malin© [NAD 04] basés sur
cette méthode proposent alors une approche systématique de recherche de
solutions dans les phases amont de conception.

7.3.3.2. Exemple : choix des procédés de fabrication


Les concepts qui définissent le modèle métier lié à l’expertise de choix
des procédés et d’intégration des informations en conception sont composés
des objets (voir figure 7.9) :
– projet : représente l’étude de cas en cours. Cette étude est relative à une
pièce et non à un système global car l’étude des procédés de fabrication n’est
encore aujourd’hui réalisée qu’au niveau d’une pièce.
– alternatives de gammes : décrivent l’ensemble des gammes possibles
pour réaliser la pièce tout en respectant les spécifications fonctionnelles du
produit. Une alternative de gamme est composée d’un ou plusieurs procédés
dont le premier est forcément primaire.
– alternatives de produit : formalisent les alternatives du produit qui ont
émergé des différentes alternatives de gamme. La solution n’est pas, en effet,
identique si les procédés de fabrication sont différents.
– procédés de fabrication : décrivent les procédés de fabrication par leur
flux de matière (voir 7.3.3.3.5) et par leurs contraintes physiques et
technologiques. Ces limites sont les informations les plus pertinentes pour
choisir et justifier le choix des procédés.

Les concepts liés aux sources d’information sont :


202 La conception industrielle de produits 2

– une liste des procédés de fabrication connus de l’expert (attention :


cette liste est différente de la liste des procédés admissibles à la fin de
l’étude) ;
– les paramètres relatifs à chacun des procédés de fabrication :
– paramètres physiques qui caractérisent les phénomènes physiques
mis en jeu. Il est bien de revenir pour cela à la physique des procédés et aux
mécanismes de création, destruction ou déformation des liaisons au sein du
matériau.
– paramètres technologiques qui caractérisent les paramètres liés aux
technologies utilisées pour mettre en œuvre le procédé de fabrication. Les
technologies peuvent être alors des machines, des outils, des porte-outils ou
des porte-pièces.
– les intervalles de valeurs de chacun des paramètres. Ces intervalles de
valeurs représentent dans l’approche DFM les contraintes de chacun des
procédés ;
– une justification des intervalles de valeurs. Cet objet permet d’avoir une
explication des contraintes et d’en connaître par conséquent les évolutions
possibles liées à de nouveaux sauts technologiques ou de nouvelles
évolutions des limites physiques.
Illustration Description
Projet. NumeroD'operation
-Nom : char est composé de
PeauDUsage 1 -Acteur : char
1..*
+Créer et initialiser() 1 est illustré1 par est décrit par
* +Notifier() * 1 *
1
est composé de AleternativeGamme est constitué de
1
1..* -Nom : char Procédé
Définit
+CréerGamme() -Nom : char SqueletteDeFabrication.
1 1 1..*
AlternativeProduit Fabrique +Notifer() +Créer()
SqueletteDUsage 1 1..*
-Nom : char +NotifierProcédéChoisi()
1
PortionDeSqueletteDeFabrication 1..*
* * est composée de
1
1 1
-Nom : char 1 Habillage
est définie par 1 est définie par -FormeSectionInitiale : FormeSection
1..* -FormeSectionFinale : FormeSection Choix de procédés
1..* -VariationSection : VariationSection 1
est caractérisée par
-FibreNeutre : FibreNeutre
Peau
Squelette -SensMatièreSquelette : int Analyse
1 PeauDeFabrication
-Nom : char
-Nom : char
-FormeSectionInitile : FormeSection peut être fabriqué* par 1
-Forme : FormePeau
1 -FormeSectionFinale : FormeSection
-Ra : float est caractérisé par
-VariationSection : VariationSection est basé sur
-IT : float 1 ValeurAttribut
-FibreNeutre : FibreNeutre
-SensMatierePeau : bool *
-SensMatiereSquelette : int * * utilise
*
1
à comme type Technologie PrincipePhysique
1
1

est caractérisé par TypeValeur


1 est paramétré par 1

*
Entier AttributPeau Reel AttributSquelette
Paramètre
Intégration des contraintes

FormePeau FibreNeutre Section


Intégration est1limité par

1..*

1 limite Contrainte
1 est définiepar 1 est définie par

VariationSection FormeSection 1
Modèle métier + Modèle d’interface
Structure des sources
d’information
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 203

Figure 7.9. Modélisation des concepts liés à l’activité de choix des procédés
et intégration des informations de fabrication [SKA 06]

Concernant les procédés de fabrication conventionnels et les informations


connues relatives aux tolérances dimensionnelles, à la rugosité, etc.,
plusieurs sources (ex : web, références scientifiques, ouvrages [MAR 99])
existent. Le travail de l’expert est alors de retrouver ces informations et de
les structurer. Ces informations viendront alors compléter les bases de
données informatiques existantes qui sont également bien structurées et
complètes [CES 4, Product Navigator].

Dans le cas de l’expertise actuelle, l’analyse du comportement réside


dans le fait de connaître si le produit est fabricable avec une gamme de
procédés donnée et, si oui, quel est le coût de fabrication. Pour cela,
beaucoup de modèles existent issus de la littérature relative au DFM
[BOO 94], à la simulation éléments finis (ex : moldflow, forge, pamform,
pamcast, thermcast), à la FAO (ex : Catia, TopSolidCAM, etc.), aux modèles
de comportement simplifiés (ex : pour la forgeabilité [MAR 95]) ou à des
analyses basées sur l’heuristique [HAR 07].

7.3.4. Modèles d’interface pour la synthèse des informations

Un modèle d’interface est défini (voir figure 7.5) comme une structure de
données permettant de « formaliser » de manière particulière une partie des
informations liées à une expertise métier. Les interfaces permettent de
supporter, via un formalisme particulier, les mécanismes de « traduction »
des informations métier (issues des expertises) vers la modélisation partagée
du produit et intrinsèquement de sa géométrie. Ces mécanismes sont en effet,
à l’heure actuelle, réalisés mentalement par les concepteurs ; l’information
est alors perdue (c’est-à-dire non capitalisée) alors que ces informations
issues des expertises métier sont la base des choix de conception. Boukini et
al. [BOU 05] abordent un concept similaire pour traduire des informations
spécifiques interprétées implicitement de la géométrie vers les analyses
métier.

Le modèle d’interface doit donc assurer les trois fonctions suivantes :


– participation à l’émergence proactive et au juste besoinError!
Bookmark not defined. de la solution (ou des alternatives) de conception et
204 La conception industrielle de produits 2

par conséquent à l’émergence du


(ou des) modèle(s) géométrique(s). Ce modèle de produit et le modèle CAO
associé doivent en effet être le résultat du processus de conception
(voir figure 7.2). Fonction d’intégration (c’est-à-dire synthèse) pour l’émergence ;
– mise en relation avec d’autres informations partagées (voir modèle de
partage) issues d’autres expertises afin de capitaliser les dépendances entre
l’ensemble des données du produit en cours de conception et pouvoir
propager et notifier les changements. Ceci est un des moyens de pouvoir
détecter des conflits de conception. Fonction de partage ;
– compréhension par d’autres experts qui n’ont pas nécessairement les
connaissances du domaine d’expertise en question. Cela est important dès
lors qu’une partie de l’activité de conception est collaborative et doit aboutir
à une prise de décision collective lors d’un choix ou lors d’un compromis.
Nous retrouvons ici la notion d’entités de collaboration comme elle a été
abordée dans les travaux de [LAU 00] ou de [ROS 04]. Fonction de
simplification.

Les modèles d’interface assurent donc la continuité de la chaîne


d’information entre les modèles métier et le noyau des informations
partagées qui assure la liaison inter-expertises. Ils doivent donc modéliser,
même de façon simplifiée, le modèle métier. Ce sont bien les modèles
d’interface qui favorisent la proactivité et l’intégration des informations
métier dans la définition du produit pour que l’expertise ne soit plus
uniquement un processus réactif face à des choix déjà arrêtés.

Les informations gérées par ces modèles sont donc l’ensemble, ou une
partie, des informations métier et/ou des informations partagées. Seule la
structure de modélisation (c’est-à-dire formalisation des informations) est
différente afin d’assurer les trois fonctions présentées ci-dessus. La
« traduction » (c’est-à-dire correspondance) des modèles métier vers les
modèles d’interface peut être complète ou partielle. La tendance que nous
proposons va vers des modèles partiels et simplifiés qui permettront « plus »
facilement de réaliser les trois fonctions attendues d’un modèle d’interface.
En effet, le modèle d’interface pourrait être le modèle métier complet mais
les mécanismes de vulgarisation pour la prise de décision, d’émergence de la
géométrie, etc. n’en seront que plus compliqués, délocalisés vers le noyau
partagé donc réalisés implicitement et non explicitement à travers les
modèles, ce qui ne sert à rien car l’information est alors perdue.
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 205

REMARQUE : la notion d’interface dans ce chapitre ne cherche pas à


répondre de manière exhaustive à toutes les fonctions d’interface
conception-métier qui peuvent être présentées par d’autres auteurs [TWI 02],
[BOU 01, LOM 06] de manières totalement différentes de celle-ci.

7.3.4.1. Position des modèles d’interface et des mécanismes de traduction


dans le processus de conception centré sur les expertises métier
En se basant à nouveau sur la Figure les modèles d’interface permettent
bien de formaliser, durant le processus de conception, des actions qui sont à
l’heure actuelle réalisées de manière mentale (ou tacite) par les concepteurs.
Les informations ne sont pas alors capitalisées et donc perdues. Ce « trou »
dans la chaîne de l’information est préjudiciable dans les processus de re-
conception de produit ou dans les mécanismes de compréhension et de
justification des décisions prises.

La position des modèles d’interface et le déclenchement des mécanismes


de traduction associés peuvent être différents suivant les contextes de
conception. Les fonctions « activées » du modèle d’interface ne seront, de
même, pas les mêmes :
– déclenchement des mécanismes au sein de l’activité métier pour donner
une idée de(s) la solution(s) de conception qui émerge(ent) de l’analyse et
des choix réalisés au sein d’une activité métier. Il est alors possible de ne
partager que le modèle d’interface ;
– déclenchement au sein du noyau de partage pour partager l’émergence
de(s) la solution(s) de conception d’une activité métier à tous les acteurs
participant à la conception. L’ensemble du modèle métier est alors partagé ;
– déclenchement au sein du module « multi-CAD » pour confronter les
solutions de conception qui émergent de plusieurs activités métier à partir de
modèles simplifiés.

Plusieurs de ces mécanismes peuvent être également superposés,


l’information échangée entre les différents modèles (métier, partage,
interface) quoique redondante sera alors totalement associative grâce au
système d’information.

7.3.4.2. Le concept de « flux » pour la modélisation des modèles d’interface


Cette section présente le travail de synthèse qui permet de proposer une
structure commune pour les modèles d’interface basée sur la notion de flux.
206 La conception industrielle de produits 2

Les modèles d’interface pour chacune des expertises ne seront alors qu’une
spécialisation (ajout d’attributs spécifiques) de ces flux :
– pour l’expertise relative au choix des composants technologiques, les
flux d’énergie au sein du système, des sous-systèmes et de pièces seront
modélisés ;
– pour l’expertise relative au choix des procédés de fabrication, les flux
de matière mis en forme lors de la fabrication seront modélisés.

La proposition répond parfaitement aux fonctions attendues des modèles


d’interface en partant du concept fondamental que la notion de flux23
modélise intrinsèquement (voir figure 7.10) :
– une trajectoire sur laquelle s’appuie le flux. Cette trajectoire est orientée
pour définir le sens d’écoulement du flux,
– des surfaces :
– enveloppes du flux qui limitent par la même le champ d’action du
flux. Au-delà de cette enveloppe, le flux peut être considéré comme
négligeable vis-à-vis des éléments extérieurs ;
– transversales traversées par le flux. Ces surfaces sont, bien
entendu, limitées par une section fermée délimitant le volume (c’est-à-dire :
l’enveloppe) du flux. Cette section intervient dans le calcul de l’intensité du
flux en chaque point de l’espace.

Surfaces transversales
au flux

Surface enveloppe
du flux

Trajectoire du flux

Section de départ
du flux

Figure 7.10. La représentation d’un flux pour les modèles d’interface

23. La physique exprime un flux par une grandeur scalaire égale à une quantité vectorielle qui
traverse une surface orientée. Si la surface est fermée il existe également la notion de flux
divergent qui est relatif dans notre cas au flux traversant la surface enveloppe.
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 207

En raison de son caractère graphique et générique d’après les concepts de


la physique, un flux répond parfaitement :
– au problème de simplification des modèles métier en vue des activités
collaboratives. Il représente en effet un objet intermédiaire qui donne
intrinsèquement une compréhension minimale des concepts à chacun des
acteurs du processus de prise de décision ;
– au problème de proactivité et d’émergence des modèles géométriques.

7.3.4.3. Les notions de « squelettes et de peaux » pour caractériser les flux


Pour répondre à la fonction de mise en relation entre données expertes
lors du processus de conception (c’est-à-dire prises de décision à partir de
spécifications), nous proposons alors la notion de :
– squelettes qui représentent la trajectoire du flux :
– la topologie de la trajectoire (ex : linéaire, plaque),
– la topologie des sections de départ et d’arrivée qui peut en effet
être différente,
– la loi de variation des sections le long de la trajectoire (ex : nulle,
linéaire, quadratique, polynomiale),
– peaux qui représentent les surfaces fonctionnelles enveloppes ou
transversales du flux. Ces surfaces sont, en fait, directement liées24 à la
définition des squelettes. Selon l’expertise métier, le point d’entrée sera
différent et l’expertise pourra contraindre les peaux ou les squelettes
(ou partiellement l’un ou l’autre) :
– la topologie du contour de la surface,
– le type de surface (plane, cylindrique, sphérique, etc.).

7.3.4.4. Exemple : choix des composants technologiques multi-physiques


Le modèle d’interface flux proposé est maintenant présenté sous sa forme
spécifique (c’est-à-dire spécialisation) à l’activité de choix des composants
technologiques multi-physiques. L’analyse de l’expertise basée sur la
formalisation des principes physiques a amené naturellement à travailler sur
la formalisation des flux énergétiques. En effet, toute fonction principale du
système peut être ramenée à la circulation d’un courant généralisé induit par
une source de tension généralisée couplée à des propriétés spécifiques des

24. Les attributs d’une peau peuvent être déduits de ceux du squelette par balayage de sa
section sur sa trajectoire.
208 La conception industrielle de produits 2

matériaux. Cela est introduit dans [CON 96], qui lui-même se base sur les
travaux de [DUP 91] et les concepts de Bondgraphs. Ce formalisme est
repris dans le modèle d’interface par [ROU 01].

Le modèle d’interface est donc composé de plusieurs concepts permettant


de structurer la notion de flux énergétique (voir figure 7.11) couplée à la
modélisation F-PP-T qui est au cœur de cette expertise. Nous retrouvons,
au-delà des concepts génériques déjà présentés :
– le squelette d’usage qui modélise la trajectoire des flux énergétiques
(bijection avec la fonction du modèle F-PP-T). Il hérite naturellement des
attributs des squelettes et est caractérisé de manière spécifique par :
– le type de flux (mécanique, électrique, magnétique, etc.),
– le type de transfert de flux (conduction, semi-conduction, isolation),
– le principe physique formalisant le mécanisme de conduction des flux,
– les limites sur les intervalles des valeurs nominales induites par la
notion de limites du modèle F-PP-T,
– la peau d’usage (ou élément frontière – EF) qui représente une surface
fonctionnelle immatérielle à travers laquelle circule un flux énergétique. Elle
hérite des caractéristiques des peaux avec les spécialisations suivantes :
– limite sur les intervalles des valeurs nominales induites par la
notion de limites du modèle F-PP-T,
– l’élément technologique (ET) (représentant les technologies de F-PP-T)
qui traduit le résultat de l’activité et qui peut représenter à des niveaux
granulaires différents : le système, un sous-système ou une pièce.
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 209

Fonction Principe ET1

Les conducteurs
ET2

Les semi-conducteurs Squelette d’usage

P dissipée
Fonction
ET 1 EF EF ET 2
Les isolants

Peaux d’usage

0
Bâti 0 {T}R1/Bât

{T}Pe/Bât 0
0
{T}Ps/Bât

Figure 7.11. Concepts du modèle d’interface d’usage relatif


au choix des composants technologiques

Ce modèle d’interface se déduit (pour apporter la fonction d’émergence


de la géométrie de la solution – voir figure 7.11) de l’évolution du modèle
F-PP-T. Il donne également une vision partageable de la solution en y
apportant les attributs génériques des concepts squelette et peau. Il doit être
considéré comme une traduction simplifiée du modèle métier F-PP-T. La
notion de squelette et peau d’usage telle qu’elle est abordée ici est
grandement similaire à la notion de Channel et Pair Surface proposée par
[ALB 04].

7.3.4.5. Exemple : choix des procédés de fabrication


Le modèle d’interface générique basé sur la notion de flux est spécialisé
ici pour l’activité de choix des procédés de fabrication et d’intégration des
contraintes de fabrication dans la définition du produit. En partant de
l’hypothèse que tout procédé de fabrication met en œuvre un flux de matière,
la notion de modèle d’interface repose naturellement sur ce flux de matière.
La modélisation métier présentée ci-dessus inclut donc cette notion de flux
de matière comme modèle d’interface qui, d’une part, est contraint par les
procédés de fabrication et leurs limites, et d’autre part, donne lieu à
l’émergence d’une géométrie de fabrication. Les concepts de squelette
(section, trajectoire) et peau (surface) sont donc définis de la façon suivante
(voir figure 7.12) :
210 La conception industrielle de produits 2

– le squelette de fabrication qui représente un flux de matière mis en


œuvre par une opération d’un procédé de fabrication. Ses attributs
spécifiques sont :
– le type de flux : addition (pour les procédés primaires, ex :
extrusion), suppression pour les procédés d’enlèvement de matière
(ex : usinage), déformation pour les procédés mettant en jeu des déformations
plastiques (ex : emboutissage) ;
– les tolérances sur l’ensemble de la topologie du squelette :
– sur la trajectoire : cette tolérance représente soit une
ondulation sur la trajectoire qui génèrera les défauts de forme qui
apparaîtront sur la pièce fabriquée, soit des tolérances
dimensionnelles qui représentent les tolérances sur la pièce ;
– sur la section du squelette : cette tolérance représente les
défauts dimensionnels de la pièce fabriquée ;
– l’anisotropie sur la trajectoire induite par l’opération de
fabrication. Cet attribut permet d’aller plus loin que l’émergence de la
géométrie et de ces tolérances. C’est grâce à cet attribut là qu’il est possible
de caractériser la notion de fibrage par exemple. Cette anisotropie sur la
trajectoire existe principalement pour les procédés de « déformation » ;
– l’anisotropie sur la section du squelette. Elle représente la variation
d’une grandeur sur la section du squelette. Cette variation sera alors
intrinsèque au volume de la pièce finale car balayée sur la trajectoire du
squelette. Nous pourrons par exemple modéliser grâce à cet attribut un
gradient thermique (dû au refroidissement en fonderie) sur des surfaces
transverses ou un état de contraintes en profondeur induites par la coupe des
métaux durs ;
– la peau de fabrication qui représente la ou les surfaces générées par une
opération de fabrication. Elle est caractérisée par :
– sa qualité (tolérance, ondulation, rugosité). Les qualités de la
surface générée pourront alors être directement comparées avec les qualités
spécifiées, potentiellement issues, dans notre approche, de l’activité de
tolérancement couplée au choix des composants technologiques ;
– l’anisotropie induite par les procédés de fabrication. Cette
anisotropie sur la surface est complémentaire à celle sur la trajectoire et la
section du squelette. Elle correspond à une zone de la surface qui n’est pas
homogène au reste. Il est alors possible, par exemple, de caractériser à
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 211

travers cet attribut l’état des contraintes résiduelles issues du procédé de


grenaillage de précontraintes sur une surface enveloppe.

Trajectoire du
flux de matière
Squelettes de
déformation (anisotropie
Section du flux sur la trajectoire du
de matière squelette)

Surfaces générées
par le balayage
du squelette (Ra)
Anisotropie sur la
section du squelette

IT IT

Tolérance dimensionnelle
et ondulation sur le
squelette

Figure 7.12. Concepts du modèle d’interface de fabrication relatif


au choix des procédés de fabrication

REMARQUE : Une pièce est généralement réalisée à partir d’une gamme


de fabrication. Plusieurs squelettes seront alors associés à une pièce afin de
définir l’ensemble de ses paramètres et l’ensemble de ses peaux de
fabrication. Nous rappelons également qu’un squelette (associé à une
opération d’un procédé) peut être décomposé en portions de squelette.

7.4. Les outils numériques d’aide à la conception

La section 7.3.1 a présenté le contexte et les limites actuelles des outils


logiciels pour l’ingénierie numérique des produits. Sans rentrer dans les
détails des systèmes d’information pour la conception qui sont présentés
dans le volume 1 de cette série d’ouvrages, intitulé « Management des
hommes, des projets et des informations », chapitres 10 et 11, la section
suivante donne tout de même certaines orientations dans le déploiement de
telles architectures.
212 La conception industrielle de produits 2

7.4.1. Une solution de plateforme d’intégration logicielle

De manière à respecter l’hétérogénéité conceptuelle et logicielle des


expertises intégrées dans le processus de conception, une architecture
logicielle favorisant l’intégration de divers logiciels métier ou commun est
préconisée. Cette architecture d’intégration permet le développement séparé
(technologies et langages de programmation, évolutions et versionnements)
des différents composants à l’inverse des applications uniques intégrant
l’ensemble des fonctionnalités logicielles. Un exemple est donné sur la
figure 7.13 et comprend :
– des modules experts basés sur un modeleur métier, des sources de
connaissances et des outils d’analyses comportementales ;
– un module pour le partage des informations (et l’intégration avec les
données relatives au processus de conception et à l’organisation
industrielle) ;
– un module multi-CAO support au processus de prise de décisions dans
le cadre d’un processus de conception collaboratif durant lequel chacun des
acteurs peut ne pas avoir la même perception de la solution.

La cohérence et l’intégration opérationnelle est dans ce cas assurer par les


concepts de modélisation d’interface.

L’interopérabilité logicielle peut, elle, être supportée par les technologies


émergentes telles que les architectures orientées services (SOA).
Spécifications pour la conception de systèmes mécatroniques Error! Bookmark not
defined.Error! Bookmark not defined. 213

Modules métier
Caractéristiques relatives aux
Squelettes et Peaux permettant de
faire l’interface métier-conception

Module de
partage
Multi-CAD
Module

Figure 7.13. Vue générale de ce que pourrait être


une plateforme d’intégration logicielle [ROU 07]
Chapitre 8

Conception des systèmes de production


automatisés dirigée par les modèles

8.1. Introduction

Aujourd’hui, l’industrie se retrouve face à un marché complètement


changeant, et dont les tendances sont difficiles à anticiper correctement, il
faut que les produits soient personnalisables, variés et peu chers pour attirer
le client, et la concurrence mondiale est particulièrement présente. La
réactivité n’est plus un gage de survie, il faut sans arrêt innover et pouvoir
mettre en place de nouveaux produits avec les moyens de production
correspondants dans des laps de temps très réduits. Il est alors nécessaire de
capitaliser les efforts passés de façon structurée pour ne consacrer du temps
que sur les éléments réellement nouveaux. La phase de conception devient
une composante essentielle dans l’évaluation de l’efficacité d’une structure
flexible de production.

Nous introduisons ici l’ingénierie dirigée par les modèles (IdM), et


montrons comment avec un langage de modélisation et une méthodologie de
conception orientée composants, il est possible de réaliser des spécifications
en retardant au maximum le choix d’une technologie particulière pour
l’implémentation finale, ceci dans le cadre d’un système de production
automatisé.

Chapitre rédigé par Khalid KOUISS et Fabien CHIRON.


214 La conception industrielle de produits 2

8.2. L’approche MDA (Model Driven Architecture)

De façon similaire aux techniques de différenciation retardée qu’on peut


retrouver dans les lignes de production, cette approche propose la spécification
de modèles indépendants d’une plate-forme d’exécution particulière puis un
raffinement successif à l’aide de transformations et de profils de déploiement
pour un environnement cible. Proposée par l’Object Management Group
(OMG) ce processus de modélisation s’appuie sur le langage Unified
Modeling LanguageError! Bookmark not defined. (UMLError! Bookmark
not defined.), la figure 8.1 schématise son principe.

Les modèles de plus haut niveau appelés PIM (Platform Independant


Model) focalisent sur la description des opérations à l’aide d’entités,
d’interfaces et de relations décrites dans un langage neutre, en l’occurrence
UMLError! Bookmark not defined. pour la partie graphique et le langage
OCL (Object Constraint Language) pour la description textuelle des
contraintes et des conditions sur les éléments du modèle. En fonction de ces
premières spécifications, des choix vont être faits en fonction du contexte du
développement, des technologies performantes du moment. Pour refléter ces
choix, des modèles plus précis PSM (Platform Specific Model) sont obtenus
en appliquant des règles de transformations définis dans le profil de la
technologie cible, par exemple dans le cas de la conception logicielle, la
plupart des outils UMLError! Bookmark not defined. du marché
proposent la génération de code en langage C++, java.

PIM Types Indépendants


d’une plate-forme

Types
Transformation d’origine
Spécifications de
Transformat ion

Types cibles
Types Spécifiques
PSM d’une plate-forme

Figure 8.1. Transformation des Modèles


Conception des systèmes de production automatisés 215

8.3. Le langage UMLError! Bookmark not defined.

Créé à l’origine pour faciliter la modélisation objet des applicatifs


logiciels, UML devient une norme de l’OMG en 1997 et est devenu un
standard incontournable dans les projets complexes de développement
informatique. L’approche objet étant beaucoup moins intuitive que
l’approche fonctionnelle classique lors des spécifications, UMLError!
Bookmark not defined. propose un ensemble de diagrammes et de
notations graphiques facilitant la représentation structurelle et
comportementale d’un système et ce, indépendamment d’une technologie ou
d’un langage donné.

UML n’est qu’un langage formel de description, l’utilisateur est libre de


sélectionner la méthodologie d’analyse de son choix selon le contexte
d’utilisation, avec tout ou partie des types de diagrammes. Avec la version
2.0, la notion de composant a été enrichie, il est désormais possible de
représenter une entité comme une structure composite d’instances d’éléments
interconnectés et encapsulés. Il est également désormais possible, par
l’intermédiaire de nouveaux connecteurs, de spécifier précisément comment
les interfaces extérieures d’un composant sont implémentées en interne.

8.4. Notion de composant dans les systèmes de production automatisés

L’identification de composants permet de capitaliser des fonctionnalités


spécifiques pour leur réutilisation ultérieure au sein de nouveaux projets. On
distinguera des modules directement liés à des parties physiques du système
(par exemple un robot, un convoyeur, un vérin) et des fonctions de
collaboration entre ces modules. Ces éléments doivent répondre à des
spécifications pour différents domaines d’application figure 8.2., on parlera
de composants multi-facettes.
216 La conception industrielle de produits 2

Figure 8.2. Composant multi-facettes

Chaque facette est spécifiée à l’aide d’un modèle UML adapté au


domaine de description. Des extensions sont introduites au fur et à
mesure que l’on rentre dans les détails, avec l’objectif de retarder au
maximum l’introduction de termes techniques relatifs à une technologie
particulière.

Ce choix sera réalisé par la suite et doit conduire à l’utilisation de


profils spécifiques de déploiement (comme illustré figure 8.3. pour la
partie automatisme), ou bien d’extensions au langage UML pour une
modélisation plus détaillée (par exemple SysML).

Figure 8.3. Processus de spécialisation du modèle


Conception des systèmes de production automatisés 217

8.5. Travaux dirigés. Etapes de spécification UML sur un système


automatisé

Le cas d’étude suivant est une machine destinée à la préparation de


couches de produits qui seront ensuite empilées sur une palette. La
figure 8.4. montre un plan simplifié dessiné par l’inventeur. Les
concepteurs décident de modéliser l’installation et ses modes de
fonctionnement avant de lancer le développement des programmes de
commande et de la machine. Les produits arrivent par la droite en file
indienne avec des espacements réguliers. Des robots sont ensuite chargés
de manipuler ces produits afin de les positionner de telle sorte qu’ils
s’accumulent en formant un plan de palettisation donné au niveau d’une
butée. On focalise sur la partie pilotage représentée figure 8.5. par un
diagramme de cas d’utilisation.

Figure 8.4. Plan machine

Q1. Le diagramme de cas d’utilisation permet d’illustrer de façon


générale les interactions entre acteurs externes et le système. Il permet de
décrire les fonctionnalités et services attendus du système. La seconde
étape consiste à détailler chaque cas d’utilisation à l’aide d’un diagramme
d’activité permettant d’illustrer les scénarios choisis par les concepteurs.
Effectuer ce travail pour le cas d’utilisation « positionner les produits »
en s’appuyant sur le descriptif textuel suivant : « avant d’aller chercher
218 La conception industrielle de produits 2

un produit, on devra s’assurer que le positionneur est bien en attente d’un


produit. Il devra pour cela avoir reçu les points de prise et dépose
correspondant au prochain produit qu’il aura à manipuler. A la réception
d’un signal lui indiquant que le produit est disponible, le positionneur
effectue son travail en se déplaçant à la même vitesse que le convoyeur.
Toute erreur intervenant dans les différentes phases du fonctionnement
est traitée par un module de gestion d’alarmes. »

Figure 8.5. Diagramme de cas d’utilisation du sous-système pilotage

Q2. A partir du diagramme d’activité précédent, on a identifié trois


principaux éléments participant au positionnement des produits sur la
machine (robot, convoyeur, cellule). Il faut permettre aux deux premiers
composants d’être commandés en manuel et d’archiver des informations sur
leur fonctionnement dans une base de données. Représenter chacun de ces
éléments sous forme de « boîtes noires » à l’aide d’un diagramme de
composants, en faisant apparaître les services requis et les services fournis
pour le composant.

Q3. Assembler les éléments précédents dans un diagramme de structure


composite afin d’expliciter les connexions entre interfaces et les liens vers
l’extérieur.
Conception des systèmes de production automatisés 219

Q4. De façon à affiner la description des composants au niveau du


modèle pour leur comportement interne, on décide d’utiliser des diagrammes
à états. Reprendre le cas du positionneur, identifier les différents états et les
conditions de passage entre ces derniers. Le positionneur est un robot
effectuant ses mouvements selon trois phases, dégagement, approche et
manipulation. Il récupère les missions qu’il doit exécuter dans une zone
mémoire prévue à cet effet.

8.6. Correction

R1. Figure 8.6. On vérifie d’abord que le positionneur est bien prêt à
effectuer un travail, à l’aide d’une opération de type initialisation. La réussite
ou non de cette initialisation conduit à deux scénarios différents. Le test
s’effectue au niveau d’un nœud de décision. Si l’initialisation s’est déroulée
correctement, le robot peut prendre connaissance la mission si elle est
disponible, le cas inverse menant à un défaut. Le signal donné par la cellule
et indiquant qu’un colis se dirige vers le positionneur est modélisé à l’aide
d’un symbole particulier, permettant l’activation d’une partie du scénario. Si
le robot est en attente produit, la mission s’effectue normalement, sinon un
défaut est généré. L’activité alarme est sollicitée à de nombreuses reprises et
on peut imaginer différents scénarios en fonction du type d’alarme générée.
Pour cette raison un symbole d’activité composite est utilisé pour montrer
qu’il existe un niveau de description plus détaillé pour cette activité
particulière.
220 La conception industrielle de produits 2

Figure 8.6. Diagramme d’activité « positionner les produits »

R2. Figure 8.7. Trois éléments sont nécessaires pour ce fonctionnement,


un positionneur qui sera un robot en l’occurrence, une cellule qui permettra
de repérer les produits se présentant devant le robot, un convoyeur qui
amènera les produits devant le robot et sur lequel le robot pourra
se synchroniser afin d’effectuer un déplacement sans toucher d’autres
produits. La représentation « boîte noire » permet de lister les éléments
requis par un composant et les éléments qu’il fournit à l’extérieur.

IMission (services permettant de récupérer les informations de dépose de la


mission en cours) ; ICodeur (services d’accès à l’information donnée par le
codeur du convoyeur) ; IAlarme (accès à des mécanismes particuliers de
déclenchement d’alarmes) ; IBdd (accès à des services d’accès à une Bdd) ;
IAir, IAlim (traduit les besoins en terme d’alimentation) ; IEventSink (le
positionneur met à disposition une interface à partir de laquelle d’autres
éléments pourront lui indiquer des événements via des notifications. Par
exemple dans notre cas la cellule pour le signal de passage colis) ;
IManuel (offre des services de contrôle en manuel) ; IReadWrite (services
d’accès en lecture ou écriture).
Conception des systèmes de production automatisés 221

Figure 8.7. Diagramme de composants

R3. Figure 8.8. Le diagramme de structure composite est très pratique


pour représenter la structure interne des composants. Ici, on réutilise les
vues boites noires définies précédemment pour les assembler ensemble au
sein d’un composant plus global de positionnement, qui pourra à son tour
être éventuellement réutilisé dans d’autres contextes avec pour seule
contrainte la fourniture des services dont il a besoinError! Bookmark
not defined.. Les composants sont cette fois représentés comme des
instances (nom instance : classe/composant de base) que l’on appelle
« parts » en UML pour ce diagramme. Les besoins extérieurs sont
reportés à l’extérieur du composant conteneur et reliés à des « ports » qui
permettront de grouper les échanges par type de communication.
222 La conception industrielle de produits 2

Figure 8.8. Diagramme de structure composite « module de positionnement »

R4. Figure 8.9. Pour les entités élémentaires, c’est-à-dire les


classes/composants que l’on décide de ne pas découper en sous-éléments,
on représente le comportement dynamique à l’aide de machines à états
(« statecharts ») qui permettent de représenter la logique de
fonctionnement. La vocation de ce diagramme est de s’approcher de la
logique qui sera implémentée définitivement sur la plate-forme
d’exécution correspondante. Dans ce cas, on voit qu’il y aura un
programme pour le robot qui sera déployé sur une baie robot et qui sera
composé de sous-programmes représentés par des états composites sur le
diagramme.
Conception des systèmes de production automatisés 223

Figure 8.9. Diagramme d’états « cycle positionneur »


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