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Norbert Gaillard

Les agences
de notation

~La Découverte
9 bIs. rue Abel-Hovelacque
75013 PalIS
Introduction

Depuis la fin des années 1990, les agences de notation sont au cœur
de plusieurs controverses . La crise asiatique de 1997-1998, le
scandale Enron en 2001 et, plus récemment, la débâcle des subprimes de
2007-2008 ont révélé l'influence de la notation financière sur les
marchés de capitaux tout en démontrant ses limites.
Une première critique adressée aux agences porte sur l'opacité de
leurs méthodes de notation. Quelles sont les principales variables
prises en compte pour juger de la solvabilité d'un État, d'une
collectivité locale, d'une entreprise ou d'une banque ? Les agences
fondent-elles leurs décisions sur un modèle mathématique?
Une deuxième critique a trait à la forte concentration du secteur de
la notation. Trois entreprises accaparent la quasitotalité du marché.
Dans quelle mesure cette structure oligopolistique ne risque-t-elle pas
d' affecter la qualité des notes attribuées?
Une troisième critique concerne les conflits d 'intérêts apparus au sein
des agences et qui posent le problème de leur mode de rémunération. Le
fait que leurs revenus proviennent essentiellement des émetteurs de
dette qu'elles notent met effectivement en cause leur objectivité.
Une quatrième critique renvoie à l'incapacité chronique des agences à
anticiper les dégradations bmtales de solvabilité des emprunteurs. À la
veille des crises de 2001 et de 2007-2008, plusieurs entreprises qui
allaient tomber en cessation de paiement étaient considérées comme
tout à fait solvables .
Une cinquième critique souligne enfin la tendance des agences à «
surréagir » une fois les crises confirmées. Leurs abaissements de
nota tion, décidés au milieu de chaque récession économique,
contribuent en effet à aggraver les crises. Ils ont été critiqués aussi bien
par les investisseurs que par les régulateurs et le milieu académique.
Afin de mieux éclairer ces différents débats, cet ouvrage
commencera par présenter l'histoire de la notation financière, née il y a
plus d'un siècle aux États-Unis, et définira ce qu'est exactement une
notation (également appelée « note » ou ra üng) , au-delà de la simple
évaluation du risque de crédit d'un empmnteur ou d'une émission
spécifique. Seront ensuite abordées l' organisation et les politiques de
notation des trois principales agences qui dominent le marché :
Moody's Investors Service (Moody's), Standard & Poor's (S&P) et Fitch
Ratings (Fitch). Ce livre s'attachera également à dégager les principaux
critères de notation pris en compte: ceux-ci varient considérablement
selon que les agences notent des entreprises (notation C01pora te), des
États (notation souveraine) , des collectivités locales (notation «
subsouveraine ») ou d'autres types d'émetteurs et de produits financiers .
Il faut cependant bien garder à l'esprit que ces différentes méthodologies
sont toutes destinées à mesurer le risque de défaut d'un émetteur (le
terme « défaut » étant le plus usité pour désigner à la fois les faillites
d'entreprises ou de banques et le non-respect par un emprunteur public
de ses engagements financiers). Dans un dernier temps , les forces et
faiblesses de la notation financière seront largement étudiées. Ce sera
l'occasion de passer en revue les différentes mesures de la fiabilité des
ratings , d'apprécier le pouvoir des agences et de comprendre pourquoi
les conflits d'intérêts ont entamé leur réputation.
1 / l'industrie de la notation

La détermination de la solvabilité d'un emprunteur est une


composante essentielle de l'activité de tout prêteur. La classification des
débiteurs en fonction de leur capacité à honorer leur dette a ainsi
toujours fait l'objet d'une analyse interne et propre à chaque
établissement de crédit. En revanche, la publication d'opinions externes,
n 'émanant ni des banquiers ni des investisseurs mais destinées à les
guider et à les renseigner sur le risque de crédit d'un individu, d'une
entreprise ou d'un État, est plus récente et remonte au début du XIX·
siècle.

Le renseignement financier, ancêtre de la notation

À la fin des années 1820, la banque britannique Barings, qui cherche


à avoir des correspondants fiables aux États-Unis, charge Thomas
Wren Ward, ancien commerçant bostonien à la retraite, de classer
plusieurs milliers de maisons de commerce et d'établissements de crédit
américains en fonction de leur solidité financière [Hidy, 1939]* . Les
catégories créées par Ward s'apparentent moins à une échelle de risque
stricto sensu qu 'à un classement thématique. Ainsi, une première
catégorie comprend les sociétés à risque mais dont la pérennité ne
semble pas menacée à moyen terme; une deuxième catégorie regroupe
les firmes solvables mais dont l'activité principale a un intérêt réduit
pour Barings ; une troisième catégorie rassemble les entreprises
présentant un risque d'insolvabilité élevé ; une quatrième catégorie
comprend les sociétés solvables ayant des liens commerciaux avec des
concurrents de Barings ; une cinquième catégorie réunit les firmes
inconnues ; une autre, celles qui ont été mises en redressement
judiciaire ; une dernière réunit les entreprises qui ont dispam. Bien que
ce travail d'investigation mené par Ward entre 1829 et 1853 ait été une
forme de « sous-traitance » à l'initiative de Barings, il s'agit d'un premier
pas vers le renseignement économique et financier.
C'est finalement à une personnalité atypique que l'on doit la création
de la première agence de renseignements financiers indépendante de
tout établissement de crédit. Eugène-François Vidocq, bagnard devenu
agent secret sous les ordres du préfet de police puis chef de la brigade
particulière de sûreté à la fin du Premier Empire et sous la Restauration,
fonde en 1833 le « Bureau des renseignements universels pour le
commerce et l'industrie ». Rebaptisée « L'Intermédiaire, bureau de
renseignements dans l'intérêt du commerce », cette agence a pour
mission de détecter les entrepreneurs malhonnêtes et les entreprises à la
solvabilité douteuse.
C'est dans ce même esprit que, quelques années plus tard, Lewis
Tappan, marchand de soie new-yorkais, décide de se spécialiser dans
l' information commerciale en fondant la Mercantile Agency. Celle-ci
vend à ses abonnés des informations sur la qualité de crédit de
nombreuses entreprises amencaines, développant ainsi l' activité de
credit reporting. La Mercantile Agency, qui devient la R.G. Dun and
Company en 1859, se montre particulièrement active durant la
seconde moitié du XIX· siècle puisqu'elle finit par couvrir plus d'un
million d'entreprises en 1900 [Sylla, 2002] . L'initiative de Tappan fait
rapidement des émules : John Bradstreet, de Cincinnati, crée une
société de renseignements économiques et financiers en 1849. Son
entreprise fusionne en 1933 avec la R.G. Dun and Company pour
donner naissance au leader mondial Dun & Bradstreet (D&B).
Jusqu'à la fin du XIX· siècle, les avis et recommandations de la R.G.
Dun and Company et de la Mercantile Agency demeurent relativement
lUdimentaires et conservateurs. Très souvent, la solvabilité d'un
commerçant est jugée à l'aune de sa richesse personnelle, de son
patrimoine, voire de sa moralité; la santé financière d'une entreprise est
déterminée à partir de son seul chiffre d' affaires. Les analyses portant sur
la soutenabilité de la dette, l'avenir du secteur d'activité ou la stratégie
de développement de l'entrepreneur sont encore rares [R .G. Dun
Historical Collection, 1850 à 1880; Norris, 1978] .
Deux principaux facteurs vont assurer la pérennité puis la prospérité
de ces agences de credit rep01tùzg. L'essor du capitalisme outre-Atlantique
et la multiplication des créations d'entreprises leur assurent un marché
de l'information financière en pleine expansion. Ensuite, les poursuites
judiciaires intentées à leur encontre pour désinformation et
diffamation échouent (affaire Ormsby c. Douglass en 1868), la justice
américaine considérant que les informations divulguées par ces agences
ne sont nullement contraires à la loi, dès lors qu'elles sont transmises de
bonne foi et qu ' elles représentent une communication personnelle
constituant un privilège pour l' investisseur [Madison, 1974].
Parallèlement au credit reporting, des firmes se spécialisent dans la
compilation de données économiques, financières et statistiques. En
1868, Henry Varnum POOl' profite de l'essor des chemins de fer aux
États-Unis pour lancer la publication annuelle de ses Poor's Manuals
of the Railroads of the United States, qui feront rapidement figure de
référence grâce aux nombreuses statistiques financières fournies.
John Moody reprend ce concept et publie à son tour ses propres
manuels à partir de 1900.

Les acteurs de la notation

Les débuts de la notation

C'est en 1909, dans le manuel intitulé Moody 's Analyses of Railroad


blvestments, qu 'apparaissent les premiers ratings : ils couvrent les titres
de chemins de fer. La naissance de la notation financière constitue une
innovation majeure. Elle est le résultat du dynamisme du marché
financier américain, qui se caractérise par une forte croissance à la fois
des émetteurs de dette et des investisseurs. Elle intervient en outre à un
moment particulièrement stratégique et opportun, quelques mois
seulement après la crise de 1907 qui a provoqué de nombreuses faillites
d'entreprises. John Moody a eu l'intelligence de comprendre qu'il serait
de plus en plus délicat pour les investisseurs de discriminer efficacement
les nombreux titres de dette ; il en a tiré les leçons et créé la notation
financière. Dès 1910, il commence la notation des titres industriels puis
public utilities (c'est-à-dire les obligations des entreprises assurant des
services aux collectivités : gaz, eau, électricité, téléphone). Il demeure
sans rival jusqu'en 1916, année où Poor's émet à son tour ses premières
notes. En 1922 et 1924, les deux agences sont rejointes par deux autres
concurrents, eux aussi américains: Standard Statistics et Fitch.
Durant l'entre-deux-guerres, aucune autre firme ne réussit à s'imposer
dans le secteur de la notation [Harold, 1938]. En revanche, plusieurs
entreprises, sans forcément attribuer de notes, viennent concurrencer
ces quatre agences de notation grâce à leur travail de compilation de
données. Citons par exemple A.M. Best qui lance ses Best's 11lsura1lce
Reports en 1900 mais ne note aucun émetteur avant 1928 ou encore les
Wi1lkler's Ma1luals of Foreig1l COlporatiol1s, publiés à partir de 1929, et
l'agence Duff &: Phelps, créée en 1932 et spécialisée dans la notation des
titres public utilities.

Une industrie oligopolistique dominée par trois agences depuis les


années 7940

Les principaux événements qui rythment l'industrie de la notation


depuis ses origines concernent donc les quatre principales firmes :
Moody's, Poor's, Standard Statistics et Fitch.
Après avoir baptisé son entreprise Moody's Investors Service (Moody's)
en 1914, John Moody l'introduit en Bourse en 1928. Moody's devient
ensuite la propriété de D&:B de 1962 à 2000, année où elle redevient
indépendante et retourne en Bourse. En 2008, Moody's comptait près
de 3 400 salariés (dont un tiers d'analystes) dans 27 pays. Les notations
de Moody's couvrent plus de 100 émetteurs souverains (les États), 5 500
entreprises, 29 000 emprunteurs publics (collectivités locales,
entreprises publiques) et 96 000 produits stlucturés (www.moodys.com).
Poor's et Standard Statistics fusionnent en 1941 pour former
Standard &: Poor's (S&:P), détenu par l'éditeur amencain
McGraw-Hill depuis 1966. En plus de son activité de notation, S&:P est
également fournisseur de bases de données et créateur de l'indice
boursier S&:P 500, concurrent du Dow Jones Industrial Average. En
2008, les 8 500 salariés (dont plus de 1 400 analystes) de S&:P étaient
répartis dans plus de 20 pays. L'agence notait près de 280 000 entités
dans une centaine de pays (AMF [2009] et www.standardandpoors.com).
L'histoire de Fitch a été plus mouvementée. Dans les années 1940,
l'agence amorce un lent déclin qui perdure jusqu'au début des années
1990. La chute continuelle du nombre d'États et d'entreprises notés,
d'une part, et la spécialisation dans la notation des établissements de
crédit, d'autre part, finissent par faire de Fitch un acteur mineur de
l'industrie du rating. En 1989, l'agence ne compte plus que 47
employés, soit moins de 10 % des effectifs des deux leaders Moody's et
S&P (<< Ratings shootout » , Forbes, 17 février 1992). Deux facteurs vont
contribuer à la renaissance de Fitch : sa recapitalisation en 1989 par
l'investisseur Russell Fraser qui rationalise l'activité et accroît la profita-
bilité de l'entreprise en développant l'activité des financements
structurés [Hou se, 1995] puis, huit ans plus tard, son rachat par Fimalac,
holding française présidée par Marc Ladreit de Lacharrière, qui, par une
politique de croissance externe, fera rapidement de cette firme la
troisième agence mondiale. Fitch fusionne en effet avec l'agence
IBCA en 1998 pour devenir Fitch IBCA, rebaptisé Fitch Ratings (Fitch)
en 2001. En 2008, Fitch employait 2 361 employés dans le monde (dont
1 322 analystes) et notait, hors États, 154 000 émetteurs ou entités
(www.fitchratings.com et AMF [2009]).
Au cours des années 1970 et 1980, de nouveaux acteurs ont pu un
temps espérer menacer Moody's et S&P (voir Cantor et Packer [1994] et
BRI [2000] pour un aperçu des agences de notation créées depuis trente
ans). Duff & Phelps se lance ainsi dans la notation souveraine et
corporate en 1980 et acquiert une certaine notoriété. Plusieurs autres
agences percent en se spécialisant sur certains segments de marché :
Thomson Financial BankWatch note les établissements de crédit,
A.M. Best les compagnies d ' assurance tandis que la firme Mac
Carthy, Crisanti & Maffei se consacre à la notation des titres de dette les
plus risqués (<< Rating the debt raters », Institutional Investor, décembre
1988). La plupart de ces petites agences sont cependant rachetées dans
les années 1990 et 2000. Il s'agit là d'une stratégie commune à Fitch,
Moody's et S&P, qui leur a permis d'asseoir leur domination et de
renforcer la stlUcture oligopolistique du secteur de la notation (voir
tableau 1) .
Tableau 1. Principales acquisitions des trois grandes agences
depuis 2000
(liste non exhaustive)

Année de Agence acquise (nationalité) Agence


l' acq uisition prédatrice

2000 Duff & Phelps (États-Unis) Fitch IBCA


2000 Thomson Financial BankWatch (Canada) Fitch IBCA
2000 AMR (France) Fitch IBCA
2000 Crowe, Chizek & Company LLP (États-Unis) Moody's
2000 Canadian Bond Rating Service (Canada) S&P
2001 Central European Rating Agency (Pologne) Fitch
2001 Magister (Argentine) Moody's
2001 Charter Research (États-Unis) S&P
2002 Credit Ratings System (États-Unis) Fitch
2002 KMV (États-Unis) Moody's
2003 Atlantic Rating (Brésil) Fitch
2004 Interfax Rating Agency (Russie) Moody's
2004 Capital IQ (États-Unis) S&P
2005 Aigorithmics (Canada) Fitch
2005 ValuSpread (Grande-Bretagne) Fitch
2005 Economy.com (États-Unis) Moody's
2005 Assirt Research (Australie) S&P
2005 CRISIL (Inde) S&P
2005 Taiwan Ratlngs (Taiwan) S&P
2006 Reoch Credit Ltd (Grande-Bretagne) Fitch
2006 CRA Ratlng (République tchèque) Moody's
2006 Wall Street Analytics (États-Unis) Moody's
2007 GSCS (Du bai) Fitch
2007 PT Kasnic Credit Rating Indonesia (Indonésie) Moody's
2007 CA-Ratings (Afrique du Sud) Moody's
2007 Imake Consulting (États-Unis) S&P
2007 ABSXchange (États-Unis) S&P
2007 ClariFi (États-Unis) S&P
2008 BQuotes (États-Unis) Moody's
2008 Fermat International (Belgique) Moody's
2008 Enb Consulting (Grande-Bretagne) Moody's

Source : d' après Gaillard [2007].

Notons que, en plus de ces fusions et acquisitions, les trois grandes


agences ont également multiplié les accords de partenariat et les joint
ventures avec plusieurs firmes locales, telles que Korea Investors Service
(Corée du Sud) , ICRA Ltd. (Inde) , Dagong Global Credit Rating Co.
Ltd . (Chine) , Clasificadora de Riesgo Humphreys Limitada (Chili), China
Cheng Xin International Credit Rating Co . Ltd. (Chine), Rating &
Investment Information Oapon), Finance and Banking Consultants
International (Égypte), Midroog (Israel) .
En 2008, S&P, Moody's et Fitch concentraient près de 94 % du chiffre
d'affaires mondial de l'industrie de la notation. Les petites agences qui
se partagent les 6 % restants (Dominion Bond Rating Service [DBRS] ,
Japan Credit Agency, A.M. Best, entre autres) sont généralement
spécialisées sur des niches géographiques et/ou sectorielles.

Le mode de rémunération des agences

L'analyse des sources de revenus des agences de notation mérite une


attention toute particulière du fait des changements radicaux intervenus
depuis un siècle.

Jusqu'aux années 7970, des revenus tirés des investisseurs

Durant plus de soixante ans, les profits des agences vont provenir
de la vente de leurs publications. En 1918, Moody's proposait un
package incluant ses trois manuels (Steam Railroads; Public Utilities and
Indus trials; Govemments and MWlicipals) et ses Investment Letters pour
un montant de 140 dollars (Moody's Analyses of Investments : Govemment
& Municipal Securities, 1918). En 1922, un package similaire coûtait 280
dollars mais il était possible d'acheter séparément chaque manuel pour
20 dollars. Ces prix augmentèrent régulièrement par la suite et, en 1926,
les packages de Moody's étaient également facturés en livres sterling
pour les investisseurs européens. Dans l'ensemble, les prix des manuels
de Moody's étaient comparables à ceux de Fitch qui, en 1930, facturait
ses Bond Books et Bond Records à 25 dollars et ses Bond and Stock
Manuals à 35 dollars [Fitch, Fitch Bond Book, 1930].
Vers le milieu des années 1930, les quatre agences, Moody's, Poor's,
Standard Statistics et Fitch, offraient également divers services aux
investisseurs (informations hebdomadaires, voire quotidiennes, sur les
résultats financiers des entreprises notées, actualisation des ratÏngs,
recommandations et conseils d'achat et de vente).
Ces publications et services étaient relativement bon marché, non
seulement pour les banques commerciales et les fonds
d'investissement qui constituaient l'essentiel de la clientèle des agences
[Harold, 1938], mais aussi pour des investisseurs individuels. Par
exemple, en 1925, le prix d'un manuel de Moody's ou de Fitch
représentait moins de 1 % du montant moyen des obligations
souveraines étrangères vendues aux petits porteurs américains, qui était
évalué à 3000-4000 dollars par investisseur [Morrow, 1927]. Cela
explique en partie la bonne profitabilité de Moody's à la fin des années
1920 : l'exercice 1928-1929 révèle ainsi un résultat opérationnel de 470
000 dollars [Moody's, Amlual Report, 1929].
La crise des années 1930 n'épargne pas les agences de notation. Dans
son Rapport annuel de 1931, Moody's indique que l'effondrement des
marchés a découragé de nombreux investisseurs d'acheter ses manuels et
de recourir à ses services. La firme parviendra néanmoins à rester
bénéficiaire durant toutes les années de dépression. Il n'en est pas de
même de Poor's qui traverse de graves difficultés financières.
Des années 1940 aux années 1970, le chiffre d'affaires des agences
repose essentiellement sur les ventes de manuels consacrés aux
entreprises et collectivités locales américaines. En effet, les émissions des
États, collectivités locales et entreprises étrangères (c'est-à-dire non
américaines) sont fortement réduites, du fait de l'existence de diverses
barrières à la mobilité des capitaux (voir chapitres III et IV).

Depuis les années 7970, des revenus tirés des émetteurs de dette

Le début des années 1970 constitue un tournant majeur pour les


agences de notation qui vont désormais facturer leurs services aux
émetteurs de dette obligataire : c'est le principe de l'émetteur-payeur.
Deux raisons sont à l'origine de ce changement fondamental. D'une
part, les agences ont été victimes d'un phénomène de « passager
clandestin » : de plus en plus d'investisseurs ont en effet réussi à se
procurer les informations et les ratings contenus dans les manuels sans
les avoir préalablement achetés (voir par exemple le rôle joué par la
photocopieuse, qui est évoqué par Cantor et Packer [1994] et Partnoy
[1999]). D'autre part, suite au défaut de paiement de la compagnie de
chemins de fer Penn Central en 1970, un nombre croissant
d'émetteurs ont sollicité directement les agences afin d'obtenir un rating
; cette notation visant en fait à rassurer les investisseurs en période de
ralentissement de l'activité économique [Cantor et Packer, 1994].
Ce changement du mode de rémunération semble avoir permis aux
deux principales agences d'accroître de façon spectaculaire leurs
bénéfices. Moody' s aligne ainsi des profits records pour les exercices
1973, 1974 et 1975. Dans le même temps, les bénéfices avant impôts de
McGraw-Hill passent de 2,9 millions de dollars en 1974 à 4 millions en
1975 (<< The ra ting game : credit-grading firms wield grea ter power in
public debt market », Wall Street Journal, 26 octobre 1976). Cette
dynamique se renforce au cours des années suivantes puisque, par
exemple, Moody's accroît ses revenus opérationnels de 17 % par an en
moyenne, entre 1981 et 2000 [Moody's, All11Ual Report, 2000].
La croissance des profits des trois grandes agences Fitch, Moody's et
S&P va encore s'accélérer au début des années 2000 (voir graphique 1).
Graphique 1. Résultats opérationnels des trois agences

1 400 ~---------------------------------------------
1 200 +--------------------------------6~~~~--

1 000 +---------------------------~~------~----

800 +-----------------------~~------------~--

400 t-~~~~~~~-------------------------

200 ~~-------------------------------------------

MeGr w-Hill (dép rtemen M service financiers lô)


- - - Mocxly's
- - ---- Fltch

Sources: fimalac.com, moodys.com et investor.mcgraw-hill.com.

Les commissions perçues par les agences: une source de revenus lucrative

En 1995, les commissions perçues par les agences pour les émissions de produits structurés
avoisinaient les 4 à 5 points de base (un point de base représentant 0,01 % du montant
de l'émission), contre 2 à 3 points pour les émissions du secteur corporate [House, 1995].
En 2007, l'écart est encore bien supérieur: 12 points de base contre 4,25 points, si l'on
considère les commissions de S&P (Tomlinson et Evans, « CDO boom masks subprime
losses, abetted by S&P's, Moody's, Fitch » , dépêche Bloomberg, 31 mai 2007). Cela
signifie que pour l'émission d'un produit structuré d'un montant de 100 millions de
dollars l'agence reçoit en moyenne 120 000 dollars. Les commissions de S&P pour noter
les émetteurs publics sont plus modestes: elles s'échelonnent de 2 500 à 350 000 dollars
pour les collectivités locales et de 60 000 à 100 000 dollars pour les États [S&P, 2009a] .
Les tarifications de Fitch se situent à des niveaux légèrement inférieurs, tandis que celles
de Moody's ne sont pas divulguées. Néanmoins, cette dernière agence indique que ses
commissions atteignent des montants très variables selon les émissions, allant de 1 500
dollars à 2,4 millions de dollars (informations figurant à la fin des rapports de Moody' s).

Actuellement, près de 90 % des revenus des agences proviennent de ces commissions


facturées aux émetteurs. Les revenus restants sont générés par les souscriptions
d'abonnement et les formations dispensées à des cadres et analystes.

Cette profitabilité a trois fondements. Tout d'abord, la forte croissance


dans les États émergents, puis l'essor des valeurs technologiques de la «
nouvelle économie » aux États-Unis dans les années 1990 provoquent
un boom du marché obligataire co rp ora te, qui profite in (me aux agences
de notation. Ensuite, le plan Brady de 1990, qui sera étudié plus en
détail dans le chapitre IV, contribue à l'augmentation du nombre d'États
et de collectivités locales notés à partir de 1990-1991. Enfin, la troisième
raison est l'accroissement impressionnant du marché des produits StlUC-
turés, beaucoup plus rémunérateur pour les agences et qui représentait
près de 50 % de leur chiffre d'affaires à la veille de la crise de
2007-2008.
Ce rapide aperçu de l'industrie de la notation permet de tirer une
première leçon. Hormis au début des années 1970 où le regain de
profitabilité des agences de notation s'explique paradoxalement par une
récession économique qui conduit à un changement radical de leur
mode de rémunération, la prospérité des agences est depuis toujours
dépendante du développement et du dynamisme des marchés actions et
obligataires. Les deux grands booms des marchés financiers (la décennie
1920 et les années 1990 à 2007) correspondent en effet à un essor de
la notation, alors que les périodes de krach boursier et de récession
(années 1930 et années 2007-2008) pénalisent cette activité .
Il / Définition, interprétation, typologie
et modalités d'attribution des notations

Qu'est-ce qu'une notation?

La notation, opinion indépendante

les notations financières des agences sont des opinions indépendantes.


À ce titre, elles sont protégées par le premier amendement de la
Constitution américaine, garant de la liberté d'expression. Le juriste
américain Eugene Volokh a récemment réaffirmé la validité de cette
protection, dès lors que les agences ne sont pas rémunérées en vue
d 'émettre des opinions favorables et que leurs communications sont
destinées au public et non à une entité particulière [Volokh, 2009].
Par conséquent, les agences ne garantissent pas la fiabilité absolue
des notes qu'elles attribuent et ne sont pas responsables des éventuelles
pertes essuyées par les investisseurs. Toutefois, le 20 novembre 2009,
l'attorney generai de l' État de l' Ohio a décidé de poursuivre les trois
grandes agences, considérant que les commissions élevées qu'elles
avaient touchées les avaient empêchées d'avoir des jugements
neutres, occasionnant d'importantes pertes financières à plusieurs
fonds d'investissement (<< Ohio sues rating firms for losses in funds »,
New York Times [version en ligne], 20 novembre 2009).

La notation mesure d'un risque de défaut

La définition d ' un ratÏng a quelque peu fluctué selon les agences et


les secteurs avant de se figer durant la décennie 1930.
Dans son premier manuel de 1909 consacré aux titres de chemins
de fer, John Moody explique que ses notes reflètent à la fois la sécurité
(secUl1ty en anglais) et la liquidité (salability en anglais) des titres
obligataires [Moody, 1909]. Par conséquent, un titre est d'autant mieux
noté qu 'il est facilement ache-table et vendable sur le marché et que le
risque de défaillance de paiement de l'entreprise qui l'a émis est faible.
Dix ans plus tard, le manuel et les Investment Letters de Moody's
analysant les obligations d'État étrangères et américaines livrent une
définition différente de la notation. John Moody y présente ses ratings
souverains comme une mesure du crédit d'un gouvernement. Allant
même plus loin, il insiste sur le caractère relatif de cette mesure en
établissant une échelle de crédit des grands États : les États-Unis
arrivent en tête avec 100 %, devant le Canada (95 %), la
Grande-Bretagne (90 %), la Belgique (85 %), la France (75 %), l'Italie (70
%) , l'Allemagne (65 %) et l'Autriche (60 %). L'agence précise que ces
pourcentages indiquent la probabilité de voir l'État en question
respecter ses obligations financières à moyen terme (<< The credit of
foreign governments », Moody's Investment Letter, 3 avril 1919). Moody
ne mentionne pas en revanche la liquidité des titres de dette comme
l'un des éléments clés de la notation des obligations souveraines.
Au fil des années de l'entre-deux-guerres, la référence à la liquidité
des titres notés va progressivement s'estomper et c'est la notion de
solvabilité des émetteurs qui va s'imposer, aussi bien pour les
entreprises que pour les souverains et collectivités locales. Assez
rapidement, les notes de Moody's, Poor's, Fitch et Standard Statistics
vont, explicitement ou implicitement, refléter une probabilité de
défaut (Moody 's Malluals , Poor's Volumes , Fitch Bond Books et
Standard Bond Books). Bien qu'aucune des quatre agences n'en ait
donné une définition précise à l'époque, le défaut se caractérise soit par
l'absence ou le retard de paiement des intérêts ou du principal d'une
dette, soit par la modification des termes du contrat conduisant le
débiteur à réduire la valeur des obligations émises, à en allonger la
maturité ou à en réduire le taux d'intérêt. Cette définition, induite de la
pratique de notation et de l'échelle des ratings des quatre agences, n 'a
pas fondamentalement changé depuis les années 1920.

Risque de liquidité et risque de solvabilité

Le risque de liquidité constitue la difficulté pour un débiteur de lever des fonds à court
terme afin d'honorer ses obligations financières. Le risque de solvabilité renvoie
directement à l'incapacité de remboursement d'une dette.

Le risque de liquidité, qui est susceptible d'apparaTtre lorsque le débiteur peine à


se refinancer et à céder rapidement des actifs peu liquides (biens immobiliers, titres de
créance ou de propriété trouvant difficilement preneur à court terme), peut rapidement
dégénérer en crise de solvabilité si les liquidités disponibles se révèlent insuffisantes pour
couvrir le paiement de la dette.

La crise financière asiatique de 1997- 1998 a montré dans quelle mesure une crise
de liquidité pouvait se transformer en crise de solvabilité. De nombreuses entreprises
asiatiques étaient endettées à court terme. Le déclenchement d'une crise monétaire et
boursière en juillet 1997 a engendré un resserrement du crédit bancaire qui a limité les
opportunités de refinancement. Au cours des mois suivants, l'effondrement du prix de
nombreux actifs a empêché les entreprises de se procurer des fonds, ce qui s'est traduit de
facto par une crise de liquidité. Les firmes qui disposaient de liquidités insuffisantes pour
couvrir leur dette à court terme sont devenues alors insolvables.

Les mesures permettant d'éviter qu'une crise de liquidité ne s'amplifie et ne devienne


une crise de solvabilité sont de plusieurs ordres. Le plus souvent, les banques centrales
réduisent les taux d'intérêt et injectent des liquidités sur le marché interbancaire afin de ne
pas interrompre le financement de l'économie. Ensuite, les États eux-mêmes peuvent
apporter leur garantie auprès de certaines banques ou sociétés et prendre des mesures de
relance ciblées. Enfin, les autorités de supervision bancaire sont susceptibles de relâcher les
exigences de fonds propres imposées aux établissements de crédit, de sorte que ces
derniers aient plus de latitude pour prêter.
Toutefois, si l'on s'attache à la notation de ces trente dernières
années, force est de constater qu'il existe un certain nombre de nuances
lorsqu'il s'agit de déterminer précisément ce que reflète un raUng.
Moody's affirme officiellement que ses notes mesurent à la fois:
- une probabilité de défaut (c'est-à-dire le risque stricto sensu de voir
un émetteur de dette ne pas respecter ses obligations financières) ;
- une anticipation de la perte financière subie dans un scénario de
défaut (ce qui renvoie à la notion de taux de recouvrement - recovely
rate en anglais -, c'est-à-dire le flux financier effectivement reçu par les
investisseurs rapporté au montant total que ceux-ci auraient dû toucher
si le défaut n'avait pas eu lieu) [Moody's, 2007b, p. 10].
Néanmoins, dans la pratique, les ratÎngs de Moody's reflètent
essentiellement une probabilité de défaut, compte tenu de la difficulté
de quantifier les pertes ex ante.
La définition de S&:P demeure proche de celle de Moody's puisque
ses notes représentent une probabilité de défaut avec une possibilité de
prendre en compte la « séniorité » relative des titres obligataires et de
mesurer la sévérité des pertes en cas de défaut [S&:P, 1979, p. 327-328 ;
S&:P, 2007c]. Cette définition est néanmoins en relative contradiction
avec l'échelle de notes de S&:P qui a toujours consisté à classer les
émetteurs en fonction de leur seule probabilité de défaut.
Jusqu'en 2005, les ratings de Fitch reflètent une probabilité de défaut
et n'intègrent la question de la perte financière que pour les entités
effectivement en défaut de paiement. Seules les notes de celles-ci
prennent donc en compte le recover)' rate [Fitch IBCA, 1998a] . À partir de
2005, Fitch supprime les trois notes (DDD, DD et D) servant à mesurer
ce potentiel de recouvrement et les remplace par un système à deux
notes, similaire à celui de S&:P, qui détermine si le défaut porte sur une
partie ou la totalité de la dette. Mais, dans le même temps, l'agence
instaure un second type de rating, destiné aux titres jugés moins sûrs,
qui mesure le taux de recouvrement ; celui-ci, en retour, est susceptible
de modifier à la hausse ou à la baisse la note du titre. Cette spécificité
des notes de Fitch sera étudiée plus loin [Fitch, 2005a].
Depuis le milieu des années 2000, les agences attribuent
essentiellement trois types de notes:
- la « note d'émetteur », qui mesure la qualité globale de signature
d'un émetteur de dette;
- la « note d'émission », qui est spécifique à chaque titre de dette
émis sur le marché obligataire. Un même émetteur peut ainsi avoir émis
plusieurs obligations qui ont des ratings différents. Ces différentiels de
notes sont généralement dus aux garanties ou clauses spécifiques que
présentent certains titres;
- la « note de recouvrement », évoquée précédemment, qui mesure
donc le risque de non-recouvrement associé à un titre.
La signification des échelles de notation

La bonne compréhension des échelles de notation est indispensable


pour appréhender correctement la perception du risque de crédit par
les agences. Depuis un siècle, ces échelles associent une ou plusieurs
lettres à un certain niveau de risque de défaut des émetteurs ou des
titres.

Des années 7970 aux années 7940 : une uniformisation progressive des échelles

Durant les premières années de son activité, Moody's modifie à


plusieurs reprises son échelle de notation et adopte même deux
échelles distinctes: l'une pour noter les entreprises, l'autre pour les États
et collectivités locales. Ainsi, entre 1918 et 1929, l'échelle corporate
comprend quatorze puis douze catégories (Aaa, Aa, A, Baa, Ba, B, Caa,
Ca, C, Daa, Da, D, E et F ; les catégories E et F étant retirées en 1923),
contre neuf seulement pour les entités publiques (de Aaa à C). La
différence entre deux notes se mesure en crans (notches en anglais). Par
exemple, un cran sépare la note Aaa de la note Aa.
À partir des années 1930, Moody's n 'a plus qu'une unique échelle de
notation, composée de neuf catégories: Aaa, Aa, A, Baa, Ba, B, Caa, Ca,
C. La signification de ces notations est explicitée au début de chaque
manuel dans la section intitulée « Key to the ratings ». Les explications
fournies pour illustrer le degré de risque inhérent à chaque catégorie de
rating sont restées identiques tout au long de l'entre-deux-guerres :
- Aaa : « force intrinsèque du titre », « assurance de paiement du
principal et des intérêts » ;
- Aa : « investissement fondamentalement sûr », « sujet à certaines
réserves en matière de sécurité et de stabilité» ;
- A : « titres bien établis mais qui n'ont pas toutes les qualités
pour obtenir un ratil1g supérieur » ;
- Baa : « les obligations de cette catégorie requièrent une
discrimination plus minutieuse ». « Elles ne constituent pas un groupe
uniforme mais représentent souvent des opportunités pour des
personnes qui souhaitent acheter des titres de moindre qualité mais
offrant des rendements attractifs. » Ces titres présentent le « risque de
devenir largement spéculatifs » ;
- Ba : « caractéristiques spécula tives plutôt que d'investissement
» ;

- B : « risque élevé de défaut» ;


- Caa : les obligations de cette catégorie sont « en défaut ou sur le
point de l'être» ;
- Ca : il s'agit de titres en défaut, avec « peu ou pas d'espoir de
récupérer le capital investi », ainsi que des titres émis dans une
monnaie qui s'est fortement dépréciée ;
- C : obligations « pratiquement sans valeur ».

De son côté, Fitch classe les obligations en douze catégories : AAA,


AA, A, BBB, BB, B, CCC, CC, C, DDD, DD et D. Il est intéressant de
noter que, contrairement à Moody's, la définition que donne Fitch de
chaque catégorie de rating renvoie aux caractéristiques propres des titres
du secteur c01pomte. L'absence de définition spécifique à l'activité
souveraine par exemple tient au fait que Fitch regroupait tous les titres
obligataires dans un seul et même volume, composé majoritairement
de titres du secteur privé. Ainsi, le manuel de 1924 regroupait les
obligations en sept grands secteurs : obligations du secteur des chemins
de fer; obligations public utilities ; titres du secteur industriel; titres
des fonds d'investissement; obligations du secteur immobilier; titres
publics américains ; titres des collectivités locales et États étrangers
[Fitch, Fitch Bond Book, 1924]. Les définitions données sont relativement
succinctes, indiquant de façon redondante qu'un titre noté AAA est de
meilleure qualité qu'un titre AA, lui-même ayant un risque de défaut
inférieur à une obligation A, et ainsi de suite. La classification de Fitch
explique que les titres notés entre AAA et A sont considérés comme des
investissements sûrs ; les titres BBB, BB et B, qui sont dits
semi-investment et demeurent soumis à la conjoncture, méritent une
attention particulière en ce sens que les titres BBB présentent un niveau
de risque plutôt modéré, alors que les titres BB et B ont des carac-
téristiques spéculatives. Les obligations des catégories CCC, CC et C sont
hautement spéculatives, voire en défaut; enfin, les titres DDD, DD à D
sont en défaut avec une espérance de retour sur investissement
respectivement faible, très faible et quasiment nulle .
L'échelle de notation de Standard Statistics comporte quant à elle
quatorze notes: A1+, Al , A, B1+, BI, B, C1+, Cl, C, D1+, Dl, D, E et F
[Standard Statistics, Standard Bond Book, 1924]. Le groupe A (ratings A1+,
Al et A) est composé des titres les plus sûrs. Le groupe B regroupe les
obligations baptisées business man's bonds qui requièrent une attention
particulière puisque les titres notés B1+ sont jugés « bons » mais de
moindre qualité que les obligations notées A ; les titres BI sont
considérés comme les titres les plus bas de la catégorie investissement;
les titres B représentent le premier segment de la catégorie spéculative.
Le groupe C englobe les titres spéculatifs tandis que le groupe D est
constitué de titres en défaut qui sont discriminés entre eux en fonction
du degré de recouvrement espéré. Enfin, la valeur des titres notés E et F
est jugée quasi nulle et nulle.
L'échelle de notation de Poor's mérite une attention particulière en
raison du changement de l'éventail de notes intervenu à la fin des
années 1930. Du début des années 1920 à 1937, l'échelle des notes est
la suivante. Au sommet de la hiérarchie figure la note A*****,
exclusivement réservée aux obligations d'État américaines au motif
que, « du point de vue des investisseurs américains, si le gouvernement
des États-Unis d'Amérique n'est pas sûr, alors rien n'est sûr » . Suivent les
notes A****, A***, A**, A*, A, B**, B*, B, C**, C* et C. Comme pour
Moody's, l'échelle de Poor's est plus large pour le secteur privé: les
notes D**, D* et D constituent le bas de l'échelle corporate mais sont
inusitées pour déterminer la solvabilité des émetteurs publics [Poor's,
Poor's Analytical Services , 1922 et 1924 ; Poor's Bank, Govemment and
Municipal Volume, 1933; Poor's Fiscal Volume, 1937].
La note A**** est réservée aux titres ne présentant aucun risque. Les
ratings allant de A*** à A sont attribués aux obligations sûres. La
catégorie B** représente le dernier segment de la catégorie
investment grade mais présente déjà certains risques. Les titres notés B*
sont au sommet de la hiérarchie de la catégorie speculative grade. La note
B est donnée aux titres clairement spéculatifs alors que les ratings C** et
C* concernent les obligations très spéculatives et en situation de défaut
jugé temporaire. Les titres notés C sont considérés comme présentant un
risque de défaut durable. En 1938, les notes A***** et A**** sont
supprimées; puis, en 1939, c'est au tour de la note A*** d'être éliminée,
de sorte qu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale Poor's a une
échelle de notation réduite à neuf catégories, comme Moody's (lors de
ces deux phases de réduction de l'éventail de notes, les titres ayant les
ratings les plus élevés ont été « artificiellement » dégradés en se voyant
attribuer la nouvelle note maximale en vigueur - cas des bons d'État
américains, britanniques et canadiens en 1938 et 1939).
Ce rapide aperçu des échelles et des définitions des ratings des quatre
grands acteurs de la notation de l'entre-deux-guerres conduit à trois
remarques qui auront leur importance par la suite. D'abord, les
éventails de notes tendent à s'harmoniser progressivement, de sorte
que les ratings de deux ou plusieurs agences deviennent plus facilement
comparables. Ainsi, un Baa de Moody's correspond à un BBB de Fitch, à
un B1+ de Standard Statistics, et à un B** de Poor's. Ensuite, ce
phénomène se traduit par une relative équivalence des augmentations
de note (upgrades) et des abaissements de note (downgrades) d'une agence
à l'autre. Suite à la fusion de Standard Statistics et Poor's en 1941, la
nouvelle échelle de S&:P se calque sur celle de Fitch, à la différence près
que les trois notes DDD, DD et D seront remplacées par les ratings D (<<
défaut ») et SD (<< défaut sélectif ») pour signifier que l'émetteur est en
défaut sur tout ou partie de sa dette obligataire. En revanche, pour les
quatre agences, aucun indice ne permet de comprendre les facteurs, les
seuils et les planchers qui font qu'un émetteur ou un titre n 'est pas
noté un cran plus haut ou plus bas.

L'après-guerre et l'élargissement des échelles


À partir de 1973, S&:P et Fitch vont progressivement affiner leur
échelle de rating en subdivisant chaque catégorie de notes de AA à CCC
en trois nouveaux ratings. Un « + » (<< - ») est attribué aux titres jugés
les plus (moins) solvables au sein de la catégorie, tandis que les titres à
la solvabilité « médiane » ne sont pas modifiés [Kliger et Sarig, 2000].
Moody's n 'élargit son échelle de notation qu'en avril 1982 pour le
secteur cOlporate et en août 1986 pour les souverains. À l'instar des deux
autres agences, Moody's subdivise chaque catégorie de notes de Aa à Caa
en trois nouvelles catégories, ajoutant les coefficients l , 2 et 3 afin de
distinguer les différents niveaux de solvabilité au sein de chaque
catégorie : le coefficient 1 indique que l'obligation se situe dans la
fourchette haute de la catégorie alphabétique ; le coefficient 2
correspond à une notation intermédiaire alors que le coefficient 3
correspond à la fourchette basse.
Si l'uniformisation des échelles de notation engagée dans les années
1930 a contribué à rendre les ratings comparables d'une agence à l'autre,
l'élargissement plus récent des échelles a permis de distinguer de façon
plus stricte les émetteurs et les titres en fonction de leur qualité de
crédit. Ce besoin de discrimination avait déjà été partiellement
satisfait avec l' émergence des concepts d'investment grade (<< catégorie
investissement ») et de speculative grade (<< catégorie spéculative ») .

La comparabilité des ratings

La comparabilité des notations d' une même agence revêt un intérêt crucial pour les
investisseurs car elle conditionne leurs arbitrages sur les marchés financiers.

Depuis la fin des années 1930, les agences se sont attachées à uniformiser leurs
échelles de notes d' un secteur à l'autre, de sorte qu'une entreprise notée BBB est censée
présenter un risque de défaut identique à celui d'un État ayant le même rating. Cette
équivalence des notations a été remise en cause à l'occasion de la crise des subprimes.

En effet, la propo rtion élevée de défauts de paiement dans le secteur des produits
structurés (voir chapitre IV) a révélé la complexité de la notation de ces produits financiers
et conduit l'Organisation internationale des commissions de valeurs, organisme créé en
1983 qui regroupe les régulateurs des principales Bourses dans le monde, à se prononcer
en faveur d'une différenciation des notations des produits structurés [OICV, 2008]. Depuis
lors, les agences travaillent à la mise en place d'échelles spécifiques aux produits
structurés. Néanmoins, S&P [2008e] a récemment réaffirmé son attachement à la
comparabilité des ratings d'un secteur à l'autre, s'appuyant sur les attentes des
investisseurs. Fitch s'est également montrée très sceptique sur la pertinence de cette
nouvelle échelle.

La discrimination investment grade/speculative grade

L'apparition de ces deux notions constitue un événement majeur de


l'histoire de la notation puisqu'elle établit une frontière rigide entre les
titres et émetteurs jugés globalement sûrs et solvables, d'une part, et
ceux considérés comme risqués, d'autre part (voir Harold [1938] et
Flandreau, Gaillard et Packer [2009] pour des analyses approfondies).
Les interprétations des ratings des quatre agences de l'entre-
deux-guerres ont montré que seules Poor's et Standard Statistics
tendaient à établir une frontière explicite entre titres jugés fiables et
titres spéculatifs. Ce cloisonnement se faisait entre les titres Blet B pour
Standard Statistics et entre les obligations B** et B* pour Poor's. En
revanche, cette ligne de séparation demeurait floue pour Moody's et
Fitch.
Ce sont les deux premIeres réglementations financières intégrant les
notations, en septembre 1931 et février 1936, qui vont finalement
contribuer à faire émerger une discrimination claire entre notes
investment grade et speculative grade. Ces deux textes, dont les contenus
seront étudiés plus en détail dans le chapitre v, établissent une
distinction entre titres dits de « haute qualité » et de « bonne qualité »
(quatre premières catégories de notes) et les titres « spéculatifs » (notes
en deçà de la quatrième catégorie de ratÏngs). Cependant, ces deux
réglementations ne se référaient explicitement à aucune agence en
particulier. Étant donné que les quatre agences avaient alors des échelles
différentes, une incertitude demeurait quant à la frontière précise
séparant les titres de qualité des titres spéculatifs.
Moody's réagit très rapidement en précisant, dix jours après la
première réglementation, que la frontière s' applique au niveau
Baa/Ba de son échelle [Moody' s, Moody 's Weekly Bond Letter, 21
septembre 1931]. Les trois autres agences établissent une frontière
identique entre titres de rang investissement et titres de rang
spéculatif après la deuxième réglementation (BBB/BB pour Fitch,
B**/B* pour Poor's et B1+/B1 pour Standard Statistics). En raison des
changements d'échelles survenus à la même époque, il faut attendre
1939 pour que les quatre premiers ratings de l'échelle de chaque agence
correspondent à des titres Ï11vestment grade et les ratÏngs inférieurs à des
obligations speculative grade.
Cette ligne de séparation, qui se situe aujourd'hui entre les notes BBB-
et BB+ pour Fitch et S&P et entre Baa3 et Bal pour Moody's, est plus
importante que jamais. Il est en effet essentiel pour de nombreux
émetteurs de se maintenir dans cette catégorie investissement.
D'abord pour bénéficier de taux bancaires et de marché plus bas, les
primes de risque étant en effet d' autant plus élevées que les ratings sont
bas [Cantor et Packer, 1996b] et la catégorie Î11vestment grade
constituant un seuil psychologique important pour les banquiers et
investisseurs. Ensuite pour soutenir les cours des titres obligataires,
compte tenu de l' existence de nombreuses réglementations
financières, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe, interdisant à
certains types d'investisseurs d'acquérir des titres spéculatifs (voir
chapitre v pour plus de détails). Enfin pour des raisons de prestige : le
passage à la catégorie investissement est souvent présenté comme un
succès de gestion, comme l' attestent les commentaires élogieux sur la
politique économique du président Lula da Silva, consécutifs au
rehaussement de la note du Brésil à BBB- par S&P le 30 avril 2008. À
l'inverse, la dégradation de note en catégorie speculative grade peut être
perçue comme une déchéance . Les abaissements par S&P des ratings de
Renault de BBB- à BB le 19 juin 2009 puis de Peugeot de BBB- à BB+ le
6 août 2009 ont été médiatisés et ont encore un peu plus focalisé
l'attention des investisseurs sur les difficultés financières des deux
constlUcteurs, et même plus largement sur celles du secteur automobile
français .

Quel avenir pour les « anges déchus» ?

La communauté financière a pour habitude de surnommer « anges déchus » les émetteurs


qui ont perdu leur notation investment grade. Moody's [2003a] a analysé l'évolution de la
solvabilité des entreprises qui avaient été dégradées en speculative grade entre 1982 et
2003. Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes:

- Moody's a recensé 1 035 « anges déchus» sur la période étudiée. Leur passage en
speculative grade est souvent brutal (dégradation de deux crans en moyenne). Un
abaissement de note supplémentaire survient généralement au cours de l'année qui suit.
Au-delà, les destins des « anges déchus » divergent: 13 % d'entre eux font défaut contre
27,5 % qui reviennent en investment grade (les émetteurs qui accèdent à cette
catégorie sont appelés « étoiles montantes ») ;

- les « anges déchus » sont plus susceptibles de tomber en défaut au cours des deux
années qui suivent leur dégradation en catégorie spéculative que les autres émetteurs
notés identiquement mais n'ayant jamais obtenu de rating dans la catégorie
investissement. En revanche, passé ce cap de deux années, ils deviennent moins risqués;

- la probabilité des « anges déchus» d'être ultérieurement notés en investment grade


est supérieure à celle des entreprises ayant toujours été dans la catégorie speculative
grade.
Finalement, l'uniformisation des échelles de notation
(communément appelées « échelles globales » et « échelles de long
terme )}, par opposition aux autres échelles qui seront évoquées
ultérieurement) est manifeste lorsqu'on compare la signification des
ratings des trois agences (voir tableaux 2 et 3).
Tableau 2. Interprétation actuelle de l'échelle globale de notation
de Fitch et S&P

Catégorie Note de Note de Signification


Fitch S&:P
Catégorie MA MA La note MA indique que le risque de crédit est le plus
investisse- faible. Cette note n'est attribuée que dans les cas où
ment l'aptitude à honorer les engagements financiers à leur
échéance est exceptionnellement forte.

AA+ AA+ La note AA indique que le risque de crédit est très


AA AA faible. L'aptitude à honorer les engagements finan-
AA- AA- ciers à leur échéance est très forte.

A+ A+ La note A indique que le risque de crédit est faible.


A A L'aptitude à honorer les engagements financiers à leur
A- A- échéance est forte. Toutefois, une évolution défavo-
rable des conditions économiques ou financières est
susceptible d'altérer cette aptitude.

BBB+ BBB+ La note BBB indique que le risque de crédit est actuel-
BBB BBB lement faible. L'aptitude à honorer les engagements
BBB- BBB- financiers à leur échéance est suffisante, bien qu'une
évolution défavorable des conditions économiques et
financières puisse altérer cette aptitude.
Catégorie BB+ BB+ La note BB indique une possibilité d'apparition du
spéculative BB BB risque de crédit, en particulier du fait d'une évolution
BB- BB- défavorable des conditions économiques. Cepen-
dant, des ressources d'exploitation ou financières sont
susceptibles d'être mobilisées pour honorer les enga-
gements contractés.

B+ B+ La note B indique qu'il existe un risque de crédit signi-


B B ficatif. Le respect des engagements financiers est
B- B- encore assuré. Toutefois, le maintien de l'aptitude à
honorer ces engagements dépend de la persistance
de facteurs d'exploitation et de conditions écono-
miques favorables.
CCC+ CCC+ Engagements sur lesquels la possibilité d'un défaut de
CCC CCC paiement est réelle. L'aptitude à honorer les engage-
CCC- CCC- ments financiers à leur échéance repose exclusive-
CC CC ment sur la persistance de facteurs d'exploitation ou
C C de conditions économiques favorables. L'éventail de
notes indique que la défaillance est probable, très
probable ou imminente.
Défaut de RD SD Situation de défaut de paiement sur une partie des
paiement titres émis.
0 0 Situation de défaut de paiement sur l'ensemble des
titres émis.

Sources: d' après fitchratings.com et standardandpoors.com.


Tableau 3. Interprétation actuelle de l'échelle globale de notation
de Moody's

Catégorie Note de Signification


Moody's
Catégorie Aaa Les obligations notées Aaa sont considérées comme
investisse- étant de la meilleure qualité et présentent un risque de
ment crédit minime.

Aal Les obligations notées Aa sont considérées comme de


Aa2 grande qualité et présentent un très faible risque de
Aa3 crédit.

Al Les obligations notées A sont considérées comme se


A2 situant dans la moyenne supérieure et présentant un
A3 faible risque de crédit.

Baal Les obligations notées Baa sont soumises à un risque de


Baa2 crédit modéré. Elles sont considérées comme étant de
Baa3 qualité moyenne et sont dès lors susceptibles de
présenter des caractéristiques spéculatives.
Catégorie Bal Les obligations notées Ba sont jugées comme compor-
spéculative Ba2 tant des caractéristiques dignes de la catégorie spécula-
Ba3 tive et sont soumises à un risque de crédit important.

Bl Les obligations notées B sont jugées comme présentant


B2 un caractère spéculatif et présentent un risque de crédit
B3 élevé.

Caal Les obligations notées Caa affichent une mauvaise


Caa2 qualité de signature et présentant un risque de crédit très
Caa3 élevé.

Ca Les obligations notées Ca sont des titres à caractère


hautement spéculatif et sont probablement en situation
de (ou très proches du) défaut, tout en offrant un certain
potentiel de récupération du principal et des intérêts.

C Les obligations notées C constituent la catégorie la plus


basse des obligations notées et sont généralement en
situation de défaut. Le potentiel de récupération du prin-
cipal et des intérêts est limité.

Source : d' après Moody's [2007b).

La question de la notation du défaut souverain

La seule différence remarquable entre les échelles des agences


concerne la notation des émetteurs et des titres en défaut.
Parmi les entités en défaut, l'analyse des titres et émetteurs souverains
mérite une attention particulière pour deux raisons. D'une part, elle
permet de constater que, aussi bien durant les années 1920-1930 que
depuis les années 1980, les notes ont reflété non seulement une
probabilité de défaut mais aussi une espérance de recouvrement.
D'autre part, elle fait ressortir certaines contradictions entre la
signification officielle des échelles de raung et la pratique de la
notation.
Les agences ont souvent été amenées à attribuer deux notes
différentes à deux États en défaut. Il peut s'agir de notes appartenant
toutes deux à la catégorie « défaut » (<< SD » - selective default - et D
- de fault - pour S&P par exemple) ; mais également, ce qui est bien
plus singulier, d 'une note normalement attribuée aux entités en défaut
dans un cas et d'une note de rang spéculatif dans l'autre cas. L'exemple
le plus significatif concerne les titres mexicains et russes au début des
années 1920 : alors que ces deux États étaient en défaut, Moody's notait
les titres mexicains quatre crans au-dessus des titres lusses (Ba contre C).
L'agence justifia un tel différentiel en soulignant que le défaut de la
Russie soviétique allait imposer des pertes pour les investisseurs bien
supérieures à celles attendues sur les titres mexicains (<< Defaulted
foreign government bonds », Moody 's Investment Letter, 28 décembre
1922). À l'époque, d'autres titres souverains en défaut ont été également
notés en speculative grade par les trois autres agences. Dans le courant
des années 1930, Fitch, Poor's et Standard Statistics notaient par exemple
dans la catégorie B les titres dominicains, bien que ceux-ci fussent en
défaut.
Les décennies 1990 et 2000 offrent d'autres exemples d'États en
défaut notés seulement en catégorie spéculative. Il yale cas de
l'Indonésie notée B- par Fitch entre mars 1998 et juillet 2002, malgré ses
défauts à répétition durant cette période. Cette notation «
anormalement » élevée était justifiée par la perspective d ' un taux de
recouvrement très important (Fitch, Indonesia Upgraded to B, Outlook
Stable, 1er août 2002). De même, entre août 1998 et mai 2000, Fitch a
attribué la note CCC à l'État lusse pourtant en défaut de paiement. On
peut toutefois souligner que si certaines obligations d'État russes avaient
également le rating CCC, les autres titres de dette étaient notés DD
(notation signifiant à l'époque un défaut avec un risque de perte
moyen) . Le cas de Moody' s est particulier car son échelle de notes ne
comprend pas la catégorie « défaut » à proprement parler (voir tableau
3) . Malgré tout, sur les treize situations d'États en banqueroute
recensées par l'agence pour la période 1997-2008, Moody' s a rarement
dégradé les notes des États en défaut jusqu'à la note Ca [Moody's,
2009c]. Le plus souvent, la note attribuée à la suite du défaut va de B3 à
Caa3. En revanche, tous les États notés par S&P qui sont tombés en
défaut depuis le milieu des années 1990 ont été automatiquement
dégradés à la note SD [S&P, 2007a].
Ces différents exemples tirés de l'entre-deux-guerres et des années
1990-2000 accréditent l'idée que les ratings souverains ont, depuis
l'origine, mesuré à la fois une probabilité de défaut et une sévérité des
pertes en cas de banqueroute. Seules les notations de S&P demeurent
attachées à la stricte mesure de la probabilité de défaut.
Citons enfin pour mémoire les rares cas où la note attribuée à une
entité en défaut a été supérieure à celle d'une entité respectant ses
engagements financiers. Une telle configuration est observable pour les
titres mexicains qui, en défaut en 1924-1925, étaient notés par
Moody' s un cran au-dessus des titres émis par l'État polonais. La
Pologne continuait certes à rembourser sa dette mais était alors
confrontée à une grave crise monétaire. Plus récemment, en avril 2005,
la République dominicaine tombe en défaut mais Moody ' s laisse son
rating inchangé à B3. Dans le même temps, l'Équateur, qui n 'est pas en
défaut, est noté un cran en dessous à Caal. Cette politique de notation
révèle que la crédibilité d'un État en défaut mais soucieux de léser le
moins possible ses créditeurs est supérieure à celle d'un État encore
solvable mais dont la capacité et surtout la volonté d'assurer ses
obligations financières sont incertaines. Ce cas de figure permet de
comprendre pourquoi les agences ont récemment lancé une échelle de
notation spécifique en vue de mesurer les taux de recouvrement.

Les notes de recouvrement lancées par Fitch

Depuis 2005 , les ratings en échelle globale de Fitch mesurent


strictement une probabilité de défaut. Comme cela a été souligné
précédemment, deux ratings sont susceptibles d' être assignés aux
émetteurs en défaut : « RD » (relative default) ou « D » (default) , selon
que la défaillance de paiement concerne une partie ou la totalité de la
dette.
Mais, en plus de cette note attribuée aux émetteurs, l'agence a créé un
type de note supplémentaire, exclusivement destinée aux titres des
institutions financières, entreprises et États notés B+ et en dessous. Ce
nouveau rating estime le taux de recouvrement de chaque titre dans
l'hypothèse où surviendrait un défaut de l'émetteur [Fitch, 2005a].
Pour ce qui est de la notation souveraine, les notes de recouvrement
(recovery ratings) sont fonction des critères suivants : part de la dette en
monnaie étrangère dans la dette publique totale, part de la dette
obligataire détenue par des institutions financières internationales,
soutenabilité de la dette, importance du secteur financier, « volonté de
payer » , ouverture internationale, revenu par habitant, pratiques passées
en matière de rééchelonnement de la dette [Fitch, 2005b] .
Il existe six notes de recouvrement :
- RR1 pour les titres dont le taux de recouvrement est jugé supérieur
à 90 %;
- RR2 pour ceux dont le taux de recouvrement est estimé à 71 %-90
%;
- RR3 pour les titres dont le taux de recouvrement est estimé
à 51 %-70 %;
- RR4 regroupe les titres avec un taux de recouvrement compris
entre 31 % et 50 % ;
- RR5 pour ceux dont le taux de recouvrement est estimé à Il %-30
%;
- RR6 pour les titres dont le taux de recouvrement est jugé inférieur
à 10 %.
Ces notes de recouvrement conditionnent la note en échelle globale
de chaque obligation. Les titres dont la note de recouvrement est RR1
sont susceptibles d'être notés B, B- et CCC+ ; les obligations dans la
catégorie RR2 ont un rating potentiel de CCC+ ou CCC; aux titres RR3
correspondent les notes CCC et CCC- ; enfin, les obligations des
catégories RR4, RR5 et RR6 voient leurs ratillgs s'échelonner entre CCC-
et C [Fitch, 2005b] .
Ce changement dans la méthodologie de Fitch crée, pour les États
notés dans la catégorie B et en dessous, une dichotomie entre la note de
l'État émetteur, fondée sur la stricte mesure d'une probabilité de
défaut, et la note des titres de l'État en question, reflétant
partiellement une mesure du taux de recouvrement. Cette évolution
méthodologique est d 'autant plus remarquable qu'elle entérine la
possibilité de voir le titre d'un État en défaut mieux noté que le titre
d'un État qui demeurerait solvable.
Pour ce qui est de la notation des entreprises et des institutions
financières, les notes de recouvrement sont fortement tributaires du
secteur d'activité et de la résilience de chaque entreprise ou banque
face à un retournement du cycle des affaires. Le tableau 4 montre par
exemple que les secteurs de l'aérospatial et de l'agroalimentaire offrent
les meilleures perspectives de recouvrement, avec 75 % des entreprises
notées RR1 ou RR2. En revanche, le taux de recouvrement des
institutions financières est considéré comme très faible (100 % des
entités notées RR6).

Tableau 4. Estimation des taux de recouvrement


par secteur d'activité

Secteur d'a ctivité RR1 RR2 RR3 RR4 RR5 RR6

Aérospatial
et défense 50 % 25 % 17 % 8%
Agroalimentaire 50 % 25 % 25 %
Assurance 100 %
Chimie 45 % 9% 14% 14 % 5% 14 %
Construction
automobile 46 % 8% 31 % 8% 8%
Énergie 37 % 11% 11% 11% 17 % 11%
Immobilier 67 % 33 %
Institutions
financières 100 %
Loisirs 33 % 33 % 33 %
Médias 26 % 7% 7% 4% 56 %
Papeterie 11 % 11 % 11 % 44 % 11% 11 %
Santé 29 % 14 % 29 % 14 % 14 %
Services à l'environ·
nement 17 % 33 % 17 % 33 %
Technologies 27 % 13% 27 % 27 % 7%
Télécomm un ications 45 % 10 % 3% 16 % 12 % 13%
Transport aérien 50 % 50 %

Source : d'après F=itch [2006dj.

Moody's et S&P ont à leur tour adopté ces notes de recouvrement.


L'échelle de Moody's est calquée sur celle de Fitch: elle est composée de
six catégories avec les mêmes fourchettes de recouvrement [Moody's,
2007c]. S&P s'est également inspiré de la méthodologie de Fitch, à la
différence près que son échelle comprend une septième catégorie pour
les titres offrant une espérance de recouvrement de 100 % [S&P, 2008b].

Les différents concepts intervenant dans les méthodologies


de notation

Depuis l'apparition des premiers ratillgs , les systèmes de notation des


agences ont considérablement évolué et se sont multipliés. Par exemple,
Moody's, qui n'avait qu'un seul système de notation en 1909, en
compte désormais plus de quarante [Moody's, 2007b]. Les nombreuses
échelles de notes appalUes au cours des deux dernières décennies
(applicables très majoritairement aux secteurs corporate et « financement
structuré ») et l'usage de divers « signaux » renseignant sur le risque de
crédit ont accompagné le développement et la complexification des
marchés financiers internationaux. Ils sont destinés à satisfaire les
exigences des investisseurs en matière de transparence et de qualité de la
mesure du risque de défaut. Cette section va donc s'attacher à passer en
revue les principaux concepts utilisés dans la notation.

La perspective de notation

La perspective de notation (outlook) indique l' évolution probable


du rating à un horizon d'un à deux ans: elle peut être « positive », «
négative » ou « stable ». Les premiers outlooks sont apparus en 1936 dans
les manuels de Fitch sous la forme de petites flèches ascendantes et
descendantes placées devant la note; l'absence de flèche indiquait un
outlook stable. Ce concept ne semble pas avoir été repris par les trois
autres agences concur-rentes de l'époque.
Il faut attendre les années 1980 pour voir S&P renouer avec cet usage
des perspectives de notation. Les autres agences feront de même
quelques années plus tard . Généralement, chaque ratÎllg est doté
d'une perspective de notation. La pratique actuelle des outlooks
montre qu'une perspective positive (négative) n'implique pas forcément
une augmentation (un abaissement) de note. Bien que cela demeure très
rare, un outlook positif (négatif) peut déboucher sur un downgrade
(upgrade). Citons le cas du Malawi, dont l'outlook était positif au
moment de son dowllgrade par Fitch en décembre 200S (passage de
CCC+ à CCC) . Enfin, une note dont la perspective est stable peut être
relevée ou abaissée avant que cette perspective ne soit modifiée.
Une quatrième catégorie d' outlook est née à la fin des années 1990 : il
s'agit de la perspective dite « évolutive », qui est conditionnée à un
événement donné. Rarement utilisée, elle signifie que la nota tion peut
aussi bien rester inchangée qu'être upgradée ou downgradée à court
terme.

La mise sous surveillance


La mise sous surveillance (rating watch selon la terminologie de Fitch,
watchlist pour Moody's et creditwatch pour S&P) est un concept datant
des années 1990 qui vise à signaler aux investisseurs qu'il existe une
forte probabilité de changement de notation à très court terme. Cette
mise sous surveillance peut être « positive », « négative » ou « évolutive
». Contrairement aux outlooks, les mises sous surveillance sont des
indicateurs temporaires. Une étude de Moody' s portant sur l'ensemble
des ratillgs mis sous surveillance au cours de la période octobre 1991-juin
1998 montrait que la durée moyenne d'une watchlist était de 108 jours.
Il est également souligné que 76 % des émetteurs mis sous surveillance
positive ont effectivement bénéficié d'un rehaussement de note, alors
que 66 % des émetteurs placés sous surveillance négative ont fini par
être dégradés. Enfin, S9 % des mises sous surveillance évolutives se
sont traduites par des confirmations de notes [Moody's, 1998].

Les notes à court terme

Inexistantes durant l'entre-deux-guerres, les notations à court terme


sont des opinions sur la capacité à honorer un engagement financier à
court terme. Elles sont généralement attribuées aux émetteurs et aux
instruments de dette à court terme. Fitch dégage sept catégories de
ratings : F1+, FI, F2 et F3 pour les notes illvestrnent grade, B et C pour
celles en speculative grade, D pour celles en défaut. L' échelle de S&P est
plus large que celle de Fitch : la catégorie investissement englobe les
notes A-1+, A-l, A-2 et A-3, tandis que les catégories spéculative et «
défaut » regroupent les notes B-1 , B-2, B-3, C, SD et D. L'échelle court
terme de Moody' s ne comprend que quatre notes: P-1 (Prime-1),
P-2 (Prime-2), P-3 (Prime-3) pour la catégorie investmellt grade et NP
(Not Prime) pour l'ensemble des titres et émetteurs speculative grade.

Notes en monnaie étrangère et notes en monnaie locale

Les agences subdivisent également leurs notations à long terme et


court terme en fonction de la monnaie dans laquelle la dette est libellée .
D'une part figurent les notes long et court terme en monnaie locale et
d'autre part les notes long et court terme en monnaie étrangère.
La note en monnaie locale mesure le risque de défaut dans la devise
du pays où est domicilié l'émetteur, tandis que la note en monnaie
étrangère reflète la probabilité de défaut dans toute autre devise . Ce
deuxième type de note prend en compte le risque de transfert et de
convertibilité qui se manifeste lorsqu'un État à court de devises
étrangères impose des restrictions à leur transfert et limite ou interdit la
conversion de la monnaie locale en devises étrangères.
Tous les États notés par les agences se voient attribuer une notation
en monnaie locale et une autre en monnaie étrangère, ce qui n 'est pas
forcément le cas des autres types d'émetteurs.
Les notes sur échelle nationale

Créées en 1999 par Moody's puis adoptées par S&P et Fitch durant les
années 2000, ces notations sont des appréciations de la qualité de crédit
relative des émetteurs et des titres de dette dans un pays donné. Elles
constituent une réponse à la demande croissante des investisseurs qui
considéraient que l'échelle de notation globale ne permettait plus de
différencier de façon pertinente la solvabilité des émetteurs d'un même
pays.
Pour ces ratings sur échelle nationale, qui ne sont donc pas
comparables d'un pays à l'autre, les trois agences ont repris leur échelle
globale de notation en y ajoutant un préfixe ou un suffixe en
référence au pays concerné.

Tableau 5. Notes sur échelles globale et nationale attribuées


par Moody's à un échantillon d'émetteurs mexicains

Émetteur Notation - Notation -


échelle globale échelle nationale

Pemex Baal Aaa.mx


État de Querétaro Baal Aal .mx
Municipalité de Leon Baa3 Aa3 .mx
État de Sinaloa Ba2 A2.mx
Aguas dei Municipio de Durango Bl Baa2.mx
Desarrolladora Metropolitana B2 Bal.mx

Source: d'après moodys.com.

La comparaison des notations sur échelle globale et sur échelle


nationale attribuées par Moody's à quelques émetteurs mexicains (voir
tableau 5) permet de comprendre les avantages de ce deuxième type de
ratings, en particulier :
- une plus grande facilité pour repérer les émetteurs les plus
solvables dans un pays donné (Pemex et toutes les autres entités notées
Aaa.mx dans le cas du Mexique) ;
- une plus grande granularité de l'échelle de notation (dix crans de
différence en échelle nationale entre Pemex et Desarrolladora
Metropolitana contre seulement sept crans de différence en échelle
globale) qui permet de discriminer entre eux les émetteurs ayant la
même note sul' échelle globale. Par exemple, Pemex est mieux noté
que l'État de Querétaro sur l'échelle nationale alors que les deux
entités ont un rating identique sur l'échelle globale.
D'autres types de notations spécifiques aux secteurs COlporate, bancaire
et financement stlUcturé sont appalUs depuis les années 1990. Certains
d 'entre eux seront abordés dans le chapitre IV.
Le « plafond pays »

Le plafond pays (counoy ceiling en anglais) est un concept rela-


tivement complexe pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le « plafond
pays » n'est pas so"icto sensu intégré dans les méthodologies de toutes les
agences. Ensuite, il a souvent fait l'objet d'une confusion avec la
notion de « plafond souverain ». Enfin, il est à l'origine de changements
méthodologiques majeurs.
Jusqu'au début des années 2000, les trois grandes agences posaient
comme principe que la note en monnaie étrangère d'un titre ou d'une
entité ne pouvait pas excéder la notation en monnaie étrangère
attribuée à l'État dans lequel l'émetteur était domicilié. Ce principe était
appelé « plafond souverain ». Il convient de souligner que S&P a adhéré
à cette pratique mais a récusé l'expression de « plafond souverain »,
préférant évoquer « l'impact du risque souverain sur la solvabilité de
chaque émetteur [domestique] » [S&P, 2001].
La raison avancée par Fitch, Moody' s et S&P pour justifier cette
supériorité du rating souverain tenait au risque de voir un
gouvernement instaurer un contrôle des changes qui aurait empêché
les émetteurs domestiques d'assurer le service de leur dette en monnaie
étrangère [Fitch IBCA, 1998a et 1998b ; Moody's, 2001; Chambers,
1996; S&P, 2001] .
Quelques rares émetteurs et émissions pouvaient toutefois déroger à
cette règle et percer le « plafond souverain ». S&P a insisté sur la
nécessité d'avoir une approche pragmatique fondée sur le « cas par cas »
pour déterminer les émetteurs domestiques susceptibles d'être mieux
notés que leur souverain. L'agence a estimé que de tels titres ou entités
pouvaient être des instlUments de dette de type financement sttucturé,
des prêts octroyés par des institutions financières internationales (Fonds
monétaire international, Banque interaméricaine pour le développe-
ment , International Finance Corporation), des firmes
multinationales (par exemple Nestlé), des filiales de firmes
multinationales dans des États émergents ou en développement, des
entreprises domiciliées dans des centres financiers offshore (par exemple
les îles Caïmans) [Chambers, 1996].
Pour Fitch, la capacité d ' une entité à percer le « plafond souverain »
résidait avant tout dans sa capacité à préserver son accès aux principales
devises étrangères. Les mesures allant dans ce sens étaient de plusieurs
ordres: dépôt de réserves en devises dans un centre offshore; montage
d ' opérations de currellcy swaps; garantie ou assurance contre le risque
de convertibilité; opérations de titrisation; obligations garanties par
une institution financière internationale [Fitch IBCA, 1998b et
1998c]. Dans un rapport s'attachant spécifiquement aux établissements
de crédit, Fitch a dressé le portrait type de la banque qui pouvait être
notée au-dessus de son souverain: il s'agissait d'une banque détenue par
un établissement étranger noté en illvestment grade, disposant d 'un
montant élevé de réserves de liquidité [Fitch, 2001].
Moody's [1999] en revanche a eu une approche plus normative,
établissant par exemple que les émetteurs de cinq États seulement
(Belgique, Espagne, Italie, Panama et Portugal) étaient susceptibles de
constituer des exceptions à la règle du « plafond souverain».
C'est à partir de 2001 que la politique de « plafond souverain »
s'assouplit, mais selon des modalités différentes pour les trois agences.
Dans un rapport de juin 2001, Moody's souligne que trois facteurs
conditionnent la capacité d'un emplunteur à percer le « plafond pays » :
sa solvabilité, son aptitude à se procurer des devises étrangères et la
probabilité qu'il n'y ait pas de moratoire généralisé sur la dette en cas de
défaut souverain [Moody's, 2001]. Cette troisième condition repose
elle-même sur trois considérations: le degré d'intégration de l'économie
nationale à l'économie mondiale; le risque que le gouvernement en
question perçoive le moratoire comme moins coûteux économiquement
qu'une autre mesure de politique macroéconomique; le risque de voir
ce gouvernement « socialiser » la crise. En outre, Moody's introduit une
notation « plafond pays » distincte pour tous les États notés et
abandonne de facto le concept de « plafond souverain ». Ce
changement est majeur car il rompt avec le COlpUS méthodologique
jusqu'alors en vigueur qui considérait le percement du « plafond
souverain » comme une exception.
Le « plafond pays » constitue la note en monnaie étrangère maximale
qu' un emprunteur est théoriquement susceptible d'obtenir dans un
pays donné. Il reflète le risque de voir un gouvernement compromettre
le service de la dette d'un émetteur domestique en décidant un
moratoire sur la dette. Ce « plafond pays » sera d'autant plus élevé que
le risque de moratoire est faible. Au Il mai 2009, à l'exclusion des États
dont la note en monnaie étrangère est Aaa , 91 % des notations «
plafond pays » de Moody's étaient supérieures à leur rating souverain
respectif (calcul d'après Moody's [2009d]). Les conditions mises en
exergue par Moody's pour que la note d'un titre ou d'un émetteur
domestique dépasse le « plafond pays » ont peu évolué depuis 2001
[Moody' s, 2006] .
Fitch émet ses premières notes « plafond pays » en juin 2004 et
abandonne donc à son tour le dogme du « plafond souverain ». Comme
Moody's, l'agence estime que le risque de transfert et de convertibilité
qui pesait traditionnellement sur les émetteurs est moindre. Fitch
[2006c] dégage deux séries de facteurs permettant à un emprunteur
domestique d'être noté au-dessus de son « plafond pays » : d'une part,
des critères propres à l'émetteur domestique et qui sont identiques à
ceux énumérés précédemment ; d'autre part, des critères relevant de
l'analyse du risque souverain (gouvernance, appartenance aux grandes
institutions économiques internationales, degré d'intégration de
l'économie nationale à l'économie mondiale ; degré d'intégration
financière ; maîtrise de l'inflation ; crédibilité et stabilité des taux de
change).
S&P se différencie sensiblement de ses deux concurrents en
n'attribuant pas de note « plafond pays ». À la place, l'agence émet des
ratings déterminant le risque de transfert et de convertibilité (transfer and
convertibility assessment) pour les États émergents et en développement.
S&P reste fidèle à sa méthodologie consistant à analyser pays par pays
l'impact du risque souverain sur les émetteurs domestiques, sans pour
autant créer une nouvelle catégorie de ratings [S&P, 2005].

Modalités d'attribution et de retrait d'une notation

Les modalités d'attribution des notations ont considérablement


évolué depuis un siècle. Jusqu'au début des années 1970, les notes
étaient « non sollicitées », c'est-à-dire qu'elles étaient attribuées sans le
consentement des émetteurs. Les diagnostics des agences étaient alors
fondés sur les informations obtenues de divers organismes (institutions
internationales, département au Commerce américain, ambassades
américaines ... ). Cette pratique des notes « non sollicitées » (également
appelée « notation sauvage ») a été abandonnée il y a quasiment
quarante ans pour deux raisons. D'une part, les progrès des techniques
de photocopie menaçaient de plus en plus les ventes de manuels, source
principale de revenus des agences. D'autre part, la récession américaine
de 1970, qui faisait suite à près de neuf années d'expansion économique,
a acclU blUtalement le nombre de faillites d'entreprises. Certaines
sociétés qui n 'étaient pas notées ont alors rencontré des difficultés pour
émettre sur les marchés de capitaux. En conséquence, elles ont
directement sollicité les agences afin d'obtenir un rating. Ces dernières
leur ont logiquement facturé l'attribution d'une notation. À l'heure
actuelle, les agences émettent encore quelques rares notes non
sollicitées, essentiellement dans le secteur cO/para te.
Depuis les années 1970, les émetteurs de dette rémunèrent donc les
agences afin d' obtenir un rating. Cette note leur permet de :
accéder plus facilement aux marchés de capitaux (les
investisseurs étant renseignés sur leur risque de crédit) ;
- réduire leurs coûts de financement (un rating, même bas, reflète
une certaine volonté de transparence de l' émetteur et garantit le
respect de toute une série de réglementations financières et comptables)

- accroître leur notoriété (l'obtention d'une note d'une des trois


grandes agences est un élément clé de la politique de communication
financière d'un émetteur, qu'il soit public ou privé) ;
- se distinguer de leurs concurrents sur le marché [Fight, 2001].
Dès lors que les émetteurs de dette sollicitent les agences, ils sont
logiquement amenés à participer activement au processus de notation.

Le processus de notation

Dans un premier temps, une entité publique ou privée contacte


une agence. Un haut responsable du secteur concerné au sein de
l'agence désigne alors un analyste leader. Celui-ci est chargé de réunir
des informations sur l'émetteur en vue de mesurer son risque de crédit.
En matière de notation COiporate, il rencontre généralement le
management de l'entreprise qu'il note. Pour ce qui est du rating
souverain, il se déplace dans le pays en question pour s'entretenir, selon
les cas, avec le chef du gouvernement, le ministre de l'Économie, des
hauts fonctionnaires, le directeur de la banque centrale et/ou des chefs
d'entreprise. L'analyste leader finit par rédiger un mémorandum qui est
ensuite présenté et discuté dans le cadre d'un comité de notation,
composé de l ' analyste leader et d ' autres analystes du secteur. Au
terme de ce débat, il est procédé à un vote qui aboutit à l'attribution
d 'une note. En cas d'informations jugées insuffisantes, l'agence peut
décider de ne pas noter l'émetteur. L'émetteur, qui est aussitôt informé
de la décision du comité de notation, a la possibilité de faire appel en
fournissant de nouvelles informations , auquel cas le comité se
réunit à nouveau pour délibérer. L'étape finale du processus de notation
est l'annonce de la note attribuée par communiqué officiel et voie de
presse. Une fois le rating officialisé, l'analyste leader suit l'évolution
économique, financière et politique des entités qu 'il supervise. Si des
événements susceptibles de modifier substantiellement le risque de crédit
d'un émetteur surviennent, l' analyste peut convoquer un comité de
nota ti on extraordinaire afin de modifier la note en conséquence. En
règle générale, les notations sont révisées une fois par an.
Le processus de notation standard dure de qua tre à six semaines
en moyenne. Les opinions exprimées au sein du comité de notation
doivent demeurer confidentielles (se reporter à Fitch [2006b] ,
Moody's [200S] et S&P [2008a] pour connaître les spécificités du
processus de notation au sein de chaque agence).
Théoriquement, les discussions relatives au montant des
commissions que l'émetteur s'engage à verser à l'agence sont
complètement dissociées et indépendantes du processus de notation.

Le retrait d 'une note

Le retrait d'une note peut avoir divers motifs:


l' arrivée à échéance d ' un titre obligataire (voire son
remboursement anticipé) qui rend la note inutile;
- l' insuffisance d 'informations concernant l' émetteur qui dissuade
l'agence de poursuivre son analyse. Il peut s'agir d'un manque de
coopération de l'émetteur ou d'une situation politique ou économique
exceptionnelle qui empêchent l'agence d'appréhender correctement le
risque de crédit. Par exemple, de nombreuses notations souveraines ont
été retirées dans les mois qui ont précédé et suivi le déclenchement de la
Seconde Guerre mondiale (voir chapitre Ill) ;
la décision de l'emprunteur d'interrompre ses relations
commerciales avec l'agence, sa notation étant jugée trop basse ou inutile

- la disparition pure et simple de l'émetteur (le plus souvent suite à


une liquidation judiciaire ou à une absorption par une autre entreprise) .
Chez Fitch, ces retraits ont d'abord été symbolisés par un « X » (des
années 1920 aux années 1950) puis plus récemment par les lettres « NR
». Chez Poor's et Standard Statistics, les retraits de note étaient
également symbolisés par les lettres « NR ». La politique de S&P au
cours de ces dernières décennies a été plus simple, consistant au retrait
automatique des titres ou émetteurs concernés, sans qu'il y ait eu
préalablement de note spécifique. Moody's s'est distingué de ses
concurrents au cours de l'ère moderne en instaurant le symbole « WR »
(withdrawn rating) .
Il est utile de préciser que certains raangs ont été retirés dans des
conditions singulières. En 1983, le retrait par Moody's de la note Aa du
Vénézuela qui venait de faire défaut révélait plus un désarroi des
analystes qu'un quelconque manque d'information (point de vue de
David Levey, managing director de la branche souveraine de Moody's
jusqu'en juillet 2004, et « Rating suspended : Republic of Venezuela »,
Moody 's Bond Survey, 28 mars 1983). Plus récemment, en juin 2002,
Moody's décidait de retirer la note en monnaie étrangère de l'Iran, suite
à la décision du président des États-Unis de menacer de sanctions
écono- miques les entreprises ayant des relations commerciales avec cet
État (Moody's, « Moody's withdraws Iran ratings » , 3 juin 2002). Tout
dernièrement, le retrait brutal de la note de la Gambie par Fitch a fait
l'objet d' un communiqué de presse lapidaire ne permettant pas de
connaître les raisons profondes de cet événement (Fitch, « Fitch
withdraws the Gambia's ratings », 6 juillet 2007) .
III/la notation des entités publiques

la particularité du risque de crédit des entités publiques tient au fait


qu'il incorpore non seulement la capacité mais aussi la volonté de
l'émetteur de respecter ses engagements financiers. Cette spécificité,
soulignée très tôt par John Moody (<< The credit of foreign
governments », Moody's Investment Letter, 3 avril 1919), prend tout
son sens au regard de l'histoire des défauts souverains survenus au cours
des derniers siècles.

Les États

Très souvent au cours de leur histoire, les États se sont retrouvés


insolvables. Ainsi, l'Espagne a fait défaut à trois reprises au cours du
siècle d'Or; sept autres défauts allaient suivre durant les XVIIe, XVIIIe et
XIXe siècles. La France, quant à elle, compte huit défauts au cours des
XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Enfin, pour le seul XIxe siècle, l'Autriche-Hongrie
et la Plusse comptent chacune cinq banqueroutes (lire Winkler [1933] et
Wynne [1951] pour un aperçu plus complet). Ces défauts, qui ont
concerné de grandes puissances continentales et coloniales,
démontrent la complexité du risque souverain.

L'appréciation du risque souverain avant l'apparition de la notation

Jusqu'au début du xxe siècle, aucune entreprise ne semble s'être


spécialisée dans la compilation de renseignements économiques et
financiers sur les pays. Les banques ont en effet longtemps été les
détentrices privilégiées des informations et même des critères servant à
déterminer la solvabilité d'un État. Ainsi, dans les années 1810, le roi de
Prusse, sollicitant Nathan Rothschild en vue d'obtenir un prêt, se vit
rétorquer qu'il allait se voir appliquer un taux d'intérêt élevé car son
royaume n 'était pas un État de droit [Ferguson, 1998] . Plus de trois
quarts de siècle plus tard, en 1898, le Service des études financières du
Crédit lyonnais alla jusqu'à classer les États en trois catégories, en
fonction d'un indice de risque souverain qui prenait essentiellement en
compte le ratio du service de la dette publique sur les revenus
[Flandreau, 2003] . Cependant, ce système de raring ludimentaire était à
usage interne et ne semble pas avoir été révisé par la suite. La première
ébauche d'analyse du risque souverain « extra-bancaire » apparaît en
1900 avec le premier manuel de John Moody qui dresse une liste de
titres souverains, fournit certaines statistiques de finances publiques,
mais ne comprend encore aucune note.

Risque souverain et risque pays


Le « risque souverain» est parfois assimilé au « risque pays ». Il s'agit là d'une confusion
car ces deux notions renvoient à deux types de risque distincts (se reporter à Meunier et
Sollogoub [2005] et Wang [2005, chapitre 17] pour une analyse plus exhaustive du risque
pays).

Le risque souverain mesure la probabilité qu'un État cesse de respecter ses


engagements financiers vis-à-vis de ses créditeurs (banquiers, institutions internationales,
investisseurs publics ou privés) et tombe donc en défaut de paiement sur sa dette
bancaire et/ou obligataire. Le risque souverain couvre par conséquent un risque limité et
précis.

Le risque pays peut se définir comme l'ensemble des risques d'ordre


institutionnel, politique, économique, financier, social et environnemental d'un pays
susceptibles d'affecter la compétitivité, d'affaiblir les performances financières ou de nuire
aux intérêts de l'entreprise qui y est implantée ou qui y investit. Le risque pays se présente
donc comme une notion plus large et complexe, indispensable aux entrepreneurs et
investisseurs souhaitant internationaliser leurs activités.

La Coface est un acteur majeur de la notation risque pays. Ses notes pays @rating
mesurent « le niveau moyen de risque d'impayé à court terme présenté par les
entreprises d'un pays ». Elles reposent sur:

- les perspectives politiques, économiques et financières du pays concerné (analyse


macroéconomique) ;

- les expériences de paiement des entreprises localisées dans le pays en question


(expertise microéconomique) ;

- l'environnement des affaires (cadre institutionnel, législatif et réglementaire;


qualité des informations financières et sincérité des comptes; protection des créanciers et
efficacité du recouvrement).

L'échelle de notation de la Coface comprend sept notes: Al pour les entreprises


présentant le risque moyen d'impayé à court terme le plus faible; puis A2, A3, A4, B, C et
D. Les notes pays @rating de la Coface sont corrélées aux ratings souverains attribués par
Fitch, Moody's et S&P. Néanmoins, certaines exceptions demeurent. Par exemple, la
Bulgarie, notée en investment grade par les trois agences de notation, a une note pays
@rating inférieure à celle du Costa Rica, pourtant noté en speculative grade par les trois
agences. Ce cas de figure révèle que, malgré un risque de défaut souverain supérieur, le
Costa Rica offre un meilleur environnement des affaires aux entrepreneurs et investisseurs.

Naissance et essor de la notation souveraine dans l'entre-deux-guerres

Le premier manuel contenant des notations souveraines est publié par


Moody's en mars 1918 : il s'agit du Moody's Analyses of Investments :
Govemmel1t & Municipal Securities. La préface indique que le travail de
compilation a requis près de deux années d'effort. Ce manuel contient
des données sur environ 30 000 obligations, dont 8S % émises par l'État
américain et ses subdivisions administratives. Les lS % restants sont des
titres émis par des souverains et collectivités locales étrangers. En plus
des obligations émises par l'État fédéral amencain lui-même, on
dénombre 189 titres souverains étrangers notés ; vingt-quatre d'entre
eux sont des titres en dollars ou en livres sterling listés sur le NYSE
(New York Stock Exchange). Ils couvrent dix États : l'Argentine, le
Canada, Cuba, la République dominicaine, la France, le Japon, la
Norvège, le Panama, le Royaume-Uni et la Suisse.
Ces premiers ratil1gs souverains sont attribués à un moment
particulièrement opportun, marqué par l'explosion du nombre
d'obligations d'État émises sur le NYSE. Jusqu'en 1914, les émissions
souveraines sur la place de New York sont peu nombreuses et
proviennent majoritairement d'États d'Amérique centrale. La Première
Guerre mondiale bouleverse la donne et fait des États-Unis le premier
créancier mondial: le NYSE finance l'effort de guerre de la France et du
Royaume-Uni à partir de 1915 avant de contribuer au boom des titres
obligataires souverains étrangers dans les années 1920 [Rippy, 1950].
Dans ce contexte, les notations deviennent des outils précieux pour
les investisseurs, d'autant plus que Moody's bénéficie de l'absence de
supervision du marché obligataire souverain. Dans une circulaire du 3
mars 1922, le département d'État américain défend en effet une poli-
tique de laisser-faire en matière de financement des États étrangers.
En outre, aucune association américaine de porteurs d'obligations ne se
charge de surveiller la qualité des titres étrangers émis, comme c'est le
cas en Grande-Bretagne avec la Corporation of Foreign Bondholders. Par
conséquent, les ratings de Moody's, puis ceux de Standard Statistics,
Poor's et Fitch à compter de 1922 et 1924, sont les seuls indicateurs
extérieurs au marché et aux banques permettant aux investisseurs de
discriminer les titres souverains émis sur le NYSE au cours des années
1920.
Le nombre de titres souverains notés va régulièrement
augmenter pour atteindre un pic en 1929-1930, avec en moyenne,
selon les agences, 110 à 120 obligations souveraines en dollars ou livres
sterling listées à New York. La vague de défauts souverains à partir de
1931 puis le Johnson Debt Default Act (loi votée par le Congrès
américain en avril 1934 qui interdit la vente de titres obligataires émis
par des gouvernements en défaut de paiement vis-à-vis d'investisseurs
américains) sonnent le glas du marché obligataire souverain aux
États-Unis. Par la suite, les rares nouvelles émissions seront concentrées
sur trois pays: l'Argentine, le Canada et la Norvège, qui représentent à
eux trois 73 % des émissions entre 1935 et 1938. L'accroissement des
tensions internationales à partir de 1936 et le déclenchement de la
Seconde Guerre mondiale portent le coup de grâce. Fitch retire les
ratillgs de l'Allemagne en 1936, de l'Autriche, de la Chine, de l'Italie et
de la Tchécoslovaquie en 1938 et enfin du Japon en 1939. Au début de
l'année 1940, Moody's cesse de noter les titres émis dans des devises
autres que le dollar d'une part, et l'ensemble des titres européens,
asiatiques et australiens d'autre part. Standard Statistics et Poor's
suivront l'exemple de Moody's avant de fusionner en 1941.

Une notation souveraine en léthargie pendant un demi-siècle

La déprime de la notation souveraine qui va durer près de cinq


décennies est étroitement liée à la faiblesse des volumes d'émissions
obligataires souveraines sur le NYSE au cours des années 1930 à 1970.
Plusieurs raisons expliquent cet assèchement du marché.

La crise souveraine des années 1930

Le krach boursier d'octobre 1929, qui dégénère en crise bancaire et en crise de solvabilité des
entreprises américaines et européennes, a également des conséquences considérables sur la
situation des finances publiques des États.

À partir de 1931, de nombreux États vont se révéler incapables d'honorer leurs


dettes. Les raisons de cette vague de défauts sont de plusieurs ordres [Winkler, 1933 ;
Eichengreen et Portes, 1986]. Les racines profondes de cette crise souveraine
demeurent l'endettement massif des pays d'Europe centrale et d'Amérique latine au cours
des années 1920. Les causes immédiates sont:

- la difficulté des États à se refinancer sur les marchés obligataires à partir de 1928, du
fait de la plus forte attractivité des marchés actions (les plus-values obtenues des actions
d'entreprises américaines étant supérieures aux rendements offerts par les obligations
souveraines étrangères);

- la chute brutale des cours des matières premières à partir de 1929 qui se traduit par
un effondrement des recettes budgétaires, particulièrement en Amérique latine, provoquant
un effet de ciseaux (chute des recettes et accroissement des dépenses) ;

- la fuite des capitaux qui débute en 1930 et ralentit considérablement l'activité


économique en Amérique latine et en Europe centrale.

Cette fragilité financière ne tarde pas à déboucher sur une vague de défauts de
paiement à partir de janvier 1931. La Bolivie est le premier État touché, suivi par le Pérou, le
Chili, la République dominicaine, le Brésil, puis, en 1932, par la Grèce, le Salvador, la
Yougoslavie, la Bulgarie. En 1933, ce sont le Panama, la Colombie, l'Uruguay, la Roumanie, le
Guatémala et Cuba qui sont dans l'incapacité de rembourser leur dette. En 1934, ce sont la
Hongrie et l'Allemagne qui sont en cessation de paiement [Gaillard, 2007] . Au total, plus de
40 % des titres souverains émis sur le NYSE entre 1919 et 1929 sont tombés en défaut.

Les quatre grandes agences de notation de l'époque (Fitch, Moody's, Poors et Standard
Statistics) n'ont pas su prévoir cette crise majeure, comme l'atteste le faible nombre d'abaisse-
ments de notes intervenus en 1929 et 1930. Cependant, à leur décharge, il faut noter que les
taux de défaut des titres souverains notés dans les catégories AM et AA étaient nuls ou quasi
nuls, ce qui reflète malgré tout une certaine capacité à discerner les États ayant la solvabilité
la plus solide. En revanche, les autres titres notés investment grade (A et BBB) en 1930 ont
majoritairement fait défaut [Flandreau, Gaillard et Packer, 2009].

Le premier facteur tient à la situation économique et financière


mondiale en 1945 . La grande majorité des États européens et asiatiques
sortent exsangues de la guerre. Plusieurs dizaines de pays n'ont
toujours pas repris le paiement de leur dette, de sorte que, au 31
décembre 1946, le montant des arriérés d'intérêts en défaut atteignait
498 millions de dollars pour l'Amérique latine, 527 millions pour
l'Europe et 162 millions pour l'Asie [Foreign Bondholders Protective
Council, 1950, p. 362]. Le retour progressif à la croissance et à la
solvabilité va se faire selon deux modalités. D'une part, la nouvelle
archi- tecture financière internationale née à Bretton Woods aboutit à la
création de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
Ces deux institutions vont multiplier l'octroi de prêts bancaires aux pays
en développement et les dispenser de facto de recourir au marché.
D'autre part, l'aide financière spécifique accordée par les États-Unis au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale contribue également à limiter
les émissions obligataires : prêts bilatéraux, prêts de l'Export-lmport
Bank et surtout aide financière provenant du Foreign Economie Assistance
Act du 3 avril 1948 (plan Marshall). Vient ensuite l'instauration, en
1963, aux États-Unis, de l' lET (Illterest Equalization Tax). Destinée à
réduire les fuites de capitaux et à enrayer le creuse-ment du déficit de la
balance des paiements américaine, cette taxe ponctionne à hauteur de
15 % les intérêts perçus par les investisseurs américains auprès des
emprunteurs étrangers ; elle va donc freiner considérablement la
renaissance d 'un marché obligataire souverain sur le NYSE. Enfin, le
faible nombre d'États en défaut durant les décennies 1960 et 1970 laisse
un temps supposer que le risque souverain a quasiment disparu (lire
Strange [1967] pour un point de vue lucide prenant le contrepied de
cette croyance de l'époque). Cet état d'esprit explique en partie la vague
de prêts accordés aux pays en développement entre 1973 et 1982, qui a
encore plus limité le financement direct des États sur les marchés de
capitaux.
Cette succession de facteurs explique la chute continuelle du nombre
d'États notés (VOir graphique 2) : sept pour S&P, treize pour Moody's et
quatorze pour Fitch en 1955. Entre 1968 et 1974, S&P suspend même
son activité souveraine, ne notant plus que le Canada et les États-Unis.
Début 1975, Moody's ne note plus que cinq États (Australie , Canada ,
États-Unis, Nouvelle-Zélande et Panama), contre sept pour S&P
(Australie, Autriche, Canada, États-Unis, France, Japon et Norvège). À la
même époque, Fitch a renoncé à attribuer des ratings souverains.
Graphique 2. Nombre et proportion d'États ayant une notation
en monnaie étrangère attribuée par Moody's
210,-- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - r 70
180 60
150 50
1.20 40

"
@
~
~
...-_.. - ... _--- ........ '\
30 10
"--- . ..._-. .. _............ --- ...
o 0
~ ~ ~ ~ & ~ ~ ~~ ~ ~ ~ ~
~ ~~ ~ ~ ~ ~J ~ ~l ~ $ $ ~

_ _ Nombre total de pays ofllicieJi emerilt f·e.cemés (échelle de gauche)


______ . Nombre de· pays no'lés ( h@lI.e d gauch@)
- - Pour entllge de pays noté (échelle de droite)

Source : Gaillard [2007].

La renaissance de la notation souveraine à partir des années 7970

La reprise de l'activité souveraine est lente et progressive. Elle se


déroule en plusieurs étapes.
L'abrogation de l'IET en 1974 constitue un premier élément de
relance. Cette mesure se traduit par une résurgence des émissions
souveraines sur la place de New York au cours de l' année 1975 : les
titres de trois États émetteurs (Australie, Autriche et Norvège) se
voient alors assigner une note par Moody's. L'année 1977 voit trois
autres États solliciter le marché new-yorkais et obtenir du même coup
un rating des deux principales agences: la Finlande, le Vénézuela et la
Suède émettent en effet deux séries de titres obligataires chacun pour
des montants respectifs de 100, 150 et 200 millions de dollars. Au cours
des années suivantes et jusqu' au milieu des années 1980, le nombre
d 'États notés va cependant plafonner pour deux raisons. D'une part,
les émissions souveraines vont se poursuivre mais elles seront lancées
majoritairement par des États déjà notés. D'autre part, la vague de
défauts souverains qui déferle à partir de 1982 accroît l'aversion au
risque et limite l'accès au marché.
La deuxième étape du développement de l'activité souveraine est liée
à la décision de Moody's, en 1986, de noter des États qui n'avaient pas
émis de titres obligataires en dollars (cas de l'Allemagne, de Hong Kong,
des Pays-Bas et de la Suisse). Cette évolution de la pra tique de la
notation va contribuer à augmenter le nombre de souverains notés,
d'autant plus que de nouveaux États émettent des titres en dollars (Italie
en 1986 et Hongrie en 1989). La notation de ces États non émetteurs
semble avoir deux fondements : soit elle concerne des États dont la
qualité de signature indiscutable se traduit par la note maximale, soit le
rating souverain est un préalable à la notation d'un titre garanti par
l'État (cas de Malte noté pour la première fois par S&P à l' occasion de
l'émission d 'un emplunt obligataire en dollars par une entreprise
garantie par l'État maltais).
Le plan Brady constitue le troisième facteur de relance de l'activité
souveraine à partir du début des années 1990. Mis en place en 1989
sous l'égide du secrétaire au Trésor américain Nicholas Brady, le
premier plan vise à restructurer la dette mexicaine, tombée en défaut en
1982, en émettant deux types d'obligations souveraines: les par bonds,
qui maintiennent la valeur faciale mais réduisent le taux d'intérêt, et les
discount bonds qui, à l'inverse, diminuent la valeur faciale mais suivent
les taux d'intérêt du marché. Les autres plans Brady qui vont suivre au
cours des années 1990 contribuent à accroître rapidement la taille du
marché obligataire souverain; la plupart de ces Brady bonds obtiennent
un rating dans les mois qui suivent leur émission.
La quatrième accélération de l'activité souveraine a lieu au début des
années 2000 et concerne S&P et Fitch. En 2002, Fitch passe un accord
avec le département d'État américain en vue de noter une quinzaine
États d'Afrique subsaharienne (le premier souverain noté est le
Lésotho en septembre 2002 ; viennent ensuite la Gambie fin 2002, le
Malawi, le Mozambique, le Cap-Vert, le Cameroun et le Ghana en 2003,
le Mali et le Bénin en 2004, l' Ouganda et la Namibie en 2005 , le
Nigéria et le Rwanda en 2006, le Gabon et le Kénya en 2007) . Toujours
en 2002, S&P répond positivement à l'initiative lancée par le PNUD
(Programme des Nations unies pour le développement) qui a également
pour objectif de noter plusieurs Éta ts africains : le Ghana, le Cameroun,
le Bénin obtiennent leur premier raung en 2003, suivent le Burkina
Faso, le Mali, le Mozambique en 2004, le Nigéria, le Kénya et les
Seychelles en 2006, puis le Gabon en 2007. Les deux accords passés par
Fitch et S&P reposent sur le postulat que l'obtention d 'une note
témoigne d 'un effort de transparence des gouvernements et favorisera
l'afflux de capitaux. Ces deux initiatives ont permis à près d'une
quinzaine d'États du continent africain d'obtenir leur premier raung.
Graphique 3. Répartition des notations souveraines par catégorie
en mars 2009
(moyenne des trois agences)

((Cet en

Sources : calculs de l'auteur d'après fitchratings.com, moodys.com


et standardandpoors.com.

Graphique 4. Répartition géographique des notations souveraines


en mars 2009
(moyenne des trois agences)

Sources: calculs de l'auteur d'après fitchratings .com, moodys.com


et standardandpoors.com.

Au mois de mars 2009, S&P, Moody's et Fitch notaient respec-


tivement 119, 108 et lOS États. La répartition moyenne des notations
par catégorie montre une majorité de pays notés en investment grade
(voir graphique 3). Les raongs des trois agences couvrent tous les
continents et sous-continents (voir graphique 4).
Force est de constater que le renouveau de la notation souveraine
depuis les années 1970 aura avant tout profité aux trois grandes agences
Fitch, Moody's et S&P. IECA et Duff & Phelps sont parvenus à noter
jusqu'à quarante États dans le courant des années 1990 avant d'être
absorbés par Fitch en 1997 et 2000 [Huhne, 1996] . ]apan Credit Rating
Agency notait trente-cinq États en août 2009, mais la notoriété et
l'influence de cette agence demeurent réduites . Les alternatives aux
ratings souverains des trois grandes agences sont donc:
- les indices créés par Institutional Investor (en 1979), Euro-money
(la même année) et Economist Intelligence Unit (en 1989) qui
mesurent la solvabilité des États en les classant sur une échelle allant de
o à 100 ;
- les primes de risque sur les marchés obligataires (voir encadré) .

Les déterminants des notations souveraines

Depuis les premières notations, aucune agence n 'a développé de


méthodologie quantitative, c'est-à-dire de méthode d ' évaluation du
risque souverain qui s' appuierait sur des modèles mathématiques ou
économétriques et attribuerait automatiquement une note à un État en
fonction de ses performances économiques et/ou de son niveau de dette.
Les agences affirment que leurs notations sont le fruit d'analyses
qualitatives, prenant en compte divers indicateurs et ratios économiques
et financiers , ainsi que les caractéristiques politiques et institutionnelles
des États [Fitch, 2008c ; Moody's, 2008c ; S&P, 2006b]. Les
méthodologies officielles des trois agences soulignent par exemple
l'importance du PIE par habitant. Elles sont aussi très sensibles aux
ratios de dette publique sur recettes budgétaires, tout en prenant soin
de mesurer la soutenabilité de cette dette. Les pays industrialisés
peuvent en effet se permettre des niveaux d'endettement bien supérieurs
à ceux des pays émergents et en développement, compte tenu de la plus
grande stabilité de leurs recettes fiscales et de leur relative facilité de
financement sur les marchés [Reinhart, Rogoff et Savastano, 2003]. Les
agences prennent également en considération la stabilité des prix,
l'évolution et la soutenabilité des taux de change, ainsi que la capacité
des États, en particulier les pays non industrialisés, à emprunter dans
leur propre monnaie (voir le concept d'original sin développé par
Eichengreen, Hausmann et Panizza [2003]) . Cette crédibilité monétaire
passe par exemple par le contrôle de l'inflation [Sgard, 2008]. La qualité
des institutions d'un État et son appartenance à des zones de libre-
échange ou de coopération économique sont également des critères de
notation, comme l'atteste la décision de Moody's en 2002 d ' augmenter
de deux à trois crans les notes des pays d'Europe centrale et orientale
qui étaient définitivement admis dans l'Union européenne [Gaillard,
2003] . Finalement, une agence comme Moody's liste plus de cinquante
ratios ou indicateurs susceptibles d'être pris en compte dans ses analyses
du risque souverain [Moody's, 2007b].
Les primes de risque du marché comme une mesure alternative du risque
souverain

Les primes de risque (ou spreads) représentent les différentiels de taux entre un émetteur
quelconque et un émetteur considéré comme sans risque. Les spreads sont généralement
exprimés en points de base (100 points de base équivalant à 1 %).

Au début des années 1990, la banque américaine J.P. Morgan a lancé un indice obligataire
international composé des titres de dette des principaux pays émergents : l'EMBI (Emerging
Markets Bond Index). Rebaptisé EMBI+ puis EMBI Global (EMBIG) afin d'intégrer de nouveaux
types d'instruments de dette ou de nouveaux émetteurs, cet indice détermine les spreads des
États émergents face aux taux des bons du Trésor américain.

Il existe un indice par pays ainsi qu'un indice composite qui est le résultat d'une
pondération . En février 2007, le Brésil, le Mexique et la Russie comptaient à eux trois pour
près d'un tiers de l'indice composite alors que celui-ci comprenait pourtant plus de trente
pays.

Graphique 5. Variations des spreads de l'indice EMBIG composite

1600

--
II/
'"~
.D
1400

-8 1 ,200
...c: 1000
'S
Ci.
c: 300
'-"
1,)
ai ,6'00
~
.....
400
i
~
2'00

Source : Datastream.

Les fluctuations de l'EMBIG reflètent l'évolution de l'aversion au risque des investisseurs et


acteurs de marché. Le pic de septembre 1998 cOlncide par exemple avec le défaut de la
Russie. La remontée des primes de risque en octobre 2008 est consécutive à la faillite de
Lehman Brothers et traduit la crainte de voir certains États tomber en défaut.

Les spreads se distinguent des notations à plusieurs égards

- ils sont le résultat direct des arbitrages des investisseurs, contrairement aux ratings qui
sont des analyses externes ;
- ils incorporent les excès et les pénuries de liquidité sur le marché;

- ils sont beaucoup plus volatils que les notations (voir plus bas).

Dans un article précurseur, Cantor et Packer [1996b] ont cependant


démontré qu'un petit nombre de variables permettent d'expliquer près
de 90 % des notations attribuées aux États par Moody's et S&P :
- le PIE par habitant;
- l'inflation;
- le ratio dette en monnaie étrangère sur exportations;
- la survenance ou non d 'un défaut souverain au cours des
vingt-cinq années précédentes;
- l'indicateur de développement économique, discriminant pays
industrialisés et pays non industrialisés.
Plusieurs études menées au cours des années 2000 ont confirmé
les résultats de Cantor et Packer [en particulier Afonso, 2003]. De façon
plus surprenante, une analyse similaire pour les années 1920 révèle que
les déterminants des notations souveraines de Moody's étaient très
proches à l'époque de ce qu'elles sont aujourd'hui [Gaillard, 2007].
Néanmoins, les méthodes de notation souveraine des agences sont
loin d'être monolithiques, surtout depuis l'accroissement du nombre de
pays en développement notés.

La notation spécifique des pays en développement

Jusqu'au début des années 2000, très peu de pays en développement


étaient notés. Il a fallu attendre les programmes de notation des pays
africains, à l'initiative du département d'État américain et du PNUD,
pour voir leur nombre s'accroître. En plus des critères déjà énumérés, les
agences prennent en compte certaines variables spécifiques pour
déterminer la solvabilité de ces États: par exemple, la stabilité politique
et le degré de dépendance à l'égard de certains flux de capitaux.
Fitch [2008a] souligne ainsi que la stabilité politique demeure un
élément clé de la notation des pays africains. Cette stabilité soutient par
exemple les ratings du Cap-Vert et du Ghana. En revanche, les troubles
politiques, les menaces de guerre civile ou de rébellion sont autant de
facteurs qui pèsent sur les notes du Nigéria et du Kénya.
Les fonds que les travailleurs immigrés envoient dans leur pays
d'origine (remittances en anglais) constituent une autre variable prise
en compte par les analystes, en particulier pour noter les petits États à
faibles revenus ou à revenus intermédiaires. Les agences justifient ainsi
les abaissements de notes de la Jamaïque puis du Salvador, et la
dégradation des perspectives du Guatémala et de la République
dominicaine depuis septembre 2008 par la chute de ces transferts de
fonds des expatriés habitant aux États-Unis (se reporter à Ratha, De et
Mohapatra [2007] et Avendano, Gaillard et Nieto [2009] pour
approfondir les liens entre remittances et notation souveraine).

La stabilité et la fiabilité des notes souveraines malgré plusieurs crises

Depuis le début des années 1990, les États ont été confrontés à
plusieurs crises de liquidité et de solvabilité: crise « Tequila » au Mexique
en 1994-1995, crise asiatique en 1997-1998, défauts de la Russie et de
l'Argentine respectivement en 1998 et 2001, craintes infondées de voir le
Brésil tomber en cessation de paiement en 2002-2003 , crise islandaise de
2008.
De toutes ces tourmentes financières, c'est la crise asiatique qui a été
marquée par les abaissements de notes les plus nombreux et les plus
massifs. À partir de la fin des années 1980, l'afflux de capitaux vers
l'Asie du Sud-Est alimente la croissance du PIE, contribue à
l'appréciation des monnaies locales mais fait également apparaître des
bulles financières (spéculation immobilière, augmentation des
créances douteuses et envolée des cours de Bourse). Au début de l'été
1997, l'éclatement de la bulle financière en Thaïlande déclenche une
tempête boursière et monétaire dans toute la région. La fuite des inves-
tisseurs provoque une chute du baht thaïlandais , du peso philippin,
du ringgit malais, de la roupie indonésienne et du won coréen. Le
resserrement du crédit casse la croissance et les réserves de change
amassées par les pays asiatiques ne suffisent pas à soutenir l'activité
économique. La solvabilité des États de la région est menacée et, à partir
d'octobre 1997, les ratings en monnaie étrangère de la Thaïlande, la
Malaisie, la Corée du Sud et l'Indonésie sont massivement dégradés.
S&P, par exemple, abaissera les notes de ces quatre pays de quatre,
cinq, dix et treize crans, respectivement, en l'espace de dix-huit mois.
Il faudra l'intervention du Fonds monétaire international en 1998 pour
sauver in extremis ces pays de la banqueroute. Seule l'Indonésie tombera
en défaut en mars 1999.
Depuis lors, tous ces États ont été régulièrement upgradés par les trois
agences. Ils ont aujourd'hui, en moyenne, des notations supérieures aux
pays émergents qui n ' ont pas été affectés par la crise de 1997-1998.
Force est donc de constater que les États qui ont les systèmes financiers
les plus déréglementés (Corée du Sud, Malaisie, Thaïlande) sont
confrontés aux crises les plus sévères. Malgré tout, ils affichent des taux
de croissance moyens et des ratÎngs supérieurs aux États qui ont plus
réglementé et ont connu des crises financières de faible ampleur (Inde,
Maroc, Tunisie). Ces résultats paradoxaux [Rancière, Tornell et
Westermann, 2008] montrent à quel point l' ouverture financière d'un
pays est susceptible d'influer favorablement sur sa solvabilité à moyen et
long terme. Ce contraste était déjà notable au sortir de la crise asiatique,
début 1999, lorsqu' on comparait les ratings de la Corée du Sud et de
l'Inde (voir graphique 6).
Les abaissements de notes blUtaux survenus pendant la crise asiatique
ont nourri une importante littérature sur la procyclicité des notations
[Ferri, Liu et Stiglitz, 1999 ; Reisen et von Maltzan, 1999]. Néanmoins,
dans l' ensemble, les notations souveraines des trois agences sont plus
stables que celles des secteurs corpomte et financements stlUcturés.

Graphique 6. Évolution des notes en monnaie étrangère attribuées


par S&P à la Corée du Sud et à l'Inde durant la crise asiatique
M-

Ai- \
A \
A- \
BBB.+

BBB
BBB-
BBt- /
1 "\
'\
. ----------------
BB- 1
B+
j

Corée dUI 5 d

Source: S&P.

La stabilité des notes est traditionnellement mesurée par les matrices


de transition qui, pour une période donnée et un secteur d'activité
spécifique, montrent les changements de notes intervenus en l'espace
d'un an, deux ans, etc. Par exemple, le tableau 6 présente, pour la
période 1983-2008, l'évolution des notes souveraines de Moody's. Les
pourcentages en gras sur la diagonale représentent les notes qui sont
restées inchangées au cours d'une année civile durant la période
1983-2008. Les pourcentages à gauche de la diagonale traduisent les
augmentations de notes, tandis que les pourcentages à droite de la
diagonale traduisent les dégradations de notes survenues au cours d'une
année civile durant la période 1983-2008. Par exemple, 92,48 0 /0 en
moyenne des États notés dans la catégorie Aa par Moody's au 1er janvier
de l'année n ont vu leur ratillg rester inchangé au cours de cette année
n. En revanche, 5,61 % en moyenne des notations Aa ont été upgradées
en catégorie Aaa au cours de l'année n, et 0,93 % en moyenne des
notations Aa ont été dégradées en catégorie A au cours de l'année n. Fait
remarquable : les ratillgs speculative grade sont généralement plus
instables que les ratil1gs il1vestmel1t grade.
Tableau 6. Matrice de transition à un an des notes souveraines
de Moody's
(pourcentages moyens pour 1983-2008)

Note Note finale


initiale
Aaa Aa A Baa Ba B Caa-C 0 Note
Retirée

Aaa 97,19 2,65 D,OS 0,03 D,DO D,DO D,DO D,DO 0,08
Aa 5,61 92,48 0,93 D,DO D,DO D,DO D,DO D,DO 0,97
A D,DO 4,60 92,57 2,07 0,33 D,DO D,DO D,DO 0,44
Baa D,DO D,DO 9,36 85,71 2,57 0,87 D,DO D,DO 1,49
Ba D,DO D,DO D,DO 7,35 85,68 5,34 0,27 0,89 0,46
B D,DO D,DO D,DO D,DO 5,46 86,60 3,69 2,78 1,47
Caa-C D,DO D,DO D,DO D,DO D,DO 29,11 48,36 22,54 D,DO

Source : Moody's [2009c].

Les notations souveraines se caractérisent également par leur fiabilité:


les États ayant fait défaut peu de temps après avoir été notés en
investment grade sont très rares. Mentionnons le cas de l'UlUguay qui
était encore noté dans la catégorie Baa/BBB par les trois agences moins
de deux ans avant de tomber en défaut en mai 2003.

Les collectivités locales

Depuis son apparition en 1918, la notation des collectivités locales


(également appelée notation « subsouveraine ») est scindée en deux:
figurent d'une part les États, comtés et municipalités situés aux
États-Unis; d' autre part, toutes les autres entités régionales et locales
dans le restant du monde.

les écarts de notes d'une agence à l'autre: quelles conclusions en


tirer?

Un même émetteur de dette peut parfois avoir des notes sensiblement différentes
d'une agence à l'autre. Quoique rares, les écarts de notes de trois crans ou plus peuvent
révéler des divergences de vues majeures.

Par exemple, au 1 er janvier 2008, l' Islande était notée Aaa par Moody's, mais A+ par
S&P et Fitch, soit un différentiel de quatre crans (note en monnaie étrangère). À cette
époque-là, contrairement à ses deux autres concurrents, Moody's considérait que la faiblesse
du système bancaire islandais n'était pas susceptible de menacer la qualité de signature
de l'État islandais. Au cours de l'année 2008, Moody's allait revoir son jugement et dégrader
la note souveraine de l'Islande de sept crans. Dans le même temps, Fitch et S&P abaissaient
la note islandaise de cinq crans.

Les notes actuelles des États baltes constituent une deuxième illustration. À partir de la
fin de l'année 2007, le ralentissement économique a précipité l'Estonie, la Lituanie et la
Lettonie dans une crise profonde : taux de croissance du PIB pour 2009 compris entre - 10
% et - 18 %, forte montée du chômage, nombreuses défaillances d'entreprises,
explosion du ratio dette publique/PIB. Les trois agences ont considéré que le risque de
défaut était accru, abaissant le rating de la Lettonie de 4-5 crans, et celui de la Lituanie de
2-3 crans. Le cas de l' Estonie est particulier. Au 1er janvier 2007, avant le début de la
crise financière, cet État était noté Al par Moody's et A par S&P et Fitch. Entre janvier
2007 et octobre 2009, l' Estonie a été dégradée d'un cran et deux crans respectivement
par ces deux dernières agences . En revanche, Moody's a maintenu la note à Al au cours
de la même période, de sorte que, au 1er novembre 2009, il Y avait un écart de tro is
crans entre la note souveraine estonienne de Moody's (Al) et celle de Fitch (BBB+).
Moody's a justifié ce statu quo en invoquant, d' une part, la capacité du gouvernement
estonien à réduire les dépenses publiques et à accroître la pression fiscale et, d'autre
part, le soutien financier de l'Union européenne qui avoisinera les 5 % du PIB estonien .

Ces exemples mont rent que les notations souveraines de Moody's sont généralement
plus stables que celles de Fitch et S&P [Gaillard, 2009a] . Comment expliquer cette
spécificité? Tout d'abord, les analystes de Moody's semblent pondérer plus fortement les
variables politiques et institutionnelles dans leurs notations. Ensuite , les upgrades et
downgrades de deux, voire trois crans sont plus fréquents chez Moody's, l'ampleur des
changements de notes compensant leur moindre fréquence. Enfin, les ratings de Moody's
sont plus décorrélés du cycle économique que ceux des autres agences ; en revanche,
lorsque les crises s'aggravent, les ajustements de Moody's sont plus brutaux (double
downgrade de 3 crans de l'Islande en octobre et décembre 2008; double downgrade de
2 crans de la Lettonie en janvier et avril 2009) .

Les collectivités locales américaines

Ce traitement spécifique par les agences de notation est dû en grande


partie à la longue tradition des collectivités locales américaines
d'emprunter sur le marché des capitaux. Dès le début des années 1840,
une crise de la dette publique locale contraignait plusieurs États fédérés à
renoncer à leurs obligations financières. D'autres vagues de défauts
surviendront au cours des décennies suivantes, celle des années 1930
étant la plus sérieuse. Au pire moment de la dépression, 3 252 entités
locales étaient en défaut, 78 % d'entre elles ayant pourtant été notées Aa
ou Aaa en 1929 [Hempet 1964].
Ces mésaventures ne dissuadèrent nullement les collectivités locales
américaines de continuer d'empmnter sur les marchés. Actuellement, les
États-Unis comptent plus de 22 000 entités locales notées par Moody's .
Depuis toujours, les collectivités locales américaines présentent la
particularité d'être généralement très bien notées. À la fin 2007, plus de
98 % d'entre elles étaient notées dans la catégorie investissement par
S&P [2008dl soit une proportion bien plus importante que pour les
souverains (seulement 57 %). La solidité financière des collectivités
locales amencaines est d'ailleurs averee puisque, sur la période
1986-2007, aucun émetteur noté AAA ou AA par S&P n 'a fait défaut. En
outre, seuls 0,16 % et 0,29 % des émetteurs notés respectivement A et
BBB n 'avaient pas honoré leur dette vingt ans après l'obtention de leur
mting [S&P, 2008d] . Ces taux de défaut très bas ont d'ailleurs incité
Moody's à rehausser ses notations de collectivités locales amencaines
[Moody's, 2008b]. Fitch s'est engagée sur la même voie avant de se
raviser suite à la crise bancaire de l'automne 2008 [Fitch, 2008b et
2008d].
En effet, les entités locales outre-Atlantique n'ont pas été épargnées
par l'aggravation de la récession. Bien que ce soit la dégradation des
finances publiques de la Californie qui ait le plus attiré l'attention des
médias, c'est dans les États d'Alabama et de New York que la situation
financière des comtés et municipalités s'est le plus dégradée au cours de
l'année 2008 : 27 % des abaissements de notes décidés par Moody's sont
intervenus dans ces deux États [Moody's, 2009a]. Au premier trimestre
2009, le nombre de downgrades de Moody's a même dépassé le nombre
d'upgrades pour la première fois depuis 2003.
Les collectivités locales non américaines

Le panorama de la notation « subsouveraine » hors des États-Unis


présente des caractéristiques sensiblement différentes. Plusieurs raisons
expliquent ce contraste. Tout d'abord, peu de pays sont dotés, comme
les États-Unis, d'institutions fédérales qui permettent aux collectivités
d'emprunter sur les marchés. Ensuite, parmi celles qui sont
constitutionnellement ou légalement autorisées à emplUnter,
nombreuses sont celles qui optent pour des prêts bancaires. Ces facteurs
expliquent que les émissions obligataires des collectivités locales aient
été si peu répandues dans le monde au cours des décennies passées.
Les municipalités et colonies britanniques et françaises se sont toutefois
régulièrement financées sur les marchés de capitaux de Londres et de Paris
au XIX· siècle et durant l'entre-deux-guerres. Le marché de New York a
également vu affluer au cours des années 1920 un nombre
impressionnant de titres obligataires émis par des collectivités locales
européennes et latino-américaines. Au totat durant cette décennie, ce sont
plus de cent municipalités, provinces, départements et groupements de
communes provenant de vingt-deux pays (Allemagne, Argentine,
Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Chili, Colombie, Danemark,
Finlande, France, Hongrie, Italie, Japon, Norvège, Panama, Pays-Bas, Pérou,
Pologne, Suisse, Tchécoslovaquie, UlUguay) qui sollicitent les investisseurs
américains. À l'instar de ce qui a été indiqué précédemment pour les
obligations souveraines, les titres notés dans les deux premières catégories
de ratings connaissent des taux de défaut nuls ou quasi nuls. Ces ratings
AAA/ Aaa et AA/ Aa regroupaient alors les titres des collectivités locales des
pays d'Europe occidentale essentiellement. En revanche, les taux de défaut
des catégories inférieures sont très élevés, du fait de la cessation de
paiement de la quasitotalité des municipalités et provinces allemandes
(qui comptaient pour 24 % du montant total des émissions de la décennie
1920) et latino-américaines.
La grande dépression des années 1930, la Seconde Guerre mondiale
et enfin la moindre mobilité des capitaux à partir des années 1950, qui
favorise l'intermédiation bancaire, vont assécher les marchés obligataires
des collectivités locales et réduire comme peau de chaglin le nombre
d'entités locales notées par les agences. À la fin des années 1980, Moody's
et S&P notaient chacune moins de cinquante collectivités locales en
dehors des États-Unis.
Plusieurs éléments vont contribuer au renouveau de la notation des
collectivités locales en dehors des États-Unis à partir des années 1990.
Un premier facteur explicatif tient à l'accroissement du nombre d'États
notés. En effet, l'existence d'une notation souveraine est généralement une
condition préalable à l'attribution de toute note à une entité «
subsouveraine » .
Le lancement de processus de décentralisation dans de nombreux
pays, tant industrialisés qu'émergents, qui se traduit par une plus grande
autonomie fiscale des collectivités locales et une capacité accme en
matière d'empmnt, est également cmcial (voir Ter-Minassian [1997] pour
une analyse des effets de la décentralisation sur les politiques
macroéconomiques).
Une troisième raison est l'extension des politiques d'emplunt fondées
sur les mécanismes de marché qui a incité les collectivités locales, dans le
sillage des États, à solliciter les agences afin d'obtenir un rating.
L' obtention d'une notation a également été rendue obligatoire par
certaines réglementations financières . Tel est par exemple le cas au
Mexique, où Moody's a été amené à attribuer un rating en monnaie locale
à soixante-sept collectivités locales [Moody's, 2008e].
À la fin 2008, Fitch, Moody's et S&P notaient respectivement 193, 305
et 319 collectivités locales, la grande majorité étant classée dans la
catégorie investment grade. En moyenne, 43 % de ces entités étaient en
Europe occidentale, 25 % en Amérique (hors États-Unis), 21 % en Europe
centrale, 7 % en Asie-Pacifique et 4 % en Afrique et Moyen-Orient.
Les méthodes de notation des collectivités locales non américaines sont
paltiellement calquées sur celles de la notation souveraine. Plusieurs ratios
mesurant leur développement économique et leur niveau d'endettement
sont d'ailleurs les mêmes que ceux utilisés pour mesurer le risque
souverain.
Les principaux déterminants des notes des collectivités locales sont le
PIE par habitant, le ratio de dette sur les recettes opérationnelles, le ratio
des intérêts de la dette sur les recettes opérationnelles, ainsi que
l'historique des défauts de l'État central [Gaillard, 2009b]. Les analystes
des agences sont également sensibles à l'autonomie financière des entités
locales vis-à-vis de l'État central ou fédéral et à la qualité du management
de la dette (qui implique lissage dans le temps des remboursements, usage
à bon escient de swaps de dette, etc.).
De manière générale, la solvabilité d'une collectivité locale repose
largement sur la santé financière de l'État. Plusieurs municipalités ou
provinces ont ainsi vu leur note abaissée ou rehaussée en même temps
que la note souveraine . S&P a par exemple dégradé trois fois
simultanément les notes de la Russie et de huit régions et municipalités
russes en août et septembre 1998 ou encore abaissé les ratings de l'Italie
et de quinze collectivités locales italiennes au cours de la même journée
du 19 octobre 2006.
Cette dépendance des notes des collectivités locales à l'égard de la
notation souveraine explique en bonne partie leur forte stabilité,
caractéristique fondamentale des ratings souverains, comme cela a déjà
été souligné. En moyenne, 2,05 % des émetteurs « subsouverains » notés
AAA par Fitch ont vu leur rating diminuer sur une période d'un an
entre 1995 et 2008. En deçà de la catégorie A, l'instabilité des notations
est plus marquée et s'accroît au fur et à mesure que la qualité de crédit
diminue (voir tableau 7).

Tableau 7. Matrice de transition à un an des notes


des collectivités locales non américaines de Fitch
(pourcentages moyens pour 1995-2008)

Note Note finale


initiale
AM AA A BBB BB B ccc-c D

MA 97,95 2,05 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00


M 1,63 97,01 1,36 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
A 0,00 1,63 97,56 0,81 0,00 0,00 0,00 0,00
BBB 0,00 0,00 10,91 83,64 5,45 0,00 0,00 0,00
BB 0,00 0,00 0,00 4,55 83,33 3,03 9,09 0,00
B 0,00 0,00 0,00 0,00 21,28 65,96 8,51 4,26
ccc-c 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 11,11 69,44 19,44

Lecture les pourcentages en gras sur la diagonale représentent les notes qui sont restées
inchangées au cours d'une année civile durant la période 1995-2008. Les pourcentages à
gauche de la diagonale traduisent les augmentations de notes, tandis que les pourcentages
à droite de la diagonale traduisent les dégradations de notes survenues au cours d'une année
civile durant la période 1995-2008. Par exemple, entre 1995 et 2008, 97,01 % en moyenne
des collectivités locales notées dans la catégorie M par Fitch au 1'" Janvier de l'année n ont
vu leur rating rester inchangé au cours de cette année n. En revanche, 1,63 % en moyenne
des notations M ont été upgradées en catégorie AM au cours de l'année n, et 1,36 % en
moyenne des notations M ont été dégradées en catégorie A au cours de l'année n.
Source : Fitch [200ge].

Les rares collectivités locales qui sont tombées en défaut sur leur
dette obligataire depuis les années 1990 étaient notées en speculative
grade. Elles ont cessé de respecter leurs engagements financiers dans la
foulée de l'État central ou fédéral (cas de plusieurs régions russes en
septembre et octobre 1998 et de provinces et municipalités argentines
entre décembre 2001 et avril 2002) [Moody's, 2008a].
IV / la notation des entités privées

les trois principaux types d 'émetteurs et d'émissions privés notés par


les agences de notation sont les entreprises, les établissements de crédit
et les produits stlUcturés.

Les entreprises

L'histoire de la notation c01porate peut être divisée en trois grandes


périodes, caractérisées par trois niveaux distincts de risque de crédit.

1909-1940 : trente années de notation corporate américaine ponctuées


par une crise majeure

La notation des entreprises constitue depuis les origines le cœur de


l'activité des agences. Les premiers ratings ont été attribués aux titres
du secteur des transports (voir encadré) . Par la suite, Moody's puis ses
trois concurrents, Fitch, Poor's et Standard Statistics, vont étendre leurs
notations aux obligations des secteurs industriel et public utilities.
Le nombre total de titres obligataires corporate américains notés a
fluctué entre 6 000 et 7 000 au cours des années 1910 et 1920. Ils
représentaient 7,9 milliards de dollars en 1910 avant de grimper à 26,5
milliards de dollars en 1929 [Hickman, 1960].
La dépression des années 1930 va accroître de façon inédite le nombre
de défaillances d'entreprises. La proportion de titres public utilities en
défaut fait plus que doubler entre 1930 et 1933, passant de 3 % à plus de
7 %. L'explosion des défauts dans le secteur industriel est encore plus
brutale : le pourcentage de défaillances, stable autour de 2 % en
1929-1930, grimpe à près de 24 % en 1935, avant de retomber à 6-7 % à
la fin des années 1930. Mais c' est le secteur des transports (en
particulier les chemins de fer) qui souffre le plus de la dépression avec
un taux de défaut supérieur à 20 % de 1936 jusqu'au début des années
1940 (lire Wigmore [1985, p. 394-395] pour mesurer l'ampleur de la
crise).

1909 : les premières notations de l'histoire

Les premiers ratings de l'histoire sont publiés en 1909 dans le manuel de John Moody,
Moody's Analyses of Railroad Investments. À cette époque-là, près de 60 % de la dette
obligataire corporate échangée sur les marchés américains provient des entreprises de
chemins de fer [Hickman, 1953, p. 46], il est donc assez peu surprenant que John Moody
consacre ses premières notations aux firmes de ce secteur.

Le manuel de 1909 est scindé en deux.


Dans une première section sont données les définitions et significations des ratings
attribués, ainsi que trois séries de variables clés permettant de juger la qualité des titres
obligataires offerts sur le marché : les données commerciales (nombre de passagers et
volume du fret en valeur absolue et par mile exploité) ; les variables financières (chiffres
d'affaires, résultats d'exploitation, dépenses d'entretien des voies); la structure du bilan et
le niveau d'endettement (qualité des actifs, capitalisation boursière, montant de la dette,
caractéristiques de la dette obligataire).

Dans une seconde section, Moody fournit les données statistiques sur cent cinq
sociétés de chemin de fer américaines, avec une note attribuée à chaque titre obligataire
émis [Moody, 1909].

Les quatre grandes agences ont eu des difficultés à anticiper cette


dépression. À la veille du krach de 1929, la grande majorité des titres
c01porate étaient en moyenne notés dans l'une des quatre premières
catégories de rating (c' est-à-dire celles qui allaient appartenir à la
catégorie investissement à partir de 1931).
Plus de deux mois après le krach d'octobre 1929, Standard Statistics
considérait la sortie de récession toute proche (<< The business prospect:
the outlook for leading Hnes in the first half of 1930 », 3 janvier 1930).
La prise de conscience tardive de la gravité de la crise explique que 23 %
et 36 % des titres tombés en défaut entre 1930 et 1939 aient été notés
dans la catégorie investissement respectivement un an et deux ans
avant la cessation de paiement. Les agences ont donc dû procéder à des
abaissements de notes massifs à partir de 1932. Au milieu des années
1930, la majorité des titres du secteur corporate étaient notés en catégorie
spéculative [Hickman, 1960].

Tableau 8. Pourcentage de titres corporate notés


en investment grade et speculative grade par secteur, en 1928
et en 1940

1928 1940

Secteur ln vestment Speculative Investment Speculative


grade grade grade grade
Transports 85,9 14,1 36,2 63,8
Public utilities 76 24 45,8 54,2
Industrie 55,7 44,3 29,7 70,3

Source : calculs de l'auteur d'après Hickman [1960].

Suite au krach de 1929 et à la récession économique, les émissions


obligataires corporate s'effondrent au cours des années 1930. Cette
contraction s'accompagne d'une réduction de la proportion d'émissions
notées en investment grade, qui deviennent même minoritaires en
1933-1935 (voir graphique 7). Seules les émissions du secteur public
utilities, profitant du New Deal de Roosevelt, connaissent un rebond
spectaculaire à partir de 1935. Au cours de la seconde moitié de la
décennie 1930, elles représentent plus de 50 % du montant total des
obligations colporate émises sur le NYSE.
1941-1969 : trois décennies marquées par des taux de défaut
corporate particulièrement bas

L'assèchement du marché obligataire corporate va encore se


poursuivre après l'entrée en guerre des États-Unis: entre 1941 et 1943, le
montant total des émissions chute de 60 %. Dans le même temps,
l'encours de dette obligataire non noté par les agences s'accroît de 72 %.
En 1944, le montant total des titres notés tombe à son niveau de 1924
[Hickman, 1960].
Mais le phénomène majeur des années 1940 est la chute du taux de
défaut, qui passe à 0,4 % en moyenne, contre 3,2 % pour la décennie
1930. Cette tendance s'accentue encore les années suivantes puisque
seuls 0,04 % et 0,03 % des titres cOIporate américains font défaut au
cours des périodes 1950-1959 et 1960-1965 [Atkinson, 1967). Les rares
banqueroutes concernent le secteur de l'électricité et les entreprises de
chemins de fer qui poursuivent leur lent déclin.

Graphique 7. Nombre d'émissions corporate annuelles sur le NYSE


pour la période 1920-1940
000
900
..., BOO
1:
0 700 r---- 1
';:.i
...:1
'Ë 600 1--
' QI

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r-- ~ • •I
100 J
1 M ~ ni

o Catégorie investissement • Catégorie spécu lat ive

Source : Hickman [1960].

Dans un tel contexte, les performances des agences sont peu


significatives. Signalons toutefois que, entre 1940 et 1969, aucune
entreprise notée en investment grade par Moody's ne fait défaut.

Depuis 1970 : le retour du risque de crédit et l'explosion du nombre


d'émetteurs notés

À partir de 1970, plusieurs facteurs vont contribuer à l'accroissement


à la fois du nombre d'émetteurs corporate notés par les agences et des
taux de défaut.
Tout d'abord, la succession de récessions severes (1969-1970 puis
1973-1975) et des taux de croissance du PIE bien inférieurs à ce qu'ils
étaient dans les années 1960 augmentent les taux de défaut au cours des
années 1970. En 1970, 1973 et 1977, plusieurs entreprises tombent même
en cessation de paiement alors qu'elles étaient notées en investment
grade par Moody's le 1er janvier de l'année de leur défaut [Moody's,
1995]. Ce retour du risque de crédit sur les marchés oblige de plus en
plus d'entreprises américaines à solliciter les agences en vue d' obtenir
un raong.
Ensuite, les effets conjugués de la hausse des taux d'inflation et des
performances décevantes du marché des actions incitent de plus en plus
d'investisseurs à chercher des produits financiers plus attractifs. La
banque Drexel Burnham Lambert saisit cette opportunité en 1977 pour
se spécialiser dans l' origination d'obligations offrant des rendements
élevés et présentant l'avantage d'être plus liquides . Ces titres de dette
ont la particularité d'être notés en speculative grade dès leur émission, ce
qui était très rare dans les années d'après guerre. Afin de convaincre les
investisseurs d'acquérir ces « obligations à haut rendement » (appelées
aussi « obligations pourries »), Michael Milken, figure emblématique de
la banque, s'appuie sur les travaux de Braddock Hickman (Cités
précédemment) pour démontrer que, historiquement, les rendements
élevés des titres spéculatifs couvrent en moyenne largement le risque
supérieur encouru (résultats ultérieurement confirmés par Altman
[1989]) . Le succès de ces « obligations à haut rendement » est immédiat
: le montant de leurs émissions passe de 1,1 milliard de dollars en 1977
à 24,2 milliards de dollars en 1989 [Blume, Keim et PateC 1991]. Cette
nouvelle ère profite bien sûr aux agences de notation: Moody's voit par
exemple le nombre de ses émetteurs c01porate notés dans la catégorie
spéculative augmenter de plus de 230 % durant la décennie 1980, alors
que leur nombre avait stagné depuis les années 1950.
Enfin, la libéralisation progressive des mouvements de capitaux au fil
des années 1980 contribue également à augmenter le nombre de notes
attribuées à des entreprises non américaines. Par exemple, seules 32
sociétés européennes étaient notées par Moody's en 1985; elles sont 183
en 1990, 890 en 2000 et 1 155 en 2005 . La proportion des émetteurs
européens speculative grade s'élève dans le même temps (2 % en 1990 et
17 % en 2005).
Plusieurs facteurs expliquent le boom de la notation c01porate durant
la décennie 1990. La récession américaine de 1990-1991, qui se traduit
par les plus forts taux de défaut de la catégorie spéculative depuis les
années 1930, épargne les émetteurs notés en investment grade (à
l'exception de Columbia Gas System, noté Baal par Moody's au moment
de son défaut en juin 1991). Cette relative fiabilité des notations
renforce la crédibilité des agences auprès des investisseurs. Les acteurs de
marché se fient d'autant plus aux rati11gs que ceux-ci sont désormais
intégrés dans de nombreuses réglementations financières aux
États-Unis et en Europe : elles contraignent en effet les entreprises à
obtenir une notation, ce qui assure une rente aux agences (cet aspect
sera abordé dans le dernier chapitre). La forte croissance en Asie du
Sud-Est jusqu'en 1997 conduit également les entreprises locales, encore
peu connues, à solliciter un ratillg. Il en va de même des jeunes
entreprises du secteur high-tech aux États-Unis, qui bénéficient de
l'essor d'Internet et de l'ouverture à la concurrence du marché des
services de télécommunications.
C'est d'ailleurs l'éclatement de la bulle technologique en mars 2000
qui va précipiter les États-Unis dans la récession en 2001 et accroître de
façon spectaculaire les taux de défaut. Fin 2001, c'est d'abord Enron qui
tombe en cessation de paiement sur 10,8 milliards de dette. L'année
suivante, ce sont Global Crossing et WorldCom qui font faillite. Ce
deuxième défaut porte sur 30 milliards de dollars [S&P, 2009c].
Les agences sont très rapidement mises sur la sellette. En effet, Enron
était noté BBB- par S&P et Baa3 par Moody's quatre jours avant de se
placer sous la protection de la loi américaine sur les faillites . Global
Crossing et WorldCom étaient aussi notés dans la catégorie
investissement quatre mois avant leur défaillance [David L. Babson &
Company Inc., 2003]. En décembre 2003, c'est Parmalat qui tombe en
défaut alors que l'entreprise était notée BBB- par S&P quelques jours
auparavant. Cette incapacité des agences à appréhender le risque de
crédit de certains grands émetteurs incitera la SEC (Securities and
Exchange Commission) et le Congrès amencain à modifier les
réglementations et législations encadrant l'industrie de la notation (voir
cha pitre v).
La crise des sllbprimes augmentera d'abord le taux de mortalité dans
les secteurs bancaire et produits structurés. Le taux de défaut de
l'ensemble du secteur C01porate pour 2007 et 2008 est en effet inférieur
aux niveaux atteints en 1999-2002. Citons toutefois la banqueroute
de la société américaine Tribune Company pour un montant de 12,7
milliards de dollars . C'est en fait au cours du premier semestre 2009 que
le nombre de faillites d'entreprises explose. Le secteur de l'automobile
est particulièrement touché : entre avril et juin, les trois grands
constructeurs américains, Ford, Chrysler puis General Motors, se placent
sous la protection du chapitre Il de la loi américaine sur les faillites et
renoncent donc à leurs obligations financières . Leurs défauts portent
respectivement sur 71, 22,5 et 53 milliards de dollars. De nombreux
équipementiers automobiles et de grandes entreprises des secteurs de
l'hôtellerie, des médias et des loisirs font également faillite.

La descente aux enfers de General Motors

La firme General Motors (GM) est née en 1908. Grâce à une stratégie consistant à élargir
l'éventail de marques proposées aux consommateurs (Chevrolet, Vauxhall, Opel ... ),
GM devient premier producteur mondial d'automobiles en 1931. L'entreprise
n'abandonnera son leadership qu' en 2007 au profit de Toyota.

Après quelques déboires financiers liés à la dépression des années 1930 puis à l'effort
de guerre, GM conforte sa position de numéro un mondial à partir des années 1950 tout
en affichant une solidité financière indiscutable (notation AAA par S&P jusqu'en 1981).
Durant les années 1980, les changements de comportement des consommateurs suite
aux deux chocs pétroliers, la concurrence japonaise, la hausse du dollar et une relative diffi-
culté à maîtriser les coûts de production font perdre à CM des parts de marché
substantielles aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Europe et en Asie. Dans le même
temps, sa notation est régulièrement abaissée et tombe dans la catégorie BBB/Baa au
début des années 1990. La faiblesse du dollar et le dynamisme des marchés américain et
asiatique permettent un temps de restaurer la rentabilité ainsi que la solvabilité du
groupe (plusieurs upgrades entre 1995 et 2000 par les trois agences).

À partir de 2001, le fardeau des pensions de retraite et l'incapacité de CM à


moderniser sa gamme et à restaurer sa compétitivité entraînent toute une série de
downgrades. En 2005, Fitch, Moody's et S&P dégradent la note de la firme en speculative
grade. Au début 2006, le rating moyen de CM se situe à B/B2. Suite à la crise du crédit de
septembre 2008, Fitch et S&P abaissent la note de CM à la catégorie CCC, considérant le
défaut de paiement comme imminent. En novembre 2008, le géant de l'automobile
affirme être à court de trésorerie et met au chômage technique un tiers de ses effectifs.
L'administration américaine et le gouvernement canadien annoncent alors un plan de
soutien financier de près de 17 milliards de dollars à destination de CM et Chrysler.
Peine perdue. CM présente de nouveaux plans de restructuration en février 2009,
dévoile une perte nette de 31 milliards de dollars pour 2008 et demande 16,6 milliards
d'aide supplémentaire. En mars, le P-DC Rick Wagoner démissionne tandis que le
président Obama donne deux mois à la firme pour présenter un projet de
redressement viable à moyen-long terme . CM obtempère et annonce l'abandon de
sa marque Pontiac, la vente d'Opel et la réduction de 40 % de ses points de vente d'ici
2010.

Le 1er juin 2009, CM se place sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur
les faillites et se trouve de facto dégradé en catégorie D par les trois agences.
L'administration américaine octroie alors une aide exceptionnelle de 30 milliards mais monte
dans le capital de CM à hauteur de 60 %. La nationalisation et la restructuration totale de
la dette de CM conduisent les trois agences à retirer leurs notations en juin-juillet 2009.

Les nombreuses vagues de défaillances d'entreprises survenues


depuis vingt ans (1990-1991 et 2001-2002 en particulier) expliquent
logiquement que les notations C01porate aient été beaucoup plus
instables que les notations souveraines, comme l'illustre le tableau 9.
Tableau 9. Matrice de transition à un an des notes
du secteur corporate de S&:P
(pourcentages moyens pour 1981-2008)

Note Note finale


initiale
AAA AA A BBB BB B CCC -C SD-D Note
retirée

MA 88,39 7,63 0,53 0,06 0,08 0,03 0,06 0,00 3,23


M 0,58 87,02 7,79 0,54 0,06 0,09 0,03 0,03 3,86
A 0,04 2,04 87,19 5,35 0,40 0,16 0,03 0,08 4,72
BBB 0,01 0,15 3,87 84,28 4,00 0,69 0,16 0,24 6,60
BB 0,02 0,05 0,19 5,30 75,74 7,22 0,80 0,99 9,68
B 0,00 0,05 0,15 0,26 5,68 73,02 4,34 4,51 12,00
ccc-c 0,00 0,00 0,23 0,34 0,97 11,84 46,96 25,67 14,00

Note les pourcentages en gras sur la diagonale représentent les notes qui sont restées
inchangées au cours d'une année civile durant la période 1981 -2008. Les pourcen-
tages à gauche de la diagonale traduisent les augmentations de notes, tandis que les
pourcentages à droite de la diagonale traduisent les dégradations de notes survenues au
cours d'une année civile durant la période 1981-2008. Par exemple, entre 1981 et 2008,
87,02 % en moyenne des entreprises notées dans la catégorie M par S&P au 1,r janvier
de l'année n ont vu leur rating rester inchangé au cours de cette année n. En revanche,
0,58 % en moyenne des notations AA ont été upgradées en catégorie MA au cours de
l'année n, 7,79 % en moyenne des notations AA ont été dégradées en catégorie A au
cours de l'année n; 0,54 % en moyenne des notations M ont été dégradées en caté-
gorie BBB au cours de l'année n, etc.
Source : S&P [2009c].

Finalement, la notation C01porate aura connu deux évolutions


majeures au cours des trois dernières décennies. D'une part,
l'internationalisation de l'activité des agences, avec l'accroissement
du nombre d'émetteurs européens et asiatiques, constitue un tournant
majeur de l'histoire de la notation. L'image caricaturale d'une industrie
dominée par des agences amencaines qui notent des sociétés
américaines pour des investisseurs américains correspond de moins en
moins à la réalité. D'autre part, le développement d'un marché de la
dette obligataire spéculative a renouvelé et légitimé le métier de la
notation (voir graphique 8).
Graphique 8. Nombre d'émetteurs notés par Moody's par catégorie
de note
\f,I 6000
:...
"8
Q
:E :s 000
la
la

...Q. 4000
!0
1:
..."" 3000
!ti
E 2000
' III

"...
III
..Ci
E
1 000
Q
Z
0

o Caa-C B • Ba

~ Ba • Aa

Source: d'après Moody's [2009b].

Les déterminants des notations du secteur corporate

Les méthodes de notation C01porate ont certes évolué depuis un siècle


mais elles ont toujours reposé sur une analyse quantitative et qualitative
du risque de crédit des entreprises [Moody's, 2002; Fitch, 2006a; S&P,
2008a et 2008c].
L'analyse qualitative peut se décomposer de la façon suivante.
Les agences prennent d'abord en compte l'impact que le risque
souverain est susceptible d'avoir sur la solvabilité d'une entreprise
[Borensztein, Cowan et Valenzuela, 2007]. Cet impact est en partie
reflété dans le différentiel entre la note souveraine et le plafond pays.
Deux notes égales pour une même agence traduisent une plus grande
dépendance des ratil1gs du secteur cOlporate vis-à-vis du risque
souverain (cas de la Chine, du Koweit, du Qatar et des Émirats arabes
unis pour Moody's et de la Chine, de l'Inde et du Vénézuela pour Fitch,
à l'exclusion évidemment des souverains notés AAA).
L'analyse du risque sectoriel est également cruciale dans
l'appréciation du risque COlpO ra te. Elle consiste à étudier les carac-
téristiques du secteur d'activité de l'entreprise: croissance, cyclicité, degré
de concentration, intensité capitalistique, risque d'instabilité législative
et réglementaire. Par exemple, les difficultés croissantes du transport
aérien en 2008-2009 ont conduit Fitch à dégrader en série les notes de
quatre compagnies américaines (American Airlines, United Airlines, Delta
Airlines et Southwest Airlines) et de deux compagnies brésiliennes (GOL
et TAM) entre mars et juillet 2009 (se reporter à Fitch [2009c] pour une
vue d'ensemble du secteur aérien américain).
Les analystes prennent bien sûr en compte le positionnement de
l'entreprise sur son marché: sa part de marché, sa spécialisation ou sa
diversification géographique et par type de produits. Un groupe comme
Pernod Ricard, noté au sommet de la catégorie spéculative par Moody's
et S&P, est pénalisé par son fort endettement. Cependant, sa
diversification géographique et la notoriété de plusieurs de ses marques
lui permettent d'avoir un rating supérieur à plusieurs de ses concurrents,
pourtant bien moins endettés.
La stratégie du management est un autre facteur pris en consi-
dération . Les agences cherchent à déterminer dans quelle mesure le
long terme est privilégié, quel est le mode de croissance de la société et
quelles sont ses pratiques en matière de gouvernance d 'entreprise: type
de communication, degré de transparence, présence de membres
indépendants dans le conseil d'administration [Moody's, 2003b; Fitch,
2007].
L'étude de la politique comptable (principes de consolidation,
méthodes de dépréciation d'actifs et de calcul des provisions, traitement
des opérations hors bilan) est un autre facteur de la grille
méthodologique des agences.

Lexique des principaux concepts financiers utilisés par les agences

Besoin en fonds de roulement (BFR) d'exploitation : il représente le solde des emplois et des
ressources d'exploitation (c'est-à-dire les stocks + les créances clients - les dettes
fournisseurs).

Bilan : situation patrimoniale d'une entreprise à un instant donné. L'actif du bilan


comprend ce que possède l'entreprise. Le passif du bilan détaille les éléments qui
permettent de financer l'actif.

Cash flow ou capacité d 'autofinancement : c' est la mesure comptable des liquidités générées
par l'activité d' une entreprise qui indique sa capacité à s'autofinancer (financer sa
croissance, rembourser ses dettes et rémunérer ses actionnaires par ses propres capitaux).

Charges d'intérêt nettes : il s'agit des charges d'intérêt minorées des produits d'intérêt.

Compte de résultat: il s'agit de l'ensemble des opérations réalisées sur un exercice. Les
opérations ayant une incidence positive se traduisent par des produits et les opérations
négatives se traduisent par des charges. La différence entre les produits et les charges
constitue le résultat de l'exercice.

EB/TDA (Earnings before interests, taxes, depreciations and amortizations) c'est le résultat
avant charges financières, impôts, provisions et amortissements. L'EBITDA est le bénéfice
résultant des seules activités d'exploitation.

Endettement brut: ensemble des dettes à court, moyen et long terme au passif du bilan.

Endettement net : différence entre l'endettement brut, d'une part, et les liquidités
disponibles et placements financiers d'autre part.

EBE (excédent brut d'exploitation) : il s'agit de la différence entre les produits d'exploitation
et les charges d'exploitation. Il correspond donc au résultat du processus d'exploitation. Il
diffère de l'EBITDA car il ne comprend pas les charges et produits d'exploitation.

Fonds propres : ils représentent l'ensemble des ressources propres de l'entreprise,


c'est-à-dire la différence entre le total des actifs et les dettes. Ils comprennent notamment
le capital social, les réserves et les reports.

Opérations hors bilan : ce sont les opérations que l'entreprise n'est pas obligée d'inscrire à
son bilan. Les principaux engagements hors bilan sont les opérations de crédit-bail, les
instruments de gestion des risques de taux et de change et les garanties d'actif et de
passif lors d'une cession d'entreprise.

Rentabilité des fonds propres: il s'agit du ratio résultat net sur fonds propres.

Résultat d'exploitation (ou résultat opérationnel, ou EBIT, Earnings before interests and taxes) :
c'est le résultat après les provisions et amortissements et avant les charges financières et
impôts. Résultat net: c'est le résultat après charges financières, impôts, provisions et
amortissements.

L'analyse quantitative repose essentiellement sur trois piliers : - la


mesure de la croissance et de la rentabilité de l'entreprise. Celle-ci passe
essentiellement par l'analyse des comptes de résultat : il s'agit de faire
apparaître les soldes intermédiaires de gestion et de calculer un certain
nombre d'indicateurs et ratios financiers : la croissance du chiffre
d'affaires, l'EBITDA, le résultat d'exploitation sur le chiffre d'affaires, le
résultat net sur chiffre d'affaires, la rentabilité des fonds propres. Il est
pertinent de noter que la rentabilité des fonds propres est un ratio très
fortement corrélé aux ratÏllgs, comme l'atteste le graphique 9 ;
- la capacité de l'entreprise à dégager des flux d'exploitation et
d'investissement. Les mesures du cash flow d'exploitation les plus
courantes sont l'EBE ; l'EBE sur le chiffre d'affaires ; la capacité
d'autofinancement le cash flow genere par les opérations
d'exploitation . L'analyse des flux d'investissement repose par exemple
sur le ratio cash flow généré par les opérations d'exploitation sur
investissements industriels;
- la flexibilité financière qui englobe flexibilité à moyen-long terme
et à court terme. La flexibilité à moyen et long terme reflète la
solvabilité de l'entreprise. Celle-ci se mesure par l'endettement blut,
la trésorerie et les charges d'intérêt. Les principaux ratios
d'endettement et de couverture des intérêts demeurent
l'endettement net sur fonds propres ; l' endettement net sur EBE ;
l'endettement net sur la capacité d'autofinancement ; l'endettement
brut sur fonds propres + endettement brut ; et l'EBITDA sur les
charges d 'intérêt nettes. Ces deux derniers ratios sont de très bons
indicateurs du ratil1g (voir graphique 9).
La flexibilité à court terme se mesure dans un premier temps à l'aune
du BFR d'exploitation. C'est en fonction de ce besoin à court terme
qu'il faut déterminer si l'entreprise doit se procurer des ressources
supplémentaires. Dans ce cas, il s'agit de mesurer sa capacité à obtenir
des lignes de crédit non utilisées, à émettre des billets de trésorerie ou à
vendre des actifs liquides dans des délais rapides .
Le risque de crédit corporate requiert donc une analyse quantitative
plus poussée qu'en matière de risque souverain.

Graphique 9. Moyennes de trois ratios financiers majeurs


par catégorie de rating
(notations des entreprises américaines par S&P pour la période 1998-2000)

100
90
80
70
QI
m 60
.....10
c
QI 50
V
.....
:l
0 40
~

30
20
10
0
AM AA A BBB BB B CCC

D Rentabilité des fonds propres

• EBITDA/charges d'intérêt nettes

D Endettement brut/endettement brut + fonds propres

Source: Pol ignac [2002].

Les produits structurés

Les produits structurés sont le fruit d 'une des principales


sophistications financières de la seconde moitié du xx· siècle : la
titrisation.
La titrisation est une technique financière qui consiste à
transformer des prêts bancaires en titres négociables sur les marchés.
La banque qui a octroyé ces prêts les vend (on parle alors de « cédant »)
à une entité ad hoc (special pU1pose vehicle - SPV - en anglais), qui se
finance en émettant des obligations adossées (backed securities en
anglais) au portefeuille d ' actifs acquis. Ces titres négociables sont de
plusieurs types :
- les ABS (asset-backed securities) sont adossés à des actifs tels que les
prêts étudiants, prêts à la consommation, encours de cartes de crédit ,
crédits-bails d 'équipement, crédits-bails d'automobiles, etc. ;
- les RMBS (reside11tial mortgage-backed securities) sont adossés aux
crédits hypothécaires résidentiels;
- les CMBS (commercial mortgage-backed securities) sont adossés
aux crédits hypothécaires commerciaux;
- les COO (collateralised debt obligatio11s) regroupent les CLO
(collateralised 10all obligations), adossés à des prêts d'entreprises, et les
CBO (collateralised bond obligations), adossés à des obligations
d'entreprises;
- les square COO (COO au carré) sont des CDO adossés à des COO .
Ces titres négociables sont ensuite découpés en tranches qui sont
hiérarchisées en fonction de leur risque et de leur rendement: c'est le
processus de structuration [Aglietta, 2008]. À la base figurent les classes
subordonnées qui seront les premières à essuyer les éventuelles pertes;
en contrepartie, elles offrent les rendements les plus élevés aux
investisseurs. Au-dessus se trouvent les classes de type senior, moins
rémunératrices mais plus sûres car elles bénéficient de la « protection »
des classes subordonnées. Ces tranches se11ior sont cependant
susceptibles de voir leurs rendements réduits si le niveau des pertes n'est
pas complètement absorbé par les classes subordonnées. Enfin, les classes
super se11ior offrent les rendements les plus faibles mais sont les plus
solvables. La création de classes subordonnées permet donc d'améliorer
la qualité de crédit des tranches se11ior et super se11ior : c'est le principe
du rehaussement de crédit.
Une fois la stmcturation achevée, les titres (ou produits structurés)
sont émis sur les marchés. Les investisseurs qui les achètent assument
donc le risque de crédit du portefeuille d'actifs.

Comment est noté un produit structuré?

La notation revêt une impOltance fondamentale en matière de


titrisation . Dans de nombreux pays, elle fait partie des conditions
préalables à l'émission de produits structurés. En outre, elle est un
indicateur indispensable aux investisseurs qui connaissent mal les actifs
sous-jacents de ces titres. Enfin, contrairement au processus de notation
en vigueur pour les émetteurs traditionnels, les agences sont sollicitées
dès le stade de la structuration du produit [BRI, 200Sa]. Cette
intervention très en amont est due au fait que la dette est stlucturée en
vue d'atteindre, pour chaque tranche, un certain niveau de risque et un
certain rating. Cette spécificité pose un problème de conflits d'intérêts
qui est examiné dans le chapitre v.
Les trois principaux types de risque pris en considération par les
agences pour noter les produits stlucturés sont le risque de crédit, le
risque de stlUcture et le risque propre au tranchage du titre [Paget-Blanc
et Painvin, 2007].
Diagnostiquer le risque de crédit consiste à établir la qualité des actifs
du portefeuille. Dans le cas d'un portefeuille de crédits hypothécaires
résidentiels (RMBS), les agences examinent la solvabilité des
emplUnteurs. À cette fin, elles utilisent des classements préétablis par les
banques. Aux États-Unis, celles-ci classent généralement les ménages
emprunteurs en quatre catégories: prime, jumbo, Alt-A et subprime, ce
dernier groupe englobant les débiteurs les plus fragiles. Le risque de
défaut d'un portefeuille de subprime RMBS est donc, toutes choses égales
par ailleurs, nettement supérieur à celui d'un portefeuille prime RMBS
ou jumbo RMBS. Pour ce qui est des CMBS, les analystes se fondent sur
les taux de défaillance des locataires, les taux de non-renouvellement, la
durée de vacance des immeubles et les charges de réparations.
Concernant la notation des ABS, les agences établissent des scénarios
optimistes et pessimistes susceptibles de faciliter ou de réduire les flux
monétaires dont doit bénéficier le SPV (se reporter à S&P [2006a] pour
une analyse détaillée appliquée aux titres adossés à des prêts
étudiants). La mesure de la qualité de crédit des CDO se rapproche
plus de celle des émetteurs corporate, en ce sens que les titres sont
adossés à des créances sur des entreprises. Pour tous les types de
produits structurés, les agences s'attachent également à déterminer les
performances passées du portefeuille titrisé (fréquence et ampleur des
incidents de paiement, cyclicité, etc.).
Le risque de structure renvoie essentiellement à des risques d'ordre
juridique [S&P, 2008f]. Les agences doivent d'abord s'assurer que les
actifs servant de sous-jacents sont réels, pérennes, à l'abri
d'éventuelles fraudes et d' un risque de dilution. Ils doivent être
préservés de la faillite du cédant qui renonce préalablement à ses
droits de créancier sur ceux-ci. Enfin, les actifs titrisés doivent être
isolés afin d'éviter toute confusion avec les autres actifs qui sont
toujours la propriété du cédant.
Le risque propre au tranchage est lié à la stratégie de rehaussement de
crédit et aux règles de priorité de paiement entre les différentes classes.
Par exemple, la probabilité qu'un produit comprenant de nombreuses
tranches, avec une classe super senior fine (10 %), voie cette tranche
supérieure obtenir un AAA est élevée car les classes inférieures épaisses
auront vraisemblablement essuyé les éventuelles pertes.
Les tranches les plus subordonnées sont le plus souvent notées en
speculative grade, tandis que les tranches super senior obtiennent un
rating dans la catégorie AA ou AAA. Ces principes de tranchage et de
rehaussement de crédit n'empêcheront cependant pas certains titres
notés AAA de tomber en défaut au moment de la crise financière de
2007-2008.

Les racines de la crise des subprimes


La crise des subprimes a été longuement décrite et expliquée au cours
des deux dernières années (lire le ra pport du Conseil d'analyse
économique rédigé par Artus, Betbèze, de Boissieu et Capelle-Blancard
[2008] pour une analyse exhaustive). Il est cependant utile de revenir
sur ses causes profondes.
L'une des conséquences du retour de la croissance économique aux
États-Unis à partir du milieu des années 1990 est le boom du marché
immobilier. Celui-ci concerne l'immobilier de bureaux mais plus encore
l'immobilier résidentiel. En effet, l'administration Clinton s'appuie sur
Fannie Mae et Freddie Mac (deux entités parapubliques chargées de
garantir et de promouvoir l'octroi de prêts immobiliers aux ménages
américains) pour faciliter l'accès à la propriété de millions de foyers
disposant de faibles revenus et d'emplois souvent précaires: il s'agit
des ménages classés dans la catégorie subprime par les établissements de
crédit. Cette politique, poursuivie par l'administration de George W.
Bush, contribue à une augmentation sans précédent des prix
immobiliers. Entre le premier trimestre 1996 et le deuxième trimestre
2006, l'indice S&:P/Case-Schiller mesurant la valeur nominale du marché
de l'immobilier résidentiel dans vingt métropoles américaines s'accroît
ainsi de 138 %. Cet essor est facilité par la titrisation des prêts
hypothécaires (les fameux RMBS).
Dans le même temps, la plupart des acteurs économiques
accroissent leur endettement de façon considérable. Les ménages
empmntent donc en vue d'acquérir un bien immobilier mais ils
contractent également de nombreux prêts à la consommation, qui
seront quant à eux transformés en ABS. Les fonds d'investissement se
financent par effet de levier (fort endettement compensant des
montants de fonds propres limités) afin d'acquérir, entre autres, des
produits structurés particulièrement rémunérateurs. Les banques
pratiquent également cet effet de levier qui permet d'améliorer leurs
résultats . Enfin, de nombreuses firmes multinationales choisissent de
s'endetter pour financer des opérations de croissance externe, comme
en témoigne la pléthore de fusions et acquisitions entre 1997 et 2000
puis en 200S-2007 Il.P. Morgan et Thomson Reuters, 2009] . Cet
endettement est d'autant mieux accepté par les actionnaires que les
entreprises procèdent dans le même temps à des rachats d'actions qui
augmentent leurs dividendes par action . Cet endettement généralisé est
enfin facilité par la politique monétaire accommodante de la Réserve
fédérale américaine, contribuant à maintenir les taux d'intérêt réels à
des niveaux relativement bas.
Une bulle spéculative se constitue progressivement, alimentée par les
montants impressionnants des émissions de produits structurés (voir
graphique 10).
Graphique 10. Émissions annuelles de RMBS, CMBS et ABS
aux États-Unis depuis 1996
3200
~
c: ... 2S00 1

Q ,"-
.;;li -
2400 1

'" Cl
Ë'ICI 2000 1

""Qi ,
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- -
.,
J l'"l
1

....

• RMBS et 'CMBS o AIBS

Source : Secunties Industry and Fmancial Ma rkets Association.

Les premiers signes annonciateurs de la crise apparaissent à la fin de


l'année 2006 avec un effritement des prix de l'immobilier et une
augmentation des taux de défaut des prêts subprimes. En février 2007,
New Century Financial (deuxième originateur de subprime RMBS aux
États-Unis) et HSBC Finance (filiale d 'HSBC) annoncent d 'importantes
provisions suite à la forte hausse de leurs encours de créances douteuses
(<< Subprime time bomb », Business Week, 9 février 2007) . D'autres
banques et institutions financières subissent des pertes au cours des
mois suivants. En juin 2007 , deux fonds spéculatifs gérés par Bear
Stearns qui avaient investi dans des subprimes RMBS sont sur le point
d'être fermés. Les annonces de pertes se multiplient en juillet et
accélèrent encore le rythme des dégradations de notes par les agences. La
défiance se propage: l'augmentation des taux interbancaires et des taux
à trois mois provoquent un assèchement de la liquidité au mois
d ' août. Les grandes banques centrales décident alors d 'injecter des
liquidités sur les marchés interbancaires tandis que la Réserve fédérale
réduit le taux d'escompte. Malgré ces mesures, les pertes des banques
s'accroissent (voir la section suivante pour une analyse de la crise
bancaire stricto sensu), ce qui engendre une contraction des crédits
aux entreprises et aux ménages : la crise passe de la sphère financière à
la sphère réelle.
Ce krach des subprimes qui a dégénéré en crise financière mondiale a
pris de court aussi bien les banquiers et investisseurs que les régulateurs.
Pourtant, plusieurs voix se sont élevées avant 2007 pour mettre en garde
contre certaines dérives de la sophistication financière. En mars 2003 ,
l'homme d 'affaires Warren Buffett déclare que les produits dérivés et
stlucturés sont des « armes financières de destlUction massive » . Au
cours des mois précédant la crise, l 'économiste Nouriel Roubini de
l'université de New York répète que la titrisation débridée va provoquer
une récession économique majeure (se reporter à ses articles sur
rgemonitoLcom). Il s'inquiète en particulier de la difficulté à
diagnostiquer le risque de crédit propre aux actifs sous-jacents. David
Reiss [2006], professeur de droit à la Brooklyn Law School, attire enfin
l'attention sur le rôle néfaste de la titrisation dans l'accroissement du
soutien abusif de crédit.
L'action procyclique des agences

L'ampleur et la magnitude des abaissements de notes survenus à


partir du début 2007 sont inédites dans l'histoire de la notation.
Sur l'ensemble de l'année 2007, les trois grandes agences ont procédé
à près de 22 000 downgrades, toutes catégories de titres confondues (ABS,
CDO, CMBS et RMBS) . Dans 72 % des cas, il s'agit de downgrades de trois
crans ou plus, ce qui est considérable [AMF, 2009]. Cette tendance
s'accentue encore par la suite.
Si l'on considère les changements de ratings décidés par Fitch au cours
de l'année 2008, force est de constater que les downgrades ont été
d'autant plus nombreux et massifs que les tranches étaient mal
notées (voir tableau 10) .

Tableau 10. Matrice de transition à un an pour l'ensemble


des produits structurés (ABS, CDO, CMBS et RMBS)
notés par Fitch
(pourcentages pour l'année 2008)

Note Note finale


initiale
AAA AA A BBB BB B CCC CC et en
dessous

MA 87,21 1,15 1,77 2,24 2,64 2,03 1,82 1,13


AA 1,85 63,67 6,64 4,25 4,35 4,28 6,09 8,87
A 0,25 1,42 58,02 9,32 5,42 4,07 6,52 14,98
BBB 0,04 0,10 0,87 52,86 10,40 5,62 5,92 24,18
BB 0,00 0,02 0,05 0,47 46,70 11,22 5,61 35,93
B 0,00 0,00 0,03 0,10 0,14 42,86 4,85 52,01
CCC-C 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,21 34,09 65,71

Note : les pourcentages en gras sur la diagonale représentent les notes qui sont restées
inchangées au cours de l'année 2008. Les pourcentages à gauche de la diagonale tradui-
sent les augmentations de notes, tandis que les pourcentages à droite de la diagonale
traduisent les dégradations de notes survenues au cours de l'année 2008 . Par exemple,
63,67 % des produits structurés notés dans la catégorie AA par Fitch au 1cr janvier 2008
ont vu leur rating rester inchangé au cours de l'année 2008. En revanche, 1,85 % des
notations M ont été upgradées en catégorie AM; 6,64 % des notations AA ont été
dégradées en catégorie A; 4,25 % des notations AA ont été dégradées en catégorie BBB,
etc.
Source : Fitch [2009b].

Au cours de l'année 2008, Fitch a procédé à seulement 717


upgrades, contre 27 669 abaissements de notes (rapport de 1 à 39).
Fait remarquable, c'est surtout le marché des titres adossés aux
crédits hypothécaires résidentiels qui a le plus souffert : 89 % des
dégradations de notes pour l'année 2008 sont en effet concentrées sur
les RMBS. Ces downgrades ont affecté lS % des titres notés AAA, 43 % de
ceux notés AA, SS % des A, 62 % des BBB, 72 % des BB, 78 % des B et
des CCc. Cette dégradation de la qualité de crédit des RMBS contraste
avec la relative stabilité des notations des CMBS et des ABS .
Au cours du premier semestre 2009, le rythme des dégradations est
resté très élevé pour les différents types de produits et s'est même
accéléré pour ce qui est des CDO. Ces observations concernant Fitch
sont également valables pour S&P et Moody's. Sur la période janvier
2007 -septembre 2008, Moody's était d'ailleurs l'agence qui avait
procédé au plus grand nombre de downgrades [AMF, 2009].
Ces dégradations massives ont été le prélude à des taux de défaut
anormalement élevés pour les titres notés en catégorie investissement,
y compris pour les AAA, comme l'atteste le graphique 11 qui présente
les taux de défaut et de quasi-défaut annuels de S&P pour la période
1998-2008 (le « quasi-défaut » renvoie aux titres qui ont été dégradés
aux catégories CC et C).

Les banques

Les méthodologies de notation bancaire

Le risque de crédit bancaire est fonction de deux grands types de


facteurs: la solidité financière intrinsèque de la banque, d 'une part, et
le soutien institutionnel qu 'elle est susceptible d'obtenir en cas de
besoin, d'autre part.
Le soutien institutionnel mesure l'aide dont peut bénéfider une banque
de la part d'un actionnaire de référence, d'une autorité publique ou plus
vraisemblablement de l'État en cas de difficulté finandère. S&P classe les
États en trois catégories [S&P, 2007b] :
- les « interventionnistes » qui renfloueront les banques menacées
de banqueroute (cas de la majorité des États asiatiques et du
Moyen-Orient) ;
Graphique 11 . Taux de défaut et quasi-défaut annuels
des produits structurés notés par S&P
7
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____ TItres notés AAA --11-- TItre noté en at'ég rie Investis ment
Source : S&P [2009b].

- les États qui ont mis en place des réglementations bancaires


visant à soutenir les établissements en difficulté financière (pays
d 'Europe occidentale et États-Unis) ;
- les États dont le soutien est incertain, en raison de régle-
mentations floues ou de lois sur les faillites imparfaites (exemples
de la Russie et de l'Argentine).
Les banques évoluant dans un environnement interventionniste sont
susceptibles d'être mieux notées, toutes choses égales par ailleurs, que
leurs consœurs situées dans des pays où les réglementations sont
insatisfaisantes. Les établissements bénéficiant d'une garantie explicite
ou implicite de l'État ont généralement un ratillg identique à la note
souveraine.
Une agence comme S&P considère qu'il est impossible de mesurer la
probabilité qu'un gouvernement intervienne en faveur d'une banque
pour lui permettre d'assurer ses obligations financières. Fitch, en
revanche, a établi une échelle spécifique destinée à mesurer ce soutien
extérieur [Fitch, 2009a]. Celle-ci comprend cinq catégories: la note « 1 »
est attribuée aux établissements de crédit qui bénéficient du soutien
extérieur le plus élevé; suivent les notes « 2 », « 3 », « 4 » et « 5 » . Les
entités notées « 5 » ne peuvent compter sur aucun soutien extérieur
fiable .
Les facteurs pris en compte pour déterminer le risque de a-édit
intrinsèque d 'une banque sont de plusieurs ordres (se reporter en
particulier à Moody's [2007a]).
Les agences établissent la qualité de la franchise. Cela implique
l'analyse des parts de marché de la banque, de sa diversification
géographique, de la stabilité et de la diversification de ses revenus.
Le positionnement de la banque en matière de risque est également
examiné. Il englobe la gouvernance d'entreprise, la transparence de la
communication financière, la gestion et le contrôle du risque par le
management, la concentration des risques de crédit (par secteur et par
débiteur), la gestion de la liquidité (le risque fondamental étant de
voir une banque tomber à court de trésorerie) et l'appétit pour le
risque de marché.
Le cadre réglementaire est une autre composante de la grille
analytique des agences . Ce sont l'indépendance des autorités de contrôle
et la pertinence des normes réglementaires qui sont prises en
considéra tion.
L'environnement opérationnel est aussi une variable importante. Il
s'agit de mesurer l'impact des cycles économiques, du niveau de
corruption et de la qualité des systèmes juridiques sur la solvabilité
d'une banque.
Les agences s'appuient enfin sur un certain nombre de ratios
financiers afin de mieux apprécier les niveaux de rentabilité, de liquidité,
d'adéquation des fonds propres, d'efficacité opérationnelle et de qualité
des actifs des banques.
Ces différents ratios contribuent, avec les facteurs qualitatifs cités
précédemment, à la détermination de la solidité financière intrinsèque
des banques. Ce risque intrinsèque est mesuré sur des échelles de notes
qui varient d'une agence à l'autre. Les notations de Moody's
s'échelonnent de A à E : « A » et « E » désignant respectivement la
solidité financière intrinsèque la plus forte et la plus faible. Un suffixe
« + » peut être ajouté aux notations inférieures à la catégorie « A » et un
signe « - » aux notations supérieures à la catégorie « E » afin d'identifier
les banques placées plus haut ou plus bas dans une catégorie de
notation. Au totaC l'échelle de Moody' s comprend treize notes, contre
dix pour Fitch (« A», « A/B », « B », « BIC », « C », « CID », « D »,
« DIE », « E » et « F ») et neuf pour S&P (« A », « B+ », « B », « C+ »,
« C », « D+ », « D », « E+ », « E »).
Tableau 11 . Principaux ratios utilisés pour déterminer
la solvabilité intrinsèque des banques

Fondamentaux Principaux ratios


financiers

Rentabilité Résultat net/actif total (en %)


Résultat net/fonds propres (en %)
Résultat net/actifs pondérés (en %)
Résultat avant impôt et provision/actifs pondérés (en %)

Liquidité Actifs liquides/dette à court terme (en %)


(Ressources de marché - actifs liquides)/total de bilan (en %)

Adéquation des Fonds propres Tier 1/actifs pondérés (en %)


fonds propres Fonds propres de base retraités/actifs pondérés (en %)

Efficacité Charges totales hors Intérêts/revenus totaux (en %)


opérationnelle

Qualité des actifs Encours douteux/encours bruts (en %)


Encours douteux/(capital social + provisions sur encours
douteux) (en %)

Note : les fonds propres Tier 1 comprennent le capital social, le report à nouveau, les
réserves et les résultats non encore distribués.
Source : d'après Moody's [2007a].

Bien qu'une étude sur la notation bancaire démontre que les ratios
mesurant la rentabilité et la qualité des actifs des banques sont les
meilleurs déterminants des notes de solidité intrinsèque émises par
Moody's [Poon, Firth et Fung, 1999] , il est utile de signaler que, depuis
la crise asiatique de 1997-1998, les agences prennent de plus en plus
en compte les engagements hors bilan des banques et déterminent la
rentabilité de chaque activité bancaire en fonction du niveau de risque
qui la caractérise (rendement du capital corrigé du risque).
L'agrégation des notes de soutien institutionnel et de solvabilité
intrinsèque aboutit à l'attribution du rating sur échelle globale.
Cet aperçu des méthodologies utilisées va permettre de mieux
comprendre la crise bancaire qui s'est déclenchée dans la foulée de la
crise des subplimes.
La crise bancaire de 2007-2008

La première victime de la crise financière est la banque britannique


Northern Rock. Confronté à la crise immobilière qui entame sa
rentabilité, l'établissement connaît des difficultés croissantes pour se
refinancer et se trouve menacé par un bank fun de ses déposants en
septembre 2007. La Banque d'Angleterre lui consent alors une ligne de
crédit exceptionnelle avant de la nationaliser en février 2008. Cette
nationalisation intervient un mois avant que J.P. Morgan Chase ne
rachète son concurrent Bear Stearns, affaibli en raison de son exposition
aux subprimes. La crise s'aggrave encore avec les difficultés de Fanny
Mae et Freddy Mac qui sont finalement nationalisés par l'administration
Bush début septembre 2008.
La crise prend une tournure inattendue lorsque, le lS septembre
2008, Henry Pauls on, secrétaire américain au Trésor, laisse Lehman
Brothers tomber en défaut. L'administration américaine refuse d'adhérer
au principe du tao big ta fail qui avait jusque-là prévalu. Lehman
Brothers était noté dans la catégorie A par les agences au moment de sa
banqueroute. Au même moment, Bank of America absorbe Merrill
Lynch tandis que l'assureur AIG est sauvé in extremis de la faillite par
la Réserve fédérale qui tient à éviter un risque systémique (<< US firefight
switches to AIG », FinanCÏal Times, 16 septembre 2008).
Les conséquences à très court terme du défaut de Lehman Brothers
sont multiples:
- le marché interbancaire, qui sert au refinancement à court terme
des établissements de crédit, se referme;
- la banque Washington Mutual fait faillite à son tour, dix jours
après Lehman Brothers;
- par effet de contagion, de nombreux établissements européens
menacent également de tomber en défaut; ils ne sont sauvés que grâce
à l'intervention de l'État qui les nationalise (en Belgique et en
Grande-Bretagne). Les banques islandaises ne peuvent obtenir un tel
soutien des pouvoirs publics car l'État lui-même risque la cessation de
paiement. L'Allemagne et la France (voir encadré) lancent des plans de
soutien et de garantie .
Dans ce contexte, les agences sont condamnées à dégrader
massivement les notations des acteurs du secteur financier. Par exemple,
23 % des entités notées dans la catégorie AA par Fitch sont dégradées
au cours de l'année 2008 ; le pourcentage d'augmentations de notes
dans cette même catégorie est nul. Il est pertinent de rappeler qu'une
partie des abaissements de notes survenus dans les jours et semaines qui
ont suivi le défaut de Lehman Brothers sont directement liés au rôle de
contrepartie qu'avait la banque dans de nombreuses transactions stluc-
turées. Moody's en a identifié près de sept cents, certaines d'entre
elles étant downgt.·adées de neuf crans [Moody's, 2008d].
L'année 2008 aura finalement été marquée par les plus importantes
défaillances bancaires de l'histoire (voir tableau 12).

Tableau 12. Principaux établissements financiers


tombés en faillite en 2008

Établissements Pays Volume du défaut


en millions de dollars

lehman Brothers Holdings, Ine. États-Unis 120164


Kaupthing Bank hf Islande 20063
Glitnir Banki hf Islande 18773
Washington Mutual Bank États-Unis 13600
landsbanki Islands hf Islande 12161

Source : d'après Moody's [2009b].


Crise des subprimes, crise bancaire: quelles leçons tirer?

La crise financière de 2007-2008 appelle finalement plusieurs


réflexions.
Tout d'abord, la faillite inattendue de Lehman Brothers et la
restlUcturation éclair du paysage bancaire américain et européen ont
montré que les mutations du capitalisme peuvent être blUtales,
imprévisibles et n'épargnent pas des institutions prestigieuses et
longtemps considérées comme invulnérables (voir le point de vue plein
de sincérité et de candeur d'Acemoglu [2009]).
Ensuite, les prises de risque inconsidérées de plusieurs établissements
de crédit conduisent à s'interroger sur le métier de banquier. L'arrivée
massive et tardive (en 2006-2007, c'est-à-dire à la fin du cycle de
croissance) de banques de dépôts sur le marché des subprimes a été l'une
des causes du désastre récent. L'ancien directeur général de Calyon,
banque d'investissement et de financement du Crédit agricole,
reconnaissait lui-même en mai 2008 que sa banque avait investi « trop
vite et trop fort » sur les produits stlucturés. Cet aveu a une résonance
particulière lorsque l'on sait que les titres obligataires qui connaîtront les
taux de défaut les plus élevés sont toujours émis à la fin d'un cycle
haussier [Mintz, 1951; Hickman, 1958].

Les banques françaises face à la crise de 2007-2008

Comme leurs consœurs américaines, les banques françaises ont été sévèrement touchées
par la crise financière. Leur forte exposition aux subprimes RMBS les a conduites, à partir
de la fin 2007, à déprécier certains de leurs actifs, à en vendre d'autres et à provisionner
massivement. La faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 a encore aggravé la
situation en paralysant le marché interbancaire.

Afin d'éviter la dégradation de la solvabilité des banques et un éventuel bank run des
épargnants, le président Sarkozy annonce un plan de soutien aux banques françaises le
13 octobre 2008. L'État apporte une garantie « payante » des prêts interbancaires jusqu'à
320 milliards d'euros et indique qu'il est prêt à consacrer jusqu'à 40 milliards d'euros
pour recapitaliser les banques qui seraient en difficulté. Ces mesures rétablissent
progressivement la confiance sur les marchés, repoussent le spectre d'un défaut bancaire,
soutenant de facto les notations des établissements de crédit.

L'examen des ratings bancaires de Fitch est de ce point de vue instructif (voir tableau
13). Cette agence attribue la note de support maximale de « 1 » à toutes les grandes
banques françaises, ce qui se traduit par une note plancher sur échelle globale de «A+ ».
L'écart de notation existant d'une banque à l'autre est donc fonction de la note
intrinsèque de solvabilité de chaque établissement. Cette spécificité méthodologique
démontre à quel point l'intervention de l'État est primordiale pour maintenir la qualité de
crédit de certaines banques.

Tableau 1 3. Notations des principales banques françaises attribuées par Fitch,


avril 2009
Banque Note de Note intrinsèque Note sur
support de solvabilité échelle globale

BNP Paribas B M
Crédit agricole B M-
Société générale BIC M-
Groupe Caisse d'épargne CID A+
Groupe Banque populaire CID A+
Natixis E A+

Source : d'après Fitch [2009d] .

Enfin, cette crise a débouché sur un double échec des agences de


notation. D'une part, elles ont surestimé la capacité et la volonté des
États d'intervenir en dernier ressort pour sauver un établissement de
crédit de la banqueroute (illustrations islandaise et américaine). D' autre
part, elles sont partiellement responsables de l'euphorie des
subprimes , faute d'avoir su résoudre les problèmes de conflits
d'intérêts inhérents à leur activité . Ce dernier constat met en lumière
les limites de la notation.
v/ Forces et faiblesses des agences

les forces aussi bien que les faiblesses des agences reposent sur quatre
piliers fondamentaux : la fiabilité de leurs notations ; leur objectivité ;
l'intégration de leurs notes dans les réglementations financières ; leur
influence sur les arbitrages des investisseurs.

La fiabilité des notes

Plusieurs outils statistiques sont utilisés pour mesurer la qualité des


notations attribuées par les agences.
Les taux de défaut moyens par catégorie de notes, qui ont déjà été
évoqués dans les chapitres précédents, constituent la mesure la plus
simple puisqu'il s'agit, pour chaque notation, de déterminer le
pourcentage de titres ou d'émetteurs tombés en défaut de paiement sur
une période donnée, typiquement une année. Ces taux de défaut
moyens peuvent être calculés sur plusieurs années consécutives, auquel
cas on parle de taux de défaut moyens cumulés (voir tableau 14).
Les notations sont d'autant plus fiables que, pour un horizon
temporel donné (un an, deux ans, cinq ans) :
- les taux de défaut associés aux notations les plus élevées sont nuls
ou très bas;
- les taux de défaut augmentent au fur et à mesure que la qualité
des notes se détériore (passage de AAA à AA+, de AA+ à AA, etc ., et de
la catégorie investissement à la catégorie spéculative).
Ces taux de défaut moyens sont utilisés par Fitch, Moody's et S&P
depuis plusieurs années. Ils offrent l'avantage de présenter aux
investisseurs une comparaison simple du risque de crédit pour les
différentes catégories de notes, mais ne permettent pas de contrôler
l'éventuel conservatisme d'une agence qui « sousnoterait »
volontairement des émetteurs afin de maintenir à un pourcentage très
faible les taux de défaut des notes les plus élevées.
Tableau 14. Taux de défaut moyens cumulés de S&:P
pour les entreprises, 1981-2007

Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Année 5

MA D,DO D,DO 0,09 0,18 0,28


M+ D,DO 0,06 0,06 0,13 0,20
M D,DO D,DO D,DO 0,09 0,18
M- 0,02 0,09 0,20 0,32 0,45
A+ D,OS 0,10 0,25 0,45 0,61
A 0,07 0,18 D,3D 0,42 0,60
A- 0,06 0,20 0,32 0,49 0,73
BBB+ 0,15 0,46 0,91 l,3D 1,74
BBB 0,23 D,54 0,85 1,39 1,95
BBB- 0,31 1,02 1,78 2,78 3,74
BB+ D,52 1,41 2,85 4,20 5,41
BB 0,81 2,50 4,62 6,53 8,38
BB- 1,44 4,16 7,04 9,90 12,32
B+ 2,53 6,97 11,22 14,92 17,65
B 6,27 12,74 17,75 21,27 23,84
B- 9,06 16,94 22,75 26,66 29,44
CCC-C 25,59 34,06 39,04 41,86 44,50
Catégorie investisse-
ment 0,10 D,3D D,52 0,81 1,11
Catégorie spéculative 2,81 6,54 1 D,DO 12,92 15,23

Source : S&P [2008c].

La courbe d'efficacité cumulée (cumulative accuracy profile en anglais),


développée par Moody's, permet de surmonter ce problème en
déterminant la capacité des agences à attribuer des ratings élevés aux
titres et émetteurs qui ne feront pas défaut et des ratings bas aux titres et
émetteurs qui, eux, feront défaut. Elle associe le pourcentage d'émetteurs
ayant une note inférieure ou égale à v au pourcentage d'émetteurs en
défaut notés v ou en dessous.
Le graphique 12 présente la courbe d'efficacité cumulée pour les
notations attribuées entre 1983 et 2002 par Moody's aux émetteurs du
secteur corporate. Il se lit de la façon suivante : environ 15 % des
entreprises sont notées entre C et BI au 1er janvier de l'année n. Ces
émetteurs représentent près de 84 % des défauts survenus au cours de
cette année n . La courbe idéale atteindrait le plafond des 100 % très
rapidement, signifiant que les notes les plus basses captent la totalité
des défauts. Un système de notation aléatoire aboutirait à une droite de
45° (la proportion de défauts étant égale dans toutes les catégories de
note), tandis qu'un système attribuant des notes basses à des émetteurs
solvables et des ratings élevés à des émetteurs qui tomberaient
ultérieurement en défaut se traduirait par une courbe convexe.
Gra phiq ue 12 . Courbe d'effi cacit é cumul,é e moyell1ne ,à un an
de Moody's p our le secteuli' mrpolDte, 198 3-2002
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Prop ortio n cliilmulée d e5 émett eLIIlI's (en Ok)

- - Notation des entreprises, 1983-2002 ----- - Notation aléalt oire

Source : d'après Moody's [2004].

Les résultats de la courbe d'efficacité cumulée ont été synthétisés dans


le ratio d'efficacité (accuracy ratio en anglais), qui est obtenu en divisant
l'aire comprise entre la courbe d'efficacité cumulée et la droite de 45°
par l'aire totale située au-dessus de cette même droite (toute courbe
située en dessous de la droite de 45° produisant une aire négative) . Ce
ratio s'échelonne de 1 à - l. Plus il se rapproche de l , plus il indique
que l'agence discrimine efficacement les émetteurs en attribuant des
notes basses aux émetteurs qui vont tomber en défaut et des notes
élevées à ceux qui resteront solvables. Un ratio de 0 équivaudrait à un
système de notation aléatoire. Enfin, un ratio négatif révélerait des
notations particulièrement inefficaces.
La comparaison des ratios d'efficacité d'un secteur à l'autre montre
que, pour la période 1983-2008, les notes souveraines de Moody's ont
été en moyenne légèrement plus fiables que ses notes d ' entreprises:
0,94 contre 0,90 [Moody's, 2009c] . L'examen des ratios du secteur
c01porate est tout aussi instructif puisqu'il révèle que le ratio de 2008 a
été le plus bas depuis les premiers calculs effectués en 1983, démontrant
ainsi la sévérité de la crise économique et financière et la plus grande
difficulté de l'agence à appréhender le risque de crédit.
Une autre mesure de la qualité des raungs consiste à présenter les
notes moyennes et médianes des émetteurs au cours des mois qui ont
précédé leur défaut . Moody's a par exemple effectué ces calculs pour les
émetteurs du secteur c01porate tombés en défaut entre 1983 et 2008.
Ainsi, vingt-quatre mois avant son défaut, un émetteur a une note
médiane B2. Celle-ci passe ensuite à B3 dix mois avant le défaut. Plus le
défaut se rapproche, plus la chute de la note s'accélère : au mois du
défaut, note est Caa2. La note moyenne reste très proche de la note
médiane .
Pour la seule année 2008, la note médiane est inférieure d'un cran à
la note médiane de la période 1983-2008 si l' on considère les trente-six
mois qui précèdent le défaut. En revanche, la note moyenne pour 2008
est légèrement supérieure . Ces résultats en apparence contradictoires
signifient que la proportion de notes illvestmentgrade attribuées plusieurs
années avant un défaut a été supérieure pour les entreprises tombées en
cessation de paiement en 2008 à ce qu'elle a été pour les sociétés
tombées en faillite sur toute la période 1983-2008.
Ces diverses mesures statistiques sont précieuses pour les acteurs de
marché qui peuvent plus facilement optimiser leur gestion de
portefeuille en fonction du risque de crédit associé à chaque catégorie
de notes. Elles comportent pourtant une limite. La faible proportion de
défaillances dans les populations étudiées compresse les taux de défaut
et, plus généralement, ne permet pas de déterminer précisément la
fiabilité des notes, en particulier en période de croissance économique.
Seule une vague massive de défauts constitue un vrai test pour les
ratings des agences, comme ce fut le cas pour la notation souveraine au
début des années 1930 et pour les notes des produits structurés en
2007-2008 .
Globalement, depuis les années 1980, la qualité des notations de
Fitch, Moody's et S&P s'est révélée relativement satisfaisante, à
l'exception précisément des ratillgs des produits stlucturés. Si cet échec
retentissant a terni la réputation des agences, c' est surtout en raison de
la présence de conflits d 'intérêts majeurs au sein de l'industrie de la
notation.

Réputation des agences et conflits d'intérêts

Avant d'aborder la question des conflits d 'intérêts, il est indispensable


de présenter l'évolution des réglementations qui ont encadré le secteur
de la notation.

Une réglementation tardive, d'abord soucieuse de créer un club de happy


few

L'une des caractéristiques les plus remarquables de la notation est


qu'elle n 'a fait l'objet d'aucune réglementation avant 1975, année où la
SEC (Securities and Exchange Commission) a instauré le statut NRSRO
(llationally recognized statistical rating organizations) en vue de limiter le
nombre d 'agences dont les ranllgs étaient susceptibles d 'être utilisés par
les banquiers et les investisseurs.
Seules les trois grandes agences se sont vu accorder cet agrément dès
la promulgation de la nouvelle réglementation. Par la suite, les quelques
petites agences qui obtiennent ce statut (Duff & Phelps en 1982 ; Mac
Carthy, Crisanti & Maffei en 1983 ; IBCA en 1990; Thomson
BankWatch en 1991) sont toutes rachetées par S&P ou Fitch, de sorte
que, après avoir atteint un pic en 1991, le nombre d'agences agréées
décroît régulièrement dans les années 1990. En 2000, Fitch, Moody's et
S&P sont à nouveau les seules firmes à faire partie de ce « club de
privilégiés ». Au cours des années suivantes, d'autres agences rejoignent
ce club (telles DBRS en 2003 et A.M. Best en 200S).
Cette « ouverture » a constitué un prélude à la proposition de loi de
l'ancien représentant républicain de Pennsylvanie, Michael
Fitzpatrick, présentée le 20 juin 200S et visant à accroître la
concurrence et la transparence au sein de l'industrie du rating
(www.govtrack.us). Cette proposition de loi a été votée par la Chambre
des représentants le 12 juillet 2006 puis par le Sénat le 27 septembre
2006, avant d'être finalement signée par l'ancien président George W.
Bush et d'entrer en vigueur sous le nom de Credit Rating Agency Reform
Act of 2006. Au 2 février 2009, dix agences avaient ce statut NRSRO .
Cette nouvelle législation a clos provisoirement le débat sur la
déréglementation du secteur de la notation, qui a opposé les tenants de
l'élimination pure et simple des barrières à l'entrée [Partnoy, 2002] aux
défenseurs du statu quo qui prétendaient que toute réforme serait
stérile, compte tenu de l'inévitable hégémonie de Moody's, S&P et
Fitch [Hilt 2004]. En revanche, le Credit Rating Agency Reform Act of
2006 ne résout nullement le problème lancinant des conflits d'intérêts
inhérent à l'industrie de la notation.

Une prise de conscience tout aussi tardive des conflits d'intérêts

Depuis que le modèle émetteur-payeur s'est progressivement imposé


au cours des années 1970, les agences sont suspectées de manquer
d'objectivité car les émetteurs de dette qu'elles notent les rémunèrent
en contrepartie. La faillite Enron a enfin persuadé certains régulateurs
d'intervenir.
C'est l'Organisation internationale des commissions de valeurs
(OICV), instance chargée de la réglementation des marchés
financiers au niveau mondiaC qui va mener les premières réflexions
sur les moyens d'écarter de tels conflits d'intérêts. En 2003, elle établit
une liste de principes qui doivent aider les agences à préserver
l'objectivité et la qualité de leur processus de notation [OIeV, 2003] :
- les agences sont invitées à adopter des procédures internes écrites
afin d'identifier, d'une part, et d'éliminer, contrôler ou rendre public,
d'autre part, tout conflit d'intérêts potentiel risquant d'influencer leur
opinion et leur analyse ;
- la note attribuée à un émetteur ne doit pas être affectée par
l'existence de relations d'affaires entre ce dernier et l'agence ;
- l'agence et ses salariés ne sauraient être engagés dans des relations
commerciales dans le domaine de la finance de marché qui
engendreraient des conflits d'intérêts avec les activités de notation;
- l'évaluation et la gratification d'un analyste ne peuvent être
fondées sur les commissions que rapportent les émetteurs qu 'il note;
- la détermination d'une notation ne devrait être influencée que par
des facteurs directement liés à la qualité de crédit ;
- les agences devraient révéler la nature des accords financiers qui
les lient aux émetteurs qu'elles notent.
Ce rapport a été complété quelques mois plus tard par la
publication d'un code de conduite [OICV, 2004] qui prévoyait en outre
que:
- aucun salarié d 'une agence ne saurait influencer la notation d'une
entité s'il détient des titres de celle-ci; s'il en a été un salarié; s'il a eu
récemment des relations d'affaires avec elle; si un parent proche exerce
des responsabilités en son sein; s'il a toute autre relation avec l'entité en
question;
- aucun salarié d ' une agence ne devrait participer aux discussions
portant sur les commissions versées par un émetteur qu'il note.
Dès 2004, les agences se sont engagées à mettre en œuvre les
principes du code de conduite de l'OICV. Dans son rapport de décembre
2006 adressé à la Commission européenne, le Comité européen des
régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CERVM) , organisme
composé des régulateurs nationaux, soulignait que les codes de conduite
que les agences avaient mis en place étaient relativement conformes
aux préconisations de l'OICV, à l' exception notable du point
spécifiant que les analystes ne devaient pas participer aux négociations
tarifaires avec les entités qu'ils notaient [CERVM, 2006, p . 43]. Fitch
justifia son entorse à ce principe en affirmant que, dans certaines
petites succursales situées dans des pays non anglophones , les
départements chargés de la notation étaient contraints de discuter
des commissions. Moody's mit en avant la complexité de certaines
opéra tions, en particulier dans le domaine des financements structurés,
qui pouvait conduire des analystes à évaluer en amont la quantité de
travail nécessaire à la notation, et donc à influencer la tarification. Ce
constat du CERVM laissait déjà présager la grave crise de confiance qui
allait naître de la crise financière de 2007-2008.

La crédibilité des agences à l'épreuve de la crise des subprimes

La tourmente de 2007-2008 s'est concrétisée par de nombreux défauts


de produits structurés qui bénéficiaient pourtant de notations très
élevées, et par des abaissements massifs de notes. Elle a relancé le débat
à la fois sur l'efficacité des méthodologies des agences, sur la
concurrence au sein de l'industrie de la notation et sur les conflits
d'intérêts.
Une première série d'explications à l'échec des agences a consisté à
défendre la thèse de l'extrême complexité des opérations structurées qui
aurait empêché les analystes d'établir des diagnostics corrects [Adelson,
2007 ; Zandi, 2008] . Les risques de contagion en particulier auraient été
sous-estimés. La sophistication financière est certes l'une des sources de
la crise récente mais elle ne saurait en être l'unique cause.
C'est pourquoi une deuxième série d'arguments a mis en avant les
effets néfastes de la compétition entre agences. Skreta et Veldkamp
[2009] considèrent ainsi que la complexité des actifs servant de
collatéraux aux produits structurés a incité un nombre élevé d'émetteurs
à pratiquer du rating shopping, c'est-à-dire à choisir de faire noter leurs
ABS, CDO et autres RMBS et CMBS par l'agence qui s'engageait à
attribuer la note la plus élevée. Bolton, Freixas et Shapiro [2009] ont une
analyse assez proche et ajoutent que cette tendance a été d'autant
plus marquée que la « surnotation » des agences intervient en
période de faible aversion au risque, à un moment où leur réputation est
le moins menacée. Ils en concluent qu'une agence de notation en
situation monopolistique serait plus utile aux investisseurs qu'un
duopole ou oligopole. Cette critique de la concurrence au sein de
l'industrie de la notation est à relier à l'analyse de Becker et Milbourn
[2009] qui sont allés jusqu'à démontrer que l'influence grandissante de
Fitch comme troisième agence de référence depuis une décennie a
provoqué une inflation des notations corporate, et a donc biaisé la
mesure de la qualité des émetteurs. Ces deux auteurs ont actualisé les
résultats de Cantor et Packer [1996a] et de ]ewell et Livingston [1999 et
2000] qui prouvaient que non seulement les émetteurs de dette COlporate,
déjà notés par Moody's et S&P, obtenaient une note encore supérieure
en recourant aux services d'une troisième agence, mais encore que ces
deux leaders avaient tendance à upgrader plus facilement un émetteur
s'il était noté par une ou deux autres agences. Ces analyses ne
demeurent cependant pertinentes que si les agences se prêtent au jeu du
rating shopping et renoncent à leur objectivité.
Or le modèle de l'émetteur-payeur semble en effet avoir exacerbé
ces conflits d'intérêts en matière de notation des produits structurés.
Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer cette dérive [SEC, 2008].
D'abord, les institutions financières chargées d' originer, de structurer
et de distribuer les produits titrisés disposaient d'une grande latitude
pour choisir les différents types d'actifs et flux financiers qui allaient
constituer les produits structurés ; elles ont donc pu modeler ces
derniers en fonction de la notation qu'elles visaient. Ensuite, ces mêmes
institutions ont eu une influence sur le choix des agences chargées de
noter les produits structurés en question et sur le processus de notation,
qu'elles souhaitaient rapide et prévisible. Enfin, les originateurs et
émetteurs auraient d'autant mieux réussi à influencer les agences afin
d' obtenir des notes plus élevées pour leurs produits structurés que ces
derniers représentaient un segment particulièrement rémunérateur pour
les agences (voir chapitre r) et que l'attribution de notes non sollicitées
aurait été peu crédible, compte tenu de la complexité des processus de
structuration et de la difficulté pour des tierces parties d'obtenir des
informations fiables. Afin de remédier à ces conflits d'intérêts, Bolton,
Freixas et Shapiro [2009] préconisent que le paiement des agences par les
émetteurs précède le processus de notation.

Les conflits d'intérêts enfin au cœur des préoccupations des régulateurs depuis
2008

Les réactions des autorités de réglementation et de contrôle des


marchés financiers à ces dérives ont été de plusieurs ordres.
Outre-Atlantique, la SEC reprend à son compte plusieurs
recommandations de l'OICV mais leur confère un caractère
réglementaire contraignant [SEC, 2009]. Ainsi, les agences qui ont le
statut NRSRO doivent:
- améliorer la transparence tant de leurs procédures de notation que
des méthodologies et des outils statistiques mis en place pour mesurer
la performance des ratings attribués ;
- préciser les modalités de changement de leurs méthodologies, tant
sur le plan qualitatif que quantitatif;
- indiquer la façon dont elles vérifient les informations utilisées
pour noter les produits structurés et préciser si elles considèrent les
caractéristiques de l' originateur des actifs sous-jacents dans leur
processus de notation ;
- publier sur leur site Internet 10 % des historiques de notation
relatifs aux émetteurs-payeurs;
- préparer un rapport annuel incluant toutes les décisions de
notation intervenues dans chaque secteur au cours de l'année écoulée;
- renoncer à attribuer simultanément une recommandation et une
note à un émetteur de dette. Cette mesure vise ainsi à prévenir les
conflits d'intérêts et à empêcher en particulier les agences d'avoir un
rôle de consultant officieux dans les processus de shucturation de
dette;
- interdire à leurs salariés en charge de la notation des émetteurs ou
du développement des méthodologies de participer aux discussions
portan t sur les commissions versées par les émetteurs;
- veiller à ce que leurs salariés chargés de noter ou d'approuver
des notes ne reçoivent pas de gratifications, dons ou récompenses des
émetteurs notés.
En Europe, l'OICV étoffe encore son code de conduite en vue de
promouvoir la protection des investisseurs et de sauvegarder l'intégrité
du processus de notation [OICV, 2008]. Ce code est en partie à l'origine
de la législation adoptée le 23 avril 2009 par le Parlement européen et
qui met en place, pour la première fois au niveau communautaire, un
enregistrement et une surveillance obligatoires des agences de notation
(www.europarl.europa.eu).
Les grandes lignes de cette loi prévoient que les agences ont
l'obligation de :
- prendre « toute mesure nécessaire pour garantir qu'aucun conflit
d'intérêts existant ou potentiel ou relation commerciale les impliquant
en tant qu'émetteur d'une notation de crédit ou impliquant leurs
dirigeants, leurs analystes de notation, leurs salariés [... ] n'affecte
l'émission de ladite notation de crédit » ;
- rendre publics « les méthodes, modèles et principales
hypothèses qu'elles utilisent dans leurs activités de notation, [... ] toute
notation de crédit, ainsi que toute décision d'interrompre une notation
de crédit » ;
- veiller à ce que « les catégories de notation qui sont attribuées aux
instruments financiers structurés soient clairement différenciées en
utilisant un symbole supplémentaire qui les distingue de celles utilisées
pour d'autres entités, instruments financiers ou obligations financières »

- publier les conflits d'intérêts réels et potentiels, la nature générale


de leur régime de rémunération, leur code de conduite, un rapport de
transparence annuel fournissant des informations détaillées sur leur
structure juridique, leur politique de ressources humaines, leur chiffre
d'affaires et leurs revenus.
Selon la nouvelle législation européenne, c'est le CERVM qui sera
temporairement chargé d ' enregistrer les agences de notation .
Finalement, en dévoilant des conflits d'intérêts majeurs, la crise des
subprimes a terni la réputation des agences. Il s'agit là d'une ironie de 1'«
Histoire » car c'est précisément l'absence de conflits d 'intérêts qui
avait permis à ces mêmes agences d'accéder au rang d'acteurs majeurs
du capitalisme au début des années 1930. Les régulateurs américains
avaient alors jugé leurs notations suffisamment indépendantes pour les
intégrer dans les réglementations financières (voir Flandreau et
Gaillard [2009] pour une analyse plus détaillée) .

Les ratings dans les réglementations financières

Un premier recours aux notations en pleine dépression des années


1930

La premlere réglementation intégrant les notations des agences


apparaît le Il septembre 1931, à l'initiative de l'OCC (Office of the
Comptroller of the Currency, principale instance de réglementation
américaine à l'époque) . Ce texte préfigure déjà l'usage qui sera fait des
notations au cours des décennies suivantes.
Édictée à un moment où le marché obligataire américain est en
pleine dépression, cette réglementation stipule que toute banque
américaine doit désormais valoriser les titres qu'elle détient en
portefeuille en fonction de leur mting. D'une part, toutes les obligations
d'État américaines et les titres émis par les collectivités locales situées
aux États-Unis (quel que soit leur rating) , ainsi que toutes les autres
obligations notées dans l'une des quatre premières catégories de ratings
(Aaa, Aa, A et Baa pour Moody's ; A1+, Al, A et B1+ pour Standard
Statistics ; AAA, AA, A et BBB pour Fitch) sont comptabilisés dans les
bilans à leur valeur nominale. D'autre part, pour les titres ayant un
rating inférieur ou égal à Ba/Bl/BB, la valorisation se fait en fonction du
prix du marché, ce qui implique une décote. John W. Pole, alors
comptroller of tlze cu rrency, affirme que cette réglementation a pour
objectif d'éviter que des titres de « bonne qualité » ne se déprécient pour
des raisons simplement conjoncturelles (<< 75 % of bank bond valuations
safe », Wall Street Journal, 12 septembre 1931, p. 1 et p. 5).
Ce nouveau texte constitue l'aboutissement d'une pratique déjà
répandue depuis l'année précédente au sein des banques américaines (<<
Bond fluctuations ignored by banks », Wall Street Journal, Il septembre
1931, p. 10). Cet usage des ratings par les établissements de crédit
avant la réglementation du Il septembre 1931 est confirmé par
Osterhus [1931 , p. 67-68]. Les banques américaines avaient en fait mis
en place un indice global de qualité de leur portefeuille. L'établissement
déterminait d'abord le pourcentage de titres détenus dans chaque caté-
gorie de rating. Ces pourcentages étaient ensuite pondérés : 100 %
pour les titres notés AAA/ Aaa et AA/ Aa ; 90 % pour les A/A; 80 % pour
les BBB/Baa; 50 % pour les BB/Ba ; 10 % pour les B/B et enfin 0 % pour
tous les autres titres (ceux dont la note est inférieure ou égale à
CCC/Caa, les obligations en défaut, ou dépourvues de note ou encore
non listées). Le produit final indiquait l'indice global de qualité du
portefeuille de la banque.
Il convient de signaler que cette nouvelle réglementation suscite
assez peu de réactions: la presse financière n'y voit pas un changement
majeur (<< 75 % of bank bond valuations safe », Wall Street Joumal, 12
septembre 1931, p. 1 et p. 5) tandis que les milieux bancaires marquent
leur approbation (<< New York banks agree on values », Wall Street
Joumal, 31 décembre 1931, p. 10).
Une deuxième réglementation intégrant les notations des agences
est promulguée le 15 février 1936. Également initiée par l'OCC, elle
s'inscrit dans le cadre du Banking Act de 1935 qui prévoyait que le
comptroller of tlze currency pouvait limiter ou restreindre les achats
d' obligations effectués par les banques américaines. Ce nouveau texte,
qui ne s'applique pas aux obligations émises par l'État américain et ses
subdivisions administratives, stipule que l'achat de titres «
principalement » spéculatifs et de titres en défaut est désormais
interdit aux banques. Il ne précise toutefois pas la note plancher en
deçà de laquelle cette interdiction s'applique, se bornant à renvoyer aux
manuels des agences afin que les banquiers eux-mêmes distinguent ce
qui est « principalement » spéculatif de ce qui ne l'est pas. Il va jusqu'à
préciser qu'en cas d'incertitude les notations de deux agences sont
nécessaires. Ce flou peut être expliqué de plusieurs façons .
D' abord, il tient en partie au fait que les quatre grandes agences de
l'époque n'ont pas toutes établi une division claire entre titres Îlzvestment
grade et speculative grade. Certaines catégories demeurent hétérogènes,
englobant à la fois des titres clairement spéculatifs et des titres qui sont
conjoncturellement en difficulté mais dont le risque de défaut demeure
faible (voir chapitre II). Ensuite, la revue Tlle Americall Ballker a accentué
la confusion en certifiant que seuls les titres notés au moins A étaient
désormais éligibles (The Americall Bal1ker, vol. CI, n° 47, 27 février 1936,
p. 1), ce qui vient contredire la séparation établie par la
réglementation du Il septembre 1931. Enfin et surtout, l'OCC s'est
refusé à donner une définition précise de ce qu'est un titre spéculatif (<<
Comptroller unlikely to officially define "speculative" securities » , Wall
Street Journal, 29 avril 1936, p. 7). Il va même édulcorer sa propre
réglementation en admettant que les banques ont la possibilité d'acheter
des titres spéculatifs si elles peuvent démontrer que l'investissement en
question est sûr (<< Banks given more discretion in investments », Wall
Street Joumal, 23 mai 1936, p. 1).
Cette reculade de l'OCC est le résultat d'un intense lobbying de la part
des banquiers qui n'ont pas été convaincus par les arguments justifiant
le recours aux ratings par le manque de moyens dont les banques
disposeraient pour mesurer le risque d'insolvabilité des titres sur le
marché. Cet argument a été rejeté par les banquiers qui estiment que
non seulement les performances passées des agences ne plaident pas
en leur faveur (<< Security regulations opposed by bankers », Wall Street
Joumal, 25 juin 1936, p. 7), mais aussi que leur propre perception du
risque diffère considérablement de celle des agences (<< Bankers oppose
eligibility ru le for investments » , Wall Street Journal, 13 mars 1936, p.
1). On peut aussi supposer que ce texte a été d'autant plus mal perçu
qu'il est beaucoup plus radical que la réglementation du Il septembre
1931 : il édicte une interdiction d'une part, et impose une pratique qui
n'était absolument pas répandue jusque-là d'autre part. Il intervient
enfin dans un contexte de marché haussier, les prix des obligations du
secteur corporate notées A et Baa atteignant leur plus haut depuis la fin
de la Première Guerre mondiale.

La multiplication des réglementations intégrant les ratings

Durant les années d'après guerre, l'usage des notations dans les
réglementations financières va encore s'étendre. En 195 l , la NAIC
(National Association of Insurance Commissioners), instance
américaine du secteur des assurances, édicte une nouvelle
réglementation qui impose aux assureurs des charges en capital
supérieures pour tous les titres notés dans la catégorie spéculative. À
partir des années 1970, la SEC et d'autres organismes de supervision
américains vont promulguer de plus en plus de réglementations
reposant sur les notations . Celles-ci prennent le plus souvent deux
formes . Il s'agit soit de règles dans lesquelles les fonds propres exigés
des entités supervisées sont fonction des notations des titres qu'elles
ont dans leur portefeuille ; soit de normes qui limitent, voire
interdisent l'achat ou la détention de titres notés en dessous d'un
certain seuil (se reporter à Cantor et Packer [1994] pour une vision plus
complète du sujet).
Les réglementations financières incorporant les notations voient
également le jour en Europe, Asie et Amérique latine, aussi bien sous la
forme de règles pludentielles comparables à celles promulguées aux
États-Unis que de réglementations requérant la notation préalable des
émetteurs de dette [BRI, 2000] . Ce sont cependant les normes dites de
« Bâle II » qui consacrent définitivement le rôle de la notation dans les
réglementations financières.
Les accords de « Bâle 1/ » : la consécration des agences

Suite aux nombreuses faillites bancaires survenues dans les années


1980, en particulier aux États-Unis, les principaux gouvernements et
organismes de régulation des pays industrialisés décident de réviser les
réglementations bancaires internationales . Sous l'égide de la Banque
des règlements internationaux (BRI), ils mettent en place, en 1988, les
accords de « Bâle 1 » qui imposent aux banques certaines exigences en
fonds propres. Le ratio (dit « ratio Cooke ») qui détermine le
pourcentage de fonds propres est le résultat d'une pondération des
différents actifs des banques. Les créances sur les entreprises sont par
exemple pondérées à 100 %, tandis que celles sur les États dépendent de
leur statut : 0 % de pondération si l'État est membre de l'OCDE
(Organisme de coopération et de développement économiques) ou 100
% s'il n'en est pas membre. In fine, les fonds propres doivent représenter
au moins 8 % du montant total des actifs pondérés.
Ce « ratio Cooke » présente toutefois certaines limites ; ainsi, il
néglige trop le risque de crédit associé à l'actif détenu par la banque.
Par conséquent, plusieurs séries de réflexions sur la réforme du ratio de
solvabilité « Bâle 1 » se sont succédé au cours des années 1990 et 2000.
Elles ont abouti, en juin 2004, à la publication d'un nouvel accord sur
la convergence internationale de la mesure et des normes de fonds
propres, dit « Bâle II ». Cet accord a été mis à jour en novembre 2005
pour intégrer quelques compléments techniques avant d'entrer en
vigueur en janvier 2007 [BRI, 2005b].
« Bâle II » introduit de nouvelles méthodologies pour calculer le
capital réglementaire nécessaire pour couvrir le risque de crédit :
l' ancien critère pays membre de l'OCDE/pays non membre est ainsi
abandonné. À la place, deux approches sont proposées aux banques. La
première, dite « standardisée », consiste à utiliser les ratings des
agences pour déterminer le capital minimum exigé pour le risque de
crédit (voir tableau 15). Plus les notations sont basses, plus la
pondération appliquée est élevée et plus l'exigence en capital, c'est-à-dire
le coût implicite imposé aux banques, est élevée. La seconde approche,
dite IRB (intemal rating based), qui repose sur les ratings internes des
grandes banques, implique le calcul de la probabilité de défaut de
l'emplUnteur, de la perte en cas de défaut, de l'exposition au moment
du défaut et de la corrélation entre actifs pour déterminer les exigences
en fonds propres.
Tableau 15 . Système de pondération des actifs bancaires instauré
par les accords de Bâle Il

AAA à A+ à BBB+ à BB+ à B+ à ccc+ Non


AA- A- BBB- BB- B- et en noté
dessous
Souverains 0% 20 % 50% 100 % 100 % 150 % 100 %
Autres
entités
publiques 20 % 50 % 100 % 100 % 100 % 150 % 100 %
Banques 20% 50 % 100 % 100 % 100 % 150 % 100 %
Entreprises 20% 50 % 100 % 100 % 150 % 150 % 100 %
Titrisation 20% 50 % 100 % 350 % Déduction des fonds propres
de la banque

Source : auteur d'après BRI [2005b).

Il convient de noter que « Bâle II » intègre non seulement le risque


de crédit (qui compte pour 8S % de la pondération globale), mais
aussi le risque de marché (S %), qui englobe le risque de perte ou de
dévaluation sur les positions prises suite à des variations des prix (cours,
taux) sur le marché, et le risque opérationnel (10 %), qui renvoie au
risque de perte liée à des processus opérationnels, des personnes ou des
systèmes inadéquats ou défaillants ou à des événements externes. III
fille, les fonds propres exigés des banques constituent toujours au
minimum 8 % du montant de l'actif pondéré.
Ces nouvelles normes de « Bâle II » , qui font donc reposer la
pondération des actifs sur les notations, ont été critiquées avant même
leur entrée en vigueur. Les inquiétudes ont surtout porté sur les effets
procycliques de cette nouvelle réglementation : la pondération du risque
de crédit étant d'autant plus forte que les ratillgs des émetteurs sont bas,
la dégradation d'un émetteur augmente l'exigence en fonds propres des
banques prêteuses ou détentrices de titres et complique encore plus son
financement. Reisen [2003] estime par exemple que « Bâle II »
déstabilisera les flux de capitaux à destination des pays en
développement et renchérira le coût des emplunts pour les États notés
en catégorie spéculative. Dans la même optique, Kràussl [2003] considère
que l'usage exclusif des notations est susceptible d'accroître l'instabilité
des marchés financiers , voire de provoquer des risques systémiques.
Enfin, en appliquant ex post les règles prudentielles de « Bâle II » à la
Corée du Sud juste avant le déclenchement de la crise asiatique de 1997,
KnedIik et SU'obel [2006] montrent que la note trop élevée attribuée à ce
pays et les downgrades qui ont suivi auraient amplifié la crise.
Depuis la crise des subprimes, les critiques qui pourraient entamer le
plus sérieusement le pouvoir des agences sont celles qui remettent en
cause l'usage excessif des notations dans les réglementations financières
en raison de leurs effets procycliques dévastateurs en période de
retournement conjoncturel (se reporter en particulier à Sy [2009] et V.S.
Treasury [2009] sur ce sujet). Ces thèses reposent sur diverses études qui
ont prouvé l'impact des ratings sur les arbitrages des investisseurs.

L'impact des changements de notes sur le cours des actions


et des obligations

Le pouvoir des agences de notation se mesure également à l'aune de


l'impact qu' ont leurs abaissements et rehaussements de notes sur les
rendements obligataires et les prix des actions.

La notation souveraine

Cantor et Packer [1996b] ont été les premiers à analyser l'impact


des changements de notes souveraines de Moody's et S&P sur les spreads
pour la période 1987-1994. Ils démontrent que les upgrades et
downgrades ont un impact supérieur s'ils proviennent de Moody's et
s'ils concernent des États notés en speculative grade.
À partir d'une analyse des changements de ratÎngs et d'outlooks de
Fitch, Moody' s et S&P intervenus entre 1989 et 1997, Reisen et von
Maltzan [1999] montrent que les dégradations de notes ont une
influence sur les rendements du marché, contrairement aux upgrades
qui demeurent anticipés par le marché.
Une étude récente mesure l'impact immédiat des changements de
ratings souverains de trente-deux États émergents sur leurs spreads
EMBIG pour la période décembre 1993-février 2007 [Gaillard, 2009a]. Elle
analyse l'évolution des spreads au cours de la journée de cotation qui
suit le changement de notation (j + 1) afin de mesurer l'effet immédiat
des 180 upgrades et des 144 downgrades décidés par Fitch, Moody's et
S&P. Les principaux résultats de cette étude sont les suivants :
- l'impact moyen des changements de ratÎngs sur les rendements en j
+ 1 est supérieur à l'impact de l'évolution moyenne des spreads au cours
des soixante ou trente jours qui précèdent. Pourtant, cette évolution
anticipe les changements de notes à venir: les downgrades (upgrades)
étant logiquement précédés d'une hausse (baisse) des rendements;
- les downgrades (upgrades) conduisent en moyenne à des
augmentations (baisses) de primes de risque pour les trois agences;
- les effets d'un downgrade de la catégorie investissement à la
catégorie spéculative sont bien plus significatifs que ceux d'un upgrade
de la catégorie spéculative à la catégorie investissement;
- les upgrades de Moody's et les downgrades de S&P ont les impacts
les plus nets sur les spreads. Les changements de notes de Fitch semblent
être plus synchronisés avec le marché;
- l'impact des downgrades et des upgrades n 'est pas fonction de leur
nombre: les augmentations de notes de Moody's ont l'impact le plus
fort alors qu 'elles sont moins fréquentes que celles de Fitch et de S&P.
Ce résultat met donc en évidence l'importance du timing des
changements de notes.

La notation corporate

Iankova, Pochon et Teïletche [2006] ont analysé les effets des


changements de notes et des mises sous surveillance des trois grandes
agences sur les cours de Bourse des entreprises françaises, européennes et
américaines pour la période 1990-2004. Leur étude englobe, d'une part,
252 changements de notations pour la France, 549 pour l'Europe et 5
918 pour les États-Unis; d'autre part, 149 mises sous surveillance pour
la France, 265 pour l'Europe et 2 689 pour les États-Unis:
- pour ce qui est de la France, les downgrades et les mises sous
surveillance négatives conduisent en moyenne, pour les trois agences, à
une baisse du cours de Bourse au cours de la séance qui suit. En
revanche, le cours de Bourse a généralement augmenté trente jours
après l'abaissement de note ou la mise sous surveillance négative. Les
effets des upgrades sont eux beaucoup moins homogènes d'une agence à
l'autre. L'impact immédiat se traduit logiquement par une hausse du
cours de Bourse pour Fitch et Moody's seulement, alors que les effets à
trente jours montrent une baisse inattendue du cours pour S&P et
Moody's. Les mises sous surveillance positives se traduisent enfin par
une hausse des cours de Bourse pour les trois agences;
- les effets des changements de notes et des mises sous
surveillance des entreprises européennes sont comparables à ceux
trouvés pour les sociétés françaises ;
- les impacts des modifications de notes et mises sous surveillance
des firmes américaines présentent une forte homogénéité d'une agence
à l'autre. Les dowl1grades et mises sous surveillance négatives se
traduisent par une baisse du cours de Bourse pendant la séance qui suit,
puis par une stabilisation durant les semaines ultérieures. Les upgrades
ont un léger effet positif sur le cours en j + 1 puis ils aboutissent en
moyenne à une baisse des cours au cours des trois mois suivants. Les
mises sous surveillance positive des trois agences ont quant à elles un
impact positif très marqué sur le cours en j + 1 ; par la suite, le cours
tend à diminuer lentement.
Les différences de résultats notables d'un continent à l'autre peuvent
être imputables à la taille des échantillons considérés. Elles sont
également susceptibles de révéler une plus grande sensibilité des
acteurs de marché américains aux actions des agences de nota tion, et
en particulier aux mises sous surveillance.
Les résultats de Iankova, Pochon et Teïletche [2006] confirment les
travaux précédents de Hand, Holthausen et Leftwich [1992L Dichev et
Piotroski [2001] et Norden et Weber [2004] qui ont observé que les
décisions négatives des agences avaient un impact défavorable sur les
cours de Bourse, alors que leurs décisions positives étaient peu prises en
compte par les investisseurs.
Plusieurs hypothèses sont envisageables pour expliquer cette
asymétrie de comportement des actionnaires. Les upgrades, outlooks
positifs et mises sous surveillance positives sont peutêtre plus facilement
anticipés ou alors perçus certes comme un signe de l'amélioration de la
solvabilité de l'entreprise mais aussi comme un indice révélant la faible
prise de risque du management. Les décisions positives des agences
refléteraient par exemple un recours insuffisant à l'effet de levier
susceptible de créer de la valeur pour l'actionnaire. Cette explication
serait cohérente avec les analyses de Goh et Ederington [1993] qui
montraient que les downgrades dus à une dégradation de la situation
financière étaient suivis d 'une chute des cours, contrairement aux
abaissements de notes causés par des effets de levier.

La notation des obligations structurées

Ammer et Clinton [2004] ont réalisé l'une des rares études mesurant
l'impact des modifications de notations sur les rendements des
obligations stlUcturées pour la période 1997-2003. Ils ont analysé les
effets de près de 1 300 downgrades et upgrades décidés par Moody' s et
S&P sur les obligations américaines adossées à des actifs. Leurs résultats
montrent que les abaissements de notes entraînent une augmentation
des spreads en moyenne supérieure à celle enregistrée pour les
obligations souveraines et c01porate. L'impact des downgrades est
particulièrement fort pour les obligations stlUcturées qui glissent en
caté- gorie spéculative. À l 'inverse, les rehaussements de notes
demeurent le plus souvent sans effet sur les rendements.
Mancini et Teï1etche [2006] ont mené une étude semblable pour les
obligations structurées européennes sur la période 1999-2005 . Leur
conclusion établit une fois de plus que l'impact des downgrades est bien
supérieur à celui des upgrades.
In fine, quel que soit le secteur de la notation considéré (titres
souverains, titres c01porate, produits structurés), les changements de
ratings influent sur l'évolution des prix des actifs financiers (cours
boursier ou obligataire). De nombreuses études empiriques ont plus
précisément démontré que si les décisions positives (upgrades, mises sous
surveillance positives, outlooks positifs) ont souvent des effets
indéterminés sur les prix des actifs, les décisions négatives des agences
(downgrades, mises sous surveillance négatives, outlooks négatifs) se
traduisent par une baisse des prix; le passage en catégorie spéculative
étant généralement très pénalisant pour les émetteurs concernés. Ce
dernier résultat découle partiellement de l'existence des réglementations
financières instituant la séparation investment grade/ speculative grade
ainsi que des règles plUdentielles mises en place par les banques et
autres fonds d 'investissement eux-mêmes en vue de limiter ou
d 'interdire la détention de titres notés dans la catégorie spéculative.
Néanmoins, les diverses règles incorporant les notations ne sauraient
expliquer l'impact constaté des mises sous surveillance, qui laisse
supposer que les acteurs de marché cherchent avant tout à anticiper les
changements de notes.
Quelles sont les véritables limites des agences ?

Ce dernier chapitre nous conduit à conclure que les trois faiblesses


fondamentales des agences sont les conflits d'intérêts qui ont miné leur
crédibilité, leur incapacité à appréhender le risque de crédit des produits
structurés, et la confiance excessive que leur ont accordée les régulateurs
et les investisseurs depuis deux décennies.
Les conflits d'intérêts sont largement imputables aux agences qui
n 'ont pas su ou voulu cloisonner leur processus de notation des
discussions portant sur les commissions versées par les émetteurs. La «
surnotation » des produits structurés est en partie la conséquence des
conflits d'intérêts mais elle s'explique également par la sophistication
et la complexité accrues de l'ingénierie financière. Enfin, la
multiplication des réglementations financières intégrant les notations a
certes influencé les investisseurs et accentué l'ampleur des cycles
haussiers et baissiers, mais elle a également contribué à
déresponsabiliser les acteurs de marché, qui ont eu de plus en plus
tendance à se fier exclusivement aux ratings et à délaisser leurs propres
analyses du risque de crédit.
Conclusion

Depuis l'essor du capitalisme et le développement des marchés de


capitaux, les investisseurs disposent d'assez peu de moyens pour trier le
bon grain de l'ivraie et acquérir des titres obligataires qui ne feront pas
défaut.
Au XIX' siècle, acheter des titres originés par une grande banque
d ' affaires à la réputation solidement établie, telle la maison Rothschild,
était un gage de sécurité. À partir de l'entre-deux-guerres, la montée en
puissance des banques commerciales adossées à de vastes réseaux de
distribution a contribué à brouiller les cartes. Certains grands
établissements ont en effet été de plus en plus tentés d ' originel' des
titres de moindre qualité, renonçant de facto à leur réputation en
échange de commissions juteuses. L'émergence des agences de notation
à la même époque permit de résoudre ce conflit d'intérêts, mais
seulement provisoirement [Flandreau, Flores, Gaillard et Nieto-Parra,
2009].
L'intégration des ratings dans les réglementations financières et la
sacralisation de la catégorie illvestmellt grade ont progressivement
modifié les comportements à la fois des investisseurs et des émetteurs de
dette. Les investisseurs ont cherché systématiquement à anticiper les
changements de notes et même de perspective. De leur côté, les
émetteurs ont bien compris qu 'ils devaient influencer les agences en
vue d'obtenir des notations plus élevées. La technique de la
titrisation leur a permis d'atteindre cet objectif en diluant de façon
plus ou moins imperceptible le risque de crédit. La faillite des analyses
quantitatives des agences et les conflits d'intérêts qui ont miné leur
processus de notation ont couronné le tout.
À défaut de pouvoir revenir à l'époque antérieure aux années 1970 où
les agences étaient rémunérées via la vente de leurs publications aux
investisseurs, il convient de prendre toutes les mesures réglementaires
nécessaires pour éradiquer les conflits d'intérêts et faire en sorte que les
notations redeviennent des mesures objectives et indépendantes, avant
tout au service des investisseurs.
La crise actuelle remet également en cause la logique de delegated
monitoring qui a prévalu au cours des trois dernières décennies. Les
autorités chargées de superviser les marchés financiers aussi bien que
les investisseurs eux-mêmes ont inconsidérément laissé la mesure du
risque de crédit dépendre des seules agences de notation, semblant
ignorer qu 'un rating n 'est qu'une opinion parmi d'autres. Les instances
nationales et internationales de supervision financière devraient donc à
l'avenir réduire le nombre de réglementations incorporant les notations.
Les banques et les fonds d 'investissement ont quant à eux intérêt à «
réinternaliser » la fonction de risque de crédit, gagnant de facto en
indépendance et contribuant à diversifier les opinions des acteurs
financiers sur les marchés.
Enfin, les agences de notation doivent se montrer à la hauteur d' un
des principaux défis de la décennie 2010 : l'irrémédiable détérioration
de la solvabilité de plusieurs pays industrialisés. Les plans de relance
mis en place en 2008-2009 ont en effet sérieusement alourdi le fardeau
de la dette de la plupart des pays développés . Cette dette sera
difficilement soutenable pour certains États, tels les pays du Sud de
l'Europe, qui, faute de parvenir à se réformer et de disposer d'une assise
fiscale solide, sont condamnés à voir leur notation fléchir au cours
des prochaines années .
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Table des matières

1ntrod uction

1 l 'industrie de la notation
Le renseignement financier. ancêtre de la notation
Les acteurs de la notation
Les débuts de la notation,
Une industrie oligopolistique dominée par trois agences depuis les années
1940,

Le mode de rémunération des agences


lusqu ' aux années 1970, des revenus tirés des investisseurs,
Depuis les années 1970, des revenus tirés des émetteurs de dette,
o Encadré : Les commissions perçues par les agences une source de revenus lucrative,

Il Définition, interprétation, typologie et modalités


d'attribution des notations
Qu'est-ce qu'une notation?
La notation, opinion indépendante,
La notation, mesure d'un risque de défaut.
o Encadré : Risque de liquidité et risque de solvabilité,

La signification des échelles de notation


Des années 1910 aux années 1940 une uniformisation progressive des échelles,
L'après-guerre et l' élargissement des échelles,
o Encadré : La comparabilité des ratmgs,
La discrimination investment grade/speculative grade,
o Encadré QI/el avenir pour les" all'Jes déchus» ?
La question de la notation du défaut souverain,
Les notes de recouvrement lancées par Fitch,

Les différents concepts intervenant dans les méthodologies de


notation
La perspective de notation,
La mise sous surveillance,
Les notes à court terme,
Notes en monnaie étrangère et notes en monnaie locale,
Les notes sur échelle nationale,
Le « plafond pays )' ,
Modalités d'attribution et de retrait d'une notation
Le processus de notation,
Le retrait d 'une note,

III La notation des entités publiques


Les États
L' appréciation du risque souverain avant l'apparition de la notation,
o Encadré Risque souverain et risque pa ys,

Naissance et esso r de la notation souveraine dans l'entre-deux-guerres,


Une notation souveraine en léthargie pendant un demi-siècle,
o Encadré La crise souveraine des années 1930,
La renaissance de la notation souveraine à partir des années 1970,
Les déterminants des notations souvera ines,
o Encadré : L es primes de risque du marché comme Ulle m esure altemative du risque
souverain,

La not ation spécifique des pays en déve loppement.


La stabilité et la fiabilité des notes souveraines malgré plusieurs crises,
Les collectivités locales
o Encadré : L es écarts de IlOtes d'ulle agence à ['autre quelles conclusions en tirer ?
Les collectivités locales américaines,
Les collectivités locales non américaines,

IV La notation des entités privées


Les entreprises
1909-1940 : trente années de notation corporate américaine ponctuées par une crise
maleure,
o Encadré 1909 : les premières nota tio1lS de l'hisloire,
1941 -1969: trois décennies marquées par des taux de défaut corporate
particulièrement bas,
Depuis 1970 : le retour du risque de crédit et l'explosion du nombre d'émetteurs
notés,

o Encadré La descente aux enfers de General Motors,


Les déterminants des notations du secteur corporate,
o Encadré Lexique des principaux concepts fi1lanciers utilisés par les age1lces,

Les produits structurés


Comment est noté un produit structuré ?,
Les racines de la crise des subpnmes,
L'action procycl ique des agences,
Les banques
Les méthodologies de notation bancaire,
La crise bancaire de 2007-2008,
Crise des subprimes, crise bancaire quelles leçons t irer?
o Encadré: Les banqlles françaises (ace à la crise de 2007-2008.

V Forces et faiblesses des agences


La fiabilité des notes
Réputation des agences et conflits d'intérêts
Une réglementation tardive. d'abord soucieuse de créer un club de happy few.
Une prise de conscience tout aussi tardive des conflits d'intérêts.
La crédibilité des agences à l'épreuve de la crise des subprimes,
Les conflits d'intérêts enfin au coeur des préoccupations des régulateurs depuis
2008,
Les ratings dans les réglementations financières
Un premier recours aux notations en pleine dépression des années 1930,
La multiplication des réglementations intégrant les ratings,
Les accords de « Bâle Il » : la consécration des agences,
L'impact des changements de notes sur le cours des actions et des
obligations
La notation souveraine,
La notation corporate.
La notation des obligations structurées,
Quelles sont les véritables limites des agences?

Conclusion

Repères bibliographiques
Collection

,
R E p E R E s
créée par
MICHEL FREYSSENET et OLIVIER PASTRË (en 1983),
diligée par
JEAN-PAUL Pl RIOU (de 1987 à 2004), pllis par PASCAL COMBEMALE,
avec STÉPHANE BEAUD, ANDRË CARTAJ>ANIS, BERNA RD CULASSE, FRANÇOISE DREYFUS,
CLAIRE LEMERCIr.R, YANNICK L ' HORTY, PHIurPE LORINO, DOMINIQUE MERLLlË, MICHEL RAINELLI et
CLAIRE ZALC.

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GRANDS REPÈRES

Classiques

R E P ÈRE 5
La formation du couple. Te~tes
esselltiels pour la sociologie de la
(amille, Michel Bozon et François
Héran.
Invitation .. la sociologie,
Peter L. Berger.
Un sociologue il l'usine. Textes
esseutiels pOlir la sociologie du
travail, Donald Roy.

Dictionn aires

R E P ÈRE 5
Dictionnaire de gestion,
ËlleCohen.
Dictionnaire d' analyse
économique, lIlicroéconolllie,
lIlacroécollomie, tlléorie des jellx,
etc., Bernard Guerrien .
Guide s

R E P ÈRE 5
L'art de la thèse. COllllllentpr~parer
et rédiger 11/1 méllloire de lIlaster, IIne
t1lèse de doctorat ou tOlit a litre
travaillilliversitaire à 1ère du Net,
Michel Beaud.
Comment parler de la société.
Artistes, éC/lvai/ls, cl1erchel/rs et
représelltatiolls sociales,
Howard S. Becker.
Comm ent se fait l'histoire.
Pratiques et el/jel/x,
François Cadiou,
Oarisse Coulomb, Anne Lemonde
et Yves Santamaria.
La comparaison dans les sciences
sociales. PratilJlles et métllOdes,
Cécile Vigour.
Faire de la sociologie. Les gra/ldes
eHql/Ues (ra/lçaises dep l/is 1945,
Philippe Masson.
Les fice lles du métier. Comment
cO/ldl/irt sa reellerclle eH scie/lcl!'
sociales, Howard S. Becker.
Le gout de l' observation .
Comprendre et pratiql/er
l'obsen'atiol"l participa/lte ni sciences
sociales, Jean Peneff.
Guide de l'enquete de terrain,
St~phane Beaud et
Florence Weber.
Guide des méthodes de
l'archéologie, Jean-Paul Demoule,
François Giligny, Anne Lehoerff et
Alain Sdmapp.
Guide du stage en entreprise,
Michel Villette.
Manuel de journalisme. Écrire pOl/r
leJOI/Inal, Yves Agn~s .
Voir, comprendre, analyser les
images, Laurent GerveJ·eau.

Manuels

R E P ÈRE S
Analyse macroéconomique 1.
Analyse macroéconomique 2.
, 7 auteurs sous la direction de
Jean-Olivier Ilairault.
Consommation et modes de vie
en France. Une approche
économiqlle et sociologiqlle sllr 1/11
demi-siècle, Nicolas Ilerpin
et Daniel Verger.
Déchiffrer l' économie, Denis
Clerc.
L' explosion de la
communication.l/ltroductio/l allx
théories et al/X pratiqlles de la
comrllllll ication, Philippe Breton
et Serge Proul".
Les grandes questions
économiques et sociales,
Pascal Combemale (dir.).
Une histoire de la comptabilité
nationale, Andre Vanoli.
Histoire de la psychologie en
France. XIX'-XX' siècles, J. Carroy,
A Ohayon et R. Plas.
Introduction aux sciences de
l'information, Jean-Michel Salaun
et Clément Arsenault (dir.).
Macroéconomie flnanciue,
Michel Aglietta.
La mondialisation de l'é conomi e.
Ge/lèse et problèmes, Jacques Adda.
Nouveau manuel de science
politiqu e, Antonin Cohen,
Bernard Lacroix, Philippe Riutolt
(di r ).
La th éorie économique
néoclasslque. Microéconomie,
macroéco /lomie et théorie des JellX,
Emmanuelle Bénicourt et
Bernard Guerrien.
Composition Facompo, Lisieux (Calvados).
Dépôt légal: février 201 0
* Les références entre crochets renvoient a la bibliographie en fm d 'ouvrage.

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