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Rhinites d'origine médicamenteuse –

Introduction
Définition et classification
Médicaments en cause
Mécanismes d'action et physiopathologie
Inflammation nasale induite par l'aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens
Mécanisme neurogène  des antagonistes alpha- et bêta-adrénergiques
Décongestionnants nasaux
Rôle du chlorure de benzalkonium
Diagnostic clinique et histologique
Prise en charge thérapeutique
Conclusion

Introduction
Depuis l'avènement des premiers décongestionnants nasaux, les chercheurs et cliniciens n'ont
cessé de s'interroger sur la responsabilité de tels médicaments dans la recrudescence des rhinites
médicamenteuses. Bien que le diagnostic ne soit pas facile à poser, la rhinite médicamenteuse
représenterait un motif fréquent de consultation auprès d'un ORL ou d'un allergologue (entre 1 %
et 9 %). Les adultes jeunes et les sujets de 40-50 ans seraient les plus touchés [1]. De nombreux
autres médicaments d'usage courant peuvent être à l'origine de rhinites. Leur responsabilité est
souvent difficile à prouver. Le diagnostic étiologique d'une rhinite chronique impose de connaître
la liste des médicaments pris par le patient.

Définition et classification
Selon les recommandations de la Société française d'ORL, les rhinites médicamenteuses font
partie du groupe des rhinites chroniques. La classification proposée définit la rhinite chronique
médicamenteuse comme une rhinite chronique non allergique non inflammatoire et d'origine
extrinsèque [2]. Cependant, d'une part, l'intrication entre les différents types de rhinites chroniques
est possible et, d'autre part, les rhinites médicamenteuses donnent le plus souvent lieu à une
inflammation locale.

De plus, la littérature anglo-saxonne intègre à cette classification une nuance sémantique


importante en regroupant deux entités bien distinctes au sein des rhinites médicamenteuses [3, 4] :

• « drug-induced rhinitis » fait référence aux rhinites induites par n'importe quel type de médicaments (antihypertenseurs,
anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS], hormones, psychotropes, décongestionnants nasaux) ;

• « rhinitis medicamentosa » est une sous-catégorie de « drug-induced rhinitis ». Ce type de rhinite est secondaire à un type
de médicament particulier, les décongestionnants nasaux en utilisation prolongée.

Afin de conserver cette distinction en français, nous utiliserons par la suite les termes de «  rhinites
d'origine médicamenteuse » pour « drug-induced rhinitis », et « rhinites médicamenteuses » pour
« rhinitis medicamentosa » (Figure 1).

Médicaments en cause (Tableau 1, Tableau 2)


Parmi les médicaments pouvant être responsables du développement d'une rhinite d'origine
médicamenteuse ont été décrits les antihypertenseurs, les inhibiteurs de phosphodiestérase de
type 5, certaines hormones de synthèse, l'aspirine et certains anti-inflammatoires, des
psychotropes et la gabapentine. Les rhinites médicamenteuses sont liées à l'usage prolongé des
décongestionnants nasaux.
Enfin, certains topiques nasaux comme les vasoconstricteurs et les glucocorticoïdes pourraient
entraîner des modifications structurales de la muqueuse nasale par l'intermédiaire de leur
composition en chlorure de benzalkonium [5].

Mécanismes d'action et physiopathologie


Quatre grands mécanismes physiopathologiques ont, à ce jour, été identifiés.

Inflammation nasale induite par l'aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens


L'inhibition des cyclo-oxygénases (particulièrement les COX-1) induite par l'aspirine et les AINS
oriente le métabolisme vers la voie des lipo-oxygénases. Ainsi, la synthèse des leucotriènes est
augmentée, principalement celle des leucotriènes C4. Ce phénomène est à l'origine d'une
intolérance à l'aspirine, retrouvée dans le syndrome de Widal dans lequel s'associent asthme
allergique, polypose nasale et intolérance à l'aspirine [3].

Mécanisme neurogène des antagonistes alpha- et bêta-adrénergiques


Le mécanisme neurogène est retrouvé de façon caractéristique avec les antihypertenseurs
sympatholytiques (par exemple la clonidine et la méthyldopa). Les voies aériennes supérieures
sont innervées par des fibres sympathiques et parasympathiques. À ce niveau sont présents deux
médiateurs, la noradrénaline et le neuropeptide Y. Le blocage du système sympathique induit par
les sympatholytiques entraîne une régulation négative du système sympathique. Paradoxalement,
la chute du taux de noradrénaline et de neuropeptide Y au niveau des vaisseaux de la muqueuse
nasale est responsable d'une congestion accompagnée d'une rhinorrhée [3].

Décongestionnants nasaux
La muqueuse nasale présente à sa surface des récepteurs alpha- et bêta-adrénergiques. Plusieurs
hypothèses sont avancées pour expliquer l'effet rebond à l'origine de la rhinite médicamenteuse et
de la dépendance [1, 6] :

• première hypothèse : la stimulation répétée des récepteurs alpha-2 entraînerait une vasoconstriction intense responsable
d'une ischémie de la muqueuse avec œdème interstitiel ;

• deuxième hypothèse : les récepteurs alpha-2 subiraient une régulation négative à l'origine d'une relative dilatation et d'un
effet tachyphylaxique responsable du besoin croissant des décongestionnants. Ce phénomène serait plus marqué avec
les imidazolés qui sont prioritairement agonistes alpha-2 ;

• troisième hypothèse : les amines sympathomimétiques, bien que prioritairement agonistes alpha-2, ont une affinité non
négligeable pour les récepteurs bêta-adrénergiques. La stimulation de ces derniers entraîne une vasodilatation, survenant
dans un second temps lorsque l'effet alpha est épuisé.

Aucune preuve n'a jamais réellement été démontrée, mais il est certain que l'ensemble de ces
phénomènes physiopathologiques sont étroitement intriqués. De plus, il ne faut pas oublier la part
plus ou moins importante de la maladie sous-jacente dans la congestion nasale qui a initialement
motivé la prescription de topiques nasaux.

Rôle du chlorure de benzalkonium


L'implication du chlorure de benzalkonium, ammonium quaternaire utilisé comme agent
antibactérien dans certains sprays nasaux (Tableau 2), est fortement suspectée, notamment pour
entraîner un épaississement de la muqueuse nasale et favoriser la rhinite médicamenteuse [5].

Diagnostic clinique et histologique


Le diagnostic d'une rhinite d'origine médicamenteuse repose sur l'interrogatoire et les signes
cliniques.
La rhinite médicamenteuse liée à l'usage prolongé des décongestionnants nasaux repose sur une
histoire typique. Elle s'installe très fréquemment au décours d'une infection virale. La congestion
nasale induite par l'infection motive fréquemment l'utilisation de décongestionnants nasaux. Le
bénéfice remarqué en début de traitement n'est que très limité dans le temps puisque la
congestion nasale tend à se majorer en quelques jours. Ainsi, un cercle vicieux s'installe et le
patient est obligé d'augmenter la fréquence d'utilisation des topiques nasaux ainsi que le nombre
de pulvérisations par prise. Une dépendance s'installe. L'utilisation des décongestionnants nasaux
devrait se limiter à cinq jours. En pratique, cette période est largement dépassée, conduisant à
une surconsommation de ce type de produit et à des difficultés de sevrage. Même si la preuve
clinique n'est pas complètement établie, l'arrêt tardif de ces topiques nasaux entraîne un effet
rebond de la congestion nasale à l'origine de la rhinite médicamenteuse. Malgré l'absence de
critères cliniques spécifiquement identifiés, la rhinite médicamenteuse peut se définir par une
congestion nasale persistante et isolée, sans rhinorrhée, ni éternuement [7]. À l'examen, la
muqueuse nasale est inflammatoire, rouge et épaissie, avec une congestion bilatérale des cornets
inférieurs. Il existe des espaces de muqueuse terne. À plus long terme, cette rhinite peut évoluer
vers une atrophie de la muqueuse et une sécheresse nasale.

Le diagnostic d'une rhinite liée à l'action d'autres médicaments est plus difficile. L'imputabilité du
médicament suspecté doit être prouvée. La survenue de la rhinite doit succéder à la prise du
médicament avec une phase de latence plus ou moins importante selon le type de médicaments.
La preuve de l'imputabilité repose méthodologiquement sur la régression des signes après éviction
mais également sur la réapparition de la symptomatologie lors de la réintroduction du
médicament. La décision de l'éviction doit être prise après avoir éliminé une autre cause de rhinite
notamment allergique. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques. La présence d'une rhinorrhée
séreuse antérieure et/ou postérieure, plus ou moins abondante, est souvent retrouvée alors que la
congestion nasale est plus rarement présente [2].

En ce qui concerne les rhinites médicamenteuses liées aux décongestionnants, des anomalies
histologiques sont souvent retrouvées avec une perte ciliaire et une dénudation des cellules
épithéliales. À cela s'ajoute une réaction inflammatoire avec infiltration de cellules inflammatoires
et la présence d'un œdème interstitiel. L'épaississement muqueux visible macroscopiquement est
également mis en évidence en histologie, accompagné de zones hémorragiques ponctuelles. À
l'inverse, pour les autres rhinites d'origine médicamenteuse, la muqueuse nasale a dans la
majorité des cas un aspect normal [3].

Prise en charge thérapeutique


À ce jour, il n'existe aucune recommandation sur la prise en charge des rhinites d'origine
médicamenteuse. Toutefois, la littérature s'accorde sur certaines grandes lignes thérapeutiques à
suivre.

Devant la suspicion d'une rhinite d'origine médicamenteuse, il convient en première intention


d'arrêter le médicament incriminé. Néanmoins, l'arrêt seul de ce médicament ne suffit souvent pas
à enrayer la rhinite. Aussi, l'adjonction d'une corticothérapie est fortement conseillée. La
corticothérapie nasale permet de diminuer l'inflammation, l'œdème et donc la congestion nasale.
Il est recommandé de commencer par une pulvérisation dans chaque fosse nasale une fois par
jour. Si le patient reste toujours symptomatique après quelques jours, les doses pourront être
augmentées à raison de deux pulvérisations dans chaque fosse nasale deux fois par jour. Le
traitement doit être poursuivi sept jours après la fin des symptômes. Une étude de 2010,
randomisée en double aveugle, a permis de mettre en évidence le bénéfice clinique des
corticoïdes. Dix-neuf patients sains ont été traités par de l'oxymétazoline 200 g, trois fois par jour
pendant 14 jours. Puis ils ont reçu dans un second temps 200 μg de fluticasone deux fois par jour
pendant trois jours. La corticothérapie a permis d'éliminer l'effet tachyphylaxique induit par le
décongestionnant nasal grâce à l'augmentation de l'expression des récepteurs alpha-
adrénergiques [8]. En deuxième intention, l'utilisation d'un antihistaminique H1 par voie nasale
(azélastine) est possible si la congestion nasale entraîne une gêne majeure. Il n'y a cependant pas
d'indication à la voie orale pour ce type de traitement [3].
Conclusion
Les rhinites d'origine médicamenteuse peuvent être induites par l'utilisation de médicaments
variés. Parmi eux, les décongestionnants nasaux sont responsables d'une forme particulière de
rhinite appelée « rhinite médicamenteuse ». Malgré des découvertes récentes, la connaissance des
phénomènes physiopathologiques reste incomplète. Il faut toutefois noter l'implication du
benzalkonium, agent conservateur présent dans certains topiques nasaux, dans les rhinites
médicamenteuses. En effet, les dommages causés par ce produit ne devraient pas être sous-
estimés et renforcent les recommandations de bonne pratique clinique en invitant à limiter
l'utilisation dans le temps de ces médicaments. La prise en charge d'une rhinite d'origine
médicamenteuse impose l'arrêt du traitement en cause ainsi que l'adjonction d'une corticothérapie
nasale de courte durée. Même si la fluticasone a prouvé son bénéfice dans l'amélioration de la
congestion nasale, il serait intéressant de la comparer à d'autres corticoïdes locaux n'ayant pas
dans leur composition de benzalkonium.

Figure 1 : 

Arbre décisionnel. Place des rhinites d'origine médicamenteuse au sein des rhinites chroniques.

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.


Figure 1 : 

Arbre décisionnel. Place des rhinites d'origine médicamenteuse au sein des rhinites chroniques.

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.

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