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Remplissage vasculaire et autres techniques de correction

volémique 
Introduction
Rappels de physiologie
Physiologie cardiovasculaire
Objectifs du remplissage vasculaire
Différents types de solutés de remplissage
Généralités sur les différents solutés de remplissage
Cristalloïdes isotoniques
Solutés hypertoniques
Colloïdes
Remplissage vasculaire en pratique
Critères cliniques d'efficacité
Monitorage du remplissage vasculaire
Intérêt des catécholamines
Cas concret du choc hémorragique
Vasopresseurs et réservoir veineux non contraint
Conclusion
Déclaration de liens d'intérêts

Introduction
Le remplissage vasculaire correspond à l'apport intraveineux de solutés (cristalloïdes,
colloïdes, produits sanguins labiles, etc.) afin de corriger une hypovolémie. La volémie,
correspondant au volume sanguin total circulant (plasma et éléments figurés), est un
déterminant majeur du débit cardiaque. Sa valeur normale est comprise entre 65 et 75 ml/kg.
La mesure exacte du volume sanguin total n'est pas réalisable en routine (nécessité
d'utilisation d'isotope radioactif). En pratique, l'évaluation de la volémie est assimilée à
l'évaluation de la précharge ventriculaire. L'hypovolémie peut être soit absolue, correspondant
alors à une diminution de la masse sanguine totale de l'organisme (hémorragie,
déshydratation extracellulaire, séquestration dans un troisième secteur, etc.), soit relative,
lorsque la masse sanguine totale est inchangée mais sa répartition modifiée entraînant alors
une diminution du volume sanguin dans le compartiment central avec diminution du retour
veineux. Le bénéfice attendu d'un remplissage vasculaire est l'amélioration du transport
artériel en oxygène par l'augmentation des débits sanguins régionaux via l'augmentation du
débit cardiaque. Le concept de remplissage vasculaire a beaucoup évolué au cours de ces 15
dernières années avec l'émergence de la notion de titration du remplissage [1, 2] (fluid-
challenge), avec les restrictions d'utilisation d'un certain nombre de solutés de remplissage
compte tenu de leurs effets secondaires [3, 4] et avec l'apparition de nouveaux indicateurs afin
de prédire la réponse au remplissage vasculaire [5].

Rappels de physiologie

Physiologie cardiovasculaire
Notion de précharge et précharge-dépendance
La précharge d'un ventricule correspond à la tension pariétale télédiastolique (tension exercée
sur sa paroi pendant la diastole), et dépend du remplissage ventriculaire et donc du retour
veineux. Selon la loi de Frank-Starling appliquée au ventricule gauche, pour un niveau donné
de post-charge (force s'opposant à l'éjection du cœur) et de contractilité, une augmentation de
la précharge ventriculaire entraîne ou non une augmentation du volume d'éjection systolique
(VES) (Figure 1). La courbe reliant le VES et la précharge cardiaque est curvilinéaire et
comprend schématiquement deux parties :

•une portion ascendante de précharge-dépendance, où une faible augmentation de précharge est


responsable d'une augmentation significative du VES ;
•une portion horizontale en « plateau », où une augmentation de précharge n'entraîne pas
d'augmentation significative du VES (précharge-indépendance). Sur cette phase de plateau,
l'apport de soluté n'augmente pas le débit cardiaque et est susceptible d'entraîner des effets
indésirables [6].
Lorsque la fonction ventriculaire gauche est altérée, la « zone » de précharge-dépendance est
significativement réduite, voire inexistante. La fenêtre thérapeutique du remplissage vasculaire
est alors très étroite.

Interactions cardiopulmonaires
En respiration spontanée, la pression inspiratoire intrathoracique est négative (en lien avec la
dépression exercée par la contraction diaphragmatique) et génère un mouvement de flux d'air
générant un volume courant. En ventilation mécanique le régime de pression est inversé  : la
génération du volume courant est due à une pression positive intrathoracique en lien avec
l'insufflation par le ventilateur.

Variations du débit cardiaque induites par la ventilation mécanique


La ventilation mécanique en pression positive induit des modifications cycliques du VES
ventriculaire gauche par quatre mécanismes différents.

L'augmentation inspiratoire de la pression intrathoracique entraîne une diminution de la


précharge ventriculaire droite [7] et une augmentation de post-charge ventriculaire droite [8].
Ces deux mécanismes aboutissent à une diminution du volume d'éjection ventriculaire droit à
l'inspiration. Cette baisse du volume d'éjection ventriculaire droit lors de l'inspiration a pour
conséquence une diminution de la précharge ventriculaire gauche quelques cycles cardiaques
plus tard (temps de transit pulmonaire) lors de l'expiration [9]. La diminution de précharge
ventriculaire gauche expiratoire est responsable d'une diminution du VES ventriculaire gauche
en cas de précharge-dépendance. Ainsi la ventilation mécanique entraîne des variations
cycliques du VES ventriculaire gauche, d'autant plus marquées si les deux ventricules
travaillent sur la portion ascendante de la courbe de Frank-Starling.

Système veineux : notion de volume contraint et non contraint


Le système veineux a pour principale fonction d'assurer le retour du sang de la périphérie au
cœur. La majorité du volume sanguin circulant est contenue dans le système veineux (environ
75 %). Au sein du système veineux, le volume sanguin se répartit schématiquement en deux
secteurs distincts (Figure 2) : environ 30 % en volume sanguin contraint
(hémodynamiquement actif) et environ 70 % en volume non contraint (hémodynamiquement
inactif). Ce « réservoir » de sang non contraint peut être mobilisé à tout moment par
veinoconstriction afin de restaurer ou de majorer le retour veineux [10].
Le gradient moteur du remplissage vasculaire est représenté par la différence de pression
entre la pression systémique moyenne (PSM) et la pression dans l'oreillette droite (POD). La
pression systémique moyenne (7 à 12 mmHg) dépend de la capacitance du réservoir veineux
et du volume contraint. Une chute du débit cardiaque par hypovolémie peut donc être due à
une diminution du volume contraint (hypovolémie vraie) ou modification de la capacitance du
réservoir veineux (hypovolémie relative). Ce rationnel physiologique explique l'intérêt des
catécholamines dans les situations d'augmentation isolée de la capacitance du réservoir
veineux où l'augmentation du débit cardiaque ne dépend pas d'un apport de fluide même en
cas de précharge-dépendance.

Transport artériel en oxygène (TaO2)


Le transport artériel en oxygène se définit comme le produit du contenu artériel en oxygène
(CaO2) et du débit cardiaque (DC). En négligeant l'oxygène dissous dans le plasma, le contenu
artériel en oxygène peut être approximé par la formule suivante :
CaO2 = 1,34 × [Hb] × SaO2
La constante 1,34 correspond au pouvoir oxyphorique de l'hémoglobine, c'est-à-dire la
quantité d'oxygène transportée par 1 g d'hémoglobine saturée.

En situation physiologique, la consommation en oxygène (VO 2) est indépendante du transport


en oxygène (Figure 3). Lors de la survenue d'un état de choc, des mécanismes compensateurs
sont mis en route afin de préserver les apports tissulaires en oxygène soit par l'augmentation
du transport artériel en oxygène par l'augmentation du débit cardiaque, soit par
l'augmentation de l'extraction périphérique d'oxygène. Lorsque les mécanismes adaptatifs sont
dépassés, le transport artériel en oxygène diminue jusqu'au seuil critique (transport artériel en
oxygène critique) à partir duquel la consommation en oxygène devient linéairement
dépendante du transport artériel en oxygène. Une hypoxie cellulaire s'installe alors et aboutit à
un métabolisme cellulaire anaérobique avec génération de lactates.
Les capacités d'adaptation à la défaillance cardiocirculatoire dépendent néanmoins de la
réserve physiologique propre à chaque patient. Ainsi à un niveau comparable d'hypoperfusion
tissulaire, les conséquences en termes de dysfonction d'organes, de pronostic vital et
fonctionnel ne sont pas les mêmes chez un sujet jeune sans comorbidité et chez un sujet âgé
polypathologique.

Objectifs du remplissage vasculaire


Le bénéfice du remplissage vasculaire est triple :

•augmentation du débit cardiaque par augmentation du retour veineux ;


•augmentation de la pression systémique moyenne ;
•augmentation de la délivrance tissulaire en oxygène.
Chez un patient hypovolémique, le remplissage vasculaire permet une augmentation du retour
veineux et du volume d'éjection ventriculaire gauche. Il s'ensuit une augmentation du débit
cardiaque et du transport artériel en oxygène. Pour qu'une épreuve de remplissage vasculaire
entraîne une augmentation du débit cardiaque, il faut que l'apport de soluté entraîne une
augmentation du gradient moteur veineux (Figure 2) et qu'il existe une réserve de précharge
ventriculaire (portion ascendante de la courbe de Frank-Starling) (Figure 1).
Lors d'une insuffisance circulatoire aiguë, la rapidité avec laquelle les objectifs
hémodynamiques sont restaurés conditionne le pronostic du patient [11]. L'efficacité de la prise
en charge est jugée sur la régression des signes cliniques d'hypovolémie et l'augmentation de
la délivrance en O2 aux tissus, authentifiés par : la correction d'une hypotension artérielle
(objectif général de pression artérielle moyenne [PAM] ≥ 65 mmHg), la reprise d'une diurèse
et la réduction de la fréquence cardiaque. Une fois les première mesures d'urgence
entreprises, il faut pouvoir par la suite rapidement préciser les mécanismes responsables de
l'insuffisance circulatoire aiguë et l'étiologie de l'état de choc afin d'optimiser les
thérapeutiques entreprises (remplissage, vasopresseurs, inotropes, etc.).
En cas de choc hypovolémique non hémorragique, le traitement repose principalement sur
l'expansion volémique par cristalloïdes puisque le déficit hydrosodé en est la cause [12]. En
pratique, il est communément admis de perfuser rapidement 1 à 2 l de cristalloïdes par des
épreuves de remplissage successives de 250 ml en dix minutes. Il faut privilégier l'emploi de
solutés balancés afin de prévenir la survenue d'une acidose métabolique.
En cas de choc hypovolémique hémorragique [13], les cristalloïdes sont recommandés en
première intention dans l'attente de la transfusion de produits sanguins labiles. L'utilisation de
colloïdes à base d'hydroxy-éthyl-amidon (HEA) ne doit s'envisager que lorsque l'utilisation des
cristalloïdes seuls est inefficace pour maintenir la volémie. L'usage de noradrénaline peut être
intéressant pour obtenir plus rapidement la PAM cible. À la phase initiale, dans l'attente d'un
contrôle du saignement, il faut respecter un certain degré d'hypotension artérielle afin de
limiter l'élévation de la pression hydrostatique à l'intérieur des vaisseaux qui entraîne une
augmentation du saignement et empêchant la formation du caillot [14, 15] (notion « d'hypotension
permissive », PAM comprise entre 50 et 60 mmHg avant arrêt du saignement puis 65 mmHg
une fois l'hémostase réalisée). C'est pour cela que tant que le saignement n'est pas contrôlé, il
faut limiter le remplissage au strict maintien des objectifs de pression artérielle recommandés
(low-volume fluid resuscitation). Chez le patient cérébrolésé, il faut obtenir une PAM comprise
entre 80 et 90 mmHg afin d'optimiser la pression de perfusion cérébrale. Dans tous les cas, la
prise en charge d'un état de choc hémorragique repose sur une stratégie transfusionnelle
précoce, la prévention de la coagulopathie post-traumatique et l'arrêt précoce du saignement.

Différents types de solutés de remplissage


Généralités sur les différents solutés de remplissage
L'intégralité des solutés de remplissage vasculaire (cristalloïdes et colloïdes) a pour base une
solution contenant du chlorure de sodium (NaCl) [16]. L'utilisation préférentielle d'un produit
donné tient compte de plusieurs critères : l'espace de diffusion et le pouvoir d'expansion
volémique théorique du soluté, le degré d'altération du glycocalyx et de la membrane
capillaire, l'étiologie de l'hypovolémie mais aussi des indications et contre-indications des
différents solutés (coagulopathie, origine du saignement, etc.). Après son administration
intraveineuse, un soluté va se répartir dans les différents secteurs hydriques de l'organisme en
fonction de gradients de pressions hydrostatiques et/ou osmotiques.
Les solutions glucosées (pures ou avec adjonction de chlorure de sodium) ne sont pas des
solutés de remplissage vasculaire car une fois perfusées, elles diffusent librement dans les
différents compartiments de l'organisme. Ainsi, lorsque l'on perfuse 1000 ml de glucosé à 5 %,
seulement 70 ml restent dans le secteur vasculaire.

Les solutions cristalloïdes (Tableau 1) ont quant à elles un espace de distribution plus restreint
puisqu'il est limité au secteur extracellulaire (intravasculaire et interstitiel). Cependant, après
l'injection de 1000 ml d'une solution de chlorure de sodium à 0,9 %, seul un faible
pourcentage (20 à 25 %) de cette solution reste dans le secteur intravasculaire. L'expansion
volémique à partir de ces solutions cristalloïdes se fait donc au prix d'une augmentation
importante du secteur interstitiel.
En l'absence d'altération du glycocalyx et de la membrane capillaire, les macromolécules
(Tableau 2) ne diffusent que peu de part et d'autre de la paroi vasculaire et retiennent, par
des interactions moléculaires, l'eau dans le secteur vasculaire. Les solutions colloïdales riches
en macromolécules (molécules de haut poids moléculaire) ne diffusent théoriquement pas ou
peu à travers la paroi vasculaire et restent ainsi dans le secteur vasculaire. L'avantage
théorique des macromolécules est donc de réduire le volume de remplissage vasculaire
nécessaire en restant dans le secteur intravasculaire et en déplaçant le liquide du secteur
interstitiel vers le secteur intravasculaire par augmentation de la pression oncotique. Mais
cette augmentation de pression oncotique peut également devenir néfaste. Par exemple au
niveau rénal, en réduisant le différentiel de pression motrice entre la pression hydrostatique
glomérulaire et la pression oncotique intravasculaire, les macromolécules entraîneraient une
diminution du débit de filtration glomérulaire et favoriseraient l'apparition d'une insuffisance
rénale. Un autre risque rapporté des macromolécules est l'accumulation dans les tissus suite à
des modifications chimiques. Par exemple, l'hydroxylation des amidons contenus dans les HEA
entraîne leur accumulation dans les tissus comme la peau, les reins ou le foie [17, 18].

Cristalloïdes isotoniques
Sérum salé à 0,9 %
Le sérum salé dit « isotonique » (chlorure de sodium à 0,9 %) a en réalité une osmolarité de
306 mOsm/l (153 de Na+ et 153 de Cl-). Il est donc légèrement hyperosmolaire par rapport au
plasma (285 mOsm/l). La perfusion de sérum salé permet de compenser rapidement une
hypovolémie mais seulement de manière transitoire. En effet, une heure après l'administration
de chlorure de sodium, seulement 25 à 30 % du volume administré persiste dans le secteur
vasculaire. La majorité du soluté aura diffusé dans le secteur interstitiel (70 à 75 %)
entraînant une surcharge hydrosodée interstitielle. Il faut noter que le pouvoir d'expansion
volémique du sérum salé isotonique dépend également de la sévérité de l'hypovolémie. Plus
l'hypovolémie initiale est importante et plus la fuite extravasculaire est faible compte tenu d'un
faible delta de pression hydrostatique entre le compartiment vasculaire et interstitiel. Ce faible
delta de pression persiste tant que la volémie est basse. Le pouvoir d'expansion des
cristalloïdes se trouve donc d'autant plus renforcé que l'hypovolémie initiale est sévère (en
l'absence de phénomène de fuite capillaire par altération de la barrière endothéliale).
L'utilisation exclusive du sérum salé isotonique comme soluté de remplissage vasculaire peut
exposer en cas de perfusion massive au risque d'acidose métabolique hyperchlorémique par
apports exogènes excessifs de chlore [19, 20]. La perfusion de chlorure de sodium 0,9 % est la
cause la plus fréquente d'acidose métabolique en réanimation et en médecine
périopératoire [21, 22]. L'hyperchlorémie induite est responsable de nombreuses conséquences
délétères dans l'organisme : coagulopathies [23], activation des cascades inflammatoires [24],
hyperkaliémies de transfert [25] et altère également la fonction rénale [26, 27, 28] (vasoconstriction
de l'artère afférente et des artères intrarénales entraînant une diminution de la perfusion
rénale corticale). La perfusion de solutés dits « balancés » pourrait réduire le risque d'acidose
hyperchlorémique et les conséquences néfastes qui y sont associées [29].

Solutés balancés
Les solutions balancées (Ringer Lactate, Isofundine®) regroupent les produits de remplissage
dont la concentration en électrolytes est proche de celle du plasma et dont les apports chlorés
sont substitués par du lactate, de l'acétate ou du malate. L'utilisation de solutions balancées
permettrait de diminuer le taux d'hyperchlorémie, d'acidose métabolique sévère [30] et le taux
d'insuffisance rénale [27]. Ils contiennent différents ions comme du potassium, du calcium et du
magnésium. L'apport potassique est faible (4 à 5 mmol/l soit moins de 0,4 g/l) et n'entraîne
pas d'hyperkaliémie même en cas de remplissage massif [31]. L'apport de calcium protège de
l'hypocalcémie de dilution (facteur protecteur de coagulopathie) en cas de remplissage massif.
La seule limite à l'utilisation de certains solutés balancés vient de leur caractère hypo-
osmolaire. C'est le cas principalement du Ringer Lactate qui avec son osmolalité inférieure à
celle du plasma (277 versus 285 mOsm/l) pourrait favoriser la constitution d'œdème cérébral
chez les cérébrolésés. Ce risque n'est pas retrouvé avec l'Isofundine® (osmolalité de
304 mmol/l).

Solutés hypertoniques
L'utilisation de solutions hypertoniques (osmolarité supérieure à celle du plasma ;
> 300 mOsm/kg) a été développée il y a une trentaine d'années (concept de small volume
resuscitation) [32, 33]. Le soluté de référence est le sérum salé hypertonique (SSH) à 7,5  %. Le
pouvoir d'expansion volémique du SSH à 7,5 % est élevé, environ huit fois plus important que
celui du sérum salé isotonique. Ses effets hémodynamiques sont liés à la mobilisation
liquidienne endogène : il existe un transfert de liquide à partir du secteur intracellulaire et
interstitiel vers le compartiment vasculaire. Ainsi les effets hémodynamiques théoriques des
solutés hypertoniques sont nombreux : effet inotrope positif (action sur les échangeurs Na +-
Ca2+) ; augmentation du débit cardiaque (augmentation de la précharge ventriculaire droite) ;
augmentation des conditions de perfusion et d'oxygénation régionales (vasodilatation
artériolaire précapillaire) ; amélioration de la pression de perfusion cérébrale (diminution de la
pression intracrânienne) ; action anti-œdémateuse cérébrale (hyperosmolarité plasmatique et
déshydratation intracellulaire).
Cependant, l'efficacité clinique de l'approche du small volume resuscitation est incertaine.
L'utilisation de SSH permet effectivement de corriger plus rapidement le statut
hémodynamique (pression artérielle et débit cardiaque) des patients mais l'effet sur la survie
n'est pas démontré [34]. Les dernières études chez les patients en état de choc sont
contradictoires [35, 36, 37]. Les SSH pourraient être bénéfiques dans l'optimisation hémodynamique
des cérébrolésés [38, 39]. Mais une limite est à apporter chez ces patients chez qui
l'hypernatrémie induite par l'osmothérapie doit être brève et contrôlée (< 150 mmol/l) afin de
ne pas devenir délétère à son tour [40, 41].

Colloïdes
Les colloïdes actuellement utilisés sont : l'albumine, les HEA et les gélatines. Les dextrans ne
sont plus utilisés compte tenu de leurs effets allergisants et du risque de coagulopathies
induites.

Albumine, colloïde naturel


L'albumine, protéine d'environ 65 kDa et de synthèse exclusivement hépatique, est la protéine
la plus abondante du plasma (environ 60 % du total des protéines plasmatiques). Elle joue un
rôle primordial dans la distribution des fluides de l'organisme en étant responsable de plus de
80 % de la pression osmotique totale intravasculaire, et possède donc des propriétés
théoriques d'expansion volémique importantes. L'albumine aurait également un rôle d'anti-
oxydant plasmatique [42] en captant des substances pro-oxydantes (métaux, hème, bilirubine)
et d'immunomodulateur par modification des propriétés physicochimiques leucocytaires et
endothéliales [43] ou encore par diminution de la synthèse de cytokines pro-inflammatoires [44].
Récemment, une étude physiopathologique a démontré un effet bénéfique de l'albumine sur la
dysfonction endothéliale chez des patients septiques [45].
Les solutions à base d'albumine sont les premières solutions colloïdales à avoir été utilisées.
Elles sont disponibles en deux concentrations : 4 ou 5 % iso-oncotique et 20 %
hyperoncotique. Depuis les restrictions d'utilisation des HEA, l'albumine est fréquemment
utilisée comme soluté de remplissage vasculaire. Il existe des bénéfices théoriques à
l'utilisation d'albumine : un pouvoir d'expansion volumique élevé (80 % pour l'albumine 4 %
et 300 % pour l'albumine 20 %), un effet rémanent dans le temps (demi-vie longue), une
fonction de ligand permettant l'épuration et le transport de certaines substances
(médicaments, toxines, métabolites, etc.), un rôle anti-oxydant et anti-inflammatoire.
Cependant, aucune étude ou méta-analyse récente n'a démontré la supériorité de l'albumine
par rapport aux autres solutés d'expansion volumique en termes de mortalité ou de défaillance
d'organe [46, 47]. Son utilisation est même associée à un mauvais pronostic chez les traumatisés
crâniens [48]. Son seul intérêt véritablement documenté réside dans la réduction de la quantité
de fluide administrée [49, 50] et son utilisation comme soluté de remplissage est actuellement
recommandée chez les patients hypoprotidémiques sévères (protides < 35 g/l), chez les
patients cirrhotiques et en cas de contre-indications aux autres colloïdes, comme la femme
enceinte par exemple.

Hydroxy-éthyl-amidon
Les HEA sont fabriqués à partir d'extrait d'amidon de maïs et sont ainsi composés de
polymères de glucose de haut poids moléculaire. Il existe une certaine résistance à l'hydrolyse
de ces molécules de haut poids moléculaire expliquant ainsi leurs propriétés osmotiques
persistantes dans le temps. En effet, leur hydrolyse est conditionnée par différents paramètres
expliquant ainsi les différences de demi-vie plasmatique des différents HEA : plus l'hydrolyse
est ralentie plus la dégradation des polymères de glucose en petit fragment éliminable par le
rein est lente, augmentant ainsi la demi-vie plasmatique de ces molécules.

Les différents paramètres influençant la vitesse d'hydrolyse sont (Tableau 3) :

•le poids moléculaire de l'HEA : plus il est élevé, plus l'hydrolyse est longue ;
•le taux de substitution molaire qui correspond au rapport molaire des concentrations
d'hydroxyéthyle et de glucose ;
•la position du groupement hydroxyéthyle sur les molécules de glucose en C2 et C6 (rapport
C2/C6) : l'hydroxylation en C2 offre une plus grande résistance à la dégradation enzymatique ;
•la concentration en molécules d'HEA dans le soluté (exprimée en %).
Il faut cependant noter qu'une hydrolyse ralentie entraîne une accumulation d'HEA et donc une
augmentation des effets indésirables (coagulopathie par inhibition du facteur VIII [51] et
insuffisance rénale par accumulation et néphrose osmotique) [52, 53]. De nombreux essais
cliniques ont comparé l'utilisation des colloïdes de nouvelle génération (HEA type 130/0,4 ;
130 = poids en kDa ; 0,4 = taux de substitution molaire ; ex : Restorvol® ou Voluven®) aux
cristalloïdes chez les patients de réanimation en état de choc (hypovolémique ou septique) et
n'ont pas démontré d'effet bénéfique des colloïdes en termes de réduction de mortalité (à j28
et j90) ou de diminution du taux de défaillance d'organe [54]. Au contraire, d'autres études ont
retrouvé un effet rénal délétère chez les malades présentant un sepsis [55] et chez ceux
relevant d'une hospitalisation en réanimation [56] avec une augmentation du taux d'épuration
extrarénale dans le groupe colloïde. Les dernières méta-analyses ont confirmé l'effet délétère
des HEA sur la fonction rénale (surcroît de recours à la dialyse par rapport à un cristalloïde)
ainsi qu'une surmortalité [57, 58]. Compte tenu de ces résultats, une mise au point de la
commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) [4] a modifié en octobre
2014 l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des HEA, en restreignant leurs utilisations à
la prise en charge des hypovolémies dues à des pertes sanguines aiguës, et seulement en
deuxième intention (c'est-à-dire, après échec des cristalloïdes seuls).
Depuis cette mise au point, de nouvelles études ont été publiées pour essayer de déterminer
le risque réel de l'utilisation de faibles doses d'HEA de « troisième génération » (faible
concentration et bas poids moléculaire) notamment dans le cadre de la prise en charge
précoce des chocs hémorragiques [59, 60, 61] et celles-ci ne semblent pas montrer de risque rénal
accru.

Gélatines
Les gélatines sont des colloïdes de synthèse polypeptidiques obtenus par hydrolyse de
collagène osseux de bœuf et d'élimination rénale. Les solutions de gélatine à 4 % sont
isotoniques et iso-osmotiques, leur demi-vie est de quatre heures et elles permettent une
obtention plus rapide des objectifs hémodynamiques qu'avec un cristalloïde seul [62]. Les
récentes restrictions d'utilisation des HEA ont entraîné un regain d'utilisation des gélatines
malgré des risques allergisants, de coagulopathie induite [63, 64] et selon les dernières études, un
risque accru d'insuffisance rénale aiguë [65]. L'administration actuelle par défaut des gélatines
ne repose sur aucun argument scientifique et ne devrait pas avoir lieu d'être.

Dextrans
Les dextrans sont des polysaccharides d'origine bactérienne (Lactobacillus, Leuconostoc
mesenteroides) de poids moléculaire variable (40 à 70 kDa). Ils ne sont plus du tout utilisés
de nos jours compte tenu des troubles majeurs de la coagulation induits [66] (altération de
l'agrégabilité plaquettaire et allongement du temps de saignement) et de leurs effets
allergisants [64] (l'utilisation de dextran imposait l'administration concomitante d'un bloqueur de
l'haptène afin de réduire la survenue de chocs anaphylactiques liés à la formation de
complexes haptène-dextran).

Remplissage vasculaire en pratique


Critères cliniques d'efficacité
Les signes cliniques d'hypovolémie dépendent de la cause, de la durée, de la sévérité de
l'hypovolémie ainsi que de l'efficacité des mécanismes compensateurs. Les signes cliniques
d'hypovolémie (Tableau 4) sont cependant tardifs et évoquent une hypovolémie déjà avancée.
Afin de faciliter le diagnostic et la prise en charge des états de choc hypovolémiques, la notion
de seuil de pression artérielle a disparu des dernières recommandations européennes [67] et la
seule présence de signes d'hypoperfusion tissulaire périphérique suffit à porter le diagnostic
d'état de choc, quel que soit le niveau de pression artérielle. La survenue d'une hypotension
artérielle est tardive au cours du choc hypovolémique. Elle est précédée par une tachycardie
qui représente déjà un signe d'alerte.
La présence de signes d'insuffisance circulatoire aiguë dans un contexte clinique évident
d'hypovolémie (hémorragie aiguë avérée, déshydratation aiguë, brûlure étendue, sepsis
sévère, etc.) fait peu de doute quant au bénéfice de l'expansion volémique.

La régression des signes cliniques d'insuffisance circulatoire aiguë après remplissage


vasculaire témoigne de l'efficacité des mesures entreprises. De surcroît, de plus en plus
d'auteurs proposent d'utiliser ces paramètres cliniques d'hypoperfusion tissulaire pour guider
le remplissage vasculaire plutôt que les marqueurs de précharge-dépendance qui ne
s'accompagnent pas toujours d'une dysfonction d'organe [68, 69]. Au final, il ne faut pas opposer
ces deux stratégies d'optimisations hémodynamiques, basées l'une sur les signes de
précharge-dépendance (approche macrocirculatoire) et l'autre sur les signes d'hypoperfusion
périphérique (approche microcirculatoire). Ces deux stratégies sont complémentaires : les
signes d'hypoperfusion tissulaire étant témoins d'une souffrance d'organe et les signes de
précharge-dépendance permettant d'en déterminer l'origine hypovolémique.

Monitorage du remplissage vasculaire


Le monitorage du remplissage vasculaire est essentiel afin d'en juger l'efficacité et d'éviter les
complications en lien avec un remplissage excessif. La question est de prédire si un patient va
bénéficier du remplissage vasculaire, c'est-à-dire si cet apport liquidien va entraîner une
augmentation du VES ; autrement dit si le patient est en état de précharge-dépendance.

Deux grandes stratégies existent afin d'étudier la précharge-dépendance :

•la titration du remplissage vasculaire ;


•la prédiction au remplissage vasculaire.
Ces stratégies nécessitent toutes un monitorage du VES, limitant leurs utilisations aux
urgences ou en préhospitalier.

Techniques de monitorage du volume d'éjection systolique


Celles-ci regroupent des techniques invasives et non invasives.

Parmi les techniques non invasives, la principale est l'échocardiographie transthoracique (ETT).
Celle-ci s'est imposée au cours des dernières années comme un outil diagnostique et de
surveillance incontournable au cours des états de choc. Elle permet : une évaluation rapide de
la fonction cardiaque, l'élimination des autres causes de défaillance circulatoire aiguë
(défaillance ventriculaire gauche, cœur pulmonaire aigu, tamponnade, etc.) et l'estimation de
la volémie. Le recours à l'ETT permet de réduire la quantité de fluide administrée mais surtout
de diminuer la mortalité des patients [70]. Actuellement, l'ETT représente le gold standard pour
le diagnostic et la surveillance hémodynamique des états de choc [67]. Le diagnostic
d'hypovolémie sévère est le plus souvent évident en échocardiographie lorsque la baisse du
retour veineux est telle que le remplissage des cavités cardiaques est insuffisant. On peut
donc évoquer une hypovolémie sur des critères visuels qualitatifs simples tels qu'une
hyperkinésie ventriculaire avec fraction d'éjection ventriculaire gauche augmentée ou des
surfaces télésystoliques collapsiques (aspect de kissing heart) [71]. L'ETT permet une estimation
indirecte du VES par la mesure de l'intégrale temps-vitesse (ITV) au niveau de la chambre de
chasse du ventricule gauche. En l'absence de valvulopathie aortique, celle-ci en est une très
bonne estimation. Il est également possible de déterminer les pressions de remplissage
ventriculaires gauches grâce à des indices statiques tels que l'analyse du flux transmitral
(rapport E/E' avec onde E obtenue en Doppler pulsé et onde E' obtenue en Doppler
tissulaire) [72] ou l'étude des variations respiratoires du diamètre de la veine cave inférieure
(VCI) en respiration spontanée (pression dans l'oreillette droite < 5 mmHg si collapsus
inspiratoire VCI > 50 %) et contrôlée (pression dans l'oreillette droite < 10 mmHg si diamètre
VCI < 12 mm) [73, 74]. Ces indices statiques sont des indicateurs de précharge et non de
précharge-dépendance. Ainsi ils n'ont d'intérêt que pour des valeurs très basses (hypovolémie
sévère). Dans les situations moins caricaturales, les indices statiques sont des mauvais
critères prédictifs de réponse au remplissage vasculaire. On utilise alors des critères
dynamiques, par exemple basés sur les interactions cardiorespiratoires. En ETT, une variation
respiratoire de plus de 12 % des pics de vélocité aortiques ou de leur intégrale (ITV sous-
aortique au niveau de la chambre de chasse) constitue un index prédictif de réponse à
l'expansion volémique [75]. De façon similaire, l'index de distensibilité de la VCI est un critère
prédictif fiable de réponse au remplissage vasculaire (index de distensibilité de la VCI
> 18 %) [76, 77].
Parmi les autres techniques de monitorage non invasives, il convient de citer le Doppler
transœsophagien. Cette technique permet par l'introduction d'une sonde œsophagienne de
capter le flux Doppler de l'aorte thoracique descendante et d'en calculer l'ITV, permettant
d'estimer le VES, le flux aortique correspondant à environ 70 % du débit cardiaque.

Les techniques invasives sont également nombreuses. La première, qui correspond au gold
standard du monitorage hémodynamique, est la sonde de Swan-Ganz. Celle-ci permet la
mesure du débit cardiaque par une technique de thermodilution et la mesure des pressions
gauches. Cependant sa difficulté de mise en place et d'interprétation on fait peu à peu
abandonner cette technique pour des méthodes plus simples.

Celles-ci sont basées le plus souvent sur le monitorage du VES par des techniques d'analyse
du contour de l'onde de pouls à partir d'un cathéter artériel permettant un monitorage continu.
Elles peuvent être calibrées par une technique de thermodilution transpulmonaire (injection
d'un bolus froid par un cathéter veineux central et analyse de la courbe de thermodilution au
niveau artériel) permettant une mesure de référence du débit cardiaque. Ces techniques sont
également utilisables de manière « non calibrée » c'est-à-dire par l'utilisation d'un algorithme
de calibration automatique fourni par le constructeur. Dans ce dernier cas, bien que la valeur
absolue du VES soit moins fiable, l'étude des variations est suffisante pour guider une
stratégie d'optimisation hémodynamique [78, 79].

Titration de la réponse au remplissage vasculaire


Actuellement, en dehors des situations caricaturales, le principe de maximalisation du débit
cardiaque via le remplissage vasculaire passe par une titration des apports liquidiens pour
déterminer, en limitant le risque de surcharge, la valeur maximale du débit cardiaque. Une fois
cette valeur atteinte, il faut stopper le remplissage vasculaire pour éviter toute surcharge
hydrique et ne le reprendre que lorsque le débit redescend en dessous de cette valeur
maximale. Bien sûr, cette attitude ne s'entend que si les variations de débit sont en rapport
avec des variations de retour veineux. Cette approche a été facilitée par l'apparition de
nouvelles techniques de monitorage moins invasives et par l'utilisation de protocoles simplifiés
d'optimisation hémodynamique. On pourrait ainsi citer les recommandations de la Société
française d'anesthésie et de réanimation [2] sur l'optimisation hémodynamique périopératoire,
qui proposent une titration du remplissage par bolus liquidiens de 250 ml couplée à la mesure
du VES (Figure 4). L'absence d'augmentation du VES en réponse à un remplissage vasculaire
témoigne que le plateau de la courbe de fonction cardiovasculaire a bien été atteint et que
l'apport liquidien doit être interrompu pour éviter toute surcharge hydrosodée [80]. Nous
pourrions également citer la Surviving Sepsis Campaign qui recommande la poursuite du
remplissage vasculaire tant que les paramètres hémodynamiques s'améliorent [81].
La problématique de cette stratégie est celle de l'administration potentielle de bolus
« inutiles » (si le patient est non répondeur) pouvant être pourvoyeurs de surcharge. C'est
pourquoi certains auteurs ont développé le concept du mini-fluid challenge dont le principe est
d'estimer la précharge-dépendance par la perfusion rapide d'un petit volume. Cette technique
a démontré son efficacité en réanimation et au bloc opératoire [82].
Prédiction de la réponse au remplissage vasculaire
Plutôt que de titrer la réponse au remplissage, il est possible d'en prédire l'efficacité potentielle
grâce aux techniques de prédiction.

Les plus anciennes sont basées sur l'interaction cœur-poumon au cours de la ventilation
mécanique et par étude de la variabilité respiratoire de la pression artérielle invasive [83, 84].
Différents paramètres ont été validés (Figure 5) :

•variations respiratoires de la pression pulsée (δPP ≥ 12 %) représentant les variations


respiratoires du VES [85] ;
•variations respiratoires de la pression artérielle systolique (δdown ≥ 5 mmHg) après une pause
téléexpiratoire (pour obtenir pression artérielle systolique de référence) [86].
Cependant, ces techniques nécessitent un grand nombre de critères pour leur validité à
savoir : une ventilation mécanique en volume contrôlé avec un volume courant réglé à plus de
8 ml/kg de poids idéal théorique, l'absence d'arythmie, un thorax fermé, etc. L'ensemble de
ces facteurs limite l'utilisation de ces marqueurs en pratique clinique du fait d'un grand
nombre de patients chez qui ils sont ininterprétables.

En ventilation mécanique, la réalisation d'une occlusion téléexpiratoire permet également de


prédire la réponse à une expansion volémique. L'interruption de la ventilation en pression
positive entraîne une augmentation de la précharge cardiaque et donc du débit cardiaque chez
les patients précharge-dépendants (augmentation δPP > 5 % après occlusion téléexpiratoire
de 15 s) [87]. Ce test est très intéressant car contrairement à l'utilisation du δPP seul, il est
utilisable en cas d'arythmie, d'activité respiratoire spontanée ou de compliance du système
respiratoire basse [88, 89].
D'une autre façon, toujours chez les patients en ventilation mécanique, la réalisation d'une
manœuvre de recrutement alvéolaire permet également de prédire la réponse au remplissage.
En effet, une diminution du VES de plus de 30 % lors de l'application d'une pression positive
de 30 cmH20 pendant 30 secondes permet cette prédiction [90].
La manœuvre posturale de lever de jambe passif [91] (patient demi-assis, en proclive à 45̊ , puis
bascule du lit pour l'incliner de 45̊ ; attention : ne pas lever manuellement les jambes du
patient, en effet le contact entraîne une stimulation sympathique pouvant biaiser l'épreuve)
permet de reproduire les effets cardiovasculaires d'un remplissage vasculaire d'environ 300 ml
en mobilisant le sang des membres inférieurs et de la circulation mésentérique vers le thorax.
Ainsi en monitorant les effets de ce « remplissage » sur le VES, il est possible d'estimer la
précharge-dépendance (Figure 6) [92, 93]. Cette dernière technique présente l'avantage de
l'utilisation chez des sujets en ventilation spontanée.

Intérêt des catécholamines


Cas concret du choc hémorragique
Nous avons montré qu'en cas d'hypovolémie par spoliation sanguine, la restauration coûte que
coûte du débit cardiaque par apport de soluté pouvait être néfaste en cas de perfusion
massive de cristalloïdes (au-delà de 1500 ml) par l'hémodilution et la fragilisation du caillot
fibrinocruorique nouvellement formé qui en découlent. Et cela, même s'il existe toujours une
part d'hypovolémie efficace. Le contrôle de la pression artérielle passe alors par un recours
précoce aux amines vasopressives en complément d'une expansion volémique raisonnée. De
plus, lors du choc hémorragique, la baisse de la pression artérielle est liée à la spoliation
sanguine mais aussi à une vasoplégie multifactorielle (inflammation secondaire au choc et au
traumatisme tissulaire, drogues sédatives vasoplégiques, etc.). Dans l'attente du contrôle du
saignement, une réanimation efficace d'un état de choc hémorragique doit donc passer dans
un premier temps par un remplissage vasculaire raisonné puis par l'ajout secondaire de faibles
doses de vasopresseurs. Ce vasopresseur aura pour but de maintenir une PAM cible et de
pouvoir poursuivre un remplissage vasculaire titré pour éviter l'apparition d'effets indésirables
sur l'hémostase.

Vasopresseurs et réservoir veineux non contraint


Une grande partie du volume vasculaire non contraint se situe dans le système splanchnique
et constitue un véritable réservoir de sang rapidement mobilisable. Il a été décrit qu'en cas
d'hypovolémie, plus de 800 ml de sang (soit environ deux tiers du réservoir sanguin
splanchnique) pouvaient être redistribués dans la circulation systémique [94]. Ce réservoir
veineux splanchnique peut facilement être mobilisé par l'administration de vasopresseur
compte tenu de la forte densité de récepteurs adrénergiques (α1, α2, et β2) entraînant une
veinoconstriction splanchnique (α1, α2) et une vasodilatation veineuse hépatique (β2). Cette
mise en jeu du réservoir splanchnique réalise un véritable remplissage vasculaire like par
diminution de la capacitance veineuse entraînant une augmentation du volume contraint et de
la pression systémique moyenne et donc du retour veineux. En cas de stimulation α-
adrénergique pure (par exemple : néosynéphrine) et de situation de précharge-indépendance,
on assiste à une diminution du débit cardiaque par augmentation des résistances veineuses
hépatosplanchniques conduisant à une diminution du retour veineux et par augmentation de la
post-charge ventriculaire [95, 96]. La noradrénaline, par son activité α-adrénergique, induit
également une veinoconstriction intense (peu vasoconstrictrice artérielle). Elle possède
également une activité β1-adrénergique qui tend à augmenter l'inotropisme cardiaque. Cet
effet inotrope est surtout présent pour de faibles doses d'utilisation de noradrénaline. En cas
d'utilisation d'un vasopresseur pour mobilisation du réservoir veineux non contraint, il faut
donc utiliser préférentiellement la noradrénaline. Actuellement, en périopératoire, la
noradrénaline à faible concentration (10 μg/ml) est de plus en plus utilisée (boli répétés ou
perfusion continue à la seringue électrique) en lieu et place de l'éphédrine [97] et de la
néosynéphrine [98, 99] afin d'obtenir à la fois une mobilisation du territoire veineux non contraint,
une diminution de la résistance au retour veineux, une augmentation de l'inotropisme
cardiaque et une élévation modérée de la post-charge ventriculaire.

Conclusion
Les bénéfices attendus de la correction d'une hypovolémie par l'expansion volémique sont
multiples : augmentation du débit cardiaque par augmentation du retour veineux et
augmentation de la pression systémique moyenne permettant in fine une augmentation de la
délivrance tissulaire en oxygène par l'augmentation du débit cardiaque. La rapidité avec
laquelle ces objectifs hémodynamiques sont atteints conditionne le pronostic du patient. Le
choix du soluté de remplissage ainsi que les modalités d'administration sont primordiaux.
Actuellement, il est recommandé d'utiliser des solutés cristalloïdes en première intention dans
la correction d'une hypovolémie aiguë. L'emploi de vasopresseurs doit être précoce une fois les
objectifs volémiques atteints afin d'améliorer le pronostic des patients. De plus, les
vasopresseurs, par leur activité vasopressive intrinsèque, peuvent se comporter comme de
véritables « épreuves de remplissage like » par mobilisation du réservoir veineux non
contraint.

Déclaration de liens d'intérêts


les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts en relation avec cet article.

Résumé
Toute situation d'hypovolémie, qu'elle soit absolue (diminution de la masse sanguine totale de
l'organisme) ou relative (diminution du retour veineux par diminution du volume sanguin dans le
compartiment central) doit être corrigée le plus rapidement possible afin d'éviter les
conséquences délétères d'une hypoperfusion tissulaire prolongée. Les objectifs d'un remplissage
vasculaire sont donc de restaurer une volémie efficace ainsi que de corriger le transport et la
délivrance tissulaire en oxygène par l'augmentation des débits sanguins régionaux via
l'augmentation du débit cardiaque. Lors d'une insuffisance circulatoire aiguë, la rapidité avec
laquelle les objectifs hémodynamiques sont restaurés conditionne le pronostic du patient.
Différents solutés de remplissage sont à notre disposition. Ils se répartissent en deux grandes
catégories : les cristalloïdes et les colloïdes. L'utilisation préférentielle d'un produit donné tient
compte de plusieurs critères : l'espace de diffusion et le pouvoir d'expansion volémique théorique
du soluté, le degré d'altération du glycocalyx et de la membrane capillaire, l'étiologie de
l'hypovolémie mais aussi les indications et contre-indications des différents solutés
(coagulopathie, origine du saignement, etc.). Actuellement, il est recommandé d'utiliser les
solutés cristalloïdes en première intention dans la correction d'une hypovolémie aiguë. Les
modalités d'administration du remplissage sont également très importantes. Il est primordial de
monitorer les effets hémodynamiques du remplissage vasculaire afin d'en juger l'efficacité et
d'éviter les complications en lien avec un remplissage excessif. L'emploi de vasopresseurs doit
également être précoce une fois les objectifs volémiques atteints afin d'améliorer le pronostic des
patients. Ils agissent grâce à leur activité vasopressive intrinsèque comme de véritables
« épreuves de remplissage » par mobilisation du réservoir veineux non contraint.

Figure 1 : 

Représentation de la courbe de Frank-Starling reliant le volume d'éjection et la


précharge ventriculaire en cas de fonction systolique du ventricule gauche normale
ou altérée. 1. Précharge-dépendance = une augmentation de précharge ventriculaire
entraîne une augmentation du volume d'éjection ; 2. précharge indépendance = une
augmentation de précharge ventriculaire n'entraîne pas d'augmentation du volume
d'éjection.
Figure 2 : 

Représentation schématique du réservoir veineux (d'après Guyton). PSM : pression


systémique moyenne ; POD : pression dans l'oreillette droite ; RV : retour veineux.

Figure 3 : 

Relation entre le transport artériel en oxygène et la consommation en oxygène.


Figure 4 : 

Arbre décisionnel. Algorithme de titration de la réponse au remplissage vasculaire


proposé par la Société française d'anesthésie-réanimation lors des
recommandations formalisées d'experts de 2012. VES : volume d'éjection
systolique.

Figure 5 : 

Variations respiratoires de la pression artérielle. δPS : variations respiratoires de la


pression systolique ; δup : delta-up ; δdown : delta-down ; PPMax : pression pulsée
maximale ; PPMin : pression pulsée minimale ; δPP : variations respiratoires de la
pression pulsée ; δPP = (PPMax-PPMin)/[(PPMax + PPMin)/2] × 100.

Figure 6 : 

Réalisation d'une épreuve de lever de jambe passif.


Vous êtes médecin de garde aux urgences et recevez un jeune patient de 20 ans, sans antécédent notable, suite
à un accident du travail. Il présente une plaie au niveau de la cuisse gauche secondaire à une scie électrique.
Les premiers secours ont été effectués par les pompiers : mise en place d'un pansement compressif sur la plaie
qui présentait un saignement en jet puis d'un garrot devant la persistance du saignement. Les pompiers vous
rapportent qu'une grande quantité de sang se trouvait sur les lieux de l'accident. Vous notez que le saignement
n'est pas bien contrôlé puisque du sang continue de suinter du pansement malgré le garrot. Le patient est agité
et confus. Les constantes sont les suivantes.
Neurologique
Glasgow 14, agité, confus
Hémodynamique
FC 115 bpm
90/70 (77)
PA (PAM)
mmHg]
HémoCue® 9 g/dl
Respiratoire
FR 25/min
95 % en air
SaO2
ambiant

FC : fréquence cardiaque ; PA : pression artérielle ; PAM : pression artérielle moyenne ; FR : fréquence


respiratoire ; SaO2 : saturation artérielle en oxygène.

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