Crédits

Direction & Conception Artistique : Lola Berger

Édito & Rédaction : Benjamin Perrin

Pilotage : Sasha Lehmann

Sagesse : Steeve Gouyer

Préface
Chers amis leaders techniques,
Le monde actuel est rempli de challenges.
Les problèmes à résoudre n’ont jamais été
aussi nombreux, sur le plan humain, cli-
matique, migratoire, urbain, ou quel que
soit le domaine auquel nous pourrions
penser - et ces domaines ont tous une com-
posante commune: un besoin incessant
de nouveauté technologique.
Ces nouvelles technologies sont apparues
il y a maintenant quelques décennies
et ont su prendre une place dans le
monde qu’aucune autre innovation n’a
pu atteindre aussi rapidement. La géné-
ralisation massive et fulgurante de ces
technologies a mené à une adaptation -
contrainte pour certains - à grande vitesse
de notre environnement, autant sociétal
que professionnel: Rappelons-nous
simplement qu’il y a une quarantaine
d’années personne n’envoyait d’emails,
alors qu’on prenait déjà l’avion depuis
longtemps.
Donc autant dire que le métier de CTO
est une nouveauté ! Et c’est pourtant un
métier qui demande une connaissance
vaste de sujets diamétralement opposés.
Vous avez sûrement atterri dans ce métier
par passion pour la technologie, et vos
compétences particulières associées à
une capacité de traitement de problèmes
plus humains vous ont propulsé vers une
position qui se doit d’allier les deux - et
faire ce lien peut s’avérer être un exercice
d’équilibriste.
Une des caractéristiques princinpales de
ce métier, c’est qu’il se réinvente constam-
ment. J’ai la chance de rencontrer des
CTOs régulièrement pour parler de leurs
problématiques et quatre points re-
viennent à coup sûr dans les discussions:
Le métier change tous les trois à six mois
dans selon la taille de la structure
Recruter et faire grandir les talents d’une
équipe est la mission principale et d’assez
loin la plus chronophage d’un CTO
La gestion de la dette technique tout en
ne perdant pas de vitesse sur l’évolution
du produit est un monstre caché dans le
placard de tout CTO
Une veille technologique et une remise
en question constante permettent de se
sentir légitime pour diriger des équipes
dans le cas ou vous ne coderiez plus au
quotidien
Abordons rapidement ces différents
points :
La majorité des CTOs dirigent des équipes
de développement d’entreprises en plein
essor. Le cas d’école le plus flagrant
étant lorsque le premier développeur
d’une startup se trouve naturellement en
charge de l’agrandissement de l’équipe
quand l’entreprise commence à prendre
de la vitesse.
Cette personne - qui était alors simple-
ment préoccupée par la construction d’un
produit solide - va devoir apprendre à
recruter des talents compatibles avec le
but que l’entreprise essaie d’atteindre.
Puis une fois ces premiers talents recrutés,
il faut savoir les on-boarder pour qu’ils
se sentent à l’aise. La concurrence étant
rude, d’autres offres pourraient vite
allécher les nouvelles recrues en cas de
souci dans les premiers mois.
Dès que l’équipe dépasse trois ou quatre
personnes, il devient nécessaire de mettre
en place de vraies méthodes de travail:
le leader technique devient alors aussi
un gestionnaire de projet qui doit bien
comprendre les besoins de l’entreprise
pour les refléter sur l’organisation de ses
équipes dans un seul et unique but: que le
développement de produit ne soit jamais
un facteur de lenteur dans la croissance
de l’entreprise.
C’est d’ailleurs souvent à cette période
qu’une remise en question s’opère:
suis-je la bonne personne pour le faire ?
Ou est-ce que je préfère rester proche de
la technique, auquel cas le siège de CTO
serait pour quelqu’un d’autre ? C’est la
première étape de l’adaptation humaine
dont le CTO va devoir faire preuve tout au
long de sa carrière.
Cette évolution ne ralentira plus avant
d’avoir atteint une taille critique d’une
équipe de plus d’une centaine de
personnes avec un VP Engineering pour
gérer l’opérationnel. Et encore le métier
continuera de se transformer en fonction
de la stratégie même de l’entreprise.
Tous ces changements sont en général très
impactants pour le CTO, qui n’a personne
avec qui “taper la balle” dans son entre-
prise. Les autres C-level de l’entreprise ne
comprennent sûrement pas grand chose
à vos problèmes et votre équipe attend
de vous que vous teniez la barre sans
trop montrer à quel point vous pouvez
naviguer dans le brouillard.
C’est exactement pour ça qu’il est vital
pour nous autres CTOs d’échanger nos
bonnes pratiques. Je pense qu’en France,
il ne se passe pas un seul jour sans qu’il y
ait au moins un meetup de développeurs
pour échanger sur un point technique
particulier. Il est grand temps que nous
comprenions que les managers d’équipes
techniques ont les mêmes besoins, que si
quelqu’un est déjà passé par une difficulté
que vous êtes en train de vivre, il ou elle
pourra vous faire gagner énormément de
temps, et vous pourrez rendre la pareille
à quelqu’un d’autre.
Des initiatives commencent à émerger
pour combler ce manque, mais il n’y en
a pas encore assez. Profitez un maximum
de la proximité de vos pairs pour créer
des liens avec des gens qui comprennent
les challenges que vous vous apprêtez
à traverser. C’est ce que ce livre essaie
de retracer, et ce n’est qu’une première
ébauche d’une nouvelle forme de partage.
Bonne lecture,
Alban Dumouilla, CTO de BigBlank.co
cto.pizza
Sommaire
8 42
Zoom sur.. Alkemics
le recrutement Giovanna Giammarino

46
10 Younited Credit
OpenClassrooms
Stéphane Alizon
Romain Kuzniak

14 50
MANGOPAY & Leetchi ONprint
Laure Némée Aline Paponaud

18 54
comet Zoom sur...
Arnaud Aubry le remote

22 56
Le Monde Theodo
Sacha Morard Benjamin Grandfond

26 60
Zoom sur.. Makazi
la diversité Evelyne Notton

28 62
Netatmo Yellow Korner
Nathalie Lamy Nicolas Riveau

32 66
Botify Zoom sur...
Thomas Grange le freelancing

36 68
Webedia A propos de...
Julien Ricard Tech.Rocks

40 70
Zoom sur.. A propos de...
le mentoring comet

le recrutement
Dans la vente comme dans le recrute-
ment, l’important c’est de closer rapide-
ment. C’est ce qu’affirme Hara Taggar,
CEO de Triplebyte (YC S15), qui met
l’accent sur une composante sous-estimée
par de nombreux départements RH : la
vitesse. Selon lui, il est déraisonnable de
penser qu’un candidat à qui vous n’avez
pas eu le temps de faire une offre d’em-
bauche n’était pas intéressé par le poste.
Le recrutement est comme le sprint : à la
fin, c’est le plus rapide qui gagne. Et c’est
par le temps que se mesureront vos per-
formances.
Et le temps, c’est de l’argent. Difficultés de
recrutement et turnover ne représentent
pas seulement un manque à gagner pour
les entreprises. Cela constitue surtout
leur plus grande perte d’argent. C’est
08 Le recrutement
Zoom sur…
un gouffre financier pour un grand
groupe et une véritable menace pour la
survie d’une start-up. Vous voulez savoir
combien ? Observons le coût d’acquisi-
tion d’un ingénieur. Comptez le temps
dédié au sourcing, à l’entretien RH, aux
épreuves techniques à concevoir, puis
aux rencontres avec le CTO, les leads et
potentiellement les autres membres de
l’équipe. Cela représente beaucoup de
temps : plus d’une trentaine d’heures
cumulées pour vos collègues ingénieurs,
toujours selon Hara Taggar. Trente heures
qui ne seront pas dédiées à leur backlog
et qui seront littéralement perdues si le
candidat n’est pas retenu. Alors si vous ne
voulez pas leur faire perdre leur temps, il
est impératif de soigner ses process et son
expérience de recrutement.
Hello World!
Beaucoup d’entreprises parlent de
«pénurie de talents» pour justifier leurs
problèmes de recrutement. Celle-ci
doit toutefois être à relativiser. Car si la
demande de profils techniques est certes
supérieure à l’offre, le recrutement est un
marché qui bénéficie d’une forte liquidité.
D’où l’importance de faire de l’acquisi-
tion de talents un avantage compétitif. Et
ce ne sont pas les outils qui manquent :
framework AAARRR, documentation
technique et UX Design sont des notions ré-
utilisables dans le recrutement auxquels
vos équipes peuvent vous initier. Récipro-
quement, il est de votre devoir de former
vos collègues sur la conduite d’entretiens,
ainsi que la diffusion de la culture et des
valeurs de votre entreprise.
Être Tech Leader en 2019
Enfin, l’acquisition de talents est indisso-
ciable de la rétention de vos employés.
Car si vous accusez d’un fort turnover,
mettre l’accent sur le recrutement revient
à remplir d’eau un seau percé. Vos
employés sont les premiers investisseurs
de votre entreprise. Et comme tout VC,
ceux-ci sont à la recherche du meilleur
retour sur investissement possible. As-
surez-vous donc d’être à la hauteur de
leurs attentes. Il en va de leur vie en tant
que personnes, et de votre survie en tant
qu’entreprise.
SOURCE
“Convincing Engineers To Join Your Team”,
par Hara Taggar (Blog Y Combinator)
Le recrutement 09
OpenClassrooms
Romain
Kuzniak
<!-- portrait -->
Bonjour Romain et merci de nous
recevoir. On commence avec ton
parcours ?
J’ai commencé ma vie pro comme
ingénieur du son et musicien : des
domaines assez éloignés de la tech. Ma
reconversion remonte à environ neuf
ans. J’ai d’abord travaillé en SSII avant
de rejoindre OpenClassrooms. À mon
arrivée, je faisais beaucoup de concep-
tion, du développement, ainsi qu’un peu
de management. J’ai pris la fonction de
CTO il y a environ cinq ans.
Quelles sont les qualités essentielles
d’un bon CTO selon toi ?
Vision, compréhension et modélisation
des processus. Comprendre et établir les
bons workflows est primordial, ainsi que
réussir à avoir un point de vue micro et
macro en adéquation avec la vision.
Peux-tu citer une personne qui t’inspire
en tant que CTO et pourquoi ?
Il y a deux personnes qui me viennent
à l’esprit. Le premier est Kent Beck,
auteur de eXtrem Programming. C’est
une référence sur l’agilité, le dévelop-
pement et l’adaptation au changement.
Une référence. Le livre date de 1999 mais
ses écrits sont toujours très pertinents.
Le second, c’est Christopher Alexander,
10 Romain Kuzniak • OpenClassrooms
un anthropologue et architecte américain.
Il a écrit quelques livres il y a 40 ans qui,
au-delà de l’architecture, ont également
influencé l’informatique et le web design.
Il est important pour moi de m’ouvrir
à d’autres choses. Les personnalités ins-
pirantes sont aussi en dehors de notre
domaine.
Quelles sont selon toi les grandes
missions d’un CTO ?
La première est d’assurer le service.
OpenClassrooms doit être accessible
à nos utilisateurs en permanence.
Ensuite, il s’agit de délivrer de la qualité.
Cela implique plein de choses : entre
prise en compte des retours utilisateurs,
évaluation du rendu UX/UI, qualité de
code, maintenabilité, etc. Enfin, la garantie
de l’efficience est cruciale. La grande
question est de déterminer comment
délivrer cette qualité de façon optimale,
en tenant compte des variables de temps,
d’argent et de ressources humaines dispo-
nibles.
Comment est organisée ton équipe ?
Nous utilisons un modèle devenu
classique : les squads, popularisées par
Spotify. C’est un modèle matriciel, avec
des équipes organisées pour travailler
sur une partie du produit, orientées fonc-
tionnel. Chaque équipe est composée d’un
Product Manager, un UX Designer, un UI
Designer, deux développeurs Back-End,
deux Front-end, un développeur iOS et
un QA Specialist. Chaque équipe travaille
sur une partie du produit, comme par
exemple l’expérience étudiant. Et comme
je parlais de matrice, il y a également
sur un autre axe, une équipe avec tous
les développeurs Back-End, une avec
Hello World! Être Tech Leader en 2019
tous les UX Designers et ainsi de suite.
On a également quelques rôles trans-
verses comme de l’Engineering Manage-
ment, une Art Director ou encore un QA
Manager.
As-tu quelques conseils à nous partager
sur le volet recrutement ?
Selon moi, il est important de penser le
recrutement à travers deux axes : l’indus-
trialisation du processus de sélection et
l’expérience candidat. Avec la forte crois-
sance que nous avons, l’enjeu est aussi de
maintenir et d’améliorer ces deux axes
alors que le nombre de postes ouverts
augmente.
Quelle est ta question préférée en
entretien ?
“Est-ce que vous avez un doute sur
OpenClassrooms ou sur le poste que vous
allez avoir ?” C’est une question que j’ai
piqué à notre CMO, Sebastien Offant. Si le
candidat a des doutes, cela nous permet
d’identifier des points d’intention qu’il
n’aurait pas forcément exprimé aussi di-
rectement si on ne lui avait pas demandé.
Peux-tu décrire une décision dont
tu es fier ?
Il y a 5 ans, après une énième refonte,
la nouvelle architecture commençait à
générer encore de la dette technique.
Une refonte, c’est un échec : c’est catas-
trophique. C’est en général un an sans
générer de valeur pour l’utilisateur. J’ai
décidé de modifier le design applicatif
d’OpenClassrooms et d’utiliser la Clean
Architecture. À l’époque c’était très peu
documenté, très peu utilisé mais promet-
tait un code plus pérenne et une main-
tenance simplifiée au cours du temps.
Openclassrooms • Romain Kuzniak 11
Cela a été long et difficile mais depuis,
notre code ne cesse de s’améliorer, la
qualité est au rendez vous, et aucune
refonte n’est envisagée.
D’ailleurs tu codes encore ?
Au maximum une heure par jour, ce qui
est déjà pas mal pour un CTO. Seulement,
je ne travaille pas sur des tâches opé-
rationnelles importantes ne pouvant
garantir une date de livraison. Je suis
plutôt sur des tâches de fond ou de l’ou-
tillage. Cela me permet de continuer à
utiliser notre workflow et d’identifier les
points de blocage et axes d’amélioration.
Et aussi, ça me détend (rires). Au final,
être CTO c’est gérer beaucoup d’humain
au quotidien. Prendre du temps pour
coder me donne la sensation de maîtriser
totalement mon sujet.
Comment l’État français peut-il
aider la tech ?
Beaucoup de choses se sont améliorées
mais il y a encore à faire. L’État a un
devoir d’éducation. Les inégalités et les
stéréotypes se créent dès l’enfance. Si
les enfants apprenaient tôt à coder par
exemple, ils se rendraient compte que dé-
velopper est surtout une affaire de logique
et de compréhension des métiers. Ils com-
prendraient aussi qu’il n’y a pas de genre
plus apte au développement. Une petite
fille a autant de légitimité ou de compé-
tences dans le développement qu’un petit
garçon. Actuellement, la société n’oriente
pas les filles vers le développement :
il faut changer cela.

Qu’est-ce qui te fait lever le matin ?

Mon deuxième fils est né il y a peu de
temps, donc pour l’instant c’est plutôt lui
qui me réveille pour manger (rires). Plus
sérieusement, ce qui me motive c’est de
voir comment nos décisions et actions de
la veille vont impacter notre journée.

Quel conseil donnerais-tu aux CTOs

d’aujourd’hui et de demain ?
Le point prédominant, c’est de travail-
ler l’intelligence collective. Se donner les
moyens et les donner à l’équipe. Leur
permettre de réfléchir ensemble. Au-
jourd’hui on prend très peu de décisions
seul. Créer les briques pour que cette
intelligence collective émerge, c’est le
premier conseil que je donnerais.

12 Romain Kuzniak • OpenClassrooms Hello World!

MANGOPAY & Leetchi
Laure
Némée
<!-- portrait -->
Bonjour Laure, merci à toi de nous
recevoir ! On commence par les
présentations ?
Je suis CTO de MANGOPAY et Leetchi
Group depuis près de 9 ans. Je suis la
troisième personne arrivée chez Leetchi
et je travaille aujourd’hui principalement
sur MANGOPAY avec l’équipe fondatrice.
Il s’agit d’une API de paiement à destina-
tion des services d’économie collabora-
tive. Je suis également ingénieure Supélec
et membre d’une association de voile.
Qu’est-ce qui te fait lever chaque matin ?
La fierté d’avoir participé au lancement de
MANGOPAY, de voir l’entreprise grandir,
les collaborateurs s’épanouir dans leurs
rôles et donner le meilleur d’eux-mêmes.
On est plus d’une centaine aujourd’hui et
on a vraiment une belle valeur ajoutée en
tant qu’acteur de l’économie collaborative.
Comment s’organise ton équipe ?
Je suis en charge de deux équipes de
développement à Paris : une équipe de
huit personnes sur l’API MANGOPAY,
ainsi que deux personnes en charge du
site institutionnel, de la documentation
technique et des dashboards clients. J’ai
aussi une équipe Ops de cinq personnes
au Luxembourg, qui s’occupent aussi bien
de Leetchi que de MANGOPAY.
14 Laure Némée • MANGOPAY & Leetchi
Au-delà de tes équipes, avec qui
travailles-tu chez MANGOPAY ?
Principalement avec les équipes Produit
et QA de façon quotidienne. Cette
dernière prend en charge la partie test
automation ainsi que le monitoring d’ac-
tivité. Nous sommes vraiment dans une
logique produit : les demandes émanant
de nos 2 500 clients sont centralisées puis
priorisées par les Product Managers. Cela
nous permet d’orienter le développement
de nouvelles fonctionnalités en fonction
des souhaits de la majorité.
C’est quoi ton secret pour garder tes
équipes motivées ?
Pour moi, il n’y a pas de méthode miracle.
Je fais confiance à mes collaborateurs et
veille à ce qu’ils évoluent dans un cadre
qui leur offre les meilleures conditions
de travail. On a fait une transition agile
il y a peu. L’équipe de développement
est auto-organisée et peut optimiser ses
pratiques avec un feedback court. L’en-
vironnement a beau être très exigeant,
il faut encourager ses équipes à prendre
des initiatives sans avoir peur de l’erreur.
Nous envoyons aussi nos employés en
conférence au moins une fois par an.
Quelles sont tes enjeux principaux en
tant que CTO ?
J’en vois trois principaux :
• Qualité de service : C’est un véritable point
névralgique pour un service de paiement
comme MANGOPAY. Car si la plateforme ne
fonctionne pas, l’argent ne rentre plus chez
nos clients. Nous nous concentrons donc
sur notre uptime et sur la qualité de nos
livrables pour répondre à une exigence de
qualité de service très élevée.
Hello World! Être Tech Leader en 2019
• Structure de l’équipe : Attention à bien
l’adapter au nombre d’employés. L’entre-
prise grandissant très vite, il est indispen-
sable de revoir fréquemment ses process
pour rester efficace.
• Recrutement technique : Le plus difficile
n’est pas de trouver des candidats qui
collent au mieux à notre stack technique,
mais à notre culture d’entreprise.
Y a-t-il une question que tu aimes parti-
culièrement poser en entretien ?
Pourquoi voulez-vous quitter votre en-
treprise actuelle ? Elle est essentielle car
elle me permet de voir deux choses : si
les candidats arrivent à positiver sur leur
expérience et s’ils arrivent à prendre du
recul. De manière plus globale, je m’in-
téresse plus à leur situation présente
et à leurs ambitions futures qu’à leurs
diplômes et expériences passées.
Tu codes encore aujourd’hui ?
Je ne code plus depuis plusieurs années.
Le code nécessite de longues périodes
de concentration et de calme dont je
ne dispose plus hélas. Je me console de
temps en temps en participant à des katas,
organisés une fois par mois environ dans
les équipes de développement. Ça permet
de diffuser de bonnes pratiques au sein
de l’équipe. Et personnellement, j’ai
beaucoup de plaisir à y participer.
Peux-tu nous décrire une décision dont
tu es fière ?
Je ne pense pas avoir pris UNE grande
décision qui a transformé l’entreprise.
Je suis plutôt fière de l’ensemble des ini-
tiatives prises jusqu’ici qui nous ont fait
arriver là où on en est aujourd’hui.
MANGOPAY & Leetchi • Laure Némée 15
J’ai introduit les post-mortems dans notre
gestion d’incident il y a quelques années.
Aujourd’hui, c’est quelque chose qu’on
arrive à faire avec beaucoup de bien-
veillance, sans que personne ne se sente
attaqué. Et ça c’est un vrai levier d’amé-
lioration pour toute l’équipe.
Quel conseil donnerais-tu aux CTO
d’aujourd’hui et de demain ?
“Back-upez” vos données.
Comment l’État français peut-il aider
les CTO selon toi ?
Encourager les jeunes filles à aller vers
les métiers scientifiques et techniques.

“Il est crucial de

À l’inverse, y a-t-il une décision que tu Et cela doit commencer très tôt dans la
regrettes ? scolarité pour éviter les biais de genre.
Ne pas avoir licencié un développeur
brillant mais toxique pour l’équipe. C’est

pouvoir expliquer
donc plutôt une non-décision que je
regrette. C’est très difficile humainement
parlant de se séparer d’un membre de
l’équipe. J’ai appris depuis à mettre mes

simplement
émotions de côté pour la prise de décision.

Quelle est la qualité première à avoir

en étant CTO selon toi ?

notre travail et
En tant que CTO, tu échanges souvent
avec des personnes qui sont non-tech.
Il est donc crucial de pouvoir expliquer
simplement notre travail et nos enjeux.

nos enjeux à des

Cela permet de générer de la confiance
envers les équipes techniques. Et c’est
important de le faire avec tout le monde,
peu importe le niveau hiérarchique.

personnes qui
Y a-t-il quelqu’un qui t’inspire en tant
que CTO et pourquoi ?
Je citerai Évelyne Notton, qui est actuel-

sont non-tech.”
lement CTO chez Makazi et qui a été ma
CTO dans une précédente entreprise,
il y a 10 ans de ça. En plus de m’avoir
donné confiance en moi et aidé à monter
en compétences, elle a été un véritable
“role model”. De plus, je ne sais pas si
j’aurais accepté de devenir CTO si je
n’avais pas vu une femme dans cette
fonction auparavant.

16 Laure Némée • MANGOPAY & Leetchi Hello World!

comet
Arnaud
Aubry
<!-- portrait -->
Salut Arnaud, merci à toi de nous
recevoir ! Parle-nous un peu de ton
parcours.
Étant diplômé de l’Epitech, j’ai une
formation technique de base. Pendant
mes études, je m’occupais de la sécurité
mobile chez Thales dans un contexte de
sortie du premier iPhone. Le midi, on
codait des applications pour s’amuser. J’ai
eu la chance de recevoir un compte déve-
loppeur offert par Thales à mon départ.
C’est à ce moment que j’ai commencé à
me spécialiser dans la tech sur le volet
produit. J’ai alors enchaîné avec huit ans
de dev ’ et d’entrepreneuriat.
Et comment es-tu devenu CTO ?
En 2009, j’ai travaillé sur la première
version mobile de Logic Immo en 2009,
qui était une des plus grosses applications
développée par une entreprise française.
Après un an passé en Australie à travail-
ler dans une agence de développement
d’application, je deviens à mon retour
le premier développeur mobile chez
Stupeflix. Une expérience incroyable  :
application de l’année en 2014, invitation
par Apple à faire une démo pendant l’une
de leur Keynote en 2015, puis un rachat
par GoPro en 2016. J’ai eu par la suite
l’opportunité de travailler avec pas mal
de start-ups en tant que freelance, avant
18 Arnaud Aubry • comet
de créer la mienne avec un ancien de
Stupeflix. Nous avons donc créé Nuage
(revendu à Clevercloud), que nous avions
pensé comme le Captain Train de la
gestion de noms de domaines. Puis, la vie
m’a mis sur le chemin de Charles et j’ai
rejoint comet en tant que CTO.
Quelles sont les qualités premières
d’un bon CTO selon toi ?
J’en vois deux qui sont assez liées : la ré-
silience et la patience. La résilience, c’est
ce qui qui donne la force de continuer à
expérimenter — même après plusieurs
échecs. La patience est quant à elle néces-
saire pour laisser le temps à son équipe
d’itérer sur les process en place. Enfin,
être capable de cultiver et de diffuser sa
vision a un impact déterminant sur l’en-
gagement de ses collaborateurs et donc
sur l’avenir de son entreprise.
Quelles sont tes principaux enjeux en
tant que CTO ?
Le premier enjeu essentiel est de s’entou-
rer des bonnes personnes pour permettre
à l’entreprise de se donner les moyens de
ses ambitions. En grandissant, l’autre pro-
blématique majeure est celle de la préser-
vation d’une culture saine. Enfin, les plus
belles boîtes sont celles qui parviennent
à anticiper et s’adapter à tout. D’où l’im-
portance de porter une certaine vision
de l’avenir, qui contribuera à inspirer
et aligner l’équipe autour d’objectifs
communs.
Comment est organisée ton équipe ?
Nous avons récemment adopté un système
de “Galaxies”, qui est notre version du
modèle de squads popularisé par Spotify.
Nous avons trois galaxies : Freelances,
Hello World! Être Tech Leader en 2019
Entreprises et Automatisation, qui repré-
sentent les grandes batailles de comet
avec des OKR (Objective Key Results)
associés. Nous avons un Product Manager
dans chacune d’entre elles, accompagné
de développeurs Front et Back dédiés.
C’est quoi ton secret pour garder ton
équipe motivée ?
Chez comet, nous avons misé très tôt sur
le travail en remote. La moitié de l’équipe
tech ne travaille pas à Paris, avec des dé-
veloppeurs à Marseille, Bastia, Bordeaux
ou Lyon. Ceux-ci viennent au bureau au
moins une fois par mois et c’est un vrai
plaisir pour eux comme pour l’équipe.
Au-delà du remote, nos employés savent
qu’ils ont notre confiance dès le premier
jour. Nous avons notamment mis en place
un système bottom-up lors de nos rétros-
pectives qui permet d’avoir un ownership
total sur ses méthodes de travail et de
challenger celles de l’équipe.
En dehors de ton équipe, avec qui tra-
vailles-tu au quotidien ?
Au-delà des équipes Tech et Produit,
chaque employé de comet appartient
à une galaxie. Les Sales sont intégrés
à la galaxie Entreprises et les Opéra-
tions à l’Automatisation, par exemple.
Cette dernière est d’ailleurs celle dans
laquelle je suis le plus impliqué, avec pour
objectif : générer du business sans aucune
intervention humaine.
Et tu codes encore ?
Beaucoup plus rarement, mais j’ai
récemment repris le lead sur notre algo-
rithme de matching.
comet • Arnaud Aubry 19
Qu’est-ce qui te fait te lever chaque
matin ?
Je suis particulièrement motivé par le
défi technique que représente la mission
de comet, à savoir automatiser la mise en
relation entre développeurs freelances
et entreprises. Nous voulons créer à long
terme une nouvelle façon de travailler et
c’est un projet très excitant ! Il y a un an,
il nous fallait plus d’une semaine pour
trouver le bon freelance pour une mission
donnée. Aujourd’hui, cela nous prend
vingt minutes tout au plus !
À l’inverse, qu’est-ce qui t’empêche de
dormir ?
Nous attendons bientôt notre premier
enfant avec ma femme, donc je profite
des dernières semaines pour dormir sur
mes deux oreilles avant un bon nombre
de nuits blanches à venir (rires).
Comment améliorer son process de re-
crutement selon toi ?
Beaucoup d’entreprises font l’erreur
de se montrer trop accommodantes en
entretien avec les développeurs face
à l’urgence de recruter rapidement. Je
suis intimement convaincu que plus
les candidats sont challengés, plus le
niveau est élevé à l’embauche. Et c’est
une approche valable à chaque étape
de la croissance d’une entreprise. Car
embaucher des développeurs “moyens”
au début fera fuir des profils plus expé-
rimentés par la suite. Chez comet, nous
avons mis en place un processus d’immer-
sion qui permet à un candidat de passer
20 Arnaud Aubry • comet
deux jours dans nos locaux et rencontrer
l’ensemble des équipes. Dernier conseil
pour recrutement : “Quand il y a un doute
sur le candidat, il n’y a pas de doute”.
Quelle est ta question préférée en
entretien ?
J’aime beaucoup cette mise en situation
“Essayez
assez piquante empruntée à Virgile, notre
VP People : “Tu es embauché chez comet.
Dans trois mois, tu pars. Pourquoi ?”
le travail
Y a-t-il une personne qui t’inspire en
tant que CTO ?
Je dirais Julien Lemoine, CTO d’Algolia.
C’est l’une des rares start-ups françaises
en remote,
qui a bâti toute sa valeur par la tech et je
l’admire pour ça.
Quel conseil donnerais-tu aux actuels
c’est le futur
et futurs CTOs ?
Essayez le travail en remote, c’est le futur
et ça vous changera la vie.
et ça vous
Et pour finir, quel est ton prochain défi ?
Être à la fois un bon papa et un bon CTO
après la release du bébé en Q4 (rires).
changera
la vie.”
Hello World!
Le Monde
Sacha
Morard
<!-- portrait -->
Bonjour Sacha et merci de nous
recevoir. On commence avec ton
parcours ?
J’ai 36 ans et suis CTO autodidacte.
Étant né dans les montagnes au sein
d’une famille de musiciens, j’ai passé les
vingt-six premières années de ma vie
à faire du ski et à jouer de la guitare. Le
milieu de la musique demande pas mal de
débrouillardise et j’ai beaucoup travaillé
sur la promotion de mes compositions.
Affiches, flyers, site web : je m’occupais de
tout. En 2008, j’ai choisi de changer de vie
pour devenir graphiste dans une jeune
entreprise qui faisait de l’hébergement
web. C’est la première fois que je me re-
trouvais au contact d’un esprit start-up et
ça m’a donné l’envie d’évoluer dans des
environnements plus techniques.
C’est à ce moment que tu as découvert
les joies du code ?
Tout se passait bien mais je commençais
à tourner en rond. J’ai donc appris à pro-
grammer seul la nuit et tout s’est accéléré
très vite. En 2010, j’étais devenu déve-
loppeur PHP / Symfony. À mes yeux, il y
a une véritable forme d’art dans le code.
Comme pour la musique, la programma-
tion allait devenir une nouvelle passion.
Le management est venu plus tard.
22 Sacha Morard • Le Monde
Comment es-tu devenu CTO ?
Cela a commencé par une aventure entre-
preneuriale formidable et depuis je n’ai
plus jamais voulu quitter le poste de CTO.
Je suis ensuite rentré chez Le Parisien, où
je m’éclatais, puis L’Obs et aujourd’hui
Le Monde. J’estime avoir eu de la chance
dans mon parcours mais il y a aussi eu
beaucoup d’efforts que je dois à mon
appétence pour l’entrepreneuriat.
Quelle est la qualité première d’un
bon CTO ?
Je pense que pour réussir en tant que CTO,
il faut avoir une certaine approche du lea-
dership et du management. C’est beaucoup
plus important que les compétences tech-
niques. Il y a des CTOs qui managent peu
et c’est précisément ce que beaucoup
d’équipes techniques attendent d’eux.
Quels sont les principaux challenges
d’un CTO selon toi ?
À mes yeux, ils sont au nombre de trois :
• Délivrer : Et c’est essentiel ! J’aime
comparer mon travail à celui d’un ar-
chitecte ou d’un chef de chantier. Je dois
m’assurer que les travaux se passent bien
et qu’on délivre dans les temps impartis,
selon le plan initial.
• Encadrer : Car c’est un métier d’équi-
libriste. Tout le monde a une énergie et
des opinions différentes. Il faut donc être
capable de jongler avec tous ces profils et
en tirer un maximum de valeur.
• Prendre des risques : Être CTO n’est pas
un métier plan-plan. Dès l’instant où l’on
doit délivrer à une deadline donnée, il
faut savoir que tout peut arriver d’ici là.
Hello World! Être Tech Leader en 2019
Comment s’organise ton équipe ?
La direction technique du Monde est
composée de cinq équipes (Web, Data,
Mobile, CMS, Plateforme). Une équipe
type est composée d’un Tech Lead, d’un
Product Owner (PO), et de développeurs.
Je ne suis pas fan des organisations pyra-
midales ; c’est pourquoi j’évite de multi-
plier les couches hiérarchiques.
Et vous travaillez comment ?
On travaille en scrum ou kanban, avec
Jira comme outil de gestion de projet. On
a une réunion hebdomadaire d’encadre-
ment technique entre Tech Leads et PO.
Toutes les deux semaines, on a également
une réunion de suivi de projets. Beaucoup
d’autres rituels existent et permettent
l’échange et la prise de feedback au sein
de l’équipe : démonstrations produit, ré-
trospectives, etc.
C’est quoi ton secret pour garder ton
équipe motivée ?
Pour moi, la techno contribue à 50% au
bien-être de l’équipe. C’est pourquoi je
mise sur des tendances comme React, Ku-
bernetes ou l’IA. Les derniers 50% sont
dans l’ambiance. J’essaie de ne pas trop
me prendre au sérieux et encourage mes
collaborateurs à en faire autant.
As-tu des conseils à partager pour
améliorer son process de recrutement ?
Hélas, recruter se fait souvent dans
l’urgence. Nous nous basons sur des
critères trop évidents comme le niveau
technique et la motivation apparente,
alors que nous devrions prendre plus de
temps pour déterminer précisément nos
attentes. Sur certains postes, nous avons
besoin de candidats dotés de qualités
Le Monde • Sacha Morard 23
 (mais aussi de défauts) très précis. C’est
pourquoi je pense qu’il faut commencer
par avoir des attentes claires et une
méthode de recrutement sincère.
Tu codes encore aujourd’hui ?
Malgré mon emploi du temps très chargé,
j’essaie de développer le plus possible.
Tout d’abord parce que j’aime ça, mais
aussi parce que l’entreprise en a besoin.
À mes yeux, un CTO est bien plus qu’un
manager. Son savoir doit être précieux
et il doit avoir un large éventail d’exper-
tises techniques. Développer me permet
de continuer à apprendre et à consolider
mes connaissances. Cela me rapproche
également de mes collaborateurs. Mes
développements sont ainsi soumis aux
mêmes contraintes que les autres, avec
des Product Release relues, testées, com-
mentées et corrigées par l’équipe.
Quel est ton prochain défi ?
Je voudrais injecter de l’innovation dans
le secteur des médias traditionnels en
France. Je discute beaucoup avec mes
homologues américains, qui ont déjà une
longueur d’avance sur le sujet. J’aimerais
pouvoir apporter un vent de fraîcheur
dans mon secteur, qui se résume essen-
tiellement à livrer des pages avec du
contenu à l’intérieur.
24 Sacha Morard • Le Monde Être Tech Leader en 2019 Être Tech Leader en 2019
Peux-tu citer une personne qui t’inspire
et pourquoi ?
J’ai une personne qui me vient immédia-
tement à l’esprit. Ce n’est pas un grand
nom qui a écrit de nombreux livres, mais
un proche qui a beaucoup influencé ma
carrière. Quand j’étais au Parisien, on
avait un directeur technique, Didier Cros.
Quand il est passé directeur des opéra-
tions, c’est lui-même qui m’a demandé
de prendre son ancien poste. Il a cru
en moi et m’a donné ma chance. Il est
devenu un véritable ami depuis ce jour.
Plus tard dans sa vie, Didier a fait un
AVC. Aujourd’hui et malgré sa situation,
il continue à me pousser au quotidien. Je
n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi
et continuerai toujours à m’inspirer de
son parcours pour guider ma carrière.
Quel conseil donnerais-tu aux actuels
et futurs CTOs ?
Quand vous échouez, soyez honnêtes.
Quand vous réussissez, restez modestes.
Le Monde • Sacha Morard 25

la diversité
Chaque année, l’Oxford Dictionary choisit
son mot de l’année, véritable écho aux
mœurs de l’époque. Après “occupy” en
2011, “#blacklivesmatter” en 2014 ou
encore “fake news” en 2017, c’est « toxic
» qui vient de remporter la palme pour
2018. En plein “techlash” (présent parmi
les finalistes), l’adjectif lauréat n’est pas
sans nous rappeler l’un des enjeux essen-
tiels de l’industrie : celui de la diversité.
Devenu lui-même un véritable buzzword,
ce dernier a pour autant du mal à trouver
une définition commune dans le cadre
de l’entreprise. Avant d’entrer dans les
détails et de parler d’inclusion ou de biais
cognitifs, il est essentiel de s’accorder sur
ce que représente la diversité.
Damien Hooper-Campbell, premier Chief
Diversity Officer chez eBay, la définit de
26 La diversité
Zoom sur…
façon très simple. Selon lui, il y a diversité
lorsqu’un groupe donné est composé d’in-
dividus ayant des racines, expériences et
parcours — aussi bien personnels que
professionnels — différents. Si les discus-
sions tournent souvent autour du genre et
de l’origine ethnique, sa véritable richesse
provient des mille et une caractéristiques
humaines pouvant être prises en compte.
Le problème majeur associé au manque
(voire à l’absence) de diversité est celui
de l’exclusion. Pensez à la dernière fois
où une décision a été prise à cette réunion
à laquelle personne ne vous a convié. Ou
à cet anniversaire où vos amis ont passé
une excellente soirée... sans vous, car
vous n’avez jamais reçu d’invitation. Pas
vraiment de bons souvenirs, n’est-ce pas ?
Ce sentiment d’injustice, de trahison, est
Hello World!
le quotidien de tous ces individus qui se SOURCES
heurtent à un obstacle de taille dans le re-
crutement ou dans la vie en entreprise de “Word of the Year 2018 is… ”,
façon globale : les fameux biais cognitifs. par l’équipe Oxford Dictionary
Une erreur courante est de diaboliser lesdits “eBay’s First Chief Diversity Officer on
biais cognitifs. Car nous en avons tous en tant Humanizing Diversity and Inclusion”,
qu’êtres humains. Cela fait partie de notre par l’équipe First Round
habitus, tel qu’il a été défini par le sociologue
français Pierre Bourdieu. La diversité ne
supprime pas ces biais cognitifs au sein d’une
entreprise. Bien au contraire, celle-ci permet
d’en inclure une multitude. C’est pourquoi
l’inclusion est l’une des caractéristiques fon-
damentales de l’intelligence collective, qui
se résume en un calcul simple : l’intelligence
d’un groupe est supérieure à la somme des
intelligences individuelles des personnes le
composant. Et pour la maximiser, vous l’avez
deviné : la clé est la diversité.
Être Tech Leader en 2019 La diversité 27
Netatmo
Nathalie
Lamy
<!-- portrait -->
Bonjour Nathalie et merci de nous
recevoir. Tu nous racontes ton parcours ?
J’occupe depuis 2014 le poste de VP En-
gineering chez Netatmo. En tant que res-
ponsable de l’innovation technique, je
coordonne les équipes de recherche et
développement pour créer des produits
simples et intelligents, pour une maison
plus sûre et plus confortable. Avant de
rejoindre Netatmo, j’ai exercé la fonction
d’ingénieure logiciel puis Directrice
R&D chez Cirpack et Directrice de Projet
chez Free. Je suis diplômée de Centrale
Supélec et de RWTH Aachen University,
en Allemagne.
Qu’est-ce qui te fait lever le matin ?
J’ai la chance de connaître Fred Potter,
Fondateur et Président de Netatmo.
Je savais que travailler avec lui serait
un beau défi sur le volet technique et
concernant la gestion des équipes, avec
notamment de grands besoins en re-
crutement : c’est exactement ce que je
recherchais. Depuis mon arrivée nous
avons développé notre activité et sommes
passés de 20 à 120 collaborateurs dans
l’équipe R&D. Nous venons également
d’être rachetés par le groupe Legrand, ce
qui représente une belle opportunité de
croissance pour Netatmo. Aujourd’hui,
ce qui me motive au quotidien, c’est donc
28 Nathalie Lamy • Netatmo
de résoudre des problèmes techniques
en équipe et de faire avancer l’entreprise
tous ensemble.
À l’inverse, qu’est-ce qui t’empêche de
dormir ?
Il peut y avoir plusieurs causes. Cela peut
venir d’un problème de fabrication ou de
développement qui va retarder un projet,
d’un collaborateur frustré ou malheureux
au travail ou encore de frictions entre
équipes liées à des divergences de priorité
ou de vision.
Comment est organisée ton équipe ?
120 personnes travaillent actuellement en
R&D avec une organisation matricielle :
les équipes sont organisées par technolo-
gie (apps mobiles, logiciel embarqué, élec-
tronique/mécanique, production/indus-
trialisation, algorithmes, infrastructure/
back-end et web) et sont coordonnées de
manière transverse par les chefs produits.
Quelles ont été les évolutions les plus
récentes ?
Nous venons d’intégrer une Responsable
Qualité dont le rôle est de faire converger
les attentes des partenaires BtoB et nos
méthodes de travail, ainsi qu’un Head
Of Security qui nous aide à protéger nos
produits et nos utilisateurs d’éventuelles
attaques.
En dehors de ton équipe, avec qui tra-
vailles-tu ?
Nous travaillons bien entendu main dans
la main avec nos Product Managers, mais
nous collaborons également beaucoup avec
les équipes RH. Les problématiques de re-
crutement et de rétention du personnel
sont capitales pour l’avenir de Netatmo.
Hello World! Être Tech Leader en 2019
D’ailleurs, as-tu un secret pour garder
ton équipe motivée ?
Ce qui me semble essentiel, c’est l’écoute.
Comprendre les motivations de mes col-
laborateurs me permet de trouver la
meilleure adéquation entre leurs attentes
et les besoins de Netatmo. Je veille par-
ticulièrement à les nourrir de challenge
technique et à les féliciter de leurs succès
et efforts. Enfin, avoir l’opportunité de
participer à des formations et confé-
rences est très apprécié par les profils les
plus techniques.
Quelle est ta question préférée à poser
en entretien ?
Je questionne souvent les candidats sur
la situation la plus compliquée qu’ils
aient eu à affronter au cours de leur ex-
périence professionnelle. Cela me permet
d’en savoir plus sur leur réaction face à
la difficulté, mais aussi d’évaluer leur
niveau d’autonomie. Quelle démarche
a-t-il utilisé ? Est-ce que le candidat s’est
débrouillé seul ou a-t-il tout de suite
demandé de l’aide ? Les réponses sont
toujours très révélatrices.
Quelles sont tes principaux enjeux de
recrutement ?
Une des problématiques majeures de
Netatmo est celle de la visibilité. Nous
avons de nombreux besoins en profils
techniques mais pas suffisamment de
flux de candidats. Cela peut s’expliquer
par un manque de communication sur
les défis techniques que nous proposons,
mais aussi sur la marque employeur elle-
même, qui n’est pas forcément connue
par les potentiels futurs collaborateurs.
Nous cherchons donc à mettre en place
une identité plus forte, notamment via la
Netatmo • Nathalie Lamy 29
mise en place d’une stratégie de contenu.
Cela passe par des articles de blogs, l’ani-
mation de nos réseaux sociaux, des témoi-
gnages de collaborateurs, mais aussi l’or-
ganisation de meetups techniques.
Quelle est la qualité première à avoir
pour être VP Engineering ?
Je parle beaucoup de l’écoute, mais il y a
aussi la capacité à agir. En effet, une fois
qu’on a entendu les besoins et attentes
de ses collaborateurs et de l’entreprise, il
faut créer un plan d’action et l’exécuter
rapidement.
Quel conseil donnerais-tu à d’autres VP
Engineering ?
Il faut tout d’abord challenger réguliè-
rement l’organisation de l’équipe et les
méthodes de travail pour s’adapter au
contexte mouvant. Il faut aussi savoir
faire confiance aux autres, car il n’y a
rien de plus propice à la montée en com-
pétences que le travail en équipe. Enfin,
savoir se remettre en question est l’étape
suivante pour aller plus loin. Le VP En-
gineering ne doit pas forcément avoir la
réponse à tout mais il doit être capable de
trancher après avoir reçu l’avis de ses col-
laborateurs.
30 Nathalie Lamy • Netatmo
Peux-tu citer une personne qui t’inspire
dans ton métier et pourquoi ?
Fred Potter est justement un exemple d’ef-
ficacité et de capacité à décider et à agir.
Il nous ramène toujours à l’essentiel, nous
rappelle qu’il faut rester le plus simple
possible dans nos choix techniques, et
qu’il faut s’appuyer sur des faits — pas
des croyances. C’est selon moi une bonne
hygiène de vie à adopter.
Quel est ton prochain challenge ?
Je dirais peut-être la partie process et
qualité, c’est-à-dire faire cohabiter ces
notions avec celles de l’agilité et de l’ef-
ficacité au sein de mon équipe. Bien sûr,
personne n’ose y croire mais c’est un beau
défi que de prouver le contraire et de faire
avancer les choses.
Hello World!
Botify
Thomas
Grange
<!-- portrait -->
Bonjour Thomas et merci de nous
recevoir. On commence avec ton
parcours ?
Au départ, j’ai plutôt un profil d’entrepre-
neur. J’ai créé un site internet à l’âge de
16 ans, que j’ai revendu à Doctissimo, du
groupe Lagardère. C’est comme ça que
j’ai découvert le SEO à grande échelle et
écrit un CMS avec le SEO comme noyau.
En 2010, j’ai créé deux autres start-ups :
Ulule et Botify, dans lesquelles j’ai pris la
fonction de CTO.
Quelles sont tes 3 principaux challen-
ges en tant que CTO ?
• Permettre l’alignement de toute une
équipe sur les différentes prises de
décision.
• Diffuser une bonne vision produit et en-
gineering.
• Faire 10 fois mieux, 10 fois plus vite et 10
fois moins cher que l’état de l’art.
Quelle est la qualité première d’un bon
CTO selon toi ?
Pour moi, cela commence par une bonne
vision technologique tout en restant
très rationnel. Il ne faut jamais oublier
qu’on n’est pas obligé d’aller chercher
la dernière tendance, car celle-ci n’aura
32 Thomas Grange • Botify
de toute façon pas eu le temps d’être
éprouvée par la communauté. Alors que
partir d’une problématique produit en
prenant le temps de trouver la bonne
solution technique, ainsi que l’équipe
que l’on souhaite créer, permet selon
moi d’avoir la meilleure vélocité possible.
Enfin humainement, il faut aussi être
capable d’écouter et de gérer une équipe
constituée de personnes aux aspérités et
séniorités différentes.
Peux-tu citer une personne qui t’inspire
en tant que CTO et pourquoi ?
Sans aucun doute David “DHH” Heine-
meier Hansson. C’est le co-fondateur
et CTO de Basecamp, ainsi que l’inven-
teur de Ruby On Rails, connu également
pour son livre Rework. J’admire sa vision
combinée de la technologie et du produit,
et plus philosophiquement sa déconstruc-
tion argumentée de la plupart des mythes
managériaux de la Silicon Valley : temps
passé au travail, open-space, cash-bur-
ning, etc.
As-tu des conseils pour améliorer son
process de recrutement ?
Selon moi, il n’y a qu’une seule façon de
s’assurer qu’un candidat est bon : passer
du temps avec lui. Chez Botify, celui-ci
va être intégré à l’équipe pendant une
journée avec un problème à résoudre.
L’objectif n’est pas uniquement de voir
son niveau de code, mais surtout de voir la
qualité de ses interactions avec l’équipe.
Mais j’admets qu’on ne prend pas toujours
le temps de le faire par manque de temps,
en raison d’une roadmap très chargée.
Hello World! Être Tech Leader en 2019
Quelle est ta question de prédilection
lors d’un entretien de recrutement ?
“Lorsque vous rencontrez un problème,
vous avez plutôt tendance à le résoudre
seul ou à demander de l’aide à votre
équipe” ? Chez Botify, nous avons pour
principe de laisser notre égo à la porte.
Nous travaillons avec des personnes qui
pensent collectif avant tout. Nous avons
tous des compétences et des profils diffé-
rents. C’est pourquoi nous recherchons la
complémentarité.
Peux-tu décrire une décision dont tu es
fier ?
Ce serait plutôt le changement de mon
état d’esprit qui s’est effectué en 8 ans.
Une évolution au long cours, qui m’a
permis de passer d’un mode control freak
à une maturité acquise au fil des années
permettant de mieux déléguer. Pour
un fondateur de start-up qui démarre
dans sa chambre d’adolescent, ce n’est
pas forcément facile à adopter. C’est en
déléguant au quotidien et en s’entourant
de personnes de confiance qu’on s’ap-
proche de la sagesse.
Et une décision que tu regrettes ?
Par le passé, j’ai pu faire des choix de
technologies en fonction des profils dis-
ponibles sur le marché. Nous avons voulu
adapter le produit aux compétences ac-
cessibles alors que nous avions déjà un
framework complet et performant. Fina-
lement, nous nous sommes rendus compte
au bout de trois ans que cela n’avait fait
que générer de la dette technique.
Botify • Thomas Grange 33
Tu codes toujours ?
Je code toujours pour prototyper de
nouveaux projets et pour valider de
nouvelles hypothèses ou fonctionnalités.
Cela intervient vraiment en amont et re-
présente environ 25% de mon temps. Les
équipes prennent ensuite le relai pour
reprendre de zéro ou rendre le code plus
propre, plus robuste.
Qu’est-ce qui te fait lever le matin ?
Goût du produit et challenge technique.
Je pense constamment à la prochaine
feature qui fera rêver nos utilisateurs,
ainsi que l’infrastructure et l’algorith-
mique que cela impliquera derrière. Et
bien évidemment, de travailler en équipe
et d’avancer tous ensemble.
À l’inverse, qu’est-ce qui t’empêche de
dormir ?
Après plusieurs années entrepreneu-
riales à travailler jusqu’à 2h du matin
pour livrer les rapports aux clients, j’ai
pris pas mal de recul. Ces années sont loin
derrière moi. J’ai appris depuis à faire le
vide pour mieux rebondir au travail.
Quel est ton prochain challenge ?
Le Machine Learning ! Je cherche à consti-
tuer une équipe autour de cette problé-
matique, pour ensuite diffuser cet esprit
au sein de l’équipe existante. Nous allons
passer d’un produit très analytique à
un produit plus intelligent. C’est un vrai
virage pour nous et pour la manière dont
nous allons présenter la data. Cela va
impliquer un process long afin d’obtenir
un produit final qui parle aux utilisateurs.
Être Tech Leader en 2019
Comment l’État français peut-il selon
toi aider les CTO ?
Comme beaucoup d’autres, j’ai envie de
répondre « pouvoir retenir les talents
en France » — ce qui ne fonctionne pas
aujourd’hui selon moi. On constate tous
une pénurie de développeurs. Comment
peut-on réussir à former plus de monde
à ce métier ? Nos universités publiques
et écoles comme Epitech ou 42 sont-elles
suffisantes pour absorber la demande ? Il
faudrait par ailleurs chercher “démascu-
liniser” ce métier. Dans les années 80, il
y avait en valeur relative plus de femmes
dans notre domaine qu’aujourd’hui.
Quel conseil donnerais-tu aux actuels
et futurs CTOs ?
Je dirais qu’il faut toujours se questionner
sur son organisation. Cela passe par des
prises de recul régulières pour revoir les
process, remettre en place le jeu collectif
des équipes, mais aussi affiner la vision.
Pour les CTO qui débutent une nouvelle
aventure, commencez par ce que vous
connaissez. Prenez bien le temps de
réfléchir au problème sans forcément
imaginer ce que le projet deviendra dans
cinq ans. Quand vous êtes prêts à passer
à la vitesse supérieure, choisissez une
technologie et une équipe solide avec soin
pour faire décoller votre projet.
Botify • Thomas Grange 35
Webedia

Julien
Ricard
<!-- portrait -->

Bonjour Julien et merci de nous

recevoir. On commence avec ton
parcours ?
Je code depuis que j’ai 10 ans. Ma
première expérience pro a été Webmaster
chez Aufeminin.com, avant de m’occuper
d’une partie du code et de l’infrastructure
— on était trois à la technique. J’ai passé
quelques temps chez Condé Nast, où j’ai
pu commencer à développer des compé-
tences managériales de CTO. J’ai ensuite
rejoint l’aventure Webedia à ses débuts,
où on a scalé l’équipe technique de une
à cinquante personnes. Depuis quelques
temps, je me concentre sur l’adserver du
groupe qui était l’un de mes side projects
en interne.

Tu codes encore ?
Oui, et notamment parce que j’adore ça.
C’est aussi nécessaire selon moi pour se
tenir au courant des dernières avancées
sur le volet technique.

Quels sont tes enjeux principaux au

quotidien ?
Faire avancer les projets, garantir leur
efficacité et écouter mon équipe.

36 Julien Ricard • Webedia Hello World! Être Tech Leader en 2019 Webedia • Julien Ricard 37
Comment êtes-vous organisés chez
Webedia ?
On n’aime pas trop la hiérarchie mais on
est bien obligés d’en mettre. On bosse en
scrum, que l’on adapte à nos habitudes.
On n’applique pas tous ses principes qui
peuvent certes bien fonctionner ailleurs,
mais pas forcément chez nous.
Tu as une technique pour garder tes
équipes motivées ?
Les développeurs étant des individus
créatifs, il est nécessaire de leur donner le
moyen de s’exprimer par des challenges et
de les aider à gagner en efficacité, en impact.
Au delà de tes équipe, avec qui d’autres
travailles-tu au quotidien ?
La création se fait beaucoup avec les dif-
férents DG mais les meilleures idées appa-
raissent souvent dans un cadre informel,
lors d’une pause café ou dans un bar par
exemple. D’où l’importance d’échanger
avec le plus de collaborateurs possibles.
Tu as une question de prédilection en
entretien ?
J’aime demander les médias et sources
d’informations que les candidats suivent
pour se tenir au courant. Je cherche
toujours à recruter des individus de
nature curieuse.
C’est quoi la qualité première d’un bon
CTO selon toi ?
Être cohérent avec le business.
Il y a une personne en particulier qui
t’inspire en tant que CTO ?
Je ne suis pas du genre à revendiquer
d’être “fan” de quelqu’un, mais je m’inspire
surtout des CTOs que je fréquente.
38 Julien Ricard • Webedia
Et quel conseil donnerais-tu aux CTOs
d’aujourd’hui et de demain ?
Ne pas faire de la technique pour la
technique et prioriser l’humain.
As-tu un exemple de décision dont tu es
fier ?
Je suis toujours fier de donner des respon-
sabilités à des gens.
Et une que tu regrettes ?
M’être parfois trop donné dans mon
travail au détriment de ma santé. L’esprit
work hard/play hard est tout sauf une
approche saine.
Quel est ton prochain challenge ?
Porter une application de PHP vers Go.
Enfin, comment l’État français peut-il
aider la tech selon toi ?
J’ai tendance à ne pas trop compter sur
l’État français ou un autre. Nous avons
déjà certaines aides au CIR, à la JEI ou
encore à la BPI. À la rigueur peut-être
enseigner plus de matières scientifiques
et prioriser la programmation plutôt que
le latin à l’école. On pourrait par exemple
commencer de façon très simple en
Scratch dès la primaire. De même, il serait
temps de miser sur l’anglais — et non le
franglais (rires). Car des noms de variable
ou des commentaires en anglais approxi-
matif, ce n’est pas toujours facile à lire.
Hello World! Être Tech Leader en 2019 Webedia • Julien Ricard 39

le mentoring
Aux États-Unis, le self-made man a
longtemps été érigé comme un véritable
modèle de réussite économique et sociale.
De grands industriels tels Carnegie et
Rockfeller, ou des politiciens comme
Reagan ou Obama, en sont de parfaites
illustrations entrées dans la légende.
Légende urbaine ? Car dans la réalité,
parler de self-made man est réducteur
pour ces personnes de l’ombre qui per-
mettent à d’autres de s’élever dans la
lumière. Nous parlons ici des mentors.
Prenons l’exemple de Barack Obama. En
2014, celui-ci remettait la Médaille Pré-
sidentielle de la Liberté à Abner Mikva.
La rencontre avec cet homme politique
(également juge fédéral, avocat et pro-
fesseur de droit) a littéralement changé
le destin de celui qui allait devenir le
futur président des États-Unis. D’autres
mentors sont au moins aussi connus du
40 Le mentoring
Zoom sur…
grand public que leur disciple. Steve Jobs
était par exemple le mentor de Marc
Benioff. Elizabeth Taylor était la protégée
d’Audrey Hepburn. Un certain Socrate
avait pour disciple Platon, devenu par la
suite le maître à penser d’Aristote. Luke
Skywalker lui-même aurait eu bien du
mal à maîtriser sa Force sans la sagesse
d’Obi-Wan Kenobi.
Tout le monde a besoin d’un mentor dans
sa vie. Les CTOs ne font pas exception.
Personne ne doit se sentir seul face à ses
responsabilités. Pour chaque décision à
prendre, chaque problème technique à
résoudre, il y aura toujours une personne
pour vous éclairer. Et si demander de
l’aide n’est pas vraiment ancré dans la
culture française, il s’agit juste de franchir
le premier pas.
La grande question est : QUI ?
Hello World!
Pour y répondre, commencez par vous
demander ce que vous essayez de
résoudre. Et comme à chaque problème
sa solution, il existe différents types de
mentors adaptés à chaque situation :
• Les Advisors sont reconnus pour
avoir réussi dans leur domaine. Ce qui
vous aidera, c’est leur sagesse et vision
pouvant vous guider tel un phare dans les
ténèbres.
• Les Peers sont comme des aînés pour
vous. Ce sont des personnes qui sont
passées par votre situation et qui peuvent
vous aider à la lueur de leur expérience.
• Les Experts sont quant à eux de véri-
tables techniciens. Leurs conseils pointus
vous aiguilleront particulièrement sur le
volet hard skills, mais aussi sur la prise de
décision.
Être Tech Leader en 2019
Pour finir, derrière chaque disciple d’au-
jourd’hui se cache un mentor de demain.
Pensez donc à rendre à autrui la chance
qui vous a été donnée. Car au fond, nous
sommes tous des Platon.
SOURCES
“Abner Mikva, mentor to Barack Obama”,
dies at 90, par Associated Press (POLITICO)
“The 3 types of mentors who’ve helped
me as a startup CEO, par Quang Hoang”,
CEO de Plato
“We studied 100 mentor-mentee matches
— here’s what makes mentorship work”,
par l’équipe First Round
Le mentoring 41
Alkemics
Giovanna
Giammarino
<!-- portrait -->
Bonjour Giovanna et merci de nous recevoir. On
commence avec ton parcours ?
Enchantée ! Je m’appelle Giovanna et je travaille dans
la tech depuis un quart de siècle. Je me suis plongée très
tôt dans le domaine des nouvelles technologies. J’ai eu la
chance de suivre de près les débuts d’Internet et ses évo-
lutions. Après un master à Columbia University, je me
suis formée sur le volet technique avec des expériences
de dev’ à New York. En 1998, j’ai fondé mon entreprise,
Invisible Hand Networks, qui a été rachetée depuis.
C’est en 2004 que j’arrive en France, où j’ai travaillé
tour à tour en tant que Software Architect, Enginee-
ring Manager et CTO Adjointe. Depuis 2014, je suis chez
Alkemics, plateforme collaborative pour la grande dis-
tribution et les marques. En tant que VP Engineering, je
suis en charge des équipes Infrastructure, Data Science
et Développement.
Quelles sont tes missions principales en tant que
CTO ?
Le premier point touche à l’organisation, aussi bien
des équipes que du travail des collaborateurs. Au delà
du volet opérationnel, il s’agit surtout de s’assurer
d’avoir les bons talents au bon poste pour qu’il puissent
exprimer tout leur potentiel. Il y a aussi l’architecture
logicielle. Même si je ne prends pas toutes les décisions,
je dois faire en sorte qu’elles collent à nos différentes
problématiques en interne. Pour finir, le recrutement et
la rétention des développeurs et managers est un enjeu
capital pour toute entreprise.
Comment est organisée ton équipe ?
42 Giovanna Giammarino • Alkemics
Nous avons des équipes fonctionnelles
avec des Product Managers, des UX, des
QA et bien sûr, des développeurs. Celles-ci
sont orientées par des Tech Coordinators
afin de mener à bien les projets, ainsi que
d’assurer la cohérence de l’architecture
et de la codebase. Nous avons également
une équipe SRE qui assure la qualité de
l’infrastructure et des outils internes.
C’est quoi ton truc pour garder ton
équipe motivée ?
Faire du travail un plaisir. C’est important
que mon équipe se sente bien au travail et
vienne avec le sourire, dans une ambiance
où tout le monde puisse collaborer dans
la bonne humeur. Je suis à ce poste pour
éliminer les obstacles et faciliter la col-
laboration. Enfin, j’essaye d’insuffler la
vision et de donner du contexte autour
de la finalité des projets qu’on mène au
quotidien.
Quels sont les enjeux que tu rencontres
au niveau du recrutement ?
Nous avons un problème de disponibilité
des talents. Nous aspirons à une grande
diversité de profils sans pour autant
vouloir baisser le niveau d’exigence à
l’entrée. Nous essayons donc de rester
très flexibles et de sortir des sentiers
battus dans notre recherche de candidats.
Quelle est ta question préférée à poser
en entretien ?
Au delà des questions techniques ha-
bituelles, je demande souvent aux
candidats de me dire à quel moment de
leur vie ceux-ci sont allés plus loin que
ce qu’on attendait d’eux pour avoir un
impact supérieur. Cela me permet d’iden-
tifier les personnes proactives et de savoir
Hello World! Être Tech Leader en 2019
comment celles-ci pourraient s’épanouir
chez Alkemics.
Peux-tu décrire une décision que tu
regrettes ?
Je n’ai rien de particulier en tête mais
les regrets généralement de prises de
décisions trop hâtives. L’impact technique
peut être très important et nous faire
perdre du temps et de l’argent. Par
exemple, nous essayons souvent de
changer une partie de l’architecture dans
la hâte pour optimiser une feature, alors
que nous aurions dû prendre le temps de
poser le problème.
Peux-tu décrire une décision dont tu es
fière ?
Au tout début chez Alkemics, nous avions
une organisation sans management. Nous
pensions pouvoir garder cette forme d’or-
ganisation. Mais en grandissant, cela a
généré de la frustration et des tensions.
Nous avons donc mis en place un système
positif de management basé sur le
coaching plutôt que sur l’opérationnel.
L’impact a été très positif.
Quelle est selon toi la qualité première
pour être VP Engineering ?
La première qui me vient à l’esprit peut
paraître simpliste mais c’est l’enthou-
siasme. Il est important de toujours être
positif, car c’est ce qui amène les collabo-
rateurs à s’impliquer davantage. L’écoute
est une autre qualité essentielle. Nous
sommes au carrefour entre les différents
collaborateurs et équipes. Enfin, il y a la
maturité liée à l’expérience. C’est ce qui
nous permet d’avoir plus de sagesse et de
recul sur notre métier.
Alkemics • Giovanna Giammarino 43
Peux-tu citer une personne qui t’inspire
au quotidien ?
J’admire beaucoup Joël Spolsky, le
fondateur de Stack Overflow et Trello. Je
suis son blog Joel On Software depuis 99
et il m’a beaucoup appris. J’aime aussi
l’approche de Martin Fowler. Sur son site
et dans ses livres, j’ai découvert pas mal
de conseils actionnables sur l’architec-
ture, ainsi que les stratégies d’automatisa-
tion et de test.

Quel conseil donnerais-tu à d’autres VP

Engineering ?
De recruter des talents en lesquels on peut
avoir confiance. Il faut toujours avoir des
personnes au bon poste très tôt selon moi.
Cela permet de faire avancer son équipe
plus rapidement.

Quel est ton prochain challenge ?

Le prochain challenge pour nous sera
d’aligner business et engineering. De rendre
tous les types de développement produit
fonctionnels de manière impeccable pour
le client. Plus globalement, cela revient à
aligner notre stratégie pour augmenter la
satisfaction, ainsi que la monétisation.

Comment l’État français peut-il aider

la tech ?
Selon moi, l’État devrait œuvrer dans le
domaine de l’éducation et de la pédagogie.
Apprendre le code aux plus jeunes, les
sensibiliser, et aussi faire tomber les
barrières et stéréotypes sur les ingé-
nieurs. Il est grand temps d’en finir avec
l’élitisme de ce métier.

44 Giovanna Giammarino • Alkemics Hello World! Être Tech Leader en 2019 Alkemics • Giovanna Giammarino 45
Younited Credit
Stéphane
Alizon
<!-- portrait -->
Bonjour Stéphane et merci de nous
recevoir. Commençons par les présen-
tations !
Je suis ingénieur de formation et au-
jourd’hui CTO chez Younited Credit. J’ai
dix-huit ans d’expérience dans le domaine
de la tech. J’ai commencé par huit ans de
développement avant d’accéder à des res-
ponsabilités croissantes. J’ai également
eu l’opportunité d’exercer d’autres disci-
plines techniques telles que l’intégration,
l’exploitation, l’architecture, ou encore la
direction de projets et programmes. J’ai
toujours travaillé dans de grandes struc-
tures avant de rejoindre Younited, qui est
ma première expérience en start-up, il y a
quatre ans.
Quelles sont tes enjeux principaux en
tant que CTO ?
Nous avons justement récemment revu
les missions de la tech au sein de Younited,
parmi lesquelles nous devons :
• Assurer la scalabilité du modèle éco-
nomique en automatisant un maximum
d’opérations. Nous devons absorber
une hypercroissance tout en tassant la
structure de coûts.
• Offrir un time-to-market des évolutions
de notre produit le plus court possible.
46 Stéphane Alizon • Younited Credit
Nous essayons pour cela d’être les
meilleurs possibles dans le continuous
delivery, et assurons aujourd’hui plus de
dix mises en production par jour en tra-
vaillant continuellement nos process, ou-
tillages et organisation.
• Fournir le socle technique permettant de
travailler la data à des niveaux avancés.
Nous devons en effet mettre à la dispo-
sition de nos Data Scientists des données
les plus propres et complètes possibles ;
les modèles statistiques aux différentes
étapes de notre chaîne de valeur faisant
partie des clés de notre croissance.
Comment est organisée ton équipe ?
On a des équipes pluridisciplinaires,
avec des collaborateurs provenant des
métiers et de la tech qui sont alignés sur
un domaine métier et ont l’autonomie né-
cessaire pour délivrer de la valeur finale
pour l’entreprise. On a aussi mis en place
un second axe organisationnel, avec des
communautés de pratiques (architecture,
ingénierie logicielle, sécurité, qualité,
DevOps et gestion de produits/projets)
avec un correspondant par feature team,
ainsi qu’un leader pour animer chaque
communauté.
C’est quoi ton truc pour garder ton
équipe motivée ?
C’est d’abord donner du sens à leur travail
en faisant en sorte que les raisons et les effets
de leurs réalisations leur soient communi-
quées. J’essaie aussi de faire en sorte que
les décisions soient prises au bon endroit
et que les membres de l’équipe n’aient pas
l’impression que d’autres décident pour
eux. Je les implique aussi un maximum dans
l’élaboration du futur de l’équipe.
Hello World! Être Tech Leader en 2019
Tu as un exemple en particulier ?
Nous avons récemment défini notre vision
tech à 3 ans. Tout le monde a été sollicité
pour un exercice cadré au préalable et
de nombreuses idées ont pu émerger
de la part de toute l’équipe. Le droit à
l’erreur est aussi capital pour instaurer
un climat de confiance et permettre ainsi
d’échanger en toute transparence sur nos
problèmes et les solutions possibles.
As-tu des conseils pour améliorer les
process de recrutement ?
Impliquer encore davantage ses équipes
dans le sourcing. Chez Younited, nous
avons une politique de cooptation intéres-
sante. Mais celle-ci n’est pas aussi efficace
que je le souhaiterais. La grande majorité
des profils nous viennent toujours de
cabinets de recrutement, alors qu’il n’y a
rien de mieux que des développeurs pour
recruter d’autres développeurs.
Peux-tu décrire une décision dont tu
es fier ?
Il y a deux ans et demi, j’ai fait le choix
de migrer la totalité de nos infrastruc-
tures sur un cloud public. Nous avions de
réels enjeux de scalabilité et d’élasticité et
c’était à mes yeux la solution la plus viable
pour notre contexte. Mais aucun autre
établissement de crédit agréé Banque
de France n’avait fait ce choix aupara-
vant. C’était donc d’une part une réelle
opportunité de différenciation qui nous
a permis de prendre beaucoup d’avance
et d’autre part un risque réglementaire.
J’ai fait le choix d’y aller à fond et ce fut
un vrai succès : nous avons énormément
gagné en agilité.
Younited Credit • Stéphane Alizon 47
Quel est ton prochain challenge ?
Notre business model est en train
d’évoluer. Au-delà d’être une plateforme
permettant à nos clients investisseurs
de financer des crédits à nos clients em-
prunteurs, nous devenons de plus en plus
une solution technique permettant à de
gros acteurs de disposer d’une solution
de “credit-as-a-service”. Cela leur permet
de financer eux-mêmes des crédits qu’ils
proposent à leurs propres clients. On
devient en quelque sorte un éditeur de
logiciel. En plus de ces nouveaux partena-
riats, nous déployons encore de nouveaux
pays et prévoyons de proposer d’autres
produits en plus du crédit à la consom-
mation. Nous devons donc savoir allier la
généricité de notre produit pour pouvoir
le réutiliser au maximum, tout en sachant
y apporter les spécificités nécessaires aux
nouveaux pays, partenaires et produits.
C’est une réelle difficulté d’architecture et
d’organisation. Nous visons une IPO d’ici
3 ans. Ces nouveaux pays, partenaires
et produits représentant nos plus gros
leviers de croissance, nous devons avoir
une exécution parfaite sur ces points.
Quel conseil donnerais-tu aux actuels
et futurs CTOs ?
De s’assurer que leur équipe est “OP-
OP-OP” : OPérationnelle, OPtimiste et
OPiniâtre.
• Opérationnelle : autonome et talen-
tueuse pour délivrer rapidement des
solutions pertinentes
• Optimiste : qualité essentielle en start-up
pour moi. Il y a même un petit soupçon
d’inconscience à avoir. Younited s’attaque
aux banques, par exemple : ce n’est pas
rien.
• Opiniâtre : faire preuve d’acharnement
dans ce qu’on entreprend. On passe notre
temps à résoudre des problèmes. Cela
nécessite du temps, de la patience et de
l’énergie. Il ne faut jamais rien lâcher.

Peux-tu citer une personne qui t’inspire

en tant que CTO et pourquoi ?
Un CTO que j’avais justement rencontré
lors d’un talk dans le cadre de Tech.
Rocks : Dan, le CTO de Criteo. Je me
retrouve confronté à des challenges qu’il
a déjà relevés plusieurs fois par le passé.
Son parcours est très impressionnant et il
fait preuve d’une grande humilité. Lors de
ce talk, les recommandations qu’il avait
faites sur le management m’ont été parti-
culièrement bénéfiques.

48 Stéphane Alizon • Younited Credit Hello World!

ONprint
Aline
Paponaud
<!-- portrait -->
Bonjour Aline et merci de nous recevoir.
On commence avec ton parcours ?
J’ai 32 ans, une formation d’ingénieure en
informatique réseaux et suis aujourd’hui
CTO d’ONprint (groupe LTU Tech). Aupa-
ravant, j’ai travaillé dans l’industrie au-
tomobile. J’étais en charge du développe-
ment d’un logiciel d’aide à la fabrication
de pièces d’assemblage à Grenoble. À
l’époque, j’étais à fond pour la méthode
agile. Plus tard, je suis arrivée en région
parisienne pour acquérir de l’expérience
dans d’autres branches de mon métier.
Je me suis retrouvée en SSII et me suis
beaucoup impliquée dans le monde
de la tech de manière générale. Ce qui
nous amène à mon recrutement en tant
que CTO chez ONprint. En quatre ans,
les choses ont beaucoup évolué et nous
venons de fusionner avec deux sociétés
pour fonder le groupe LTU Tech. Au
quotidien, mon rôle de CTO est très opé-
rationnel et je travaille en binôme avec
notre Directeur Commercial.
C’est quoi ton truc pour garder ton
équipe motivée ?
Beaucoup de respect. On vit dans un
monde où les développeurs sont souvent
considérés comme le dernier maillon de
la chaîne alors qu’ils sont indispensables.
Il y a donc un véritable besoin de recon-
50 Aline Paponaud • ONprint
naissance que je m’attache à mettre au
maximum en avant. Enfin, et cela me
paraît normal mais il y a également un
devoir de bienveillance.
Comment est organisée ton équipe
d’ailleurs ?
On est une start-up, avec chacun sa spé-
cialité au sein de l’équipe. On n’est pas
tous sur un même sujet en même temps.
Chacun gère sa partie et nous sommes
tous autonomes, avec très peu de besoin
de gestion d’équipe. Pour assurer une
bonne fluidité de la communication, on
organise un stand-up meeting le matin,
afin que chacun soit au courant de ce que
l’autre fait. On gère encore beaucoup de
choses au jour le jour, mais on est en train
de mieux définir et figer un peu plus notre
roadmap.
En dehors de ton équipe, avec qui tra-
vailles-tu ?
Principalement avec le Product Owner
et le Directeur Commercial pour avoir
les retours clients. Comme je le disais
plus haut, je ne me sens pas réellement
CTO car je me dois avant tout d’être un
couteau suisse.
Tu codes encore ?
Oui tout à fait ! J’aime coder et j’en ai
besoin. Je suis parfois encore en bott-
leneck sur des projets et je n’arrive pas
toujours à bien déléguer. En parallèle,
j’aime chercher des nouveautés et me
tenir au courant des dernières innova-
tions techniques. Et puis, quand mon
équipe est absente pendant les vacances,
je prends naturellement le relais.
Hello World! Être Tech Leader en 2019
Qu’est-ce qui te fait lever le matin ?
L’équipe avec laquelle je travaille au
quotidien. Je suis là pour les accompa-
gner mon équipe, les aider à avancer et
à débloquer des situations. On est six dé-
veloppeurs et un Product Owner. J’ai de
la chance d’avoir une équipe soudée qui
s’entend bien. Le quotidien est plus facile
quand tout le monde est motivé !
À l’inverse, qu’est-ce qui t’empêche de
dormir ?
La production ! Quand rien ne marche,
quand l’un de mes service est down. Je
peux ne pas aller me coucher tant que le
problème n’est pas fixé. Il y a deux ans,
j’étais en train de réparer un bug le jour
de Noël.
Peux-tu décrire une décision dont tu es
fière ?
Tout simplement que l’entreprise soit
toujours là cinq ans après sa création.
On a des actionnaires et des patrons qui
sont vraiment impliqués. Cette fusion est
aussi une grande fierté car elle nous rend
légitimes.
Peux-tu décrire une décision que tu
regrettes ?
Des choix techniques et de langages. Je
suis en ce moment bottleneck sur un
projet car je suis la seule à maîtriser
Dotnet. Paradoxalement, je n’ai pas envie
de recruter sur cette technologie car on
envisage d’arrêter de l’utiliser. Ce sont des
choix faits il y a longtemps, que je regrette
encore aujourd’hui.
ONprint • Aline Paponaud 51
Quelle est la qualité première pour être
CTO selon toi ?
Il faut être crédible sur le volet technique.
Si c’est juste un manager, ça n’a aucun
intérêt. Je suis devenue CTO à 28 ans et
si je n’avais pas codé, je ne serais jamais
arrivée à ce poste. Je devais avoir une
certaine légitimité pour cette prise de
fonction, avec une expérience proche
de celle des personnes que j’allais être
amenée à manager.
Peux-tu citer une personne qui t’inspire
en tant que CTO et pourquoi ?
Tous mes précédents patrons parce qu’ils
m’ont tous fait grandir. Ils ont tous eu ce
côté paternaliste avec moi. Cela provient
certainement du fait que je sois une
femme dans un domaine majoritaire-
ment masculin. Ça m’a sans doute aidé, je
l’admets. Mais aujourd’hui, je pense que
je n’en ai plus besoin.
Quel conseil donnerais-tu aux CTOs
d’aujourd’hui et de demain ?
Tout d’abord, bien définir leur fiche de
poste. Être CTO aujourd’hui, cela veut
tout et rien dire tant le rôle peut différer
d’une entreprise à une autre. Et en tant
que garante de la direction technique,
je pense qu’il faut toujours rester en
veille, aussi bien sur son secteur que son
marché. Il faut avoir une vision éclairée et
sentir les tendances.
Comment l’État français peut t’aider
dans ton rôle de CTO ?
Selon moi, l’État fait déjà pas mal de
choses dans notre sens. Il existe un CTO
de la France et je trouve l’idée géniale.
Concernant le positionnement des
femmes dans le secteur de la tech, c’est
52 Aline Paponaud • ONprint
surtout la culture française qui est en
faute selon moi. L’éducation des parents
joue plus que l’État. Je suis d’ailleurs
à l’initiative d’une opération visant à
proposer aux enfants d’apprendre le
code. Le but est d’améliorer l’image et la
visibilité de notre métier. Enfin, il faut que
l’État français lui-même face de la tech
une force. Prenons l’exemple des sites et
outils institutionnels comme les impôts
ou Ameli. Ces plateformes s’améliorent de
jour en jour et il faut que ça continue dans
ce sens.
Quel est ton prochain challenge ?
Mon prochain challenge c’est de propulser
la nouvelle entreprise LTU Tech avec de
nouvelles recrues, de nouveaux profils. Il
y a des nouvelles choses à imaginer et à
faire avancer. La seconde chose c’est sur
le management. Jusqu’à maintenant j’ai
réussi à structurer mon équipe. Mainte-
nant ma mission c’est de les faire monter
d’un niveau sur tous les plans. Prendre la
place de mentor pour les pousser. Devenir
vieille dans le bon sens du terme (rires).
Hello World! Être Tech Leader en 2019 ONprint • Aline Paponaud 53

le remote
Le travail à la maison est une techno-
logie futuriste. C’est ce qu’affirme dans
son TED Talk Nicholas Bloom, enseignant
chercheur à Stanford et auteur de la
plus grande étude à date sur le travail en
remote. Celui-ci a mené une expérience
sur un échantillon de cinq-cent employés
du centre d’appel de Crip, la plus grande
agence de voyage en Chine. Pendant neuf
mois, la moitié d’entre eux ont travaillé
depuis chez eux alors que l’autre moitié
restait au bureau. Chez les employé en
remote, le chercheur a observé un gain de
productivité de 13,5%, un taux d’engage-
ment en hausse de 9%, moins de pauses et
de congés maladie, ainsi que 2 000 dollars
d’économies annuelles par employé. Vous
avez dit prometteur ?
D’autres entreprises comme GitLab,
Buffer ou encore InVision ont des équipes
totalement distribuées sur tous les conti-
54 Le remote
Zoom sur…
nents et fuseaux horaires du monde.
Et nous ne parlons pas ici de petites
start-ups mais d’entreprises matures avec
des centaines d’employés et plusieurs
milliards de dollars de valorisation. Alors
pourquoi le remote est-il si controversé
— voire tabou —, notamment en France
? Aux États-Unis, sortir tard du bureau
est souvent synonyme de faible producti-
vité ou de mauvaise organisation de son
travail. Pas très valorisant socialement
donc. Tout le contraire de la France où
le présentéisme a encore de beaux jours
devant lui. Et c’est précisément là que le
travail en remote brouille les pistes.
Car avoir un employé à disposition
dans une zone géographique proche
est un marqueur hiérarchique fort.
Une situation qui plaît à de nombreux
cadres supérieurs français, qui ont une
approche du management fondée sur le
Hello World!
contrôle. Mais quand ce même employé
est à des kilomètres et uniquement acces-
sible derrière un écran, cette sensation
de pouvoir s’estompe. C’est pourquoi le
travail à distance nécessite une approche
managériale basée sur la confiance et la
performance. Mais les outils de collabo-
ration modernes comme Slack ou GitLab
étant pensés pour des équipes distribuées
et la plupart des tâches opérationnelles
étant mesurables, quel est aujourd’hui le
risque du remote ?
C’est l’incarnation même de l’agilité
prônée par les start-ups et tant convoitée
par les grands groupes. De plus, c’est
un terme qui couvre de nombreuses
réalités. À temps plein ou partiel, régulier
ou exceptionnel, chez soi ou en voyage
: il y a autant de façons de travailler en
remote qu’il y a de travailleurs. Enfin et
surtout, les bienfaits potentiels du remote
Être Tech Leader en 2019
dépassent le cadre de l’entreprise. De la
qualité de vie au climat, en passant par la
famille et le pouvoir d’achat, ce ne sont pas
les exemples qui manquent. Et si c’était le
remote plutôt que la blockchain ou l’intel-
ligence artificielle qui était à l’origine de
la prochaine révolution industrielle ?
SOURCES
“Does Working from Home Work?
Evidence from a Chinese Experiment”,
par Nicholas A. Bloom, James Liang, John
Roberts, Zhichun Jenny Ying
“Go Ahead, Tell Your Boss You Are
Working From Home”,
par Nicholas Bloom (TEDxStanford)
Le remote 55
Theodo
Benjamin
Grandfond
<!-- portrait -->
Bonjour Benjamin, merci de nous
partager ton expérience. On commence
par ton parcours ?
Je suis originaire de Limoges où j’ai fait
un DUT informatique de 2006 à 2008. J’ai
ensuite fait une licence pro “Métiers du
numérique” spécialisée dans la création
pour le web à Arles de 2008 à 2009. J’ai
découvert le PHP entre ma première et
ma seconde année de DUT. Je préfère ne
pas montrer mon premier site qui est
vraiment immonde à tout point de vue
(rires). J’ai ensuite découvert Symfony,
que j’ai appris à utiliser dans un cadre
perso puis pro à partir de 2009. Cette
même année, j’ai rejoint Theodo et évolué
dans l’entreprise jusqu’au poste de CTO.
Justement, quelle est la qualité
première d’un bon CTO selon toi ?
Je pense que sa principale qualité, c’est
d’être à l’écoute. Il faut bien comprendre
ce que vivent les équipes techniques pour
les aider à résoudre leurs problèmes.
Cela crée un cercle vertueux où elles pro-
gressent plus vite et sont plus motivées.
Quelles sont tes trois missions princi-
pales au quotidien ?
Aider les équipes à délivrer plus vite les
applications de nos clients. Cela passe
par beaucoup de coaching et de problem
56 Benjamin Grandfond • Theodo
solving : le Lean Management m’inspire
beaucoup. Ensuite, il y a bien entendu le
recrutement des devs. Depuis peu, je me
suis assigné une nouvelle mission : coder
les outils qui permettront d’accélérer la
productivité de l’équipe.
Comment sont organisées tes équipes
aujourd’hui ?
J’ai entre 20 et 30 équipes en même temps.
Une équipe c’est un Lead Dev (qu’on
appelle “Archi Dev”), deux développeurs
et un coach-agile. Elles sont autonomes.
En tout, j’ai 29 Lead Devs à faire progres-
ser en priorité pour qu’ils puissent faire
de même avec les devs de leurs équipes.
Quel est ton secret pour garder tes
équipes motivées ?
Proposer des challenges techniques ou de
leadership toujours plus complexes.
Et tu travailles avec d’autres départe-
ments chez Theodo ?
Avec tout le monde. En particulier avec
le Recrutement pour élever les critères
de sélection, et les Business Developers
pour améliorer les conditions de travail
des devs avec nos clients. Nous aidons
également ces derniers à trouver les
projets à plus forte valeur ajoutée et qui
feront progresser techniquement tout le
monde.
Tu as une question de prédilection en
entretien ?
Quel a été ton premier contact avec le
code ? Et comment t’es venu l’idée de
coder un truc ?
Hello World! Être Tech Leader en 2019
Peux-tu décrire une décision que tu
regrettes ?
J’ai arrêté de coder quand je suis devenu
CTO et je le regrette beaucoup au-
jourd’hui. Cela a créé une culture où
l’on parle plus process que technique
et nous a fait perdre des devs brillants.
Ceux-ci avaient d’une part l’impression
qu’être CTO n’était pas du tout technique,
et d’autre part j’avais moi-même plus
de difficultés à comprendre la véritable
nature des problèmes rencontrés par mes
équipes.
Peux-tu citer une personne qui t’inspire
en tant que CTO et pourquoi ?
Fabrice Bernhard, qui a été le CTO de
Theodo pendant 6 ans. Je n’en ai pas
d’autres qui me viennent en tête et cela
me rappelle l’importance de regarder
autour de soi pour progresser plus vite.
Tech.Rocks me semble justement une
bonne opportunité pour le faire.
Qu’est-ce qui te fait lever le matin ?
Travailler avec des développeurs brillants
et nous amuser à régler ensemble les
problèmes business et techniques de nos
clients, dont les métiers sont presque
toujours différents.
À l’inverse, qu’est-ce qui t’empêche de
dormir la nuit ?
Tout simplement : le code. J’en fais très
peu la journée, du coup je me rattrape le
soir pour ma progression personnelle.
Quel est ton prochain défi ?
Mon challenge pour les quatre prochaines
années, c’est de trouver comment réaliser
les projets que l’on fait en dix semaines...
en une seule.
Theodo • Benjamin Grandfond 57
58 Benjamin Grandfond • Theodo Hello World!
Makazi
Evelyne
Notton
<!-- portrait -->
Bonjour Évelyne et merci de nous
recevoir. Tu nous parles un peu de ton
parcours ?
Je travaille depuis plus de vingt ans. J’ai
passé mes dix premières années profes-
sionnelles à des postes de développeur,
principalement dans les télécoms. Début
2000, j’intégrais ma première start-up
SaaS — avant même que le terme n’existe.
Depuis, je gère des équipes techniques sur
des sujets de marketing digital en plate-
forme SaaS, plutôt dans des start-ups.
Quelle est la qualité première pour être
CTO selon toi ?
Pour moi, il faut avant toute chose de
grandes qualités humaines et organi-
sationnelles.
Quels sont tes enjeux principaux en
tant que CTO ?
Créer et maintenir une cohésion d’équipe,
assurer le delivery du produit dans les
temps et avec le bon niveau de qualité et
aussi assurer la pérennité de la plateforme.
Avec qui travailles-tu au quotidien ?
Nous sommes organisés en équipes fonc-
tionnelles, avec des équipes infrastruc-
ture et QA transverses. Je travaille aussi
étroitement avec le Product Management,
le Support Client et le Product Marketing.
60 Evelyne Notton • Makazi
Tu as un secret pour garder ton équipe
motivée ?
Je les encourage à s’ouvrir sur le volet
technique en participant à des confé-
rences et meetups, en organisant des
“BBL” (brown bag lunches : partage de
connaissances techniques contre un
déjeuner offert). Une organisation agile
revue régulièrement et des échanges
fréquents autour de la vision produit me
semblent également incontournables.
Quelle est ta question préférée lors des
entretiens de recrutement ?
“Qu’est ce qui vous fait lever tous les
matins ?”
Et justement, qu’est-ce qui te fait te
lever chaque matin ?
Le fait de retrouver une équipe soudée et
motivée, qui croit en la vision de l’entreprise.
À l’inverse, il y a des choses qui t’em-
pêchent de dormir ?
Des instabilités sur la plateforme, des
clients mécontents, un produit qui ne se
vend pas.
As-tu des conseils à partager au niveau
du recrutement ?
Pour moi, cela commence par une équipe
RH capable de vendre l’entreprise auprès
des candidats (notamment les plus tech-
niques) grâce à une bonne compréhension
de nos métiers. J’accorde également une
place importante aux événements : que
ce soient des meetups et des conférences
techniques, des hackathons ou encore des
forums d’écoles. Le choix des technos a
aussi son rôle à jouer. Mais je pense que
le plus important est de garantir une
expérience unique aussi bien pour les
Hello World! Être Tech Leader en 2019
candidats d’un jour que pour les collabo-
rateurs de longue durée.
Peux-tu nous décrire une décision dont
tu es fière ?
Probablement d’avoir fait évoluer des
personnes vers certains postes pour
qu’elles apportent plus de valeur à l’en-
treprise et améliorent leur impact.
Il y a des décisions que tu regrettes ?
Ne pas avoir licencié des personnes qui se
sont avérées toxiques pour l’équipe, par
exemple.
Quel est ton prochain défi ?
Améliorer l’image de l’équipe R&D auprès
des autres services. Cela passe par une
bonne compréhension des enjeux de
l’entreprise et de son impact sur chaque
équipe
Y a-t-il une personne qui t’inspire en
tant que CTO et pourquoi ?
Sans aucun doute Charles Wells. Il a
transformé l’organisation de l’équipe
d’un fonctionnement waterfall à agile, en
plus de remettre le produit au centre des
enjeux. C’est pourquoi notre priorité est
une roadmap produit et non uniquement
des demandes clients entrantes.
Quel conseil donnerais-tu aux CTOs
d’aujourd’hui et de demain ?
Ne pas utiliser que ses compétences tech-
niques et miser sur l’humain. Se consi-
dérer comme un soutien à l’équipe — et
non un pilier — pour mieux travailler
ensemble autour d’une même vision.
Enfin, il est essentiel de déléguer et
donner de l’autonomie aux personnes.
Makazi • Evelyne Notton 61
Yellow Korner
Nicolas
Riveau
<!-- portrait -->
Bonjour Nicolas, merci de nous
recevoir ! Tu peux nous parler de ton
parcours ?
Je suis tombé dans la marmite du déve-
loppement web il y a vingt ans. Au début
autodidacte, j’ai appris à me former et à
garder le goût de la découverte nécessaire
à des métiers en perpétuelle évolution.
Cela m’a ouvert à plein de secteurs d’acti-
vités tels la communication, l’e-commerce,
les télécoms, l’automobile, le crowdfun-
ding, la musique, l’édition, le tourisme et
maintenant la photographie d’art. Toutes
ces expériences m’ont permis de me faire
ma propre idée des méthodes et outils
qui fonctionnent et de ceux qui ne fonc-
tionnent pas. J’ai également pu identifier
les qualités qui font qu’une équipe est
bien armée, que ce soit dans un cadre de
start-up en hyper-croissance, dans une
entreprise en cours d’industrialisation ou
chez un grand compte en quête de crois-
sance sereine.
Comment est organisée ton équipe ?
Elle est organisée autour de la méthode
Scrum. L’agilité est la clé du succès, c’est
bien connu. Le monde bouge en perma-
nence et il faut pouvoir s’adapter. Pour
résoudre des problématiques qui néces-
sitent des vitesses différentes, mon équipe
est constituée de 2 pôles : le Support et les
62 Nicolas Riveau • Yellow Korner
Projets. Le Support gère les actions rapides
et urgentes. Le Projet gère les projets
plus longs ou nécessitant planifications,
études ou mobilisation de ressources
importantes. Les membres de l’équipe
Support sont issus de l’équipe Projet : ils
ne font pas la même chose toute l’année.
L’objectif est de limiter l’érosion morale et
physique inhérente à cette activité. Cela
permet aussi de faire circuler les connais-
sances et faire monter en compétences les
profils les plus juniors.
C’est quoi ton truc pour garder ton
équipe motivée ?
Faire en sorte que chaque membre de
l’équipe se sente utile au collectif et
qu’il sente qu’il évolue vers les objectifs
qu’il se donne.
Quelle est la qualité première d’un bon
CTO selon toi ?
Le leadership par l’exemplarité.
Quelles sont tes missions principales
en tant que CTO ?
• Bâtir une équipe qui soit capable
de fournir les outils les plus efficaces
possibles à l’ensemble des membres de
l’entreprise.
• Prévoir l’imprévisible pour faire que les
aléas n’impactent pas négativement l’en-
treprise.
• Partager mon expérience et mes connais-
sances pour que chaque membre de
l’équipe puisse évoluer vers les objectifs
qu’il se fixe et s’épanouir dans son travail.
Hello World! Être Tech Leader en 2019
Peux-tu citer une personne qui t’inspire
en tant que CTO et pourquoi ?
Yannick Simon, la personne qui m’a
permis de me relancer au moment où
j’étais en plein doute suite à la fermeture
de mon entreprise. Charismatique, à
l’écoute de ses équipes et bon techni-
cien : c’est l’exemple même du CTO que je
voulais devenir.
Quels conseils donnerais-tu aux actuels
et futurs CTOs ?
Soyez crédible à tous les niveaux.
Acceptez de ne pas savoir. Soyez à l’écoute
des conseils et des reproches.
Comment l’État français peut-il aider la
tech selon toi ?
En donnant plus de visibilité à ce nouveau
rôle-clé dans les entreprises françaises.
Aucune entreprise ne peut fonction-
ner sans être performante sur le volet
technique aujourd’hui. Il me semble
également essentiel de permettre à des en-
treprises d’inventer les outils de demain.
Il est dommage de voir que les innova-
tions techniques (logiciels et langages)
viennent toutes de l’étranger. Pourquoi
ne serions-nous pas capables de créer le
nouveau WordPress ou Java en France ?
As-tu des conseils pour améliorer son
process de recrutement ?
Plus d’humain. Faire des rencontres,
dédier du temps à découvrir des talents.
Donner des cours ou des conférences.
Le recrutement, c’est un véritable jeu de
séduction. Pour que ça marche, il faut
rencontrer, rencontrer et encore rencon-
Yellow Korner • Nicolas Riveau 63
 trer. Dans l’IT, les profils atypiques sont
légion et s’arrêter à un CV est la plupart
du temps une erreur. Car il est facile de
passer à côté de beaux profils rares.
Quelle est ta question préférée en
entretien ?
“As- tu des passions en dehors du travail ?”
Car nous sommes tous des passionnés. Ce
sont nos passions qui parlent le plus de
nous, qui donnent des informations sur
qui nous sommes. Elles ont aussi l’avan-
tage de ne pas “mentir” sur nos réelles
valeurs.
Qu’est-ce qui te fait lever le matin ?
Sentir que mes actions permettent d’at-
teindre les objectifs que l’entreprise se
fixe. Savoir que j’aide les personnes à
avoir un travail quotidien plus efficace et
productif. Découvrir de nouvelles choses.
Voir que je construis des outils solides.
À l’inverse, qu’est-ce qui t’empêche de
dormir la nuit ?
Ne pas trouver la solution à un problème
technique ou fonctionnel. Ne pas réussir
à fédérer autour d’un projet qui a pour
vocation d’améliorer le quotidien de mes
collègues ou qui a pour objectif de faire
croître le Business de l’entreprise.
64 Nicolas Riveau • Yellow Korner Hello World! Être Tech Leader en 2019
Au fait, tu codes toujours ?
Tous les jours, c’est comme une addiction
pour moi. J’essaye de le faire dans les
moments où mon équipe n’a pas besoin
de moi. Si je ne le fais pas au travail, je le
fais sur des projets persos.
Peux-tu décrire une décision que tu
regrettes ?
Je regrette d’avoir créé mon entreprise
à 21 ans. Aujourd’hui, je suis conscient
que je n’étais pas armé pour en faire une
réussite. Si c’était refaire je le referais.
Mais différemment.
Peux-tu décrire une décision dont
tu es fier ?
J’ai fait un pari cette année. J’ai décidé de
prendre en même temps quatre stagiaires
issus de l’Éécole du Nnumérique à Paris.
Trois d’entre eux étaient en reconversion
professionnelle et avaient donc une vie
avant le développement. Après seulement
un mois de stage en avril, nous leurs
avons proposé de prolonger l’expérience
jusqu’en août. Puis nous avons souhaité
prolonger l’expérience à nouveau.
Résultat : trois nous ont rejoint en CDI et
sont devenus très soudés.
Yellow Korner • Nicolas Riveau 65

le freelancing
Chaque année, la start-up Kalo réalise
le classement des entreprises avec les-
quelles les freelances préfèrent travail-
ler aux États-Unis. En 2018, c’est Airbnb
qui se retrouve sur la plus haute marche
du podium devant Amazon, Google et
Apple. Ainsi, les GAFAs et autres étoiles
montantes de la tech aurait également la
cote auprès des indépendants après avoir
été pendant des années les entreprises
les plus convoitées dans le recrutement.
Un article du Wall Street Journal estime
même qu’il y a environ 85 000 freelances
qui travaillent pour Alphabet, la mai-
son-mère de Google — soit autant que le
nombre total d’employés.
Mais pourquoi une entreprise qui reçoit
plus de deux millions de candidatures par
an aurait besoin de travailler avec des
66 Le freelancing
Zoom sur…
freelances ? Si vous vous posez vous-même
cette question, c’est sans doute que vous
considérez le salariat comme supérieur
au freelancing. C’est hélas une erreur de
jugement qui coûte très cher aux entre-
prises et à l’économie en général, en plus
de dissuader de nombreux individus à
suivre leur vocation. Explication.
La montée du freelancing est représen-
tative de notre époque. Après la crise
économique, les bullshit jobs (théorisé
par David Graeber) ou encore l’omnipré-
sence des réseaux sociaux, deux grandes
tendances sociétales se sont dessinées :
la défiance envers les entreprises et le
repli individualiste. La conséquence
directe est un dynamisme économique
sans précédent, porté par des individus
souvent très qualifiés qui ont décidé de
Hello World!
devenir leur propre patron. Fondateurs
de start-ups et investisseurs ne repré-
sentent toutefois que la partie immergée
de l’iceberg. Car l’autre grande figure de
l’entrepreneuriat, c’est bien le freelance.
Mais le bonheur des uns fait le malheur
des autres. Et ce sont les entreprises qui
trinquent. Les services RH du monde
entier ont vécu un exode des talents avec
le boom des start-ups. Mais le mouvement
freelance s’annonce comme un véritable
ouragan. La plateforme Upwork et le
syndicat américain Freelancers Union
estiment qu’à l’horizon 2027, il y aura
86,7 millions de freelances aux États-Unis,
dépassant ainsi le nombre de personnes
qui n’ont pas le statut d’indépendant. Que
Google travaille avec autant de freelances
n’est donc pas une coïncidence. Cela lui
Être Tech Leader en 2019
permet de travailler à la demande avec
les meilleurs experts de la planète. Les
freelances ne sont pas une menace pour
le recrutement, bien au contraire. Ce sont
des alliés de choix qui représentent une
opportunité en or pour les entreprises.
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait
l’ivresse.
SOURCES
“Le Manifeste du Post-Freelancing”,
par Charles Thomas, CEO de comet
“Freelancing in America: 2017 Survey”,
par Upwork & Freelancers Union
Le freelancing 67

Tech.Rocks
Tout est parti d’un échange entre Francis
Nappez, cofondateur et CTO de BlaBlaCar,
Nicolas Silberman, ex-CTO de Mediapart/20
Minutes, Cyril Pierre de Geyer, créateur
de l’Executive MBA Epitech et Dimitri
Baeli, CTO chez LesFurets.com. Le constat
initial portait sur le manque d’événements
destinés aux Tech Leaders, ainsi que sur
l’importance de trouver des espaces pour
échanger avec ses pairs. Au même titre que
les CEOs organisent des rencontres leur
permettant de se connaître et d’échanger
sur leurs expériences, nous nous sommes
alors demandés : « Comment permettre
aux Tech Leaders de grandir, prendre plus
de hauteur, plus de responsabilités au sein
de leur entreprise ? Et aussi, comment les
aider à scaler leur activité ? »
Tech.Rocks était lancé !
68 Tech.Rocks
À propos de...
Chaque année, c’est le point d’orgue
de nos rencontres entre notre commu-
nauté d’experts et de partenaires pour
une journée entière avec pour seul mot
d’ordre : le “No Bullshit”. C’est aussi une
série de conférences, tables rondes et
échanges constructifs autour des derniers
challenges des Tech Leaders français.
Un événement annuel ET un think tank
L’objectif ? Être un véritable liant entre
Tech Leaders recherchant un terrain
d’expression pour échanger autour de
leurs expériences et débattre sur les
dernières tendances tech, mais aussi
ouvrir le dialogue tout au long de l’année
au sein d’une communauté qui partage
des enjeux et interrogations similaires au
quotidien.
Hello World!
Nous avons comme ambition pour Tech. désirons plus que tout transmettre la
Rocks de réunir ce qui se fait de meilleur passion du métier de ces femmes et de ces
dans l’écosystème tech français. C’est hommes qui font bouger chaque jour les
pourquoi nous nous positionnons comme lignes de la technologie en France.
un think tank. Nos membres profitent tout
au long de l’année de rencontres, meetups
et hackathons qui sont organisés pour eux
et par eux.
Hello World! : un recueil d’expériences
Cette première édition de notre ouvrage
Hello World! est l’occasion de mettre en
lumière nos membres à la lueur de leurs
expertises et témoignages. Nous avons
donc réuni les Tech Leaders de notre
communauté autour de problématiques
comme le management et le recrute- 2018.tech.rocks
ment, mais aussi en les interrogeant sur
leurs parcours, échecs et réussites. Nous hello@tech.rocks
Être Tech Leader en 2019 Techrocks 69

comet
Fondée en septembre 2016, comet s’est
donnée pour mission de transformer la
façon de travailler et créer de la valeur
pour les ingénieurs. Notre vision s’arti-
cule autour d’un double constat :
• Le travail n’est pas une source d’épa-
nouissement pour de nombreux
individus ;
• Les entreprises ont des difficultés crois-
santes à recruter et garder les meilleurs
talents.
Ces deux facteurs combinés résultent en
un énorme gâchis de potentiel des deux
côtés. Nous pensons toutefois que le
bonheur au travail devrait être la norme
plutôt que l’exception. Et il y a de l’espoir.
Car une nouvelle génération de doers
70 comet
À propos de...
aspirent à réconcilier travail et quête de
sens. Nous parlons ici des entrepreneurs
et des freelances.
Chez comet, nous sommes convain-
cus que le freelancing est une compo-
sante majeure du futur du travail. Notre
ambition est d’aider les entreprises et les
indépendants à mieux collaborer dans
un environnement plus sain, grâce à une
nouvelle approche du freelancing.
En deux ans, nous avons bâti :
• Une plateforme qui connecte les entre-
prises aux freelances tech/data de leur
choix en 48h ;
• Un algorithme de matching qui aide chaque
talent à trouver des missions sur-mesure ;
Hello World!
• Une communauté de plus de 3 000 et des nouvelles technologies. Nous parta-
experts tech/data réunis autour de geons avec comet cette approche bienveil-
valeurs fortes. lante centrée autour de la diffusion d’une
vision forte et d’un contenu de qualité.
En mai 2018, nous avons levé 14 millions C’est pourquoi il nous a paru naturel de
d’euros avec les fonds Daphni et Otium, concrétiser notre engagement par ce par-
qui croient en notre vision du futur tenariat majeur et cet ouvrage, que nous
du travail. Cette Série A a pour but de espérons le premier d’une longue série.
faire grandir une équipe de plus de 50
personnes aujourd’hui et d’étendre notre
modèle à l’Europe et au-delà.
Pourquoi ce partenariat avec
Tech.Rocks ?
Nos deux équipes se rejoignent dans leur
vision saine autour du futur du travail
des ingénieurs. Le succès des événements
Tech.Rocks témoigne d’une véritable comet.co
demande d’information et d’échange de la
part de la part des acteurs de l’innovation bonjour@comet.co
Être Tech Leader en 2019 comet 71
Remerciements
Remerciements

Tout d’abord, un immense merci à l’équipe Tech Rocks pour nous avoir donnés l’oppor-
tunité de travailler sur un si beau projet. Mention spéciale pour Francis Nappez qui a cru
en nous très tôt et sans qui tout cela n’aurait pas été possible.

Merci aussi à Vanessa Mohli et Maude Baudier pour leur collaboration, en particulier sur
les interviews et la coordination du projet.

Nous tenons également à remercier l’ensemble des participants pour avoir pris le temps
de partager avec nous leurs retours d’expérience et enseignements précieux.

Enfin, le mot de la fin est pour l’équipe comet. Nous sommes conscients de la chance
que nous avons de participer à notre façon à la construction d’un futur plus favorable à
l’épanouissement des femmes et des hommes.

Nous espérons que vous avez pris plaisir à lire ce livre et que les enseignements que
celui-ci renferme vous aideront dans votre quotidien de Tech Leader.

Lola, Sasha, Steeve & Benjamin, de l’équipe comet.

« La technologie est une science appliquée.
La science est l’étude de la nature, qui a pour
langage les mathématiques, qui ont eux-mêmes
pour racine la philosophie. Tout est étroitement
interconnecté. »

— Naval Ravikant,
co-fondateur et CEO d’AngelList

C’est quoi être Tech Leader en 2019 ?

Telle est la question à laquelle nous avons

voulu répondre dans cet ouvrage. Cette ini-
tiative lancée par Tech Rocks, et portée par
comet, est destinée aux Leaders d’aujourd’hui
qui utilisent la technologie pour construire le
monde de demain.

Au fil de ces portraits de femmes et d’hommes

aux parcours exceptionnels, vous découvrirez
une nouvelle approche d’un métier aux enjeux
plus décisifs que jamais dans la construction
de l’avenir de notre société.