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COMBLER LE FOSSÉ

ENTRE LES IDÉES


ET L'ACTION

Synthèse rédigée à partir des idées du livre :


The Knowing-Doing Gap, Jeffrey Pfeffer et Robert I. Sutton
Harvard Business School Press, 1999.

idées
Les méthodes de travail les plus performantes sont généralement bien
connues des managers. L’organisation par projets, la production au plus
juste, l’ingéniérie simultanée, etc. : toutes ces approches ont fait leurs

clés
preuves et sont désormais largement documentées.
Malgré cela, la réalité des entreprises est souvent bien éloignée de cet
idéal. Pourquoi ? Quels sont les obstacles qui empêchent les dirigeants de
passer de la théorie à la pratique ? Et comment les surmonter ?

- Les dirigeants qui veulent mettre en œuvre de nouvelles


Comment méthodes de travail se heurtent à 5 difficultés :
– ils confondent décider et agir;
passer – ils sont freinés par les habitudes des employés;
– ils doivent combattre les réticences des salariés qui craignent le
des idées changement;
– ils ne disposent pas des outils de mesure qui leur permettent de piloter
correctement leurs actions;
à l’action. – ils souffrent d’un excès de rivalité entre leurs collaborateurs.

- Découvrez des approches efficaces pour surmonter


ces problèmes.
Il n’existe pas de recettes miracles. Toutefois, certaines règles simples
permettent d’éviter bien des problèmes. Découvrez une dizaine de prin-
cipes à respecter.

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synthèse de l’ouvrage
1 Passer de Tous ces exemples montrent la
difficulté des dirigeants à passer à
l’action, ils évoquent principale-
ment deux raisons :
la connaissance l’action. – la médiocre qualité des
à l’action individus;
– l’insuffisance des efforts de for-

Savoir mettre en œuvre


- Acquérir mation.
En réalité, la faible qualité des
rapidement ses décisions un avantage individus n’est pas une bonne ex-
est une source d’avantage concurrentiel plication. La compétence des en-
treprises comme Honda repose sur
concurrentiel.
L’enjeu vaut la peine que les di- des employés ordinaires. A l’in-
rigeants s’investissent pour corri- verse, beaucoup d’entreprises qui
- Un enjeu majeur ger ce problème. En effet, les en-
treprises qui parviennent à réduire
rencontrent des difficultés à passer
à l’action sont constituées de per-
Parvenir à passer de la théorie à l’écart entre « connaître » et sonnes extrêmement talentueuses.
l’action constitue un véritable en- « agir » acquièrent un avantage De même, le manque de forma-
jeu. En effet, les managers connais- concurrentiel évident : elles pro- tion est un mauvais argument. En
sent généralement les méthodes de gressent plus vite que leurs concur- effet, les montants investis pour
travail les plus efficaces. Mais, ils rents. Ainsi que le montre l’exem- transmettre la connaissance et ap-
les appliquent rarement. Comme ple de Honda. Cette dernière a mis prendre à la mettre en œuvre sont
en témoignent de nombreux en place une démarche qui lui per- colossaux. Comme le montre l’im-
exemples : met de transformer toute idée en portance des dépenses engagées
– Plusieurs études menées dans une action. Elle a nommé cette dé- chaque année aux Etats-Unis :
l’industrie manufacturière ont marche « Kaizen » et l’a érigée en – plus de 60 milliards de dollars
confirmé la très nette supériorité modèle de management. Grâce à sont investis en formation au
de la méthode de production en cela, Honda a pris une part de management;
îlots, qui privilégie le travail en marché que sa petite taille d’ori- – plus de 40 milliards de dollars
équipe. Pourtant, malgré cela, gine ne lui permettait pas d’envi- de conseil sont investis en assis-
80% des entreprises ont con- sager. Actuellement, ce savoir- tance à la mise en œuvre;
servé leur organisation à la faire lui permet de poursuivre son – plus de 2000 ouvrages de mana-
chaîne. développement alors que d’autres gement sont publiés, dont la
– Dans l’industrie automobile, les constructeurs japonais, comme plupart sont rédigés par des
dirigeants connaissent depuis 20 Nissan et Mazda, rencontrent des experts;
ans les avantages de la produc- difficultés. – plus de 80000 élèves obtiennent
tion en juste à temps. Les entre- un diplôme de MBA, attestant
prises du secteur adoptent peu à Ce savoir-faire constitue un vé- de leur formation aux dernières
peu cette approche. Mais le ritable avantage concurrentiel, car techniques de management.
changement est long : à ce jour, peu d’entreprises le maîtrisent.
à peine plus de la moitié d’entre Comme en témoigne l’exemple de Ainsi, le problème ne tient ni à
elles ont appliqué cette mé- l’industrie automobile. En effet, les la qualité des hommes, ni à celle de
thode. industriels occidentaux ont eu la formation. Les causes sont
– Chez Hewlett-Packard, le Prési- beaucoup de mal à copier Toyota, ailleurs. Elles sont au nombre
dent a fait le constat qu’il était malgré les descriptions détaillées de 5 :
difficile de transférer le savoir- qu’elle a fournies : explications sur – des dirigeants qui confondent
faire d’une usine à l’autre. En ef- les méthodes Kanban et la produc- actions et discours sur l’action ;
fet, il a avoué publiquement : tion en juste à temps, visites orga- – des habitudes héritées du passé
« ce n’est pas parce qu’une unité nisées des usines, etc. qui empêchent de mettre en
de production démontre la su- place des actions de progrès;
périorité d’un modèle que les – des salariés qui s’opposent aux
autres usines l’adoptent ».
– Chez un des leaders de l’indus-
2 Les obstacles actions de changement car ils en
craignent les conséquences;
trie alimentaire, l’écart de per- à l’action – des systèmes de mesure inadap-
formance entre la meilleure et la tés au pilotage des efforts ;
moins efficace des 42 usines est 5 principaux obstacles – des rivalités entre collaborateurs
de 300% ! Malgré ce constat, la freinent la mise en qui ruinent les chances de suc-
direction reste impuissante face œuvre des décisions. cès des projet.
à l’incapacité des moins perfor- Nous allons examiner chacun de
mantes à mettre en œuvre les Lorsqu’on interroge les mana- ces obstacles.
méthodes des meilleures. gers sur les difficultés à passer à

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A
- Quand le discours Quand le discours se substitue à l’action
remplace l’action
On a de grandes chances de rencontrer des managers qui substituent
Le premier obstacle est inhérent l’action par le discours, lorsqu’on rencontre les situations suivantes :
au comportement des dirigeants, • Aucun suivi n’est fait pour s’assurer que les décisions prises sont mises
qui confondent souvent action et en œuvre.
discours sur l’action (figure A). Ils
exhortent leurs troupes, les encou- • Les managers n’ont pas l’intime conviction que se contenter de prendre
ragent à agir. Mais ne mettent pas une décision ne change rien.
en place les mécanismes qui garan- • Les managers appellent actions le fait de planifier, de conduire des
tissent une transformation de leurs réunions ou d’écrire des rapports.
discours en actions. Ils sont en ef- • Les managers n’ont pas conscience qu’engager une action implique
fet souvent victimes des 3 écueils obligatoirement de faire évoluer le comportement d’autres personnes.
suivants :
• Les managers considèrent que parce qu’ils ont dit quelque chose ou par
• Croire que décider suffit. ce que c’est inscrit dans la mission d’une personne, cela va se produire.
Trop souvent, les dirigeants • Les managers sont évalués sur ce qu’ils disent avoir fait et non sur ce
agissent comme si prendre une dé- qu’ils ont fait.
cision suffisait à la mettre en œu- • Les managers passent beaucoup de temps à dialoguer.
vre. Ils fixent un objectif et trans-
mettent le dossier à leurs • Les dirigeants ne considèrent pas que les managers doivent être
collaborateurs. Ces derniers, em- impliqués dans l’opérationnel.
barrassés par une idée qui n’est pas
la leur, transmettent à leur tour le
projet à leurs adjoints. que le programme n’avait pas en- marché élevée, une rentabilité ex-
Ainsi, si le dirigeant ne revient core pris : cellente, un personnel motivé rare-
pas régulièrement à la charge, son – 25% des salariés seulement esti- ment absent, etc. Pourtant, les
initiative se perd dans les méandres maient que Xerox était vérita- autres entités du groupe n’ont ja-
de l’organisation. Et son projet ne blement engagée dans un pro- mais adopté les méthodes de tra-
débouche jamais sur des actions gramme de Qualité Totale; vail développées pour le projet Sa-
concrètes. – 15% seulement estimaient que turn. En effet, les employés de
la qualité était le principal cri- Saturn transférés dans les autres di-
• Croire que planifier suffit. tère d’évaluation de la perfor- visions se sont trouvés marginali-
Beaucoup de managers confon- mance individuelle; sés. Leurs collègues percevaient
dent planifier et progresser vers le – 87% avouaient ne pas prendre comme une insulte les recomman-
but fixé. Comme en témoigne la en compte le coût de la qualité dations que leur faisaient ces der-
mise en œuvre du premier pro- comme critère de décision. niers.
gramme de Qualité Totale chez
Xerox. Le programme a été initié • La peur de se remettre en
en 1982. Après de longs débats in-
ternes, il a été officiellement lancé
- Quand la mémoire question.
La crainte du changement em-
en 1983. A la fin de l’année 83, on se substitue à la pêche parfois d’apprendre. La
constatait que beaucoup de docu-
ments avaient été rédigés sur le
réflexion chaîne de restaurants Fresh Choice
en a fait l’expérience. Elle a ren-
sujet : plan stratégique, plan de Le deuxième obstacle tient au contré d’importantes difficultés
mise en œuvre, manuels d’applica- poids du passé (figure B). En effet, dans les années 90 : le cours de ses
tion, etc. Mais, deux ans après le beaucoup de managers ont une actions est passé de 32 $ à 3 $
lancement de l’opération, Xerox forte propension à reproduire le entre 1994 et 1998 ! Pour surmon-
n’avait encore fait aucun progrès passé. Ils sont confrontés à 2 ter ce problème, la direction a dé-
tangible : les employés tra- problèmes : cidé d’acquérir Zoppa, une chaîne
vaillaient toujours de la même fa- très performante, dans l’objectif de
çon. • Le poids de la culture. bénéficier de son savoir faire.
Dans certaines entreprises, la Or, les performance de Zoppa
• Croire que les mesures culture peut devenir un obstacle au reposaient sur un mode de mana-
d’accompagnement suffisent. développement. Le projet Saturn gement beaucoup plus décentralisé
En 1987, 4 ans après le lance- de General Motors en est une illus- que celui de Fresh Choice :
ment du programme Qualité To- tration. En 1985, le leader améri- – Zoppa traitait ses responsables
tale, 70000 salariés de Xerox ont cain de l’automobile décide de de restaurants comme des chefs
participé à une session de forma- créer une entité indépendante d’entreprise. Ils étaient autono-
tion de 6 jours. Pourtant, cette pour se positionner sur le marché mes et jouissaient d’une grande
même année, une enquête a révélé des petites cylindrées. Le projet fut liberté à condition d’atteindre
un immense succès : une part de les objectifs financiers. Tandis

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que chez Fresh Choice, toutes


B
les décisions étaient Quand la culture devient un obstacle à l’action
centralisées : les achats, les aug-
mentations de salaires, etc. On a de grandes chances que la culture devienne un obstacle à l’action,
– De même, les dirigeants de lorsque l’on rencontre les situations suivantes :
Zoppa se contentaient d’un re- • L’entreprise possède une culture tellement forte que toute nouvelle idée
porting mensuel. Tandis que commence par être rejetée.
Fresh Choice exigeait que ses
magasins lui transmettent quoti- • Les managers ressentent une forte pression de la part des dirigeants pour
diennement des statistiques sur agir selon les règles du passé afin d’éviter de commettre des erreurs.
les ventes. • Les décisions sont élaborées en s’appuyant sur des modèles de
Ainsi, adopter les méthodes de raisonnement préétablis et aucune remise en cause de ces schémas
travail de Zoppa constituait une de pensée n’est tolérée.
remise en cause des valeurs de • Les gens font toujours référence au passé pour décider ce qui est bien
Fresh Choice. Mais, les dirigeants ou mal.
n’ont pas osé franchir ce pas. Et le
projet de transfert de savoir-faire a
échoué. vers la direction, ce qui ne lui quand la bourse lui a demandé de
permet pas de prendre les bon- présenter des résultats financiers
nes décisions. Ainsi que l’illustre trimestriels en croissance
- Quand la crainte l’enquête menée par Richard
Feynman, Prix Nobel de Physi-
régulière : comme si l’innovation
pouvait se planifier !
est un frein à l’action que, sur l’accident de la navette
Challenger. Feynman a inter- • Des systèmes trop
Le troisième obstacle tient au rogé l’ensemble des ingénieurs complexes.
comportement des employés : ils pour connaître leur estimation De même, les systèmes de me-
deviennent un frein à l’action du risque d’une panne de pro- sure complexes s’avèrent nuisibles.
lorsqu’ils ont peur de l’avenir. pulseur. Ces derniers ont évalué Ainsi, Citibank a mis en place une
Cette réaction est particulièrement la probabilité à une chance sur « Balanced Scorecard » : un sys-
flagrante lorsque les employés se 200. Or, le dirigeant de l’équipe tème permettant de suivre la per-
trouvent dans l’une des deux situa- pensait que le taux était au formance stratégique et opération-
tions suivantes : maximum d’une chance sur nelle de la banque. Chaque entité
100000 ! ne suivait pas moins de 20
• La crainte de perdre son – Les employés n’osent pas coo- rubriques : performances financiè-
emploi. pérer avec le dirigeant. Comme res, satisfaction des clients, etc.
Des études ont montré l’impact en témoignent les propos Chaque rubrique était elle même
négatif des licenciements sur la d’Andy Grove, le Président subdivisée en une demi-douzaine
performance des entreprises. CSC d’Intel : « lorsque les employés d’indicateurs ! Cet outil s’est révélé
Index a constaté que 95% des opé- prennent peur des réactions de totalement inefficace, parce que
rations de reengineering qui se tra- leur dirigeant, ils adoptent un trop complexe pour fixer une di-
duisaient par des licenciements comportement qui paralyse rection claire.
échouaient. De même, HP a cons- l’organisation ».
taté qu’une des ses usines les plus • Une mesure des résultats et
performantes en 1989 est devenue non du fonctionnement.
en deux ans l’une des moins perfor-
mantes, à cause d’un plan social
- Quand les Mesurer le résultat d’un proces-
sus est utile. Mais insuffisant pour
mal géré. Ces échecs s’expliquent instruments de savoir comment pour l’améliorer.
aisément : les employés sont peu
enclins à participer à un pro-
mesure deviennent En effet, pour cela, il faut aussi
analyser son fonctionnement. Ge-
gramme de changement lorsqu’ils un obstacle neral Motors et Toyota en ont fait
savent que leurs emplois sont me- l’expérience. General Motors me-
nacés. Les systèmes de mesure peuvent sure le résultat en fin de processus :
aussi se révéler un obstacle à l’ac- nombre de voitures produites à
• La crainte d’un dirigeant tion. Cela dans 3 cas de figure : l’heure, taux de rebuts, etc. Tandis
autoritaire. que Toyota analyse le fonctionne-
De même, on sait désormais • Une focalisation sur les ment des processus eux-même : ni-
qu’un manager trop autoritaire in- résultats à court terme. veau des stocks avant chaque ma-
hibe la volonté d’entreprendre de Les systèmes trop focalisés sur le chine, temps de monté en cadence
ses collaborateurs. En effet, cette court terme sont préjudiciables. des machines, délais de traitement,
attitude engendre les réactions HP, par exemple, est une entre- etc. Cette différence d’approche se
suivantes : prise qui a bâti son succès sur sa reflète dans les résultats : Toyota a
– Les employés ne font pas re- capacité à innover. Elle a com- obtenu des performances bien su-
monter les mauvaises nouvelles mencé à perdre en performance périeures à celles de General Mo-

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tors dans la mise en œuvre de mé-


thodes comme la production en
tre Toyota et General Motors. Les
employés de Nummi ne sont ja-
- Eviter que le
juste à temps et la conception en mais parvenus à transférer les con- discours ne se
ingéniérie simultanée. naissance acquises auprès de
Toyota au reste de General Mo-
substitue à l’action
tors. Pour une raison simple : le Pour éviter que les managers ne
- Quand la compétition management du leader américain
se sentait en concurrence avec ce-
se contentent de discours sur l’ac-
tion, il faut agir à trois niveaux :
interne s’avère lui de Nummi. Et ont rejeté toutes
contreproductive les recommandations que leur fai- • Veiller à ce qu’ils restent
saient les dirigeants de la joint impliqués dans la gestion des
Le cinquième obstacle tient aux venture. processus opérationnels.
rivalités internes, souvent contre- British Petroleum a connu un re-
productives (figure C). En effet, la dressement spectaculaire à la fin
compétition entre collaborateurs
nuit au travail d’équipe, à la coopé-
3 Surmonter des années 90. Cette réussite est
due à John Browne, son Président.
ration et au dialogue entre les indi- les obstacles Pendant 5 ans, il a exhorté ses ma-
vidus. Microsoft, par exemple, a
constaté dans la production de ses
à l’action nagers à focaliser leurs efforts sur
des actions concrètes. En effet,
logiciels que plus la compétition pour lui, un manager ne doit pas
interne est vive, plus le nombre de Il existe une dizaine prendre plus d’une ou deux déci-
bugs est important ! de règles simples pour sions stratégiques par an. En revan-
Aussi, il est fréquent de consta- combattre les lenteurs che, il doit consacrer toutes ses
ter les effets suivants dans les en- de mise en œuvre. journées à transformer ses déci-
treprises qui favorisent ce mode de sions en actions opérationnelles.
management : Il n’existe pas de recettes mira- BP n’est pas la seule à avoir fait le
cles pour éliminer les difficultés constat que la performance pro-
• Démotivation. que nous venons de recenser. Tou- vient de la capacité des salariés à
Bear, Stearn et Company, une tefois, certaines règles simples per- transformer leurs idées en actions.
banque d’affaire, a mené une étude mettent d’éviter bien des problè- Chez Microsoft, par exemple, la
qui a montré que plus la compéti- mes. Nous allons reprendre chaque plupart des managers sont impli-
tion interne est élevée, plus le taux obstacle et indiquer, exemple à qués dans la rédaction des logiciels.
de rotation du personnel est élevé. l’appui, comment le surmonter.
• Promouvoir des actions
• Incapacité de transférer le simples à mettre en œuvre.
savoir. Continental Airlines a connu un
Les employés apprennent peu redressement spectaculaire à la fin
lorsque la compétition interne est des années 80, en à peine plus d’un
vive. Comme en témoigne l’exem- an ! La recette de Greg Brenneman,
ple de Nummi, la joint venture en- son Président ? Ne prendre que des
décisions simples à mettre en
œuvre ! En effet, les actions com-
C plexes à mettre en place génèrent
des oppositions. Ce qui freine leur
Quand la compétition interne est un frein à l’action déploiement dans l’organisation.
On a de grandes chances que la compétition devienne un obstacle à • Mettre en place un système
l’action, lorsque l’on rencontre les situations suivantes : de suivi des décisions.
• Les employés ne sont pas sanctionnés lorsqu’ils n’aident pas leurs Lorsque Jack Welch a pris la
collaborateurs. présidence de GE, il a imposé à ses
• Les managers agissent comme si la performance de leur équipe est égal managers d’adopter trois modes de
à la somme des performances individuelles. fonctionnements :
– toujours terminer une présenta-
• Les managers n’accordent pas de vraie valeur (ou seulement en parole) tion avec des propositions d’ac-
à la coopération, au partage de savoir, et à l’assistance mutuelle. tions claires et simples à mettre
• Les managers favorisent une compétition interne. en œuvre;
• Les managers utilisent des ratios pour comparer la performance des – toujours conclure une réunion
équipes au sein de l’entreprise. par un relevé de décisions et un
plan d’action précis;
• Les leaders sont sélectionnés parce qu’ils ont le sens de la compétition – toujours démarrer la réunion
et parce qu’ils ont montré qu’ils ont su gagner dans des « jeux à somme suivante en s’assurant que les ac-
nulle » au sein de l’entreprise. tions qui devaient être conduites
l’ont été.

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- Surmonter les comportement dictatorial. Et a


brisé les symboles d’une hiérarchie
• Se montrer tolérante vis-à-vis
des échecs.
obstacles culturels toute puissante : regroupement Une des forces d’IBM est d’avoir
des cantines de cadres et su capitaliser sur ses échecs. Wat-
L’héritage du passé est parfois d’ouvriers, création de cercles de son, le fondateur, s’est toujours
un obstacle à la mise en œuvre qualité pour faire participer les em- montré tolérant vis-à-vis des ca-
d’idées nouvelles. Nous allons voir ployés, etc. En agissant ainsi, il a dres qui ont connu des échecs. A
comment contourner cette diffi- fait passer l’entreprise de l’ère « du condition bien sûr, que ces der-
culté. patron de droit divin » à celle de niers montrent que l’expérience
« l’employé partenaire ». leur a permis de progresser.
• Créer des organisations Comme en témoigne cette histoire
ad hoc. • Créer une culture que l’on prête au fondateur d’IBM.
Créer une nouvelle organisation entrepreneuriale. Un cadre à haut potentiel avait été
peut permettre de se libérer des Pour inciter les employés à pas- impliqué dans un projet risqué qui
contraintes culturelles. ser à l’action, certaines entreprises s’est soldé par une perte de
Lorsque General Motors a voulu n’hésitent pas à recréer un environ- 10 millions de dollars. Lorsque
s’implanter sur le marché des peti- nement qui donne le sentiment à Thomas Watson l’a convoqué pour
tes cylindrées, elle a créé une orga- chacun d’être un entrepreneur. avoir des explications, ce dernier
nisation distincte. Elle a baptisé Pour cela, elles confient une lui a proposé sa démission. Watson
le projet « Saturn » pour montrer grande autonomie aux employés, lui a répondu qu’il plaisantait
qu’il s’agissait d’un développement elles réduisent les niveaux hiérar- probablement : comment pourrait-
différent des précédents. Et elle a chiques, elles rémunèrent avec une il accepter de se séparer d’un cadre
installé les équipes de conception forte partie variable, etc. dont la formation lui avait coûté
sur un site géographique nouveau, 10 millions de dollars ?
loin du siège. Sans cela, ses ingé-
nieurs n’auraient jamais pu appli-
quer les méthodes qui ont fait de
- Eviter de générer • Gérer correctement les
licenciements.
cette opération un succès. des sentiments Tout le monde admet qu’une en-

• Briser les liens avec le passé.


de crainte treprise doit parfois se restructurer.
Mieux que quiconque, les em-
Pour s’émanciper de la culture Vivre dans la crainte est un frein ployés le savent et l’admettent. Par
passée, le dirigeant doit briser cer- à l’action. En effet, les employés de- contre, ils refusent d’être traités
taines traditions. Magma Copper viennent comme paralysés quand ils comme du « bétail ».
est un grand producteur américain craignent d’être réprimandés ou En 1997, Levi Strauss et Citi-
de cuivre, qui a connu des difficul- quand ils ont peur pour leur avenir bank ont dû procéder à de nom-
tés dans les années 80. Son Prési- dans l’entreprise. Pour surmonter ce breux licenciements : Levi Strauss
dent, Burgess Winter, a opéré un problème, une entreprise peut agir s’est séparée de 34% de ses effec-
redressement spectaculaire. Pour sur deux leviers (figure D) : tifs, soit près de 7000 personnes;
cela, il a licencié tous les dirigeants et Citibank de 10% de son person-
qui continuaient à adopter un nel, soit 9000 employés !
Chez Levi Strauss, l’opération
de restructuration s’est passée sans
D heurts. Les employés licenciés ont
été personnellement informés le
Comment éliminer la crainte et l’inaction jour même de l’annonce. Ils ont
tout de suite connu les conditions
Pour réduire la crainte et l’inaction des employés, on peut s’appuyer sur les de leur licenciement.
leviers suivants : Il n’en a pas été de même chez
• Remercier, rétribuer et promouvoir les employés qui ont le courage Citibank. Les employés ont d’abord
d’annoncer des mauvaises nouvelles. appris par un communiqué interne
• Considérer que la seule erreur possible est de ne pas agir. Punir que des mesures de licenciement
l’inaction, pas les échecs. avaient été décidées. Les employés
concernés n’ont été informés que
• Encourager les managers à parler de leurs échecs, en particulier de ceux plusieurs semaines après. Cette
qui leur ont permis d’apprendre. mauvaise préparation a eu des con-
• Encourager la communication ouverte. séquences fâcheuses : Citibank a du
• Donner au gens une « troisième » chance. faire face à des réactions syndicales
violentes et a dû payer le prix fort
• Eliminer les employés - et encore plus les managers - qui humilient les pour licencier. De plus, cela a forte-
autres. ment perturbé le fonctionnement
• Faire savoir à tout le monde ce que l’entreprise a appris de ses erreurs. de l’entreprise par la suite : les em-
• Ne jamais punir quelqu’un pour avoir tenté quelque chose de nouveau. ployés avaient perdu confiance en
leur management.

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E
- Mettre en place Comment minimiser la compétition interne
des indicateurs
qui favorisent l’action Pour réduire la compétition entre les employés, on peut s’appuyer sur les
leviers suivants :
Pour inciter ses employés à agir, • Recruter, promouvoir et retenir des employés qui ont démontré leur
il faut respecter deux règles volonté et leur capacité à coopérer avec leurs collègues pour le bien de
simples : l’entreprise.
– simplifier les outils de mesure en
se limitant à l’essentiel; • Licencier, ne pas promouvoir et punir les employés qui agissent
– mesurer le fonctionnement d’un uniquement pour leur bien personnel.
processus, autant que son résultat. • Focaliser l’énergie des employés sur la compétition externe et non
interne à l’entreprise.
• Se focaliser sur l’essentiel. • Eviter de mettre en place des systèmes de primes qui incitent le
Des systèmes excessivement développement d’une compétition interne.
complexes empêchent de fixer une
direction claire. A contrario, • Mettre en place des indicateurs qui prennent en compte la coopération.
Southwest Airlines a adopté, avec • Développer une culture qui définit le succès comme le fruit d’un travail
le succès qu’on lui connaît, la dé- d’équipe.
marche inverse. La direction suit • Modeler le comportement des employés en mettant aux postes de
un nombre très limité d’indica- managers des individus qui croient au travail en équipe, au partage
teurs, tous destinés à mesurer la sa- d’information et à l’assistance mutuelle.
tisfaction des clients : bagages per-
dus, plaintes, retards, qualité de • Promouvoir aux postes de dirigeants des managers qui ont démontré
l’accueil et du service à bord. leur aptitude à faire fonctionner des équipes.
• Ne pas hésiter à utiliser le pouvoir du Président pour « conseiller »
• Mesurer le fonctionnement explicitement aux employés qu’ils ont intérêt à coopérer.
des processus.
Fournir des informations sur le
résultat d’un processus donne des Pour éviter de tels dysfonction- sion, les employés d’Apple ont
indications sur le passé. C’est inté- nements, il faut catalyser l’esprit resserré leurs rangs pour se lancer
ressant, mais pas très efficace. Le de compétition sur les dans une lutte sans merci contre
niveau de marge par produit, par concurrents : l’équipe à battre est IBM.
exmple, ne fournit aucune indica- à l’extérieur, pas à l’intérieur (fi-
tion pour améliorer la producti- gure E). Certaines entreprises,
vité. Seuls, des indicateurs sur le comme Apple, ont bien compris
fonctionnement des processus l’intérêt de diaboliser ses concur- •••
(temps morts, délais d’approvison- rents. Lorsqu’elle a introduit ses
nement, etc.), aide à repérer l’ori- micro-ordinateurs sur le marché,
gine des dysfonctionnements. Et l’entreprise avait peu de chances
facilite la mise en place d’actions de réussir face à IBM. Aussi, Steve Les entreprises progressent len-
correctrices. Jobs, pour inciter ses employés à tement, car leurs managers ont du
se surpasser, a communiqué en di- mal à mettre en œuvre de nouvel-
sant qu’IBM était un monstre froid les méthodes de travail. Pour éviter
- Eviter toute qui s’opposait au développement
de l’humanité : « Ses positions de
cela, il faut agir à 5 niveaux :
– éviter que le discours ne se subs-
compétition interne marché lui permettent de réguler, titue à l’action;
selon son bon vouloir, le rythme – contourner les obstacles culturels;
Dans une entreprise, les équipes d’introduction de nouvelles tech- – éviter de générer des sentiments
doivent s’entraider et se faire con- nologies. Freinant ainsi le déve- de crainte chez les employés;
fiance. Faute de quoi, l’entreprise loppement de l’humanité (…). – mettre en place des indicateurs
se cloisonne et devient moins Aussi, il incombe aux employés qui favorisent l’action;
performante : manque de réacti- d’Apple de lutter contre cette – bannir toute compétition in-
vité, doublons, etc. injustice ! » Forts de cette mis- terne.

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commentaire critique de l’ouvrage


Par Jean-Marie Peretti, Professeur à l’ESSEC et à l’université de Corte.

a gestion des connaissan- contrées dans sa vie profession- peuvent apporter à la disposition

L ces est devenue une pré-


occupation majeure des
entreprises. Les NTIC
(Nouvelles Technologies
de l’Information et de la Communi-
cation) ont suscité des initiatives
ambitieuses pour gérer le capital in-
nelle. Il se laissera convaincre que
le discours est un substitut dange-
reux à l’action, que la sauvegarde de
pratiques dépassées et la peur du
changement présente des risques,
que les théories implicites du com-
portement qui guident les actions
du « Knowing-doing gap ».

L’ensemble constitue un guide


du management efficace, c’est à
dire, susceptible de traduire les
connaissances en action. Si certains
tellectuel. Intranet est souvent pré- sont rarement valides, que la peur chapitres et certains préceptes pré-
senté comme la clé du partage et du freine l’action, que la mesure de la sentent peu d’originalité, l’angle
développement des connaissances performance et la compétition in- d’approche des auteurs renouvelle
et des bonnes pratiques. terne ne favorisent pas la mobilisa- leur intérêt. The Knowing-Doing
The Knowing-Doing Gap s’ins- tion des savoirs dans l’action … Il Gap mérite d’être lu et utilisé.
crit en faux contre cet optimisme se laissera convaincre par la qualité
technologique. Les auteurs considè- de l’argumentaire, la richesse des il- Jean-Marie PERETTI, Professeur des
rent que l’intérêt actuel pour le mana- lustrations et le talent pédagogique Universités, enseigne la Gestion des
gement des connaissances est focalisé des auteurs. Ressources Humaines à l’ESSEC et à l’IAE
à tort sur l’acquisition, le développe- de Corse. Ses travaux de recherche portent
ment et la sauvegarde du capital in- sur la contribution de la fonction
tellectuel au détriment d’une utilisa- L’apport effectif des auteurs se si- Ressources Humaines à la création de
tion appropriée et efficace des tue dans leurs préconisations, dans valeur, les rémunérations, l’audit
connaissances. Et ils insistent sur les la présentation des « bonnes » prati- Ressources Humaines.
connaissances informelles, les habile- ques qui, dans l’ouvrage, complète
tés opérationnelles et le savoir «ta- celle des « mauvaises ». L’exposé est
clair, bien construit et susceptible de
cite» qui permettent l’action.
Cet ouvrage connaît aux Etats- pousser à l’action les lecteurs. Cha- Bibliographie
Unis un vif succès et alimente de cun des huit préceptes présentés • THE KNOWLEDGE
nombreux débats. Ce retentisse- dans le dernier chapitre est, incon- MANAGEMENT FIELDBOOK,
ment souligne la pertinence de testablement, utile et efficace. W. Bukowitz et R. Williams, ed. Prentice
leurs propos : le problème essentiel J’ai deux regrets cependant. Tout Hall, Financial Times, 1999.
n’est pas l’accumulation de connais- d'abord, le lecteur français aurait • THE HUMAN EQUATION ;
sance mais leur mise en œuvre. apprécié d’avoir l’analyse des building profits by putting people first,
L’ouvrage propose une analyse très auteurs sur des innovations et expé- J. Pfeffer, Harvard Business School Press,
fine des causes du fréquent rimentations menés en France ou 1998 (Manageris N°62a).
«Knowing-doing gap», émaillée de dans certains pays d’Europe • WORKING KNOWLEDGE :
nombreux et percutants exemples. (Grande Bretagne). D'autre part, la HOW ORGANIZATIONS
Dans des chapitres courts, aux ti- critique des apports des NTIC est MANAGE WHAT THEY KNOW,
tres accrocheurs, ils dénoncent rapide et, me semble-t-il excessive. T. Davenport et L. Prusak, Harvard
avec vivacité les principaux obsta- Les intranets qui se développent Business School Press, 1998.
cles qui entravent l’action. aujourd’hui dans certaines entrepri- • FIRMS AS KNOWLEDGE
Le lecteur retrouvera dans les ses, françaises ou étrangères, témoi- BROKERS, A. Hargadon, California
exemples des situations qu’il a ren- gnent de l’appui exceptionnel qu’ils Management Review 40, printemps 1998.
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Synthèse
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10 m • N°82a

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