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On pense en général que le langage sert à communiquer, autrement dit à transmettre à

autrui ce qu’on pense. Pour cela, il faut que le sujet s’exprime, c’est-à-dire extériorise sa pensée. On
admet donc que la pensée est indépendante de son expression et antérieure à elle. Ainsi Descartes
dans sa fameuse Lettre au marquis de Newcastle du 23 novembre 1646  développe une telle
conception. Cependant, cette pensée antérieure au langage n’est-elle pas un mythe ? Sans mots, une
pensée est-elle possible ? Merleau-Ponty pense que non, qu’une pensée est inenvisageable avant
l’expression, pour lui « La pensée et l’expression se constituent simultanément ». D’abord, ligne 5 à
12, Merleau-Ponty explique que la pensée n’est pas intérieure, puis il dit que les idées se
construisent à partir de mots mais il nuance ensuite et dit que la pensée et l’expression sont
simultanée, de là il explique comment fonctionne la communication.

Ce texte débute par une affirmation, Merleau-Ponty dit que « la pensée n’est rien
d’intérieur », l’auteur utilise une négation partielle pour insister, ainsi selon lui la pensée ne peut en
aucun cas se constituer par une réflexion intérieure. Il justifie ensuite en ajoutant « elle n’existe ni
hors du monde ni hors des mots », par ces mots Merleau-Ponty affirme que les idées s’applique à
notre monde et que par conséquent elle n’existe pas sans lien ou association avec le monde. De plus,
une idée a besoin de se construire autour de mots pour devenir une idée concrète, dès lors la pensée
n’existe pas hors des mots. À la suite de cela, Merleau-Ponty évoque l’opinion publique, la doxa, en
effet l’opinion répandue est de croire qu’ « une pensée existerait pour soit avant l’expression » mais
ce qui nous fait croire en cela « sont les pensées déjà constituées et déjà exprimées que nous
pouvons rappeler à nous silencieusement », par cela, le philosophe entend que il existe des pensées
que nous avons déjà formulé et des pensées que l’on a lues ou entendues déjà exprimées donc des
pensées que nous pouvons rappeler à tout instant sans avoir besoin de mettre des mots puisque
c’est chose déjà faite. Ces pensées nous font croire qu’une pensée peut exister sans être exprimée
or, Merleau-Ponty vient de l’infirmer, cela est impossible, il qualifie donc ceci d’une illusion.
Reste que c’est silencieusement, et donc en apparence sans mots que nous pensons. Dès
lors, n’est-ce pas qu’il y a là une pensée intérieure qui s’exprimerait elle-même intérieurement et
qu’il faudrait distinguer de l’expression extérieure à autrui ? Dans un second temps, Merleau-Ponty
oppose à l’idée d’une pensée silencieuse l’idée que la pensée prétendument intérieure est constituée
de paroles qui sont certes à peine audibles comme le signifie le terme « bruissant ». Cette opposition
renforce donc la thèse de l’auteur en enlevant l’idée d’une pensée qui serait purement intérieure. Il
dit ensuite que la seule pensée pure qui puisse exister est celle d’un « vœu instantané », en effet, n’y
a-t-il pas de pensée plus vive et plus instinctive que celle d’un besoin. Par exemple lorsque l’on se
blesse, notre corps envoie quasi-immédiatement un message nerveux à notre esprit pour qu’il
comprenne qu’il y a un problème, il faut donc que cette pensée soit la plus rapide et la plus
instinctive possible pour laisser à notre corps la possibilité de s’extirper de la cause de la douleur. Les
seules « pensée pures » qu’on puisse sont donc celles qui réfèrent à une volonté instantanée, à un
instinct. Merleau-Ponty introduit une nouvelle notion : « l’intention significative nouvelle » qui
signifie la constitution d’une nouvelle pensée qui ne serait pas dans notre bagage de « pensées déjà
exprimées ». Le philosophe affirme ainsi que chaque intention significative nouvelle résulte « d’actes
d’expression antérieurs », on aurait besoin de « significations déjà disponibles » pour formuler une
pensée. Cette idée est ce qui découle de la thèse de Merleau-Ponty qui dit que la pensée n’existe pas
en dehors des mots, puisque on ne pense pas sans mots il faut bien qu’on ait des pensées déjà
formulées par des mots pour qu’on puisse formuler de nouvelles idées à une rapidité nécessaire à la
communication. Ces significations disponibles sont mélangées, « entrelacées » et réutilisées pour
former une intention significative nouvelle selon « une loi inconnue », Merleau-Ponty n’a pas trouvé
de schéma général et donc la manière dont les pensées se créent à partir d’autres lui est inconnu.
Ainsi pour exprimer une pensée il faut la construire à partir d’autres déjà exprimées et donc
par conséquent « la pensée et l’expression se constituent simultanément », puisque la pensée
n’existe pas en dehors des mots et qu’il nous faut des pensées pour s’exprimer par les mots, il est
impératif que les deux se forment en même temps. Merleau-Ponty compare ensuite « la mobilisation
de «notre acquis culturel au service de cette loi inconnue » qui régit la formation d’idée nouvelle à
« notre corps se prêtant à un geste nouveau dans l’acquisition de l’habitude ». Il compare le fait de
créer une nouvelle pensée qui servira à en créer des milliers d’autres tout au long de notre vie à
l’apprentissage d’un geste nouveau qui deviendra une habitude, en effet s’il nous faut une réflexion
plus ou moins intense lors de la formulation d’une idée, cette idée nous deviendra naturelle une fois
déjà exprimée et c’est la même chose lorsqu’on apprend un nouveau geste, il n’est pas naturel au
début mais une fois qu’il est intégré, on ne pense même pas à la réalisation de celui-ci.
L’auteur assure à la suite que la simultanéité de la pensée et de l’expression dans la pensée
est « ce qui rend possible la communication », il s’explique ensuite et dit qu’il est nécessaire de
connaître la syntaxe et le vocabulaire d’un personne pour comprendre ses paroles et il est vrai que
même en ayant connaissance de ce qu’une personne dit, on ne peut comprendre ses paroles sans
connaître au préalable sa langue. Mais cela ne veut aucunement dire que les représentations de celui
qui parle vont, par l’expression, reproduire ces mêmes représentation chez celui qui l’écoute. En
effet un mot ne va pas dégager la même idée et la même représentation puisque les idées sont
formulés selon notre acquis culturel qui diffère selon ce que l’on a vécu. Ainsi en admettant une
conversation entre trois personnes : une qui parle et deux qui écoutent, aucune des trois n’aura la
même représentation de ce qui a été dit qu’elle soit d’accord ou non sur le sujet. Dès lors, « ce n’est
pas avec des représentations ou avec une pensée » que l’on communique mais avec une personne
qui a un « style d’être et avec le monde qu’elle vise », en effet on ne distingue pas la représentation
d’une personne lorsque que l’on parle, la seule chose que l’on reçoit est l’expression de sa pensée
qui peut être interprété complètement différemment. On ne communique donc pas avec une
représentation mais avec l’expression de cette représentation et cette expression change d’un tout à
l’autre selon à qui on s’adresse. Si c’est un proche ou juste une connaissance, si c’est un enfant ou
une personne âgée, on s’adresse différemment à ces personnes et donc l’expression de la
représentation va encore changer.

Le texte de Merleau-Ponty débute avec une affirmation opposée à la doxa, « la pensée n’est
rien d’intérieure » puis l’auteur nous explique ce qui pourrait nous faire croire l’inverse. Ensuite il
expose sa thèse et dit que les pensées nouvelles se constituent à partir de pensées déjà exprimées et
que par conséquent la pensée et l’expression se constituent simultanément. Et il finit par expliquer
que c’est cette simultanéité qui nous permet de nous exprimer et que l’expression n’aura pas la
même interprétation selon les gens.

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