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3- La description du monde
1
1- Expression de la pensée
2
Le rôle du langage est par conséquent déterminant dans l'élaboration de
la pensée humaine en tant que support. Précisément parce que Le
langage permet de fixer la pensée, c'est le matériau premier pour
élaborer une pensée. Le langage est un système de signes liant entre
eux des mots et des idées et qui « fait sens » pour un sujet.
Le philosophe anglais Thomas Hobbes s'est intéressé à cette question
du rôle que joue le langage dans l'élaboration de la pensée. Pour lui,
« Le premier usage des dénominations est de servir de marques ou de
notes en vue de la réminiscence1. » Ainsi donc, la fonction première du
langage est de fixer les pensées afin de pouvoir les réutiliser, mais aussi
de les enrichir.
Les mots ont pour fonction de servir de repères afin que nous puissions
nous rappeler nos propres pensées. En effet, sans le langage qui permet
de les fixer, nos pensées tomberaient sans cesse dans l'oubli au
moment même où elles apparaissent. En ce sens, il serait impossible de
leur donner une forme stable. Le langage nous permet donc de donner
une forme fixe à la pensée : c'est grâce à lui qu'il nous est possible de
nous souvenir de ce que nous avons pensé.
Si les mots permettent de fixer les idées, il est possible d'imaginer que la
pensée ne saurait exister si elle ne pouvait s'exprimer dans la forme du
langage.
Hobbes pense que le langage joue aussi un rôle dans l'expression de la
pensée. En effet, il estime que la fonction première des mots est de
servir de marques aux pensées humaines. En mettant des mots sur ses
idées, l'homme peut s'en souvenir, les fixer, et surtout les réutiliser. Être
capable de dire sa pensée, de nommer sa pensée, c'est aussi être
capable de revenir dessus et de l'enrichir.
1
Cf. Thomas Hobbes, Léviathan, Londres, 1651
3
Les mots permettent donc de développer des raisonnements. Le
langage permet aussi de transmettre ces raisonnements. Ainsi, au lieu
de tomber dans l'oubli, la pensée est transmise. Les mots donnent une
forme fixe aux idées et permettent d'échanger avec les autres hommes.
Le langage "matérialise" la pensée.
L'usage général de la parole est de transformer notre discours mental en
un discours verbal, ou l'enchaînement de nos pensées en un
enchaînement de mots, et ceci pour deux utilisations : l'une est
l'enregistrement des consécutions de nos pensées qui, étant
susceptibles de s'échapper de notre mémoire, et de nous faire faire un
nouveau travail, peuvent être de nouveau rappelées à l'aide de mots par
lesquels elles furent désignées.
Sinon, les pensées seraient insaisissables, n'auraient pas de forme, si le
langage n'intervenait pas. C'est ce que souligne Émile Benveniste.
« La pensée se réduit sinon exactement à rien, en tout cas à quelque
chose de si vague et de si indifférencié que nous n'avons aucun moyen
de l'appréhender comme "contenu" distinct de la forme que le langage lui
confère. La forme linguistique est donc non seulement la condition de
transmissibilité, mais d'abord la condition de réalisation de la pensée2. »
Autrement dit, on ne pourrait pas penser quelque chose sans le formuler
par des mots. Le langage ne ferait pas qu'exprimer la pensée : il la
constituerait.
De ce point de vue, croire qu'une pensée ne peut être exprimée par le
langage serait en réalité le signe d'une indétermination de cette idée. Les
mots seraient donc toujours clairs : seule la pensée peut n'être pas
assez précise pour pouvoir être traduite en langage. Ainsi, loin de ne
constituer qu'un outil permettant d'exprimer nos pensées, le langage
serait le matériau même au sein duquel toute pensée peut exister.
2
Cf. Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966
4
Le problème de l'ineffable : les pensées intraduisibles par le
langage
Toutefois, si la pensée semble bien ne pouvoir s'exprimer qu'à travers le
langage, il est possible de se demander si tout ce qui existe, tout ce qui
est pensé, peut être adéquatement exprimé par le langage. Certaines
choses sont difficiles à exprimer : c'est ce que l'on appelle l'ineffable.
C'est le cas dans le domaine des sentiments. C'est également le cas
lorsqu'on dit qu'il n'y a pas de mots pour exprimer l'inconcevable (un
acte, une situation d'une horreur extrême).
Henri Bergson s'est notamment interrogé sur cette inadéquation possible
entre les mots et la pensée qu'ils devraient pouvoir exprimer. Selon lui, la
fonction du langage est avant tout utilitaire : il doit permettre de guider
l'action, il est donc tourné vers l'extérieur et ne permet pas de rendre
compte de toutes les nuances des états de conscience.
« Chacun de nous a sa manière d'aimer et de haïr, et cet amour, cette
haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage
désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n'a-
t-il pu fixer que l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine, et
des mille sentiments qui agitent l'âme3. »
Ce que montre Bergson dans cette citation, c'est le décalage entre un
mot, qui est toujours général, commun, et la réalité singulière qu'il vient
désigner. Ainsi, le mot « amour » est général et ne permet pas de rendre
compte des mille et une façons dont ce sentiment peut être vécu.
Alors que la réalité est toujours singulière, unique, les mots sont
communs : ils permettent de désigner génériquement une chose. En ce
sens, ils sont toujours trop généraux pour pouvoir rendre compte du
caractère singulier d'une chose, et en particulier des pensées d'un
3
Cf. Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, 1889, p.13.
5
individu. C'est pourquoi, selon lui, les formes les plus profondes de la
pensée sont ineffables : on ne peut les saisir que par une intuition non
discursive, c'est-à-dire que l'on ne peut les percevoir qu'immédiatement,
sans la médiation du langage.
2- La communication
Le langage est ce qui nous permet de communiquer avec autrui.
Quand nous prenons la parole, disons-nous, c'est afin d'exprimer notre
pensée, et par là de la communiquer ; ce mot signifie en effet
étymologiquement « mettre en commun » quelque chose – ici, nos
pensées.
Ainsi le langage, oral ou écrit, nous apparaît d'abord comme un moyen,
ou un instrument, dont la fonction est de communiquer. Mais cette
première idée doit être justifiée.
Les mots sont des signes dont la fonction est d'extérioriser nos pensées.
J. Locke met ainsi en évidence le fait que le langage a été créé afin que
les hommes puissent entrer en relation et échanger leurs idées :
« Comme on ne saurait jouir des avantages et des commodités de la
société sans une communication de pensée, il était nécessaire que
l'homme inventât quelques signes extérieurs et sensibles par lesquels
ces idées invisibles, dont nos pensées sont composées, puissent être
manifestées aux autres4. »
Les mots sont donc bien des signes linguistiques qui ont pour fin
d'extérioriser et par là de communiquer nos pensées. Le langage n'est
qu'un « instrument » dont la fonction est de communiquer
C'est ainsi que la linguistique classique décrit le fonctionnement du
langage, qui implique selon elle :
4
John Locke, Essai sur l’entendement humain,
6
– un « émetteur » ou « locuteur », qui exprime une idée ;
7
pensées, il ne les exprime pas dans le vide, mais toujours pour dire
quelque chose à quelqu’un, c'est-à-dire pour communiquer
8
C’est la problématique développée par Louis Lachance dans son
ouvrage sur la philosophie du langage. Le problème s’est posé à
l’époque parce que dans certains États centralistes le gouvernement
avait défendu l’usage des langues ethniques minoritaires, en vue
d’éradiquer les tendances séparatistes. Tout homme et toute ethnie ont
droit à une identité à un héritage culturel. Dans la mesure où la langue
propre est un élément principal de cette identité on peut alors postuler à
un certain droit à la longue. Il est vrai que la tendance séparatiste profite
fortement du lien social créé par la langue et la culture, mais la
suppression de la langue ne peut pas résoudre le problème. Elle
aggrave plutôt la tendance à la séparation.