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(...) Prenons d’abord grand soin de distinguer deux notions qui sont bien souvent
confondues quand on parle du « langage animal » : le signal et le symbole. (…)
L’animal perçoit le signal et il est capable d’y réagir adéquatement. L’ homme
invente et comprend des symboles, l’ animal, non. Tout découle de là. La
méconnaissance de cette distinction entraîne toutes sortes de confusions ou de faux
problèmes. On dit souvent que l’animal dressé comprend la parole humaine. En
réalité l’animal obéit à la parole parce qu’il a été dressé à la reconnaître comme
signal ; mais il ne saura jamais l’interpréter comme symbole. Pour la même raison,
l’animal exprime ses émotions, il ne peut les dénommer.
D’une manière générale, on peut donc dire que les langues humaines, constituées
de signes ou de symboles, sont culturelles, conventionnelles, arbitraires. L’homme
est dépourvu de langue naturelle. Un enfant abandonné dès la naissance et qui
aurait par miracle pu survivre ne possèderait aucun système inné de communication
propre à son espèce. A ce titre, tout être humain possède une langue apprise, une
langue dite « maternelle », cette expression trahissant le fait culturel selon lequel ce
sont les mères qui assurent en général l’essentiel de l’éducation d’un enfant.
Remarquons à ce propos que même les onomatopées, c’est-à-dire l’imitation des
sons naturels, portent également la marque de la culture, c’est-à-dire des sons
spécifiques à notre langue maternelle.
Le caractère conventionnel du langage est d’ailleurs souligné par le fait qu’il n’y a
pas véritablement d’organes naturels du langage. Les grandes fonctions
physiologiques de l’organisme sont assurées par un organe spécifique : le cœur est
l’organe essentiel de la fonction circulatoire ; les poumons de la respiration ;
l’estomac de la digestion etc. Aucun autre organe ne peut les suppléer pour ces
fonctions respectives en cas de défaillances. Or, il n’y a pas l’équivalent concernant
le langage.
Il fallait donc trouver un système permettant, à partir d’un nombre limité de signes,
d’engendrer un nombre potentiellement infini de messages. Telle a été l’invention
géniale de l’humanité, à savoir le langage dit articulé.
Langage, langue, parole
Il en ira de même avec le langage écrit. Il s’agit ici de trouver les moyens de
surmonter les limites vite atteintes des mémoires individuelles. Lorsque, semble-t-il
entre le cinquième et le troisième millénaire av. JC, les Mésopotamiens notamment,
inventent les premières formes d’écriture, ils introduisent dans l’histoire de
l’humanité une innovation décisive et lourde de conséquences pour son avenir.