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CHAPITRE 14 - Automatisation des terminaux,

monitoring des navires, quels enjeux de sécurité ?


Paul Tourret

To cite this version:


Paul Tourret. CHAPITRE 14 - Automatisation des terminaux, monitoring des navires, quels enjeux
de sécurité ?. Patrick Chaumette. Economic challenge and new maritime risks management: What
blue growth? Challenge économique et maîtrise des nouveaux risques maritimes : Quelle croissance
bleue ? , GOMILEX, 2017. �hal-01792325�

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XIV. Automatisation des terminaux, monitoring des navires, quels enjeux ...

CHAPTER 14
Automatisation des terminaux, monitoring des
navires, quels enjeux de sécurité ?

Paul TOURRET
Directeur de l’Institut Supérieur d’Économie Maritime (ISEMAR),
France

Abstract: For different reasons the ships are both traced and sometimes directly
controlled by their shipowners, in particular to impose the routing and bunkers
consumption. Inside ports, the terminals are affected by a vague automation where
human labour mutates the gear to computerised monitors. The arrival of new
technologies in the maritime industry is facing new challenges in a world that is very
attentive to security issues.

Résumé : Pour différentes raisons, les navires sont à la fois tracés et parfois
directement contrôlés par leurs armateurs, notamment pour imposer le routing et la
consommation des soutes. Dans les ports, ce sont les terminaux qui sont touchés
par une vague automatisation où le travail humain mute des engins vers les moniteurs
informatisés. L’arrivée des nouvelles technologies dans l’industrie maritime est donc
confrontée à des défis nouveaux dans un monde très attentif aux enjeux de sécurité.

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L’informatisation des processus maritimes et portuaires comporte des risques comme


pour l’ensemble des activités humaines qui ont introduit la digitalisation dans leur
fonctionnement. L’idée de cette intervention est d’évoquer une problématique
particulière que représente l’automatisation des outils maritimes (navire) et portuaires
(terminal) et d’envisager leurs raisons et de cerner les problématiques de sécurité.

Il n’est donc pas question ici de la fiabilisation sécuritaire des informations liées aux
tracking et au tracing des navires et des marchandises ni de la chaîne d’information
liée au fonctionnement des communautés portuaires.

La problématique qui nous intéresse est le contrôle à distance et l’automatisation


(partielle ou totale) du fonctionnement du navire ou des outils de manutention portuaire.
Dans les deux cas, il s’agit d’un fonctionnement interne et sans ouverture directe (a
priori) à des acteurs tiers (aucun échange d’information avec d’autres acteurs que
ceux chargés du management du bateau ou et du terminal.

Du monitoring de flotte au navire automatisé

Le monitoring de la flotte est un premier lieu de réflexion. Traditionnellement et pour


des raisons techniques évidentes, le bord est laissé indépendant de sa gestion de la
navigation. Le reporting vers l’armateur est une évidence pour la gestion commerciale
de la ligne régulière ou de l’escale du navire au tramping. Le bord doit respecter les
engagements commerciaux de la compagnie maritime. L’innovation provient d’un
monitoring (plus ou moins direct) des navires par l’armateur. Le contrôle peut se faire
par un « fleet center ». Très peu d’armateurs disposent d’un tel outil, deux pour ainsi
dire dont CMA CGM.

Selon l’armateur français, son « Fleet Navigation & Support Center » est un centre
d’assistance et de conseil à la navigation. « Cette structure quasi unique au monde
permet d’optimiser les routes, vitesses et consommations des navires, tout en assurant
la sécurité des équipages et de la marchandise ». Il est donc opérationnel en
permanence avec pour personnel des navigants CMA CGM offrant une interface
entre les bords et les différentes sections du management de l’armement.

Le monitoring de la flotte d’un armement peut couvrir différents éléments amenant à


des échanges de données et d’informations (du simple conseil à l’ordre impératif). La
liberté du bord est naturellement bridée par des impératifs essentiellement de
consommation, ce qui aboutit à l’imposition de la vitesse, de la consommation et de la
route (routing). La propulsion devient elle aussi monitorée (une activité facilitée par
les moteurs électroniques) pour optimiser encore plus le fonctionnement du navire.
Et comme le navire est de plus en plus informatisé (assistance électronique, capteurs,
système d’information), il est sujet aux échanges de données à distance. L’ensemble
des actions du navire et du bord peut faire l’objet d’une vision, d’un conseil, d’un
contrôle, d’un ordre depuis le fleet center.

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Si le fleet monitoring rogne le principe du bord (à l’autonomie du capitaine), que dire


de l’automatisation totale du navire. L’objectif est de supprimer tout humain du navire
pour en faire un outil de transport autonome et contrôlé à distance. Tout cela est donc
très prospectif pour ne pas dire futuriste. Parmi ces visions, celle en 2016 de Rolls
Royce a mis en avant le concept de « roboship » contrôlé à distance par deux navigants
depuis une salle disposant d’une pièce holographique qui reproduit la passerelle du
navire avec tous ces équipements et les éléments de visibilité intérieurs et extérieurs.

Le « roboship » est-il plus compliqué qu’un cargo de l’espace reliant à une station
orbitale ? En tout cas il évoluera dans un environnement plus compliqué par les
éléments naturels (mer, vent) et les autres engins présents dans l’eau. Pour le sujet
qui nous intéresse, il sera à l’évidence un colossal défi de protections des données,
d’autant plus important qu’il faudra protéger l’ensemble du navire et des risques (de
sécurité) qu’il représente pour son environnement naturel ou humain.

L’automatisation des terminaux, une réalité d’aujourd’hui

Le terminal à conteneurs automatisé n’est pas une vue futuriste. Depuis une dizaine
d’années, l’automatisation a été introduite dans les terminaux et le mouvement
s’intensifie. Aujourd’hui, dans certains terminaux, la gestion des parcs à conteneurs
(stockage, mouvement) se fait avec des équipements totalement automatisés. Les
mouvements entre l’entreposage des conteneurs et les portiques de quai se font
dans certains terminaux par des véhicules automatisés (AGV, straddle carrier). Reste
une ultime étape avec l’automatisation du portique de quai avec le navire, qui est
néanmoins en phase de test à Rotterdam.

Pour les terminaux, la gestion informatique est un élément du management de l’activité


(stockage, mouvements) en relation avec notamment le ship planning des navires et
les outils de dessertes terrestres. Avec l’automatisation totale du terminal, on peut
imaginer un terminal totalement autonome gérant les flux, les positionnements, les
mises à disposition. Le « smart terminal » devenant sur plusieurs hectares ce qui se
fait dans certains entrepôts logistiques. Le futur serait alors un terminal disposant
d’une intelligence artificielle de management total. Là encore, le full data comporte un
risque total en terme de cybersécurité.

Quelques réflexions

Si on doit conceptualiser le recours à l’automatisation portuaire et maritime, il comprend


ce qui est enjeu. Pour l’instant le principe est que la productivité des outils provient de
leur bon management et de leur adaptation constante (économies d’échelle, innovation
technologique). De la productivité dépendront la compétitivité et la rentabilité.

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Aujourd’hui de nouveaux concepts apparaissent. Le premier est l’efficience, c’est-à-


dire l’optimisation des moyens pour un maximum de résultats. Les coûts de l’énergie
mais aussi du travail poussent l’innovation afin de compresser les coûts tout en
conservant la meilleure productivité. L’assistance par la machine est le meilleur moyen
d’assurer l’efficience des outils.

Un autre concept peut être défini comme la « productivité stable » c’est-à-dire de


s’assurer qu’il n’y ait pas rupture dans les schémas de production, qu’il s’agisse des
respects des escales, des cadencements, des positionnements, etc. Si on ajoute les
besoins de flexibilité et la quête de fiabilité, on comprend mieux comment
l’automatisation répond à ces demandes. Ainsi, l’automatisation offre bien fiabilité,
flexibilité, productivité stable et efficience.

« Robotship » et « smart terminal » sont-ils pour un futur proche ou éloigné ? Ils


montrent comment peut être envisagé un futur maritimo-portuaire où l’humain n’est
plus directement aux commandes physiques. Il reste un superviseur de processus
où l’immatériel numérisé contrôle des machines navales et portuaires.

Naturellement, de nombreuses questions se posent : de la simple faisabilité technique,


la problématique de la responsabilité, à l’acceptabilité sociétale (notamment le navire
automatique). La déshumanisation a-t-elle une limite ? La dématérialisation et la
digitalisation peuvent interroger sur cette fuite en avant vers un monde envahi par la
numérisation de bien des tâches.

Reste aussi la pertinence économique. L’intensité du capital investi (capex) sera-t-il


amorti par la réduction des coûts opérationnels (opex) ? Le premier risque de tout
cela est peut-être le surinvestissement. La question pour bien des industries est le
« just cost » amenant vers la question de l’efficience aussi des investissements. Enfin,
le cœur de notre interrogation ici est l’éternelle question de la vulnérabilité des
systèmes. Les autorités nationales, européennes et américaines ne manquent pas
d’alerter sur la cybersécurité. Le monde professionnel est bien conscient du problème
à l’image du rapport du Bimco.

La cybersécurité ne manque pas de rappeler la variété des agressions que peut subir
n’importe quel système d’échange de données, notamment s’il possède un système
ouvert via internet. Le danger peut venir de la simple envie de nuisances à l’action
délibérée (trafic illicite, motivation politique).

A priori, l’automatisation sera basée sur des systèmes fermés, mais le monde digital
ne manque pas de failles. Le challenge sera d’autant plus démultiplié que la
digitalisation concerne le mouvement d’objet physique. Si le terminal est cantonné à
un périmètre restreint, le navire est détourné mais capable d’une mise en danger
massive. À cela s’ajoutera le coût économique de la rupture dans la chaîne logistique
ou du dysfonctionnement provoqué aux systèmes automatisés en mer ou dans les
ports.

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PAUL TOURRET

En conclusion, l’automatisation des moyens maritimes et portuaires est un défi


technique et technologique. Elle sera donc par essence un enjeu de sécurité majeur.
Parce que la digitalisation est peut-être une évolution incontournable à long terme,
mais elle exige. Comme pour d’autres moyens de transport, la contrainte de
cybersécurité est forte, car il s’agit à la fois de contrôler toute rupture dans la chaîne
économique et de protéger les vies et les milieux.

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