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S.E.R. | « Études »
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cruauté qui atteint son paroxysme dans Roman initiatique s’il en est, Impératrice
La Lionne, chef-d’œuvre d’intensité, où dresse le portrait d’une femme ambi-
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Marie-Noëlle Campana
Gil JOUANARD
Un nomade casanier
Claire ETCHERELLI
Phébus, 2003, 318 pages, 20 €.
Un temps déraisonnable
Ed. du Félin, 2003, 286 pages, 20 €. Dès sa plus tendre enfance, Gil
Jouanard a pratiqué l’art raffiné, grave et
Beau roman. Une histoire à deux voix, léger du regard. Regard porté d’abord sur
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qu’un roman – somme toute classique, toute chose, et même des parties de soi-
malgré son foisonnement – s’ancre dans même. Quand Nooteboom écrit de belles
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cadres à l’usine British Leyland, parlent qui sait poser sur les choses un regard
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met l’écriture peut ouvrir. Il y a « une (dans leur aspect pratique ou « doctri-
autre dimension des choses », inapparente nal »). Voici donc un outil de référence.
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aux affairés contraints de s’occuper des Par ses notices en premier lieu, si nom-
apparences, que le regard libre peut breuses et diverses, où se côtoient les
atteindre. Un autre monde est là, tout stars de l’instrument (Dupré, Marchal,
proche à qui sait dépasser les horizons Cochereau...) et les organistes du terrain
C
illusoires du quotidien. Absence, retrait, paroissial (celui que chaque lecteur, sans
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vide, mélancolie, confins... autant de le savoir, aura connu dans son enfance et
zones d’ombre où les choses peuvent sa jeunesse pratiquantes : pour moi,
Josette Delaruelle) ; mais aussi par les élé- cuivre des escaliers, les pipes de la vitrine
ments de la synthèse que ces « modestes » de l’antiquaire, les balcons haussmanniens
articles, classés alphabétiquement, édi- soutenus par des atlantes musculeux ou
fient. P. Guillot, tout aussi modestement, des caryatides torrides, les fauteuils
les évoque d’ailleurs dans ses pages intro- métalliques vert bouteille du jardin public,
ductives. En effet, se dessinent, sur deux la plaque bleu bleuet des rues, le menu
siècles, une représentation de l’orgue tarabiscoté du restaurant, la vendeuse des
(instrument et symbole) dans la vie musi- bonbons coquelicots qu’elle sert avec une
cale et liturgique (et, partant, une place de petite pelle ronde en métal usé (geste
la musique dans la liturgie) ; un portrait de méticuleux de la pesée), la BD d’occasion
l’organiste (sa formation, son recrute- et le boulier de la brocante. Ainsi va la ville
ment, sa situation économique et sociale) ; à hauteur de regard, fragile comme la carte
une histoire de la musique d’orgue jouée postale désinvolte que l’on crayonne avant
– qu’elle soit composée, improvisée, le Guignol de quatre heures. Ainsi va le
transcrite, retrouvée et éditée. Peut-être texte qui donne sens à trois fois rien, à des
l’ouvrage appelle-t-il quelques légères bouts de regard sur des futilités qui, du
réserves, mais c’est l’auteur lui-même qui fond de l’habitude, appelées par le texte et
nous incite à les émettre. Une première l’image, font signe. L’auteur, connu pour
concerne la forme : on regrette une son minimalisme narratif, bascule ici
présentation plus « systématique » des presque dans le poème.
sources utilisées, que l’on devine pourtant
nombreuses et rigoureuses : annuaires Pierre Mayol
professionnels, archives des établisse-
ments d’enseignement (écoles de musique
et séminaires), des lieux de culte, presse
et revues, etc. Une seconde concerne le La Charte du Mandé
fond : on aurait désiré que l’auteur, qui et autres traditions du Mali. Traduit
n’hésite pas à s’engager vigoureusement par Youssouf Tata Cissé et Jean-Louis
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Aubier, 2003, 268 pages, 22 €. avoir expliqué que le temps des villes
épiscopales (IX e siècle) doit être claire-
Il est bien connu que la manière de ment distingué, et montré combien l’urba-
vivre et de pratiquer le christianisme a été nisation de l’Europe au X e siècle fut
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Pierre BROUÉ
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Ne lui prêtons pas les vertus de que beaucoup d’autres ouvrages ont déjà
Cassandre. Il reconnaissait lui-même n’en dénoncée, mais sans toujours l’analyser
avec une sérénité égale à l’acuité dont Jean-Pierre DOZON
fait montre H. Merlin-Kajman. L’auteur
n’entre pas pour autant dans un procès Frères et sujets
facile avec les maîtres de la génération La France et l’Afrique en perspective.
des professeurs de littérature française à Flammarion, 2003, 350 pages, 20 €.
laquelle elle appartient. Si Barthes et
Foucault, principalement, sont critiqués Anthropologue, l’auteur se fait ici his-
ici, c’est pour réévaluer leurs thèses et torien : une nécessaire alliance des disci-
pousser à une prise de conscience de ce plines pour tenter de rendre compte de
qui lie les conceptions de la langue – et l’étrange nature des relations franco-
particulièrement le statut des contraintes africaines. Que cette relation soit singu-
syntaxiques – à l’éducation. Probléma- lière, cela se voit par comparaison avec
tique vaine ? Tout cela n’est-il qu’une les autres puissances coloniales : aucune
énième défense et illustration de la langue d’entre elles n’a gardé de tels liens
française, une apologie pour les puristes, avec son ancien empire. L’étonnant est que
dont on sait bien que, finalement, sous le l’octroi des indépendances (1960) ait
masque des règles de grammaire, c’est davantage renforcé que distendu l’inter-
leur propre pouvoir qui s’impose ? C’est dépendance de la France et de ses
pour déjouer la légende de notre modernité anciennes possessions. Jean-Pierre Dozon
que l’auteur s’attaque à lire l’autre n’explique pas vraiment ce paradoxe, pas
légende, celle du classicisme, concernant plus qu’on ne peut donner les raisons d’un
la langue et à en éprouver la validité his- attachement entre deux personnes. Il
torique. A partir de ce premier objectif montre qu’il en a toujours été ainsi depuis
d’une histoire de la fixation classique de que des Français ont pris contact avec le
la langue française, un second se précise : Continent. Depuis la fondation de Saint-
que signifie, pour l’éducation et pour la Louis au Sénégal (1650) jusqu’à l’hom-
société, le refus des normes linguistiques mage rendu par l’Etat français à
ou, a contrario, son retour dans le discours Houphouët-Boigny – ce superintendant de la
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Etienne Perrot
Marco BIANCHINI
Bonheur public
Fareed ZAKARIA
et méthode géométrique
Enquête sur les économistes italiens L’Avenir de la liberté
(1711-1803). Traduction de Pierre Crépel, La démocratie illibérale aux Etats-Unis
revue par Gisèle Sandri. et dans le monde.
INED, 2002, 190 pages, 20 €. Odile Jacob, 2003, 340 pages, 24,50 €.
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un gage et non pas un objet. Ces écono- consacrés aux Etats-Unis, seront sans
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mistes colorèrent les Lumières euro- doute les plus intéressants pour le lecteur
péennes d’une pointe de finesse assez français ; là, l’information est de première
main. Aux Etats-Unis, tout ce qu’il y avait une vie, est à la fois redonné et changé. On
de corps intermédiaires et d’élites, jus- aura compris que Kierkegaard traite ici,
qu’aux partis, a disparu ; règne, au avec d’autres mots, le grand thème de
contraire, le lobbying, qui profite de la Crainte et tremblement, essai qui parut le
démocratie pour s’assurer toute espèce de même jour que La Répétition. Réjouissons-
privilèges et de subventions fiscales. Un nous de cette nouvelle traduction, même si
paquet de subventions plus ou moins bien l’on peut regretter une introduction au
ficelé, cela fait un budget ! Est-ce trop trait un peu rapide, et un appareil critique
sévère ? Le temps est venu, en tout cas, réduit. Venant après les traductions
d’une réflexion fondamentale sur la démo- magnifiques de Tisseau et de Viallaneix,
cratie même et ses conditions, afin qu’elle certains choix lexicaux auraient gagné à
favorise la liberté, celle de tous. être précisés.
tir en reconnaissant qu’elle est l’effet entendu d’un Père, le père de la psycha-
d’une culpabilité venant d’un « J’aurais nalyse. C’est en effet l’une des originalités
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dû » que l’on s’impose. Arrive enfin la der- de ce livre. L’auteur s’intéresse explicite-
nière étape, qui est celle de la guérison ment à la « langue du père ». Cette
par acceptation de ce que l’on est devant réflexion va se déployer sur plusieurs cha-
les autres, en prenant le risque d’être cri- pitres. La plasticité de la langue alle-
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tiqué ; c’est cela même l’ouverture aux mande se prêtait particulièrement bien à
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Le Rituel du serpent
Art et anthropologie. Introduction de
J. L. Koerner ; illustrations. Macula, 2003,
200 pages, 23 €. [Voir, dans le même livre,
les extraits du journal de A. W., et les textes
de F. Saxl et B. C. Guidi.]
Questions
Warburg (1866-1929), fils d’une
religieuses
famille de banquiers (rompant avec elle, il
s’écartera des prescriptions juives), fut
historien d’art de la Renaissance. Il Adrian SCHENKER o.p.
séjourna en Amérique où, féru d’exotisme,
il rencontra des Indiens (1896) et rap- Douceur de Dieu
porta photos, dessins et notes. Atteint de et violence des hommes
psychose, il fut interné en 1923 dans la Le quatrième chant du Serviteur de Dieu
clinique de Ludwig Binswanger, ami de et le Nouveau Testament. Traduit de l’allemand
Freud. Là, comme une thérapie, il pro- par Philippe Hugo et Brigitte Riga, o.p.
nonça une conférence (dans l’assistance, Lumen Vitae, Bruxelles, 2002.
il y avait Nijinsky et B. Pappenheim, la
légendaire Anna O. de Freud...) sur l’épi- Par rapport aux accusations portées
sode indien, oublié depuis vingt-sept ans : contre les religions, et spécialement les
c’est Le Rituel du serpent... Ce retour du monothéismes, dans le rôle qu’elles joue-
refoulé draine avec lui la critique de raient dans la violence contemporaine
« l’histoire esthétisante de l’art » et prône comme tout au long de l’histoire, l’ouvrage
du P. A. Schenker vient en urgence pour la première relève du descriptif, qui a
apporter sa contribution à leur réfutation. été étudié par des auteurs tels que
La lecture qu’il propose du quatrième Mgr Hippolyte Simon, évêque de
chant du Serviteur du livre d’Isaïe, Clermont, et d’autres, s’appuyant sur
appuyée sur une exégèse impeccable et l’histoire, avec les dépouillements sans
claire, est sans doute l’une des meilleures précédent que connaît l’Eglise. Jean Rigal
voies pour cette réfutation. La mysté- souligne que la communication doit être
rieuse figure du « Serviteur » évoquée par prise en compte au travers de ces réalités.
le prophète, soumise à la violence sans La deuxième partie est davantage analy-
qu’elle réagisse par une autre violence, tique, faisant appel à des critères de dis-
crée par son attitude même une voie de cernement centrés sur la notion de
salut. A partir de là, l’auteur reprend à communion. La transition avec la troi-
frais nouveaux le lien entre cette figure, sième partie se fait logiquement avec la
sa « réalisation » dans le Christ et sa pas- question des ministères, et notamment de
sion. De lecture aisée, cet ouvrage est l’appel aux nouveaux ministères (il faut
important dans le contexte actuel de soup- oser créer du neuf, avoir « l’audace
çon, mais aussi de violences et de haines, d’appeler », affirme Jean Rigal). Créer,
en même temps qu’il offre une excellente mais, là aussi, en veillant à l’articulation
leçon de lecture de 1’Ecriture et d’authen- des charismes et des responsabilités au
tique théologie. On ne saurait trop le sein du corps ecclésial. Jean Rigal pré-
recommander. sente des pistes à explorer (concernant le
ministère de la Parole, le sacrement du
Pierre Gibert baptême, la célébration du mariage, la
pénitence), en reconnaissant que les hypo-
thèses qu’il propose peuvent prêter à dis-
cussion. La dernière partie essaie de tirer
Jean RIGAL des réflexions globales sur la nature et les
lois de toute institution. Cet ouvrage,
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tionnel que cette dernière donne à voir. condamnés par Pie X (1907), l’évêque de
L’ouvrage se divise en quatre parties : Moutiers (depuis 1901) donna sa démis-
sion, quittant la Tarentaise (fin 1907) un angle peu habituel dans sa propre dis-
pour un enseignement à l’Ecole Pratique cipline : que penser de la critique selon
des Hautes Etudes. L’historien savoyard laquelle l’Eglise est trop occidentale ?
Christian Sorrel a reconstitué cet itiné- L’Eglise est-elle également asiatique ?
raire, à la fois attiré et étonné par une per- Face à ces questions, le livre rappelle
sonnalité difficile à situer exactement. Est la contribution essentielle de « l’Asie
restituée, dans ce cadre, une large part mineure » aux conciles du premier millé-
(mais des obscurités demeurent) du naire. Il reconnaît certes l’importance
réseau de relations que Lucien Lacroix a croissante du christianisme occidental au
entretenues avec des prêtres et aussi des Moyen-Age, mais montre aussi comment
laïcs (comme le Lyonnais Léon Chaine, le concile de Trente a préservé l’Eglise
son ami et allié le plus proche sans doute) d’une théologie excessivement centrée
engagés de façon publique ou anonyme, sur l’Europe. Il souligne enfin la contribu-
secrète, dans des combats pour l’entente tion des évêques asiatiques au concile
des catholiques dans la France moderne, Vatican II : promesse d’une Eglise qui,
avec les idées républicaines et la culture demain, pourrait être encore plus enraci-
libérale. Le pasteur Paul Sabatier, histo- née dans le continent de l’Asie.
rien de François d’Assise, a dans ce
réseau une place curieuse, affairée ; et, Michel Fédou
inversement, en retrait, l’archevêque
d’Albi, Mgr Mignot. Lacroix n’est certai-
nement pas au niveau des intellectuels
alors en débat, tels Loisy d’un côté, ou Nicolas STANDAERT
Blondel, Laberthonnière d’un autre, ou
encore Mignot, mais il n’est pas sans L’ « Autre » dans la mission
talent, et il est exemplaire dans la mili- Leçons à partir de la Chine. Lessius, Bruxelles
tance – fût-ce sous des formes discutables (diff. Cerf), 2003, 136 pages, 14 €.
dans son cas – pour une vie d’Eglise
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ne rend pas impertinente l’idée de Dieu, modeste que ses créatures. Puissent-elles
au contraire : l’excès dont elle témoigne en prendre de la graine !
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