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Laurent Wolf
S.E.R. | « Études »
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PHILIPPE ROGER
E
EXPOSITIONS
l’œil en arrêt *
jours, sauf le mardi, de exposé au Grand-Palais, une œuvre qui les rapproche.
10 h à 20 h (caisses
19 h 15) ; le mercredi, de
Le 6 octobre 1888, un jeune peintre travaille sur un chemin
10 h à 22 h (caisses de Bretagne, aux environs de Pont-Aven. Il s’appelle Paul Sérusier. Il
21 h 15). Sur réservation, est venu là parce qu’il y a une colonie de peintres. Parce qu’il sait
de 10 h à 13 h.
aussi qu’un personnage extraordinaire s’y trouve, qui partage ses
visions avec les jeunes artistes, malgré la différence d’âge. Gauguin
– puisqu’il s’agit de lui – a 40 ans. Ce n’est pas un peintre qui a
Les
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EXPOSITIONS
40 ans. Il n’aspire pas à s’oublier dans une civilisation dont il devine
la richesse, il essaie de la comprendre avec acharnement. Pour lui,
ce monde qu’il qualifie lui-même de primitif et de sauvage n’est ni
arriéré, ni abandonné par l’histoire et, de ce fait, innocent. C’est un
monde d’avant l’erreur, une erreur qui nous est entièrement impu-
table, et sur laquelle il veut revenir.
En 1894, il réalise une sculpture en grès émaillé de 75 centi-
mètres de haut, Oviri (qui signifie sauvage), une tueuse qui foule un
loup et étouffe un louveteau. Inquiétante beauté – comme celle des
jeunes femmes qu’il peint assises dans un monde vert. Gauguin est
taraudé par le désir immense et déçu de mettre littéralement la main
sur le secret des origines – et mettre la main, pour un peintre, cela
signifie quelque chose. La forêt des Tropiques est bleue, la lumière
est violente ; et les hommes sont petits. Les esprits qui les accom-
pagnaient et qui les protégeaient commencent à déserter la place,
car la civilisation venue avec les colons les repousse. Paul Gauguin
souffre, parce que son Graal échappe. Et sa peinture, sous la
séduction et le charme tentateurs, a la dureté indifférente du soleil
vertical qui, là-bas, éclaire de haut et sans ombre, et tombe, le soir,
comme une pierre.
Le calme des tableaux de Vuillard est tout aussi trompeur.
D’abord, l’émerveillement est total. La surface flotte devant les yeux
du spectateur comme un drap de soie multicolore, et réveille les sens
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monde tendre, comme les objets font des bosses à la surface du drap
qu’on a jeté sur eux.
Ainsi Le Grand intérieur, avec son harmonie colorée et ses six
personnages dispersés dans l’espace, les regards détournés. Scène
de bonheur de la vie qui va ? Guy Cogeval, le plus grand spécialiste
de Vuillard et le maître-d’œuvre de l’exposition, pense qu’il s’agit
d’une explication orageuse entre les Vuillard et la famille de la maî-
Les
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