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Élizabeth Giuliani
Dans Études 2010/2 (Tome 412), pages 248 à 249
Éditions S.E.R.
ISSN 0014-1941
DOI 10.3917/etu.4122.0248
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nov avec Fédor Chaliapine). Elle triomphe avec les Ballets russes du
même Diaghilev et le choc des œuvres du jeune Stravinski.
Auparavant, la musique savante russe n’est pas perçue
comme individualisée. Aucun trait pittoresque, par exemple, dans
l’hymne russe figurant au finale du Voyage à Reims de Rossini,
quand, le suivant, celui de l’Espagne en regorge ! C’est que la Rus-
sie jusqu’à l’éclosion des écoles nationales est, musicalement, une
colonie italienne. A la fin du xviiie siècle déjà, la première des vagues
d’intérêt pour la musique « populaire » bénéficia marginalement à
la musique russe. Ainsi Martin y Soler, installé en 1788 à Saint-
Petersbourg, y composa des opéras en russe comme L’Infortuné héros
Kosmetovich en 1789, sur un livret écrit en partie par Catherine la
Grande. Dans l’ouverture il utilise trois chants harmonisés de la
collection Troutovski publiée en 1776. Et Beethoven, invité – comme
Haydn – par l’éditeur écossais George Thomson à arranger des airs
populaires presque exclusivement britanniques, proposa d’y inscrire
quelques autres traditions dont trois chants russes et un air cosaque
(WoO 158 a n°13 à 16) que caractérisent la simplicité mélodique, la
mélancolie ou l’élan rythmique.
En France, un véritable engouement pour les teintes rugueu-
ses et éclatantes des latitudes froides apparaît dans le dernier quart
du xix e siècle. On le retrouve chez l’auteur de la Fantaisie norvégienne
et de la « légende bretonne » du Roi d’Ys qui compose un Concerto russe
en 1879. La même année, Saint-Saëns, qui avait beaucoup apprécié
l’invitation de la Société russe de musique en 1875 à Saint-Peter-
sbourg, publie le Caprice op. 79 sur des airs danois et russes. Comme
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chez Lalo la teinture nordique inspire des pages sans originalité
Exposition
réelle contrairement à ce que, au même moment en France, produit
l’emprunt au folklore ibérique.
Comme toute image d’Epinal, cette conception de l’art russe
en musique a ses vérités mais aussi ses simplifications.
Il est vrai qu’on trouve des ingrédients typiques. A commen-
cer par des rythmes asymétriques (à 5 ou 7 temps dans La Vie pour
le tsar de Glinka) jusque, chez Stravinski, la superposition de figures
complexes dans Le Sacre du printemps. Très apparente également
l’originalité des timbres : la « Grande porte de Kiev », apothéose
de la suite des Tableaux d’une exposition de Moussorgski, fut ainsi
somptueusement colorée de cuivres quand Ravel l’orchestra. Qui
Théâtre
agit plus souterrainement sans doute, un chromatisme « slave »
allie l’emprunt au folklore et les modes liturgiques. Quant à elle,
l’influence de la langue russe présente un double aspect. La primauté
de sonorités rauques et sombres que magnifient les registres graves
de la voix humaine. Le flux long et le débit continu des inflexions de
la parole qui incitent à une ligne mélodique ample et ductile, telle que
la rechercha Dargomyjski (avec Roussalka et Le Convive de Pierre)
et que l’affirme Moussorgski dans Boris Godounov.
Pour les mélomanes du xx e siècle, longtemps, c’est Mous-
sorgski qui représenta l’archétype de la musique vraiment russe.
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Musique
Ils déplorèrent les redressements harmoniques qu’imposa Rimski-
Korsakov à ses œuvres qu’il s’employait à achever après sa mort
prématurée. Ils s’étonnèrent de la préférence que les Russes eux-
mêmes (au premier rang desquels Stravinski) ne cessaient d’accorder
à Tchaïkovski qu’ils tenaient, eux, pour un occidentalisant à la
sentimentalité facile.
Ils dédaignèrent les productions nécessairement stéréoty-
pées par le totalitarisme du réalisme socialiste des Prokofiev et
Chostakovitch. Durant cette période, le mépris pour les compositeurs
vivants fut compensé par l’admiration pour des interprètes hors
pair : Richter et Guilels, Oïstrakh ou Rostropovitch.
Cinéma
Elizabeth Giuliani
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