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La perception de la qualité
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dans le domaine des services :
Vers une clarification des concepts
par André Boyer et Ayoub Nefzi
L
a société postindustrielle dans laquelle nous vivons est
caractérisée par le développement des services. La crois-
sance rapide du secteur tertiaire, l’intensification de la
concurrence et l’ampleur des investissements engagés dans ce
secteur ont conduit les entreprises prestataires de services à
rechercher des voies efficaces de différenciation. L’une de ces
voies consiste à offrir un service de haute qualité. La qualité est
désormais considérée comme une variable qui bâtit la compétitivité
de l’entreprise et affecte de façon significative ses relations avec
ses clients. Toutefois, les connaissances en matière de qualité
André BOYER du service restent toujours insuffisantes. Un des problèmes
Professeur en Sciences de Gestion majeurs inhérents à la gestion de la qualité du service découle
Marketing et Stratégie des caractéristiques de ces derniers : intangibilité, hétérogé-
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Selon l’American Marketing Association « un service se présente cier d’un service correct. Le client est à la fois consommateur et
sous la forme d’activités, de bénéfices ou de satisfactions offerts producteur du service (Gérard Tocquer et Michel Langlois, 1992).
au moment de la vente ou fournis en liaison avec la vente de Selon Pierre Eiglier et Eric Langeard (1987), la participation du
produits »1. Quant à Robert C. Judd (1964), il stipule que « les client au système de servuction se manifeste sous trois formes :
services marchands sont les transactions d’une entreprise ou d’un – la participation physique du client au système de servuction
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entrepreneur avec le marché lorsque l’objet de cette transaction en se substituant au personnel dans l’exécution de certaines
est autre qu’un transfert de propriété d’un bien tangible ». tâches simples (exemple : remplir un formulaire).
Ces définitions mettent l’accent sur le caractère intangible du – la participation intellectuelle (exemple : utilisation du minitel).
service en l’opposant aux biens matériels. Toutefois, la distinction – la participation affective.
entre service (intangible) et produit (tangible) n’est pas aussi Les auteurs ont identifié, également, trois points d’application
évidente. Le service peut comporter une dimension tangible. de la participation du consommateur :
Dans ce cadre, Théodore Levitt (1976) affirme que la distinction – la spécification du service : le fait que le client dise ce qu’il veut.
entre produit et service disparaît de plus en plus, à mesure que – la contribution à la réalisation du service.
s’accroît notre compréhension de la notion de service. Philip – le contrôle : consiste à demander au client de s’exprimer sur
Kotler et Bernard Dubois (2000) présentent le service comme l’état des éléments et ses perceptions concernant le processus
une activité ou prestation soumise à l’échange, essentiellement de production et de livraison du service (Pierre Eiglier, 2002).
intangible ne donnant lieu à aucun transfert de propriété. Ainsi, Le tableau suivant croise les formes de participation avec ses
un service peut être associé ou non à un produit matériel. différents points d’application :
Monique Lejeune (1989) a tenté de formuler une définition assez
complète du concept de service et ce en le présentant comme
« une prestation, c’est-à-dire ce qu’une entreprise (ou un spécia-
liste) conçoit, met au point, propose, vend et fournit à ses clients
chaque fois que ce qui est ainsi mis sur le marché, acheté et
utilisé est fondamentalement autre qu’un bien matériel dont le
client acquerrait la propriété ».
Face à cette complexité en matière de définition du concept de
service et afin de mieux cerner les problèmes spécifiques à la Tableau 1: les différentes formes de participation.
qualité dans ce domaine, il est primordial d’examiner le processus
de fabrication d’un service : son système de servuction.
1.1.2 Le personnel en contact
Il s’agit de « la ou les personnes employées par l’entreprise de
service et dont le travail requiert d’être en contact direct avec le
1.1. Le système de servuction client » (Pierre Eiglier, 2002). Le personnel en contact représente
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et Eric Langeard (1987) présentent le service comme « une tion et détermine les jugements des consommateurs concernant
expérience temporelle vécue par le client lors de l’interaction de la qualité des prestations (Michael R. Solomon et al., 1985).
celui-ci avec le personnel de l’entreprise ou un support matériel
et technique ». Le service offert au client est un service global se
composant généralement de deux types de services élémentaires :
1.2.2 L’intangibilité
– le service de base et les services périphériques. La tangibilité constitue le critère le plus communément accepté
– le service de base : il représente la raison principale pour laquelle de différence entre produits et services (Valérie A. Zeithaml et
le client s’adresse à l’entreprise-prestataire. En d’autres termes, al., 1985). La littérature considère comme produit tout bien
il s’agit du service qui va satisfaire le besoin principal du client. tangible, que l’on appellera « produit-objet » (Pierre Eiglier, 2002),
Les services périphériques : il s’agit des services supplémentaires et comme service tout bien intangible. La définition proposée
situés autour du service de base permettant de lui apporter une par l’American Marketing Association pour présenter le concept
valeur ajoutée et contribuant à différencier l’entreprise par rapport de service met l’accent sur le caractère intangible de ce dernier.
à ses concurrents. En effet, le service est présenté comme « l’activité offerte à la
vente qui donne des avantages et satisfactions sans entraîner un
échange sous la forme d’un bien ». Certains auteurs présentent
1.1.4 Le support physique l’intangibilité comme l’inaccessibilité aux cinq sens avant achat
Il s’agit de ce qui est nécessaire à la production du service : (Donald W. Cowell, 1984 ; David L. Kurtz et E. Kenneth Clow, 1998 ;
l’environnement immédiat du contact clientèle (ou l’espace Valérie A. Zeithaml et Mary Jo Bitner, 2000). Dans ce cadre, Philip
matériel dans lequel a lieu la servuction), les éléments matériels Kotler et Paul N. Booms (1983) précisent que « les services sont
nécessaires à la prestation du service et enfin les équipements intangibles. Ils ne peuvent être vus, goûtés, ressentis ou sentis
matériels du personnel en contact (Jean-Paul Flipo, 1989). De avant d’avoir été achevés ». Jean-Paul Flipo (1987) étend cette
ce fait, le support physique représente la partie tangible, c’est-à- définition en affirmant que cette inaccessibilité sensorielle peut
dire la partie visible et touchable du service. A l’instar des autres également avoir lieu pendant l’achat, voire même après achat
éléments de la servuction, le support physique se caractérise par (par exemple, l’entretien d’une automobile ou une opération
son ambivalence. Outre le côté fonctionnel évident, le support chirurgicale) (Frédéric Bielen et Christophe Sempels, 2003). Il
physique apporte, par son esthétique et sa décoration, une définit, l’intangibilité comme étant synonyme de l’immatérialité.
importante contribution à l’atmosphère et à l’ambiance qui va Outre cette intangibilité, l’observation des composantes de l’offre
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– difficulté d’évaluation de la prestation par le client : n’ayant abstrait et diffus en raison des cinq caractéristiques associées
aucune représentation matérielle du service, le client se trouve aux services : l’intangibilité, l’hétérogénéité, l’inséparabilité de
dans l’impossibilité de concrétiser sa perception par une image la production et de la consommation, multidimensionnalité et
mentale comme dans le cas des produits tangibles. périssabilité (Pierre Eiglier et Eric Langeard, 1987).
La qualité du service peut être définie selon deux perspectives :
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c’est-à-dire la simultanéité de la production et de la consommation. de Normalisation) qui présente la qualité comme « l’aptitude d’un
L’apport de cette approche réside dans la prise en compte du rôle produit à satisfaire les besoins des utilisateurs ». Philip B. Crosby
du client dans le processus de production du service (Nha Nguyen, (1979) la définit comme « la conformité aux exigences ».
1990). La participation du consommateur est indispensable à la La qualité perçue, quant à elle, peut être définie comme un
création du service. jugement global concernant la supériorité ou l’excellence d’un
En conséquence, le prestataire se trouve dans l’incapacité de produit (Valérie A. Zeithaml, 1988). La qualité perçue et la qualité
contrôler la qualité de son offre comme un bien à la sortie de objective sont des construits distincts. La qualité objective se
son processus de production. Dans ce contexte, la question de réfère, selon la littérature marketing, à la supériorité technique et
savoir comment le consommateur perçoit-il la qualité de l’offre de mesurable du produit. L’évaluation de la qualité objective se base
service s’impose. Selon cette approche, la qualité du service peut sur des critères liés aux caractéristiques physiques associées
être définie comme étant son aptitude à satisfaire les besoins au système de servuction du service.
du consommateur. De la sorte, la qualité représente une notion La qualité perçue, quant à elle, se réfère à l’évaluation subjective
relative qui varie d’un consommateur à un autre et d’un moment par le consommateur de la supériorité d’un produit (Valérie A.
à un autre. La qualité du service est dérivée des perceptions du Zeithaml, 1988). De la sorte, la qualité perçue constitue une
client qui dépendent à leur tour de la personnalité de ce dernier et donnée propre à l’individu qui est fonction de l’apprentissage et
des facteurs situationnels (Pierre Eiglier et Eric Langeard, 1987). de l’expérience qu’il a acquise. Elle découle, selon V. A. Zeithaml
Dans cette perspective, l’approche « utilisateur » accorde une d’une comparaison entre ce que le client considère devoir être le
attention particulière aux facteurs psychologiques, sociologiques service offert par une entreprise et ses perceptions de la perfor-
et situationnels qui définissent les conditions dans lesquelles se mance de cette organisation.
déroule la rencontre entre le client et le prestataire du service La littérature marketing stipule qu’à la différence de la qualité des
(Nha Nguyen, 1990) et affectent, par conséquent, la perception biens, que l’on peut mesurer objectivement (Philip B. Crosby, 1979),
de la qualité du service. la qualité du service représente beaucoup plus l’aboutissement
En conclusions, il semble que les approches de la qualité du service d’un processus qu’un résultat. En conséquence, la conceptualisa-
décrites dans la littérature montrent la variété des formes que tion et la mesure de ce concept ne s’avèrent pas être évidentes (A.
peut prendre ce concept. La qualité peut être mesurée (approche Parasuraman et al., 1985). En l’absence de mesures objectives,
« produit ») ou perçue (approche « utilisateur »). De la sorte, la il semble approprié d’évaluer la qualité du service, en mesurant
compréhension du concept de qualité du service passe néces- les perceptions de cette qualité par les consommateurs. Dans ce
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Cette conception de la qualité perçue du service permet de dégager inspirées du paradigme de la disconfirmation largement utilisé
différentes caractéristiques de cette notion : la qualité du service dans la littérature concernant les produits physiques.
est subjective (elle est issue d’un jugement), de nature cognitive
(elle correspond à une évaluation) et relative (elle est évaluée
par rapport à une base de référence) (Grégory Bressolles, 2001).
3.2.1 Le modèle de W. Earl Sasser Jr,
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En résumé, la qualité du service est dérivée des perceptions du R. Paul Olson et D. Darly Wyckoff (1978)
client. Ces perceptions dépendent de la personnalité du client et
d’autres variables situationnelles et affecte de façon significative Selon ces chercheurs, le consommateur dispose d’un certain
les décisions d’achat ou de réachat du consommateur (Pierre nombre d’attributs désirés du service qu’il traduit en termes
Eiglier et Eric Langeard, 1987). d’attentes. Ces attributs concernent à la fois le service de base
et les services périphériques (servant à faciliter l’accès au service
de base et à le rendre plus attrayant aux yeux du consommateur).
3.2 Les dimensions de la qualité perçue Le consommateur évalue la qualité du service en comparant
du service les attributs réels de celui-ci aux attributs désirés. Les auteurs
regroupent les attributs désirés en sept catégories :
La compréhension de la nature des critères d’évaluation de l’offre – la sécurité du client.
de service et de leur utilisation par le consommateur représente – la facilité d’accès au service.
un moyen d’obtenir un avantage concurrentiel (James F. Engel et – la consistance : exprimée par la fiabilité et la standardisation
Roger D. Blackwell, 2006). du service.
L’évaluation de la qualité du service se heurte généralement à – l’attitude du personnel lors de l’interaction prestataire-client.
plusieurs difficultés. Robert Fey et Jean-Marie Gogue (1991) en – la variété des services offerts.
distinguent : le caractère multidimensionnel du concept de qualité, – l’atmosphère où se déroule la prestation.
l’absence d’unités de mesure communes à tous les produits, la – le « timing » : le moment prévu pour la prestation et sa durée.
diversité des méthodes de mesure et la relativité des échelles de Pour évaluer la qualité du service, le client peut opter pour l’une
mesure. La revue de la littérature démontre que les tentatives de des démarches suivantes :
modélisation pour expliquer la perception de la qualité du service – il peut ne tenir en compte que d’un seul attribut qu’il juge
par le consommateur n’ont pas encore abouti à des résultats déterminant dans l’évaluation de la qualité du service. Les
concrets. Malgré la tendance générale à considérer la perception effets des autres attributs sur la qualité sont considérés comme
de la qualité du service comme un construit multidimensionnel, insignifiants.
il n’existe pas jusqu’à présent de consensus concernant le – il peut retenir un seul attribut comme élément déterminant de
nombre de dimensions. Alors que certaines recherches limitent la perception de la qualité. Les autres attributs impliquent un
ce nombre à deux dimensions (Christian Grönroos, 1982 ; Uolevi niveau minimum de performance.
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3.2.2 Le modèle de Christian Grönroos (1982) variables associées aux interactions entre le prestataire et son
client) (Pierre Eiglier et Eric Langeard, 1987).
Les recherches de Christian Grönroos ont permis d’identifier trois
dimensions de la qualité perçue, à savoir (cf. figure 13) :
– la qualité technique (appelée « technical quality of the outcome ») :
3.2.4 Le modèle de A, Parasuraman, Valérie A.
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elle est relative aux résultats issus de la rencontre de service. Zeithaml et Léonard L. Berry1988)
Elle se réfère au contenu de l’offre de service et peut être
mesurée objectivement par le consommateur et ce grâce à une Ces chercheurs ont développé le modèle ServQual présentant
série de caractéristiques propres au service offert. la qualité du service comme l’écart entre les attentes et les
– la qualité fonctionnelle (appelée « functional quality of the perceptions en matière de service. Les attentes sont associées
process ») : elle concerne le processus de livraison du service. aux désirs et aux besoins du consommateur (Frédérique Perron,
Elle représente la manière avec laquelle le service a été rendu 1998). Elles sont normatives (Ved Prakash, 1984) et constituent
(par exemple avec courtoisie, vitesse et professionnalisme). un compromis entre le service idéal (ce que le consommateur
Cette dimension concerne à la fois les aspects psychologiques désirerait obtenir) et le service adéquat (ce que le prestataire doit
et comportementaux. Elle est évaluée d’une manière subjective impérativement fournir) (Frédérique Perron, 1998).
vu qu’elle soit basée sur les perceptions des clients. Dès 1985, ces chercheurs ont démontré l’existence d’écarts entre
– l’image de l’entreprise : il s’agit de l’image de l’entreprise de les attentes du consommateur et ses perceptions relatives au
service telle que perçue par le client. Cette image est dérivée service. Quatre formes d’écarts ont été distinguées :
de la qualité technique et de la qualité fonctionnelle du service. – l’écart entre les attentes du consommateur et la perception
Malgré l’intérêt de ce modèle, il semble approprier de noter que de ces mêmes attentes par les dirigeants de l’entreprise. Ces
les résultats des études empiriques présentées par Grönroos écarts reflètent la mauvaise compréhension de ces attentes
représentent le point de vue des prestataires de service et non ce qui peut induire un mécontentement.
celui des consommateurs. – l’écart entre la perception du gestionnaire et la spécification des
En outre, ce modèle ne présente pas une description précise des normes de qualité. Cet écart peut être causé par les contraintes
composantes du concept de qualité perçue. De plus, il n’offre pas en matière de ressources, les conditions de marché ou l’indif-
suffisamment de précisions sur la nature et l’ordre d’importance férence du gestionnaire.
des relations entre ces composantes. – l’écart entre la spécification des normes de qualité et la presta-
tion de service. Cet écart trouve ses origines dans la variabilité
de la performance du personnel.
– l’écart entre la prestation de service et les promesses de
bénéfices. Il résulte de l’exagération des promesses ou d’une
mauvaise information sur l’offre ce qui peut affecter non seule-
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En outre, ces recherches de A. Parasuraman, Valérie A. Zeithaml permettre aux gestionnaires de mieux comprendre les attentes et
et Léonard L. Berry (1985) ont permis d’identifier trois caracté- les perceptions des consommateurs et en conséquence d’améliorer
ristiques principales de la qualité du service : la qualité de leurs prestations. Dans ce cadre, Pierre Eiglier, Eric
– la qualité du service est plus difficile à évaluer que la qualité Langeard et Catherine Dageville précisent que le ServQual « est
perçue des biens. un modèle général, profondément marqué par la vision marke-
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– la perception de la qualité du service résulte d’une comparaison ting des auteurs, qui permet d’identifier les principales étapes
entre les attentes du consommateur et la performance du service. de l’élaboration d’une politique de qualité dans une entreprise
– les évaluations de service ne se basent pas uniquement sur de service, et les principales raisons de défaillances d’une telle
les résultats ou les bénéfices perçus du service, mais elles politique » (Pierre Eiglier et al., 1989). Malgré l’intérêt de cette
impliquent également les évaluations du processus du service. échelle ServQual, son acceptation comme un instrument standar-
Le mérite de ce modèle réside dans sa tentative d’approfondir le disé a été vivement critiquée. En outre, la conceptualisation et
concept de qualité perçue en offrant une structure de relations qui la mesure des perceptions de la qualité du service continuent
incorpore à la fois différentes composantes de la qualité perçue toujours à animer les débats et les controverses dans la littérature
et un ensemble de ses facteurs explicatifs. marketing (Grégory Bressolles, 2001). Plusieurs chercheurs ont
A l’origine l’échelle développée par A. Parasuraman, Valérie A. tenté d’intégrer la conceptualisation ServQual dans de nouvelles
Zeithaml et Léonard L. Berry a été composée de dix dimensions industries ou domaines d’activités (Grégory Bressolles, 2001),
de la qualité du service : éléments tangibles, fiabilité, serviabilité, ou à répliquer cette structure conceptuelle (Patrick Asubonteng et
communication, crédibilité, sécurité, compétence, courtoisie, al., 1996 ; William J. Kettinger et Choong C. Lee, 1995 ; Gerhard
compréhension/connaissance du consommateur et accessibilité. Mels et al., 1997 ; Stewart Robinson, 1999 ; Thomas P. Vandyke
Les auteurs génèrent ensuite 97 énoncés reflétant les différentes et al., 1997). De la sorte, nous avons assisté à l’émergence de
facettes de ces dix dimensions. Chacun d’entre eux est formulé nouvelles conceptualisations de la qualité du service. Plusieurs
de deux manières, l’une servant à mesurer les perceptions et recherches ont tenté de mettre en place des versions modifiées
l’autre les attentes. Plus tard, ces chercheurs ont entrepris une du modèle ServQual (William Boulding et al., 1993). Dans ce
étude quantitative et ont réussi à développer la mesure ServQual cadre, nous pouvons citer les recherches de M. James Carman
(Valérie A. Zeithaml et al., 1990) largement connue en matière (1990) qui a tenté de tester la validité du ServQual en interro-
de qualité du service. Cette échelle se compose de cinq dimen- geant des consommateurs sur les dix dimensions identifiées par
sions, à savoir : A. Parasuraman, Valérie A. Zeithaml et Léonard L. Berry (1985)
– les éléments tangibles du service : englobent l’ensemble des dans quatre activités de service complètement différentes de
éléments matériels associés au service ou à son prestataire celles utilisées par ces chercheurs. Ces études ont permis de
(installations physiques, équipement et apparence du personnel). démontrer que les critères diffèrent selon les secteurs et que le
– la fiabilité du prestataire : Il s’agit de « la capacité pour le presta- ServQual ne peut constituer une mesure générique susceptible
taire de service, d’offrir le service promis de manière exacte, d’être appliquée à n’importe quel service. En conséquence,
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pourrait être due à une mauvaise interprétation des questions Wi : la pondération de l’attribut i.
plutôt qu’à des attitudes ou perceptions différentes. Certaines Pi : l’évaluation de la performance du service sur l’attribut i.
recherches (M. James Carman, 1990 ; David W. Finn et Charles k : le nombre d’attributs pris en compte.
W. Lamb, 1991 ; Gordon H.G. Mc Dougall et Terrence Levesque, J. Joseph Cronin et Steven A. Taylor stipulent que l’introduction
1992) ont également contesté l’hypothèse implicite, formulée de la pondération des différents attributs est redondante. En
par A. Parasuraman, V.A. Zeithmal et L.L. Berry (1988), relative à conséquence, Wi est supposé égale à 1. Ces auteurs se sont
l’équi-importance des dimensions de la qualité du service. En effet, appuyés sur certains travaux de recherches2 afin de démontrer
cet instrument de mesure risque de fausser les résultats, puisque la supériorité du concept de performance perçue sur celui d’écart
la perception de la qualité du service se compose de dimensions (P – E). En effet, la mesure de la qualité du service en se basant
dont l’importance relative varie en fonction du contexte et du sur un score de différence n’ajoute rien à la prédiction empirique
consommateur (Gordon H.G. Mc Dougall et Terrence Levesque de ses composantes. Dans ce cadre, les recherches de Richard L.
1992). Une limite supplémentaire du ServQual découle du fait, Oliver (1980) démontrent que lors de la première expérience d’achat
qu’à l’origine, A. Parasuraman, V.A. Zeithmal et L.L. Berry (1988) d’un consommateur, seules ses attentes initiales définissent ses
proposaient d’interroger les consommateurs ayant utilisé le service attitudes à l’égard du produit (attitude en t1 = f (attentes)). Ensuite,
au cours des trois derniers moins. Aucune distinction n’a été les performances passées du produit joueront un rôle déterminant
établie entre les consommateurs occasionnels et les habitués dans la formation de son attitude à l’égard du produit (attitude
du service. Or, les expériences d’achat influencent généralement en tn = f (attentes en tn-1, satisfaction). Dans la même veine, les
les attentes du consommateur qui auront tendance à se calquer recherches de Gilbert A. Churchill Jr. et Carol Surprenant (1982)
sur le service obtenu (David K. Tse et Peter C. Wilton, 1988). De ont démontré que, pour certaines catégories de produits, les
la sorte, les attentes auront tendance à se stabiliser à un niveau attentes et la comparaison performances/attentes n’ont aucun
proche des performances des entreprises et l’écart (P-E) tendra à impact sur la satisfaction du consommateur. Ces recherches
devenir nul et provoquera une uniformisation de la qualité perçue ont mis en avant l’importance de l’effet de la performance d’un
du service à un niveau minimum (Frédérique Perron, 1998). Quant produit sur la satisfaction du consommateur.
aux personnes ayant peu d’expériences du service, elles peuvent J. Joseph Cronin et Steven A. Taylor précisent également, suite
avoir du mal à évaluer leurs attentes (Kitty Koëlemeijer, 1991). Les à une analyse factorielle confirmatoire, que les cinq dimensions
attentes du consommateur occasionnel se forment souvent à partir du ServQual ne peuvent être retenues. Il semble inapproprié
d’un service jugé idéal. Donc, les critères d’évaluation évoluent en de généraliser ces cinq dimensions à l’ensemble des services
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mesurer la qualité perçue du service, J. Joseph Cronin et Steven mettre l’accent sur la relation de causalité entre la qualité perçue
A. Taylor l’ont comparé au ServPerf pondéré, au ServQual et au et les composantes de la relation à la marque ; démontrant, ainsi,
ServQual pondéré. Ces échelles de mesure ont été comparées le rôle primordial que peut jouer la perception de la qualité dans
en se basant sur deux principaux critères : la dimensionnalité de la création de relation et par conséquent dans la fidélisation des
leurs items et leur capacité à expliquer la variation de la qualité consommateurs.
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