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L’USAGE DE L’INTRANET ET LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL.

UNE
ÉTUDE AUPRÈS DES EMPLOYÉS D’UNE STATION DE SKI DANS LES
ALPES

Mireille Barthod-Prothade, Erick Leroux

ARIMHE | « RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise »

2018/1 n° 30, vol. 7 | pages 29 à 45


ISSN 2259-2490
DOI 10.3917/rimhe.030.0029
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Article de recherche
L’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail. Une étude
auprès des employés d’une station de ski dans les Alpes.
Mireille BARTHOD-PROTHADE12 et Erick LEROUX13

Résumé :
Dans cet article nous nous intéressons à l’impact de l’usage de l’intranet sur la qualité
de vie au travail. Après une clarification de la notion de qualité de vie au travail sous
l’angle du bien-être et de l’autonomisation (empowerment), nous explicitons les
différentes formes d’usage d’une nouvelle technologie dans le contexte social que
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représente le travail. Nous nous appuyons ensuite sur l’analyse textuelle de 70
entretiens semi-directifs et de 7 groupes de discussion (focus group) menés au sein
d’une société de remontées mécaniques dans une station de ski des Alpes. Les résultats
font ressortir un impact positif perçu de l’usage de l’intranet sur la qualité de vie au
travail, plus spécifiquement en matière de développement de l’autonomie et du sens au
travail. Nous concluons sur les apports et les limites de l’étude.
Mots clés : Qualité de vie au travail, Intranet, Station de ski.
Abstract
This article deals with the impact of the intranet use on the quality of work life. After
defining the notion of quality of work life through the two dimensions of well-being
and empowerment, we clarify the various forms of use of a new technology in the
specific social context of work. We lean on the textual analysis of 70 semi-directive
interviews and 7 focus groups conducted in a company of ski resort in the Alps. The
results highlight a positive perceived impact of the intranet use on the quality of work
life, more specifically regarding the development of autonomy and the meaning at
work. We conclude on the contributions and the limitations of the study.
Keywords: Quality of work life, Intranet, Ski resort.

12
Professeur, Sciences de Gestion, INSEEC Business School - mbarthod@inseec.com.
13
Maître de conférences HDR, Sciences de Gestion, Université Paris 13, CEPN/CNRS (UMR 7234)
leroux_erick@hotmail.com.

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L’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail. Une étude auprès des employés
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Introduction
L’intranet est de plus en plus sollicité dans le monde de l’entreprise. Il désigne un
réseau informatique interne à l’entreprise qui permet de développer des liens et des
communications d’information entre les employés. Plusieurs études ont montré que
c’est un outil qui peut développer la création de savoir (Scott, 1998). Il est, en effet, un
moyen de véhiculer des connaissances, des pratiques ou des points de vue d’experts
(Chen et al., 2000). D’autres auteurs soulignent les limites de l’intranet qui ne facilite
pas forcément le partage transversal de l’information, et peut, en fonction de son usage
par les personnels, par exemple, renforcer ou créer un isolement entre les services
(Curry et Stancich, 2000 ; Currie et Kerrin, 2003). Quel est son impact sur la qualité de
vie au travail ?
Définie par Robert Bosquet (1989, p.130) comme « un état d’équilibre entre les buts
de l’organisation et les besoins des personnes », la qualité de vie au travail est
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généralement abordée soit de façon indirecte par le biais d’autres concepts, soit par ses
déterminants. Ainsi, en appui sur Abord de Chatillon et Richard (2015), Colle et ses
coauteurs (2017, p.168) considéreront que « un travail qui a du sens, qui est source de
lien social, mais aussi une activité vécue comme plaisante et motivante, et enfin une
dose suffisante de confort, sont autant de facteurs de qualité de vie au travail ». La
notion est alors assimilée au concept de bien-être au travail. D’autres travaux traitent
de la qualité de vie au travail par la problématique de l’amélioration des conditions de
travail, dont elle est considérée comme la résultante (Savall et Zardet, 2003 ; Bonnet et
Beck, 2010). Pour cette étude, nous proposons de définir la qualité de vie au travail en
considérant qu’elle comporte deux dimensions : le bien-être au travail et
l’autonomisation (empowerment).
Afin de répondre à notre question de recherche nous avons procédé à l’analyse
approfondie de 70 entretiens semi-directifs et de 7 groupes de discussion (focus group)
menés auprès des employés d’une entreprise de remontées mécaniques dans une
station de ski dans les Alpes. Plusieurs caractéristiques sont à l’origine du choix de ce
terrain d’étude : les contraintes liées à la saison hivernale et à la saisonnalité du
personnel, mais aussi la dispersion des postes de travail, notamment ceux des
remontées mécaniques, des dameurs, des secouristes et des personnels de la billetterie.
La mise en place d’un intranet s’inscrivait ainsi, pour cette organisation, dans un
objectif d’amélioration de la qualité de vie au travail.
Cet article est structuré de façon classique en deux parties. Dans un premier temps,
nous définissons les concepts et précisons notre problématique pour présenter en
deuxième partie, la méthodologie de l’étude et les résultats. Nous concluons sur les
apports et les limites de notre étude.

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1. Définition des concepts et problématique


Comment appréhender la qualité de vie au travail ? Il n’existe pas de théorie de la
qualité de vie au travail proprement dite. Si l’expression est largement usitée dans le
langage courant, ce qu’elle désigne est plus difficile à cerner et demande d’approfondir
d’autres concepts. Afin de mieux saisir ce qui est à l’œuvre pour l’intranet, nous
explicitons également les différentes formes d’usage d’une nouvelle technologie au
sein d’une organisation.
1.1. La qualité de vie au travail comme contexte favorable au bien-être
Comme pour la différenciation entre mal-être et bien-être, résoudre les problèmes de
mauvaise qualité de vie au travail n’est pas suffisant pour assurer le développement
d’une bonne qualité de vie au travail. Morin (2008), tout en précisant la nature
psychologique de la notion, distinguait ainsi le bien-être psychologique de la détresse
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psychologique. Selon l’auteur, « le bien-être psychologique est souvent associé au
bonheur : le sentiment d’équilibre et de vitalité accompagné d’un sentiment de valeur
personnelle en sont les caractéristiques. A ces états s’ajoutent le sentiment de maîtrise
et d’efficacité personnelle, la recherche de relations et le besoin de s’engager dans des
projets avec les autres. » (Morin, 2008, p. 38). Il concerne l’auto-détermination, le
contrôle interne, et l’affectivité positive. On peut relier le bien-être à la notion de flow
de Csikszentmihalyi (1990, p. 100) qui correspond au vécu d’une expérience positive
optimale : « Les individus sont tellement intensément impliqués dans une activité que
rien ne semble autrement importer ». Selon l’auteur, l’expérience, en elle-même, est si
agréable, qu’ils s’y investissent pleinement, motivés uniquement par l’intérêt de la
vivre (Csikszentmihalyi, 1990). La personne ressent alors un sentiment de liberté, de
joie, d’accomplissement et de compétence. Si ces moments sont, en règle générale,
rares et ponctuels, leur prise en compte permet d’appréhender le bien-être comme un
état mental résultant d’un rapport spécifique de l’individu à l’expérience.
De plus, les travaux de Clot (1995), Dejoux (2014) ainsi que ceux des ergonomes
(Weill-Fassina et al., 1993 ; Wisner, 1995 ; Weill-Fassina et Pastré, 2004) montrent le
rôle du contexte pour créer les conditions favorables à l’émergence d’une expérience
positive au travail. Csikszentmihalyi (1997) avait d’ailleurs souligné que les
personnels peuvent trouver du plaisir à travailler dès lors que les objectifs, les règles,
les moyens sont clairs et que la réalisation des tâches provoque un effet de rétroaction.
Il ajoute également que les salariés apprécient d’avoir des défis quand ces derniers leur
permettent de développer leurs talents, leur créativité et leurs compétences. Si pour
Morin (2008), le management ne peut pas garantir le bien-être, il peut mettre en place
les moyens nécessaires pour le favoriser, du moins il peut prévenir la détresse
psychologique (ou mal-être) des employés. La notion de qualité de vie au travail
rejoint alors celle de santé mentale, dont Morin et Forest (2007) ont identifié les 12

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déterminants : l’utilité du travail, l’autonomie, les occasions d’apprentissage et de


développement, la rectitude morale, la qualité des relations avec ses collègues, la
qualité des relations avec son supérieur, la charge physique, la charge mentale, la
charge émotionnelle, la justice procédurale, la justice distributive et la justice
interactionnelle. Selon Morin (2008), le plus important déterminant du bien-être,
semblant englober tous les autres, est le sens « du » et « au » travail qu’elle définit et
différencie (voir tableau 1).
Tableau 1 : Le sens du et au travail (synthèse d’après Morin, 2008)
Sens du travail Sens au travail
La place du travail : la représentation L’utilité sociale au travail : faire quelque chose qui
qu’une personne se fait du travail et la est utile aux autres et qui apporte une contribution à
valeur qu’elle lui attribue (emploi, la société ;
vocation). L’autonomie au travail : pouvoir exercer ses
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La fonction du travail : fonction compétences et son jugement pour résoudre des
utilitaires (salaire, occupation), fonction problèmes, et prendre des décisions qui concernent
expressive (plaisir, prestige, expériences son travail.
humaines). Les occasions d’apprentissage au travail : faire un
La congruence du travail : la recherche travail qui permet de développer ses compétences,
de la cohérence entre ses valeurs et ce de se perfectionner et de s’épanouir.
que la personne réalise ou dans ses La rectitude : faire un travail qui est moralement
relations au travail. correct, et qui respecte les valeurs humaines, la
justice et l’équité ;
La coopération au travail : faire un travail qui
permet d’avoir de bonnes relations avec ses
collègues et leur soutien ;
La qualité des relations avec son supérieur : avoir le
respect et l’estime de ses supérieurs, se sentir
soutenu et adéquatement encadré dans l’exercice de
ses fonctions.

1.2. La qualité de vie au travail comme contexte favorable à l’autonomisation


La qualité de vie au travail ressort également comme directement reliée à
l’autonomisation individuel et organisationnel (individual and organizational
empowerment). Au plan individuel, l’autonomisation de la personne est un processus
dynamique au cours duquel, celle-ci acquiert les capacités, les compétences et les
connaissances lui permettant d’acquérir l’estime de soi, la confiance en soi, et de
prendre des initiatives et le contrôle sur sa vie (Eisen,1994). Elle est donc associée à
plusieurs déterminants de la qualité de vie au travail issus de l’approche par la santé
mentale de Morin et Forest (2007) comme l’utilité du travail, l’autonomie, les
occasions d’apprentissage et de développement, la charge physique, la charge mentale,

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la charge émotionnelle (tableau 2). Elle ressort comme interreliée au sens au travail et
par suite au bien-être au travail.

Selon Lackey, Burke et Peterson (1987), l’autonomisation organisationnelle émerge


dans un ensemble de pratiques sociales centrées sur des valeurs partagées, le
leadership, la coopération, la circulation de l’information entre les membres de
l’organisation. Elle semble donc relever d’autres facteurs de la qualité de vie au
travail : les occasions d’apprentissage et de développement, la rectitude morale, la
qualité des relations avec ses collègues, la qualité des relations avec son supérieur
(tableau 2).
L’autonomisation organisationnelle comporte plusieurs étapes. Tout d’abord, les
employés font connaissance, développent des relations interpersonnelles. Sur la base
du dialogue, se crée un sentiment d’appartenance à l’unité, à l’équipe, au groupe et à
l’organisation. Au cours de la seconde étape, après discussion et concertation, les
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personnes posent un diagnostic sur la situation de travail dans laquelle ils évoluent au
quotidien et proposent alors des objectifs (Lackey et al., 1987).
Tableau 2 : L’autonomisation individuelle/organisationnelle et les facteurs de qualité
de vie au travail issus de Morin et Forest (2007)
Les facteurs associés à l’autonomisation individuelle
L’utilité du travail Faire un travail qui sert à quelque chose
L’autonomie Exercer son jugement pour résoudre les problèmes
rencontrés pour faire le travail
Les occasions d’apprentissage Développer ses compétences dans le travail, occasion
et de développement d’apprendre dans le travail
La charge physique Avoir du mal à respecter les échéances, avoir souvent des
demandes imprévues
La charge mentale Le travail nécessite une attention soutenue
La charge émotionnelle Malgré les problèmes avec des personnes (collègues,
clients) la personne doit toujours avoir le sourire.
Les facteurs associés à l’autonomisation organisationnelle
Les occasions d’apprentissage Développer ses compétences dans le travail, occasion
et de développement d’apprendre dans le travail
La rectitude morale La personne travaille dans un milieu qui valorise l’équité :
respect des droits et égalité des traitements
La qualité des relations avec Il y a un esprit d’équipe avec les collègues, le dialogue
ses collègues favorise l’expression de chacun et la prise de décision
La qualité des relations avec Le supérieur apporte son soutien lorsque la personne est en
son supérieur difficulté dans son travail, le salarié peut parler ouvertement
de ses problèmes au travail avec son supérieur

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1.3. Les différentes formes d’usage d’une nouvelle technologie


Pour approfondir le lien entre l’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail, nous
empruntons les apports développés par Orlikowski (2000) sur la base des travaux de
Varela (1989) et Weick (1995). L’auteure montre que l’action engagée par les
utilisateurs, de manière constante avec une technologie dans un contexte donné et
selon des formes particulières, a pour effet de produire des règles du jeu et des
ressources. Celles-ci sont nécessaires à l’organisation des interactions que les
utilisateurs ont avec la technologie. Ainsi au travers des actions et des interactions les
utilisateurs fabriquent la technologie qui façonne leur usage. Orlikowski (2000)
précise que l’énaction d’une technologie donnée, par un individu donné dans une
organisation donnée, est alors analysée par l’intermédiaire des moyens matériels, des
normes et des schèmes interprétatifs. L’auteure distingue trois types d’énaction
possible : 1) l’inertie, 2) l’application, et 3) le changement. Dans le type inertie, les
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utilisateurs utilisent la technologie pour maintenir leur manière de réaliser leur travail,
de faire les choses. Ce qui conduit à un renforcement du statut quo. Ce type qu’est
l’inertie n’entraîne pas de changement dans les pratiques de travail, et de
transformation de l’intranet. Dans le deuxième type qu’est l’application, les
utilisateurs font le choix d’utiliser la nouvelle technologie pour augmenter ou
améliorer leur situation de travail. Ceci débouche sur un renforcement et un
accroissement du statu quo. Enfin dans le troisième type qu’est le changement, les
utilisateurs décident alors d’utiliser la technologie pour modifier leur manière de faire.
Il y alors une transformation du statu quo structurel et des modifications tant dans les
pratiques de travail que dans l’artefact de la technologie.
Cette première partie théorique nous permet de préciser notre question de recherche.
Ainsi l’usage de l’intranet est-elle porteuse de sens du et au travail pour les employés ?
Favorise-t-il l’autonomisation individuelle et organisationnelle ? Quel est le type
d’usage de l’intranet au sein de l’organisation ? Celui-ci a-t-il un impact différent sur
la qualité de vie au travail ?
2. Etude empirique
Pour apporter des éléments de réponse à ces questions de recherche nous avons mis en
œuvre une étude exploratoire auprès des employés d’une entreprise de remontées
mécaniques d’une station de ski dans les Alpes. Après une présentation de notre
méthodologie de recherche qui s’est déroulée en deux étapes : 70 entretiens semi-
directifs et 7 groupes de discussion, nous exposons les résultats de l’analyse textuelle
réalisée avec le logiciel ALCESTE et de l’analyse de contenu, puis nous les discutons
et les mettons en perspective.
2.1. Méthodologie de recherche
L’étude a été menée sur trois saisons hivernales de décembre à mi-avril. Elle a
démarré en 2014 -2015, et s’est poursuivie sur les saisons, 2015- 2016, 2016 -2017.
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90% des employés de l’entreprise de remontées mécaniques concernée sont des


saisonniers. On retrouve chez le personnel permanent : les membres du Comité de
Direction, le responsable du personnel, le responsable marketing et le responsable
financier. Quelques techniciens en charge de la maintenance des remontées
mécaniques et des personnels en charge de la maintenance des pistes font également
partie des permanents. En saison hivernal l’effectif représente 800 personnes, réparties
sur différents métiers : les pisteurs, les pisteurs secouristes, les dameurs, les remontées
mécaniques, la billetterie. Les fonctions supports concernent : la qualité/ sécurité/
environnement, le marketing, le commercial, les ressources humaines, les finances,
l’accueil et les administratifs affectés aux différentes fonctions supports.
Avant le lancement de l’enquête par entretiens et l’organisation des groupes de
discussion, une pré-étude a été menée auprès du comité de direction ainsi que des
représentants du personnel, du Comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT), des
syndicats ainsi que des managers des différents métiers. Elle nous a permis d’obtenir
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l’accord des différentes parties prenantes internes de l’organisation pour réaliser notre
enquête et a mis en évidence que les membres du comité de direction avaient engagé
une politique de qualité de vie au travail dès les années 2005 pour ensuite décider du
développement de l’intranet pour tous les personnels de l’entreprise en 2010. Des
personnes ont été recrutées en interne pour accompagner ce projet, dont le responsable
est le directeur des ressources humaines (annexe 1).
Le principal mode de recueil des données a été celui d’une enquête par entretien semi-
directif auprès de 70 employés de l’entreprise de remontées mécaniques. Les
personnes interviewées sont : le dirigeant, le dirigeant adjoint, le directeur des
ressources humaines, le directeur financier, et 16 managers représentant les métiers de
pisteurs, pisteurs secouristes, dameurs, remontées mécaniques, billetterie,
administratif, services supports, ainsi que 20 responsables d’équipe et 30 employés
dans ces différents métiers de la station. L’âge moyen de la population de l’étude est
de 45 ans. Le guide d’entretien s’est tout d’abord appuyé sur la question ouverte :
« Que pouvez-vous me dire du développement de l’intranet ? » pour ensuite
approfondir, au fil de l’échange, le recueil des discours sur les thématiques du bien-
être, de l’autonomisation et de l’usage de la technologie. Les entretiens ont été
enregistrés puis retranscrits.
Afin d’approfondir les classes de contenu identifiées par analyse textuelle des discours
recueillis par entretien, nous avons également organisé 7 groupes de discussion (focus
group) composés chacun de dix personnes représentant les membres de la direction,
les instances représentatives du personnel, les syndicats, les membres du groupe
projet, les coordinateurs, les managers des différents corps de métiers, ainsi que les
responsables d’équipes des dameurs, des pisteurs, des remontées mécaniques ainsi que
de la billetterie. Les échanges ont été également enregistrés et retranscrits. La
discussion a porté sur les six thématiques ressortant des analyses textuelles et de
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contenu des entretiens ainsi que de la revue de la littérature : 1) l’autonomisation


individuelle, 2) l’autonomisation organisationnelle, 3) le développement des
compétences et l’apprentissage en situation de travail, 4) la culture de l’information
partagée, 5) la qualité des relations avec ses ou son supérieur, 6) la stratégie d’usage de
l’intranet par les utilisateurs.
Les données recueillies par entretiens semi-directifs ont d’abord été traitées par
statistique textuelle grâce au logiciel « Analyse des Lexèmes Co-occurrents dans un
ensemble de Segments de Texte » (ALCESTE). Celui-ci procède à un premier
classement statistique des « phrases » (dites unités de contexte élémentaire ou UCE)
en fonction de la répartition des mots dans ces phrases, afin de dégager les principaux
« mondes lexicaux » ou « espaces référentiels ». Le principe de la méthode est donc le
suivant : le corpus à analyser est découpé en une suite de segments de texte et l’on
observe la distribution des mots pleins dans ces segments d’où le nom de la
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méthode correspondant à l’acronyme ALCESTE. Le total des corpus collectés
représentait 56 pages au format Word en Times New Roman 12 simple interligne. Il
contient 3752 mots distincts et 912 formes réduites. La représentativité est excellente
et le corpus ne présente aucune anomalie au sens de la loi de Zipf (Mandelbrot, 1957).
L’analyse a été ensuite approfondie par une analyse de contenu des phrases types en
appui sur les critères issus de la revue de la littérature.
Les discours recueillis au cours des 7 groupes de discussion ont fait l’objet d’une
analyse de contenu manuelle. Le processus de codage a consisté en deux codages
axiaux et un codage sélectif (Miles et Huberman, 1994 ; Saldana, 2009). Le 1er codage
axial a permis de faire ressortir six thématiques en lien avec les résultats de l’analyse
des entretiens et de la littérature : 1) le développement des compétences et
l’apprentissage en situation de travail, 2) la culture de l’information partagée, 3)
l’autonomisation organisationnelle, 4) la qualité des relations avec ses collègues, 5) la
qualité des relations avec son supérieur, 6) la stratégie d’usage de l’intranet par les
utilisateurs. Le 2ème codage axial, nous a permis d’obtenir cinq catégories : 1) le
déploiement de la stratégie intranet, 2) le sens au travail, 3) l’autonomisation
individuelle, 4) l’autonomisation organisationnelle (annexe 2). Les deux catégories
centrales issues du codage sélectif sont le sens au travail et la stratégie d’usage de
l’intranet.
2.2. Résultats de l’analyse textuelle des entretiens semi-directifs
L’analyse textuelle avec ALCESTE a fait ressortir 3 classes de discours : la perception
de l’intranet par les salariés, l’accomplissement du travail avec l’intranet perçu par les
salariés, l’impact de l’intranet sur le bien-être au travail. Via la classification
descendante hiérarchique, il est ressorti que les classes 1 et 2 possèdent des affinités
non fortuites et un regroupement a été effectué. Deux grandes catégories ont été ainsi
constituées : 1-2 et 3. Celles-ci correspondent aux deux dimensions de la qualité de vie
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au travail, respectivement l’autonomisation et le bien-être.


Concernant la première catégorie, il existe en effet une corrélation entre les classes 1 et
2 (tableau 3). L’analyse de contenu des phrases types de la catégorie obtenue fait
ressortir une correspondance avec la dimension d’autonomisation, aussi bien
individuelle qu’organisationnelle.
Tableau 3 : La catégorie « Autonomisation » regroupant les classes 1 et 2
Classe 1 (37% des UCE) : Perception de Classe 2 (31% des UCE) : Accomplissement
l’intranet par salariés du travail avec l’intranet perçu par les salariés
Formes UCE dans la Khi2 Formes réduites UCE dans la Khi2
réduites classe classe
Travail 91 333 Améliorer 78 128
Intranet 82 328 Participe 72 126
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Qualité 71 344 Satisfaisant 69 119
Vie 68 292 Echange 67 107
Personnel 63 285 Exprimer 58 106
Fait 56 276 Niveau 55 99
Neige 55 268 Précis 48 86
Besoin 48 241 Proposition 46 75
Mettre 42 239 Transmission 43 74
Formation 39 227 Savoir 39 70
Outil 38 208 Information 36 69
Culture 37 192 Equipe 32 65
Prendre 35 188 Projet 28 58
Apporter 33 174 Déployer 26 54
Démarche 29 168 Identifier 23 50
Pratique 27 159 Collaboration 19 48
Relation 23 148 Communication 17 43
Permettre 19 115 Besoin 15 38
Autonomie 17 102 Sécurité 14 34

Le lien entre l’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail a été conforté. Il ressort,
par exemple, explicitement des phrases types suivantes :
« Nous avons été associés très en amont sur la démarche de qualité de vie au travail, et sur
l’intranet qui est un outil de soutien de la qualité de vie au travail ».
« L’intranet ne doit pas remplacer les relations interpersonnelles, par contre l’outil doit
développer le bien-être et le professionnalisme de chaque personne ».

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L’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail. Une étude auprès des employés
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Les termes des classes 1 et 2 associés à l’autonomisation individuelle concernent :


l’autonomie, le développement des compétences et l’apprentissage en situation de
travail. Ceux associés à l’autonomisation organisationnelle sont : communication,
l’accès aux informations.
La classe 3 fait plus particulièrement ressortir le lien entre la mise en place de
l’intranet et la dimension « bien-être » de la qualité de vie au travail. Dans le tableau 4,
nous présentons les formes réduites.
Tableau 4 : La catégorie « intranet et bien-être » correspondant à la classe 3
Classe 3 (32 % des UCE) : Impact de l’intranet sur le bien-être au travail
Formes réduites UCE dans la classe Khi2
Arriver 63 55
Directeur 61 45
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Année 56 39
Ski 50 37
Début 43 35
Saison 42 33
Solution 40 29
Rester 38 27
Assimiler 36 25
Régulier 31 20
Dépendre 30 18
Dialogue 28 16
Encadrer 25 15
Epanouir 23 12
Dialoguer 18 10
Consulter 17 8
Appliquer 16 7
Accompagner 15 6
Formaliser 14 5

Comme le soulignent les phrases types issues de cette classe 3, un style de


management associé au recours à l’intranet dans un objectif de développement de la
qualité de vie au travail ressort de l’analyse textuelle avec ALCESTE. Ce style de
management est plus particulièrement centré sur le dialogue et la coopération.
« Grâce à l’intranet, les personnels peuvent énoncer en temps réel les problèmes et parfois
trouver rapidement des solutions en consultant les bonnes pratiques ; si ce n’est pas possible,
alors si le problème est récurrent, et concerne beaucoup de collègues, et les salaries se
rencontrent pour trouver ensemble des solutions ».

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L’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail. Une étude auprès des employés
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« L’intranet nous permet, chaque saison de ski, d’accompagner les salariés dans leur travail
en leur permettant de dialoguer et de bien assimiler les missions de leur poste. Cela permet
aussi de les consulter rapidement et de mieux les accompagner ».
2.3. Résultats de l’analyse de contenu des groupes de discussion
Les résultats principaux de l’analyse des discours recueillis lors des groupes de
discussion concernent les deux catégories centrales issues du codage sélectif : le sens
au travail et la stratégie d’usage de l’intranet.
Concernant le sens au travail, plusieurs dimensions définies par Morin (2008) étaient
déjà ressorties de l’analyse textuelle réalisées avec ALCESTE : l’autonomie, les
occasions d’apprentissage, la coopération, la qualité des relations avec son supérieur.
Elles ont également émergé de l’analyse de contenu des discours recueillis lors des
groupes de discussion.
« Il s’agit de consolider le développement de l’autonomie des salariés, et de leur faciliter
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l’accès aux informations dont ils ont besoin pour réaliser, et participer à un travail
collaboratif au sein des équipes et entre les équipes sur les bonnes pratiques » (direction).
De plus, la perception que l’intranet permet de renforcer le sens au travail a été
clairement exprimé dans les groupes de discussion. Ainsi, dans les propos que nous
avons enregistrés, l’intranet est considéré comme favorisant le partage des valeurs. Il
permet également de multiplier les situations d’échanges professionnels, au cours
desquelles les expertises de chacun se trouvent explicitées et sollicitées ouvertement,
ce qui développe le sentiment de réaliser un travail utile. Cela correspond à deux
autres dimensions du sens au travail définies par Morin (2008) : l’utilité sociale et la
rectitude (tableau 1).
« L’intranet nous permet de communiquer sur les valeurs de professionnalisme, de respect, de
solidarité et de confiance. Ça fait du bien de pouvoir faire son travail en pensant qu’il est
utile aux autres » (coordinateur).
La seconde catégorie centrale de l’analyse de contenu des échanges lors des groupes
de discussion concerne les stratégies d’usage de l’intranet. Pour les qualifier nous nous
sommes référés aux travaux d’Orlikowski (2000) distinguant : l’inertie, l’application et
le changement. Cinq groupes d’utilisateurs ressortent. Le premier groupe est composé
des responsables d’équipe : il est dans une stratégie d’inertie. Les managers des
équipes forment le second groupe. Le troisième groupe rassemble les coordinateurs.
Les deuxième et troisième groupes sont dans une stratégie d’application. L’ensemble
des personnels en relation avec les membres du groupe projet et les coordinateurs
forment le quatrième groupe. Le cinquième groupe est composé des membres du
comité de direction (Codir), les membres du CHSCT, les membres du comité
d’entreprise et les syndicats. Ces deux derniers groupes sont dans une stratégie de
changement.

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L’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail. Une étude auprès des employés
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La stratégie d’usage d’intranet du premier groupe des superviseurs est donc celle de
l’inertie. En qualité d’accompagnateur de la technologie intranet, ils l’utilisent pour
maintenir la qualité de vie au travail.
« L’utilisation de l’intranet permet de consolider les valeurs de professionnalisme et la
personne, ainsi que l’autonomie et le travail collaboratif » (responsable d’équipe).
Le second groupe composé par les managers et les coordinateurs sont dans une
stratégie d’application afin d’améliorer leur situation de travail. Les managers
considèrent que l’outil contribue à responsabiliser les employés qui adoptent des
comportements de sécurité et de fiabilité. De plus, ils estiment que l’intranet améliore
leurs relations avec les collègues et leur situation de travail.
« Les employés sont dispersés , ce qui pose un gros problème, car je ne peux pas être sur tous
les sites de la station en même temps, là avec l’intranet, ils peuvent énoncer en temps réel les
problèmes et parfois trouver des solutions rapidement en consultant les bonnes pratiques ;
quand ce n’est pas possible, alors si le problème est récurrent et concerne beaucoup de
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collègues, on se rencontre pour trouver des solutions et ensuite, elles sont entrées dans
l’intranet, moi je dois dire que ça me facilite la tâche et c’est bien plus agréable de travailler,
de discuter avec des collègues qui deviennent de plus en plus compétents » (manager).
Les coordinateurs chargés de mettre en place les supports de partage de connaissances
et de compétences des différents métiers déploient une stratégie d’application. Ils
voient dans l’usage de l’intranet l’opportunité de développer leurs compétences et
l’utilité de leur travail.
« Nous pouvons effectivement mobiliser nos compétences relationnelles, […] mais pour que
ça fonctionne avec les collègues, il est nécessaire de leur apporter des réponses pratiques à
des problèmes. Bien sûr, nous n’avons pas les solutions, ce sont eux qui les détiennent, et
c’est en communiquant en face à face et ensuite via l’intranet, que nous les formalisons. Nous
pouvons mieux agir sur notre organisation et nous adapter en fonction de la situation, et des
périodes de la saison, et puis ça fait du bien de pouvoir faire son travail en pensant qu’il est
utile pour les collègues » (coordinateur nommé hors hiérarchie).
Le quatrième groupe, composé des employés, et le cinquième groupe, rassemblant le
Codir et les instances représentatives du personnel, développent tous deux une
stratégie de changement. L’usage de l’intranet contribue à l’autonomisation
individuelle, ainsi qu’à l’autonomisation organisationnelle. De plus, pour les
employés, l’usage améliore les relations avec leurs responsables hiérarchiques.
« Oui, c’est un outil que j’utilise, je peux faire remonter des informations sur les problèmes
que j’ai pour garantir la sécurité et la fiabilité, et je peux aussi lire et discuter les
propositions d’autres collègues, c’est un outil efficace, car nous sommes dispersés et quand il
y a un problème, je n’ai pas toujours la solution alors c’est vrai que pour moi c’est une bonne
chose. Et puis ça apprend à mieux connaître nos collègues, les coordinateurs nous apportent
une aide efficace, car c’est vrai, on est souvent confronté à des petits grains de sable, et en
formalisant les solutions et le processus d’analyse du problème, j’ai le sentiment d’être plus
compétent ; mes relations avec mon chef changent aussi, il me fait confiance et ça c’est
important pour moi. » (employé des remontées mécaniques et des services supports).

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L’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail. Une étude auprès des employés
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« Lors de nos réunions, nous évaluons ce qui marche bien et ce qu’il faut améliorer en tenant
compte de la nature des actions à mettre en place : curative, corrective, préventive. Nous
utilisons la roue de Deming et maintenons le cap sur notre stratégie de bien – être au travail
et sur l’objectif de l’intranet ; si bien que pour tenir les personnels informés sur les bonnes
pratiques, nous nous sommes rendus compte qu’il ne fallait pas tant agir sur le design mais
davantage sur le contenu de la communication en écrivant avec les mots, la sensibilité du
collaborateur, ça passe mieux et le travail collaboratif se développe peu à peu » (manager).
Il est ressorti essentiellement de l’analyse des échanges dans les groupes de discussion
que pour les employés, l’intranet est pourvoyeur de sens au travail et qu’il représente
une source d’autonomisation individuelle et organisationnelle. Leurs perceptions
rejoignent celles du comité de direction et des instances représentatives du personnel
pour considérer que l’usage d’intranet est un levier de changement permettant de
développer la qualité de vie au travail.
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Conclusion et mises en perspectives des résultats
Nos résultats ont mis en évidence que dans l’entreprise de remontées mécaniques de
l’étude, les différentes personnes interrogées au cours des entretiens ou lors des
groupes de discussion reliaient la mise en place de l’intranet au développement de leur
bien-être, du sens au travail et à la satisfaction de leurs attentes d’autonomisation
individuelle et organisationnelle. L’intranet est même considéré par les employés, le
comité de direction et les instances représentatives du personnel comme une
opportunité de changement pour modifier en profondeur les pratiques sociales en
faveur de la qualité de vie au travail. Non seulement l’usage de cette technologie ne
détériore pas la qualité de vie au travail mais elle l’améliore et en favorise le
développement, du moins dans son impact perçu par la population de l’étude.
En référence à Giddens (1987), nous retrouvons ainsi des effets de l’intranet sur la
qualité de vie au travail à deux niveaux : individuel et structurel. Le niveau individuel
considère le sens que la personne donne à une technologie lorsqu’elle l’utilise. Le
deuxième niveau montre l’évolution ou le renforcement des structures de
l’organisation à travers l’usage de l’outil dans le contexte de l’organisation. Giddens
(1987) soulignait également que ce sont les pratiques sociales des personnes qui sont à
l’origine de l’organisation, et que ces pratiques sociales peuvent maintenir
l’organisation en place, ou un changement de pratique aussi infime soit-il, peut avoir
un effet durable sur la transformation des éléments de la structure. Seule la poursuite
de l’étude sur les années à venir permettra de le confirmer, ceci d’autant plus que le
turn-over au sein de la station de ski reste important. Ainsi le développement des liens
sociaux favorisé par l’intranet sur une saison se renouvelle-t-il systématiquement tous
les ans ? Plus globalement, l’impact positif sur la qualité de vie au travail de la mise en
œuvre d’un intranet est-il durable, ou bien correspond-il à un effet de nouveauté du
même ordre que celui observé par le courant des relations humaines (Mayo, 2003) ?

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Enfin l’étude comporte des limites liées aux spécificités de l’organisation dont les
employés sont notamment fortement dispersés, mais aussi à la volonté du comité de
direction affichée depuis 2005 de mener à bien un projet recourant à l’intranet pour
améliorer la qualité de vie au travail. Ainsi, nous n’avons pas relevé de termes négatifs
et nos résultats soulignent en partie l’importance d’associer les employés aux
démarches innovantes pour susciter leur adhésion. Malgré tout, l’intranet peut susciter
des réticences et générer par exemple une surcharge informationnelle, ce qui est un
facteur de mal-être au travail (Morin, 2008). Les employés peuvent ressentir alors un
sentiment d’impuissance à l’utiliser efficacement et à interpréter tous les messages
reçus en permanence. De plus, plusieurs travaux ont montré que l’usage de la
technologie doit être soutenu par des pratiques de rémunération ou de reconnaissance
appropriées valorisant le partage de l’information et un mode de travail collaboratif.
L’usage de l’intranet par le personnel présente ainsi des facettes différentes selon les
pratiques managériales de l’entreprise et les comportements des personnels (Curry et
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Stancich, 2000 ; Hall, 2001 ; Currie et Kerrin, 2004). Dans l’entreprise de l’étude, tous
les acteurs organisationnels et l’ensemble des pratiques de management convergeaient
pour favoriser l’usage de l’intranet. Il serait pertinent de prolonger la recherche, par
une étude de l’impact de l’intranet sur la qualité de vie au travail dans d’autres
exploitation de stations de ski et plus globalement dans d’autres types d’organisation,
y compris celles dont la direction est réticente à en développer l’usage. En effet, l’une
des conditions que nous pourrions postuler pour que l’intranet devienne un véritable
outil de développement du bien-être au travail et de l’autonomisation individuelle et
organisationnelle, est que l’amélioration de la qualité de vie au travail corresponde à
une volonté partagée par l’ensemble des parties prenantes.

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L’usage de l’intranet et la qualité de vie au travail. Une étude auprès des employés
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Annexe 1 : Le projet Intranet/Qualité de vie au travail


Etapes Périodes Personnels Méthode
concernés
1ère étape : Qualité A partir de 2005 Membres du Réunion
de vie au travail Codir, CHSCT, Concertation
syndicats
2ème étape : A partir de 2010 DRH Concertation
intranet et qualité
de vie au travail
Description de la 2ème étape
Constitution d’un A partir de 2010 Représentatif des Entretiens, réunions
groupe de 20 différents métiers
salariés
Coordinateurs Dans la saison Désignés par leurs Cooptation
hors hiérarchie suivante collègues
Managers des Dans la saison Tous les Réunions, relations
différents équipes suivante personnels informelles

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Annexe 2 : Le processus de codage des discours des groupes de discussion


Verbatim 1er codage axial 2ème codage axial
« L’intranet ne doit pas remplacer les relations inter- Vision partagée Processus de déploiement de
personnelles, nous souhaitons que l’outil contribue à l’outil, usage de l’outil
améliorer le bien-être, le professionnalisme et les
échanges entre les personnes »
« C’est nécessaire d’impliquer les personnels et de les Vision partagée et Processus de déploiement de
faire travailler ensemble avec les consultants » implication l’outil
« Il s’agit de consolider le développement de l’autonomie Vision partagée Sens au travail
des salariés, et de leur faciliter l’accès aux informations
dont ils ont besoin pour réaliser, et participer à un travail
collaboratif au sein des équipes et entre les équipes sur les
bonnes pratiques »
« Depuis quelques années la Direction mène une politique Ecoute des besoins Processus de déploiement de
de bien –être au travail et prend en compte nos besoins et l’outil et usage de l’outil
ceux de nos collègues pour faire un travail bien fait. »
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« Si vous voulez vous mettre en sécurité et assurer la Travail bien fait Autonomisation individuelle
sécurité des skieurs, il faut prendre des initiatives. A la fin Utilité du travail
de la journée, je sais que j’ai fait du bon travail ».
« C’est vrai que le manager a du mal à ce que nous Travail bien fait, Autonomisation individuelle
prenions des initiatives sans le lui demander, je pense bonnes pratiques et et organisationnelle et usage
qu’avec l’intranet, tout le monde verra que chacun est autonomie de l’outil
obligé de s’ajuster, cela signifie bien sûr que chacun joue
le jeu en mettant les solutions sur l’intranet »
« Etre autonome, c’est aussi une bonne chose pour soi et Sentiment d’utilité, Autonomisation individuelle,
les autres, moi je peux me sentir utile et j’apprends et mes estime de soi sens au travail, sens du travail
collègues me font des retours positifs, mon manager aussi
de temps en temps »
« L’intranet peut devenir un très bon moyen de Sentiment d’utilité, Amélioration du bien – être au
communication et d’échanges avec les collègues ; et puis estime de soi travail des managers,
l’outil apporterait davantage de confort car les équipes Autonomisation
sont dispersés et pour les rencontrer c’est difficile, bien organisationnelle, usage de
sûr les réunions sont à prévoir mais je pense que nous l’outil
pourrons aborder ensemble les problèmes, les solutions,
discuter du travail, et le reconnaître »
« L’intranet nous permet de communiquer sur les valeurs Sentiment d’utilité, Autonomisation individuelle
de professionnalisme, de respect de solidarité et de estime de soi et organisationnelle et usage
confiance. Ça fait du bien de pouvoir faire son travail en de l’outil
pensant qu’il est utile aux autres »
« Etre autonome, c’est aussi une bonne chose pour soi et Sentiment d’utilité, Autonomisation individuelle,
les autres, moi je peux me sentir utile et j’apprends et mes estime de soi sens au travail, sens du travail
collègues me font des retours positifs, mon manager aussi
de temps en temps »

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