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Biographie Lat Dior

Lat Dior Ngoné Latyr Diop (1842-1886) est considéré comme un héros national1 au
Sénégal. Ancien souverain (damel) du Cayor, d'abord Thieddo, puis converti à l'islam
sous l'influence de Maba Diakhou Bâ, c'est l'une des grandes figures de la résistance à la
pénétration coloniale française, au même titre que El Hadji Oumar Tall, Samory Touré,
Mamadou Lamine Dramé, Maat Sine Coumba Ndofféne Famak Diouf (également connu
comme Bour Sine Coumba Ndofféne Famak Diouf) et Alboury Ndiaye.

Fresque sur le mur d'une usine à Bel-Air (Dakar)

Conscient des enjeux pour le royaume du Cayor, Lat Dior s'est farouchement opposé à la
mise en place d'une liaison ferroviaire entre Dakar et Saint-Louis et à l'implantation de
l'arachide. Après une série d'affrontements sanglants avec les troupes de Faidherbe et de
Pinet-Laprade, mais aussi quelques alliances ponctuelles, il a mené un dernier combat
sans espoir à Dekhele2 et y a laissé la vie le 27 octobre 1886 – d'où cette phrase prêtée à
Faidherbe, « Ceux-là, on les tue on ne les déshonore pas », qui est aujourd'hui la devise
de l'armée sénégalaise (« On nous tue, on ne nous déshonore pas »)[réf. nécessaire].

Fils de Sakhéwer Sokhna Mbaye Diop et de la Linguère Ngoné Latyr Fall, Lat Dior
Ngoné Latyr Diop est né en 1842 à Keur Amadou Yalla, au nord-est du Cayor. Il
appartenait à la noblesse de l'ethnie Lébous, les garmi. Il descendait de la branche des
nobles guedj, qui trouvent leur origine chez le Tiédos Get Ndiaye, l'ancêtre des Diop, lui-
même descendant de Ndiadiane Ndiaye, fondateur de l'empire du Djolof. Selon une
coutume Sérères en usage à l'époque, pour identifier le lignage utérin, Lat Dior a hérité
du prénom de sa mère, Ngoné3.

Lat Dior commence à inquiéter les Européens lorsque ceux-ci veulent réaliser la jonction
entre les villes de Saint-Louis et de Dakar. Mais pour y parvenir, il leur faut conquérir le
royaume du Cayor. C'est ainsi que Lat Dior Ngoné Latyr Diop devient un adversaire des
Européens.

Tout commence en 1856, alors que le Cayor a pour damel Birima Ngoné Latyr Fall son
demi-frère. Les Européens lui demandent la permission d'installer une ligne
télégraphique entre Saint-Louis et Dakar. Il refuse d'abord, mais, compte-tenu de la
situation du Cayor en proie à la guerre civile, et de la sienne, menacée par les musulmans
du Ndiambour exigeant son départ, il accepte finalement, croyant qu'ainsi les Européens
l'aideront, lui et sa famille, à conserver le pouvoir. Birima meurt en 1859, avant la
signature de l'accord.

Après la mort de Birima, un nouveau damel est élu par le conseil des grands électeurs,
Macodou Coumba Yandé Mbarrou. Macodou ayant refusé l'offre que les Européens
avaient faite au damel précédent, Louis Faidherbe décide de chasser le damel Macodou,
qui était contre ses intérêts. Les Tiédos de Macodou et l'armée de Faidherbe s'affrontent
lors de la bataille de Gatty. Faidherbe perd la bataille, mais il revient à la charge un mois
plus tard et cette fois le damel Macodou est vaincu à la bataille de Kouré. Guelwar par sa
mère, privé du soutien des siens, Macodou s'enfuit au Saloum, gouverné par un membre
de sa famille. Faidherbe exécute l'accord et la jonction entre Saint-Louis et Dakar est
réalisée. Il en profite également pour annexer quelques provinces.

Madiodio Déguène Codou, soutenu par Faidherbe, est élu par les grands notables du
Cayor. Faidherbe et sa suite assistent même à son intronisation, dans la capitale du
Cayor, à Mboul. Lat Dior, qui briguait aussi le titre de damel, est très déçu par le choix
des électeurs, car Madiodio est très favorable aux Français. C'est pour ces raisons que Lat
Dior décide de commencer la lutte pour se rendre maître du Cayor et renvoyer
définitivement les colons français. Lat Dior et ses partisans, écrasent Madiodio et les
Français à la bataille de Coki en 1861. Cependant Madiodio est aussitôt soutenu par le
gouverneur Jauréguiberry qui tente de le remettre au pouvoir, mais Madiodio ayant perdu
en crédibilité auprès du peuple, Lat Dior en profite pour le chasser définitivement du
Cayor.

À partir de là, Lat Dior commence à envoyer des émissaires aux royaumes voisins
jusqu'au royaume du Trarza en Mauritanie et les invite à lutter contre la pénétration
française. Comme Lat Dior a réussi à établir de bonnes relations avec les royaumes
voisins, les colons décident de ne pas trop intervenir, car ils craignent un soulèvement
général.

Après s'être absenté, Faidherbe revient au Sénégal et décide de chasser Lat Dior et de
rétablir Madiodio. Madiodio est rétabli sur le trône et cède à la France les provinces du
grand Ndiambour, le Saniokhor et le Mbawar. Lat Dior, ses tiédos et ses partisans,
unissent leurs forces en vue d'une guérilla. Le sachant, Madiodio demande l'aide des
Français. Le 29 décembre 1863, une expédition composée de 140 soldats français
appuyés par plusieurs centaines de partisans de Madiodio, commandée par Madiodio et le
capitaine du génie Lorens marche contre Lat Dior. Prévenu, celui-ci lui tend une
embuscade à Ngogol et l'anéantit: c'est sa première grande victoire.

Lat Dior tente de nouveau de rallier les royaumes voisins à sa cause en les informant de
sa victoire sur les Français à Nngolgol. Faidherbe charge Pinet-Laprade de rétablir la
situation en faveur des Français. Lat Dior se rend dans le nord du Cayor, au Ndiambour,
pour inciter au combat les musulmans ainsi que les souverains du Trarza en Mauritanie.
Pinet-Laprade ruine ses projets d'alliance. Lat Dior envoie sa famille et ses biens au Baol.
Pinet-Laprade razzie les villages partisans de Lat Dior.

Les tiédos de Lat Dior et les spahis de Pinet-Laprade se rencontrent à Loro : c'est la
bataille de Loro. Mais devant la supériorité numérique et des armes, Lat Dior bat en
retraite. C'était le 16  janvier 1864.

Après cette victoire française, Madiodio Déguène Codou est remis au pouvoir. Avec lui,
les Français annexent le Cayor en 1865. Mais tant que Lat Dior est encore en vie, les
Français ne se sentent pas en sécurité au Cayor.

Lat Dior s'exile au Sine où il demande l'asile politique au roi sérère animiste, Maat Sine
Coumba Ndofféne Famak Diouf (également connu comme Bour Sine Coumba Ndofféne
Famak Diouf), qui accepte de l'aider, mais lui impose de rudes conditions.

Lat Dior va donc au Saloum, où règne avec le titre d'almamy le marabout Maba Diakhou
Bâ, disciple de El Hadji Omar Tall. Celui-ci accepte d'aider Lat Dior dans sa lutte à
condition qu'il se convertisse à l'islam. Lat-dior, qui était de religion tieddo ou ceddo, se
convertit donc à l'islam sous le nom de Silmakha Diop, mais se met alors à dos une
bonne partie de ses tiédos, très attachés à l'animisme. Demba War Sall, le farba kaba,
chef des tiédos de Lat Dior, se retourne contre lui pour toujours et participera à sa chute.
Lat-dior rencontrera le fondateur de la confrérie musulmane soufi venu du Baol, Cheikh
Amadou Bamba.

Maba Diakhou Bâ fera de Lat Dior le général de son armée, et Lat Dior l'aidera dans ses
combats. Ensemble ils marcheront sur le Sine, le Baol et le Djolof. Pinet-Laprade et ses
spahis se rendent au Saloum pour rencontrer Maba et Lat Dior : c'est la bataille du Rip, le
30 novembre 1865. Pinet-Laprade perd énormément d'effectifs, mais réussit à les
dissuader. Maba Diakhou Bâ est tué peu de temps après, en 1867, en allant combattre le
Maat Sine Coumba Ndofféne Famak Diouf.

Après la mort de Maba, Lat Dior revient au Cayor, où il trouve les maladies, les
invasions de sauterelles, la guerre civile, la famine. Lat Dior en rejette la responsabilité
sur les colons et la population voit en Lat Dior un espoir, alors que les colons
commencent à être de plus en plus mal vus. Pinet-Laprade cède quelques territoires à Lat
Dior pour apaiser la situation, mais celui-ci refuse, car il souhaite récupérer le Cayor tout
entier.

Lat Dior, musulman, s'allie avec l'almamy du Fouta-Toro, Cheikhou Amadou, qui est
également l'ennemi des Français et qui le rejoint avec son armée à Mekhe, au Cayor :
c'est la bataille de Mekhé. Les Français sont battus le 3 juillet 1869. Pinet-Laprade meurt
du choléra le mois d'août suivant. Lat Dior, commençant à prendre de la hauteur ?, razzie
les provinces qui lui sont hostiles, le Saniokhor et le Diander. Avec son armée il se rend à
Louga où il rencontre les troupes françaises. Un combat sanglant a lieu et Lat Dior se
retire. Les pertes sont nombreuses, malgré cela il réussit à dissuader les colons.
Le 12 janvier 1871 Lat Dior Ngoné Latyr Diop est reconnu par tous comme le damel du
Cayor. La France est affaiblie par la guerre avec l'Allemagne et Lat Dior en profite pour
annexer le Baol et cumuler les titres de damel et de teigne. En 1874, le Toucouleur
Cheikhou Amadou attaque le Djolof et prend le titre de bourba. Il attaque le Cayor, mais
Lat Dior entretient désormais de bonnes relations avec la France, en particulier avec le
colonel Brière de l'Isle. En janvier 1875, ils combattent ensemble Cheikhou Amadou et
l'écrasent. Lat Dior et les tiédos entretiennent des hostilités. Ceux-ci refusent que le
damel Lat Dior transfère la capitale à Keur Amadou Yalla. Finalement, avec la médiation
du colonel, la capitale reste a Mboul.

Ligne ferroviaire Dakar-Saint-Louis sur une carte de 1901

En 1879 Lat Dior signe un contrat avec les Français pour la construction d'une ligne de
chemin de fer Dakar-Saint-Louis, mais en 1880 Lat Dior se rend compte que ceci
pourrait affaiblir son autorité. Il déclarera la guerre aux Français si la construction du
chemin de fer est maintenue. Il refuse également l'implantation de la culture de l'arachide,
car il estime que cela donnerait aux Français de nouvelles chances d'imposer leur
domination et de rester au Sénégal. En 1882, Lat Dior, toujours damel du Cayor
indépendant, est soutenu par un membre de la famille royale, Samba Laobé Fall.
Ensemble ils déplacent les populations des zones où le tracé de la voie a été effectué. Lat
Dior recherche à nouveau l'aide du Djolof, du Fouta et du Trarza, mais le général
Serviatus envoie une colonne contre lui. Lat Dior se réfugie au Baol.

Au Cayor un nouveau damel est intronisé avec le soutien de la France, Amadi Ngoné
Fall, favorable aux colons. Ce damel signera pour la ligne de chemin de fer. Lat Dior et
son neveu Samba Laobé Fall entreprennent la guérilla au Cayor, mais sont vaincus par le
général Dodds en mai 1883. Le damel Amadi Ngoné Fall est déchu du pouvoir et il est
remplacé par Samba Laobé Fall. La ligne ferroviaire est inaugurée en juillet 1885.

Au Djolof Bouna Alboury Ndiaye est roi. Il soutient Lat Dior qui est de la même famille
que lui et lui donne l'asile. Alboury lutte également contre la pénétration française. Il
entre en conflit avec Samba Laobé Fall, damel du Cayor. La France aide le damel et les
deux parties se rencontrent. Samba Laobé Fall est battu le 6 juin 1886. Alboury tente
d'envahir le Cayor, mais finalement Samba Laobé Fall propose à Alboury une importante
somme d'argent pour les dommages de guerre. Samba Laobé Fall part à Tivaouane, où il
demande aux riches commerçants français une aide financière, mais les esprits
s'échauffent et Samba Laobé Fall est tué le 6 octobre 1886. Comme il n'y a plus de damel
au Cayor, la France impose donc son protectorat. Le Cayor est divisé en six provinces, et
Demba War Sall est appelé à la présidence des provinces, ainsi que ses frères.

Lat Dior Ngoné Latyr Diop et son armée se rendent à Dékhélé pour combattre les colons
français et son ancien fidèle compagnon le farba kaba, chef des tiédos, Demba War Sall
et son armée. Ce fut le 27 octobre 1886. Quoique brève, la bataille est sanglante et très
impressionnante, également tragique, d'une rare violence d'après les récits des colons. Lat
Dior est tué vers 11 heures, avec deux de ses fils et bon nombre de ses partisans4.

Postérité

Émis en 1981 et en 1986 (à l'occasion du centenaire de sa mort), deux timbres sénégalais


célèbrent la mémoire de Lat Dior.

En 1982, l'artiste fondeur Issa Diop5 a réalisé une statue en bronze de Lat Dior monté sur
son cheval Malaw. D'une hauteur de 3,5 mètres, elle a été érigée à Dakar, à l'entrée
principale du CICES (Centre international du commerce extérieur du Sénégal).

Un stade porte son nom à Thiès ainsi que le nouveau Palais de Justice de Dakar.

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